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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Jean Prosperi

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    Jean Prosperi

    Biographie

    Ingénieur général du Corps des Mines.
    Après une carrière dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, Jean Prosperi se consacre à des missions de bénévolat dans le secteur social.pour l’accompagnement des jeunes dans leur projet de formation ou de recherche d’emploi.

    Notes publiées

    L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

    I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

    Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

    22 juin 2024

    Comment améliorer le traitement des enjeux écologiques dans les médias ?

    Introduction générale Les crises écologiques engendrent déjà de nombreux bouleversements. Le GIEC estime que 3,3 à 3,6 milliards d’individus sont déjà en situation de vulnérabilité. Entre le 1er juin et le 22 août 2022, l’INSEE évalue à 11 000 la surmortalité en France vraisemblablement liée aux vagues de chaleur successives, par rapport à la même période en 2019. Au Pakistan, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), 33 millions de Pakistanais ont été touchés par les inondations dévastatrices de ce même été, provoquant 8 millions de déplacés climatiques, 1500 disparus, 3,5 millions d’hectares de cultures perdus et la destruction de nombreuses infrastructures. Face au coût exorbitant de l’inaction, l’impérieuse nécessité d’agir n’est plus à démontrer. L’ordre mondial se trouve donc fragilisé par des crises s’amplifiant rapidement pour lesquelles notre capacité d’anticipation, et donc de protection, diminue. Face à ces bascules importantes, les médias ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique. Seulement 3,6 % des contenus médiatiques pendant la campagne électorale présidentielle de 2022 portaient sur les questions climatiques.[1] À titre de comparaison, le Covid-19 a occupé jusqu’à 74,9 % du temps d’antenne[2]. De même, dans le secteur audiovisuel, seuls 0,8% des reportages ont été consacrés aux enjeux écologiques depuis 2013[3]. Bien que le traitement médiatique de l’écologie ait triplé depuis les années 1990[4], cette proportion apparaît encore insuffisante au regard des faits et enjeux liés au franchissement des limites planétaires (dérèglement climatique, érosion vertigineuse de la biodiversité, perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, changements d’utilisation des sols, acidification des océans, utilisation mondiale de l’eau, appauvrissement de l’ozone stratosphérique, augmentation des aérosols dans l’atmosphère, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère) et à la raréfaction des ressources déjà à l’œuvre. À cela s’ajoute le cadrage médiatique des enjeux écologiques, souvent cantonné à des rubriques dédiées. Si cette organisation en silos est censée faciliter l’accès à l’information thématique, elle contribue néanmoins à isoler l’information et à ne la transmettre qu’à une portion réduite et déjà sensibilisée de la population. Par ailleurs, ce traitement va à l’encontre de la dimension systémique des enjeux écologiques, possédant des ramifications transversales dans diverses rubriques (économie, politique, société, agriculture, santé, etc…). De plus, de nombreux médias français favorisent la fabrique du doute en ne distinguant pas les faits des opinions. Cela a notamment pu alimenter “une polarisation de l’opinion publique, avec des répercussions négatives pour la politique climatique”, expliquent les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il souligne ainsi le rôle majeur des médias : “Les médias peuvent avoir un  impact significatif pour faire progresser la conscience climatique et la légitimité des actions engagées. Ils cadrent et transmettent les informations sur le changement climatique, ils ont un rôle crucial dans la perception qu’en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir”. Les médias, par leur mission d’informer les citoyens sont, à ce titre, des acteurs démocratiques essentiels pour la reconstruction écologique de nos sociétés. Il est impératif que chaque citoyen, quels que soient les médias qu’il consulte, puisse avoir accès à un niveau d’information suffisant et qualitatif sur des enjeux aussi vitaux. Or, l’édition 2022 de l’étude “Fractures Françaises” (Ipsos-Sopra Steria) révèle que si 90 % des Français considèrent que “nous sommes en train de vivre un changement climatique”, 39 % doutent encore de l’origine anthropique de cette crise. Il existe pourtant un consensus scientifique mondial sur cette question. Il y a donc urgence à informer davantage et mieux. En outre, de nombreux médias français publient des contenus éditoriaux contradictoires. En parallèle de la publication d’articles, de reportages et d’émissions traitant des enjeux écologiques, ils publient des contenus relatifs à des modes de vie ou des imaginaires allant à l’encontre des préconisations scientifiques permettant de faire face à l’urgence. Ces contenus éditoriaux sont également insatisfaisants dans la façon dont ils font le lien entre les causes de la crise écologique et ses effets.  Au-delà des contenus éditoriaux, les contenus publicitaires faisant la promotion de biens ou de services défavorables à l’environnement, nuancent la portée des messages transmis concernant l’urgence écologique. Cette inadéquation entre contenus éditoriaux et publicitaires, contribue à une dissonance cognitive portant préjudice à la compréhension et la perception des enjeux. Ce traitement déséquilibré des enjeux délégitime les décisions publiques et met à mal l’engagement citoyen. La transformation des médias se justifie doublement, à la fois dans l’intérêt public mais également dans l’intérêt du public. L’intérêt public, général, n’est plus à démontrer tant les conséquences de la crise écologique sont manifestes et tangibles. Or, les médias offrent souvent une analyse des faits partielle, voire erronée, comme nous avons pu le voir ces précédentes années avec le traitement des vagues de chaleur en France. Malgré leurs conséquences sanitaires (mortalité), agricoles et économiques, ces catastrophes sont encore traitées avec une connotation positive dans les médias[5]. L’intérêt du public est bien présent puisque les Français font de l’environnement leur seconde priorité, tout en estimant que les médias et les journalistes n’accordent “pas assez de place” aux questions posées par le changement climatique et l’environnement. Il est donc urgent que le traitement médiatique des enjeux écologiques progresse. Des évolutions sont d’ores-et-déjà perceptibles. En septembre 2022, Radio France a annoncé son « Tournant » écologique engageant à la fois la formation des journalistes, la transformation des contenus éditoriaux et publicitaires et l’amélioration de la performance écologique interne. Le 14 septembre 2022, un collectif de journalistes a publié une Charte “Pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”, composée de 13 engagements. La charte a été signée par plus de 1 500 journalistes et 120 rédactions, attestant du souhait de la profession d’améliorer ses pratiques en matière d’écologie. Retrouvez ici la proposition de loi relative à la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité Tout en saluant les récents engagements des journalistes en faveur d’un traitement médiatique plus sérieux de la crise écologique, la réponse à cet enjeu ne peut reposer que sur le seul volontariat. La réglementation est l’un des outils les plus adéquats pour garantir aux

    Par Prosperi J., Ramos P., Vernières A., Morel E., Magat A., Dufrêne N.

    19 juillet 2023

    Proposition de loi relative à la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité

    EXPOSÉ DES MOTIFS Les crises écologiques engendrent déjà de nombreux bouleversements. Le GIEC estime que 3,3 à 3,6 milliards d’individus sont déjà en situation de vulnérabilité. Entre le 1er juin et le 22 août 2022, l’INSEE évalue à 11 000 la surmortalité en France vraisemblablement liée aux vagues de chaleur successives, par rapport à la même période en 2019. Au Pakistan, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), 33 millions de Pakistanais ont été touchés par les inondations dévastatrices de ce même été, provoquant 8 millions de déplacés climatiques, 1500 disparus, 3,5 millions d’hectares de cultures perdus et la destruction de nombreuses infrastructures. Face au coût exorbitant de l’inaction, l’impérieuse nécessité d’agir n’est plus à démontrer. L’ordre mondial se trouve donc fragilisé par des crises s’amplifiant rapidement pour lesquelles notre capacité d’anticipation, et donc de protection, diminue. Face à ces bascules importantes, les médias ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique. Seulement 3,6 % des contenus médiatiques pendant la campagne électorale présidentielle de 2022 portaient sur les questions climatiques.[1] À titre de comparaison, le Covid-19 a occupé jusqu’à 74,9 % du temps d’antenne[2]. De même, dans le secteur audiovisuel, seuls 0,8% des reportages ont été consacrés aux enjeux écologiques depuis 2013[3]. Bien que le traitement médiatique de l’écologie ait triplé depuis les années 1990[4], cette proportion apparaît encore insuffisante au regard des faits et enjeux liés au franchissement des limites planétaires (dérèglement climatique, érosion vertigineuse de la biodiversité, perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, changements d’utilisation des sols, acidification des océans, utilisation mondiale de l’eau, appauvrissement de l’ozone stratosphérique, augmentation des aérosols dans l’atmosphère, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère) et à la raréfaction des ressources déjà à l’oeuvre. À cela s’ajoute le cadrage médiatique des enjeux écologiques, souvent cantonné à des rubriques dédiées. Si cette organisation en silos est censée faciliter l’accès à l’information thématique, elle contribue néanmoins à isoler l’information et à ne la transmettre qu’à une portion réduite et déjà sensibilisée de la population. Par ailleurs, ce traitement va à l’encontre de la dimension systémique des enjeux écologiques, possédant des ramifications transversales dans diverses rubriques (économie, politique, société, agriculture, santé, etc…). De plus, de nombreux médias français favorisent la fabrique du doute en ne distinguant pas les faits des opinions. Cela a notamment pu alimenter “une polarisation de l’opinion publique, avec des répercussions négatives pour la politique climatique”, expliquent les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il souligne ainsi le rôle majeur des médias : “Les médias peuvent avoir un  impact significatif pour faire progresser la conscience climatique et la légitimité des actions engagées. Ils cadrent et transmettent les informations sur le changement climatique, ils ont un rôle crucial dans la perception qu’en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir”. Les médias, par leur mission d’informer les citoyens sont, à ce titre, des acteurs démocratiques essentiels pour la reconstruction écologique de nos sociétés. Il est impératif que chaque citoyen, quels que soient les médias qu’il consulte, puisse avoir accès à un niveau d’information suffisant et qualitatif sur des enjeux aussi vitaux. Or, l’édition 2022 de l’étude “Fractures Françaises” (Ipsos-Sopra Steria) révèle que si 90 % des Français considèrent que “nous sommes en train de vivre un changement climatique”, 39% doutent encore de l’origine anthropique de cette crise. Il existe pourtant un consensus scientifique mondial sur cette question. Il y a donc urgence à informer davantage et mieux. En outre, de nombreux médias français publient des contenus éditoriaux contradictoires. En parallèle de la publication d’articles, de reportages et d’émissions traitant des enjeux écologiques, ils publient des contenus relatifs à des modes de vie ou des imaginaires allant à l’encontre des préconisations scientifiques permettant de faire face à l’urgence. Ces contenus éditoriaux sont également insatisfaisants dans la façon dont ils font le lien entre les causes de la crise écologique et ses effets.  Au-delà des contenus éditoriaux, les contenus publicitaires faisant la promotion de biens ou de services défavorables à l’environnement, nuancent la portée des messages transmis concernant l’urgence écologique. Cette inadéquation entre contenus éditoriaux et publicitaires, contribue à une dissonance cognitive portant préjudice à la compréhension et la perception des enjeux. Ce traitement déséquilibré des enjeux délégitime les décisions publiques et met à mal l’engagement citoyen. La transformation des médias se justifie doublement, à la fois dans l’intérêt public mais également dans l’intérêt du public. L’intérêt public, général, n’est plus à démontrer tant les conséquences de la crise écologique sont manifestes et tangibles. Or, les médias offrent souvent une analyse des faits partielle, voire erronée, comme nous avons pu le voir ces précédentes années avec le traitement des vagues de chaleur en France. Malgré leurs conséquences sanitaires (mortalité), agricoles et économiques, ces catastrophes sont encore traitées avec une connotation positive dans les médias[5]. L’intérêt du public est bien présent puisque les Français font de l’environnement leur seconde priorité, tout en estimant que les médias et les journalistes n’accordent “pas assez de place” aux questions posées par le changement climatique et l’environnement. Il est donc urgent que le traitement médiatique des enjeux écologiques progresse. Des évolutions sont d’ores-et-déjà perceptibles. En septembre 2022, Radio France a annoncé son « Tournant » écologique engageant à la fois la formation des journalistes, la transformation des contenus éditoriaux et publicitaires et l’amélioration de la performance écologique interne. Le 14 septembre 2022, un collectif de journalistes a publié une Charte “Pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”, composée de 13 engagements. La charte a été signée par plus de 1 500 journalistes et 120 rédactions, attestant du souhait de la profession d’améliorer ses pratiques en matière d’écologie. Tout en saluant les récents engagements des journalistes en faveur d’un traitement médiatique plus sérieux de la crise écologique, la réponse à cet enjeu ne peut reposer que sur le seul volontariat. La réglementation est l’un des outils les plus adéquats pour garantir aux individus le droit à l’information sur l’environnement, un droit à valeur constitutionnelle. Aussi, notre Constitution affirme le caractère inaliénable de la

    Par Prosperi J., Ramos P., Vernières A., Morel E., Magat A., Dufrêne N.

    19 juillet 2023

    L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

    I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

    Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

    19 juillet 2023

    Comment améliorer le traitement des enjeux écologiques dans les médias ?

    Introduction générale Les crises écologiques engendrent déjà de nombreux bouleversements. Le GIEC estime que 3,3 à 3,6 milliards d’individus sont déjà en situation de vulnérabilité. Entre le 1er juin et le 22 août 2022, l’INSEE évalue à 11 000 la surmortalité en France vraisemblablement liée aux vagues de chaleur successives, par rapport à la même période en 2019. Au Pakistan, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), 33 millions de Pakistanais ont été touchés par les inondations dévastatrices de ce même été, provoquant 8 millions de déplacés climatiques, 1500 disparus, 3,5 millions d’hectares de cultures perdus et la destruction de nombreuses infrastructures. Face au coût exorbitant de l’inaction, l’impérieuse nécessité d’agir n’est plus à démontrer. L’ordre mondial se trouve donc fragilisé par des crises s’amplifiant rapidement pour lesquelles notre capacité d’anticipation, et donc de protection, diminue. Face à ces bascules importantes, les médias ne sont pas à la hauteur de l’urgence écologique. Seulement 3,6 % des contenus médiatiques pendant la campagne électorale présidentielle de 2022 portaient sur les questions climatiques.[1] À titre de comparaison, le Covid-19 a occupé jusqu’à 74,9 % du temps d’antenne[2]. De même, dans le secteur audiovisuel, seuls 0,8% des reportages ont été consacrés aux enjeux écologiques depuis 2013[3]. Bien que le traitement médiatique de l’écologie ait triplé depuis les années 1990[4], cette proportion apparaît encore insuffisante au regard des faits et enjeux liés au franchissement des limites planétaires (dérèglement climatique, érosion vertigineuse de la biodiversité, perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, changements d’utilisation des sols, acidification des océans, utilisation mondiale de l’eau, appauvrissement de l’ozone stratosphérique, augmentation des aérosols dans l’atmosphère, introduction d’entités nouvelles dans la biosphère) et à la raréfaction des ressources déjà à l’œuvre. À cela s’ajoute le cadrage médiatique des enjeux écologiques, souvent cantonné à des rubriques dédiées. Si cette organisation en silos est censée faciliter l’accès à l’information thématique, elle contribue néanmoins à isoler l’information et à ne la transmettre qu’à une portion réduite et déjà sensibilisée de la population. Par ailleurs, ce traitement va à l’encontre de la dimension systémique des enjeux écologiques, possédant des ramifications transversales dans diverses rubriques (économie, politique, société, agriculture, santé, etc…). De plus, de nombreux médias français favorisent la fabrique du doute en ne distinguant pas les faits des opinions. Cela a notamment pu alimenter “une polarisation de l’opinion publique, avec des répercussions négatives pour la politique climatique”, expliquent les membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il souligne ainsi le rôle majeur des médias : “Les médias peuvent avoir un  impact significatif pour faire progresser la conscience climatique et la légitimité des actions engagées. Ils cadrent et transmettent les informations sur le changement climatique, ils ont un rôle crucial dans la perception qu’en a le public, sa compréhension et sa volonté d’agir”. Les médias, par leur mission d’informer les citoyens sont, à ce titre, des acteurs démocratiques essentiels pour la reconstruction écologique de nos sociétés. Il est impératif que chaque citoyen, quels que soient les médias qu’il consulte, puisse avoir accès à un niveau d’information suffisant et qualitatif sur des enjeux aussi vitaux. Or, l’édition 2022 de l’étude “Fractures Françaises” (Ipsos-Sopra Steria) révèle que si 90 % des Français considèrent que “nous sommes en train de vivre un changement climatique”, 39 % doutent encore de l’origine anthropique de cette crise. Il existe pourtant un consensus scientifique mondial sur cette question. Il y a donc urgence à informer davantage et mieux. En outre, de nombreux médias français publient des contenus éditoriaux contradictoires. En parallèle de la publication d’articles, de reportages et d’émissions traitant des enjeux écologiques, ils publient des contenus relatifs à des modes de vie ou des imaginaires allant à l’encontre des préconisations scientifiques permettant de faire face à l’urgence. Ces contenus éditoriaux sont également insatisfaisants dans la façon dont ils font le lien entre les causes de la crise écologique et ses effets.  Au-delà des contenus éditoriaux, les contenus publicitaires faisant la promotion de biens ou de services défavorables à l’environnement, nuancent la portée des messages transmis concernant l’urgence écologique. Cette inadéquation entre contenus éditoriaux et publicitaires, contribue à une dissonance cognitive portant préjudice à la compréhension et la perception des enjeux. Ce traitement déséquilibré des enjeux délégitime les décisions publiques et met à mal l’engagement citoyen. La transformation des médias se justifie doublement, à la fois dans l’intérêt public mais également dans l’intérêt du public. L’intérêt public, général, n’est plus à démontrer tant les conséquences de la crise écologique sont manifestes et tangibles. Or, les médias offrent souvent une analyse des faits partielle, voire erronée, comme nous avons pu le voir ces précédentes années avec le traitement des vagues de chaleur en France. Malgré leurs conséquences sanitaires (mortalité), agricoles et économiques, ces catastrophes sont encore traitées avec une connotation positive dans les médias[5]. L’intérêt du public est bien présent puisque les Français font de l’environnement leur seconde priorité, tout en estimant que les médias et les journalistes n’accordent “pas assez de place” aux questions posées par le changement climatique et l’environnement. Il est donc urgent que le traitement médiatique des enjeux écologiques progresse. Des évolutions sont d’ores-et-déjà perceptibles. En septembre 2022, Radio France a annoncé son « Tournant » écologique engageant à la fois la formation des journalistes, la transformation des contenus éditoriaux et publicitaires et l’amélioration de la performance écologique interne. Le 14 septembre 2022, un collectif de journalistes a publié une Charte “Pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”, composée de 13 engagements. La charte a été signée par plus de 1 500 journalistes et 120 rédactions, attestant du souhait de la profession d’améliorer ses pratiques en matière d’écologie. Retrouvez ici la proposition de loi relative à la responsabilité des médias dans le traitement des enjeux environnementaux et de durabilité Tout en saluant les récents engagements des journalistes en faveur d’un traitement médiatique plus sérieux de la crise écologique, la réponse à cet enjeu ne peut reposer que sur le seul volontariat. La réglementation est l’un des outils les plus adéquats pour garantir aux

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    19 juillet 2023

    Travaux externes

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