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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

transition écologique

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Neutralité carbone de l’Europe : l’Institut Rousseau ouvre la voie pour une transition réussie

Alors que la récente crise agricole a mis en lumière les tensions autour de la rémunération des agriculteurs, avant de se solder par un recul sur les normes environnementales, l’Institut Rousseau s’est interrogé sur la nécessité de trouver le bon équilibre pour concilier enjeux économiques, sociaux et écologiques. Comment décarboner tous les secteurs de l’économie ? Combien d’investissements cela nécessite-t-il, par secteur, par pays, par mesure ? À l’heure de l’austérité budgétaire, comment financer la transformation nécessaire de notre économie ? Pour répondre à cette question, l’Institut Rousseau a réuni plus de 150 chercheurs et experts de toute l’Europe afin d’évaluer les investissements publics et privés nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de l’Europe, et notamment la neutralité carbone d’ici 2050. Le rapport Road to Net Zero compile l’ensemble de ce travail de recherche et constitue, par son niveau de précision, une première mondiale. L’étude analyse en détail sept grands pays en plus de l’Europe – la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède – et chiffre ainsi 37 leviers de décarbonation, tous secteurs confondus, et plus de 70 politiques publiques. « Atteindre nos objectifs climatiques nous coûtera deux fois plus cher si nous ne l’abordons que sous l’angle technologique » En parallèle, la Commission européenne a récemment publié son étude d’impact ‘Europe’s 2040 climate target and path to climate neutrality by 2050 building a sustainable, just and prosperous society’ (« L’objectif climatique de l’Europe à l’horizon 2040 et la voie vers la neutralité carbone d’ici 2050 pour construire une société durable, juste et prospère »). Chacune de ces deux études constate que des investissements supplémentaires substantiels, par rapport à ceux déjà prévus (“les investissements tendanciels”), sont absolument nécessaires. En revanche, la comparaison entre ces deux études met en exergue une différence d’approche notable : le scénario de la Commission européenne préconise une “simple” décarbonation des usages (c’est à dire un pur « switch » technologique ») quand l’Institut Rousseau propose une transition plus globale, intégrant des mesures de réduction des consommations énergétiques. De cette différence d’approche découle un triple constat. La transition écologique globale couplée à des mesures de réduction des consommations énergétiques que propose l’Institut Rousseau est : Deux fois moins coûteuse pour l’ensemble de l’économie par rapport aux scénarios reposant principalement sur l’électrification des secteurs énergivores. Possible, car s’appuyant sur des politiques déjà mises en œuvre dans certains pays ou régions d’Europe. Synonyme d’une bien plus grande souveraineté économique pour les pays de l’UE, en réduisant largement leur dépendance aux importations, de fossiles et de matériaux critiques à court terme, et de “gaz verts” à plus long terme. Une transition globale, économe et ambitieuse A l’inverse des discours sur les « coûts exorbitants » d’une transition écologique globale, la comparaison entre le rapport de l’Institut Rousseau et l’étude de la Commission européenne démontre qu’une transition intégrant des mesures de réduction des consommations énergétiques – par efficacité et sobriété – est in fine nettement moins coûteuse, sur le long terme, qu’une transition centrée sur la seule décarbonation des usages. L’analyse de l’étude d’impact de la Commission UE permet de mettre en évidence les coûts supplémentaires d’une stratégie centrée sur la seule décarbonation. En effet, la Commission européenne prévoit deux fois plus d’investissements supplémentaires d’ici 2050 pour le scénario qu’elle privilégie, soit environ 540 milliards d’euros par an, contre 285 milliards d’euros par an pour le scénario proposé par l’Institut Rousseau[1] (ramené à un périmètre similaire, pour comparaison). Cette différence de coûts, entre transition globale et décarbonation des usages, s’explique principalement par les surcoûts liés à une trop forte augmentation de la production d’électricité et au renouvellement de la totalité des flottes de véhicules sans report modal (là où le scénario de l’Institut Rousseau, grâce à un développement ambitieux du train, des transports en commun et du vélo, permet une baisse de 20 à 25% du nombre de voitures particulières en circulation). Les besoins d’investissements climat selon les études Institut Rousseau vs. Com UE* Sources : Rapport RtNZ (2024) et Impact assessment « path to climate neutrality by 2050 » de la commission UE (2024) en euros 2022 et 2023 sur les 4 principaux secteurs étudiés. Note : Dans l’étude de la Commission européenne, le sur-investissement est même estimé à plus de 640 Mds/an mais les années considérées pour évaluer la « dépense actuelle » sont antérieures à celles du rapport RtNZ (2019-2022), qui correspond à 1040 Mds/an d’investissements dans ces 4 secteurs (vs. 1160 Mds en ajoutant l’agriculture, la R&D et les puits, voir graphique suivant). *L’étude UECom n’intégrant pas les investissements dans les infrastructures ferroviaires et cyclables (environ 100 Mds/an dans RtNZ), nous avons ajouté les investissements prévus sur le seul réseau « Trans-européen », estimés à au moins 65 Mds/an dans l’étude d’impact « réseaux de transports » de 2021 de la Commission (pour l’essentiel ferroviaires).   Certes, d’autres scénarios de « décarbonation seule », produits par des gestionnaires de réseaux électriques européens aboutissent à des besoins d’investissements moins élevés dans la production d’énergie que l’étude de la Commission européenne. Mais ces scénarios préconisent un recours massif aux importations de « gaz verts » (ex. hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable ou biométhane). Or, d’une part les surcoûts engendrés par ces importations sont estimés à environ 200 milliards d’euros par an pour l’économie européenne. D’autre part, ces scénarios auront pour conséquence de remplacer les dépendances actuelles de l’Europe en gaz et en pétrole par de nouvelles dépendances aux “gaz verts”. Dans le détail, l’Institut Rousseau préconise d’accroître les investissements de 30%, en particulier dans les domaines de la rénovation énergétique (+ 140 milliards d’euros par an), de la production d’énergie (+ 80 milliards d’euros par an), des infrastructures de transports et de l’agriculture (avec respectivement + 52 et + 47 milliards d’euros par an) : Une transition possible et souhaitable Les politiques publiques nationales et locales étudiées dans le rapport prouvent qu’il est possible de réorienter la stratégie de l’Europe vers une transition globale limitant les investissements supplémentaires grâce à des efforts mieux ciblés. Dans le secteur des transports, l’exemple de l’Autriche et du Danemark ont démontré que

Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N.

28 mai 2024

L’hydrogène bas carbone au service de la transition

La France et l’Allemagne ont conjointement fait, dans le courant de l’été 2020, des annonces concernant leur stratégie hydrogène. Ces annonces signalent un nouvel horizon pour l’hydrogène. La France a ainsi annoncé un investissement de 7 milliards d’euros avec l’objectif d’une capacité de 6,5 GW d’électrolyseurs installée à horizon 2030. On rappelle qu’à l’été 2018 le Plan Hulot, pourtant défendu par un ministre très combatif pour les questions environnementales, ne prévoyait que 100 millions d’euros pour déployer l’hydrogène bas carbone dans l’industrie, les mobilités et l’énergie.

Par Mante F.

21 avril 2021

Pour un service public de la rénovation

S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

Par Rougetet Y., Bentolila S.

14 avril 2021

Le treizième travail d’Hercule : privatiser l’électricité française

Le gouvernement est actuellement en pleine négociation avec la Commission européenne afin de trouver un compromis d’ici la fin de l’année au sujet de l’épineux dossier de la refonte de la régulation du nucléaire historique et de l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques. Ce qui est en jeu est tout simplement une scission d’EDF en trois entités distinctes dont la partie la plus rentable serait ouverte aux capitaux privés. Le démantèlement du groupe public, créé en 1946 par le ministre communiste Marcel Paul, marquerait un pas de plus dans l’accomplissement du projet libéral d’une nouvelle privatisation d’un bien commun de première nécessité : l’électricité. Au début du mois d’octobre le monde d’avant s’est brusquement rappelé au bon souvenir du secteur de l’énergie. Terminées l’actualité dominée par l’épidémie mondiale et les priorités données à la gestion d’urgence du parc de production et à l’adaptation d’une consommation d’électricité en baisse et imprévisible : désormais le plan Hercule revient sur le devant de la scène, et le moins que l’on puisse dire c’est que son passage devrait être éclair car « Paris et Bruxelles se donnent deux mois pour trancher l’avenir d’EDF »[1]. L’enjeu est éminemment stratégique et le pouvoir en place le sait, il apparaît ainsi clairement que le gouvernement souhaite faire aboutir les négociations au plus vite pour qu’un maximum de démarches soient engagées avant la présidentielle de 2022 et qu’aucun retour en arrière ne soit rendu possible. Le plan Hercule : quelle origine ? La genèse d’Hercule remonte à une directive européenne de 1996[2] transposée dans le droit français en février 2000 par une loi[3] qui introduit une séparation des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture[4] d’électricité ainsi que l’ouverture à la concurrence de la production et de la fourniture. L’objectif affiché par les institutions européennes est de créer un marché intérieur de l’énergie, dont la pierre angulaire est l’achèvement d’un « marché de l’électricité concurrentiel et compétitif ». Le raisonnement est ici tout ce qu’il y a de plus classique en matière de libéralisme économique : l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité permettra à coup sûr de proposer de l’électricité moins chère aux consommateurs, de stimuler l’innovation commerciale via de nouvelles offres de marché et d’améliorer la qualité de service. Or, EDF était il y a encore vingt ans l’acteur unique sur tout le territoire français, en situation de monopole sur l’ensemble de la chaîne de l’électricité, et reste aujourd’hui encore une entreprise du monde de l’énergie à part puisqu’il s’agit du deuxième producteur mondial d’électricité[5] aux commandes de la majorité de la production française qui agit comme un véritable château d’eau européen[6]. Les filiales d’EDF, RTE et Enedis[7], assurent en outre le transport et la distribution de l’électricité sur la quasi-intégralité du territoire[8]. D’autre part, il ne faut pas oublier qu’EDF appartient encore à 83,68 % à l’État[9] et que cette dernière caractéristique n’est certainement pas non plus du goût des institutions européennes. Enfin, en ce qui concerne la fourniture d’électricité, l’entreprise détient toujours un portefeuille de plus de 24 millions de clients en 2020[10] et ce, malgré la politique qui a été mise en place depuis une dizaine d’années. En effet, pour permettre aux acteurs privés d’investir le secteur de la fourniture d’électricité face au géant public EDF, il a fallu créer les conditions permettant l’émergence d’offres de marché plus attractives que celles proposées par le service commercial d’EDF qui bénéficiait directement de la production massive d’électricité bon marché, bas-carbone et pilotable issue des parcs nucléaire et hydraulique exploités par le groupe. Afin de casser ce monopole public, le gouvernement Fillon a ainsi mis en place le mécanisme de l’Accès régulé au nucléaire historique (ARENH) en 2010[11]. Depuis mi-2011, ce mécanisme permet aux concurrents d’EDF d’acheter à prix coûtant[12] un volume de 100 TWh d’électricité nucléaire, soit environ 25 % de la production nucléaire du groupe, ceci jusqu’en 2025. Dès lors, les fournisseurs alternatifs disposent d’une option gratuite qu’ils peuvent activer si les prix du marché de l’électricité évoluent à la hausse et dépassent ce montant[13], ce qui s’est passé en 2019 où EDF a été contraint de vendre 100 TWh à 42 €/MWh plutôt qu’au prix de marché. C’est donc bien en partie grâce à l’ARENH que les concurrents d’EDF sont en mesure de proposer des tarifs inférieurs au Tarif réglementé de vente (TRV). Le bilan de l’ARENH est ainsi sans appel pour EDF qui perd plus de 150 000 clients par mois. La date de la fin de ce mécanisme approchant, et face à l’opposition qu’il suscite (même de la part du PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, reconduit par Emmanuel Macron en 2019[14]), le gouvernement a décidé d’élaborer les contours d’un nouveau dispositif permettant à la fois de véritablement couvrir l’ensemble des coûts en hausse du nucléaire ainsi que de permettre aux autres fournisseurs de continuer de gagner des parts de marché[15]. L’option actuellement sur la table des négociations avec la Commission européenne est ainsi de permettre à l’ensemble des fournisseurs d’accéder à 100 % de la production nucléaire d’EDF (historique et nouveau nucléaire) à un prix de vente régulé par les pouvoirs publics. Pour cela, l’activité de production nucléaire du groupe serait regroupé dans une société totalement publique nommée « EDF Bleu », tandis que la division commerciale serait séparée et placée dans une autre société partiellement publique appelée « EDF Vert » : c’est ce projet de scission qui porte le nom de « plan Hercule ». Les trois couleurs d’Hercule Le plan Hercule vise donc, d’une part, à créer un EDF Bleu entièrement contrôlé par l’État qui aurait la main sur l’ensemble du parc nucléaire[16] et, d’autre part, un EDF Vert qui regrouperait les activités se trouvant dans un secteur concurrentiel. Une fois réalisée cette première ébauche de scission du groupe EDF, plusieurs détails importants restent néanmoins à régler. En premier lieu, aux côtés de la fourniture d’électricité, EDF Vert réunira plusieurs filiales évoluant d’ores et déjà dans un secteur concurrentiel comme les nouvelles énergies renouvelables (EDF Renouvelables) ou les services d’efficacité énergétique (Dalkia). En conséquence, il paraît donc logique aux

Par Tarcoiz Y.

25 novembre 2020

Betterave et néonicotinoïdes Cas d’école de l’impossibilité d’émergence de l’agroécologie dans un marché agricole mondialisé

L’Assemblée Nationale a voté le 5 octobre 2020 la réautorisation, jusqu’au 1er juillet 2023, de l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betterave sucrière. L’interdiction de ces molécules insecticides, votée en 2016 dans le cadre de la « Loi pour la reconquête de la biodiversité », était entrée en vigueur il y a deux ans. Elle était motivée par la toxicité avérée de ces molécules pour les insectes, dont les pollinisateurs, et pour de nombreux organismes présents dans les sols, comme les vers de terre. Par ailleurs, il a été démontré qu’une partie importante des néonicotinoïdes présents dans l’enrobage des semences était lessivée, migrait dans les sols et était absorbée par la flore sauvage en bord de champs, directement butinée par les pollinisateurs. L’autorisation de dérogations pour la filière betterave, après seulement deux ans d’interdiction, a été poussée par un sentiment d’urgence, la production française étant gravement menacée à très court terme par le virus de la jaunisse de la betterave, transmise par des pucerons. Il convient aujourd’hui d’être très clair : il n’existe à ce jour aucune pratique alternative permettant à la France de se maintenir au second rang mondial de la production de betterave sucrière (39,6 millions de tonnes en 2019, derrière la Russie), avec les coûts de production actuels (28 €/Tonne pour le rendement moyen en 2019). Le « Plan national de recherche et d’innovation » lancé le 22 septembre dernier par l’Institut Nationale de la Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement (INRAE) et l’Institut Technique de la Betterave (ITB) afin de trouver des alternatives aux néonicotinoïdes en production de betterave a mis en lumière une chose : la recherche agronomique française court après les problèmes au lieu de les anticiper et peine à prendre la place qui devrait être la sienne : cheffe de file d’un profond Plan de transformation agroécologique de l’agriculture française, qui est plus que jamais nécessaire. Il faut espérer que le Plan de recherche INRAE/ITB, doté d’un budget de 7 millions d’euros sur 3 ans, aboutira à identifier des alternatives aux néonicotinoïdes. C’est probable, car des alternatives agroécologiques prometteuses existent déjà. Des essais expérimentaux menés en pomme de terre ont déjà permis d’identifier certaines pratiques potentiellement intéressantes comme le paillage ou l’utilisation de couverts inter-rangs qui, en modifiant la couleur du champ, altèreraient la capacité de repérage des plants de betterave par le puceron. Mais, même si l’intérêt de ces pratiques est confirmé, elles ne pourront pas être mises en place par les agriculteurs avec un cours mondial de la betterave en baisse constante (23 €/Tonne en 2019, pulpe comprise), bien souvent inférieurs aux coûts de production (28 €/Tonne). Car les problématiques agronomiques et écologiques liées à la production de betterave ne peuvent pas être découplées des problématiques économiques. Depuis la fin des quotas sucriers en 2017, la production mondiale de sucre s’est envolée, tirée par la course à l’exportation de pays comme l’Inde et la Thaïlande, et le cours mondial s’est effondré : – 40% entre octobre 2017 et mars 2019. Il est donc totalement illusoire de penser que de nouvelles pratiques, non-chimiques voire écologiques, pourront sortir des stations d’essais et se généraliser dans les champs sans prix rémunérateurs. Cette réalité vaut pour l’ensemble des production agricoles : il n’y aura pas de transformation agroécologique à large échelle sans rémunération juste des producteurs, et sans partage équitable de la valeur créée. Dans ce contexte de marché agricole mondialisé, il est permis au passage de déplorer que certains militants de la cause écologiste aient abandonné en chemin l’internationalisme. Est-il vraiment préférable d’interdire immédiatement certaines pratiques polluantes sur notre territoire, de délocaliser les filières industrielles qui s’y rattachent, et de pudiquement fermer les yeux sur les conditions de production des produits importés, ou faut-il accepter de garder la main sur une production, certes polluante pendant encore quelques années, mais sur laquelle notre souveraineté peut et doit s’exercer ? Enfin, il convient également de poser une question centrale en matière de politique écologique : faut-il continuer de légiférer uniquement sur des obligations de moyens (interdire l’utilisation des néonicotinoïdes) sans se préoccuper des résultats ? En l’occurrence, il semble que la biodiversité ne sorte pas gagnante de l’augmentation des pulvérisations foliaires avec plusieurs molécules insecticides consécutive à l’interdiction des néonicotinoïdes. Et l’on mesure donc ici toute l’importance de planifier la transformation écologique de l’agriculture pour que les avancées législatives entraînent de réels effets bénéfiques sur le terrain, pour les agriculteurs et les écosystèmes dans lesquels ils produisent, bien loin des incantations de salon.

Par Lugassy L.

8 octobre 2020

Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique ?

Si l’importance cruciale de la reconstruction écologique de nos sociétés n’est plus à démontrer et fait l’objet d’un large consensus, son ampleur, son financement et les modalités de sa mise en œuvre demeurent très largement discutés, ce qui en fait un objet politique de toute première importance. Une véritable reconstruction écologique suppose en effet des moyens financiers importants, difficiles à mobiliser sans une action déterminée de l’État, des banques centrales et des institutions financières publiques afin de compenser ce que le marché seul ne pourra pas réaliser. Une telle action ne peut que reposer sur une vision différente de la politique monétaire et budgétaire sur les plans théorique et pratique. Cette note propose des solutions concrètes pour parvenir à un financement adéquat de la reconstruction écologique, en distinguant ce qui peut être effectué dans le cadre juridique et financier européen actuel et ce qui pourrait être obtenu en allant au-delà de ce cadre. Elle insiste également sur la différence d’ambition entre le Green deal présenté aujourd’hui au niveau européen et le Green New Deal tel qu’il est souhaité par de nombreux acteurs.   Introduction   La reconstruction écologique de nos sociétés est un impératif pour notre survie et une chance à saisir dans l’histoire du progrès humain. Nous le savons : la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère est aujourd’hui d’environ 415 parties par million (ppm), soit un niveau inédit dans toute l’histoire de l’humanité. La dernière fois qu’un niveau similaire avait été atteint, c’était il y a trois millions d’années, alors que les températures étaient 3 à 4°C plus élevées. Le niveau des océans était alors de 15 mètres plus élevé qu’aujourd’hui, une réalité que nous pourrions de nouveau connaître au XXIIe siècle à trajectoire constante. Cette atteinte à la planète se double d’une atteinte à la vie : la sixième extinction de masse devient une réalité puisque nous avons perdu 60% des effectifs d’animaux sauvages de la planète en moins d’un demi-siècle, soit un rythme cent à mille fois supérieur au taux naturel de disparition des espèces. Éclairés par ce que la science du climat nous permet de comprendre de notre avenir et des conséquences de notre action, nous voici également placés devant l’opportunité de repenser en profondeur notre manière d’habiter la Terre, en décarbonant notre production d’énergie, nos modes de transports et d’habitation, en protégeant la biodiversité et en nous donnant les moyens de bâtir une économie circulaire digne de ce nom. En effet, les périodes de crise, comme les périodes de guerre ou de reconstruction, ont cet avantage qu’elles peuvent nous permettre de dépasser les frilosités idéologiques et l’inertie de l’habitude pour mettre en place de nouveaux modèles de société et retrouver ainsi la voie démocratique du progrès social, qui, sans ce changement de cap, est rendu impossible par la dégradation du milieu duquel nous dépendons pour toute notre économie. Toutefois, la multiplication des discours écologistes contraste de plus en plus avec la faiblesse des propositions, des mesures avancées et des résultats obtenus. En effet, financer un « Green New Deal », c’est-à-dire un vaste programme de reconstruction écologique qui inclut une dimension sociale et permette un véritable découplage entre l’amélioration de la qualité de vie de toutes et de tous et l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables, suppose de mobiliser des moyens humains et financiers significatifs. Or, malgré quelques mécanismes d’incitation plus ou moins efficaces, la sphère financière et le secteur privé s’avèrent très largement incapables de financer et d’organiser seuls l’effort de reconstruction écologique et de s’imposer les cadres réglementaires nécessaires. L’objet de cette note est donc d’abord de rappeler le contenu et les enjeux financiers d’un véritable programme de reconstruction écologique, ainsi que les obstacles institutionnels et politiques qui s’opposent à leur réalisation et les limites de ce que peut réaliser le « marché », livré à lui-même, dont on attend tout aujourd’hui. Elle propose ensuite des solutions financières concrètes pour dépasser ces contraintes afin de créer les conditions de mise en œuvre d’un réel programme de reconstruction écologique en France et en Europe.     Table des matières I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants. A. Un plan de reconstruction écologique suppose d’investir des sommes significatives qui constituent une opportunité de renouer avec le progrès. B. Le secteur privé ne pourra pas répondre seul au défi de la reconstruction écologique. C. « Green Deal » vs « Green New Deal » : distinguer deux niveaux d’ambition. II. Passer la première et financer une véritable reconstruction écologique A. Il existe des marges de manœuvre importantes qui ne sont pas exploitées dans le cadre juridique actuel 1) Identifier ce qui est bon pour la reconstruction écologique pour guider les investissements. 2) Utiliser le levier fiscal et celui de la commande publique dans un souci d’efficacité et de justice 3) Utiliser les Banques publiques d’investissement pour investir rapidement. 4) Mobiliser l’épargne des Français. B. Des actions non conventionnelles peuvent être défendues à la frontière de ce qu’autorisent les Traités 1) Remettre en cause la « neutralité » de la politique monétaire pour agir en faveur du climat et de la biodiversité. 2) L’annulation des dettes publiques détenues par la banque centrale en échange d’investissements verts C. Penser hors du cadre et mettre en œuvre une réforme ciblée des traités en matière budgétaire et monétaire au profit de la transition écologique. 1) Réformer la politique budgétaire et les aides d’État pour augmenter la capacité d’investissement dans la reconstruction écologique. 2) Réviser les règles en matière d’aides d’État 3) Utiliser l’arme de la monnaie libre comme pilier de la reconstruction écologique. 4) Une telle politique est-elle soutenable ?. 5) Des externalités économiques positives, facteur de dynamisme et d’innovation. D. Redynamiser l’économie dans son ensemble, résorber le chômage Conclusion.   I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants La présente note fait le choix d’utiliser le terme de « reconstruction écologique » plutôt que de « transition écologique » pour insister sur le caractère matériel généralisé

Par Giraud G., Dufrêne N., Gilbert P.

25 février 2020

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