Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Think-Tank Ecologique

L’institut Rousseau traite de plusieurs domaines dont un Think-Tank écologique. En France le positionnement du ministère de l’écologie en silo parallèlement aux autres (agriculture, économie etc.) montre son inefficience. Au contraire nous positionnons l’écologie comme centrale avec l’aspect républicain pour la reconstruction en tous domaines.

L’hydrogène bas carbone au service de la transition

La France et l’Allemagne ont conjointement fait, dans le courant de l’été 2020, des annonces concernant leur stratégie hydrogène. Ces annonces signalent un nouvel horizon pour l’hydrogène. La France a ainsi annoncé un investissement de 7 milliards d’euros avec l’objectif d’une capacité de 6,5 GW d’électrolyseurs installée à horizon 2030. On rappelle qu’à l’été 2018 le Plan Hulot, pourtant défendu par un ministre très combatif pour les questions environnementales, ne prévoyait que 100 millions d’euros pour déployer l’hydrogène bas carbone dans l’industrie, les mobilités et l’énergie.

Par Mante F.

21 avril 2021

Pour un service public de la rénovation

S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

Par Rougetet Y., Bentolila S.

14 avril 2021

L’« actif sans risque écologique » : un nouvel instrument financier pour une reconstruction écologique de la zone euro

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. ____ Télécharger la note en pdf   1. Les besoins de financement pour l’Agenda 2030 La Commission Européenne estime qu’une augmentation annuelle de 260 milliards d’euros en investissement serait requise à l’échelle européenne pour atteindre la cible climat à l’horizon 2030[3]. Il s’agit d’un chiffrage restrictif qui se focalise uniquement sur la diminution des émissions de gaz à effet de serre, et ne prend pas en compte les investissements requis pour l’adaptation aux effets du dérèglement climatique (comme la montée des eaux ou les périodes de canicule), ni le coût imprévisible des d’autres phénomènes liés (telles que la perte de biodiversité). Comme le montre le graphique 1, ce coût, certes très largement sous-estimé, de la reconstruction écologique et sociale excède néanmoins les encours de monnaie fiduciaire, la valeur des titres de dette à maturité inférieure à 2 ans, la valeur des dépôts à terme inférieur à 3 mois, et la valeur des dépôts à termes dont la maturité est inférieure ou égale à 2 ans dans la zone euro. La comparaison avec les sommes projetées pour le « Green Deal » fait par ailleurs apparaitre un besoin de financement résiduel de 1600 milliards d’euros d’ici 2030. La valeur de ce « green finance gap » est équivalente à 18% de M1, 13% de M2 et 11% de M3 dans la zone euro en 2020. Figure 1 – Le « green finance gap » dans la zone euro Note: Données chiffrées en milliards d’euros. Le premier groupe d’histogrammes représente le coût de l’adaptation climatique à partir des données de la Commission Européenne. Le deuxième et le troisième groupe représentent la valeur des passifs de long terme et des agrégats monétaires de la zone euro en Janvier 2020 (Statistical Data Warehouse de la Banque Centrale Européenne). Le comblement du « green finance gap », certes indispensable, se double d’une autre problématique tout aussi essentielle. En effet, atteindre les objectifs fixés par l’Agenda 2030 implique, non seulement de réaliser les investissements d’un montant adéquat en volume, mais aussi de s’assurer que ces investissements auront l’impact requis en termes bio-géophysiques et sociaux. Ceci implique une modification qualitative des indicateurs de sélection et de suivi de ces investissements, qui devront se découpler de la notion traditionnelle de « retour sur investissement » pour prendre en compte des critères prioritairement extra-financiers. Cette nouvelle contrainte rend obsolète la conception des instruments financiers actuels, qui tendent à coordonner les activités économiques sur la base de signaux exclusivement monétaires. 2. Le mirage des « obligations vertes » Parmi les outils de financement spécifique à la finance durable ou verte, les obligations vertes ou green bonds sont aujourd’hui très médiatisées. Il est vrai que les obligations vertes ont enregistré une forte croissance sur les dernières années (les émissions 2018 et 2019 représentent à elles seules plus de 50% du total cumulé des émissions). Comme le montre la figure 2, les marchés européens, d’Amérique du Nord et d’Asie-Pacifique représentent environ 88% du total des émissions. Au sein de ces zones, les USA, la France et la Chine sont les principaux émetteurs d’obligations vertes (environ 47% des encours cumulés d’émissions), principalement via les entreprises publiques, non financières et financières. La part des souverains dans les émissions 2018 et 2019 est limitée (10 à 12% du total cumulé mais avec une croissance 2018-2019 de 85%). Les secteurs les plus contributifs et identifiés « sous-jacents » sont principalement l’énergie, le transport et les infrastructures (81% des émissions d’obligations vertes 2019). Figure 2 – Croissance 2018-2019 des encours d’émissions d’obligations vertes mondiaux par zone géographique* * La zone Amérique Latine et Caraïbes n’est pas représentée en terme de croissance 2018-2019, n’ayant pas émise de green bonds sur la période 2018 et ses émissions 2019 représentant seulement 0,7% des émissions mondiales. Données extraites et adaptées de Climate Bonds Initiative. Pourtant, deux raisons laissent à penser que le développement du marché obligataire « vert » sera insuffisant pour répondre aux exigences de transformation requises par l’Agenda 2030. Premièrement, selon les données issues de Climate Bonds Initiative, les encours mondiaux d’obligations vertes représentent, malgré leur croissance, environ 780 milliards de dollars US à la fin 2019 – soit une part infime du marché obligataire (environ 0,7%)[4]. Plus fondamentalement, une obligation verte n’engage aucune obligation en terme de résultat bio-géophysique vis-à-vis de ses investisseurs. Si le rendement financier attendu d’une obligation verte est fixé dans son prospectus, son ambition écologique et sociale est beaucoup plus floue. Une obligation verte promet de délivrer un « bénéfice environnemental » dans la « mesure du possible »[5]. Les impacts environnementaux sont certifiés par des « labels » variés, qui ne sont pas contrôlés par une organisation scientifique indépendante, mais émis ou audités/certifiés par les acteurs du marché[6]. Les méthodes d’émission, d’évaluation et de circulation de ces obligations vertes répondent donc à des critères financiers usuels (évalués en termes de rendement monétaire) plutôt que bio-géophysiques et sociaux. Ce n’est pas le moindre paradoxe, alors, qu’elles sont supposées constituer le principal vecteur de financement de la reconstruction écologique ! Opérant dans une véritable « jungle lexicale » de labels divers, et soumis à des injonctions contradictoires, le gestionnaire d’actif perd ainsi progressivement sa capacité à distinguer la réalité (l’évolution du système Terre et l’impact de son investissement sur ce

Par Revelli C., Lagoarde-Segot T.

6 avril 2021

Pourquoi le low-code est-il le symptôme d’un numérique à outrance ?

Les services et produits numériques ont bouleversé notre manière de communiquer et de consommer. Dans un monde hyper connecté, la digitalisation s’est imposée comme une norme permettant de créer de nouvelles expériences répondant aux prétendus besoins de fluidité et d’immédiateté des utilisateurs, au point que le numérique a dépassé son statut de moyen et est devenu une fin en soi, comme en témoigne par exemple l’explosion du nombre de services et d’appareils connectés. Cette rhétorique développée par les géants du numérique tend d’une part à mettre un terme aux discussions internes[1] aux entreprises de cette industrie et d’autre part à occulter la dégradation dramatique de l’environnement[2] et celle des conditions de travail du nouveau prolétariat[3] sur lequel reposent ces « innovations ». Cet impératif d’innovation, qui impose une itération à haute cadence de la part des concepteurs et une mise sur le marché rapide, rend difficile la prise de recul et la réflexion sur les produits et services développés et sur les outils mêmes utilisés pour ces développements. Pourtant, si la répartition des impacts du numérique à l’échelle mondiale impute 45 % de la consommation énergétique à la production et à la fin de vie de nos terminaux, supports réseaux et centres informatiques, les 55 % restants sont dus à l’utilisation de ceux-ci[4]. Cette note vise à questionner la partie proprement immatérielle de notre environnement numérique : celle du code et en particulier du low-code, qui nous semble être un angle inexploré de l’étude des impacts environnementaux, économiques et sociaux du numérique. Compte tenu du rythme de pénétration des équipements numériques et des opportunités de marché associées, il est apparu nécessaire pour les entreprises (petites et grandes) de faciliter l’accès à des outils de développement informatique à l’extérieur de leurs services informatique et technologie (IT). Ainsi, dès le début des années 1990, Microsoft lance le mouvement « low-code » avec le Visual Basic. Il s’agit d’un langage de programmation qui ambitionne de développer plus rapidement des applications en disposant visuellement des composants, en définissant des propriétés et des actions associées à ces composants, et en ajoutant quelques lignes de code pour en préciser les fonctionnalités. Plus généralement, une plate-forme de développement low-code est un logiciel qui fournit un environnement visuel aux programmeur·euses et aux développeur·euses dits « citoyen·nes » pour créer une application mobile ou Web. Le terme « citoyen » est un faux ami qui provient de l’anglicisme consacré « Citizen Development ». Il désigne une approche du développement logiciel nécessitant peu, voire pas du tout, de connaissance en langage informatique. Grâce au low-code, cette nouvelle classe de développeurs peuvent ajouter et agencer des composants d’application préexistants par glisser-déposer et les connecter entre eux au moyen d’interfaces graphiques ; et ainsi se passer de programmation informatique traditionnelle. Finie, donc, l’écriture de code en tant que telle. Les champs d’opportunité du low-code sont aujourd’hui décuplés par l’explosion des offres de cloud computing qui offrent une puissance de calcul accrue et une possibilité de développement collaboratif, permettant aisément à des collaborateur·rices de travailler simultanément au développement d’une même application à partir de briques déjà conçues. Les environnements low-code permettent le développement, le déploiement, l’exécution et la gestion rapide d’applications reposant sur un paradigme de programmation déclaratif, c’est-à-dire qui décrit le résultat final souhaité plutôt que les étapes nécessaires pour y accéder. Ces étapes sont établies de manière automatique par des algorithmes. Dans un contexte où le marché du low-code s’agite et où cette technologie connaît un essor certain, avec en particulier le renforcement des positions des GAM (en effet, Apple et Facebook ne semblent pas, pour l’instant, désireux d’entrer dans le bal), cette note se veut initiatrice d’une réflexion autour, d’une part, des enjeux de sécurité, de gouvernance et de dépendance aux fournisseurs (souvenons-nous seulement de l’émoi suscité par la panne des services de Google survenue le 14 décembre dernier) et d’autre part son rôle dans l’alourdissement de la note écologique déjà salée du numérique mondial. NB : Il est important de relever qu’il existe une différence entre le low-code et le no-code, en particulier quant aux publics ciblés : si le no-code s’adresse à des auteurs plus novices (les développeur·euses citoyen·nes), n’ayant aucune connaissance en code et permet de développer des applications métier, le low-code reste plus complexe et s’adresse à des développeur·euses plus aguerri·es car il nécessite quand même la rédaction de code (jusqu’à 10 % du projet de développement, et souvent les parties les plus techniques). Cependant pour les problématiques discutées aujourd’hui, ces deux technologies sont assimilables. Nous pourrons tout de même noter que les questions soulevées sont d’autant plus préoccupantes pour la technologie no-code qu’elle ne nécessite aucun prérequis technique.   I. Un secteur prometteur   Le marché du low-code connaît depuis plusieurs semestres des taux de croissance impressionnants. Paul Vincent, directeur de recherche et d’analyse chez le géant du conseil américain Gartner, prévient : « Aujourd’hui, toutes les entreprises ont mis au point une stratégie cloud, demain elles auront aussi toutes une stratégie de développement low-code »[5]. a) Un produit attirant Selon les études de l’analyste ResearchAndMarkets en 2017, le marché du low-code pesait plus de 4 milliards de dollars dans le monde et dépassera les 27 milliards de dollars en 2022[6]. Ces chiffres sont confirmés par une deuxième étude plus récente, selon laquelle le marché des outils no-code/low-code atteindra les 45,5 milliards de dollars en 2025[7]. Gartner complète ces analyses en suggérant que la propagation du télétravail liée à la pandémie de Covid-19 favorise la poussée du développement à distance et renforce la nécessité d’outils de développement collaboratif. De nombreuses entreprises seront encore amenées à se tourner en 2021 vers des plate-formes de développement low-code pour déployer leurs programmes d’innovation et de transformation numérique[8]. Enfin, toujours selon Gartner, d’ici 2024 près de 65 % de toutes les applications développées le seront grâce à des plate-formes de développement low-code[9]. À plusieurs égards, ces produits présentent des avantages et offrent des perspectives de croissance pour les entreprises. La logique de compétitivité et de concurrence du marché dicte aux entreprises et aux organisations, d’une part, une

Par Leclercq V.

1 avril 2021

Comment accélérer la mise en place d’une comptabilité écologique

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. Nous sommes très fiers de commencer cette série par une note relative au renouvellement des modèles comptables au service de l’environnement, écrites par deux membres de l’Institut Rousseau.   Le développement économique et démographique fulgurant qui a lieu depuis la révolution industrielle se fait au détriment d’une biosphère humainement vivable, faisait passer l’humanité à l’ère de l’anthropocène : l’impact (négatif) de l’homme sur le vivant en fait désormais un facteur majeur à l’échelle géologique et menace même sa survie. Télécharger la note en pdf 9 frontières planétaires vitales ont été identifiées[1] (dont trois déjà franchies) 1) dérèglement climatique 2) déclin de biodiversité 3) acidification des océans 4) déplétion de l’ozone stratosphérique 5) perturbation du cycle de l’azote et du phosphore 6) charge en aérosols atmosphériques 7) consommation d’eau douce 8) changement d’affectation des terres (couverture forestière) 9) pollution chimique (notamment pesticides) 1, 2, 5 ont été franchies Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation catastrophique : au niveau philosophique/des croyances : la scission nature-culture/sujet-objet héritée de la philosophie des Lumières et que les Occidentaux ont diffusé dans la majeure partie du monde ; le consumérisme (« religion la plus répandue au monde »[2]) ; l’hubris humain etc. au niveau technologique : l’avènement des machines a rendu les carburants fossiles (charbon, gaz, pétrole) prépondérants dans notre mix énergétique ; les progrès agricoles et sanitaires ont eux permis l’explosion démographique au niveau de l’échelle : mondialisation, la hausse des flux d’échanges mondiaux (économiques, culturels, d’informations) En particulier, cette dernière est permise par la hausse du niveau d’éducation et notamment la diffusion de l’anglais comme langue mondiale du commerce, mais également par un langage commun pour les entreprises (actrices centrales de la création de valeur économique dans le monde marchand) : la comptabilité. La comptabilité, clé de lecture des activités des entreprise et de ses financeurs Qui utilise la comptabilité d’entreprise ? les entreprises formelles[3], pour lesquelles i) l’établissement de comptes annuels est une obligation et ii) la comptabilité est la matière brute permettant la gestion de l’entreprise. les financeurs : banques, fonds d’investissement et gestionnaires d’actifs professionnels, personnes physiques (dans une moindre mesure). l’État via i) la fiscalité, ii) la prise de participation (e.g. Aéroports de Paris) et iii) l’implication directe dans la gestion des entreprises (e.g. Société Nationale des Chemins de Fer). L’entreprise est l’agent économique marchand central, celui par lequel la valeur économique (en dollar, euro etc.) est créée et distribuée, via le paiement des charges opérationnelles (paiements aux fournisseurs et prestataires, salaires, loyers…), la rémunération du capital (dividendes, plus-values de cession, intérêts) et la fiscalité (impôts et taxes). L’entreprise moderne a la capacité de faire appel à des financeurs externes via la dette/le crédit ou l’investissement en fonds propres. Leur langage commun est celui de la comptabilité. Leur seule unité de compte : la monnaie. Leur tableau de bord : les états financiers (bilan, compte de résultat, tableau des flux de trésorerie). Leur principale mesure de performance : le profit. La production de biens et services a désormais lieu principalement via les entreprises. En économie de marché, la concurrence entre organisations se fait quasi exclusivement sur le rapport prix/qualité du bien ou service. Mais en l’absence d’internalisation dans les coûts monétaires des externalités négatives des activités économiques, le prix ne reflète pas les coûts réels sur le reste de la société à qualité équivalente. La réglementation, la norme, la fiscalité, se heurtent au manque de granularité et de fiabilité dans l’information disponible et mesurable sur les « externalités » négatives. On ne compte pas celles-ci, alors qu’on compte systématiquement les éléments « marchands » (via la comptabilité). La compréhension de ces écueils n’est pas nouvelle : en absence de réglementation parfaite et d’un État omnipotent, le privé non lucratif (via les associations d’intérêt général notamment) et le privé lucratif (entrepreneuriat social, investissements à impact…) répondent au problème à leur manière pour un développement économique « durable » (rapports d’activités, rapports d’impact etc.). L’alternative comptable offerte par la méthode CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) Pour permettre à l’État, garant de l’intérêt général, d’adapter plus finement la fiscalité et la réglementation et ainsi favoriser les entreprises vertueuses et pénaliser les entreprises destructrices, il faut donner plus de transparence à l’impact environnemental de chaque organisation. Il faut changer la comptabilité. La méthode CARE, développée au sein de la chaire de comptabilité écologique, propose et expérimente des pistes qui vont dans ce sens. Les créateurs de la méthode CARE[4] proposent avant tout de changer de paradigme dans la manière de mesurer la performance, c’est-à-dire de changer la notion même de profit. Ce dernier est défini par Hicks[5] en 1939 comme « le montant maximum que l’on peut dépenser sur une période tout en maintenant le capital sur cette même période ». Il est indissociable du principe de préservation du capital, et donc d’amortissement. Cependant, dans son utilisation actuelle, le profit a plusieurs défauts : il est distribué aux seuls actionnaires[6], sans considération des autres parties prenantes le capital qu’il est nécessaire de préserver est uniquement le capital financier, il ne prend pas en compte la préservation du capital naturel et du capital humain. Ces limitations, sans en être la cause unique, ont favorisé une économie marchande certes efficace du point de vue financier[7], mais défectueuse voire prédatrice du point de vue humain et environnemental. Concrètement, la

Par Kuhanathan A., Métadier B.

29 mars 2021

Les élus face au dilemme de l’achat public local

« Pourquoi le maire n’a-t-il pas confié les travaux de la salle des fêtes à quelqu’un du coin ? » ; « Quitte à imprimer des tracts pour le marché de Noël, autant soutenir l’imprimeur local… » ; « Comment est-ce possible que la fabrication dordognaise de cartes vitales ait été délocalisée en Inde ? ». Régulièrement, les citoyens reprochent aux élus de ne pas dépenser localement l’argent public. Mais quelles sont vraiment les règles applicables ; ont-ils seulement le droit d’exprimer une telle préférence ? Le 27 janvier 1986, la commune de Ventenac-en-Minervois, située dans le département de l’Aube, décide de sélectionner une entreprise pour construire un bâtiment industriel à usage de pelleterie, c’est-à-dire spécialisé dans la préparation de fourrures. Elle indique dans l’avis d’appel d’offre sa préférence pour une entreprise locale, afin de soutenir l’emploi et les finances de la ville. À l’époque, la législation applicable laisse une marge de manœuvre importante aux acheteurs publics et le maire a toutes les raisons de penser qu’il agit dans l’intérêt des habitants de sa commune. Finalement, le marché public est bien attribué à une entreprise implantée à proximité, mais un concurrent évincé saisit le juge administratif, qui sanctionne l’usage du critère de préférence locale[1]. Cette solution jurisprudentielle n’a pas pris une ride depuis et l’incompréhension demeure car l’impact économique de la commande publique n’est plus à démontrer[2] : pourquoi ne pas s’en servir pour soutenir l’emploi et le dynamisme des communes, départements et régions ? L’Institut Rousseau propose un état des lieux et des solutions pour favoriser la commande publique responsable et locale.   1/ Aux origines de l’interdiction de la préférence locale   Pour comprendre les raisons qui poussent le Conseil d’État à sanctionner la commune de Ventenac-en-Minervois en 1994, il faut se rappeler que, dès 1957, le Traité de Rome interdit toute discrimination en raison de la nationalité[3], qu’elle soit ostensible ou dissimulée[4]. Aucune réglementation nationale ne peut donc valablement réserver un pourcentage de marchés publics à des entreprises nationales ou régionales[5]. En 1992, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), rebaptisée depuis le Traité de Lisbonne, en 2009, Cour de justice de l’Union européenne, pose également le principe d’interdiction de toute préférence locale : il est rigoureusement interdit d’attribuer un marché public sur la base d’un critère d’origine ou d’implantation géographique des candidats[6]. Plutôt que d’intervenir directement dans l’économie – en l’occurrence pour soutenir une entreprise au motif qu’elle est implantée localement – l’État s’efface et revendique sa neutralité. Cette solution d’inspiration néolibérale a été reprise dans l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la France est membre : il est interdit de discriminer en accordant une protection à des fournisseurs, marchandises ou services nationaux[7]. Il existe néanmoins une exception, lorsque l’implantation géographique est nécessaire à la bonne exécution du contrat, par exemple pour intervenir rapidement[8]. Mais, outre le fait que les exemples sont rares, même dans ce cas, le critère géographique ne peut pas préexister à l’attribution du marché, c’est-à-dire qu’un candidat qui s’engage à s’implanter localement devra être considéré au même titre qu’un autre déjà présent sur place[9]. Plusieurs principes – dits fondamentaux – assurent l’effectivité de la non-préférence locale. À travers la publicité du marché et la mise en concurrence des entreprises, les acheteurs publics assurent l’égalité d’accès. Tout au long de la procédure, ils traitent les candidats de la même manière et de façon transparente, ce qui leur permet, in fine, de choisir l’offre la plus avantageuse[10] en fonction des critères déterminés au départ[11]. Il faut dire, enfin, que l’existence d’une sanction pénale dissuade fortement de braver cette interdiction[12]. Il est unanimement admis que la publicité, la mise en concurrence et la transparence des procédures ont amélioré l’efficacité de la commande publique et permis de mieux utiliser les deniers publics. Tout au long des dernières années, il faut saluer le travail de ceux qui ont œuvré pour que ces règles se généralisent dans les pratiques des acheteurs publics. Il n’en demeure pas moins que la non-préférence locale est un choix politique, qui pourrait évoluer sans remettre en cause tout ce mouvement de rationalisation.   2/ L’approvisionnement auprès des entreprises de proximité   En réalité, certaines évolutions ont déjà eu lieu ; des moyens existent dans le corpus de règles applicables pour favoriser, indirectement et subtilement, les entreprises de proximité. Réunie en septembre 2020 pour discuter du « retour en force du made in France dans la commande publique », l’Association pour l’achat dans les services publics (APASP), qui réunit plus de deux mille acheteurs, remarquait qu’il est difficile de déterminer ce qu’est un produit fabriqué en France. Il est vrai que la question mérite d’être posée et que l’étiquetage obligatoire des produits apparaît comme un préalable nécessaire au développement d’un véritable achat public local, au même titre – d’ailleurs – que pour tous les consommateurs[13]. Mais, même si cet étiquetage existait, comment concilier le soutien aux entreprises avec la prohibition de toute préférence locale ? 2.1 – L’introduction de clauses environnementales et sociales Le premier élément de réponse a été introduit par une directive européenne de 2004[14], qui prévoit la possibilité de prescrire des caractéristiques environnementales et sociales dans les spécifications techniques des marchés publics. Concrètement, les acheteurs peuvent exprimer – avant la publicité – une préférence pour la méthode de production ou les caractéristiques environnementales des produits et des services qu’ils cherchent (limitation des émissions de gaz à effet de serre, qualité, fraîcheur, saisonnalité, par exemple). Ils peuvent aussi prendre en compte le nombre d’emplois créés[15] ou faire usage d’un écolabel, à condition que ces critères soient accessibles et disponibles à tous[16]. Pendant l’exécution, ils ont la faculté de favoriser l’emploi de personnes handicapées ou en difficulté, la formation des chômeurs ou des jeunes, et ce même au-delà de ce qui est exigé par la législation nationale[17]. En 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré cette pratique, dans le cadre d’un marché public de thés et cafés issus du commerce équitable[18] et, depuis 2018, le développement durable – dans ses

Par Arnault G.

15 mars 2021

Pour une garantie à l’emploi vert

Le chômage est une épreuve. Pour qui est privé d’emploi, sa prolongation constitue une expérience d’autant plus difficile que le travail utile à la société est inépuisable. Comment qualifier une société qui condamne des millions de gens à « l’inutilité » ? Comment accepter un phénomène de marginalisation sociale à grande échelle ? L’habitude du chômage nous fait parfois oublier à quel point il est une absurdité. Le chômage, au sens moderne du terme, est la privation d’un emploi salarié. Il naît avec l’essor du salariat et les premières crises du capitalisme industriel au XIXème siècle. Il se «massifie » au crépuscule des Trente Glorieuses, pour atteindre des taux oscillant entre 7 et 11 % de la population active française. Aucun gouvernement n’en est venu à bout. Nous nous accommodons trop souvent du chômage de masse. Il ne serait, finalement, qu’une variable d’ajustement douloureuse en période de crise, le pendant négatif d’un modèle économique par ailleurs vertueux. En dépit de sa nécessité, l’assurance chômage contribue à entretenir cette apparence de normalité. Comme son nom l’indique, elle assure les personnes contre un nouveau risque créé par la société industrielle. Pourtant, le chômage de longue durée provoque la dissolution du lien social. En France, il est plus élevé que la moyenne des pays développés. « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » affirme le préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, le droit à l’emploi fait partie du « bloc de constitutionnalité ». Sa valeur juridique est supérieure aux lois.Force est de constater qu’il est bafoué dans les faits. L’institut Rousseau et Hémisphère gauche proposent de donner corps à cette promesse constitutionnelle en créant un million d’emplois dans les métiers de la reconstruction écologique et dans ceux du lien social. La garantie à l’emploi propose un emploi à ceux qui en sont durablement privés, tout en contribuant à l’effort de reconstruction écologique de notre pays. L’État impulse et finance cette proposition, tandis que les emplois sont identifiés localement en fonction des besoins de chaque territoire. Ces emplois peuvent être portés par des entreprises, des administrations ou des structures de l’économie sociale et solidaire. Un million d’emplois pourraient êtrecréés grâce à ce dispositif, pour un coût inférieur aux politiques de lutte contre le chômage existantes.   Sommaire I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale B/ Depuis 40 ans, les politiques de lutte contre le chômage présentent un bilan décevant et n’ont pas permis d’éradiquer le chômage de longue durée II/ La garantie à l’emploi : un nouvel horizon de la lutte contre le chômage A/ Le droit à l’emploi, qui a valeur constitutionnelle, doit être réaffirmé B/ La garantie à l’emploi émerge comme une politique volontariste de lutte contre le chômage C/ La France connaît déjà plusieurs embryons de garantie à l’emploi III/ La garantie à l’emploi devrait être ciblée sur les emplois nécessaires à la reconstruction écologique et au renforcement du lien social A/ Identifier les besoins : la reconstruction écologique et les métiers du lien B/ Partir des territoires : les emplois doivent être identifiés au niveau de chaque bassin de vie, par des comités locaux pour l’emploi solidaire C/ Les comités locaux pour l’emploi solidaire pourront s’appuyer sur plusieurs dispositifs IV/ Conclusion   I/ Le chômage de masse est une absurdité économique et sociale dont le coût est exorbitant pour la société. A/ Le chômage de longue durée est une absurdité, synonyme de perte de richesse pour la société et d’exclusion sociale.   1. La France compte près de 4 millions de chômeurs. La France compte 3,8 millions de personnes sans emploi[1]. À ces 3,8 millions de chômeurs, s’ajoutent 2,2 millions de personnes en situation d’emploi précaire : elles enchaînent des intérims, subissent des temps partiels. Les contrecoups de la pandémie de Covid-19 pourraient encore accroître le chômage en 2021. Dans le contexte de la pandémie, les plans sociaux s’accumulent. Du mois de septembre 2020 au mois de décembre, 35 000 licenciements ont été annoncés[2]. Avant le secteur du commerce (6 057 suppressions de postes) et de l’hébergement-restauration (4 659 postes), c’est celui de l’industrie manufacturière où les destructions de postes sont les plus nombreuses (17 570). En cumul depuis le 1er mars 2020 et le 1er janvier 2021, 84 100 ruptures de contrats de travail ont été prononcées dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), soit près de trois fois plus que sur la même période l’année précédente. Un million de personnes supplémentaires pourraient se retrouver au chômage d’ici à la fin du premier semestre 2021. Depuis près de 40 ans, la France connaît un chômage massif qui oscille entre 8 et 10 % de la population active. Taux de chômage, France, 1975-2019 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2019 Taux (%) 3.4 5.3 8.8 7.9 10.0 8.6 8.9 9.3 10.3 8.4 Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.   Parmi eux, les chômeurs de longue durée, privés d’emploi depuis plus d’un an, représentent une part stable et élevée, autour de 40 % du nombre de chômeurs global (entre 3,5 et 4 % de la population active). Le chômage de longue durée a pris une ampleur préoccupante en France. Au quatrième semestre de 2020, il concerne 2,8 millions de personnes selon Pôle emploi[3] et 1,2 millions selon l’INSEE. Entre 2006 et 2015, le taux de chômage de longue durée est en progression de 3,9% alors que dans le même temps il a diminué de plus de 25 % en Allemagne. Dans les pays de l’OCDE, les chômeurs de longue durée représentent en moyenne 25,8 %[4] du total des chômeurs, soit 15 points de moins qu’en France.   2. Le chômage de longue durée est une exclusion sociale pour les personnes qui y sont confrontées et une perte de richesse pour la société.   Le chômage de

Par Hémisphère Gauche, Institut Rousseau, Ridel C., Ouizille A.

7 février 2021

Stop à la neutralité carbone en trompe-l’oeil L’empreinte carbone au service d’une nouvelle stratégie industrielle

Le Haut conseil pour le climat (HCC) a publié le 6 octobre 2020 un rapport intitulé « Maîtriser l’empreinte carbone de la France ». Ce rapport, issu d’une commande parlementaire, a pour objectif de produire une étude sur l’empreinte carbone française et ses déterminants sur la base d’un constat : les émissions liées au commerce international sont une partie importante de la contribution de la France aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces émissions « importées » sont paradoxalement et largement sous les radars des engagements internationaux et des politiques publiques, puisque le principal outil politique de lutte contre les émissions carbones – la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) – n’en tient pas compte. En se concentrant sur l’indicateur-clef qu’est « l’empreinte carbone », le HCC rappelle ce qui devrait être une évidence : la contribution de la France au réchauffement climatique ne se limite pas aux émissions de gaz à effet de serre produites sur son territoire (6,7 tonnes équivalent CO2 par habitant) mais elle inclut aussi celles produites ailleurs pour la consommation des français : émissions importées (6,4 tonnes équivalent CO2 par habitant en 2018), et liées au transport international (24,4 millions de tonnes équivalent CO2 en 2019 pour la France). Ce rapport du HCC éclaire donc un problème de cadrage coupable dans les politiques publiques : la non prise en compte des émissions de GES liées au commerce international. En mettant en évidence les acteurs qui consomment ces importations (acteurs économiques, entreprises comme ménages) le HCC montre l’existence de leviers d’action, certes indirects, à la disposition des pouvoirs publics. En effet, « la réduction des émissions importées ne repose pour le moment que sur les engagements de réduction des autres pays du monde, pour l’instant insuffisants en regard des objectifs de l’accord de Paris » (p.23). Une politique volontariste est possible sous réserve de la construction d’indicateurs opérationnels notamment en ce qui concerne les grands partenaires commerciaux extra-européens de la France, et de l’intégration de ces émissions dans la SNBC. Toutefois, les recommandations du rapport portant sur l’actualisation d’une stratégie industrielle, laquelle permettrait, en relocalisant, de réduire les émissions importées tout en construisant une industrie nationale et européenne plus durable, sont timides. L’empreinte carbone est pourtant un indicateur au coeur des réflexions sur les ajustements carbone aux frontières et sa réduction un argument fort en faveur d’une reprise en main des chaînes de production.   I. Qu’est ce que l’empreinte carbone ?   L’empreinte carbone est un indicateur national agrégé qui mesure, pour chaque secteur, les émissions produites en amont de la demande finale. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) la définit comme l’ensemble des « pressions sur le climat de la demande intérieure française, quelle que soit l’origine géographique des produits consommés ». Cela intègre les émissions liées à la production des biens et services consommés en France, en plus des émissions liées à leur usage : l’ensemble des GES émis pendant la fabrication, puis l’assemblage, en Asie par exemple, puis le transport d’un produit jusqu’à la distribution au consommateur final français sont comptabilisés dans l’empreinte carbone de la France. Cet indicateur ne prend pas en compte les émissions liées à la fin de vie des produits (recyclage et traitement), à la différence des « analyses en cycle de vie » (ACV), réalisées à l’échelle de produits particuliers, dans le cadre d’un mode de production donné[1]. Il ne prend pas non plus en compte les émissions liées aux produits fabriqués en France et exportés pour être consommés à l’étranger. Toutefois, le HCC fait le choix de les évoquer dans son rapport pour donner une vision plus complète des émissions liées au commerce international. L’actualité nous rappelle d’ailleurs leur importance : ce lundi 12 octobre, Bruno Le Maire annonçait une série de mesures pour verdir les aides à l’exportation françaises, en excluant toutefois de s’attaquer au soutien à des méga-projets d’exploitation de gaz jusqu’en 2035, à l’image du projet de Total en Arctique, incompatible avec le respect de l’accord de Paris[2]. L’empreinte carbone est donc un indicateur précieux, puisqu’il comptabilise l’ensemble des GES émis au service de la consommation des français. Par opposition, la Stratégie nationale bas carbone utilise aujourd’hui un autre indicateur : les émissions territoriales de la France, c’est-à-dire l’ensemble des émissions réalisées sur le territoire français. Cela comprend la production de biens destinés à l’export, mais laisse de côté les émissions des produits fabriqués à l’étranger pour la consommation française, ainsi que les émissions du transport international. Le choix de l’indicateur est bien entendu crucial pour guider l’action politique : si on ne considère que les émissions domestiques françaises par habitant, elles ont diminué de 30% entre 1995 et 2018, mais l’empreinte carbone, qui prend en compte l’accroissement des émissions importées (+78 % depuis 1995), montre une augmentation de l’émission de CO2 de la France sur la période, qui représente aujourd’hui 11,5 t éqCO2/hab.   II. Réaffirmer la responsabilité climatique de l’État dans les échanges internationaux   L’empreinte carbone se distingue donc des inventaires d’émissions nationales établis dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ces derniers ne considèrent que la responsabilité d’émission de GES sur le territoire, alors que l’empreinte carbone intègre la responsabilité de consommation[3] des français. Les objectifs de réduction que la France s’est fixée, dans le cadre de la contribution déterminée au niveau national (CDN) à l’accord de Paris soumis par l’Union européenne (UE), ou dans celui de sa SNBC, portent sur ses seules émissions territoriales. La question qui se pose est ici éminemment politique : à qui va la responsabilité des émissions de GES entre le pays producteur et le pays consommateur/importateur dans le marché mondial ? L’empreinte carbone, en posant la question de la « responsabilité des émissions », dénonce la vision véhiculée par les sommets internationaux où se rencontreraient selon la nouvelle terminologie des « pays en voie de décarbonation » (épigone du terme « pays développés ») et de « pays en retard » sur cette transition. La prise en compte du commerce international, point d’achoppement des négociations pour le

Par Gonon M.

25 octobre 2020

Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprenant le plan de relance, a été présenté le 28 septembre dernier. Malgré de grands effets d’annonce, dont les fameux 32 milliards supplémentaires « pour l’écologie », une analyse plus détaillée révèle que le compte n’y est pas et que ce budget est largement insuffisant pour amorcer une restructuration en profondeur de notre économie à la hauteur de nos engagements climatiques (seuls 6,6 milliards d’euros de crédits en faveur de l’écologie seront réellement décaissés en 2021). Si des progrès sont à souligner, tels que, entre autres, le plan hydrogène ou le renforcement du plan vélo, des incohérences subsistent puisque les activités polluantes demeurent largement subventionnées en parallèle des dépenses supplémentaires, quoique très insuffisantes, pour le verdissement de l’appareil de production et la maîtrise de nos dépenses d’énergie. En outre, sur le plan de la fiscalité et de la transposition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), on constate peu d’avancées et quelques reculs. Il faut, toutefois, saluer le fait qu’il s’agit du premier budget qui procède à une classification systématique des dépenses de l’État en fonction de leur impact sur l’environnement comme cela était prévu par l’article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020[1]. Le résultat laisse cependant songeur : sur un volume de dépenses totales des ministères représentant près de 378 milliards d’euros, seuls 53 milliards d’euros de dépenses sont identifiés comme ayant un impact sur l’environnement, dont 42,8 milliards d’euros ont été évalués comme favorables à l’environnement contre 10 milliards d’euros jugés défavorables. On découvre avec étonnement que toutes les aides au secteur numérique, y compris le soutien à la 5G, ou encore la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production n’ont aucun effet environnemental, mais que les 118 millions d’euros d’aides à la presse sont en revanche considérés comme défavorables à l’environnement. Bercy reconnaît également que les dépenses immobilières ou de fonctionnement (notamment les carburants) ne sont pour l’instant pas intégrées à l’exercice d’évaluation, ce qui devrait être corrigé par la suite. Le premier constat est donc celui-ci : si le travail d’évaluation du budget vert est éminemment louable, celui-ci demeure largement perfectible. Néanmoins, les critiques principales que l’on peut adresser à ce budget « vert » portent sur le volume et sur le contenu des dépenses. I. Un volume de dépenses en trompe-l’œil et loin des enjeux Concernant le plan de relance, il convient ainsi de signaler que les 100 milliards d’euros annoncés (sur deux ans) se sont transformés in fine en 22 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2021, dont seulement 6,6 milliards pour la transition écologique, auquel il convient d’ajouter 10 milliards d’euros en dépenses fiscales pour la baisse des impôts de production. Pour atteindre les 100 milliards sur deux ans, le plan de relance inclut en réalité des dépenses déjà votées en lois de finances rectificatives pour 2020 (par exemple la dotation de soutien à l’investissement local de 5 milliards d’euros) et renvoie le reste à 2022 ou au-delà. Cela a une conséquence directe : le soutien public à l’économie va nettement se restreindre en 2021 par rapport à 2020, alors même que la crise est loin d’être terminée. Avec un volume total de dépenses prévues de 378,7 milliards d’euros pour 2021, le budget se situera nettement en dessous des 394,7 milliards d’euros de dépenses prévues par la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 votée en juillet 2020. Cela signifie que l’extinction progressive des mesures instaurées en 2020 en faveur du soutien d’ensemble à l’économie (et notamment l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les TPE ou les avances remboursables pour PME et ETI), ne sera qu’à moitié compensée, en 2021, par des dépenses supplémentaires issues du plan de relance. Quand on prévoit une récession pour 2020 d’environ 10 % du PIB, soit plus de 250 milliards d’euros de pertes de revenus, on peut s’interroger sur ce recul global des dépenses publiques, qui est certainement précipité et motivé par l’objectif de revenir rapidement sous la barre des 3 % de déficit. On peut aussi se demander pourquoi le Gouvernement tient tant à faire reculer le déficit public de 10 à 6 % du PIB entre 2020 et 2021 alors que l’État emprunte à – 0,2 % sur 10 ans et à seulement 0,4 % sur 30 ans ? Nous commençons en effet à peine à apercevoir les dégâts souterrains sur l’économie qui seront provoqués par la montée du chômage et la multiplication des défaillances d’entreprises. Tout se passe donc comme si le Gouvernement prévoyait une reprise en V (avec un chiffre exagérément optimiste de 8 % de croissance en 2021 qui a été épinglé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget) alors que la reprise sera certainement en K avec un plongeon initial de l’ensemble de l’économie, puis une reprise rapide de certaines branches d’activités (numérique, énergie, luxe) quand la descente aux enfers va se poursuivre pour d’autres secteurs. Il est ainsi à craindre que le retrait trop rapide des mesures de soutien à l’économie, et l’absence de mesures de soutien à la consommation (pas de baisse de la TVA, pas de hausse du SMIC, pas de dégel du point d’indice de la fonction publique) n’handicapent sérieusement la reprise. En outre, même en ce qui concerne les mesures structurelles, il faut rappeler que, avant même la crise du Covid-19, France Stratégie, I4CE, l’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) ou encore la Cour des comptes européenne avançaient un besoin de financements supplémentaires pour la transition d’un ordre de grandeur compris entre 15 et 40 milliards d’euros par an, par rapport à ce qui est investi actuellement (environ 40 milliards). Transition agroécologique et plan de circularisation de l’économie compris, c’est sans doute quelques 75 à 100 milliards d’euros supplémentaires que la puissance publique devrait investir chaque année. Or, comme souligné, sur les 22 milliards de crédits de paiement du plan de relance, seuls 6,6 milliards viendront alimenter des dépenses favorables à l’écologie. Le premier

Par Dufrêne N., Gilbert P.

18 octobre 2020

    Partager

    EmailFacebookTwitterLinkedInTelegram