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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Boris Bouzol-Broitman

Boris Bouzol-Broitman

Biographie

Conseiller politique en charge des questions économiques au Parlement Européen.

Notes publiées

Réflexion pour la mise en place d’un impôt « anti-évasion » en France

La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com Télécharger la note en pdf Download the English version as a pdf   ____    I. Problème identifié : l’absence de lutte contre l’optimisation fiscale légale, mais abusive Le terme optimisation fiscale peut parfois prêter à confusion. Il existe en effet deux types d’optimisation fiscale. L’une, illégale, consiste à contourner les règles des impôts en allant à l’encontre de la loi. Son coût pour les finances publiques françaises pourrait atteindre 100 milliards d’euros selon le syndicat Solidaires finances publiques[3]. L’autre, légale, consiste à jouer avec les règles fiscales en vigueur, tant en France qu’à l’étranger, afin de payer le moins d’impôt possible. Celle-ci est par nature difficile à chiffrer, puisque la frontière entre ce qui relève de l’optimisation ou non est subjective. Et ce notamment concernant les départs de contribuables à l’étranger. Comment définir si un départ à l’étranger s’est fait dans le but de payer moins d’impôt ou non ? Cela peut parfois relever d’une mosaïque de raisons, parmi lesquelles figure en bonne position le fait de pouvoir payer moins d’impôt. Il est donc aujourd’hui difficile pour l’administration fiscale française de récupérer les recettes qui lui échappent du fait de cette optimisation fiscale légale à l’étranger. Or, celle-ci est rendue d’autant plus facile pour les contribuables français qu’elle peut se faire au sein même de l’Union européenne, chaque pays ayant ses règles fiscales propres, alors même que la circulation des capitaux et des personnes y est libre. Les négociations en cours au niveau de l’OCDE et du G20, notamment concernant le projet « BEPS » ne concernent que l’impôt sur les sociétés et trainent depuis 2012, faute de pouvoir atteindre un consensus politique international. Notre conviction est donc qu’il ne faut donc pas attendre ce type d’accords internationaux pour agir. En créant un outil qui peut être mis en place de manière unilatérale par la France, nous pouvons espérer pouvoir agir vite pour endiguer ce phénomène. En outre, les autres États auraient tout intérêt à imiter la France et petit à petit, nous pouvons donc atteindre un consensus international par l’exemple. Plus aucun État n’aurait alors intérêt à pratiquer le dumping fiscal. L’harmonisation fiscale par le haut s’effectuerait donc de fait. L’objectif est ambitieux. Cependant, ce papier ne prétend pas proposer une solution clef en main pour régler ce fléau. Il propose un outil. Mais celui-ci devra faire l’objet d’une large concertation, notamment avec l’administration fiscale, afin de le perfectionner avant que l’on envisage sa mise en place. L’objectif ici est donc de lancer la réflexion et le débat autour de ce qui pourrait être un moyen simple et rapide de mettre fin à l’optimisation fiscale à l’étranger certes légale, mais abusive moralement tant elle diminue l’impôt payé par les contribuables les plus aisés. II. Analyse et constat pour la France a) Nos principaux outils nationaux de lutte contre l’optimisation fiscale abusive sont des dispositifs anti-abus « ciblés » qui, trop nombreux et juridiquement fragiles, rendent l’impôt illisible En l’état du droit actuel, notre constat est que l’État français reste insuffisamment outillé pour lutter contre l’optimisation fiscale légale mais abusive. Premièrement, à grands traits, son principal outil consiste en des modalités particulières de l’impôt, à savoir des dispositifs anti-abus « ciblés ». Et précisément, la complexité actuelle de certains impôts (tels l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu ou encore la TVA) s’explique notamment par les strates successives de lois fiscales accumulées, chaque fois intervenues pour combler des incertitudes juridiques ou contrer l’inventivité des juristes fiscalistes, mais bien souvent après que ces failles aient été exploitées. Ces mécanismes particuliers de l’impôt, qui à chaque fois ont tenté de contrer ou de limiter des abus, sont bien souvent juridiquement fragiles et peuvent ainsi contrevenir aux normes de rang constitutionnel (égalité devant l’impôt, égalité devant les charges publiques, etc.) ou plus souvent au droit de l’Union européenne (en particulier les « libertés » de circulation des capitaux et d’établissement). Bien qu’utiles et nécessaires, ces dispositifs anti-abus particuliers constituent toutefois une mosaïque juridique rendant les impôts très peu lisibles pour les contribuables, ce d’autant plus que celle-ci est par nature évolutive et juridiquement fragile.   b) Les dispositifs « généraux » existants restent incomplets et n’ont pas pour ambition de limiter drastiquement l’optimisation fiscale Deuxième principal outil existant, les dispositifs anti-abus « généraux » visent surtout à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale illégales et non contre l’optimisation fiscale légale. Le plus important est celui de « l’abus de droit » fiscal (articles L. 64 et suivants du livre des procédures fiscales – LPF) qui a été mis en place dès 1941, puis progressivement étayé, et qui permet à l’administration d’écarter les actifs fictifs, recherchant une application littérale des textes détournant leur lettre et esprit, si ceux-ci ont pour seul but d’éluder ou de diminuer l’impôt normalement dû. Si ce mécanisme a été récemment renforcé (lois de finances pour 2019) par la création d’un « mini abus de droit » (article 64 A du LPF) pour les abus ayant pour but « principal » (et non « exclusif » comme l’abus de droit initial du L. 64 LPF) d’éluder ou de diminuer l’impôt dû, ces dispositifs seuls restent insuffisants et posent deux difficultés principales. Ces dispositifs n’ont pas pour but d’aider à une guerre généralisée contre les abus de droits fiscaux, mais s’apparentent plutôt à des frappes chirurgicales qui impliquent une charge de travail et d’analyse importante pour l’administration, la charge de la preuve reposant sur elle. Surtout, ils ne visent pas la majorité de l’optimisation fiscale qui profite d’importantes différences de fiscalité entre deux États, deux systèmes juridiques distincts. En outre, signalons la limite d’un autre dispositif « général » inabouti, le mécanisme des « listes noires » de paradis fiscaux (liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales de l’Union européenne et de la France). Celles-ci ne concernent qu’un nombre limité d’États

Par Iss A., Bouzol-Broitman B.

24 mai 2021

Utiliser l’impôt abc pour une réforme d’ampleur en faveur de la justice fiscale

La proposition de réforme globale de la fiscalité de l’Institut Rousseau se fonde sur la note technique décrivant et détaillant le fonctionnement de l’impôt ABC. Cette note a été élaborée par Joseph Enguehard, Gaël Giraud, Éric Levieil et Mathilde Salin. Elle est téléchargeable directement en PDF en cliquant sur le lien suivant : Un outil pour la délibération fiscale : l’impôt abc La présente note complète la note technique de présentation de l’impôt abc qui paraît simultanément. Elle vise à offrir une interprétation politique de ce qu’il pourrait être souhaitable de mettre en œuvre grâce à l’impôt abc. Pour cela, après avoir montré que toute réforme fiscale doit corriger un système de taxation devenu profondément injuste, nous définissons nos paramètres “idéaux” de l’impôt ABC et détaillons nos propositions pour le rendre à la fois plus juste et plus lisible pour les citoyens. Nous replaçons enfin l’ensemble dans une perspective historique afin de montrer en quoi la question de la réforme de l’impôt s’inscrit dans la longue histoire de la souveraineté populaire. En complément de cette note nous proposons un simulateur afin que chaque citoyen puisse proposer la réforme fiscale correspondant le plus, selon lui, à l’intérêt général. Plan. I. L’impôt abc, une réforme pour transformer un système fiscal devenu injuste 1. L’impôt sur le revenu, une taxation devenue injuste 2. L’impôt abc, un moyen de renouer avec la progressivité II. Un impôt plus simple et plus lisible pour tous les citoyens 1. Supprimer les abattements, le PFU et la décote 2. D’autres pistes à explorer pour rendre l’impôt plus juste 3. La question des niches fiscales 4. Lutter contre la fraude et l’optimisation des ultra-riches III. L’impôt abc, un moyen pour le peuple de se réemparer de la question fiscale         1. À l’origine de l’impôt en France, la question du consentement des populations 2. Le moment révolutionnaire et la marche vers plus de justice fiscale 3. Les nouvelles révoltes fiscales et la soif d’une plus juste imposition à l’origine de la nécessité d’une réforme fiscale radicale Glossaire   I. L’impôt abc, une réforme pour transformer un système fiscal devenu injuste 1. L’impôt sur le revenu, une taxation devenue injuste En France, l’impôt sur le revenu est historiquement associé à l’idée de progressivité et de justice fiscale. C’est ainsi que Jean Jaurès affirme en 1904 que « l’impôt qui a le plus de chances de porter en effet sur les classes de contribuables aisés auxquelles on l’applique, c’est l’impôt personnel et progressif sur le revenu »[1]. Il reste aujourd’hui l’impôt qui porte la charge symbolique la plus forte auprès des Français. Pourtant, la progressivité, qui doit normalement assurer la justice fiscale de cet impôt et sa fonction redistributrice, n’est aujourd’hui plus guère qu’une vue de l’esprit. Très concrètement, du fait du prélèvement forfaitaire unique (PFU), le taux d’imposition moyen des revenus des plus riches baisse. Par exemple, si le PFU n’avait pas été mis en place, un individu gagnant un million d’euros par an aurait en moyenne acquitté 310 000 euros d’impôt sur le revenu en 2021 (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)[2] comprise), mais le PFU a réduit ce montant d’environ un tiers, à 202 000 euros[3].  Considérons maintenant un individu n’ayant que des revenus du capital mobilier : aussi riche qu’il soit, son taux effectif d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu et de la CEHR a été plafonné à 16,8 % (12,8 % de PFU plus 4 % de CEHR), soit le taux acquitté par un individu gagnant 4 900 euros par mois si ce dernier n’a que les revenus de son travail. En pourcentage, un milliardaire rentier est donc moins imposé qu’un salarié à 5 000 euros par mois[4].  Le principe même de la progressivité de l’impôt est donc désormais caduc. Ce type de fiscalité illégitime ne fait qu’abîmer encore davantage le consentement de tous face à l’impôt. Outre ce cas particulier, ce constat se confirme lorsque l’on s’intéresse au taux effectif d’imposition d’une personne dont les revenus se décomposent entre revenus du travail, du capital mobilier, etc., selon les proportions moyennes des personnes ayant le même niveau de revenu. Celui-ci ne dépasse pas les 21 %, même si cette personne gagne plusieurs millions d’euros par an et qu’elle est célibataire, qu’elle n’a pas d’enfant et ne bénéficie d’aucune niche fiscale ! En outre, de par la complexité de son mode de calcul, l’impôt est illisible et peut difficilement faire l’objet d’une véritable appropriation démocratique du débat fiscal. Les barèmes par tranches de taux marginal en sont l’illustration parfaite puisque la notion même de taux marginal est souvent confondue avec celle de taux effectif réellement payé. Ainsi, les français peuvent parfois croire que les riches sont imposés sur leurs revenus à 45 %, (le taux marginal de leur impôt en réalité) alors même qu’ils ne le sont au maximum qu’à 21 %. Et ce taux peut même encore être réduit si l’on prend en compte les différentes niches fiscales dont ils pourraient bénéficier… L’impôt abc constitue à ce titre un formidable outil qui nous permet d’imaginer une réforme fiscale de grande ampleur de l’imposition sur les revenus, laquelle poursuivrait le double objectif de rendre l’impôt plus lisible pour l’ensemble des citoyens, ainsi que d’alléger l’imposition des classes moyennes en le finançant par une imposition renforcée des plus aisés, à savoir des 4 % de la population qui touchent les plus hauts revenus. La réforme que nous proposons vise ainsi à alléger l’imposition de tous ceux qui sont rémunérés moins de 6 000 euros par mois, d’accentuer légèrement l’imposition de ceux dont les revenus sont compris entre 6 et 10 000 euros et de les imposer plus fortement au-delà de 10 000 euros. 2. L’impôt abc, un moyen de renouer avec la progressivité L’impôt abc est donné par une formule très simple[5], dans laquelle trois paramètres déterminent le taux effectif d’imposition associé à une assiette fiscale donnée (le « revenu imposable »). Dans le simulateur[6], on prend comme exemple de cette assiette fiscale le revenu d’une personne (soit un impôt abc sur le

Par Bouzol-Broitman B., Dufrêne N., Giraud G., Kuhanathan A., Varenne D.

15 février 2021

Réflexion pour la mise en place d’un impôt « anti-évasion » en France

La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com Télécharger la note en pdf Download the English version as a pdf   ____    I. Problème identifié : l’absence de lutte contre l’optimisation fiscale légale, mais abusive Le terme optimisation fiscale peut parfois prêter à confusion. Il existe en effet deux types d’optimisation fiscale. L’une, illégale, consiste à contourner les règles des impôts en allant à l’encontre de la loi. Son coût pour les finances publiques françaises pourrait atteindre 100 milliards d’euros selon le syndicat Solidaires finances publiques[3]. L’autre, légale, consiste à jouer avec les règles fiscales en vigueur, tant en France qu’à l’étranger, afin de payer le moins d’impôt possible. Celle-ci est par nature difficile à chiffrer, puisque la frontière entre ce qui relève de l’optimisation ou non est subjective. Et ce notamment concernant les départs de contribuables à l’étranger. Comment définir si un départ à l’étranger s’est fait dans le but de payer moins d’impôt ou non ? Cela peut parfois relever d’une mosaïque de raisons, parmi lesquelles figure en bonne position le fait de pouvoir payer moins d’impôt. Il est donc aujourd’hui difficile pour l’administration fiscale française de récupérer les recettes qui lui échappent du fait de cette optimisation fiscale légale à l’étranger. Or, celle-ci est rendue d’autant plus facile pour les contribuables français qu’elle peut se faire au sein même de l’Union européenne, chaque pays ayant ses règles fiscales propres, alors même que la circulation des capitaux et des personnes y est libre. Les négociations en cours au niveau de l’OCDE et du G20, notamment concernant le projet « BEPS » ne concernent que l’impôt sur les sociétés et trainent depuis 2012, faute de pouvoir atteindre un consensus politique international. Notre conviction est donc qu’il ne faut donc pas attendre ce type d’accords internationaux pour agir. En créant un outil qui peut être mis en place de manière unilatérale par la France, nous pouvons espérer pouvoir agir vite pour endiguer ce phénomène. En outre, les autres États auraient tout intérêt à imiter la France et petit à petit, nous pouvons donc atteindre un consensus international par l’exemple. Plus aucun État n’aurait alors intérêt à pratiquer le dumping fiscal. L’harmonisation fiscale par le haut s’effectuerait donc de fait. L’objectif est ambitieux. Cependant, ce papier ne prétend pas proposer une solution clef en main pour régler ce fléau. Il propose un outil. Mais celui-ci devra faire l’objet d’une large concertation, notamment avec l’administration fiscale, afin de le perfectionner avant que l’on envisage sa mise en place. L’objectif ici est donc de lancer la réflexion et le débat autour de ce qui pourrait être un moyen simple et rapide de mettre fin à l’optimisation fiscale à l’étranger certes légale, mais abusive moralement tant elle diminue l’impôt payé par les contribuables les plus aisés. II. Analyse et constat pour la France a) Nos principaux outils nationaux de lutte contre l’optimisation fiscale abusive sont des dispositifs anti-abus « ciblés » qui, trop nombreux et juridiquement fragiles, rendent l’impôt illisible En l’état du droit actuel, notre constat est que l’État français reste insuffisamment outillé pour lutter contre l’optimisation fiscale légale mais abusive. Premièrement, à grands traits, son principal outil consiste en des modalités particulières de l’impôt, à savoir des dispositifs anti-abus « ciblés ». Et précisément, la complexité actuelle de certains impôts (tels l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu ou encore la TVA) s’explique notamment par les strates successives de lois fiscales accumulées, chaque fois intervenues pour combler des incertitudes juridiques ou contrer l’inventivité des juristes fiscalistes, mais bien souvent après que ces failles aient été exploitées. Ces mécanismes particuliers de l’impôt, qui à chaque fois ont tenté de contrer ou de limiter des abus, sont bien souvent juridiquement fragiles et peuvent ainsi contrevenir aux normes de rang constitutionnel (égalité devant l’impôt, égalité devant les charges publiques, etc.) ou plus souvent au droit de l’Union européenne (en particulier les « libertés » de circulation des capitaux et d’établissement). Bien qu’utiles et nécessaires, ces dispositifs anti-abus particuliers constituent toutefois une mosaïque juridique rendant les impôts très peu lisibles pour les contribuables, ce d’autant plus que celle-ci est par nature évolutive et juridiquement fragile.   b) Les dispositifs « généraux » existants restent incomplets et n’ont pas pour ambition de limiter drastiquement l’optimisation fiscale Deuxième principal outil existant, les dispositifs anti-abus « généraux » visent surtout à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale illégales et non contre l’optimisation fiscale légale. Le plus important est celui de « l’abus de droit » fiscal (articles L. 64 et suivants du livre des procédures fiscales – LPF) qui a été mis en place dès 1941, puis progressivement étayé, et qui permet à l’administration d’écarter les actifs fictifs, recherchant une application littérale des textes détournant leur lettre et esprit, si ceux-ci ont pour seul but d’éluder ou de diminuer l’impôt normalement dû. Si ce mécanisme a été récemment renforcé (lois de finances pour 2019) par la création d’un « mini abus de droit » (article 64 A du LPF) pour les abus ayant pour but « principal » (et non « exclusif » comme l’abus de droit initial du L. 64 LPF) d’éluder ou de diminuer l’impôt dû, ces dispositifs seuls restent insuffisants et posent deux difficultés principales. Ces dispositifs n’ont pas pour but d’aider à une guerre généralisée contre les abus de droits fiscaux, mais s’apparentent plutôt à des frappes chirurgicales qui impliquent une charge de travail et d’analyse importante pour l’administration, la charge de la preuve reposant sur elle. Surtout, ils ne visent pas la majorité de l’optimisation fiscale qui profite d’importantes différences de fiscalité entre deux États, deux systèmes juridiques distincts. En outre, signalons la limite d’un autre dispositif « général » inabouti, le mécanisme des « listes noires » de paradis fiscaux (liste des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales de l’Union européenne et de la France). Celles-ci ne concernent qu’un nombre limité d’États

Par Iss A., Bouzol-Broitman B.

17 juillet 2021

Utiliser l’impôt abc pour une réforme d’ampleur en faveur de la justice fiscale

La proposition de réforme globale de la fiscalité de l’Institut Rousseau se fonde sur la note technique décrivant et détaillant le fonctionnement de l’impôt ABC. Cette note a été élaborée par Joseph Enguehard, Gaël Giraud, Éric Levieil et Mathilde Salin. Elle est téléchargeable directement en PDF en cliquant sur le lien suivant : Un outil pour la délibération fiscale : l’impôt abc La présente note complète la note technique de présentation de l’impôt abc qui paraît simultanément. Elle vise à offrir une interprétation politique de ce qu’il pourrait être souhaitable de mettre en œuvre grâce à l’impôt abc. Pour cela, après avoir montré que toute réforme fiscale doit corriger un système de taxation devenu profondément injuste, nous définissons nos paramètres “idéaux” de l’impôt ABC et détaillons nos propositions pour le rendre à la fois plus juste et plus lisible pour les citoyens. Nous replaçons enfin l’ensemble dans une perspective historique afin de montrer en quoi la question de la réforme de l’impôt s’inscrit dans la longue histoire de la souveraineté populaire. En complément de cette note nous proposons un simulateur afin que chaque citoyen puisse proposer la réforme fiscale correspondant le plus, selon lui, à l’intérêt général. Plan. I. L’impôt abc, une réforme pour transformer un système fiscal devenu injuste 1. L’impôt sur le revenu, une taxation devenue injuste 2. L’impôt abc, un moyen de renouer avec la progressivité II. Un impôt plus simple et plus lisible pour tous les citoyens 1. Supprimer les abattements, le PFU et la décote 2. D’autres pistes à explorer pour rendre l’impôt plus juste 3. La question des niches fiscales 4. Lutter contre la fraude et l’optimisation des ultra-riches III. L’impôt abc, un moyen pour le peuple de se réemparer de la question fiscale         1. À l’origine de l’impôt en France, la question du consentement des populations 2. Le moment révolutionnaire et la marche vers plus de justice fiscale 3. Les nouvelles révoltes fiscales et la soif d’une plus juste imposition à l’origine de la nécessité d’une réforme fiscale radicale Glossaire   I. L’impôt abc, une réforme pour transformer un système fiscal devenu injuste 1. L’impôt sur le revenu, une taxation devenue injuste En France, l’impôt sur le revenu est historiquement associé à l’idée de progressivité et de justice fiscale. C’est ainsi que Jean Jaurès affirme en 1904 que « l’impôt qui a le plus de chances de porter en effet sur les classes de contribuables aisés auxquelles on l’applique, c’est l’impôt personnel et progressif sur le revenu »[1]. Il reste aujourd’hui l’impôt qui porte la charge symbolique la plus forte auprès des Français. Pourtant, la progressivité, qui doit normalement assurer la justice fiscale de cet impôt et sa fonction redistributrice, n’est aujourd’hui plus guère qu’une vue de l’esprit. Très concrètement, du fait du prélèvement forfaitaire unique (PFU), le taux d’imposition moyen des revenus des plus riches baisse. Par exemple, si le PFU n’avait pas été mis en place, un individu gagnant un million d’euros par an aurait en moyenne acquitté 310 000 euros d’impôt sur le revenu en 2021 (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)[2] comprise), mais le PFU a réduit ce montant d’environ un tiers, à 202 000 euros[3].  Considérons maintenant un individu n’ayant que des revenus du capital mobilier : aussi riche qu’il soit, son taux effectif d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu et de la CEHR a été plafonné à 16,8 % (12,8 % de PFU plus 4 % de CEHR), soit le taux acquitté par un individu gagnant 4 900 euros par mois si ce dernier n’a que les revenus de son travail. En pourcentage, un milliardaire rentier est donc moins imposé qu’un salarié à 5 000 euros par mois[4].  Le principe même de la progressivité de l’impôt est donc désormais caduc. Ce type de fiscalité illégitime ne fait qu’abîmer encore davantage le consentement de tous face à l’impôt. Outre ce cas particulier, ce constat se confirme lorsque l’on s’intéresse au taux effectif d’imposition d’une personne dont les revenus se décomposent entre revenus du travail, du capital mobilier, etc., selon les proportions moyennes des personnes ayant le même niveau de revenu. Celui-ci ne dépasse pas les 21 %, même si cette personne gagne plusieurs millions d’euros par an et qu’elle est célibataire, qu’elle n’a pas d’enfant et ne bénéficie d’aucune niche fiscale ! En outre, de par la complexité de son mode de calcul, l’impôt est illisible et peut difficilement faire l’objet d’une véritable appropriation démocratique du débat fiscal. Les barèmes par tranches de taux marginal en sont l’illustration parfaite puisque la notion même de taux marginal est souvent confondue avec celle de taux effectif réellement payé. Ainsi, les français peuvent parfois croire que les riches sont imposés sur leurs revenus à 45 %, (le taux marginal de leur impôt en réalité) alors même qu’ils ne le sont au maximum qu’à 21 %. Et ce taux peut même encore être réduit si l’on prend en compte les différentes niches fiscales dont ils pourraient bénéficier… L’impôt abc constitue à ce titre un formidable outil qui nous permet d’imaginer une réforme fiscale de grande ampleur de l’imposition sur les revenus, laquelle poursuivrait le double objectif de rendre l’impôt plus lisible pour l’ensemble des citoyens, ainsi que d’alléger l’imposition des classes moyennes en le finançant par une imposition renforcée des plus aisés, à savoir des 4 % de la population qui touchent les plus hauts revenus. La réforme que nous proposons vise ainsi à alléger l’imposition de tous ceux qui sont rémunérés moins de 6 000 euros par mois, d’accentuer légèrement l’imposition de ceux dont les revenus sont compris entre 6 et 10 000 euros et de les imposer plus fortement au-delà de 10 000 euros. 2. L’impôt abc, un moyen de renouer avec la progressivité L’impôt abc est donné par une formule très simple[5], dans laquelle trois paramètres déterminent le taux effectif d’imposition associé à une assiette fiscale donnée (le « revenu imposable »). Dans le simulateur[6], on prend comme exemple de cette assiette fiscale le revenu d’une personne (soit un impôt abc sur le

Par Bouzol-Broitman B., Dufrêne N., Giraud G., Kuhanathan A., Varenne D.

17 juillet 2021

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