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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Sommaire

    agriculture

    Débat des candidats : le fact-checking Le fact-checking détaillé du débat que nous avons organisé avec les candidats aux européennes

    Introduction Cet article rend compte des inexactitudes factuelles et déformations prononcées lors du débat électoral européen du 22 mai 2024, organisé par l’Institut Rousseau, en partenariat avec Alternatives économiques, Vert, le média et l’école des Mines de Paris. Ce débat a fait intervenir : – Jean Marc Germain (PS – Place Publique) – Pascal Canfin (Re) – Marina Mesure (LFI) – Flora Ghebali (Les Écologistes) La cellule de fact-checking, tant en live qu’à l’issue du débat a été co-animée par l’Institut Rousseau et QuotaClimat. Elle était composée de : – Guillaume Kerlero de Rosbo, directeur Transition écologique de l’Institut Rousseau – Jean Sauvignon, responsable baromètre de l’association QuotaClimat – Titouan Rio, bénévole QuotaClimat – Lucien Mathieu, responsable voitures à Transport & Environnement (sujet Transport) – Nicolas Desquinabo, expert en politiques publiques (sujet Logements) – Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’INRAE (sujets Agriculture) – Serge Besanger, enseignant-chercheur à l’ESCE (sujets Commerce International) – William Honvo, professeur d’économie et de finances publiques (sujets Financement) – Nicolas Dufrene, directeur de l’Institut Rousseau (sujet Financement) – Philippe Ramos, chargé de plaidoyer à Positive Money Europe (sujets Financement) Le débat dans son intégralité est à retrouver ici : Europe, climat, économie : le débat des candidats (version avec fact-checking). Des bandeaux annonçant les fact-checking détaillés ci-dessous sont intégrés à la vidéo. Sur le sujet des Transports LFI – Marina Mesure L’UE favorise la route et l’aviation. La privatisation du ferroviaire a engendré une augmentation du prix des billets et une disparition des petites lignes. 15’12’’ – Inexact : privatisation et libéralisation sont deux choses différentes. La mise en concurrence imposée par l’UE n’implique pas forcément une privatisation, qui relève de l’autorité publique nationale. Cette mise en concurrence peut dans certains cas faire monter les prix, mais elle peut également les faire baisser. Au Royaume-Uni, les prix ont très fortement augmenté mais suite à une privatisation totale du ferroviaire sans soutien de l’Etat sur le prix des billets. Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/vrai-ou-fake-l-ouverture-du-rail-a-la-concurrence-fait-elle-baisser-le-prix-des-billets-de-trains_5885759.html&sa=D&source=docs&ust=1716487803230386&usg=AOvVaw35z1qZVXvEO5PmGFG7k3go   Propose un pass interrail européen pour les jeunes 16”12 – À préciser (déjà existant) : le pass interrail européen pour les jeunes existe déjà PS – PP – Jean-Marc Germain La libéralisation du fret a engendré baisse des flux et hausse des prix. 18’38’’ – Incomplet : la libéralisation n’est pas seule en cause dans la baisse des flux et la hausse des prix, le manque d’investissement et les gains en compétitivité du secteur routier sont également responsables. Source : https://www.transportenvironment.org/topics/rail&sa=D&source=docs&ust=1716495334742427&usg=AOvVaw0nlNsDEmrnpj5WgXjdVLIC   Renaissance – Pascal Canfin Il n’y a aucune chance que la fiscalité sur le kérosène se réalise car il y a toujours un pays qui sera contre. L’aviation a donc été intégrée dans le marché du CO2 en se servant de la majorité qualifiée pour éviter le droit de véto, une raison de la fin du régime dérogatoire. 25’42’’ – Vrai, à nuancer : en effet, le droit de véto peut bloquer une fiscalité globale. Plusieurs pays peuvent en revanche se mettre d’accord pour les vols les concernant. De plus, les Etats peuvent fixer une éco-contribution sur les billets au départ de leur territoire, comme c’est le cas en France depuis 2019. Dans ce cas, c’est du ressort de la politique nationale. Sources: https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2022/07/I4CE-Etude-EvalClimat360%25C2%25B0BudgetEtat-1.pdf&sa=D&source=docs&ust=1716486511321690&usg=AOvVaw1InvZzI0Dee3Lg4KBbZSXr https://www.ouest-france.fr/economie/transports/avion/leurope-ne-parvient-pas-a-taxer-le-kerosene-des-avions-la-france-quelle-le-fera-seule-9f51aa9a-3149-11ee-895b-b99bc8a96af7&sa=D&source=docs&ust=1716493721638038&usg=AOvVaw3Y6jZo-pwqEvAgdR8biJJC Sur le sujet des Logements Renaissance – Pascal Canfin Personne ne dépensera 40 000€ pour développer un patrimoine qui en vaut 100 000€ 31’46’’ – Faux : Dans le cas (rare) des petites maisons « passoires » à 100 000 euros, il y a justement une forte rationalité économique à engager une rénovation « profonde » de 40 000 euros car : Selon l’étude des notaires sur la valeur verte, les biens passant d’une étiquette F-G à B bénéficient d’une valorisation de 20 à 36% https://www.notaires.fr/fr/actualites/la-valeur-verte-des-logements-en-2022-et-tendances-2023 Dès le premier hiver, les gains sur les factures énergétiques pourront dépasser 1500 euros/an (ex. I4CE pp.22-23) https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2023/10/La-transition-est-elle-accessible-a-tous-les-menages.pdf Le frein principal à ces travaux est qu’ils concernent principalement des ménages modestes sans épargne ni accès au crédit, d’où les aides et avances « Sérénité / Rénovation d’ampleur » puis « Parcours accompagné » mis en place par…Renaissance en France https://www.economie.gouv.fr/particuliers/maprimerenov-parcours-accompagne-tout-savoir-sur-cette-aide https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35083 Quand Emmanuel Macron est arrivé à l’Élysée, 80% de Ma Prime Rénov profitait aux ménages riches, aujourd’hui c’est 80% pour les ménages précaires, essentiellement grâce aux réformes du gouvernement. 33’09’’ – Faux : en 2023 70% des bénéficiaires de Ma Prime Rénov’ étaient des ménages “modestes”, mais seulement 46% des “très modestes”, correspondant donc aux 80% pour les ménages “précaires” annoncés. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/20230127_Reporting-MPR-filiere-bilan-2022.pdf https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-01/202401_ChiffresCles2023_WEBA.pdf   Les Écologistes – Flora Ghebali Passer de 0,2% de rénovation annuelle aujourd’hui à 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 et atteindre les objectifs de neutralité carbone. 35’39’’ – Imprécis : le taux de rénovation énergétique annuel au sens large est nettement plus élevé (12,3% des logements), le taux de 0,2% évoqué correspond probablement aux rénovations “profondes”, entraînant plus de 60% de gains énergétiques. Par ailleurs, la cible de 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 est correcte. Sources : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/97d6a4ca-5847-11ea-8b81-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-119528141 On peut créer 110 000 emplois rien qu’avec la rénovation énergétique d’après le Shift Project. 36’ – Vrai : selon le Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) Source : https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-le-logement-individuel-et-collectif/   LFI – Marina Mesure 30% c’est la couverture actuelle proposée à un ménage pour la rénovation de son logement. 38’10’’ – Faux : le taux de 30% est loin d’être la moyenne : en France le taux d’aide pour une rénovation d’ampleur va de 30% à 90%, avec un plafond de 40 000€ à 70 000€ selon cas de figures. Dans les autres pays, les taux d’aide sont très variables, mais le plus souvent supérieurs à 30% pour les rénovations “d’ampleur” des ménages modestes, hormis en Allemagne où les taux d’aides à la rénovation énergétique sont pour la plupart inférieurs à 30%. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-02/202402_Guide_des_aides_WEBA.pdf https://www.energieheld.de/foerderung/institute-anbieter/beg-aenderungen-2024   À Marseille, les charges de certains HLM ont augmenté de 300%. 38’59’’ – Difficile à vérifier : en effet, une affaire médiatisée en 2023 fait mention de 200% d’augmentation pour certains locataires d’un bailleur spécifique à Marseille. Source :

    Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Ramos P.

    27 mai 2024

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France ! Seconde partie

    Cette note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France sera publiée en quatre parties. Partie 2 : Réhydrater les sols, régénérer le cycle de l’eau Ceci est la deuxième partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France. I. Sécheresse anthropique et santé des sols, une menace grave pour l’agriculture française 1. Irrigation et utilisation de l’eau en agriculture L’organisation des sociétés actuelles s’appuie sur le triptyque eau, énergie et agriculture. En France, cette dernière est le premier poste de consommation d’eau douce avec 58 % du total : elle est destinée aux deux tiers à l’irrigation des cultures. L’irrigation est au centre des usages agricoles de l’eau : en 2020, 6,8 % des surfaces agricoles ont été irriguées, soit plus de 1,8 million d’hectares [1]. L’irrigation des grandes cultures céréalières concentre la moitié des volumes prélevés et parmi elles le maïs est la culture qui occupe, à la fois, le plus de surfaces irriguées, mais aussi celle qui consomme le plus d’eau par hectare avec un besoin centré sur la période estivale [2]. Ainsi, la culture du maïs grain représente 8,5 % des surfaces agricoles, mais occupe entre le tiers des surfaces irriguées, avec un besoin centré sur la saison où se concentrent les épisodes de sécheresse. Trois régions concentrent 70 % de la surface irriguée. En Nouvelle-Aquitaine, dans le Centre-Val de Loire et en Occitanie, les prélèvements majoritairement issus des nappes servent à l’irrigation des cultures de maïs grain et de semences. La Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre le reste des besoins pour l’irrigation de céréales, de fruits, de légumes et parfois de vigne. La région tire profit de l’irrigation gravitaire des eaux du Canal de Provence rendue possible par la topographie et surtout les différents aménagements du Rhône. Figure 12 : [Gauche] Prélèvements d’eau douce pour l’agriculture par sous-bassin hydrographique, en 2019 [3] [Droite] Répartition des surfaces irriguées par types de cultures en 2016. Les maïs grain, semence et fourrage concentrent la moitié des surfaces irriguées. La catégorie « Autres » recouvre en particulier l’arboriculture. [4] 2. La France, une grande puissance céréalière La France produit via des modes de culture très gourmands en eau environ 70 millions de tonnes de céréales chaque année. Sur ce total, seulement 5 millions sont destinés à l’alimentation humaine. Cette production céréalière est dirigée pour moitié vers les cheptels français et pour moitié vers l’exportation. En 2022, la France a exporté pour 10 milliards d’euros de céréales, deuxième poste de recette dans la balance commerciale après les vins et spiritueux [5]. À la faveur de prix plus élevés et d’exportations de céréales plus importantes, celle-ci a permis une amélioration nette de la balance commerciale agricole. De fait, malgré un cheptel stable sur son sol, la France participe largement à l’augmentation de la consommation de viande partout dans le monde. Figure 13 : Production de céréales en France [6] En effet, cette prépondérance de la production de céréales dans l’agriculture française suit une tendance mondiale profondément liée à l’augmentation de la demande en céréales : d’après la FAO, en 60 ans, les productions mondiales de maïs et de blé ont été multipliées respectivement par 5,6 et 3,4 [7]. Figure 14 : Production mondiale de céréales totales [8] Sur cette même période, les cheptels bovins, ovins, porcins et caprins ont presque doublé et le nombre de volailles a été multiplié par huit ! La croissance démographique seule n’est pas en mesure d’expliquer cette hausse spectaculaire, la hausse de la consommation de viande par habitant est bien visible en comparant ces deux tendances. Celle-ci a doublé entre 1960 et 2020 passant de 20 kg par personne et par an à 40 kg par personne et par an. Figure 15 : Quantité de viande totale produite au niveau mondiale[9] En France, les chiffres sont un peu différents, la production de viandes représentait 4 millions de tonnes en 1960 pour atteindre un maximum autour de 7 millions de tonnes dans les années 2000 avant de décroître lentement à 6 millions de tonnes aujourd’hui. De fait, en 1960, un Français mangeait en moyenne 50 kg de viandes par an, en 2000 ce chiffre plafonnait à plus de 90 kg et on l’évalue classiquement aujourd’hui autour de 80 kg par personne et par an. Figure 16 : Cheptel France et quantité de viande totale produite [10] 3. Une exposition climatique croissante et des pratiques agricoles sources de vulnérabilité Comme évoqué plus haut, la sécheresse des sols s’accentue significativement et vient remettre en cause la pérennité du paradigme actuel. Le consortium World-Weather-Attribution estime que la sécheresse agricole de 2022 a été rendue cinq à six fois plus probable avec le changement climatique, et la sécheresse hydrologique trois à quatre fois plus probable [11] . Par conséquent, la conjugaison d’une hausse des besoins pour l’irrigation et de l’assèchement des sols provoqués par l’évapotranspiration et la pression croissante sur les masses d’eau va irrémédiablement entraîner la généralisation des conflits d’usages impliquant le monde agricole. Le stress hydrique augmente dans les grandes régions productrices de céréales. Celles-ci observent déjà une diminution des ressources en eau souterraine disponibles aussi bien en été qu’en hiver. De même, le débit des fleuves diminue progressivement mettant en danger les modes d’irrigation qui en dépendent. Les effets déjà constatés sont renforcés par les modes de culture agro-industriels. La biodiversité souterraine est au cœur de la fertilité des sols. Elle y assure des fonctions primordiales comme la décomposition de matière organique et donc la libération de nutriments, ou encore l’infiltration et la rétention de l’eau captée dans les racines des végétaux. On estime par exemple que 1 % de matière organique en plus par hectare, c’est 250 m3 d’eau en plus absorbés par les sols [12] . Cette biodiversité des sols comme celle des champs est en recul du fait du fort recours aux pesticides, au tassement du sol initié par la mécanisation, la perturbation du cycle des nutriments et par l’utilisation excessive

    Par Moundib I.

    27 février 2024

    Repenser les relations avec les sociétés africaines

    La France ne doit plus voir en l’Afrique le théâtre de sa puissance, « le seul [continent] où elle peut, avec cinq cents hommes, changer le cours de l’histoire » comme le disait Louis de Guiringaud, alors ministre des affaires étrangères, dans les années 1970. Plus que toute forme de néocolonialisme ou d’affairisme, c’est sans doute cette illusion persistante qui confère encore aux relations franco-africaines leur anormalité. Les pays africains écrivent leur propre histoire et la position de la France, réelle ou fantasmée, y est mise en concurrence avec celle d’autres puissances. Il ne s’agit pas de se résigner à un quelconque déclassement, au motif qu’il serait le fruit du grand rééquilibrage du monde, ni de faire de l’Afrique le décor d’un nouveau Grand Jeu. Ce serait dans un cas comme dans l’autre ignorer tout ce qu’elle est et tout ce qu’elle sera : 1,3 milliard d’humains aujourd’hui et 2,5 milliards en 2050. Mais au-delà d’une politique conforme à nos intérêts et à nos valeurs, il nous faut avoir une relation avec les pays africains qui repose sur une connaissance et un respect mutuels. Emmanuel Macron soulignait, dans un entretien récent avec Jeune Afrique, que « pendant des décennies, nous avons entretenu avec l’Afrique une relation très institutionnelle ». Il rappelait dans ce même entretien les différentes initiatives qu’il a engagées pour dépasser ce constat : restitution du patrimoine africain, fin du franc CFA, saison Africa 2020. Cette note propose de prolonger la réflexion. Disons-le d’emblée, elle n’a pas pour prétention d’épuiser le sujet mais d’explorer quelques pistes, parfois dans la droite ligne de ce qui a été commencé, parfois en proposant des bifurcations. Elle veut réfléchir aux moyens d’« écouter le blé qui lève, encourager les potentialités secrètes, éveiller toutes les vocations à vivre ensemble que l’histoire tient en réserve », selon les mots de Claude Lévi-Strauss. Les questions strictement géopolitiques, celles qui, justement, relèvent de relations très institutionnelles, n’y sont pas abordées. Une réflexion plus large sur la politique africaine de la France est néanmoins nécessaire et ne pourra pas faire l’économie d’examiner la légitimité et l’efficacité des interventions militaires comme des stratégies diplomatiques. L’Afrique est un continent divers. Pas plus la géographie que le panafricanisme, politique, culturel ou institutionnel, ne lui confèrent une unité suffisante pour la considérer en bloc. Parler d’Afrique, comme de toute région du monde, c’est nécessairement faire varier la focale et parfois réfléchir à l’universel. C’est pourquoi certains des points abordés dans cette note pourraient tout aussi bien l’être à propos de continents différents, tandis que d’autres concernent d’abord des régions voire des pays particuliers. Pour autant, certains facteurs historiques (esclavage, colonisation), démographiques (transitions inachevées, urbanisation), économiques (prévalence de la pauvreté, importance de l’économie informelle, des industries extractives et de l’agriculture), sociopolitiques (faiblesse des appareils étatiques) qui marquent nombre de sociétés africaines et notre relation à elles justifient que, en faisant la part des exceptions et de la diversité, nous placions notre réflexion, en son point de départ, à ce niveau continental. I. Clarifier les héritages du passé pour bâtir un avenir commun Pour dialoguer avec les sociétés africaines, il n’est ni possible ni souhaitable d’ignorer les fantômes du passé. L’histoire des relations entre la France et les pays africains est marquée par l’esclavage, la colonisation et l’interventionnisme postcolonial. Il ne s’agit pas de solder cet héritage pour repartir à zéro. On peut en revanche remettre en cause certaines survivances et favoriser la connaissance, sur des fondements scientifiques, de ces autres passés qui ne passent pas. À défaut de dépassionner le débat, ce qui prendra du temps, il s’agit de lui donner des bases plus saines, de discuter le dissensus plutôt que de le dissimuler. C’est une affaire difficile car elle mêle la mémoire et l’histoire, le symbole et le concret. Mais c’est une nécessité. En la matière, Emmanuel Macron a pris des initiatives intéressantes mais qu’il convient d’approfondir ou de concrétiser. En 2017, alors candidat, il a parlé en Algérie de crime contre l’humanité à propos de la colonisation. Un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie lui a par ailleurs été remis par Benjamin Stora le 20 janvier. La commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi a quant à elle été créée en avril 2019 pour deux ans et placée sous la présidence de l’historien Vincent Duclert. Composée de quinze experts, elle a pour objectif, sur la base des archives françaises (y compris classifiées) relatives à la période de 1990 à 1994, « d’analyser le rôle et l’engagement de la France au Rwanda […] en tenant compte du rôle des autres acteurs » et « de contribuer au renouvellement des analyses historiques sur les causes du génocide des Tutsi, profondes et plus conjoncturelles, ainsi que sur son déroulement, en vue d’une compréhension accrue de cette tragédie historique et de sa meilleure prise en compte dans la mémoire collective, notamment par les jeunes générations ». Cette initiative, basée sur une démarche scientifique, paraît salutaire, tant le génocide des Tutsi en 1994 constitue un événement majeur de notre histoire contemporaine, et tant le rôle de la France (accusée par certains d’avoir favorisé les génocidaires) est discuté. Le physicien et membre de l’association Survie François Graner, sur la base notamment de nouvelles recherches dans les archives de François Mitterrand, a ainsi affirmé dans un entretien au Monde le 16 janvier que « la politique française qui a été menée est une complicité de génocide ». Pas plus que le rapport de 1998 rédigé par une mission parlementaire présidée par Paul Quilès, celui de la commission, aussi rigoureux soit-il, ne mettra sans doute fin aux débats, ne fût-ce que parce que les sources resteront largement classifiées. Mais il peut constituer une étape majeure dans la construction d’une histoire de cette période qui résonne encore fortement. Hélas la composition de la commission a fait polémique dès le départ (sans que les compétences de ses membres soient niées), écartant des historiens spécialistes du génocide rwandais au profit d’universitaires travaillant sur des sujets connexes. La mise en

    Par Galois F.

    1 février 2021

    Garantir des traitements dignes aux animaux pour limiter le risque d’épidémie

    Le premier cas humain infecté par le Covid-19 a été détecté sur un marché d’animaux vivants destinés à la consommation à Wuhan en Chine le 17 novembre 2019[1]. Malgré l’imprécision sur la source épidémiologique d’origine du Covid-19, les scientifiques s’accordent sur le fait que l’animal est la source et le transmetteur. Le Covid-19 s’ajoute ainsi à la longue série de pandémies transmises des animaux aux hommes. L’Organisation mondiale pour la santé animale (OIE) souligne que les maladies infectieuses zoonotiques provenant des animaux, telles que la peste, la rage ou la tuberculose[2], représentent 60 % des maladies infectieuses humaines déjà existantes et qu’elles croissent. L’OIE estime que « 75 % des agents pathogènes des maladies infectieuses humaines émergentes, notamment Ebola, le VIH et la grippe aviaire, sont d’origine animale ». En effet, les dernières pandémies sanitaires internationales provenant directement des animaux sont nombreuses : le VIH, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dite maladie de la « vache folle », provenant de l’ESB, les coronavirus, les grippes aviaires (H7N9 et H5N1), la grippe porcine (H1N1) ou encore Ebola. Les pandémies questionnent à chaque fois notre rapport à l’animal, qu’il soit sauvage ou domestique, ainsi que notre modèle agricole et notre système de santé[3]. Cependant, jamais une zoonose n’avait autant désorganisé les sociétés que le Covid-19, conduisant au confinement massif de la population. La crise sanitaire, économique et sociale provoquée par le Covid-19 nous invite à repenser notre système agricole et nos régimes alimentaires pour améliorer la biosécurité. Cette dernière désigne l’ensemble des mesures sanitaires prises pour protéger en amont l’élevage de l’entrée d’éléments pathogènes, de la transmission au sein de l’élevage et de sa propagation à d’autres élevages ou à l’homme. Or, elle ne peut être envisagée seulement dans une perspective de traitement des crises. Elle doit davantage mettre l’accent sur la prévention. L’OIE établit un lien clair entre la santé animale et le bien-être animal et prône la prévention comme la solution « la plus efficace et la plus économique pour protéger l’homme »[4]. Une meilleure prise en compte du bien-être animal dans l’agriculture contribue à améliorer le bien-être et le revenu de l’éleveur, la qualité de l’alimentation et la santé publique, tout en répondant à l’urgence écologique. Il s’agit d’une solution humaniste, écologique et sociale. NB : La note se concentre sur l’élevage en France. La pêche et l’aquaculture ne sont pas traitées, bien que les enjeux sanitaires soient importants. Nous faisons le choix de nous concentrer sur la dissémination d’agents pathogènes de nature accidentelle et d’écarter la question du bioterrorisme. Cette note apporte des solutions pour réduire le risque d’émergence de zoonoses et prévenir la propagation.   I – La biosécurité dans les élevages comme garante de la santé publique 1. Les enjeux écologiques, économiques, sociaux et sanitaires de l’élevage intensif L’élevage intensif est vivement critiqué par rapport au bien-être animal, à la qualité de la viande, ainsi qu’aux conditions de travail des professionnels et à son modèle économique. En 2018, les Français consommaient en moyenne 87,5 kg de viande par an[5], ce qui les place parmi les plus gros consommateurs de viande au monde[6]. Or, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande de ne pas manger plus de 500 grammes de viande par semaine, soit 26 kg par an, bien en-deçà de la consommation actuelle moyenne. Une consommation excessive de viande est jugée néfaste pour la santé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) car elle favorise l’obésité, les maladies cardio-vasculaires et certains cancers. Les bénéfices de la viande pour la santé humaine sont également conditionnés par sa qualité, amoindrie lorsque l’animal est malade ou la viande transformée. Or, cette dernière représente 30 % des produits carnés consommés, principalement de la charcuterie industrielle ou des plats préparés[7]. Par ailleurs, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la consommation mondiale de viande va augmenter de 60 % d’ici 2080, tirée notamment par les pays en développement, ce qui a pour conséquences d’augmenter les prix sur les ressources productives et de pousser les éleveurs vers l’agriculture intensive pour dégager des bénéfices[8]. En France, 80 % des animaux sont dans des élevages intensifs. Ce pourcentage est particulièrement haut pour les porcs (95 %) et les volailles (80 % des poulets de chair et 68 % des poules pondeuses)[9]. Au-delà du problème éthique et sanitaire, la mortalité des animaux dans les élevages représente aussi une perte économique pour les éleveurs. À titre d’exemple, pour l’élevage laitier, le manque à gagner s’élève en moyenne entre 2 000 à 4 000 euros pour 50 vêlages (mise à bas des veaux) par an. Les maladies animales provoquent une perte de production liée à la perte de bêtes ou au coût du traitement des agents pathogènes. Une telle perte de production perturbe les marchés locaux et internationaux puisque les conséquences économiques dépassent le territoire et les éleveurs. Des institutions comme la FAO ou l’OIE mettent en avant le fait qu’un cheptel en bonne santé et les pratiques liées au bien-être animal sont des facteurs de performance économique pour les éleveurs[10]. En outre, l’élevage intensif est aussi décrié du point de vue écologique car il pollue les sols et les eaux, notamment par les eaux usées ou le lisier comme nous pouvons le constater en Bretagne avec la prolifération des algues vertes. L’élevage intensif a également émis, en 2019, 18 % des gaz à effet de serre[11]. De plus, il est très consommateur d’eau[12] et de surfaces agricoles, notamment avec la production de céréales pour nourrir le bétail (40 % des céréales vont au bétail)[13], concurrençant la nourriture à destination directe des êtres humains. L’élevage intensif, par ses conséquences écologiques, économiques et sociales, nuit aux écosystèmes, à la santé des professionnels mais aussi à la santé publique. À ces critiques anciennes s’ajoute celle du risque sanitaire réactivé à chaque pandémie, comme celle que nous connaissons aujourd’hui.   2. Les facteurs de risque et conséquences des zoonoses   Le Covid-19 met en lumière le risque sanitaire de transmission des maladies animales à l’humain par les zoonoses ou les contaminations alimentaires. La contamination des humains par des

    Par Magat A.

    27 juin 2020

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