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L’action publique et les enjeux de transition pour le secteur de la pêche

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L’action publique et les enjeux de transition pour le secteur de la pêcheSynthèse des subventions publiques allouées au secteur de la pêche en France entre 2020 et 2022

Dès le début des années 1990, le rôle des subventions publiques dans la surcapacité des flottes de pêche et la surexploitation des stocks mondiaux de poissons a clairement été établi par les experts et les organisations internationales. En augmentant les capacités de production et en rendant certains segments artificiellement rentables, les subventions publiques incitent les pêcheurs à accroître continuellement leurs captures sans tenir compte des signaux alertant sur l’état des ressources, qui devraient normalement les conduire à réguler leur activité.

Lors de l’adoption du Programme de Doha pour le développement en 2001, l’objectif de réguler les subventions publiques à la pêche a été intégré à l’agenda international. Cela s’est traduit par l’ouverture de négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), processus qui a abouti à la conclusion d’un premier accord multilatéral en juin 2022. L’élimination des subventions publiques qui encouragent la surcapacité, la surpêche et la pêche illégale est également une priorité requise par l’Objectif de développement durable 14.6 de l’Organisation des Nations unies adopté en 2015.

Malgré cette dynamique, les dernières estimations menées à l’échelle mondiale montrent que le secteur de la pêche a reçu 35,4 milliards de dollars de subventions publiques en 2018, dont plus de 60 % encouragent la surcapacité et la surpêche et 22 % sont des aides au carburant. À elles seules, les pêcheries industrielles ont capté plus de 80 % de ces aides globales alors qu’elles représentent moins de 20 % de la flotte mondiale. Après la Chine, l’Union européenne est la deuxième entité politique qui subventionne le plus ce secteur.

En France, la pêche bénéficie du soutien historique des pouvoirs publics qui ont notamment encouragé l’industrialisation des flottes et la modernisation de la filière après la Seconde Guerre mondiale. À partir des années 1970, la multiplication des crises provoquées par l’envolée des prix du pétrole puis la raréfaction des ressources auraient logiquement dû conduire les gouvernements successifs à réformer les politiques de soutien au secteur afin de le sortir de sa dépendance au carburant et amorcer la transition des flottes vers un modèle plus vertueux. À la place, les pouvoirs publics ont répondu à ces crises à grand renfort de subventions visant, non pas à résoudre les problèmes structurels rencontrés par le secteur, mais à maintenir la paix sociale.

Aujourd’hui, les entreprises de pêche françaises bénéficient toujours d’un large éventail de subventions directes et d’exonérations. Mais faute de données centralisées et harmonisées, il est impossible d’en connaître le montant exact et de produire un bilan critique exhaustif. Dans un rapport de 2010 sur les aides d’État au secteur de la pêche en France, la Cour des comptes française avait déjà souligné cette absence totale de visibilité et sévèrement étrillé la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) pour son manque de pilotage.

Les aides publiques accordées au secteur de la pêche ne font toujours pas l’objet d’une revue critique régulière et transparente permettant d’objectiver la conduite de l’action publique. Les aides émanant des collectivités territoriales forment encore une « boîte noire » empêchant d’avoir une vision synthétique du montant global du soutien financier public au secteur de la pêche.

Une décennie plus tard, force est de constater que la situation ne s’est guère améliorée. La transparence est pourtant le préalable indispensable à toute redirection des financements publics vers un modèle de pêche durable, c’est-à-dire bas carbone, respectueux des écosystèmes marins, pourvoyeur d’emplois et capable de répondre aux défis de la sécurité alimentaire. Alors que la surpêche a été identifiée par l’IPBES comme la première cause de destruction des écosystèmes marins au cours des cinquante dernières années, l’élimination des subventions à la pêche dites « néfastes » et le fléchage de ces financements en faveur de la transition du secteur est une urgence absolue. Mais en empêchant l’établissement d’un diagnostic précis, l’opacité des subventions publiques hypothèque nos chances d’endiguer la surpêche et le déclin de la biodiversité marine. La présente étude a pour objectif de combler cette carence en proposant une revue des principales aides publiques identifiables dont bénéficie le secteur de la pêche en France et ce qu’elles financent. Par cette contribution, BLOOM et l’Institut Rousseau entendent ainsi nourrir le débat public sur les possibilités de réforme des subventions au secteur de la pêche.

Cette évaluation, conservatrice compte tenu du défaut d’accès à des données consolidées, ne saurait toutefois remplacer le travail exhaustif de revue de l’ensemble des dépenses publiques que l’on est légitimement en droit d’attendre des pouvoirs publics en 2024.

Publié le 23 janvier 2024

L’action publique et les enjeux de transition pour le secteur de la pêche
Synthèse des subventions publiques allouées au secteur de la pêche en France entre 2020 et 2022

Auteurs

Théophile Protat
Étudiant en économie politique à l’école d’économie et de droit de Berlin, je m’intéresse aux processus de création des politique publiques, et particulièrement au rôle joué par les différents acteurs impliqués dans la définition des constats et des politiques à mettre en place.

Bloom

Dès le début des années 1990, le rôle des subventions publiques dans la surcapacité des flottes de pêche et la surexploitation des stocks mondiaux de poissons a clairement été établi par les experts et les organisations internationales. En augmentant les capacités de production et en rendant certains segments artificiellement rentables, les subventions publiques incitent les pêcheurs à accroître continuellement leurs captures sans tenir compte des signaux alertant sur l’état des ressources, qui devraient normalement les conduire à réguler leur activité.

Lors de l’adoption du Programme de Doha pour le développement en 2001, l’objectif de réguler les subventions publiques à la pêche a été intégré à l’agenda international. Cela s’est traduit par l’ouverture de négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), processus qui a abouti à la conclusion d’un premier accord multilatéral en juin 2022. L’élimination des subventions publiques qui encouragent la surcapacité, la surpêche et la pêche illégale est également une priorité requise par l’Objectif de développement durable 14.6 de l’Organisation des Nations unies adopté en 2015.

Malgré cette dynamique, les dernières estimations menées à l’échelle mondiale montrent que le secteur de la pêche a reçu 35,4 milliards de dollars de subventions publiques en 2018, dont plus de 60 % encouragent la surcapacité et la surpêche et 22 % sont des aides au carburant. À elles seules, les pêcheries industrielles ont capté plus de 80 % de ces aides globales alors qu’elles représentent moins de 20 % de la flotte mondiale. Après la Chine, l’Union européenne est la deuxième entité politique qui subventionne le plus ce secteur.

En France, la pêche bénéficie du soutien historique des pouvoirs publics qui ont notamment encouragé l’industrialisation des flottes et la modernisation de la filière après la Seconde Guerre mondiale. À partir des années 1970, la multiplication des crises provoquées par l’envolée des prix du pétrole puis la raréfaction des ressources auraient logiquement dû conduire les gouvernements successifs à réformer les politiques de soutien au secteur afin de le sortir de sa dépendance au carburant et amorcer la transition des flottes vers un modèle plus vertueux. À la place, les pouvoirs publics ont répondu à ces crises à grand renfort de subventions visant, non pas à résoudre les problèmes structurels rencontrés par le secteur, mais à maintenir la paix sociale.

Aujourd’hui, les entreprises de pêche françaises bénéficient toujours d’un large éventail de subventions directes et d’exonérations. Mais faute de données centralisées et harmonisées, il est impossible d’en connaître le montant exact et de produire un bilan critique exhaustif. Dans un rapport de 2010 sur les aides d’État au secteur de la pêche en France, la Cour des comptes française avait déjà souligné cette absence totale de visibilité et sévèrement étrillé la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) pour son manque de pilotage.

Les aides publiques accordées au secteur de la pêche ne font toujours pas l’objet d’une revue critique régulière et transparente permettant d’objectiver la conduite de l’action publique. Les aides émanant des collectivités territoriales forment encore une « boîte noire » empêchant d’avoir une vision synthétique du montant global du soutien financier public au secteur de la pêche.

Une décennie plus tard, force est de constater que la situation ne s’est guère améliorée. La transparence est pourtant le préalable indispensable à toute redirection des financements publics vers un modèle de pêche durable, c’est-à-dire bas carbone, respectueux des écosystèmes marins, pourvoyeur d’emplois et capable de répondre aux défis de la sécurité alimentaire. Alors que la surpêche a été identifiée par l’IPBES comme la première cause de destruction des écosystèmes marins au cours des cinquante dernières années, l’élimination des subventions à la pêche dites « néfastes » et le fléchage de ces financements en faveur de la transition du secteur est une urgence absolue. Mais en empêchant l’établissement d’un diagnostic précis, l’opacité des subventions publiques hypothèque nos chances d’endiguer la surpêche et le déclin de la biodiversité marine. La présente étude a pour objectif de combler cette carence en proposant une revue des principales aides publiques identifiables dont bénéficie le secteur de la pêche en France et ce qu’elles financent. Par cette contribution, BLOOM et l’Institut Rousseau entendent ainsi nourrir le débat public sur les possibilités de réforme des subventions au secteur de la pêche.

Cette évaluation, conservatrice compte tenu du défaut d’accès à des données consolidées, ne saurait toutefois remplacer le travail exhaustif de revue de l’ensemble des dépenses publiques que l’on est légitimement en droit d’attendre des pouvoirs publics en 2024.

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