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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Damien Varenne

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    Damien Varenne

    Damien Varenne

    Biographie

    Professeur agrégé en histoire géographie.

    Notes publiées

    Reconstruire l’école pour les citoyens

    Fiche thématique de résistance et de proposition n°5 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? Une formation scolaire de qualité est essentielle pour le développement du pays et la construction d’une nation faite de citoyens émancipés, responsables et capables de prendre en main leur avenir collectif.  Le métier d’enseignant connaît une crise de recrutement sans précédent, dûe notamment à la détérioration progressive de son attractivité depuis plusieurs années et à des réformes successives. Celles-ci furent imposées sans concertation et ont abîmé le sens du métier tout comme la relation à l’institution : Le personnel éducatif, et particulièrement les enseignants, a vu son pouvoir d’achat drastiquement baisser depuis 40 ans. Ils sont désormais les fonctionnaires les moins bien rémunérés de la fonction publique (en 2023, un enseignant touchait en moyenne 969 € net de moins qu’un fonctionnaire d’État de même catégorie), malgré leur mission des plus essentielles. Ils sont en outre payés nettement moins en France qu’en moyenne dans l’OCDE (-7 % en salaire statutaire brut en début de carrière, -22 % en milieu de carrière tous corps confondus, avec d’importantes disparités). Le trop grand nombre d’élèves par classe nuit à l’apprentissage et aux conditions de travail des enseignants (moyenne de 26 élèves par classe au collège, contre 21 en moyenne dans l’Union européenne). La réforme du lycée et celle du choc des savoirs réduisent la liberté pédagogique des enseignants et réduisent le métier d’enseignant à une fonction d’exécutant, aggravant la crise de confiance entre le personnel éducatif et leur hiérarchie. Le contrôle continu au lycée a aussi fracturé le lien entre enseignants et parents, soumettant les premiers aux pressions des seconds. La formation des enseignants, initiale comme continue, est très en deçà des besoins et de ce qui se fait dans les autres pays européens. En parallèle, le système éducatif devient de plus en plus inégalitaire et souffre d’un séparatisme social important, qui nuit à la cohésion sociale et nationale. Il pénalise ainsi les élèves issus des familles les plus défavorisées ; il reproduit et creuse les inégalités.On sait que la proportion des élèves issus des catégories populaires est nettement plus importante dans le lycée professionnel (avec un indice de position sociale de 87 en 2022) que dans le lycée général et technologique (IPS de 114 en 2022). Ce phénomène se matérialise notamment à travers la scolarisation des élèves dans les établissements privés sous contrat pour échapper aux mesures de mixité scolaire. La part d’enfants issus de familles favorisées est deux fois plus importante dans les établissements privés sous contrat que dans les établissements publics. Un tel phénomène peut cependant être combattu, les établissements privés sous contrats étant financés aux trois quarts par l’argent public. La plateforme Parcoursup, qui définit l’orientation post-bac des étudiants selon un fonctionnement totalement opaque, a de plus aggravé le tri social des élèves dans le supérieur. Enfin, l’offre de formation est actuellement insuffisante et inadaptée aux défis de la réindustrialisation de la France et de la transition écologique. II. Que propose-t-on ? 1- Améliorer les conditions d’enseignement et les salaires,  revaloriser le métier d’enseignant  Affirmer la volonté de  la réussite de tous les élèves, leur épanouissement et garantir la liberté pédagogique des enseignants. Reconnaître leur expertise et redonner du sens au métier de professeur. Soutenir cette vision en rénovant la formation initiale sur la base de l’expérience des enseignants et des travaux de recherche scientifique. Mettre en place une formation continue des enseignants et une entrée dans le métier plus progressive. Revaloriser le salaire des enseignants, avec une refonte de la grille indiciaire qui établit le salaire des fonctionnaires en fonction de leur grade et de leur ancienneté. Le salaire enseignant doit, d’ici la fin de la législature, atteindre la rémunération moyenne des autres fonctionnaires de catégorie A (3050€ net en moyenne contre 2700€ pour les enseignants selon des chiffres de l’INSEE de 2023). Il faut également indexer le salaire de tous les fonctionnaires sur l’inflation. Réduire le nombre d’élèves par classe pour améliorer les conditions de travail des enseignants. L’objectif serait d’atteindre les moyennes européennes (19 élèves par classe dans l’élémentaire, 21 au collège) Au lycée, où le nombre d’élèves par classe atteint généralement les 35 voire plus, il serait bon de fixer un plafond de 30 élèves. Créer des places et des postes dans l’enseignement supérieur.   2 – Lutter efficacement contre la ségrégation scolaire Mener une politique publique de lutte contre la ségrégation en favorisant la mixité sociale à l’aide de la carte scolaire, en respectant les spécificités territoriales et en mobilisant l’ensemble des acteurs éducatifs (parents, enseignants, rectorat, élus locaux). Développer des secteurs multi-collèges pour favoriser la mixité scolaire, comme le permet la loi du 8 juillet 2013. Un tel dispositif de création de secteurs communs à plusieurs établissements scolaires est déjà mené à Paris depuis 2017 et connaît un bilan positif. Réviser les conventions régissant les établissements privés sous contrat. Moduler les dotations et financement public en fonction du respect d’obligations et d’objectifs de mixité sociale. Abroger Parcoursup. Rétablir comme unique critère de sélection pour l’entrée dans les études supérieures le baccalauréat, examen égalitaire et impartial (ce qu’il a cessé d’être depuis l’instauration du contrôle continu). Abroger la loi « choc des savoirs » qui va transformer les collèges en usines à gaz ingouvernables et qui entérine le séparatisme scolaire et social.   3 – Construire une école qui répond aux grands enjeux contemporains Mettre le lycée professionnel au cœur de la formation des métiers de la transition écologique. Le valoriser en tant que filière essentielle, d’excellence et de plein choix et non comme une orientation par défaut. Rétablir des heures d’enseignement général au sein des séries professionnelles, dans un objectif éducatif et civique et pour ne pas donner à ces élèves le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. Augmenter le nombre de places et créer de nouvelles filières en lien avec la réindustrialisation et la transition écologique.   Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet : Redonner à l’école

    Par Varenne D., Coué H., Gani D.

    25 juin 2024

    Jean-Michel Blanquer achève son ministère par un naufrage

    Jean-Michel Blanquer, lit-on régulièrement dans les médias, est le ministre de l’Éducation nationale resté le plus longtemps en poste sous la Ve République. Remplacé par Pap Ndiaye à la tête de son ministère, il avait pourtant exprimé son envie d’être prolongé dans celui-ci. Alors que la plupart des ministres du gouvernement Castex se sont, dans les dernières semaines de celui-ci, montrés discrets dans les média, on a vu, le 11 mai dernier, intervenir sur RTL[1] le ministre de l’Éducation nationale, tandis que son DGESCO (Directeur général de l’enseignement scolaire, c’est-à-dire numéro deux du ministère) Edouard Geffray et son DGRH (Directeur général des ressources humaines) Vincent Soetemont, donnaient une conférence de presse[2]. Qu’est-ce qui a pu pousser le ministère à sortir de sa torpeur médiatique ? Un incendie à éteindre, un de plus tant les cinq dernières années ont été une succession sans fin de crises qui ont peu à peu écorné l’image d’un ministre qui bénéficiait pourtant à son arrivée d’une réputation de bon connaisseur des dossiers de l’éducation en France. En cause, la question récurrente du niveau des élèves en mathématiques couplée à la publication des résultats d’admissibilité des concours externes de l’enseignement, CRPE (concours de recrutement de professeurs des écoles) et CAPES (certificat d’aptitude au professorat dans l’enseignement de second degré). Pour rappel, il existe quatre concours d’enseignement en France : le CRPE qui recrute les professeurs des écoles, le CAPES dont les lauréats enseignent en collège et lycée avec le grade de certifiés, le CAPLP qui est son équivalent pour les professeurs des lycées professionnels et l’agrégation, plus difficile et prestigieuse, qui permet d’enseigner dans le secondaire ainsi que dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Un candidat admissible à ces concours n’est pas encore lauréat, il est, après des épreuves écrites, admis à passer les épreuves orales qui serviront de sélection finale. Traditionnellement, environ la moitié des admissibles obtiennent le concours. Or, les chiffres d’admissibilité de cette année sont particulièrement alarmants. En mathématiques, 816 candidats ont été déclarés admissibles… pour 1035 postes. En allemand, le ratio est encore pire puisqu’on a 83 admissibles pour 215 postes ! Les concours de lettres modernes et classiques (qui permettent de recruter les professeurs de français et de latin-grec) ont respectivement sélectionné 720 et 60 admissibles pour 750 et 134 postes. Si toutes les matières ne sont pas également touchées (l’histoire-géographie affiche par exemple le taux habituel de 2 admissibles pour 1 poste) le constat est inquiétant et beaucoup d’autres disciplines ont un nombre d’admissibles à peine supérieur aux postes proposés (904 admissibles en anglais pour 781 postes par exemple) ce qui suppose une moindre sélection si l’on veut fournir tous les postes. Pour le CRPE, les académies franciliennes sont sinistrées : 521 admissibles pour 1079 postes à Créteil, 180 pour 219 à Paris, 484 pour 1430 à Versailles ! Les départements d’Outre-Mer ne sont pas en reste avec 40 admissibles pour 160 postes à Mayotte par exemple. En réalité, sur 31 académies, seules 7 atteignent ou dépassent le taux de 2 admissibles pour 1 poste au CRPE[3]. À ce constat le ministère n’oppose qu’une réponse : tout va bien, madame la marquise ! Certes, concèdent Edouard Geffray et Vincent Soetemont, certaines matières connaissent des difficultés de recrutement depuis longtemps (notamment les mathématiques) de même que les académies franciliennes pour le CRPE, mais la situation actuelle est « ponctuelle et particulière », fruit d’une réforme de la formation des professeurs qui a décalé le concours de l’année de master 1 à celle de master 2. Beaucoup d’étudiants de master 2 auraient en réalité déjà eu le concours l’an dernier et c’est ce vivier qui manquerait cette année. Quant à Jean-Michel Blanquer, il a offert sur RTL, le 11 mai, un chef d’œuvre de méthode Coué. Alors même que les chiffres catastrophiques du CAPES de mathématiques étaient connus depuis la veille, il a annoncé l’ajout probable d’1h30 d’enseignement scientifique au tronc commun (c’est-à-dire les matières communes à tous les élèves, hors spécialités) de 1ère générale l’an prochain. Cela signifie à terme, si ces heures supplémentaires étaient perpétuées en terminale, 3h de plus par semaine et par élève pour lesquelles il faudrait évidemment trouver des professeurs. En réalité, cette ultime pantalonnade est profondément révélatrice de ce qu’Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont fait subir à l’Éducation nationale depuis cinq ans. C’est ainsi que Jean-Michel Blanquer annonce dans les médias, sans aucune information préalable aux premiers concernés, c’est-à-dire les enseignants, l’ajout d’horaires dont on se demande bien comment ils tiendront dans les emplois du temps des élèves. Une rentrée des classes, dans les établissements, se prépare dès le mois de janvier. À l’heure actuelle, les proviseurs ont déjà concocté la répartition des moyens horaires (souvent en forte baisse) qui leur ont été alloués par les rectorats entre les matières enseignées en collège et en lycée. Cette annonce signifie qu’ils vont devoir recommencer… Encore faut-il attendre la rédaction de la circulaire, qui annoncera officiellement le changement, à une date hypothétique vu le calendrier électoral et l’immanquable période d’adaptation que va provoquer le changement de titulaire du ministère. Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont bâti une partie de leur réputation sur le présupposé de leur compétence et de leur excellence intellectuelle. On devait donc forcément voir, sous leur direction, un progrès dans tous les domaines de la société française. La baisse du niveau des élèves français en mathématiques était un sérieux coup de canif à cette belle image. Il fallait donc riposter immédiatement. Que ces annonces interviennent au pire moment pour les personnels et n’aient qu’un rapport lointain avec la réalité ? Qu’importe, tant qu’elles permettent de sauvegarder le vivier électoral ! Edouard Geffray et Vincent Soetemont, lors de leur conférence de presse, accomplissent l’exploit de reconnaître que certaines disciplines du secondaire connaissent depuis des années des difficultés de recrutement et d’affirmer en même temps que le problème n’est que ponctuel. Certes, reconnaissons-le, la réforme du CAPES, en reculant le concours en M2, a aggravé le problème, mais seulement à la marge, car cela

    Par Varenne D.

    23 mai 2022

    Tout est perdu, fors l’honneur ?

    Le 21 avril 2021, soit soixante ans jour pour jour après le « putsch des généraux » à Alger le 21 avril 1961, une vingtaine de généraux à la retraite ont lancé un appel au « retour de l’honneur de nos gouvernants » face aux « dangers mortels » qui menacent une France en « péril ». Même si le putsch n’est jamais évoqué dans la tribune, le choix de la date et de l’événement est lourd de sens : il s’agit à la fois d’un hommage et d’une menace. Car ceux-là même qui écrivent, et qui revendiquent le soutien de près d’un millier d’officiers, déclarent : « sachez que nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation » et encore « si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles ». Faut-il comprendre que l’armée active devrait intervenir sur le territoire national, contre ses propres citoyens, pour la « protection de nos valeurs civilisationnelles », dont on suppose que seuls ce quarteron de généraux et ses soutiens détiendraient le droit de les définir ? Comme en 1961, nous osons croire et espérer que ces officiers ne représentent qu’une minorité égarée dans une armée républicaine et légaliste. Les mots du Général de Gaulle n’en raisonnent pas moins étrangement : « Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire limité et expéditif, mais ils ne voient et ne connaissent la nation et le monde que déformés au travers de leur frénésie ». Soixante années plus tard, force est de constater que certains officiers se projettent encore dans des fac-similés de guerre d’Algérie sous forme de « guerres civiles » fantasmées. Ce genre de séparatisme n’a pas sa place en République. Son instrumentalisation politique, qui n’a pas tardé, est une honte et une infamie mais n’est pas une surprise. L’exécutif a pourtant mis près de cinq jours à répondre, sous pression des médias, et tout en focalisant sa réaction non sur la tribune elle-même mais sur son instrumentalisation politique. Cela appelait pourtant une réponse plus ferme. Car nous ne saurions sous-estimer l’évènement : une telle tribune de hauts gradés (beaucoup ne sont d’ailleurs pas à la retraite mais en « deuxième section », ce qui est tout à fait différent), avec des menaces à peine voilées, n’a pas d’équivalent dans l’histoire récente de notre République. En effet, cette tribune, lancée à l’initiative de Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier de gendarmerie dont le dernier livre, Les damnés de la France, est un bon résumé des obsessions identitaires et réactionnaires de son auteur, fustige ainsi « l’islamisme et les hordes de banlieue », amalgamant ainsi le terrorisme aux populations, françaises dans leur immense majorité, peuplant les cités défavorisées. Le terme de « horde » n’est pas employé au hasard : mot d’origine turco-mongole (orda) servant à désigner le campement nomade il sert donc ici à définir l’adversaire comme l’envahisseur étranger, il renvoie au passé fantasmé des invasions barbares et fait des rédacteurs de la tribune les défenseurs de la « civilisation » contre la barbarie. On ne sera d’ailleurs pas étonné de trouver en tête des signataires le général Piquemal, qui n’avait pas hésité en 2016 à prendre la parole lors d’un rassemblement « contre l’islamisation de l’Europe ». Et cela une semaine à peine après que Philippe de Villiers a lui aussi lancé un appel à l’insurrection, commodément rangé sous l’image de l’effort personnel à accomplir (notre quarteron de généraux en retraite manie-t-il lui aussi le double langage à la même manière de « l’ennemi » qu’il fustige ?). N’ont-ils pas conscience d’insulter une partie des habitants de la Nation qu’ils sont censés protéger et défendre dans son intégrité ? À l’ennemi islamiste, les auteurs ajoutent d’ailleurs ceux qui défendent « un certain antiracisme », ceux qui parlent « d’indigénisme et de théories décoloniales ». On retrouve là une référence à l’islamo-gauchisme, néologisme qui rappelle furieusement le judéo-bolchévisme de jadis. Tout ceci commence à faire beaucoup : quand Robert Ménard, maire de Béziers, débaptise la rue du 19-mars-1962, date du cessez-le-feu en Algérie, pour l’appeler rue du Commandant Denoix-de-Saint-Marc, du nom de l’un des officiers putschistes du 21 avril 1961, que doit-on en penser ? L’Algérie-Française redevient décidément une référence au fur et à mesure qu’une confusion intellectuelle s’installe dans le pays. On la sent de plus en plus présente, insistante, avec la complicité de responsables à courte vue qui préfèrent ignorer ou instrumentaliser plutôt que de condamner sans ambages. Une partie de la classe politique, y compris dans le camp progressiste, semble perdre de vue ce qui constitue les fondements intellectuels de l’humanisme républicain. Et pourtant, sans républicains, une République ne survit pas longtemps. Au lieu de perdre leur « honneur » dans des appels à la forfaiture, les signataires de la tribune devraient lire Lévi-Strauss qui écrivait que « le barbare est celui qui croit à la barbarie ».

    Par Dufrêne N., Varenne D.

    27 avril 2021

    Reconstruire l’école pour les citoyens

    Fiche thématique de résistance et de proposition n°5 I. Un peu de contexte : quel est le problème ? Une formation scolaire de qualité est essentielle pour le développement du pays et la construction d’une nation faite de citoyens émancipés, responsables et capables de prendre en main leur avenir collectif.  Le métier d’enseignant connaît une crise de recrutement sans précédent, dûe notamment à la détérioration progressive de son attractivité depuis plusieurs années et à des réformes successives. Celles-ci furent imposées sans concertation et ont abîmé le sens du métier tout comme la relation à l’institution : Le personnel éducatif, et particulièrement les enseignants, a vu son pouvoir d’achat drastiquement baisser depuis 40 ans. Ils sont désormais les fonctionnaires les moins bien rémunérés de la fonction publique (en 2023, un enseignant touchait en moyenne 969 € net de moins qu’un fonctionnaire d’État de même catégorie), malgré leur mission des plus essentielles. Ils sont en outre payés nettement moins en France qu’en moyenne dans l’OCDE (-7 % en salaire statutaire brut en début de carrière, -22 % en milieu de carrière tous corps confondus, avec d’importantes disparités). Le trop grand nombre d’élèves par classe nuit à l’apprentissage et aux conditions de travail des enseignants (moyenne de 26 élèves par classe au collège, contre 21 en moyenne dans l’Union européenne). La réforme du lycée et celle du choc des savoirs réduisent la liberté pédagogique des enseignants et réduisent le métier d’enseignant à une fonction d’exécutant, aggravant la crise de confiance entre le personnel éducatif et leur hiérarchie. Le contrôle continu au lycée a aussi fracturé le lien entre enseignants et parents, soumettant les premiers aux pressions des seconds. La formation des enseignants, initiale comme continue, est très en deçà des besoins et de ce qui se fait dans les autres pays européens. En parallèle, le système éducatif devient de plus en plus inégalitaire et souffre d’un séparatisme social important, qui nuit à la cohésion sociale et nationale. Il pénalise ainsi les élèves issus des familles les plus défavorisées ; il reproduit et creuse les inégalités.On sait que la proportion des élèves issus des catégories populaires est nettement plus importante dans le lycée professionnel (avec un indice de position sociale de 87 en 2022) que dans le lycée général et technologique (IPS de 114 en 2022). Ce phénomène se matérialise notamment à travers la scolarisation des élèves dans les établissements privés sous contrat pour échapper aux mesures de mixité scolaire. La part d’enfants issus de familles favorisées est deux fois plus importante dans les établissements privés sous contrat que dans les établissements publics. Un tel phénomène peut cependant être combattu, les établissements privés sous contrats étant financés aux trois quarts par l’argent public. La plateforme Parcoursup, qui définit l’orientation post-bac des étudiants selon un fonctionnement totalement opaque, a de plus aggravé le tri social des élèves dans le supérieur. Enfin, l’offre de formation est actuellement insuffisante et inadaptée aux défis de la réindustrialisation de la France et de la transition écologique. II. Que propose-t-on ? 1- Améliorer les conditions d’enseignement et les salaires,  revaloriser le métier d’enseignant  Affirmer la volonté de  la réussite de tous les élèves, leur épanouissement et garantir la liberté pédagogique des enseignants. Reconnaître leur expertise et redonner du sens au métier de professeur. Soutenir cette vision en rénovant la formation initiale sur la base de l’expérience des enseignants et des travaux de recherche scientifique. Mettre en place une formation continue des enseignants et une entrée dans le métier plus progressive. Revaloriser le salaire des enseignants, avec une refonte de la grille indiciaire qui établit le salaire des fonctionnaires en fonction de leur grade et de leur ancienneté. Le salaire enseignant doit, d’ici la fin de la législature, atteindre la rémunération moyenne des autres fonctionnaires de catégorie A (3050€ net en moyenne contre 2700€ pour les enseignants selon des chiffres de l’INSEE de 2023). Il faut également indexer le salaire de tous les fonctionnaires sur l’inflation. Réduire le nombre d’élèves par classe pour améliorer les conditions de travail des enseignants. L’objectif serait d’atteindre les moyennes européennes (19 élèves par classe dans l’élémentaire, 21 au collège) Au lycée, où le nombre d’élèves par classe atteint généralement les 35 voire plus, il serait bon de fixer un plafond de 30 élèves. Créer des places et des postes dans l’enseignement supérieur.   2 – Lutter efficacement contre la ségrégation scolaire Mener une politique publique de lutte contre la ségrégation en favorisant la mixité sociale à l’aide de la carte scolaire, en respectant les spécificités territoriales et en mobilisant l’ensemble des acteurs éducatifs (parents, enseignants, rectorat, élus locaux). Développer des secteurs multi-collèges pour favoriser la mixité scolaire, comme le permet la loi du 8 juillet 2013. Un tel dispositif de création de secteurs communs à plusieurs établissements scolaires est déjà mené à Paris depuis 2017 et connaît un bilan positif. Réviser les conventions régissant les établissements privés sous contrat. Moduler les dotations et financement public en fonction du respect d’obligations et d’objectifs de mixité sociale. Abroger Parcoursup. Rétablir comme unique critère de sélection pour l’entrée dans les études supérieures le baccalauréat, examen égalitaire et impartial (ce qu’il a cessé d’être depuis l’instauration du contrôle continu). Abroger la loi « choc des savoirs » qui va transformer les collèges en usines à gaz ingouvernables et qui entérine le séparatisme scolaire et social.   3 – Construire une école qui répond aux grands enjeux contemporains Mettre le lycée professionnel au cœur de la formation des métiers de la transition écologique. Le valoriser en tant que filière essentielle, d’excellence et de plein choix et non comme une orientation par défaut. Rétablir des heures d’enseignement général au sein des séries professionnelles, dans un objectif éducatif et civique et pour ne pas donner à ces élèves le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. Augmenter le nombre de places et créer de nouvelles filières en lien avec la réindustrialisation et la transition écologique.   Ce que dit le programme du Front Populaire à ce sujet : Redonner à l’école

    Par Varenne D., Coué H., Gani D.

    27 juillet 2021

    Jean-Michel Blanquer achève son ministère par un naufrage

    Jean-Michel Blanquer, lit-on régulièrement dans les médias, est le ministre de l’Éducation nationale resté le plus longtemps en poste sous la Ve République. Remplacé par Pap Ndiaye à la tête de son ministère, il avait pourtant exprimé son envie d’être prolongé dans celui-ci. Alors que la plupart des ministres du gouvernement Castex se sont, dans les dernières semaines de celui-ci, montrés discrets dans les média, on a vu, le 11 mai dernier, intervenir sur RTL[1] le ministre de l’Éducation nationale, tandis que son DGESCO (Directeur général de l’enseignement scolaire, c’est-à-dire numéro deux du ministère) Edouard Geffray et son DGRH (Directeur général des ressources humaines) Vincent Soetemont, donnaient une conférence de presse[2]. Qu’est-ce qui a pu pousser le ministère à sortir de sa torpeur médiatique ? Un incendie à éteindre, un de plus tant les cinq dernières années ont été une succession sans fin de crises qui ont peu à peu écorné l’image d’un ministre qui bénéficiait pourtant à son arrivée d’une réputation de bon connaisseur des dossiers de l’éducation en France. En cause, la question récurrente du niveau des élèves en mathématiques couplée à la publication des résultats d’admissibilité des concours externes de l’enseignement, CRPE (concours de recrutement de professeurs des écoles) et CAPES (certificat d’aptitude au professorat dans l’enseignement de second degré). Pour rappel, il existe quatre concours d’enseignement en France : le CRPE qui recrute les professeurs des écoles, le CAPES dont les lauréats enseignent en collège et lycée avec le grade de certifiés, le CAPLP qui est son équivalent pour les professeurs des lycées professionnels et l’agrégation, plus difficile et prestigieuse, qui permet d’enseigner dans le secondaire ainsi que dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Un candidat admissible à ces concours n’est pas encore lauréat, il est, après des épreuves écrites, admis à passer les épreuves orales qui serviront de sélection finale. Traditionnellement, environ la moitié des admissibles obtiennent le concours. Or, les chiffres d’admissibilité de cette année sont particulièrement alarmants. En mathématiques, 816 candidats ont été déclarés admissibles… pour 1035 postes. En allemand, le ratio est encore pire puisqu’on a 83 admissibles pour 215 postes ! Les concours de lettres modernes et classiques (qui permettent de recruter les professeurs de français et de latin-grec) ont respectivement sélectionné 720 et 60 admissibles pour 750 et 134 postes. Si toutes les matières ne sont pas également touchées (l’histoire-géographie affiche par exemple le taux habituel de 2 admissibles pour 1 poste) le constat est inquiétant et beaucoup d’autres disciplines ont un nombre d’admissibles à peine supérieur aux postes proposés (904 admissibles en anglais pour 781 postes par exemple) ce qui suppose une moindre sélection si l’on veut fournir tous les postes. Pour le CRPE, les académies franciliennes sont sinistrées : 521 admissibles pour 1079 postes à Créteil, 180 pour 219 à Paris, 484 pour 1430 à Versailles ! Les départements d’Outre-Mer ne sont pas en reste avec 40 admissibles pour 160 postes à Mayotte par exemple. En réalité, sur 31 académies, seules 7 atteignent ou dépassent le taux de 2 admissibles pour 1 poste au CRPE[3]. À ce constat le ministère n’oppose qu’une réponse : tout va bien, madame la marquise ! Certes, concèdent Edouard Geffray et Vincent Soetemont, certaines matières connaissent des difficultés de recrutement depuis longtemps (notamment les mathématiques) de même que les académies franciliennes pour le CRPE, mais la situation actuelle est « ponctuelle et particulière », fruit d’une réforme de la formation des professeurs qui a décalé le concours de l’année de master 1 à celle de master 2. Beaucoup d’étudiants de master 2 auraient en réalité déjà eu le concours l’an dernier et c’est ce vivier qui manquerait cette année. Quant à Jean-Michel Blanquer, il a offert sur RTL, le 11 mai, un chef d’œuvre de méthode Coué. Alors même que les chiffres catastrophiques du CAPES de mathématiques étaient connus depuis la veille, il a annoncé l’ajout probable d’1h30 d’enseignement scientifique au tronc commun (c’est-à-dire les matières communes à tous les élèves, hors spécialités) de 1ère générale l’an prochain. Cela signifie à terme, si ces heures supplémentaires étaient perpétuées en terminale, 3h de plus par semaine et par élève pour lesquelles il faudrait évidemment trouver des professeurs. En réalité, cette ultime pantalonnade est profondément révélatrice de ce qu’Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont fait subir à l’Éducation nationale depuis cinq ans. C’est ainsi que Jean-Michel Blanquer annonce dans les médias, sans aucune information préalable aux premiers concernés, c’est-à-dire les enseignants, l’ajout d’horaires dont on se demande bien comment ils tiendront dans les emplois du temps des élèves. Une rentrée des classes, dans les établissements, se prépare dès le mois de janvier. À l’heure actuelle, les proviseurs ont déjà concocté la répartition des moyens horaires (souvent en forte baisse) qui leur ont été alloués par les rectorats entre les matières enseignées en collège et en lycée. Cette annonce signifie qu’ils vont devoir recommencer… Encore faut-il attendre la rédaction de la circulaire, qui annoncera officiellement le changement, à une date hypothétique vu le calendrier électoral et l’immanquable période d’adaptation que va provoquer le changement de titulaire du ministère. Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont bâti une partie de leur réputation sur le présupposé de leur compétence et de leur excellence intellectuelle. On devait donc forcément voir, sous leur direction, un progrès dans tous les domaines de la société française. La baisse du niveau des élèves français en mathématiques était un sérieux coup de canif à cette belle image. Il fallait donc riposter immédiatement. Que ces annonces interviennent au pire moment pour les personnels et n’aient qu’un rapport lointain avec la réalité ? Qu’importe, tant qu’elles permettent de sauvegarder le vivier électoral ! Edouard Geffray et Vincent Soetemont, lors de leur conférence de presse, accomplissent l’exploit de reconnaître que certaines disciplines du secondaire connaissent depuis des années des difficultés de recrutement et d’affirmer en même temps que le problème n’est que ponctuel. Certes, reconnaissons-le, la réforme du CAPES, en reculant le concours en M2, a aggravé le problème, mais seulement à la marge, car cela

    Par Varenne D.

    27 juillet 2021

    Travaux externes

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