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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Nicolas Desquinabo

Nicolas Desquinabo

Biographie

Nicolas Desquinabo, expert indépendant en évaluation de politiques publiques, ancien directeur du Master Evaluation et suivi des politiques publiques de Sciences-Po Lyon.

Notes publiées

Un plan d’urgence pour l’agriculture française et pour une alimentation saine et abordable

Fiche thématique de résistance et de proposition n°9 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? Les exploitants agricoles sont en majorité précaires : 1/3 ont des revenus inférieurs à 12 000 €/an sur la dernière décennie et la majorité n’atteint pas le Smic horaire, même si les écarts sont importants entre les types et tailles d’exploitations (voir la synthèse des revenus agricoles de l’INRAE). Or les aides de la politique agricole commune (PAC) baissent fortement en euros constants par rapport à la période 2014-2020 (elles n’ont pas évolué malgré une inflation de 30% des prix depuis). La PAC baisse également dans le budget de l’Union européenne (UE), de 66% du budget au début des années 1980 à 31% pour la dernière période 2021-2027. Ces aides, essentiellement distribuées en fonction des surfaces cultivées, sont très inégalement réparties : en France, les 20% plus importants bénéficiaires – qui sont les plus gros exploitants – ont perçu plus de 50% de ces aides bé(voir diagnostic PSN pp. 3 et 7). Ce système favorise ainsi une agriculture agro-industrielle intensive employant peu de main-d’œuvre, au détriment des pratiques plus respectueuses de l’environnement. De plus, les agriculteurs français sont exposés à une hausse des importations qui ne respectent pas les mêmes normes environnementales et/ou sociales, notamment de pays tiers autorisant l’usage d’intrants (pesticides, médicaments, etc.) interdits en Europe, mais aussi de certains pays de l’UE (principalement en raison des préférences « low cost » des industriels et de la restauration collective).   Ces trop faibles soutiens publics, cette concurrence déloyale et l’absence de régulation des prix freinent la diffusion des pratiques agro-écologiques. Pourtant, les dernières recherches de l’INRAE montrent que l’agroécologie est plus résiliente face au changement climatique (sécheresses croissantes, pluies intenses, etc.). Elle est aussi plus respectueuse de la biodiversité (qui a chuté de 80% en 30 ans pour les insectes, principalement à cause des pesticides) et de la santé humaine, notamment des agriculteurs. II. Que propose-t-on ? Augmenter l’enveloppe de la PAC de +30% (+3 Mds/an pour la France à partir de 2028) en doublant les aides aux pratiques agro-écologiques pour s’aligner sur les montants d’aides des pays européens ou l’agriculture biologique est la plus développée (e.g. plusieurs régions d’Italie, le Danemark ou le Portugal). Revaloriser les aides aux revenus des agriculteurs (en prenant en compte l’inflation depuis 2020) et les distribuer non plus en fonction de la surface mais de la quantité de main-d’œuvre afin de favoriser les petites et moyennes exploitations ainsi que les modes de production les plus agro-écologiques qui créent davantage d’emplois. Subventionner la nourriture saine pour la rendre plus abordable pour tous, en diffusant progressivement des « chèques alimentation de qualité ». Ces aides doivent être réservées aux aliments bio ou extensifs, aux prix conventionnés, produits en France ou à proximité. Le montant des chèques doit être indexé sur le revenu et la taille des ménages. Systématiser l’utilisation des clauses de sauvegarde et l’étiquetage de l’ensemble des lieux de production agro-industriels, afin d’interdire en France et dans les pays importateurs les produits les plus dangereux et/ou polluants. Réguler les marges des intermédiaires de l’industrie agro-alimentaire (en forte hausse depuis 2022) et de la grande distribution, en s’appuyant sur les prix de référence de l’Observatoire des prix et marges.   Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet :   Engager les négociations commerciales en garantissant un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs et en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution (p.4)  Proposer une réforme de la PAC (p.5 et p.22) Défendre les zones agricoles, naturelles et les zones humides, doubler et améliorer la protection des aires maritimes protégées (p.17) Pour une agriculture écologique et paysanne (p.18) Annuler l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (CETA) ; renoncer à l’accord du Mercosur et protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale Interdire l’importation de toute production agricole ne respectant pas nos normes sociales et environnementales Lutter contre l’accaparement des terres et permettre à chaque agriculteur qui souhaite s’installer d’accéder à une exploitation pour préserver le modèle agricole familial Soutenir la filière du bio et l’agroécologie, encourager la conversion en bio des exploitations en reprenant leur dette dans une caisse nationale et garantir un débouché aux produits bio dans la restauration collective Rétablir le plan Écophyto, interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes avec accompagnement financier des paysans concernés III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Une augmentation des revenus de la majorité des agriculteurs, en particulier des éleveurs et des petites et moyennes exploitations. Une forte diffusion des aliments sains et de qualité et la réduction des aliments ultra-transformés, dont les impacts sanitaires sont majeurs (diabète, cancers, etc.) et qui dépassent déjà 40% de l’alimentation des ménages modestes et des jeunes. La revitalisation des territoires ruraux et le développement de centaines de milliers d’emplois agricoles grâce à la plus forte densité en main d’œuvre des pratiques agro-écologiques (+10 à +20% d’emplois à pratique et taille égale, selon Agreste 2016 et Bertin & al 2016). Une plus grande souveraineté alimentaire, en réduisant fortement la dépendance extérieure en matière d’importation d’aliments (en forte hausse), mais également d’engrais et de soja nécessaires aux pratiques intensives (une dépendance croissante soulignée notamment par le Haut Commissariat au Plan en 2021). IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ?  Le RN ne remet pas en cause la distribution des aides de la PAC en fonction de la surface et soutient donc les plus gros exploitants (notamment céréaliers) au détriment des éleveurs et des petits exploitants. En dehors des « 80% de produits français dans les cantines », les propositions « agriculture » ne sont pas précisées dans les 22 mesures pour 2022 de Marine Le Pen.  Aucune proposition pour soutenir les agriculteurs dans la transition écologique et faire face aux changements climatiques (sécheresse, inondations etc.).  Aucune proposition pour protéger la santé des agriculteurs et des consommateurs face aux pesticides. Aucune proposition pour faire face à l’effondrement de la biodiversité. V. Pour aller plus loin dans la réflexion  Road 2 Net Zero

Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N.

3 juillet 2024

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

27 juin 2024

Plan massif de rénovation des bâtiments et de lutte contre la précarité énergétique et le mal logement

Fiche thématique de résistance et de proposition n°3 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? Le coût du logement est passé de 20 % à plus de 30 % des revenus de la majorité des locataires et accédants à la propriété. De plus, les délais d’attente pour un logement social s’allongent dans la plupart des métropoles.  Plus de 8 millions de personnes sont sans logement personnel, sans confort minimum ou en sur-occupation (chiffres du mal-logement p.47), en raison des pénuries de logements abordables dans certaines zones « tendues ».  De l’autre côté, de nombreux territoires subissent une vacance croissante et peinent à revitaliser leurs centres-villes, notamment car la réhabilitation des bâtiments est encore difficile. Les changements de chauffage sont financièrement privilégiés au détriment des rénovations énergétiques complètes et performantes, alors qu’elles seules permettent une réduction des factures, comme l’ont montré des expériences locales de massification des rénovations avec isolation.  II. Que propose-t-on ? Lutter contre les locations occasionnelles (type Airbnb) et la spéculation immobilière s’y rapportant en doublant leur niveau d’imposition pour les rendre moins rentables. À l’inverse, diminuer l’imposition des locations abordables pour l’habitation longue durée (i.e. au loyer proche du loyer local en général et proche du loyer social dans les zones tendues). Rendre les réhabilitations de logements vacants moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones peu tendues, grâce à (1) des aides renforcées pour les travaux lourds, complétées par (2) un rééquilibrage territorial des services publics (formations, hôpitaux, etc., cf. fiche « services publics ») dans les villes moyennes et territoires ruraux. Réorienter les aides aux rénovations vers l’isolation des logements anciens, avec une prise en charge de 50 % en moyenne, modulée selon le degré de performance des travaux et les revenus des bénéficiaires (ou leur taille s’agissant des collectivités et entreprises).  Garantir un accompagnement gratuit et indépendant à tous les ménages afin de les aider dans le choix des travaux et de les protéger des fraudes et surfacturations. Maintenir une politique de rénovation ambitieuse sur la durée afin d’apporter de la visibilité à toute la filière, des artisans aux banques. Renforcer les moyens de contrôle et les sanctions des principales fraudes (e.g. locations courtes non déclarées, dépassement des loyers encadrés dans les zones tendues, fraudes aux rénovations, location de logements indignes, etc.). Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet :  « Assurer l’isolation complète des logements en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes (…) Accélérer la rénovation des bâtiments publics » (p.9) « Construire 200 000 logements publics par an pendant cinq ans aux normes écologiques les plus ambitieuses (p.9)  « en revenant sur les coupes de 1,4 Md €/an » (p.3)  Encadrer les loyers dans les zones tendues (…) ouvrir le prêt à taux zéro à tous les ménages primo-accédants » (p.13) III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Une forte réduction des factures énergétiques des ménages, des entreprises et des administrations publiques (de -40 % à -80 % selon l’état initial des bâtiments). Une augmentation de l’offre de logements abordables et durables, grâce à la production de logements abordables ainsi qu’à la remobilisation des logements vacants et occasionnels. La revitalisation des territoires qui subissent une vacance élevée des bâtiments.  Des logements plus confortables tant en hiver qu’en été dans le contexte où les épisodes de canicule ont tendance à être plus longs et plus fréquents. Une meilleure santé publique. D’après un rapport de l’Assemblée nationale, la mauvaise isolation du bâti engendre des maladies liées à l’humidité et à une insuffisance de chauffage, qui touchent principalement les classes de population les plus défavorisées. Coût pour la sécurité sociale : 666 millions d’euros par an. Un développement progressif de plusieurs centaines de milliers d’emplois de qualité, non délocalisables, dans l’isolation et la réhabilitation des bâtiments. Une forte réduction des besoins de « pointe » électrique en hiver et de la dépendance aux importations de gaz et de fioul, et donc aux hausses de prix importées. IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ? Le RN défend les avantages aux multipropriétaires et s’est opposé récemment au rééquilibrage de l’imposition des locations, au profit des locations courtes et au détriment du pouvoir d’achat et de l’accès au logement des classes moyennes dans les zones tendues. La proposition de « 100 000 logements sociaux par an » est très éloignée des besoins. Le RN a annoncé être favorable à la diffusion de rénovations énergétiques performantes mais sans précision sur le rythme ni le niveau de prise en charge (cf. les 22 mesures pour 2022 de Marine Le Pen). V. Liens vers les travaux de l’Institut permettant d’aller plus loin dans la réflexion Quelle stratégie pour un logement abordable et durable ? – Institut Rousseau Un quinquennat qui aura amplifié la crise du logement – Institut Rousseau Road 2 Net Zero – Institut Rousseau AdhérezFaire un don

Par Desquinabo N., Ramos P.

22 juin 2024

Un plan d’urgence pour l’agriculture française et pour une alimentation saine et abordable

Fiche thématique de résistance et de proposition n°9 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? Les exploitants agricoles sont en majorité précaires : 1/3 ont des revenus inférieurs à 12 000 €/an sur la dernière décennie et la majorité n’atteint pas le Smic horaire, même si les écarts sont importants entre les types et tailles d’exploitations (voir la synthèse des revenus agricoles de l’INRAE). Or les aides de la politique agricole commune (PAC) baissent fortement en euros constants par rapport à la période 2014-2020 (elles n’ont pas évolué malgré une inflation de 30% des prix depuis). La PAC baisse également dans le budget de l’Union européenne (UE), de 66% du budget au début des années 1980 à 31% pour la dernière période 2021-2027. Ces aides, essentiellement distribuées en fonction des surfaces cultivées, sont très inégalement réparties : en France, les 20% plus importants bénéficiaires – qui sont les plus gros exploitants – ont perçu plus de 50% de ces aides bé(voir diagnostic PSN pp. 3 et 7). Ce système favorise ainsi une agriculture agro-industrielle intensive employant peu de main-d’œuvre, au détriment des pratiques plus respectueuses de l’environnement. De plus, les agriculteurs français sont exposés à une hausse des importations qui ne respectent pas les mêmes normes environnementales et/ou sociales, notamment de pays tiers autorisant l’usage d’intrants (pesticides, médicaments, etc.) interdits en Europe, mais aussi de certains pays de l’UE (principalement en raison des préférences « low cost » des industriels et de la restauration collective).   Ces trop faibles soutiens publics, cette concurrence déloyale et l’absence de régulation des prix freinent la diffusion des pratiques agro-écologiques. Pourtant, les dernières recherches de l’INRAE montrent que l’agroécologie est plus résiliente face au changement climatique (sécheresses croissantes, pluies intenses, etc.). Elle est aussi plus respectueuse de la biodiversité (qui a chuté de 80% en 30 ans pour les insectes, principalement à cause des pesticides) et de la santé humaine, notamment des agriculteurs. II. Que propose-t-on ? Augmenter l’enveloppe de la PAC de +30% (+3 Mds/an pour la France à partir de 2028) en doublant les aides aux pratiques agro-écologiques pour s’aligner sur les montants d’aides des pays européens ou l’agriculture biologique est la plus développée (e.g. plusieurs régions d’Italie, le Danemark ou le Portugal). Revaloriser les aides aux revenus des agriculteurs (en prenant en compte l’inflation depuis 2020) et les distribuer non plus en fonction de la surface mais de la quantité de main-d’œuvre afin de favoriser les petites et moyennes exploitations ainsi que les modes de production les plus agro-écologiques qui créent davantage d’emplois. Subventionner la nourriture saine pour la rendre plus abordable pour tous, en diffusant progressivement des « chèques alimentation de qualité ». Ces aides doivent être réservées aux aliments bio ou extensifs, aux prix conventionnés, produits en France ou à proximité. Le montant des chèques doit être indexé sur le revenu et la taille des ménages. Systématiser l’utilisation des clauses de sauvegarde et l’étiquetage de l’ensemble des lieux de production agro-industriels, afin d’interdire en France et dans les pays importateurs les produits les plus dangereux et/ou polluants. Réguler les marges des intermédiaires de l’industrie agro-alimentaire (en forte hausse depuis 2022) et de la grande distribution, en s’appuyant sur les prix de référence de l’Observatoire des prix et marges.   Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet :   Engager les négociations commerciales en garantissant un prix plancher et rémunérateur aux agriculteurs et en taxant les superprofits des agro-industriels et de la grande distribution (p.4)  Proposer une réforme de la PAC (p.5 et p.22) Défendre les zones agricoles, naturelles et les zones humides, doubler et améliorer la protection des aires maritimes protégées (p.17) Pour une agriculture écologique et paysanne (p.18) Annuler l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (CETA) ; renoncer à l’accord du Mercosur et protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale Interdire l’importation de toute production agricole ne respectant pas nos normes sociales et environnementales Lutter contre l’accaparement des terres et permettre à chaque agriculteur qui souhaite s’installer d’accéder à une exploitation pour préserver le modèle agricole familial Soutenir la filière du bio et l’agroécologie, encourager la conversion en bio des exploitations en reprenant leur dette dans une caisse nationale et garantir un débouché aux produits bio dans la restauration collective Rétablir le plan Écophyto, interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes avec accompagnement financier des paysans concernés III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Une augmentation des revenus de la majorité des agriculteurs, en particulier des éleveurs et des petites et moyennes exploitations. Une forte diffusion des aliments sains et de qualité et la réduction des aliments ultra-transformés, dont les impacts sanitaires sont majeurs (diabète, cancers, etc.) et qui dépassent déjà 40% de l’alimentation des ménages modestes et des jeunes. La revitalisation des territoires ruraux et le développement de centaines de milliers d’emplois agricoles grâce à la plus forte densité en main d’œuvre des pratiques agro-écologiques (+10 à +20% d’emplois à pratique et taille égale, selon Agreste 2016 et Bertin & al 2016). Une plus grande souveraineté alimentaire, en réduisant fortement la dépendance extérieure en matière d’importation d’aliments (en forte hausse), mais également d’engrais et de soja nécessaires aux pratiques intensives (une dépendance croissante soulignée notamment par le Haut Commissariat au Plan en 2021). IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ?  Le RN ne remet pas en cause la distribution des aides de la PAC en fonction de la surface et soutient donc les plus gros exploitants (notamment céréaliers) au détriment des éleveurs et des petits exploitants. En dehors des « 80% de produits français dans les cantines », les propositions « agriculture » ne sont pas précisées dans les 22 mesures pour 2022 de Marine Le Pen.  Aucune proposition pour soutenir les agriculteurs dans la transition écologique et faire face aux changements climatiques (sécheresse, inondations etc.).  Aucune proposition pour protéger la santé des agriculteurs et des consommateurs face aux pesticides. Aucune proposition pour faire face à l’effondrement de la biodiversité. V. Pour aller plus loin dans la réflexion  Road 2 Net Zero

Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N.

21 novembre 2022

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

21 novembre 2022

Travaux externes

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