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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

financement des transitions

Sommaire

    financement des transitions

    Repenser les fondements, le financement et la finalité de la protection sociale, socle républicain de la cohésion sociale

    La crise sanitaire a été l’occasion de mesurer l’agilité et la puissance de la protection sociale à la française. L’État a décidé, par l’assurance maladie obligatoire, de prendre en charge les coûts engendrés par la pandémie (hospitalisation, dépistage, vaccination, etc.), ainsi que le financement des téléconsultations pour garantir l’accès aux soins. Outre l’assurance maladie, les complémentaires santé sont intervenues pour accompagner la crise, les populations, notamment les mutuelles. Dans le même temps, par le chômage partiel, la protection sociale a parachevé l’accompagnement des personnes pour les secteurs les plus affectés économiquement compte-tenu des fermetures administratives pour raisons sanitaires (restauration, tourisme, culture, événementiel, etc.). Pour le dire autrement, la protection sociale a été l’un des leviers puissants des mesures d’accompagnement mises en œuvre par la puissance publique et s’est traduite par le fameux « quoiqu’il en coûte » affirmé par le Président de la République dès mars 2020. Pourtant, ce facteur essentiel de redistribution est confronté à une crise de modèle : en plus de souffrir d’une image très dégradée dans l’opinion publique, notre conception actuelle de la protection sociale pourrait ne pas résister à l’épreuve du réchauffement climatique sans une refondation profonde de ses objectifs et de son financement. Repenser notre rapport à la protection sociale pour l’inscrire au cœur de la reconstruction écologique La protection sociale est aujourd’hui un des principaux leviers de redistribution et de cohésion sociale. Pour rappel, en 1985, les dépenses de protection sociale représentaient 26 % du PIB, contre 31 % des dépenses du PIB actuellement. Cela est dû à une augmentation des dépenses de santé, à la technicisation des soins, à l’explosion des pathologies chroniques, mais aussi au vieillissement de la population et à l’élargissement du filet social souhaité par la population. Ce pourcentage augmenterait encore si nous décidions de socialiser les dépenses liées à la prise en charge de la perte d’autonomie chez les personnes âgées. La comparaison des effets de la crise en France par rapport à d’autres pays européens au cours de l’année écoulée a démontré combien il était nécessaire de socialiser cette dépense afin de constituer un amortisseur social en période de crise. Néanmoins, force est de constater que nombre de nos concitoyens n’ont pas une perception positive de cette protection collective. À force de ne pas expliquer, de ne pas démontrer son utilité, s’installe l’idée que la protection sociale est trop coûteuse. On la perçoit comme une charge et non comme un investissement social et solidaire. On ne mesure pas les externalités positives qu’elle constitue au travers de la redistribution induite, notamment par la misère évitée aux plus fragiles. Face à cela, il est nécessaire de remettre le modèle de protection sociale au cœur du débat afin que les assurés sociaux en comprennent les ressorts, le fonctionnement, et perçoivent son caractère redistributif et solidaire. À l’heure où de plus en plus d’acteurs économiques, de femmes et d’hommes engagés, d’ONG, plaident pour que nous révisions notre modèle de production et de consommation afin d’adopter une approche qui soit économiquement plus durable, mais aussi écologiquement et solidairement plus responsable, il est également essentiel de nous interroger sur la manière de financer la protection sociale. Les trente dernières années permettent en effet de constater que les grandes phases de déficit de la sécurité sociale, socle de notre protection sociale, sont essentiellement dues à des chutes massives de la production et au chômage de masse. Ainsi, la hausse massive du chômage au cours de la période 1993 – 1996 a provoqué un déficit de 10 milliards d’euros de l’assurance maladie. La crise financière puis économique de 2008 – 2010 a ensuite entraîné un déficit de 28 milliards d’euros. À son tour, la crise sanitaire de 2020 a provoqué un déficit de la branche maladie de 38 milliards d’euros. Les modalités actuelles de financement induisent des déficits majeurs dès que les recettes diminuent, en raison d’une hausse du chômage et / ou d’une baisse de l’activité économique. Malgré la fiscalisation d’une partie du financement de la protection sociale avec la Contribution sociale généralisée (CSG) ou la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), le financement de la protection sociale demeure très dépendant du PIB. Appuyer notre modèle de production sur une nouvelle définition de la santé, élargie au bien-être Pour engager la transition écologique de notre modèle de production et de consommation sans altérer le niveau de protection sociale, il est nécessaire d’interroger la manière de financer durablement la protection sociale afin de la rendre plus résiliente aux aléas du PIB, et substituer la mesure du progrès à une autre norme : la mesure du progrès intérieur au bien-être (PIBE) qui élargit la notion de santé à l’état de complet bien-être physique, psychique, social et environnemental, pour paraphraser la charte d’Ottawa. Pour cela, il sera nécessaire de s’appuyer sur les indicateurs de bien-être existants, mais également d’en construire de nouveaux. Cette mesure du PIBE pourrait ainsi prendre en compte les externalités positives et négatives induites par un modèle de production. Ainsi, un modèle qui induit des pollutions engendrant des dépenses sanitaires et sociales devra être appréhendé d’une manière moins positive qu’un modèle qui améliorerait au contraire le bien être, la santé, etc. Or, la mesure actuelle du produit intérieur brut valorise davantage le premier modèle de production, puisqu’elle additionnera à la production initiale les flux économiques liés à la pollution occasionnée. Cette incohérence alimente le hiatus perçu par une partie de la population qui ne se reconnaît plus dans les améliorations revendiquées par les indicateurs macroéconomiques, censés objectiver l’amélioration de leur bien-être et de la richesse nationale. Il faut ainsi ouvrir une grande réflexion sur les indicateurs qui guident l’action publique. La démocratie sociale comme ancrage pour adapter la protection sociale aux risques environnementaux Nos engagements internationaux pris lors de la COP 21 en 2015 afin de réduire la hausse de la température à moins de 1,5°C d’ici la fin du siècle affecteront la croissance économique du pays, et détermineront en particulier le type de croissance que nous adopterons. En parallèle,

    Par Chenut É.

    13 octobre 2021

    La revue monétaire de l’immobilisme

    La BCE a créé la surprise, ce jeudi 8 juillet 2021, en annonçant les conclusions de sa revue de politique monétaire, qui n’étaient attendues qu’à l’automne. Hélas, ce fut la seule surprise dont elle fut capable. Un mot d’abord sur la méthode : pourquoi sortir cette revue maintenant, presque en catimini et de manière inattendue, alors qu’il y a encore tant à discuter et que de nombreuses voix, à l’instar de l’Institut Rousseau, appellent la BCE à modifier radicalement sa politique ? Est-ce pour mettre le corps social européen devant le fait accompli et couper court à toutes les discussions qui montent en ce moment autour du rôle de la BCE[1] ? Sauf que les principes posés par cette revue sont là pour durer : on parle d’effets sur une période de dix ans tandis que certaines « actions » prévues dans le cadre de cette revue n’entreront pas en vigueur avant 2024. Quel besoin donc de brusquer les choses de la sorte ? En second lieu, l’annonce du 8 juillet est une occasion manquée. Elle rappelle cruellement à ceux qui croient encore à la neutralité de la politique monétaire que l’indépendance des banques centrales les conduit nécessairement à l’impuissance devant les choix d’envergure dont nous avons urgemment besoin. Or l’impuissance monétaire aujourd’hui signifie l’incapacité, demain, de relever les défis écologiques et sociaux qui sont les nôtres. Passons en revue ces insuffisances. I. L’impératif de lutte contre l’inflation n’est pas vraiment assoupli En matière de cible d’inflation déjà, objectif principal de la politique monétaire assigné au système européen de banques centrales à l’article 127 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. L’idée centrale est la suivante : transformer l’objectif d’inflation « proche mais inférieur à 2 % » en un « objectif symétrique d’inflation de 2 % ». Quel changement cela implique-t-il donc ? Rien, ou presque. Pour le comprendre, revenons au choix fait par la Federal reserveaméricaine, en septembre dernier, de mettre en place une notion de cible flexible d’inflation moyenne. Confrontée à un retour timide de l’inflation, la Fed avait alors acté le fait qu’elle ne relèverait ses taux d’intérêt directeurs que si l’inflation était durablement supérieure à 2 % par an, non seulement pour s’assurer que celle-ci était bien ancrée solidement mais également pour compenser les périodes précédentes où l’inflation est restée trop faible pour stimuler suffisamment les revenus. L’approche de la BCE est bien moins ambitieuse : si elle admet que le niveau de 2 % peut être dépassé temporairement sans susciter de resserrement immédiat de sa politique, la Banque centrale de Francfort conserve bel et bien cette cible d’inflation et ne précise pas combien de temps un dépassement éventuel serait toléré, ni comment elle agira en cas de dynamique inflationniste différentiée entre les pays de la zone. En particulier, aucun rattrapage n’est prévu de la dernière décennie durant laquelle le taux d’inflation a été systématiquement inférieur à 2 %, entraînant une atonie de l’investissement et un accroissement vertigineux des inégalités entre rentiers et salariés. Autrement dit, là où la Fed adopte une cible d’inflation moyenne de long terme avec une volonté de rattrapage de la décennie perdue, Francfort conserve l’objectif de 2 % à court et moyen terme, qui plus est de manière très imprécise. Enfin, la BCE recommande d’inclure les loyers fictifs des propriétaires dans l’indice des prix, ce qu’Eurostat fait déjà, au risque que cela conduise à resserrer la politique monétaire en augmentant artificiellement le niveau d’inflation constaté. Surtout, la revue passe complètement à côté du vrai problème : pourquoi l’augmentation massive du bilan de l’Eurosystème, passé en une décennie de moins de 1500 milliards à plus de 7500 milliards d’euros, n’a-t-elle pas été capable ne fût-ce que de ramener l’inflation à un niveau proche de 2 % ? La BCE multiplie par cinq sa taille de bilan, et donc l’usage de la planche à billets, sans aucun effet sur l’inflation ! Étonnant, n’est-ce pas ? La réalité est que la boulimie de Francfort n’a profité qu’aux banques et aux marchés financiers[2]. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur les canaux de transmission de la politique monétaire et de permettre enfin à la banque centrale de financer directement des dépenses d’intérêt général, notamment en faveur de la reconstruction écologique ?[3] II. Les outils de politique monétaire ne sont pas renouvelés Or les annonces du 8 juillet révèlent qu’aucune réflexion innovante n’a abouti sur les outils de politique monétaire : le taux d’intérêt directeur, uniforme et mal adapté à la diversité des situations et des pays entre la Baltique et la Sicile, demeure l’instrument principal de la politique monétaire. Quant aux autres outils, ils sont d’avance menacés d’incohérence : la BCE pourra continuer d’inonder les banques privées de liquidités à court terme, puis, en imposant des taux négatifs à leurs dépôts au guichet de Francfort, tenter vainement d’inciter ces dernières à faire usage de cette manne en faveur de l’économie réelle… tout en continuant de leur prêter des sommes vertigineuses à taux réels négatifs sur le long terme via les TLTRO[4]. De nombreux autres outils de politique monétaire innovants pourraient être mobilisés pour mettre enfin la monnaie au service du bien commun : instaurer des taux d’intérêt différenciés en fonction des besoins des pays ou de l’intensité carbone des actifs collatéraux des banques emprunteuses, annuler le stock de 3.000 milliards d’euros de dettes publiques que détient la BCE en échange d’investissements écologiques et sociaux par les États, ne plus accepter les actifs fossiles en collatéraux lors des refinancements, pratiquer une création monétaire et ciblée, acheter massivement des titres écologiques en coordination avec les Etats ou les banques publiques d’investissement, dédier un programme d’achats à la seule dette publique émise pour financer la transition climatique ce qui lui permettrait de la faciliter sans financer directement des gouvernements. etc. Si certains ont été discutés en coulisse, pas un seul n’est évoqué dans le document final rendu public par Francfort. Le même conservatisme s’affiche quant aux effets de la politique monétaire sur les prix d’actifs financiers, largement gonflés par sa politique mal ciblée. Mais là encore, aucune mesure, aucune annonce pour essayer de trouver une solution à ce piège dans

    Par Dufrêne N., Giraud G., Espagne É.

    15 juillet 2021

    Pour un nouveau mode de création monétaire libre et ciblé sous contrôle démocratique

    La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et nicolas.dufrene@gmail.com. Télécharger le brief en pdf ____ Introduction Le temps est venu de mettre en œuvre des réformes majeures en matière de politique monétaire. La crise sanitaire a en effet confirmé une tendance de fond qui se dessinait déjà très clairement depuis la crise financière de 2008 et la mise en place par les banques centrales de politiques monétaires non-conventionnelles : le soutien monétaire des économies est indispensable mais il crée également des perturbations sur le marché des actifs et alimente les inégalités. Ces défauts qui accompagnent l’expansion de la base monétaire sont-ils inévitables ? Nous pensons que ce n’est pas le cas mais, pour les éviter, il faut s’autoriser à repenser et à élargir les modes de création monétaire. Cela suppose de mettre en œuvre un nouveau mode de création monétaire, et donc de politique monétaire, qui permette non seulement d’éviter ces effets indésirables mais également d’utiliser davantage la monnaie comme outil au service de l’économie réelle et du bien commun. Permettant de briser partiellement le cercle vicieux entre la monnaie et la dette, ce mode création monétaire aboutirait à une monnaie « libre » (c’est-à-dire de la monnaie libérée de la contrainte du remboursement, et donc de la destruction) et « ciblé », ce qui signifie que l’on doit trouver les moyens démocratiques de décider de l’allocation de cette création monétaire complémentaire, là où la politique monétaire actuel n’a absolument aucune prise sur l’emploi de la masse monétaire qu’elle crée. Ce nouveau mode de création monétaire n’aurait pas pour vocation de se substituer au système traditionnel de création monétaire par les institutions financières et monétaires (IFM), mais de le compléter. En effet, la création monétaire par le crédit, qui est devenu le mode privilégié de création monétaire depuis le XIXe siècle, constitue indéniablement un progrès historique en ce sens qu’il permet de passer d’une masse monétaire fixée de manière exogène par la quantité de métaux précieux à un mode de création monétaire anticipant les besoins des acteurs économiques (monnaie endogène). Il n’est toutefois pas sans défaut, notamment du point de vue de l’augmentation continue de la dette, ce qui laisse des marges d’amélioration conséquentes. C’est dans ce cadre que doit être pensée cette idée de la monnaie libre (ou permanente), qui suppose de « désencastrer » une partie de la monnaie de la dette[1]. Il s’agit de l’une des propositions centrales de l’ouvrage « Une monnaie écologique »[2], dont l’auteur de ces lignes est l’un des coauteurs, paru juste avant la crise sanitaire. Elle a depuis été défendue dans plusieurs publications[3]. Cette note a pour objectif de passer en revue les arguments économiques et monétaires justifiant d’instaurer un tel mode de création monétaire, puis de définir les grandes lignes de sa mise en œuvre. I. Echapper au cercle vicieux de l’endettement associé à la création monétaire. Notre système de création monétaire repose actuellement sur les agents bancaires et, plus précisément, sur les banques commerciales (les IFM) et sur la banque centrale. Ce sont ces institutions qui sont dotées d’un pouvoir de création monétaire. Celui-ci ne peut s’exercer qu’avec une contrepartie qui peut prendre différentes formes (crédit, actif financier ou immobilier, matières premières, etc.). Autrement dit, pour créer de la monnaie, un agent bancaire doit respecter les règles de la comptabilité en partie double : à chaque augmentation de son passif (ce qui correspond à de la création de monnaie ex nihilo) doit correspondre une augmentation de son actif (sous forme de prêts le plus souvent, mais aussi, de plus en plus, sous forme d’acquisitions d’actifs). Cela suppose une relation avec un agent économique qui n’est pas une IFM (car entre les IFM il n’y a pas de création monétaire mais simplement des transferts de liquidité sauf lorsqu’il s’agit de la banque centrale). Autrement dit, il existe aujourd’hui deux sources de création monétaire principales de la part des institutions financières monétaires : la première est l’octroi de crédits, la seconde est l’acquisition de titres. Cela a une conséquence directe : puisque la création monétaire s’opère essentiellement par le biais du crédit et des acquisitions de titres (essentiellement des obligations qui donnent lieu à remboursement ultérieurs, notamment pour les emprunts publics), il n’est pas étonnant que la dette progresse parallèlement à l’activité et à la masse monétaire. La dette progresse d’ailleurs toujours plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB) car une partie de la monnaie émise ne se retrouve pas instantanément dans les circuits économiques (épargne) ou fuit à l’étranger (en cas de déficit de la balance des paiements). Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’endettement public et privé mondial a ainsi atteint le montant inédit de 233 000 milliards d’euros et le ratio dette/PIB mondial a progressé à plus de 355 %. Trois années auparavant, l’endettement mondial ne pesait « que » 250 % du PIB mondial. Comme l’écrit joliment Camille Riquier : « affranchie de toute matière finie, la monnaie révèle la puissance infinie du quantitatif pur »[4]. Peut-on continuer ainsi ? Il serait un peu court de dire que la dette, notamment publique, ne représente jamais un problème. Cela en devient un dès lors que les marges de manœuvre réelles ou supposées des acteurs économiques privées ou publiques s’épuisent. Une dette publique très élevée nous rend vulnérables à une remontée des taux d’intérêts et elle sert d’arguments aux États pour ne pas investir, notamment dans la reconstruction écologique de nos sociétés. Plus fondamentalement, une question se pose : existe-t-il une raison indiscutable pour que la monnaie, qui est notre bien commun à tous et dont les formes sont aujourd’hui entièrement dématérialisées, ne puisse être créée qu’en échange d’une contrepartie sous forme d’endettement ? Ne peut-on briser, au moins partiellement, ce lien automatique entre monnaie et dette et libérer en partie la première de la seconde ? C’est à cela que répond le projet de pouvoir créer de la monnaie « libre » (certains disent « permanente »[5]). Ce faisant, l’introduction de monnaie libre dans le circuit économique permettrait

    Par Dufrêne N.

    23 juin 2021

    Créer une bourse pour financer la création d’agroforêt

    La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et matthieulegoanvec01@gmail.com. Télécharger le brief en pdf Download the English version as a pdf ____ Introduction Une agroforêt est un système agroforestier complexe, avec une structure multi-strate de la végétation, un grand nombre de composantes, un fonctionnement écologique similaire aux forêts naturelles. De par leur structure multi-étagée leur faciès forestier et leur composition floristique, les agroforêts détiennent une grande diversité arborée. Principalement présent dans les régions tropicales, des expérimentations en climat tempéré ont montré comment pouvait être déclinée cette pratique en France sous les vocables forêt jardin, forêt comestible, forêt nourricière. Proposer un modèle de financement de cette approche est l’objectif de ce document. L’idée est d’utiliser un statut juridique la société par action simplifiée pour cadrer les agroforêts et de créer un marché primaire et secondaire pour échanger les actions de ces sociétés. I. Financer la création de l’agroforêt, le modèle de la SAS forêt jardin comme standard Les agroforêts répondent à plusieurs objectifs de développement durable. L’urgence d’initier cette démarche est la perspective d’un scénario d’un retour à terme à une agriculture manuelle basée sur des plantes annuelles très gourmande en main d’œuvre là où une agriculture à base de plante pérenne aurait nécessité beaucoup moins de travail et donc libéré plus de temps pour les autres activités économiques : dans un monde sans tracteur produire des annuelles c’est préparer le sol, semer, désherber, déplacer des brouettes de fumier à la force des bras de nombreuses fois dans l’année et 1 million d’agriculteurs ne pourraient pas nourrir 70 millions d’individus de cette manière, 1million d’agriculteurs pourraient entretenir un paysage d’agroforêt où les individus viendraient cueillir comme ils vont au supermarché. L’on pourrait objecter par le recours aux agrocarburants mais alors il faut faire le choix d’affamer certains ce qui est contraire à l’ODD n°2. Le marché primaire doit financer la création de l’agroforêt qui est un débouché pour les secteurs par exemple du paysage et de la pépinière. Afin de produire des économies d’échelle et une meilleure lisibilité pour le financement l’idée est de proposer un modèle standardisé. La norme du marché primaire doit poser une équivalence action/surface/biomasse initiale, admettons qu’a la création 1 action équivaut à l’investissement sur 1m2 et que sur 1m2 il y a 10kg de biomasse. Pour mesurer la biomasse on peut tenter d’évaluer le volume de bois et de racine et supposer une densité moyenne, échantillonner des volumes de terre et mesurer la masse de la pédofaune etc. ce travail n’est pas évident. En moyenne un agrosystème compte 10T/ha de biomasse en simplifiant on peut considérer qu’il y a 10kg/m2 de biomasse dans un champ ou dans une coupe rase. Le chiffre bien que faux peux être pris comme une approximation acceptable. Pour créer un verger industriel aujourd’hui il faut compter de l’ordre de 50000€ (4000 arbres basse tige à 10€ et des investissements en plus comme la fertilisation, les travaux préparatoires, l’irrigation, des filets anti grêle, des tuteurs), si on complante un tel verger d’une strate de vivace et d’une strate d’arbuste le montant peut encore augmenter. L’enjeu est alors de produire une concertation avec la filière et de convenir d’un budget standard pour tous les projets. Pour certains projets, le budget standard suffira pour d’autre, en particulier si le budget pour améliorer le sol est très important, il faudra compter sur l’apprentissage de la filière (meilleur connaissance des différents biotopes et coût des diagnostics, meilleur connaissance des designs adaptatifs et coût de conception, meilleur connaissance des modes de gestion et coût du conseil en gestion…) et les gains de productivité. Plus nombreux seront les projets d’agroforêt plus certaines économies d’échelle pourront être faites (mécanisation de la multiplication des plantes) et plus nombreuses seront les agroforêts existantes plus certaines ressources en matériel végétal seront accessibles (graines, boutures, greffons, bulbes). II. Vivre dans l’agroforêt comme commun d’actionnaires L’investissement traduit la volonté des entreprises d’intégrer l’amont en réduisant l’incertitude sur un approvisionnement biosourcé, la volonté des ménages de s’équiper en arbres fruitiers « liquidables » au grès des déménagements, la volonté des éleveurs d’accéder à du fourrage ou la volonté d’association environnementale de traduire leur but in situ. L’investissement doit permettre l’établissement d’un système de ressources pour ces acteurs et la composition du système de ressources est d’autant plus complexe que les attentes sont variées. Les titres donneront des droits sur l’agroforêt et l’agroforêt produit un faisceau de droit, pour ses usagers c’est un commun dont il s’agit d’établir des règles de gouvernance afin d’assurer sa pérennité. Le gérant de l’agroforêt doit permettre la fourniture du système de ressources. Les ménages peuvent par ce moyen tendre vers la maîtrise de leur empreinte écologique en liant leur consommation à une surface et sur le cours terme shunter toute une partie de la chaîne de valeur et éviter les pollutions dues au transport ou aux emballage. La SAS agroforêt peut être considérée comme une entreprise sociale et solidaire vis à vis des ménages pauvres qui peuvent grâce à elle se soutenir par l’auto cueillette ou accéder à des denrées dont ils sont exclus du fait du coût de la cueillette comme les cerises ou les framboises qui peuvent s’échanger à plus de 5€ le kg. Pour les entreprises de transformation, on pourrait considérer les actions de SAS agroforêt comme un élément du fonds de commerce, leur approvisionnement impliquant une empreinte foncière et une allocation de la terre en concurrence avec d’autres allocations si bien que l’intégration de l’amont dans un monde qui se sait fini devient moins incertain et plus responsable que le recours au marché. L’enjeu est de lié dimension de l’outil de transformation et capacité d’approvisionnement permise par les agroforêts plutôt que de faire un modèle sur un outil donné en espérant que le marché de l’approvisionnement suivra quitte à mettre en valeur de nouvelles terres. Les éleveurs doivent se concerter avant de

    Par Le Goanvec M.

    18 juin 2021

    Sortir de l’impasse climatique par la défaisance carbone

    Les dérèglements climatiques constituent une menace existentielle pour les sociétés humaines. Celles-ci sont engagées sur une trajectoire de réchauffement qui pourrait atteindre +4,8°C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels. De tels niveaux de réchauffement à la fin du siècle posent un risque de dégradation sans précédent des conditions de vie sur la planète. Eviter ce scénario catastrophe nécessite une réduction d’ampleur des émissions de gaz à effet de serre (GES), qui placerait l’humanité sur une trajectoire climatiquement soutenable.

    Par Driouich R.

    17 mai 2021

    Une politique européenne de crédit pour l’Agenda 2030

    En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Pour cette note, nous remercions Mireille Martini, économiste et co-auteur avec Alain Grandjean de « Financer la transition énergétique », pour ses commentaires sur une version précédente de ce texte. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contacts : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et denis.dupre@univ-grenoble-alpes.fr. Télécharger le Policy Brief en pdf Download the Policy Brief as a pdf 1. La financiarisation et la montée des périls systémiques Il est désormais établi que la financiarisation[1] croissante de l’économie mondiale facilite l’accélération du dérèglement du Système Terre. Comme le montre la figure 1, une simple régression linéaire entre le développement financier mondial (mesuré par le ratio M2/PIB) et les kilotonnes d’émissions de CO2 affiche un coefficient de corrélation de 0,953. De même, une régression linéaire entre la capitalisation boursière mondiale et les émissions de CO2 affiche un coefficient de corrélation de 0.960[2]. Ces données sont à interpréter dans le cadre plus large de l’évolution conjoint des indicateurs socioéconomiques et bio-géophysiques et du dérèglement du Système Terre causé par la Grande Accélération Industrielle (Steffen et.al, 2015). Figure 1. Emissions atmosphériques de CO2 et développement financier mondial, 1960-2019 (p-value 0.000) Données : Banque Mondiale, calcul Lagoarde-Segot & Martinez (2021) En dépit de l’urgence climatique, les politiques monétaires et prudentielles suivies par la plupart des Banques Centrales ces dernières années ont contribué à accroitre, plutôt qu’à inverser, cette dynamique de dérèglement systémique. Ainsi, depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont émis de la monnaie de réserve (que l’on appelle aussi M0 ou « base monétaire ») pour financer les États, les entreprises et les banques dans la zone euro où le financement monétaire des Etats est interdit par le mandat de la BCE. La BCE a ainsi permis à des entreprises et des banques « zombies » de survivre ; rachetant massivement les dettes privées, et sauvant au passage les investisseurs en socialisant leurs pertes. Le soutien à l’économie réelle – par le canal du crédit aux entreprises – a constitué la principale justification invoquée pour ces politiques de « quantitative easing ». Cependant, la monnaie utilisée dans les transactions économiques prend aujourd’hui principalement la forme de dépôts bancaires ; et comme l’indique la Banque d’Angleterre (2014) ainsi que la majorité des spécialistes de la monnaie, ces dépôts bancaires, convertibles sur demande en espèce, sont en grande majorité créés par le canal du crédit bancaire. Les banques n’ont pas besoin de réserves initiales pour accorder des prêts au public, puisque le système monétaire leur permet un accès continu à la monnaie de réserve (via le recours au marché interbancaire ou la facilité de prêt de la Banque Centrale)[3]. Le financement de l’économie réelle repose en réalité sur les anticipations des banques concernant l’état futur de l’économie et la robustesse des collatéraux apportés. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater, comme le montre la figure 1, que les milliers de milliards de monnaie de réserve injectée dans le système financier ont alimenté le développement de bulles spéculatives, tant celui des actions que de l’immobilier. Et même si une demande de financement de projets viables permettant une transition compatible en accord avec l’accord de Paris sur le Climat existait, rien ne contraint aujourd’hui les banques à y répondre. Figure 1 Base monétaire Cette dynamique monétaire et financière s’accompagne d’une forte augmentation des inégalités de revenus (ex : mal-logement pour les uns, plus-values immobilières pour les autres) qui a pour toile de fonds une montée de l’endettement privé et une désindustrialisation massive de maints pays européens. Dans ce contexte de montée des périls qui pourrait, dans le pire des cas, entrainer un effondrement de certains pays européens[4], nous appelons à prendre une série de mesures énergiques et adaptées à l’urgence de la situation. Il s’agit de planifier rapidement le financement des transitions énergétique, sanitaire, et agricole, ainsi que l‘accès aux soins et aux médicaments, pour atteindre rapidement une production locale minimale de survie des populations sur ces plans, et permettre la résilience de la société face aux chocs. Les solutions techniques les plus souvent mises en avant pour financer cet « effort de guerre » sont connues. Il faudrait soit réorienter l’épargne, soit flécher une création monétaire spéciale « transitions », soit augmenter les impôts, soit accroitre le déficit des états. L’idéal serait bien entendu un mixte des quatre solutions. Dans cette note nous présentons toutefois une cinquième piste, évoquée en détail par Lagoarde-Segot (2020). Celle-ci consiste en une ambitieuse refondation de la politique de crédit à l’échelon européen, basée sur la réintroduction de mesures ayant déjà fonctionné par le passé dans un contexte similaire, ou étant actuellement en place dans d’autres pays. Avant de détailler les mécanismes proposés, il convient néanmoins de souligner que le succès de toute politique de reconstruction écologique est conditionnel à la mise en place d’une taxonomie robuste entre le secteur « brun » et le secteur « ODD-compatible ». A ce titre, la taxonomie de l’UE pour les activités durables, norme élaborée dans le cadre du » European Green Deal » européenne en lien avec les engagements de l’Agenda 2030 est encore

    Par Lagoarde-Segot T., Dupré D.

    3 mai 2021

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