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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Youenn Rougetet

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    Youenn Rougetet

    Youenn Rougetet

    Biographie

    Youenn Rougetet est ingénieur en énergie. Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de l’Energie, l’Eau et l’Environnement de l’Institut National Polytechnique de Grenoble, il est spécialiste des enjeux énergie et climat liés au secteur du bâtiment et réalise des études en prospective énergétique.

    Notes publiées

    Sept idées fausses sur l’électricité : petit guide de défense intellectuelle à destination des décideurs

    La crise énergétique qui touche de plein fouet l’Union européenne depuis quasiment un an semble malheureusement vouloir s’inscrire dans la durée, avec pour conséquence une hausse généralisée des prix des biens et services. Face à cette situation, la protection des ménages précaires et des entreprises fortement consommatrices d’énergie constitue logiquement la priorité de l’État français sur le court terme. Cependant, seules des décisions politiques sur le long terme permettront véritablement d’améliorer la résilience des États face aux crises : sobriété et indépendance énergétique sont désormais les maîtres mots. En ce sens, la question de l’avenir du système électrique français sera tout particulièrement au cœur des travaux de la nouvelle Assemblée nationale : à l’automne 2022 tout d’abord via une loi simplifiant les procédures de développement des énergies renouvelables, puis en 2023 à travers la future loi de programmation sur l’énergie et le climat. Les parlementaires de tous bords devront ainsi fixer un mix électrique cible pour les prochaines décennies, en se positionnant à la fois sur le rythme de développement des énergies renouvelables et sur le lancement ou non d’un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires. De plus, au-delà du choix technique des moyens de production, la politique mise en place devra permettre d’assurer la fourniture d’une électricité bas-carbone, de qualité et à un prix juste pour tous, conditions nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone d’ici la moitié du siècle. Dans le but d’éclairer cette décision politique, plusieurs acteurs comme l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou NégaWatt ont publié des rapports présentant les avantages et inconvénients de différents mix à horizon 2050. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a quant à lui rendu public six scénarios comparant différents mix électriques à cette échéance, chacun avec des proportions différentes de nucléaire et d’énergies renouvelables. Tous ces scénarios sont comparés prioritairement sous un angle technique, mais ils sont également analysés à travers les prismes climatique, économique, de besoin en ressources et même de résilience au changement climatique. Il paraît donc indispensable que l’ensemble des parlementaires lise avec attention ce qu’il ressort de la synthèse de ces études. Cependant, le fonctionnement du système électrique est complexe et ses impacts en termes climatique, économique ou sociétaux sont par conséquent souvent mal appréhendés par les citoyens, les journalistes et, malheureusement, par les personnalités politiques elles-mêmes qui, pourtant, devraient avoir en tête des arguments scientifiques et objectifs permettant de prendre les meilleures décisions possibles pour l’avenir de la France. Afin d’assainir le débat autour de la question du mix électrique français, la présente note détaille les raisons pour lesquelles les sept affirmations suivantes, pour bon nombre d’entre-elles véritablement prononcées par des personnalités politiques de premier plan, sont fausses.   1.    « L’énergie consommée en France est majoritairement issue du nucléaire. » Lorsque la question énergétique est abordée, la formule « l’énergie de la France, c’est le nucléaire » paraît trop souvent définir le périmètre du débat. Malheureusement, le fait que la France fasse effectivement partie du groupe des pays les plus nucléarisés du monde[1] ouvre la porte à un mauvais réflexe national : à peine prononcé ou écrit, le mot « énergie » laisse rapidement sa place à la question du nucléaire et à l’analyse de son poids prédominant dans le mix électrique national. Bien que pouvant paraître anodin, ce raccourci n’en est pourtant pas moins grave car il participe à tromper (ou à tout le moins embrouiller) des citoyens de bonne foi qui souhaiteraient mieux comprendre le lien direct entre consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre. En effet, rappelons que 60 % de l’énergie finale consommée en France est encore issue d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel[2]) tandis que la part de l’électricité ne s’élève qu’à 26 %[3]. Le nucléaire étant lui-même directement à l’origine d’environ 70 % de la production des électrons, il est ainsi plus exact d’affirmer que seulement 18 % de l’énergie que les Français consomment est issue du nucléaire[4]. De plus, afin d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, il est indispensable de rappeler que la part de l’électricité (décarbonée) française dans la consommation d’énergie doit augmenter afin de remplacer les énergies fossiles dans de nombreux secteurs aujourd’hui très émetteurs de gaz à effet de serre comme les transports ou le chauffage des bâtiments[5]. La part qu’occupera le nucléaire à cet horizon est encore inconnue et nécessite d’être débattue de façon sérieuse, mais il est certain que l’urgente éducation populaire au changement climatique, à ses causes et à ses conséquences, souffre de la place disproportionnée accordée à cette source de production d’électricité. Le bon emploi des termes « énergie » et « électricité » est donc fondamental, aussi on comprendra aisément que se prononcer pour un mix énergétique 100 % renouvelable au lieu d’un mix électrique 100 % renouvelable, revienne à englober un spectre bien plus large en visant une totale indépendance de la France par rapport aux énergies fossiles et donc implique un changement bien plus profond de notre société. 2.    « Le nucléaire émet plus de CO2 que l’éolien ou le solaire. » Contrairement aux énergies fossiles, ni le nucléaire, ni les énergies renouvelables n’émettent de gaz à effet de serre lors de la production d’électricité. Pourtant ces énergies « émettent » bien des gaz à effet de serre dès lors que l’on utilise une approche en cycle de vie, c’est-à-dire que l’on prend en compte les émissions dites « amont », générées lors de la fabrication des composants du système, de son installation, de son utilisation et de sa maintenance et, en « aval », de sa désinstallation et de son traitement en fin de vie. Cette approche en analyse de cycle de vie permet donc de déterminer la quantité de gaz à effet de serre (en équivalent CO2) émise par chaque type de centrale lors de la production d’un kilowattheure d’électricité : Figure 1 : Comparaison des facteurs d’émissions des principales sources de production d’électricité, en analyse de cycle de vie. Les valeurs françaises sont issues de la Base Carbone de l’ADEME[6],  les valeurs mondiale proviennent des travaux du troisième groupe de travail du GIEC dans sa contribution au

    Par Rougetet Y.

    20 septembre 2022

    Pour un service public de la rénovation

    S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

    Par Rougetet Y., Bentolila S.

    14 avril 2021

    Sept idées fausses sur l’électricité : petit guide de défense intellectuelle à destination des décideurs

    La crise énergétique qui touche de plein fouet l’Union européenne depuis quasiment un an semble malheureusement vouloir s’inscrire dans la durée, avec pour conséquence une hausse généralisée des prix des biens et services. Face à cette situation, la protection des ménages précaires et des entreprises fortement consommatrices d’énergie constitue logiquement la priorité de l’État français sur le court terme. Cependant, seules des décisions politiques sur le long terme permettront véritablement d’améliorer la résilience des États face aux crises : sobriété et indépendance énergétique sont désormais les maîtres mots. En ce sens, la question de l’avenir du système électrique français sera tout particulièrement au cœur des travaux de la nouvelle Assemblée nationale : à l’automne 2022 tout d’abord via une loi simplifiant les procédures de développement des énergies renouvelables, puis en 2023 à travers la future loi de programmation sur l’énergie et le climat. Les parlementaires de tous bords devront ainsi fixer un mix électrique cible pour les prochaines décennies, en se positionnant à la fois sur le rythme de développement des énergies renouvelables et sur le lancement ou non d’un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires. De plus, au-delà du choix technique des moyens de production, la politique mise en place devra permettre d’assurer la fourniture d’une électricité bas-carbone, de qualité et à un prix juste pour tous, conditions nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone d’ici la moitié du siècle. Dans le but d’éclairer cette décision politique, plusieurs acteurs comme l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou NégaWatt ont publié des rapports présentant les avantages et inconvénients de différents mix à horizon 2050. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a quant à lui rendu public six scénarios comparant différents mix électriques à cette échéance, chacun avec des proportions différentes de nucléaire et d’énergies renouvelables. Tous ces scénarios sont comparés prioritairement sous un angle technique, mais ils sont également analysés à travers les prismes climatique, économique, de besoin en ressources et même de résilience au changement climatique. Il paraît donc indispensable que l’ensemble des parlementaires lise avec attention ce qu’il ressort de la synthèse de ces études. Cependant, le fonctionnement du système électrique est complexe et ses impacts en termes climatique, économique ou sociétaux sont par conséquent souvent mal appréhendés par les citoyens, les journalistes et, malheureusement, par les personnalités politiques elles-mêmes qui, pourtant, devraient avoir en tête des arguments scientifiques et objectifs permettant de prendre les meilleures décisions possibles pour l’avenir de la France. Afin d’assainir le débat autour de la question du mix électrique français, la présente note détaille les raisons pour lesquelles les sept affirmations suivantes, pour bon nombre d’entre-elles véritablement prononcées par des personnalités politiques de premier plan, sont fausses.   1.    « L’énergie consommée en France est majoritairement issue du nucléaire. » Lorsque la question énergétique est abordée, la formule « l’énergie de la France, c’est le nucléaire » paraît trop souvent définir le périmètre du débat. Malheureusement, le fait que la France fasse effectivement partie du groupe des pays les plus nucléarisés du monde[1] ouvre la porte à un mauvais réflexe national : à peine prononcé ou écrit, le mot « énergie » laisse rapidement sa place à la question du nucléaire et à l’analyse de son poids prédominant dans le mix électrique national. Bien que pouvant paraître anodin, ce raccourci n’en est pourtant pas moins grave car il participe à tromper (ou à tout le moins embrouiller) des citoyens de bonne foi qui souhaiteraient mieux comprendre le lien direct entre consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre. En effet, rappelons que 60 % de l’énergie finale consommée en France est encore issue d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel[2]) tandis que la part de l’électricité ne s’élève qu’à 26 %[3]. Le nucléaire étant lui-même directement à l’origine d’environ 70 % de la production des électrons, il est ainsi plus exact d’affirmer que seulement 18 % de l’énergie que les Français consomment est issue du nucléaire[4]. De plus, afin d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, il est indispensable de rappeler que la part de l’électricité (décarbonée) française dans la consommation d’énergie doit augmenter afin de remplacer les énergies fossiles dans de nombreux secteurs aujourd’hui très émetteurs de gaz à effet de serre comme les transports ou le chauffage des bâtiments[5]. La part qu’occupera le nucléaire à cet horizon est encore inconnue et nécessite d’être débattue de façon sérieuse, mais il est certain que l’urgente éducation populaire au changement climatique, à ses causes et à ses conséquences, souffre de la place disproportionnée accordée à cette source de production d’électricité. Le bon emploi des termes « énergie » et « électricité » est donc fondamental, aussi on comprendra aisément que se prononcer pour un mix énergétique 100 % renouvelable au lieu d’un mix électrique 100 % renouvelable, revienne à englober un spectre bien plus large en visant une totale indépendance de la France par rapport aux énergies fossiles et donc implique un changement bien plus profond de notre société. 2.    « Le nucléaire émet plus de CO2 que l’éolien ou le solaire. » Contrairement aux énergies fossiles, ni le nucléaire, ni les énergies renouvelables n’émettent de gaz à effet de serre lors de la production d’électricité. Pourtant ces énergies « émettent » bien des gaz à effet de serre dès lors que l’on utilise une approche en cycle de vie, c’est-à-dire que l’on prend en compte les émissions dites « amont », générées lors de la fabrication des composants du système, de son installation, de son utilisation et de sa maintenance et, en « aval », de sa désinstallation et de son traitement en fin de vie. Cette approche en analyse de cycle de vie permet donc de déterminer la quantité de gaz à effet de serre (en équivalent CO2) émise par chaque type de centrale lors de la production d’un kilowattheure d’électricité : Figure 1 : Comparaison des facteurs d’émissions des principales sources de production d’électricité, en analyse de cycle de vie. Les valeurs françaises sont issues de la Base Carbone de l’ADEME[6],  les valeurs mondiale proviennent des travaux du troisième groupe de travail du GIEC dans sa contribution au

    Par Rougetet Y.

    8 juillet 2021

    Pour un service public de la rénovation

    S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

    Par Rougetet Y., Bentolila S.

    8 juillet 2021

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