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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Étienne Espagne

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    Étienne Espagne

    Étienne Espagne

    Biographie

    Économiste de l’environnement et du développement.

    Notes publiées

    La revue monétaire de l’immobilisme

    La BCE a créé la surprise, ce jeudi 8 juillet 2021, en annonçant les conclusions de sa revue de politique monétaire, qui n’étaient attendues qu’à l’automne. Hélas, ce fut la seule surprise dont elle fut capable. Un mot d’abord sur la méthode : pourquoi sortir cette revue maintenant, presque en catimini et de manière inattendue, alors qu’il y a encore tant à discuter et que de nombreuses voix, à l’instar de l’Institut Rousseau, appellent la BCE à modifier radicalement sa politique ? Est-ce pour mettre le corps social européen devant le fait accompli et couper court à toutes les discussions qui montent en ce moment autour du rôle de la BCE[1] ?  Sauf que les principes posés par cette revue sont là pour durer : on parle d’effets sur une période de dix ans tandis que certaines « actions » prévues dans le cadre de cette revue n’entreront pas en vigueur avant 2024. Quel besoin donc de brusquer les choses de la sorte ? En second lieu, l’annonce du 8 juillet est une occasion manquée. Elle rappelle cruellement à ceux qui croient encore à la neutralité de la politique monétaire que l’indépendance des banques centrales les conduit nécessairement à l’impuissance devant les choix d’envergure dont nous avons urgemment besoin. Or l’impuissance monétaire aujourd’hui signifie l’incapacité, demain, de relever les défis écologiques et sociaux qui sont les nôtres. Passons en revue ces insuffisances. I. L’impératif de lutte contre l’inflation n’est pas vraiment assoupli En matière de cible d’inflation déjà, objectif principal de la politique monétaire assigné au système européen de banques centrales à l’article 127 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. L’idée centrale est la suivante : transformer l’objectif d’inflation « proche mais inférieur à 2 % » en un « objectif symétrique d’inflation de 2 % ». Quel changement cela implique-t-il donc ? Rien, ou presque. Pour le comprendre, revenons au choix fait par la Federal reserveaméricaine, en septembre dernier, de mettre en place une notion de cible flexible d’inflation moyenne. Confrontée à un retour timide de l’inflation, la Fed avait alors acté le fait qu’elle ne relèverait ses taux d’intérêt directeurs que si l’inflation était durablement supérieure à 2 % par an, non seulement pour s’assurer que celle-ci était bien ancrée solidement mais également pour compenser les périodes précédentes où l’inflation est restée trop faible pour stimuler suffisamment les revenus. L’approche de la BCE est bien moins ambitieuse : si elle admet que le niveau de 2 % peut être dépassé temporairement sans susciter de resserrement immédiat de sa politique, la Banque centrale de Francfort conserve bel et bien cette cible d’inflation et ne précise pas combien de temps un dépassement éventuel serait toléré, ni comment elle agira en cas de dynamique inflationniste différentiée entre les pays de la zone. En particulier, aucun rattrapage n’est prévu de la dernière décennie durant laquelle le taux d’inflation a été systématiquement inférieur à 2 %, entraînant une atonie de l’investissement et un accroissement vertigineux des inégalités entre rentiers et salariés. Autrement dit, là où la Fed adopte une cible d’inflation moyenne de long terme avec une volonté de rattrapage de la décennie perdue, Francfort conserve l’objectif de 2 % à court et moyen terme, qui plus est de manière très imprécise. Enfin, la BCE recommande d’inclure les loyers fictifs des propriétaires dans l’indice des prix, ce qu’Eurostat fait déjà, au risque que cela conduise à resserrer la politique monétaire en augmentant artificiellement le niveau d’inflation constaté. Surtout, la revue passe complètement à côté du vrai problème : pourquoi l’augmentation massive du bilan de l’Eurosystème, passé en une décennie de moins de 1500 milliards à plus de 7500 milliards d’euros, n’a-t-elle pas été capable ne fût-ce que de ramener l’inflation à un niveau proche de 2 % ? La BCE multiplie par cinq sa taille de bilan, et donc l’usage de la planche à billets, sans aucun effet sur l’inflation ! Étonnant, n’est-ce pas ? La réalité est que la boulimie de Francfort n’a profité qu’aux banques et aux marchés financiers[2]. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur les canaux de transmission de la politique monétaire et de permettre enfin à la banque centrale de financer directement des dépenses d’intérêt général, notamment en faveur de la reconstruction écologique ?[3] II. Les outils de politique monétaire ne sont pas renouvelés Or les annonces du 8 juillet révèlent qu’aucune réflexion innovante n’a abouti sur les outils de politique monétaire : le taux d’intérêt directeur, uniforme et mal adapté à la diversité des situations et des pays entre la Baltique et la Sicile, demeure l’instrument principal de la politique monétaire. Quant aux autres outils, ils sont d’avance menacés d’incohérence : la BCE pourra continuer d’inonder les banques privées de liquidités à court terme, puis, en imposant des taux négatifs à leurs dépôts au guichet de Francfort, tenter vainement d’inciter ces dernières à faire usage de cette manne en faveur de l’économie réelle… tout en continuant de leur prêter des sommes vertigineuses à taux réels négatifs sur le long terme via les TLTRO[4]. De nombreux autres outils de politique monétaire innovants pourraient être mobilisés pour mettre enfin la monnaie au service du bien commun : instaurer des taux d’intérêt différenciés en fonction des besoins des pays ou de l’intensité carbone des actifs collatéraux des banques emprunteuses, annuler le stock de 3.000 milliards d’euros de dettes publiques que détient la BCE en échange d’investissements écologiques et sociaux par les États, ne plus accepter les actifs fossiles en collatéraux lors des refinancements, pratiquer une création monétaire et ciblée, acheter massivement des titres écologiques en coordination avec les Etats ou les banques publiques d’investissement, dédier un programme d’achats à la seule dette publique émise pour financer la transition climatique ce qui lui permettrait de la faciliter sans financer directement des gouvernements. etc. Si certains ont été discutés en coulisse, pas un seul n’est évoqué dans le document final rendu public par Francfort. Le même conservatisme s’affiche quant aux effets de la politique monétaire sur les prix d’actifs financiers, largement gonflés par sa politique mal ciblée. Mais là encore, aucune mesure, aucune annonce pour essayer de trouver une solution à ce piège dans

    Par Dufrêne N., Giraud G., Espagne É.

    15 juillet 2021

    Droits de Tirage Spéciaux, Covid-19 et environnement : The time is now, the question is how ?

    Comme dans bon nombre d’autres domaines, la pandémie de Covid-19 a agi comme un révélateur des fragilités préexistantes du système monétaire et financier international (SMI). Depuis les années 1980, le cycle financier, guidé par les grandes institutions financières internationales, a déterminé les dynamiques économiques du régime de croissance financiarisé [1]. Ce régime se caractérise par une succession de survalorisations d’actifs et d’emballements du crédit créant une croissance sous hormones, survalorisations suivies régulièrement de crises systémiques toujours plus massives, à l’image de celle de 2008. Le cycle financier a ainsi offert aux économies développées une échappatoire facile mais fragile à la menace de « stagnation séculaire » dont elles n’ont par ailleurs pas encore trouvé l’issue, tout en faisant porter une bonne partie des coûts sociaux et écologiques des crises sur les populations les plus faibles du globe.  Table des matières  I. La triple crise des pays émergents et en développement II. Des filets de sécurité financiers ébranlés, une dépendance problématique au dollar. III. DTS, the time is now IV. The question is how V. Monnaie internationale et limites planétaires   I. La triple crise des pays émergents et en développement À cet égard, la pandémie de Covid-19 intervient à un moment où les indicateurs de volatilité financière (tels que mesurés par le VIX par exemple) étaient revenus à leur plus haut niveau depuis 2009, de sorte que la combinaison de ces fragilités prêtes à imploser et de la pandémie a immédiatement créé un effet de système massif. Le retournement brutal des flux de capitaux, qui avaient afflué ces dernières années dans les pays émergents et dans les pays en développement, à la recherche de rendements, a été particulièrement massif dans les dernières semaines. Totalement étrangers à la crise du Covid-19, les pays émergents ont pourtant vu littéralement fondre, en quelques jours, leur déjà faible autonomie financière, le prix des matières premières dont dépend l’essentiel de leurs ressources fiscales, en même temps qu’ils ont vu surgir pour eux-mêmes la menace de la pandémie [2].  C’est ainsi bien une triple crise en puissance à laquelle sont confrontés les pays émergents et en développement. Les fuites de capitaux d’abord, qui ont atteint une centaine de milliards de dollars depuis le début de la pandémie alors qu’elles s’étaient limitées à l’occasion de la crise de 2008 à une trentaine de milliards de dollars. La chute induite des taux de change des pays émergents et des pays en développement (entre 5 et 25 % de perte par rapport au dollar) surenchérit l’accès aux devises étrangères, et notamment au dollar et à l’euro, que ce soit pour les importations ou le remboursement de crédits dans ces monnaies avec des risques de défauts très fortement accrus. La chute des cours des matières premières ensuite (37% en moyenne à ce jour), et du pétrole en particulier, réduit encore l’espace d’autonomie politique de ces pays pour faire face à la crise. Enfin, la crise sanitaire pourrait générer des dégâts considérables dans des pays qui ont jusqu’à récemment encore suivi les recettes du consensus de Washington, réduisant tout ce qui pouvait ressembler à des dépenses publiques ou des services publics. Face à cette triple crise, les filets de sécurité financiers existants, ce que l’on appelle plus généralement le système monétaire international, s’avèrent bien trop faibles pour endiguer la crise.   II. Des filets de sécurité financiers ébranlés, une dépendance problématique au dollar Pour faire face aux besoins urgents en devises, de nombreux pays (plus de 90 à l’heure où nous écrivons) ont d’ores et déjà demandé de bénéficier de facilités de financement du FMI. Sans conditionnalité pour les pays présentant une situation d’endettement jugée soutenable, ces facilités d’urgence sont limitées en volume (100 milliards de dollars au total). Les programmes plus conséquents de prêts du FMI supposent quant à eux des conditionnalités lourdes de réformes dites structurelles, co-responsables des conditions sanitaires déplorables de nombreux pays aujourd’hui candidats. De nombreux pays émergents sont ainsi traumatisés par leur dernière expérience de tels prêts (Algérie, Argentine…) et pourraient reculer le plus longtemps possible devant cette éventualité.  De leur côté, les États-Unis, via leur réserve fédérale (Fed), ont déployé un arsenal de lignes d’échanges de devises (« swap lines ») avec les banques centrales de pays « amis », permettant de fournir directement à ces pays des dollars en échange de leur propre devise. Le Brésil et le Mexique sont les principaux pays émergents concernés. Au-delà de ces swap lines, une facilité « repo » a été également ouverte pour permettre à un plus grand nombre de pays de troquer leurs bons du Trésor américain contre des dollars. Des discussions sont enfin ouvertes sur la possibilité d’une ligne d’échanges de devises entre le FMI et la Fed. Malgré ces avancées, les insuffisances de ce système apparaissent au grand jour : la conditionnalité des prêts liée à des fondamentaux macroéconomiques « solides », qui exclut de nombreux pays en nécessité impérieuse de soutien tels que l’Argentine ou le Soudan ; la limitation des quantités émises par rapport aux enjeux, alors que la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (UNCTAD) [3] évalue les besoins immédiats des pays émergents et des pays en développements à 2500 milliards de dollars ; le choix politique des pays bénéficiaires par la puissance hégémonique, directement dans le cas des interventions de la Fed (l’Inde, la Turquie, la Thaïlande ou l’Afrique du Sud ne font pour l’instant pas partie des pays bénéficiaires de « swap lines »), indirectement via le jeu des quotes-parts au sein du FMI.  Plus fondamentalement, la confiance dans la devise clé, le dollar américain, pourrait être ébranlée par la gestion même de la pandémie par les États-Unis, la tendance de l’administration actuelle à prioriser absolument les intérêts américains au détriment systématique du multilatéralisme, et les dépenses intérieures titanesques engagées pour limiter les impacts de la crise [4]. Les tensions géopolitiques générées par ce moment de flottement des responsabilités internationales semblent repousser toute action majeure sur les dettes des pays en développement. Même si le G20 reporte fort heureusement les paiements d’intérêts des dettes pour l’année 2020 (qui

    Par Espagne É.

    3 mai 2020

    La revue monétaire de l’immobilisme

    La BCE a créé la surprise, ce jeudi 8 juillet 2021, en annonçant les conclusions de sa revue de politique monétaire, qui n’étaient attendues qu’à l’automne. Hélas, ce fut la seule surprise dont elle fut capable. Un mot d’abord sur la méthode : pourquoi sortir cette revue maintenant, presque en catimini et de manière inattendue, alors qu’il y a encore tant à discuter et que de nombreuses voix, à l’instar de l’Institut Rousseau, appellent la BCE à modifier radicalement sa politique ? Est-ce pour mettre le corps social européen devant le fait accompli et couper court à toutes les discussions qui montent en ce moment autour du rôle de la BCE[1] ?  Sauf que les principes posés par cette revue sont là pour durer : on parle d’effets sur une période de dix ans tandis que certaines « actions » prévues dans le cadre de cette revue n’entreront pas en vigueur avant 2024. Quel besoin donc de brusquer les choses de la sorte ? En second lieu, l’annonce du 8 juillet est une occasion manquée. Elle rappelle cruellement à ceux qui croient encore à la neutralité de la politique monétaire que l’indépendance des banques centrales les conduit nécessairement à l’impuissance devant les choix d’envergure dont nous avons urgemment besoin. Or l’impuissance monétaire aujourd’hui signifie l’incapacité, demain, de relever les défis écologiques et sociaux qui sont les nôtres. Passons en revue ces insuffisances. I. L’impératif de lutte contre l’inflation n’est pas vraiment assoupli En matière de cible d’inflation déjà, objectif principal de la politique monétaire assigné au système européen de banques centrales à l’article 127 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. L’idée centrale est la suivante : transformer l’objectif d’inflation « proche mais inférieur à 2 % » en un « objectif symétrique d’inflation de 2 % ». Quel changement cela implique-t-il donc ? Rien, ou presque. Pour le comprendre, revenons au choix fait par la Federal reserveaméricaine, en septembre dernier, de mettre en place une notion de cible flexible d’inflation moyenne. Confrontée à un retour timide de l’inflation, la Fed avait alors acté le fait qu’elle ne relèverait ses taux d’intérêt directeurs que si l’inflation était durablement supérieure à 2 % par an, non seulement pour s’assurer que celle-ci était bien ancrée solidement mais également pour compenser les périodes précédentes où l’inflation est restée trop faible pour stimuler suffisamment les revenus. L’approche de la BCE est bien moins ambitieuse : si elle admet que le niveau de 2 % peut être dépassé temporairement sans susciter de resserrement immédiat de sa politique, la Banque centrale de Francfort conserve bel et bien cette cible d’inflation et ne précise pas combien de temps un dépassement éventuel serait toléré, ni comment elle agira en cas de dynamique inflationniste différentiée entre les pays de la zone. En particulier, aucun rattrapage n’est prévu de la dernière décennie durant laquelle le taux d’inflation a été systématiquement inférieur à 2 %, entraînant une atonie de l’investissement et un accroissement vertigineux des inégalités entre rentiers et salariés. Autrement dit, là où la Fed adopte une cible d’inflation moyenne de long terme avec une volonté de rattrapage de la décennie perdue, Francfort conserve l’objectif de 2 % à court et moyen terme, qui plus est de manière très imprécise. Enfin, la BCE recommande d’inclure les loyers fictifs des propriétaires dans l’indice des prix, ce qu’Eurostat fait déjà, au risque que cela conduise à resserrer la politique monétaire en augmentant artificiellement le niveau d’inflation constaté. Surtout, la revue passe complètement à côté du vrai problème : pourquoi l’augmentation massive du bilan de l’Eurosystème, passé en une décennie de moins de 1500 milliards à plus de 7500 milliards d’euros, n’a-t-elle pas été capable ne fût-ce que de ramener l’inflation à un niveau proche de 2 % ? La BCE multiplie par cinq sa taille de bilan, et donc l’usage de la planche à billets, sans aucun effet sur l’inflation ! Étonnant, n’est-ce pas ? La réalité est que la boulimie de Francfort n’a profité qu’aux banques et aux marchés financiers[2]. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur les canaux de transmission de la politique monétaire et de permettre enfin à la banque centrale de financer directement des dépenses d’intérêt général, notamment en faveur de la reconstruction écologique ?[3] II. Les outils de politique monétaire ne sont pas renouvelés Or les annonces du 8 juillet révèlent qu’aucune réflexion innovante n’a abouti sur les outils de politique monétaire : le taux d’intérêt directeur, uniforme et mal adapté à la diversité des situations et des pays entre la Baltique et la Sicile, demeure l’instrument principal de la politique monétaire. Quant aux autres outils, ils sont d’avance menacés d’incohérence : la BCE pourra continuer d’inonder les banques privées de liquidités à court terme, puis, en imposant des taux négatifs à leurs dépôts au guichet de Francfort, tenter vainement d’inciter ces dernières à faire usage de cette manne en faveur de l’économie réelle… tout en continuant de leur prêter des sommes vertigineuses à taux réels négatifs sur le long terme via les TLTRO[4]. De nombreux autres outils de politique monétaire innovants pourraient être mobilisés pour mettre enfin la monnaie au service du bien commun : instaurer des taux d’intérêt différenciés en fonction des besoins des pays ou de l’intensité carbone des actifs collatéraux des banques emprunteuses, annuler le stock de 3.000 milliards d’euros de dettes publiques que détient la BCE en échange d’investissements écologiques et sociaux par les États, ne plus accepter les actifs fossiles en collatéraux lors des refinancements, pratiquer une création monétaire et ciblée, acheter massivement des titres écologiques en coordination avec les Etats ou les banques publiques d’investissement, dédier un programme d’achats à la seule dette publique émise pour financer la transition climatique ce qui lui permettrait de la faciliter sans financer directement des gouvernements. etc. Si certains ont été discutés en coulisse, pas un seul n’est évoqué dans le document final rendu public par Francfort. Le même conservatisme s’affiche quant aux effets de la politique monétaire sur les prix d’actifs financiers, largement gonflés par sa politique mal ciblée. Mais là encore, aucune mesure, aucune annonce pour essayer de trouver une solution à ce piège dans

    Par Dufrêne N., Giraud G., Espagne É.

    22 juin 2021

    Droits de Tirage Spéciaux, Covid-19 et environnement : The time is now, the question is how ?

    Comme dans bon nombre d’autres domaines, la pandémie de Covid-19 a agi comme un révélateur des fragilités préexistantes du système monétaire et financier international (SMI). Depuis les années 1980, le cycle financier, guidé par les grandes institutions financières internationales, a déterminé les dynamiques économiques du régime de croissance financiarisé [1]. Ce régime se caractérise par une succession de survalorisations d’actifs et d’emballements du crédit créant une croissance sous hormones, survalorisations suivies régulièrement de crises systémiques toujours plus massives, à l’image de celle de 2008. Le cycle financier a ainsi offert aux économies développées une échappatoire facile mais fragile à la menace de « stagnation séculaire » dont elles n’ont par ailleurs pas encore trouvé l’issue, tout en faisant porter une bonne partie des coûts sociaux et écologiques des crises sur les populations les plus faibles du globe.  Table des matières  I. La triple crise des pays émergents et en développement II. Des filets de sécurité financiers ébranlés, une dépendance problématique au dollar. III. DTS, the time is now IV. The question is how V. Monnaie internationale et limites planétaires   I. La triple crise des pays émergents et en développement À cet égard, la pandémie de Covid-19 intervient à un moment où les indicateurs de volatilité financière (tels que mesurés par le VIX par exemple) étaient revenus à leur plus haut niveau depuis 2009, de sorte que la combinaison de ces fragilités prêtes à imploser et de la pandémie a immédiatement créé un effet de système massif. Le retournement brutal des flux de capitaux, qui avaient afflué ces dernières années dans les pays émergents et dans les pays en développement, à la recherche de rendements, a été particulièrement massif dans les dernières semaines. Totalement étrangers à la crise du Covid-19, les pays émergents ont pourtant vu littéralement fondre, en quelques jours, leur déjà faible autonomie financière, le prix des matières premières dont dépend l’essentiel de leurs ressources fiscales, en même temps qu’ils ont vu surgir pour eux-mêmes la menace de la pandémie [2].  C’est ainsi bien une triple crise en puissance à laquelle sont confrontés les pays émergents et en développement. Les fuites de capitaux d’abord, qui ont atteint une centaine de milliards de dollars depuis le début de la pandémie alors qu’elles s’étaient limitées à l’occasion de la crise de 2008 à une trentaine de milliards de dollars. La chute induite des taux de change des pays émergents et des pays en développement (entre 5 et 25 % de perte par rapport au dollar) surenchérit l’accès aux devises étrangères, et notamment au dollar et à l’euro, que ce soit pour les importations ou le remboursement de crédits dans ces monnaies avec des risques de défauts très fortement accrus. La chute des cours des matières premières ensuite (37% en moyenne à ce jour), et du pétrole en particulier, réduit encore l’espace d’autonomie politique de ces pays pour faire face à la crise. Enfin, la crise sanitaire pourrait générer des dégâts considérables dans des pays qui ont jusqu’à récemment encore suivi les recettes du consensus de Washington, réduisant tout ce qui pouvait ressembler à des dépenses publiques ou des services publics. Face à cette triple crise, les filets de sécurité financiers existants, ce que l’on appelle plus généralement le système monétaire international, s’avèrent bien trop faibles pour endiguer la crise.   II. Des filets de sécurité financiers ébranlés, une dépendance problématique au dollar Pour faire face aux besoins urgents en devises, de nombreux pays (plus de 90 à l’heure où nous écrivons) ont d’ores et déjà demandé de bénéficier de facilités de financement du FMI. Sans conditionnalité pour les pays présentant une situation d’endettement jugée soutenable, ces facilités d’urgence sont limitées en volume (100 milliards de dollars au total). Les programmes plus conséquents de prêts du FMI supposent quant à eux des conditionnalités lourdes de réformes dites structurelles, co-responsables des conditions sanitaires déplorables de nombreux pays aujourd’hui candidats. De nombreux pays émergents sont ainsi traumatisés par leur dernière expérience de tels prêts (Algérie, Argentine…) et pourraient reculer le plus longtemps possible devant cette éventualité.  De leur côté, les États-Unis, via leur réserve fédérale (Fed), ont déployé un arsenal de lignes d’échanges de devises (« swap lines ») avec les banques centrales de pays « amis », permettant de fournir directement à ces pays des dollars en échange de leur propre devise. Le Brésil et le Mexique sont les principaux pays émergents concernés. Au-delà de ces swap lines, une facilité « repo » a été également ouverte pour permettre à un plus grand nombre de pays de troquer leurs bons du Trésor américain contre des dollars. Des discussions sont enfin ouvertes sur la possibilité d’une ligne d’échanges de devises entre le FMI et la Fed. Malgré ces avancées, les insuffisances de ce système apparaissent au grand jour : la conditionnalité des prêts liée à des fondamentaux macroéconomiques « solides », qui exclut de nombreux pays en nécessité impérieuse de soutien tels que l’Argentine ou le Soudan ; la limitation des quantités émises par rapport aux enjeux, alors que la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (UNCTAD) [3] évalue les besoins immédiats des pays émergents et des pays en développements à 2500 milliards de dollars ; le choix politique des pays bénéficiaires par la puissance hégémonique, directement dans le cas des interventions de la Fed (l’Inde, la Turquie, la Thaïlande ou l’Afrique du Sud ne font pour l’instant pas partie des pays bénéficiaires de « swap lines »), indirectement via le jeu des quotes-parts au sein du FMI.  Plus fondamentalement, la confiance dans la devise clé, le dollar américain, pourrait être ébranlée par la gestion même de la pandémie par les États-Unis, la tendance de l’administration actuelle à prioriser absolument les intérêts américains au détriment systématique du multilatéralisme, et les dépenses intérieures titanesques engagées pour limiter les impacts de la crise [4]. Les tensions géopolitiques générées par ce moment de flottement des responsabilités internationales semblent repousser toute action majeure sur les dettes des pays en développement. Même si le G20 reporte fort heureusement les paiements d’intérêts des dettes pour l’année 2020 (qui

    Par Espagne É.

    22 juin 2021

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