La transition vers une économie bas-carbone et écologique combine plusieurs enjeux massifs. Aux enjeux mondiaux du changement climatique et des maladies chroniques liées aux pollutions[1] s’ajoutent, pour les pays non producteurs de fossiles comme la France, les enjeux majeurs de la dépendance extérieure (plus de 80 % des ressources énergétiques et des intrants agricoles sont importés[2]), des déficits commerciaux liés aux fossiles (- 73 milliards d’euros entre juin 2021 et mai 2022)[3] et des pertes d’emplois associés.
Plusieurs rapports récents, dont le rapport « 2 % pour 2° » publié par l’Institut Rousseau[4], permettent de préciser les types et montants d’investissements et de subventions nécessaires pour atteindre les objectifs énergie/climat de la France. Cette note vise à compléter ces travaux en précisant les autres transformations de politiques publiques à mener pour atteindre ces objectifs. En effet, l’examen des évaluations disponibles et des expériences étrangères suggère que les subventions aux investissements « favorables » (à la réduction des fossiles et des autres polluants) doivent être complétées par d’autres types d’interventions (tarifs, fiscalités, régulations), afin de lever les freins massifs aux changements.
En s’appuyant sur un diagnostic documenté des principales « dissuasions » aux transitions énergétiques et écologiques (de l’incitation aux « petits travaux » de rénovation énergétique aux avantages massifs accordés au fret routier ou à l’agriculture intensive), l’objectif de cette note est de préciser des propositions de transformations globales cumulant :
- Des subventions « doublement progressives », à la fois selon les besoins financiers de l’ « investisseur » (particulier ou entreprise plus ou moins modeste), mais également selon l’ambition de l’investissement (en termes de coût et/ou de performance), afin d’éviter les effets d’aubaine et la préférence pour les solutions les plus simples qui sont souvent les moins performantes ;
- Des fiscalités et tarifications progressives des énergies et des infrastructures, afin d’inciter à la modération des consommations et de rendre les investissements ciblés nettement moins chers et/ou plus rentables et moins risqués que le « business as usual » fossile ou intensif ;
- Des boucliers sociaux-écologiques, pour que les particuliers et les entreprises les plus modestes ne subissent pas les hausses de tarifs lorsqu’ils sont en incapacité de modifier leurs pratiques à court terme (ex. locataires qui ne peuvent rénover leur logement) ;
- Enfin, des dispositifs de contrôle dissuasif des fraudes et des concurrences « déloyales » sont à prévoir, afin de garantir les impacts des investissements (en limitant les écarts entre émissions théoriques et effectives, notamment dans les rénovations et les transports) et d’éviter les « fuites de carbone » liées aux délocalisations (notamment dans l’agriculture et l’industrie).
Des exemples d’expériences étrangères et locales permettent d’illustrer comment ces transformations, articulées aux investissements mis en avant dans le rapport « 2 % pour 2° » pourraient (enfin) accélérer le rythme des changements attendus et entraîner de multiples bénéfices publics, dont notamment une forte amélioration de l’état de santé de la population et une forte hausse des emplois de qualité.
1. Des résultats très éloignés des objectifs dans tous les domaines
Premier constat à souligner, les politiques publiques menées en France n’atteignent qu’entre 10 et 60 % des améliorations visées selon les secteurs, malgré des objectifs le plus souvent peu ambitieux :
Twh [5]
Sources : Enquêtes Open 2015 et Tremi 2018, Bilan énergétique 2019, PPE et Mementoagricole
*avec un gain > à 40% de consommation d’énergie (Mm² = millions de mètres carrés) **vs. 18 % des voyages et 14% des marchandises en 2010 ***vs. 12% de la consommation d’énergie finale en 2010 ****vs. 3% des surfaces agricoles en 2010
En France, seule l’industrie réduit sa consommation d’énergie et ses émissions de gaz à effet de serre, mais principalement en raison de la forte hausse des importations depuis 2000. En prenant en compte l’ensemble des émissions liées à la consommation des Français, l’ « empreinte » carbone du pays est plus de deux fois supérieure à ses émissions « nationales » et n’ont pas baissé depuis 2000[6] :
Au sein de l’Europe, la France est classée parmi les moins performants des pays comparables (hors pays de l’est) : 10ème sur 12 pour les énergies renouvelables, 10ème sur 12 pour le fret ferroviaire et 9ème sur 12 pour l’agriculture bio[7]. Ces comparaisons européennes et les différentes évaluations disponibles soulignent que les mauvais résultats de la France ne sont ni liés à des coûts trop élevés ou à des impossibilités techniques, mais à des choix politiques. En effet, nous allons voir que les soutiens publics sont très largement défavorables à la réduction de la dépendance aux fossiles, notamment en France : les incitations à la transition énergétique restent marginales, alors que les dissuasions sont nettement plus élevées et diversifiées. Et c’est cette « inversion » des moyens qui occasionne un coût économique et des sacrifices sociaux croissants, notamment dans un pays comme la France, qui ne bénéficie pas (ou peu) des profits extravagants des hydrocarbures[8].
2. Des politiques incohérentes avec des dissuasions six fois supérieures aux incitations
Voyons d’abord les principaux dispositifs dont l’objectif est d’inciter aux investissements dans des activités économes et/ou utilisant des ressources renouvelables. Les évaluations réalisées sur ces dispositifs[9] soulignent que peu d’entre eux ont une efficacité forte, certains ayant même des impacts plutôt négatifs :
Principaux objectifs, montants et résultats des dispositifs de transition énergétique/écologique
Dépense publique/an[10]
*Dont subventions des collectivités mais hors fonctionnement des transports collectifs locaux qui ne visent pas les investissements.
** Environ 4 Twh/an engagés sur +- 15 ans avec un surcoût moyen de +-10 euros/Mwh hors biogaz (avant la forte hausse des prix de gros fin 2021 qui impliquent depuis des recettes publiques de la part des Enr électriques récentes).
Sources : Documents budgétaires, Comptes sectoriels (Transports, Energie et Agriculture), Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et Bilans Anah, ART, LOM et CSPE et Evaluation du fonds chaleur
Malgré leur niveau très limité (< à 1 % du total des dépenses publiques), les soutiens publics aux investissements dans la transition énergétique et écologique ont été réduits d’environ 20 % depuis la période 2010-2016 (d’environ 10 milliards d’euros/an à 8 milliards d’euros/an en 2017-2020, hors plan de relance et certificats d’économie d’énergie[11]). La baisse des nouvelles dépenses publiques est concentrée dans les énergies renouvelables et le développement des lignes ferroviaires (environ – 1 milliard par an chacun s’agissant des nouveaux engagements). Cette baisse contraste avec le Grand Plan d’Investissement qui promettait une hausse d’environ 50%, avec + 5 milliards d’euros/an annoncés (+ 4 milliards d’euros pour la transition écologique et + 1 milliards d’euros pour l’agriculture[12]). Le plan de relance de 2021-2022 n’a que peu modifié ces soutiens dans la mesure où les dépenses affichées ont en majorité remplacé des dépenses déjà prévues (ex. Ma prime Rénov’ ou Transports en commun), hormis pour les bâtiments de l’Etat, qui ont bénéficié d’un investissement en hausse d’au moins 500 millions d’euros par an (mais sans donnée précise sur la part « énergétique » des travaux financés, probablement de l’ordre de 40-50%).
Mais au-delà du niveau des dépenses soutenant les investissements de « transition », c’est surtout l’incohérence avec les politiques « dissuasives » qui est impressionnante :
Milliards €/an (moyenne 2018-2021 hors plan de relance)
Incitations aux transitions énergie-écologie [13]
2.1. Des aides directes et indirectes aux fossiles dénoncées mais persistantes
En face des quelques subventions aux investissements favorables à la transition écologique, plusieurs types d’avantages publics favorisent l’augmentation de la consommation d’énergie en général et des fossiles en particulier. Parmi ces dissuasions écologiques, certaines sont déjà bien documentées et souvent citées dans le débat public, en particulier les aides fiscales aux fossiles (16 à 22 milliards d’euros ar an selon les modalités de calcul de l’exonération du kérosène et l’intégration ou non des indemnités kilométriques[14]) et les aides publiques à l’agriculture intensive (plus de 9 milliards d’euros par an, hors aides fiscales aux carburants fossiles[15]).
Pour les seules subventions et avantages fiscaux aux énergies, la France est un des pays européens les plus favorables aux fossiles (5ème sur 27), avec 2 fois plus de subventions aux « combustibles fossiles » (diesel, kérosène, centrales thermiques, etc.) qu’aux « énergies renouvelables »[16].
À ces aides « inversées » bien documentées s’ajoutent des subventions mal ciblées qui favorisent directement les fossiles ou concurrencent les aides aux investissements plus ambitieux. C’est notamment le cas dans les domaines de la rénovation énergétique et des véhicules individuels :
- Les soutiens aux « petits travaux » de Ma prime rénov’ (MPR, qui remplace le crédit d’impôt transition énergétique – CITE), des Certificats d’économie d’énergie (CEE) et de la TVA réduite (à 5,5%) sont plus de 6 fois supérieurs[17] aux soutiens des rénovations « performantes » (par le programme Habiter Mieux et certaines aides locales). À l’échelle individuelle, ces aides aboutissent à des restes à charge très limités pour les changements de chaudières ou l’isolation des combles, ce qui entraîne des effets d’aubaine massifs pour ces petits travaux qui se font généralement avec ou sans aide, en particulier les changements de chaudières [18]. À l’inverse, les travaux plus ambitieux restent moins ou insuffisamment soutenus, alors que les aides ciblées permettent d’ajouter des travaux non prévus (jusque dans 80% des cas pour l’isolation des murs des copropriétés des années 60-70 [19]).
- La prime à la conversion des véhicules anciens (entre 0,3 et 0,7 Md/an depuis 2017) a été élargie en 2018 à l’achat de véhicules d’occasion (émettant moins de 130 g de CO2/km), ce qui a accentué les effets d’aubaine : 1000 euros ne sont pas nécessaires pour des occasions de 2006 qui valent moins de 2000 euros à l’Argus. Surtout, la majorité de cette prime a été utilisée pour acheter des modèles d’occasion[20] dont les émissions sont 30% supérieures aux petites essences récentes et très proches, voire supérieures à celles des modèles plus anciens mis à la casse. Combinés au maintien de malus nettement trop limités, ces soutiens mal ciblés ont abouti à une stagnation puis à une récente explosion de la consommation moyenne des véhicules thermiques neufs[21].
2.2. Des avantages tarifaires pour le fret et la consommation de gaz sous-estimés
Plusieurs types d’avantages tarifaires accentuent les avantages fiscaux accordés aux fossiles, en particulier dans deux secteurs : le transport de marchandises (fret) et la consommation de chaleur.
Pour le transport de marchandises, les camions bénéficient d’une quasi-gratuité des infrastructures, ce qui leur permet de fortement réduire leur coût et donc de dissuader le report modal du fret longue distance routier vers le ferroviaire. En effet, le fret routier de longue distance occasionne la grande majorité du coût des routes et autoroutes[22] mais ne contribue qu’entre 15 et 30% à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et aux péages, ce qui lui procure un avantage « fiscalo-tarifaire » d’au moins 15 milliards par an[23]. Cumulé au sous-investissement dans le fret ferroviaire souligné par de nombreux rapports (il manque au moins 1 milliard par an)[24], cet avantage tarifaire aggrave la décroissance atypique du fret ferroviaire en France et sa part très limitée (9 % des tonnes.km contre 17 % en moyenne en Europe et plus de 30 % en Suède et en Suisse)[25].
Autre avantage tarifaire inversé, ceux du gaz incitent à beaucoup en consommer, dans la mesure où le tarif à l’unité se réduit fortement pour les grosses consommations. Cette tarification « régressive » des énergies rend les rénovations énergétiques deux fois moins rentables que si les tarifs étaient « progressifs » et dissuade la modération des consommations. En 2019, le prix du gaz pour les logements était de 70 €/Mwh pour les grosses consommations contre 100 €/Mwh pour les plus petites consommations, alors qu’une variation des prix de – 30 % implique + 10 % de consommation en moyenne[26]. Les prix élevés étant de 20 à 30 % inférieurs aux prix des consommations réduites, cela équivaut à un avantage d’au moins 3 milliards d’euros par an sur les 15 milliards d’euros de gaz dépensés pour le chauffage des bâtiments en 2019.
Plus généralement, l’absence de régulation des tarifs du gaz et du bois a été le principal frein au développement de la chaleur renouvelable jusqu’à la hausse récente du gaz[27]. En effet, les prix professionnels, qui étaient en faveur du bois au début des années 2010 (+/- 20 vs. 30 €/Mwh pour le gaz), sont devenus similaires en 2017-2019 compte tenu de l’absence de régulation des tarifs et des avantages fiscaux du gaz. Y compris avec le supplément de taxe carbone prévu (finalement abandonné), la concurrence du gaz était identifiée en 2018 comme le principal frein au développement des chaufferies bois[28].
2.3. L’effet des investissements favorables au climat diminué par l’absence de dissuasion des fraudes et des concurrences déloyales
Insuffisants en raison de l’« inversion » actuelle des aides, tarifs et fiscalités, les rares investissements favorables à la transition écologique voient leur efficacité réduite du fait de la quasi-absence de contrôle et de sanction des fraudes (notamment dans les rénovations et les transports), et de normes insuffisantes et peu contrôlées sur les produits importés (notamment dans l’agriculture et l’industrie).
Dans le domaine de la rénovation énergétique, le développement des offres d’isolation des combles puis des chaudières à « 1 euro » (liés aux fortes bonifications des primes CEE) s’est traduit par une forte croissance des travaux non pertinents et surfacturés, avec des pratiques illégales en hausse et le déploiement d’escrocs en bande organisée[29]. Longtemps sous-estimées, ces fraudes et malfaçons concerneraient au moins 30% des chantiers financés par les CEE selon un récent bilan[30].
Autre type de fraude limitant les impacts énergétiques « théoriques », les écarts entre les émissions « réelles » et « estimées » des véhicules ont été multipliés par plus de 3 depuis 2009 en raison des trucages révélés par le « dieselgate » (notamment pour les polluants dangereux pour la santé) et des détournements croissants des procédures de test en laboratoire[31]. Ces divers types d’écarts liés aux normes utilisées et/ou à leur contrôle défaillant concernent également les hybrides rechargeables[32]. Leurs émissions réelles sont 3 à 4 fois supérieures aux performances annoncées, ce qui les rend plus polluantes que certaines thermiques (en raison du poids des batteries), détourne les bonus dont elles bénéficient et biaise de manière croissante les données « officielles » sur les émissions de CO2.
Très peu contrôlées, ces diverses fraudes et malfaçons bénéficient de sanctions généralement inférieures aux gains réalisés[33], dans les rares cas où les fraudes ont été détectées puis poursuivies (voir l’estimation des moyens de contrôle dans le tableau p.11). Très loin d’être dissuasive, cette politique relève donc davantage de l’incitation aux fraudes environnementales (souvent combinées à des fraudes sociales et fiscales), en particulier lorsque celles-ci concernent des produits importés, plus difficiles à contrôler et à sanctionner.
Ainsi, pour l’agriculture, des fraudes massives et des dérogations accordées aux importations permettent de déplacer l’utilisation des pesticides et des engrais minéraux dans des pays aux normes peu élevées, ce qui aggrave les problèmes de revenus des agriculteurs français. De manière similaire à la délocalisation des industries polluantes, ces importations biaisent fortement les émissions « nationales » en augmentant l’empreinte globale des produits consommés en France[34]. Plusieurs rapports soulignent en particulier deux ensembles d’avantages aux imports « intensifs » :
- Les dérogations massives dont bénéficient les importations venant des pays hors UE et de l’UE, qui peuvent utiliser des types et doses de pesticides et de médicaments interdits en France. Or ces produits dangereux sont moins coûteux et permettent de bien meilleurs rendements[35], ce qui accroît les ventes des productions les utilisant et entraîne des déforestations illégales massives[36];
- Le contrôle très limité des importations frauduleuses, avec un taux de contrôle inférieur à 10 % et des non-conformités d’environ 20 % pour les viandes, produits laitiers et fruits et légumes importés de l’UE[37], alors que les contrôles défaillants hors UE concernent également les produits bios importés[38] et laissent passer des fraudes massives (un quart des rares échantillons contrôlés sont interdits dans l’UE[39]).
En conséquence, pour la seule agriculture, les importations (dérogatoires et illégales) de produits interdits en France représentent un avantage d’au moins 8 milliards d’euros par an en faveur des pratiques intensives « délocalisées », dont environ la moitié en importations dérogatoires ou illégales d’Amérique et d’Afrique du nord (soit au moins un quart des échantillons contrôlés) et l’autre moitié étant des importations illégales provenant de certains pays de l’UE[40]. L’industrie agro-alimentaire et la grande distribution peuvent ainsi bénéficier de produits moins coûteux interdits en France à la production, mais pouvant être commercialisés à des prix moins élevés et/ou avec des marges plus importantes, tout en externalisant le coût des pollutions. Avec les subventions et aides fiscales, les soutiens à l’agriculture intensive dépassent ainsi globalement les 20 milliards d’euros par an, soit dix fois plus que les soutiens financiers aux pratiques durables[41].
Ces avantages accordés aux importations très intensives sont d’autant plus dommageables qu’ils concernent également l’ensemble des industries, dont notamment les plus polluantes (acier, aluminium, engrais et textile). En plus de constituer un frein au développement des pratiques agro-industrielles favorables au climat, à la biodiversité et à la santé, ces règles internationales expliquent les fortes réticences politiques à interdire les substances dangereuses (pour la santé et/ou la biodiversité), en raison des contraintes européennes (en particulier le règlement de 2009[42] pour les pesticides), et des risques de pertes économiques au profit d’importations nettement plus nocives[43]. Plus globalement, ces dérogations sont utilisées pour justifier l’absence de régulations ambitieuses aux productions industrielles, y compris les plus polluantes[44].
Compte tenu de l’étendue de ces dissuasions à la transition écologique, une stratégie globale de transformation s’impose, afin de refonder des subventions, tarifications, fiscalités et régulations favorables aux investissements à réaliser dans les différents domaines (de la rénovation performante des bâtiments à la diffusion de l’agro-écologie en passant par le report modal massif vers le ferroviaire).
3. Une stratégie globale de transformation
Comme le soulignent le rapport « 2% pour 2° » et les autres rapports cités en introduction, des montants importants de subventions publiques supplémentaires seront nécessaires pour atteindre les objectifs visés, en particulier dans les domaines de la rénovation performante des bâtiments (+ 10 à 12 milliards d’euros par an), des véhicules bas-carbone (+ 3 à 4 milliards d’euros par an), du ferroviaire (+ 3 milliards d’euros par an hors baisse de la TVA) et de l’agro-écologie (+ 2 à 3 milliards d’euros par an hors baisse de la TVA). Importants par rapport aux subventions actuelles dans ces domaines (+/- 10 milliards d’euros par an au total, voir partie précédente), ces montants restent néanmoins peu élevés au regard de la plupart des autres dépenses publiques et pourront être financés en majorité par l’arrêt des subventions et aides fiscales aux chaudières gaz, véhicules thermiques et carburants (des camions, tracteurs et avions).
Pour autant, au regard de l’intensité des freins aux transitions écologiques constatés dans les différents domaines, les modifications à apporter aux politiques actuelles ne peuvent se limiter à une hausse (même nécessaire) des subventions et des prêts bonifiés. Les évaluations et comparaisons disponibles sur les politiques conduites en France et dans les pays voisins suggèrent d’engager des transformations plus globales cumulant :
- Des subventions doublement progressives, à la fois selon les moyens des investisseurs et les ambitions des investissements (4.1) ;
- Des tarifications progressives des énergies et des infrastructures (4.2) complétées par des boucliers sociaux-écologiques, étendus au-delà des ménages modestes et énergies de réseau (4.3) ;
- Des contrôles plus systématiques et dissuasifs des fraudes et des concurrences déloyales (4.4).
En effet, les éléments de diagnostic résumés plus haut soulignent que ces transformations globales sont nécessaires dans la mesure où :
- Les investissements « favorables » (à la réduction des fossiles et des autres polluants) ne doivent pas seulement être soutenus : ils doivent devenir nettement moins chers et/ou plus rentables et moins risqués que le « business as usual » fossile ou intensif, qui bénéficie d’une forte inertie ;
- La plupart des alternatives durables sont encore peu accessibles et/ou risquées pour la majorité de la population, ce qui implique de cibler l’essentiel des hausses de fiscalités et de restrictions sur les ménages aisés (10% représentent 30 à 50% de l’empreinte carbone globale[45]), ainsi que sur les grandes organisations (publiques et privées), à rebours des pratiques régressives actuelles, qui font reposer la plupart des efforts sur les ménages aux revenus moyens et modestes.
- Les impacts des investissements-clés sont très dépendants du contrôle de leurs performances réelles (très souvent diminuées par des fraudes massives), et des normes imposées aux importations (très souvent moins ambitieuses et coûteuses que celles imposées aux producteurs nationaux), ce qui explique les évolutions souvent décevantes des émissions globales et le transfert croissant de l’empreinte écologique vers les importations.
Plusieurs exemples étrangers montrent que l’utilisation de l’ensemble de ces dispositifs pourrait permettre de multiplier par 2 à 5 les rythmes actuels de transition énergétique (selon les secteurs), avec des dépenses publiques supplémentaires que l’on peut estimer à +ou- 25 Mds d’euros/an dans un premier temps (voir le tableau ci-dessous) :
Résumé des principaux investissements et stratégies de transition énergétique/écologique[46]
Principaux objectifs sectoriels | Investissements à ajouter | Subventions | Tarifications et fiscalités | Régulations |
Rénovation « performante » de 800 000 logements par an*
(vs. 300 000/an actuellement) |
+ 15 Mds €/an** | + 12 Mds €/an
20 à 80% des coûts (selon les revenus et l’ambition des travaux) |
Tarifs progressifs et boucliers
-50% à +50% selon la consommation d’énergie + malus achat renforcé + boucliers « modestes et TPE » |
Contrôles et sanctions ciblés et dissuasifs Qualité et prix des travaux
Effectivité des consommations d’énergie et des pollutions
Normes égales et contrôles renforcés des importations
|
Rénovation « performante » de 40 Mm2/an de bâtiments tertiaires
(vs. 5 à 10 Mm2/an ?) |
+ 10 Mds €/an | |||
+1 M de véhicules électriques par an en 2025 | + 6 Mds €/an*** | + 4 Mds €/an
20 à 120% de l’écart de prix (et recharges) |
||
30% des km et tonnes en transports ferroviaires en 2030
(vs. 19% pour les voyageurs et 10% pour le fret en 2019) |
+ 4 Mds €/an | + 6 Mds €/an****
80 à 100% des investissements |
-30% à +50% au km selon le mode (TGV vs. camions > 12 tonnes)
+ boucliers « modestes et TPE » |
|
Electricité et chaleur renouvelable
+ 20 Twh/an (vs. +10 Twh/an en 2014-2018) |
+ 6 Mds €/an
|
+ 2 Mds €/an
(très sensible aux prix de gros de l’électricité) |
Ecart de prix régulé entre bois et gaz (> à 30%) | |
Agroenvironnement +2% de bio/an
(vs. +0,5%/an depuis 2010) |
+ 4 Md €/an ? | + 2 Mds €/an
150 à 300% des surcoûts |
-50% à +15% selon la qualité des aliments (bio et labels vs. ultra-transformés) | |
Totaux | + 45 Mds/an | + 25 Mds €/an | (solde équilibré) |
+ 2 Mds €/an ***** |
*Objectif porté de 500 000 à 800 000 logements par an compte tenu du retard cumulé depuis 2010 d’au moins 2 millions de rénovations « performantes » (avec plusieurs postes de travaux et un saut d’au moins 2 étiquettes énergétiques)
**Les coûts des rénovations « performantes » varient pour la plupart entre 20 000 et 40 000 €/logement (soit +15 Mds € par an pour + 500 000 logements voir Sichel-DHUP 2020). Les autres travaux énergétiques limités non comptés ici (notamment le remplacement des ouvertures et des chauffages tous les 20-30 ans) ajouteront toujours 15 à 20 Mds € chaque année sur +- 2 millions de logements plus récents ou déjà rénovés (voir Ademe/Numéri 2021 et « bilan des travaux aidés » ONRE 2021)
***Investissements supplémentaires en termes de surcoût des véhicules électriques, mais celui-ci devrait se réduire progressivement et sera en partie compensé par une plus forte réduction du nombre des véhicules thermiques (voir « 2% pour 2°»)
****Pour passer de 10 à 90% de financement public du renouvellement (qui augmente de 3 à 4,5 Mds €/an) et maintenir +/- 80% de subvention du développement (qui augmente de +/- 1,5 à 3 Mds €/an, hors métros), voir ci-dessous la proposition 4)
*****Soit une multiplication progressive par 5 des +/- 0,5 Md €/an de dépenses liées aux effectifs de contrôle des Dgccrf (aliments et travaux), de la Dgal (agriculture et agro-alimentaire) et des ARS (habitat et eau)[47].
À moyen terme (~10 ans), les impacts de ces dépenses permettront des gains importants de pouvoir d’achat, ainsi que la réduction d’autres dépenses publiques à hauteur d’au moins 20 Mds /an, en lien avec les emplois supplémentaires et l’amélioration des états de santé[48], auxquels s’ajouteront la baisse des factures énergétiques des administrations publiques et des besoins d’entretien des routes.
4. Propositions détaillées des transformations
4.1. Des besoins importants de subventions « doublement progressives »
Une première modification globale des politiques actuelles serait de rendre les subventions sur les investissements prioritaires « doublement progressives » : selon les moyens de l’ « investisseur » (particulier ou entreprise plus ou moins modeste) et selon l’ambition de l’investissement (en termes de coût et/ou de performance). En effet, seules des subventions progressives peuvent permettre de :
- Contrer la préférence pour les solutions les plus simples qui sont souvent les moins performantes ;
- Limiter les effets d’aubaine, notamment importants pour les renouvellements périodiques (ex. chaudières, véhicules) et les ménages aisés en général ;
- Permettre à l’ensemble des acteurs de sortir de la dépendance aux fossiles (du moins à moyen terme).
À l’inverse, les subventions sont à ce jour :
- Uniquement progressives selon le revenu pour les rénovations énergétiques (et plutôt régressives selon l’ambition des investissements) ;
- Seulement en partie progressives selon l’ambition de l’investissement pour les véhicules mais avec un bonus unique pour tous les revenus (et un avantage infondé pour les hybrides rechargeables) ;
- Non progressive selon les revenus et selon l’ambition pour l’agriculture (avec les aides Haute Valeur Environnementale -HVE-, équivalentes au bio malgré l’absence d’effet avéré sur l’environnement)[49].
Proposition 1 : Dans le domaine des véhicules individuels, l’exemple Norvégien[50] a démontré que les véhicules électriques doivent être moins chers à l’achat pour se développer massivement, malgré les économies de carburants à l’usage. Or les prix des véhicules électriques en France sont encore supérieurs de +/- 10 000 € à ceux des essences équivalents (après bonus[51]), alors que les gains sur les carburants dépassent rarement 500 € par an et que le réseau de recharge rapide reste un frein majeur[52]. L’expérience norvégienne et d’autres expériences « intermédiaires » en Californie et en Chine[53] suggèrent ainsi que les bonus devraient être renforcés et progressifs (selon les revenus) en couvrant 20 à 120% de la différence de coût d’achat avec les véhicules thermiques équivalents (neufs et d’occasion). L’enjeu à court terme étant de donner une alternative rapide aux ménages modestes (et TPE) qui subissent les hausses du coût des carburants et les restrictions à venir de circulation dans les agglomérations[54]. En complément, ces bonus devraient prendre en compte le poids et la localisation de la production des batteries, afin de ne pas annuler les impacts bénéfiques du moteur électrique (voir les propositions de malus et de régulation des imports en 4.2 et 4.3).
Proposition 2 : Dans le domaine de la rénovation énergétique, les évaluations récentes et la plupart des expériences locales indiquent que les taux de subventions doivent être fortement différenciés selon les revenus (ce qui est déjà le cas pour le logement privé), mais également selon l’ambition des investissements. En effet, comme le soulignent la quasi-totalité des rapports et évaluations[55], le développement des rénovations « performantes » (gain d’au moins 2 étiquettes énergétiques) et « globales » (niveau BBC) nécessite qu’elles soient rentables en moins de 10 ans pour la majorité de la population. Avec des soutiens augmentés et mieux ciblés, plusieurs expériences locales ont montré qu’il était possible de multiplier le rythme des rénovations performantes par 3 à 4, qu’il s’agisse de copropriétés d’après-guerre (à Grenoble, Mulhouse ou Paris) ou de maisons « passoires » (en Alsace Bossue ou dans le Trièves). Surtout, ces rénovations devraient être moins coûteuses et/ou plus rentables que les travaux « simples » les plus fréquents (notamment les changements de chaudière). Cela implique de fusionner l’ensemble des aides actuelles (dont les aides « semi-publiques » des CEE et des Caisses de retraites) en un barème unique allant de 20% à 80% du coût plafonné des rénovations selon leur degré de performance[56] et les revenus ou la taille des bénéficiaires[57]. Un abondement régional et/ou local pourrait améliorer ces taux de subvention dans le cadre de programmes locaux proposant un accompagnement gratuit (ce qui est déjà souvent le cas pour le logement privé) et une instruction unique de l’ensemble des subventions (ce qui est en revanche quasi-inexistant aujourd’hui, avec parfois plus de 5 dossiers d’aides à constituer).
Proposition 3 : Dans le domaine de l’agriculture, les évaluations des politiques conduites en France[58] et les exemples de l’Autriche ou de l’Italie (27 % et 17 % de surface agricole bio vs. 9 % en France en 2020[59]) soulignent que les aides aux pratiques agro-environnementales ne doivent pas seulement couvrir la baisse de rendement moyenne estimée, mais également les autres coûts (formation, main d’œuvre) et risques (pertes de culture) liés à l’abandon des pratiques intensives. En conséquence, les aides agro-environnementales devraient couvrir de 150 à 300% des surcoûts et pertes de rendement selon l’ambition de leur conversion (de la MAE « simple » jusqu’au bio[60]) et exclure toute subvention aux labels sans impact avéré comme le HVE. Au regard des niveaux d’aides actuels, l’ensemble doit aboutir à des taux de subvention deux à trois fois plus élevés pour les phases de conversion et de maintien (soit une enveloppe quatre à six fois plus élevée que lors de la dernière PAC pour un doublement des surfaces d’ici 2030, voir tableau en 3). En complément, les aides au revenu devraient être fondées sur l’emploi[61] (le nombre d’ETP) et modulées selon les prix agricoles (notamment les prix des céréales), afin d’être favorables aux exploitations moyennes et peu intensives (qui utilisent davantage de main d’œuvre) et au maintien de la diversité des productions[62]. Soit l’inverse des aides actuelles qui sont liées au nombre d’hectares ou d’animaux (et non à l’intensité du travail) et sont maintenues y compris en phase de prix élevés pour les revenus supérieurs à 100 000 euros/an (alors que plus d’un tiers des exploitants ont des revenus inférieurs à 10 000 euros/an aides comprises[63]).
Proposition 4 : Dans le domaine du ferroviaire, l’acteur en charge des investissements étant pour l’essentiel la SNCF, il ne s’agit pas de moduler les subventions selon les revenus, mais de globalement les renforcer. En effet, le renouvellement du réseau ferré (~ 3 milliards d’euros par an[64]) est aujourd’hui en quasi-totalité financé par les usagers et doit couvrir les intérêts de sa dette (avec un surcoût de plus d’1 milliard d’euros par an[65]), contrairement au réseau routier qui est subventionné à près de 100 %. Ce modèle de financement abouti à des investissements jugés insuffisants par tous les audits[66] et renchérit le coût des péages ferroviaires. Pourtant, la qualité du réseau et sa disponibilité sont au cœur de la meilleure compétitivité rail/route observée en Allemagne, en Suède et surtout Suisse, ce dernier pays étant le plus performant (35 % de part modale pour le fret contre 9 % en France) et de loin celui dont les investissements ferroviaires sont le mieux financés par des fonds publics[67]. La hausse des taux de subvention permettra donc d’améliorer la qualité et la densité du réseau, tout en favorisant la baisse massive des prix en longue distance, les péages représentant jusqu’à 35 % du prix des billets[68]. Pour atteindre ces objectifs et tripler d’ici 10 ans la part modale du ferroviaire, les investissements de renouvellement du réseau ferré devraient être financés entre 80 et 100 % (comme dans les principaux pays performants[69]), alors que les subventions aux investissements de développement devraient être au moins doublées (soit + 2 milliards d’euros par an de nouvelles grandes lignes, plateformes intermodales, lignes de fret, RER urbains et petites lignes rurales[70]).
Bien que nécessaire, cette transformation des subventions restera toutefois insuffisante pour atteindre des objectifs ambitieux, en particulier dans les domaines du bâtiment, des véhicules et du fret, dans lesquels plusieurs dispositifs fiscaux et tarifaires avantages fortement l’inertie des pratiques, en rendant plus rentables les investissements fossiles et/ou en limitant le coût des fortes consommations énergétiques.
4.2. Des tarifications progressives doublement bénéfiques
Au-delà de subventions publiques souvent insuffisantes ou incohérentes, nous avons vu en 2.2 que certains avantages fiscaux et/ou tarifaires avantagent les consommations énergétiques élevées et le fret routier, alors que la faible régulation des prix a favorisé le gaz et l’explosion des SUV.
S’agissant des tarifs et fiscalités de l’énergie, les abonnements et grilles tarifaires font que l’unité d’énergie est de 20 à 50 % plus coûteuse lorsqu’un ménage ou une entreprise réduit sa consommation énergétique de moitié. Cet effet est notamment important pour le gaz, dont les tarifs sont très dégressifs, alors que cette énergie est la plus diffusée dans les bâtiments à rénover en priorité (ceux construits avant la 1ère réglementation thermique de 1975). Par conséquent, il faudrait rendre les tarifications progressives, en diminuant le prix des « basses consommations » (par exemple 10 Mwh/an pour une maison moyenne de 100 m²) et en augmentant les prix au-delà, ce qui aurait deux effets bénéfiques :
- Augmenter fortement les économies financières liées aux investissements dans les économies d’énergie ;
- Inciter à la modération des consommations, sachant que pour réduire les consommations de plus de 10 %, il faut augmenter les prix de 25 à 40 % selon la synthèse du CGEDD[71].
En complément, les tarifications des différentes énergies devraient être davantage régulées afin de rester progressives dans le temps et entre énergies (les énergies renouvelables devant rester plus accessibles à moyen et long terme que leurs concurrentes fossiles).
Proposition 5 : Pour les bâtiments, les gains sur la facture de gaz d’une rénovation performante de 30 000 euros passeraient en moyenne de +ou-1000 €/an[72] à 1500 €/an grâce à un prix de l’énergie diminué de 50 % avant 10 Mwh/an (pour une maison moyenne) et augmenté de 50% au-delà. À subvention égale, ces gains rentabiliseraient les investissements nettement plus rapidement qu’actuellement[73] (10 vs. 15 ans avec une aide de 50 %) ou permettraient un gain financier dès le premier hiver en maintenant un remboursement à moyen terme. Pour mettre en œuvre cette tarification, il est possible de faire beaucoup plus simple que la dernière tentative de modification des tarifs des énergies[74], par exemple en distinguant fortement les premiers Mwh de chauffage des suivants. Plusieurs expériences étrangères, notamment en Californie et en Italie suggèrent que ces tarifications progressives ont contribué à des réductions significatives de consommation, du moins pour le cas de l’électricité[75] et à certaines conditions (voir notamment la question du bouclier social ci-après). Avec ces modalités et un seuil fixé à 50% de la consommation moyenne au m² des bâtiments (qui est d’environ 20 Mwh pour 100m², soit +- 200 kwhef/m²[76]), l’application de ce tarif sera neutre pour les opérateurs concernés et n’impliquera donc pas de dépenses publiques.
Proposition 6 : Pour la chaleur renouvelable, les niveaux relatifs des tarifs des fossiles et du bois devraient être stabilisés, avec un écart d’au moins 30 euros/Mwh en faveur du bois-granulé, afin de sécuriser la rentabilité des investissements dans le bois-énergie (voir 2.2) [77]. Ces investissements deviennent parfois rentables selon les évolutions des prix du fioul et du gaz (après boucliers tarifaires), mais ces fluctuations sont incertaines et une nouvelle baisse (du gaz et/ou du fioul) pourrait compromettre la conversion souhaitable des systèmes de chaleur fossiles vers le bois-énergie (des poêles à granulés individuels aux chaufferies biomasses et réseaux de chaleur[78]). Pour ce faire, l’équivalent d’une taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante sur le gaz (voir également la proposition 7 ci-dessous) permettra de maintenir une trajectoire légèrement croissante au prix du gaz (quels que soient les fluctuations erratiques des marchés), alors que les prix et quantités de bois-énergie devraient faire l’objet de contractualisations avec les producteurs français, afin de limiter les risques de délocalisations, de spéculations et de pénuries[79]. L’ONF a ouvert la voie avec ses « contrats d’approvisionnement », qui garantissent des volumes et prix encadrés aux scieries. Ces entreprises et l’ensemble des intermédiaires devraient également garantir des volumes et prix encadrés aux acheteurs de bois pour l’énergie et la construction. Il convient de noter que la tarification progressive de l’électricité serait favorable au chauffage principal au bois dans la mesure où celui-ci permet de réduire des deux-tiers le volume d’électricité consommé (aux besoins d’électricité spécifique et éventuellement d’eau chaude sanitaire).
Proposition 7 : Pour les voitures, l’équivalent serait une remise couvrant le prix d’une « basse consommation » (20 kwh/100 km, soit l’équivalent de 2 litre/100 km) pour les trajets domicile-travail. Cela correspondrait à 4 Mwh gratuits pour 20 000 km/an, soit jusqu’à 600 euros/an pour les « gros rouleurs » (au prix actuel du Mwh en heures creuses). Cet avantage tarifaire « trajets contraints » remplacerait la très inefficace et injuste déduction des frais kilométrique[80] et permettrait de réaliser des économies avec un véhicule électrique de +ou- 1500 €/an contre environ 1000 €/an actuellement (pour 20 000 km/an[81]). A l’inverse, les consommations élevées (de carburants mais également d’électricité) pourraient devenir plus onéreuses, mais avec un prix régulé (grâce à l’équivalent d’une TIPP flottante donnant un « signal prix » pérenne et croissant, par exemple de 1,5 à 2 euros/litre d’essence ou de diesel étalés sur 4-5 ans).
Proposition 8 : En complément, les malus « achats » devraient être au moins 3 fois plus élevés et intégrer le poids des véhicules (y compris électriques) afin de dissuader les achats de véhicules à forte consommation, comme l’ont souligné les travaux récents d’I4CE, du RAC et de France Stratégie[82]. Par exemple, le malus devrait augmenter d’au moins 50 % le prix des véhicules dépassant de 50 % les émissions et le poids de référence de l’année (ex. 90 g CO2/km NEDC et 1000 kg pour 2023), contre des malus actuels plafonnés et n’augmentant le prix que de + 10% pour les SUV qui émettent pourtant + 40 à 50 %.
Le gain pour les finances publiques de ces malus sera d’au moins 4 milliards d’euros par an (y compris avec une baisse de 20% des émissions, le barème devenant chaque année plus exigeant), puis pourrait décroître plus ou moins rapidement selon le degré de modification des stratégies des constructeurs (ce qui reste peu probable sans un renforcement des malus sur les véhicules lourds dans la majorité des pays développés).
S’agissant des tarifs des infrastructures, les « grosses consommations » à dissuader relèvent de l’utilisation quasi-systématique du fret routier pour les moyennes et longues distances. Ce choix modal très énergivore, fossile et polluant est pourtant subventionné de manière indirecte grâce à la quasi-gratuité d’infrastructures routières très denses et coûteuses à entretenir (voir 2.2). Afin d’inverser cette situation, nous proposons :
Proposition 9 : Pour les infrastructures, des péages progressifs devraient faire payer au fret routier de longue distance le coût réel de leur utilisation des routes et autoroutes. En effet, les pays performants s’appuient sur des investissements ferrés plus importants et mieux financés (voir Proposition 4), mais également sur des péages significatifs pour les poids lourds : jusqu’à 0,8 €/km contre moins de 0,2 €/km sur les autoroutes françaises (et 0 €/km pour les routes principales). Ces péages relèvent à la fois d’un principe de responsabilité (les + de 12 tonnes occasionnent la grande majorité des coûts mais ne payent que très peu de taxes et péages, voir 2.2) et d’un objectif d’efficacité pour peser sur les choix modaux, qui bénéficient d’une très forte inertie[83]. En France, environ 70 % des camions de plus de 12 tonnes (en majorité étrangers et réalisant +ou- 20 Mds de km par an), devraient ainsi payer au moins +50 % du coût par km sur les trajets de moyenne et longue distance[84]. En complément, l’obligation pour ces trajets longue distance d’utiliser les 2 x 2 voies permettrait d’éviter le report vers les réseaux secondaires[85] et d’en réduire fortement le coût d’entretien à moyen terme.
De plus, les recettes de ces péages (au moins 5 Mds d’euros par an[86]) pourraient permettre de doubler les investissements sur le réseau ferré (voir proposition 4) afin d’améliorer la qualité des réseaux (notamment pour le fret) et leurs prix (un réseau ferré gratuit permettrait une baisse de plus de 30% du prix des TGV).
4.3. Un bouclier social-écologique étendu
Pour que ces tarifications soient justes et efficaces, un bouclier social-écologique devra permettre de couvrir la hausse des coûts subie par les ménages et entreprises modestes, qui ne peuvent pas investir tout de suite (par exemple les ménages modestes et artisans avec un véhicule thermique récent) ou qui ne peuvent pas investir statutairement (notamment les locataires pour leur consommation de chauffage). Ce chèque énergie augmenté et généralisé pourra ainsi devenir le socle d’un « revenu de transition écologique », qui pourra être élargit aux petites entreprises et transporteurs (afin d’accompagner la conversion des véhicules utilitaires pour les courtes distances et le report vers le fret ferroviaire pour les longues distances).
Proposition 10 : L’impact des tarifs progressifs sur les ménages en précarité énergétique pourrait être neutralisé par un simple triplement du chèque énergie[87] étendu aux carburants : de 200 à 600 euros/an pour le chauffage auxquels s’ajouterait 100 à 300 euros/an pour compenser une hausse de 20% du prix des carburants pour les ménages modestes et moyens. Ce chèque énergie « élargit » devrait être articulé à un accompagnement à la réalisation de rénovations énergétiques performantes (pour les propriétaires) et à l’achat de véhicules électriques (notamment pour les « gros rouleurs »), pour lesquels les subventions seraient renforcées (pour les ménages modestes et moyens, ainsi que pour les TPE, voir 4.1). Ainsi, les ménages éligibles à ce chèque seront de moins en moins nombreux au fur et à mesure de l’avancée des rénovations énergétiques performantes et de la conversion des véhicules à l’électrique.
Proposition 11 : Plus spécifiquement, la tarification progressive et le bouclier ne font qu’un pour la transition agricole. En effet, un bouclier ne doit compenser le maintien d’une consommation aux impacts négatifs que si des alternatives ne sont pas accessibles à court terme. Or l’achat d’aliments à « impact positif » (bio ou avec un label de qualité) n’implique pas de lourds investissements, mais reste largement inaccessible pour la plupart des ménages modestes et les familles au revenu moyen (pour qui le critère du prix[88] est prédominant, alors que les aliments bio ou de qualité sont généralement 50 % plus cher)[89]. En conséquence, un « chèque alimentation de qualité » de 200 à 2000 euros par an pourrait être attribué selon les revenus et la taille des ménages, pour l’achat de produits bio ou labellisés (produits en France ou dans les régions limitrophes)[90]. Une hausse de la TVA de 5,5 à 20% sur les autres aliments (notamment ultra-transformés) serait ainsi largement compensée par le gain de 2000 euros par an pour les ménages modestes[91]. Sans un bouclier progressif, une forte hausse du prix (notamment des viandes) risquerait en revanche d’augmenter encore la part des aliments bas de gamme ultra-transformés (déjà au-dessus 40% pour les ménages modestes et les jeunes[92]) qui sont 2 fois moins chers[93] et dont les impacts sanitaires sont majeurs (diabète, cancers, maladies cardio-vasculaires) en raison des additifs utilisés et des autres transformations[94] industrielles. Au regard des nombreuses dérogations et fraudes liées à certains labels et imports, la mise en œuvre de ce chèque devra s’accompagner d’un renforcement massif du contrôle de la qualité et des promesses des produits alimentaires, ce qui entraînera des bénéfices plus généraux (voir partie 4.4 ci-après).
À court terme, la dépense publique liée à ces modalités (~ 30 milliards d’euros par an avec une moyenne de 1000 €/an par ménage) serait compensée au 2/3 par une hausse moyenne de 10% de la TVA sur les aliments « non durables » (~ 20 milliards d’euros par an de recettes[95]). Dans un second temps, le barème pourrait s’ajuster à la « normalisation » progressive des prix des aliments durables, davantage aidés et sortis de leur marché de niche.
Ainsi, contrairement aux taxes carbones, les tarifications progressives combinées à des boucliers sociaux priorisent la réduction du prix des comportements vertueux (grâce à des aides et tarifs ciblés), tout en assurant que les ménages « captifs » (ex. locataires et automobilistes modestes) ne subissent pas les hausses de tarifs (des consommations à limiter), avant d’avoir la possibilité ou les moyens de modifier leurs logements, aliments et modes de transports.
4.4. Des contrôles renforcés et dissuasifs pour garantir les impacts attendus
Si les transformations des aides, tarifs et fiscalités permettent (enfin) aux investissements de « transition » de se développer à un bon rythme, un autre risque majeur subsiste : les impacts peuvent être au final limités, voire annulés par les nombreuses fraudes et malfaçons, ainsi que par les transferts de pollutions favorisés par les normes et contrôles limités des importations (voir 2.3). Aux transformations des subventions, tarifs et fiscalités doit donc s’ajouter une modification en profondeur des politiques de contrôle en général et de régulation des importations en particulier.
Proposition 12 : Pour limiter fortement les fraudes, il faudrait multiplier par plus de 5 les contrôles ciblés sur les principaux risques (ex. contrôles inopinés au moins une fois par an des entreprises de rénovation et d’alimentation vs. contrôle tous les cinq à dix ans et rarement inopinés actuellement[96]), avec des sanctions à hauteur de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels (notamment selon la récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions). L’objectif serait de garantir dans la quasi-totalité des cas :
- Une qualité des travaux de rénovation énergétique permettant d’atteindre les économies d’énergies attendues (avec une température de consigne « moyenne »), en limitant fortement les malfaçons et les travaux surfacturés ou inexistants (voir 2.3 plus haut) ;
- Une meilleure compétitivité du rail en limitant la concurrence déloyale du transport routier, qui est aggravée par les fréquentes fraudes au détachement[97] et au cabotage[98] ;
- Des émissions effectives des véhicules correspondant aux émissions « théoriques » (qui servent de base aux fiscalités et aux arguments commerciaux) ;
- Des productions agricoles et alimentaires correspondant aux normes minimales attendues en France (voir ci-après) ou à celles des labels affichés ;
- Des impacts économiques et sociaux maximums, en limitant les pertes fiscales et sociales liées à ces fraudes[99], ainsi que les fuites de productions associées aux imports et détachements illégaux.
De manière « transversale », l’application de cette stratégie de contrôles et sanctions renforcés aux importations permettrait également de limiter une part importante des avantages actuellement accordés aux importations alimentaires « low cost » (voir détails plus haut en 2.4), qu’il s’agisse d’importations de produits bruts ou transformés, provenant des pays de l’UE ou de pays hors UE. Globalement, cette multiplication par cinq des contrôles ciblés implique des dépenses supplémentaires très limitées (voir tableau en 3.), en lien avec le recrutement progressif d’au moins 20 000 inspecteurs et contrôleurs, principalement dans les domaines de l’agro-alimentaire, de l’habitat et du fret routier[100].
Au-delà des fraudes, la question des importations déloyales (de produits polluants davantage taxés ou interdits en France) nécessite un changement profond des règles européennes et des traités commerciaux. Nous l’avons détaillé pour l’agriculture, mais c’est l’ensemble des industries qui sont concernées : l’absence d’application de certaines restrictions aux importations est l’excuse centrale de l’abandon des régulations industrielles[101] et l’explication principale du transfert croissant de l’empreinte écologique vers les importations[102]. Sans attendre la révision des principaux traités commerciaux[103] et l’obtention d’un consensus européen sur un ajustement carbone aux frontières significatif[104], le renforcement du contrôle des fraudes doit être complété par la généralisation de l’utilisation des clauses de sauvegarde aux importations agricoles plus intensives (Proposition 13), ainsi que par une stratégie de conditionnement/modulation des aides publiques à fort enjeu écologique (Proposition 14) :
Proposition 13 : Pour l’agriculture et l’agro-alimentaire, le respect de normes alimentaires renforcées (ex. interdictions des pesticides, additifs et médicaments dangereux) devrait s’imposer systématiquement aux produits agricoles importés afin d’éviter de « déplacer » l’utilisation intensive d’engrais, pesticides et médicaments dans les pays aux pratiques davantage intensives. Pour ce faire, il existe déjà une possibilité juridique peu exploitée : les clauses de sauvegarde, utilisées en 2012 et 2016 pour interdire rapidement les importations utilisant les insecticides Cruiser et diméthoate interdits en France[105], ainsi qu’en 2020 pour interdire les importations utilisant le dioxyde de titane, additif alors interdit en France pour les produits alimentaires[106]. Qu’il s’agisse de pesticides ou d’additifs, l’application de ces clauses de sauvegarde ou mesures d’urgence nécessite surtout l’appui de recherches scientifiques constatant des risques pour la santé ou l’environnement. Ces dernières étant déjà très nombreuses[107], cela rend possible l’interdiction « globale » (en France et dans les pays importateurs) de la plupart des pesticides et additifs dangereux. De plus, les précédents, bien que rares, suggèrent que cette démarche permet d’accélérer l’interdiction par la plupart des pays européens (chacun attendant que d’autres commencent) et n’entraîne pas les fortes pertes de production annoncées[108]. Afin de généraliser cette régulation difficile à attaquer par les pays importateurs (dans la mesure où ces normes sont également appliquées aux productions françaises), la principale condition est là encore celle du renforcement massif des contrôles et des sanctions des fraudes, comme pour les enjeux nationaux listés ci-dessus (voir Proposition 12). Systématisée, cette politique de régulation des importations permettra de limiter les réticences à réguler les produits néfastes, d’altérer la compétitivité des productions intensives et de réduire l’empreinte écologique des importations. Avec les subventions et mesures tarifaires, ces régulations permettront également de réduire la part des pratiques intensives et en conséquence de réduire l’empreinte et la dépendance « agro-chimique » de la France, qui importe massivement des engrais minéraux, des carburants et du soja[109].
Proposition 14 : Pour l’industrie, le conditionnement des aides publiques à fort enjeux d’empreinte écologique pourrait fortement diminuer les concurrences déloyales dont les impacts sont les plus importants. Ces aides étant à visée ou à fort impact écologique, leur conditionnement ou modulation selon l’empreinte carbone des fabrications et/ou des transports est particulièrement justifiable en cas de désaccord des instances de l’UE. En cas d’opposition, la modulation pourrait être appliquée le temps du contentieux qui pourrait durer de longues années. Centrées sur les secteurs les plus stratégiques[110], ces modulations auraient l’avantage de limiter la complexité inhérente au calcul individualisé et au contrôle des empreintes carbones. En particulier :
- La prise en compte des émissions de la fabrication des batteries dans le bonus/malus sur les véhicules va devenir un enjeu croissant en termes à la fois écologique et stratégique. Celles-ci sont actuellement fabriquées dans des pays où l’électricité est très carbonée[111], ce qui diminue fortement les bénéfices énergétiques des véhicules électriques, voir les annule pour les gros véhicules électriques dont la batterie est fabriquée en Pologne, en Corée ou en Chine[112]. De plus, l’absence de régulation de ces importations risque de fortement peser sur le déficit commercial et la dépendance stratégique de la France dans la mesure où les batteries représentent plus de 25% du coût des véhicules électriques. A minima, le bonus électrique devrait être modulé selon le surplus d’émissions carbone lié à la fabrication de la batterie[113], sous peine de rendre l’électrification du parc automobile quasiment inutile sur le plan des gaz à effet de serre et globalement négative compte tenu des impacts économiques et stratégiques.
- Moduler les aides au bâtiment selon l’utilisation de matériaux locaux et bas-carbone (notamment le bois, voir Proposition 6 plus haut) est une politique déjà utilisée par certaines régions ou agglomérations, mais de manière marginale. Pourtant, les matériaux de construction représentent le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre de l’industrie et ces émissions sont doublées en intégrant les importations[114]. En effet, les biomatériaux ou les matériaux traditionnels bas-carbone sont actuellement plus coûteux, ce qui limite leur diffusion et accentue la compétitivité des imports davantage carbonés. Il faudrait donc que les aides publiques aux constructions (notamment de logements sociaux) et aux rénovations (voir Proposition 2 plus haut) soient modulées pour couvrir le surcoût des biomatériaux ou des autres solutions bas-carbone. Plus généralement, ces aides devraient être conditionnées à des émissions plafonds de CO2 prenant en compte le mix énergétique du lieu de fabrication et le transport des matériaux (ce qui inciterait fortement à utiliser soit des matériaux locaux, soit du fret ferroviaire).
- Conditionner les aides au ferroviaire au contenu carbone des matériaux utilisés pourrait également permettre un double impact positif : les aciers recyclés produits à base d’électricité (et/ou d’hydrogène décarboné) actuellement plus onéreux deviendraient largement compétitifs, en particulier ceux produits en France à proximité des chantiers. De plus, le grand chantier ferroviaire souhaité par notre note et les différents rapports cités va fortement renforcer l’enjeu à la fois stratégique et écologique de la provenance des aciers utilisés pour les rails (et dans une moindre mesure de l’acier et de l’aluminium utilisés pour les matériels roulants).
Plus globalement, il faut rappeler pour conclure que la contribution à l’atténuation du changement climatique de la France et de l’UE (seulement 1 % et 8 % des émissions mondiales[115]) repose à 80% sur l’imposition de normes « bas-carbone » aux importations. Étant le premier marché mondial, l’imposition de normes exigeantes aux importations permettrait à la fois de relocaliser certaines productions et d’influencer non pas 10 % mais plus de 60 % des émissions mondiales : Chine, Inde et autres pays émergents dépendants en fossiles[116] seraient alors contraints de transformer leurs économies pour pouvoir exporter en Europe. Soit l’inverse de ce qui se produit encore aujourd’hui : les importations de fossiles directes (ex. gaz et pétrole pour l’habitat et le transport) et indirectes (ex. textile et acier d’Asie ou soja issu de déforestation) restent très élevées, alors que les pays exportant en Europe sont autorisés et donc incités à dépasser les normes de pollution françaises et européennes.
Résumé des propositions
Des besoins importants de subventions « doublement progressives »
Proposition 1 : Les bonus aux véhicules électriques devraient être renforcés et progressifs selon les revenus (de 20 à 120% du surcoût à l’achat) et prendre en compte le poids et la localisation de la production des batteries (voir Propositions 8 et 14)
Proposition 2 : Les subventions aux rénovations énergétiques devraient couvrir entre 20% à 80% du coût plafonné des travaux selon leur degré de performance et les revenus des bénéficiaires (ou la taille pour les entreprises)
Proposition 3 : Les aides agro-environnementales devraient couvrir de 150 à 300% des surcoûts et pertes de rendement selon l’ambition des systèmes (de la MAE « simple » jusqu’au bio) en complément d’aides au revenu fondées sur l’emploi (le nombre d’ETP) et modulées selon les prix agricoles (notamment les prix des grandes cultures)
Proposition 4 : Les investissements de renouvellement du réseau ferré devraient être financés entre 80 et 100 % comme dans les principaux pays performants, alors que les subventions aux investissements de développement devraient être au moins doublées
Des tarifications progressives doublement bénéfiques
Proposition 5 : Pour les bâtiments, les prix de l’énergie devraient être diminués de 50 % avant 10 Mwh/an (pour une maison moyenne) et augmenté de 50% au-delà
Proposition 6 : Pour la chaleur renouvelable, les niveaux relatifs des tarifs des fossiles et du bois devraient être stabilisés, grâce à l’équivalent d’une taxe intérieure sur les produits pétroliers flottante sur le gaz combinée à une contractualisation des prix et quantités de bois-énergie avec les producteurs français
Proposition 7 : Pour les voitures, l’équivalent serait une remise couvrant le prix d’une « basse consommation » pour les trajets domicile-travail (en remplacement de la déduction des frais kilométrique) et des consommations élevées plus onéreuses, mais avec un prix régulé (garantissant une croissance modérée mais progressive)
Proposition 8 : En complément, les malus « achats » devraient être au moins 3 fois plus élevés et intégrer le poids des véhicules (y compris électriques)
Proposition 9 : Pour les infrastructures, des péages progressifs devraient faire payer au fret routier de longue distance le coût réel de leur utilisation des routes et autoroutes, soit progressivement + 0,5 €/km, hormis pour les trajets locaux sans alternative ferré et avec l’obligation pour ces trajets longue distance d’utiliser les 2 x 2 voies (afin d’éviter le report vers les réseaux secondaires)
Un bouclier social-écologique étendu
Proposition 10 : Tripler le chèque énergie en l’étendant aux carburants et aux ménages moyens, avec 200 à 600 euros/an pour le chauffage auxquels s’ajouteraient 100 à 300 euros/an pour compenser une hausse progressive de 20% du prix des carburants (voir Proposition 7)
Proposition 11 : Instaurer un « chèque alimentation de qualité » de 200 à 2000 euros par an attribué selon les revenus et la taille des ménages, pour l’achat de produits bio ou labellisés (produits en France ou dans les régions limitrophes)
Des contrôles renforcés et dissuasifs pour garantir les impacts attendus
Proposition 12 : Multiplier par plus de 5 les contrôles ciblés sur les principaux risques (ex. contrôles inopinés au moins une fois par an des entreprises de rénovation, de fret et d’alimentation) avec des sanctions à hauteur de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels (notamment selon la récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions)
Proposition 13 : Pour l’agriculture et l’agro-alimentaire, le respect de normes alimentaires renforcées (sur les pesticides, additifs et médicaments dangereux) devrait s’imposer systématiquement aux produits agricoles importés, en généralisant l’utilisation des clauses de sauvegarde
Proposition 14 : Pour l’industrie, les aides publiques à fort enjeux d’empreinte écologique devraient être conditionnées à des émissions globales bas-carbone (prise en compte des émissions de la fabrication des batteries dans le bonus/malus, modulation des aides au bâtiment selon l’utilisation de matériaux locaux et bas-carbone, conditionnement des aides au ferroviaire au contenu carbone des matériaux utilisés).
[1] Voir notamment Environmental.Research 2021 pour une évaluation récente des impacts des fossiles sur la pollution de l’air et l’expertise Inserm de 2021 pour une synthèse des connaissances scientifiques sur les impacts sanitaires des pesticides
[2] Voir le Bilan énergétique de la France de 2019 et le rapport du Haut-Commissariat au Plan « La France est-elle une grande puissance agricole et agro-alimentaire » (2021) pour la dépendance aux intrants « intensifs » (engrais, carburants, machines et soja)
[3] Voir les données du 2nd trimestre 2022 du Ministère de la transition écologique
[4] Voir également I4CE « Relance : comment financier l’action climat » (2020) et pour le ferroviaire en particulier : Réseau Action Climat – FNH et FNE : Transport ferroviaire : sommes-nous sur les rails ? (2020)
[5] 1 Twh = 1 million de Mwh ou 1 milliard de Kwh (sur une consommation finale de 142 Mtep en 2019 soit environ 1650 Twh)
[6] Voir le rapport du Haut Conseil pour le Climat sur l’empreinte carbone de 2020
[7] Voir SDES « Chiffres-clés des énergies renouvelables » (2021), Autorité de régulation des transports « Le marché français du transport ferroviaire de marchandises » (2018), et Agence Bio « L’agriculture bio dans l’UE » (2021).
[8] En dehors des grands groupes et banques impliqués dans les énergies fossiles et les activités les plus polluantes (voir le rapport « actifs fossiles, les nouveaux subprimes » publié par l’Institut Rousseau en 2021) ou des groupes bénéficiant des échanges « sans entrave » avec les pays les plus polluants (notamment le secteur du luxe en France et celui de l’automobile en Allemagne).
[9] Voir le résumé de ces évaluations dans la partie 3 suivante
[10] En milliards d’euros par an (Md/an)
[11] Les CEE sont des subventions à la fois privées et publiques : les énergéticiens (ex. EDF, Engie ou Total) ont l’obligation de financer divers types de travaux « énergétiques » avec ces primes CEE, dont la valorisation a été augmentée par le gouvernement en 2017 et 2018, ce qui a permis en 2017 de développer les isolations de combles perdus à 1 euro (ces petits travaux coûtent souvent autour de 1000 € et peuvent donner droit à plus de 1000 € de CEE), puis les remplacements de chaudières à 1 euro. Ces subventions étant en partie privées et soutenant en majorité des petits travaux d’entretien et le remplacement de chaudières au gaz (voir 2.1 ci-après), elles ne relèvent pas des soutiens publics aux investissements de transition énergétique.
[12] Voir note sur le programme Macron et Le Grand Plan d’Investissement 2018-2022
[13] Notre analyse des dépenses « favorables » est proche de celle d’I4CE 2021, en dehors du cas des dépenses historiques de soutien aux Enr (engagées entre 2005 et 2015) et des soutiens au nucléaire (bas-carbone mais non durable) que nous n’intégrons pas. Pour les dépenses défavorables, nous avons ajouté aux dépenses fiscales listées par I4CE et le RAC, les subventions directes (notamment agricoles), ainsi que les avantages liés aux tarifs (des infrastructures et de l’énergie) et aux importations « intensives » (voir ci-après)
[14] Voir les rapports I4CE 2019 et 2021 et RAC 2021
[15] Voir notre note « Politiques agricoles : l’agriculture intensive et les importées toujours abondamment soutenues » publiée sur le site d’Agir Pour le Climat (2022)
[16] Selon la Cour des comptes de l’UE
[17] Les montants engagés de CITE (puis de MPR) cumulés aux CEE résidentiels ont oscillé entre 3 Mds en 2019, 2,3 Mds en 2020 et 3,9 Mds en 2021, voir le rapport parlementaire sur le PLF 2020, les bilans Anah et le bilan 2018-2021 des CEE. Une partie de ces petits travaux étaient même des installations de chaudières au gaz (jusqu’à 30 000 chaudières gaz par mois fin 2019).
[18] Jusqu’à 90% d’effet d’aubaine pour les aides aux chaudières à gaz, voir l’évaluation CGDD du CITE 2015, notamment p.79
[19] Voir le rapport Sichel-DHUP 2020 et l’évaluation du programme Habiter Mieux Anah-Geste 2017
[20] Voir le bilan du dispositif en 2018 résumé dans Le Monde
[21] Voir l’évolution des consommations des véhicules neufs sur le site Ademe car 2021
[22] Les plus de 12 tonnes en particulier occasionnent plus de 70% du coût des routes selon l’étude Setra 2009,
[23] Les camions ne payent qu’environ 15% de la TICPE (~5 Mds sur 35 Mds €/an hors TVA) et 30% des péages (~3 des 10 Mds €/an selon les Comptes des concessions p.27), soit un avantage « fiscalo-tarifaire » nettement plus important que la seule niche fiscale généralement mise en avant (1,5 Md €/an de réduction du gazole pour les camions), sachant que la taxe sur les carburants est évitée par les camions étrangers dans 3 cas sur 4 selon la mission du CGEDD « financement des infrastructures et transport routier » (2015)
[24] Voir les différents rapports soulignant le manque d’investissement en France et la mauvaise qualité des « sillons » et du réseau : CGDD « Fret ferroviaire : analyse des déterminants des trafics français et allemand » (2013), CGEDD « Le soutien public au transport ferroviaire de fret » (2015) et Cour des comptes « SNCF réseau, des réformes à approfondir » (2018)
[25] Voir le bilan sur le transport ferroviaire de marchandises (2018)
[26] Voir une synthèse des études sur l’« élasticité » entre consommation et prix de l’énergie dans le rapport IGF/CGEDD « Les aides à la rénovation énergétique des logements privés » (2017), p.267
[27] Voir les évaluations du Fonds chaleur du CGEDD/CGE (2018) et de l’Ademe/Atema (2019)
[28] Voir l’étude Ademe coût des Enr 2019.
[29] Voir l’évaluation du dispositif « reconnu garant de l’environnement » (RGE) du CGEDD (2017) et les rapports des Douanes et de Tracfin (2018). Ayant dirigé les évaluations de plusieurs programmes de rénovation régionaux et locaux depuis 2017, j’ai pu également constater la massification des fraudes, en particulier dans le Sud-Ouest : jusqu’à la moitié des travaux aidés en 2017 en Occitanie étaient liés à des opérateurs délinquants combinant fraudes et malfaçons.
[30] Voir Bilan de la 4ème période des CEE – février 2022. Sachant que parmi les signalements aux autorités, les 2/3 concernent des entreprises pourtant labellisées RGE selon la Dgccrf (source : Webinaire « fraudes aux rénovations » de 2021) et que pour les fraudes organisées, un seul cas récent décrit par la Gendarmerie nationale a cumulé plus de 40 000 chantiers « CEE » avec malfaçons (et travail illégal) sur 2 ans, avant de disparaître à l’étranger.
[31] Voir Meihan-France Stratégie « Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures » (2019).
[32] Voir Le Monde « L’avenir des hybrides rechargeables en suspens » (décembre 2021)
[33] Les sanctions les plus élevées pour les fraudes « à 1 euro » notées par la Dgccrf dans son bilan 2021 sont inférieures à 25 000 euros par société condamnée au pénal. Voir plus largement les constats récurrents sur la rareté et la faiblesse des sanctions en matière de fraudes dans les rapports sur les fraudes à l’alimentation aux prélèvements, et au détachement, ainsi que dans les recherches portant sur les réponses pénales aux infractions environnementales (voir Barone « L’impunité environnementale. L’État entre gestion différentielle des illégalismes et désinvestissement global », champs pénal n°XV, 2018)
[34] Voir le rapport du Haut Conseil pour le Climat sur l’empreinte carbone de 2020 op.cit
[35] Voir « Mondialisation : Comment protéger nos agriculteurs et l’environnement », Institut Veblen, FNH et Interbev (2021)
[36] Rajao & al. « The rotten apples of Brazil’s agribusiness », Science 369 (6501):246 (2020)
[37] Voir le rapport d‘information du Sénat « La France un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? » (2019)
[38] Voir l’enquête de l’UFC : https://www.quechoisir.org/enquete-produits-bio-menaces-sur-les-controles-n69419/
[39] Voir « National summary reports on pesticide residue analysis performed in 2018, EFSA (2020) p.62
[40] Soit 20% des 20 Mds d’importations de l’Union européenne, en ne comptant que les principaux pays en cause (Pologne, Roumanie, Espagne et Pays-Bas), voir Agreste commerce extérieur
[41] Environ 500 M €/an d’aides MAE – Mesures agro-environnementales- et CAB – conversation à l’agriculture biologique auxquelles s’ajoutent 1 Md €/an d’ICHN – Voir Comptes de l’agriculture et Sénat 2020
[42] Voir IGAS-CGEDD-CGAAER « Rapport sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » (2017)
[43] Voir La Tribune « la dépendance alimentaire de la France dévore 9 M d’hectares à l’étranger » (avril 2022)
[44] Voir Institut Veblen-Dupré et al. « Les conditions d’un mécanisme efficace et juste d’ajustement carbone aux frontières » (2021)
[45] Voir le rapport sur les inégalités mondiales 2021 et son résumé dans le Monde du 7 décembre 2021
[46] Nos estimations des montants d’investissements supplémentaires sont en milliards d’euros par an, concernent 2022-2030 et découlent des objectifs sectoriels indiqués, avec des ordres de grandeur similaires aux estimations du rapport « 2% pour 2°». Certains montants sont moins élevés en raison du périmètre temporel (d’ici 2030 vs. 2050, ce qui réduit le nombre de rénovation et les surfaces bio) et de la non prise en compte des investissements « transversaux » (hors contrôles). Dans l’autre sens, nous ajoutons 3 milliards par an pour le renouvellement du réseau ferré, en plus des financements supplémentaires pour le développement (voir Proposition 4).
[47] Le budget total consacré à ces contrôles « environnementaux » (au sens large) relevant de nombreuses administrations, nous avons réalisé une estimation « haute » à partir du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sanitaire de l’alimentation de 2019 (4700 ETP à la Dgal et à la Dgccrf) et du rapport du Sénat sur la politique de santé environnementale de 2021 (1100 ETP dans les ARS), auxquels il faut ajouter entre 200 et 300 contrôleurs de l’habitat dans les services communaux d’hygiène et de santé (SCHS)
[48] Voir le rapport « 2% pour 2° » pp.189-193, sachant que ces estimations sont fondées sur des hypothèses basses, en particulier s’agissant des emplois. En effet, des investissements supplémentaires de 57 Mds €/an centrés à 40% dans la rénovation énergétique des bâtiment peuvent difficilement impliquer moins de + 600 000 emplois, dans la mesure où les rénovations avec isolation des murs impliquent 9 ETP/M d’euros dans les seules entreprises de travaux et plus de 15 ETP/M euros en comptant les emplois indirects (voir Anah/Geste « évaluation des impacts économiques du programme Habiter Mieux » 2017 op.cit)
[49] Selon l’évaluation réalisée par l’Office Français pour la Biodiversité, ce qui a même été dénoncé par la Commission Européenne ;
[50] Grâce au cumul de plusieurs dispositifs, les voitures électriques étaient déjà moins coûteuses à l’achat que les thermiques en Norvège en 2018 et atteignaient 35% des ventes neuves contre 3% en France au même moment, voir notamment Meihan-France Stratégie « Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures » (2019) pp.6-8
[51] Dans le cas de la Peugeot 208 détaillé par Automobile-magazine fin 2021, l’écart à l’achat reste de 9000 euros après bonus et frais annexes (sachant que la prime à la casse ne concerne qu’une petite minorité de ménages). Au-delà du neuf, plus de 70% des achats de voitures sont des occasions (5,6 M en 2020) et coûtent moins de 10 000 euros (avant reprise selon l’Insee), alors qu’une e-208 ayant près de 3 ans coûte encore plus de 20 000 euros et ne bénéficie plus de bonus.
[52] Le déploiement des bornes de recharge rapides est très en retard avec seulement 5% des 53 000 « points » de recharges publiques installés fin 2021 rechargeant en moins de 30mn, ce qui constitue l’autre frein majeur à l’achat de véhicules électriques, notamment pour les ménages avec un seul véhicule (qui ont besoin de recharges ultra-rapides en stations-services pour leurs voyages longs)
[53] Voir France Stratégie-Auverlot et al. « Panorama des politiques publiques en faveur des véhicules à très faibles émissions » (2018)
[54] Des Zones à faible émission (ZFE) doivent interdire les véhicules thermiques « anciens » dans la plupart des agglomérations d’ici 2025 avec des modalités qui restent à définir mais qui concerneront au moins 1/3 du parc et avant tout les ménages modestes, voir Ministère de la transition écologique « les voitures des ménages modestes, moins nombreuses mais plus anciennes » (2020)
[55] Voir notamment le rapport Sichel-DHUP 2020, les évaluations du programme Habiter Mieux et des programmes de rénovation des copropriétés (Anah/Geste 2017 et 2019) et l’évaluation des plateformes de rénovation énergétique (Ademe/Atema 2018)
[56] Notamment pour les maisons individuelles, les expériences régionales et locales étudiées dans les rapports cités ci-dessus (et dans de nombreuses autres évaluations non publiées) soulignent qu’il faut privilégier mais ne pas restreindre les subventions aux rénovations globales en une fois, dans la mesure où, y compris avec des subventions élevées (comme en Normandie ou en Alsace), les rythmes des rénovations BBC de maisons restent inférieurs à 0,5 % du parc ciblé par an (contre un objectif d’au moins 3% par an). Au-delà du frein financier, il est en effet rare de pouvoir rénover en une fois l’ensemble des postes (toiture, murs, chauffage, ventilation, fenêtres et planchers) en raison de contraintes technico-réglementaires (règles d’urbanisme ou patrimoniales) et/ou économiques (rénovations de certains postes réalisées récemment, taille trop réduite des combles ou balcons, disponibilité simultanée d’artisans compétents, etc.). Pour autant, la rénovation globale reste la référence souhaitable à atteindre en 1 ou 2 étapes dans la plupart des cas, voir sur ce point l’étude Ademe/Dorémi Rénovation performantes par étapes (2021).
[57] Critère de revenu pour les ménages propriétaires des logements (y compris bailleurs, sous condition de loyer plafonné par rapport au marché local) et critère de taille pour les collectivités, entreprises ou associations propriétaires des locaux tertiaires, dont les rénovations performantes sont à ce jour encore plus rares et peu ou pas soutenues
[58] Voir notamment les évaluations du plan de lutte contre les Algues vertes, l’évaluation du PDRH de 2011 (p.129-134), le Rapport sur « l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » du CGAEER (2017) op.cit et le rapport d’information sur les financements publics consacrés à l’agriculture biologique du Sénat de 2019
[59] Voir Agence Bio « L’agriculture bio dans l’UE » (2021), p.8
[60] Par exemple, dans le cas des prairies et de l’élevage, la quasi-totalité des pays proposant un soutien entre 100 et 200 euros l’hectare (dont la France) connaissent un développement limité, alors que les développements les plus importants sont associés à des soutiens de 230 à 500 euros l’hectare (voir IFOAM « Quels soutiens à la bio dans les élevages européens » (2017), sachant que l’Autriche a soutenu plus fortement le bio dès les années 1990).
[61] Voir un exemple de chiffrage partiel de cette transformation des aides au revenu dans France Stratégie « Faire de la politique agricole commune un levier de la transformation agro-écologique » (2021) pp.70 et 76-84
[62] En cas de maintien de prix élevés pour les céréales et autres aliments pour le bétail, le remplacement des élevages par les grandes cultures risque encore de s’aggraver
[63] Voir Agreste « Commission des comptes de l’agriculture de la Nation » (2020), op.cit, pp.28-29
[64] Hors entretien du réseau (~ 5 Mds €/an non subventionné) et développement de nouvelles lignes (~ 3 Mds €/an incluant les projets régionaux et locaux et le Grand Paris Express), voir bilan LOM
[65] Cour des comptes « SNCF réseau, des réformes à approfondir » op.cit
[66] Il manque au moins 1,2 Md/an d’investissements pour le seul renouvellement dont 500 M/an sur le réseau principal selon IMDM Infra, Rapport d’audit sur l’état du Réseau ferré National (2018) et 700 M/an pour les petites lignes selon le Rapport Philizot (2020)
[67] Voir l’étude du Trésor « la politique Suisse en matière de transports » (2019) et l’étude Index UE BCG (2017)
[68] CGEDD, http://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cgedd/010867-01_rapport.pdf
[69] Voir sur ce point les comparaisons européennes dans l’Index UE BCG et Cour des comptes 2018 (tableau 10)
[70] Pour l’estimation des besoins de nouveaux développements de lignes, voir le rapport détaillé Réseau Action Climat – Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme – France Nature Environnement : Transport ferroviaire : sommes-nous sur les rails ? (2020) https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2020/10/etude-ferroviaire-web-1.pdf
[71] Voir rapport IGF/CGEDD « Les aides à la rénovation énergétique des logements privés » op.cit. L’effet « rebond » des consommations après une rénovation peut également être modéré par des tarifications progressives, même si les rares études approfondies indiquent des écarts plutôt limités entre les consommations réelles et attendues après travaux, les consommations théoriques (basées sur des calculs thermiques) étant surtout surestimées avant travaux, voir CSTB-Bair et al. « Quels enseignement tirer de l’enquête Phébus sur l’effet rebond » ? (2017)
[72] La facture initiale pour les maisons anciennes au gaz de 100m² était d’environ 1500 €/an pour environ 20 Mwh/an selon l’enquête Phébus, soit près de 2000 €/an au prix du gaz actuel (90 €/Mwh contre 70 €/Mwh à l’époque)
[73] Une maison passant de 20 à 10 Mwh/an permet un gain de 1000 €/an si le prix reste autour de 100 €/Mwh, contre 1500 €/an si le prix passe de 100 €/Mwh (150 € au-dessus de 10 Mwh et 50 € en dessous) à 50 €/Mwh. La différence peut dépasser le facteur 2 pour les petites surfaces rénovées de 10 à 5 Mwh/an, dans la mesure où le Mwh de gaz est à 87 € au-dessus de 6 Mwh/an mais monte à 112 € en-dessous (soit un gain actuellement limité à 300 €/an pour une rénovation de 50% contre 750 €/an avec un tarif progressif)
[74] https://www.territoire-energie.com/article/le-conseil-constitutionnel-censure-les-tarifs-progressifs/
[75] Voir des résumés d’expériences étrangères sur https://tarificationprogressivedelenergie.wordpress.com/
[76] En 2012 pour les logements selon l’enquête Phébus (op.cit), la consommation du tertiaire (1/4 des surfaces) étant supérieure.
[77] Peu évoquée dans les médias, le bois est de loin la 1ère énergie renouvelable et la principale ressource stratégique française, avec un potentiel durable supplémentaire d’ici 2030 estimé à au moins +60 % pour le bois-énergie (en substitution de fioul et de gaz) et +20 % pour la construction (en substitution de béton et de plastique), voir CGAAER « Valorisation agricole et forestière de l’espace rural » (2015), IGN/Ademe « Disponibilités forestières pour l’énergie et les matériaux à l’horizon 2035 » (2016) et Ademe « Forêt et usage du bois dans l’atténuation du changement climatique » (2019). Les déchets du bois d’œuvre (construction et ameublement) étant utilisés pour le bois-énergie, sa transformation doit être relocalisée le plus possible en France, afin de fournir localement les systèmes de chauffage ainsi que les chantiers de construction/rénovation (voir proposition « Industrie » 14 plus loin).
[78] L’installation de Pompes à chaleur (PAC) hydrauliques, fortement subventionnée depuis 2017, n’est souhaitable que pour les logements déjà bien isolés et/ou avec chauffage au sol, sous peine de fortement contribuer à la pointe électrique hivernale, voir la dernière partie de notre note publiée par Agir pour le Climat « Politiques énergétiques : des Enr plafonnées et des imports favorisés » (2022) et d’autres explications techniques dans UFC-Sidler « Pompes à chaleur : une surprime très contestée « (2022)
[79] En effet, certains forestiers privés préfèrent exporter leur bois compte tenu des prix internationaux et certains intermédiaires stockent pour faire monter les prix, alors que les scieries françaises ne peuvent répondre à la demande croissante pour l’énergie et la construction depuis 2021. Les nombreux ménages (souvent modestes) ayant remplacé leur chauffage fossile par du bois-granulé se trouvent actuellement piégés sans bouclier tarifaire (malgré une hausse des tarifs des granulés dépassant 100% depuis 2021), contrairement à ceux restés au gaz (toujours à 90 €/Mwh), ce qui est particulièrement incohérent et injuste.
[80] Voir IDDRI-Chancel et Saujot « Les frais réels : une niche fiscale inéquitable et anti-écologique ? » (2012)
[81] Avec un prix du gazole de 1,5 euros/litre similaire au prix heures creuses de l’électricité de 0,15 euros/kwh, sachant qu’1 litre équivaut à 10 kwh et que les véhicules électriques consomment +ou- 20 kwh/100km vs. 6 litres/100 pour les fossiles, soit 3 fois moins
[82] Voir I4CE-Kessler et Perrier « Bonus-malus automobile : la nécessaire évaluation » (2021), RAC « Aides à l’achat de véhicules – Propositions » (2020) et -France Stratégie-Meihan « Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures » (2019) op.cit, ainsi que la proposition de malus du rapport « 2 % pour 2° ». Intégrer le poids des véhicules permet notamment d’imposer un malus aux « tanks électriques » dont les émissions de CO2 et les besoins de matériaux rares peuvent être très importants au stade de la fabrication, principalement en lien avec la taille des batteries (voir 4.4)
[83] Voir Trésor « la politique Suisse en matière de transports » op.cit
[84] Soit une augmentation de + 0,5 à 0,7 €/km contre un coût actuel de 1 à 1,5 €/km (voir étude CNR) sachant que +50 % de coût implique en général un report vers le rail d’environ 20% lorsqu’il existe une alternative en moyenne et longue distance (voir CGDD « La tarification, un instrument économique pour des transports durables » 2009, pp.40-42)
[85] Contrairement au projet initial de l’Eco-taxe, ce qui était un défaut majeur souligné dans son étude d’impact de 2009, voir CGDD « La tarification… » op.cit. Autre différence avec une dimension contestée du projet d’Eco-taxe de 2012, les péages seraient progressifs (selon le poids et la distance) et les transports locaux sans alternative ferrée seraient exemptés de péage routier
[86] 7 Mds €/an en Allemagne en 2019 malgré une couverture partielle du réseau principal, sachant que l’Autriche prend également en compte les coûts externes des poids lourds en termes de pollution et de bruit (voir CGEDD « mission sur le financement des infrastructures » 2015 op.cit) et que la gestion de ces péages est le plus souvent assuré par des sociétés publiques
[87] Le chèque énergie bénéficie à près de 6 M de ménages modestes avec les modalités décrites ici et une moyenne de 150 euros par ménage. Fin 2022, ce chèque énergie va être complété par un chèque exceptionnel de 100 à 200 euros versé à 12 M de ménages. Un doublement des montants pour ce périmètre de 12 M de ménages impliquerait donc + 2,5 Mds/an, auquel s’ajouterait une composante « carburants » dont le coût atteindrait progressivement 3 Mds/an, mais qui serait compensé par la hausse progressive de la taxe sur les carburants pétroliers (dont seront exemptés les trajets « domicile-travail », voir Proposition n°7)
[88] Voir la note du ministère sur « les différences sociales en matière d’alimentation » de 2013
[89] Voir le rapport du CESE « Signes officiels de qualité et d’origine des produits alimentaires » (2018)
[90] Cette proposition rejoint les principes indiqués dans l’annexe « proposition à venir sur la protection sociale de l’alimentation » du rapport « 2% pour 2° », en maintenant à moyen terme une progressivité selon les revenus et en ajoutant une hausse de la TVA a minima sur les produits ultra-transformés, afin d’en renforcer l’effet en termes de santé publique et de limiter les freins à prévoir en termes de finances publiques.
[91] Par exemple, pour un ménage modeste de 4 personnes dont le budget alimentaire est de 6000 euros/an (à la maison), le passage de 5 à 50% de bio/label et une hausse moyenne de +10% sur 3000 euros d’aliments « non durables » devrait augmenter leur budget de 1500 euros (+ 300 euros de TVA et + 1200 euros de prix liés aux aliments bio), mais le chèque « bio/label » de 2000 euros permet au final un léger gain de pouvoir d’achat. Pour un ménage moyen au budget de 8000 euros/an passant de 20% à 50% de bio/labels, le solde serait nul (ex. chèque de 1000 euros vs. + 400 euros de TVA et + 600 euros de prix liés aux aliments bio)
[92] www.futura-sciences.com/sante/actualites/nutrition-aliments-ultra-transformes-ils-composent-31-assiette-francais-87388/
[93] https://www.sciensano.be/fr/coin-presse/lalimentation-ultra-transformee-meilleure-marche-que-lalimentation-saine
[94] https://presse.inserm.fr/consommation-daliments-ultra-transformes-et-risque-de-maladies-cardiovasculaires/35086/
[95] Voir l’estimation de la dépense fiscale à 5,5% sur les aliments dans la note dédiée la Cour des comptes, qui s’ajoute aux dépenses fiscales suivies par les documents budgétaires (notamment les taux de 10 % sur les aliments servis dans des restaurants)
[96] Pour les ventes alimentaires en particulier, il est à noter que les moyens de contrôle sont 5 à 10 fois inférieurs que ceux des pays voisins (voir le rapport de la Commission d’enquête parlementaire de 2018, p.164), alors que moins de 170 000 contrôles sont réalisés chaque année sur l’ensemble de la production et distribution alimentaire (64 200 par la DGCCRF et 97 600 par la DGAL en 2017) selon le rapport sur la sécurité alimentaire de la Cour des Comptes (2019).
[97] Voir le Bilan intermédiaire du PNLTI – Plan National de Lutte contre le Travail Illégal – (2018)
[98] Le cabotage est la possibilité pour les transporteurs étrangers d’effectuer 3 trajets en France avant leur retour
[99] En lien étroit avec le volet fiscal de ces contrôles, voir la note de l’Institut Rousseau-Faïve « Quand la politique d’austérité conduit à dégrader volontairement le contrôle fiscal et la lutte contre la fraude fiscale » (2022) op.cit
[100] Pour le contrôle de la conformité des tests et des émissions réelles des véhicules, le besoin relève davantage d’un contrôle indépendant des différents modèles vendus que d’une hausse des effectifs de contrôle. Les contrôles sanitaires et environnementaux devraient être réalisés par des agents des ministères de la santé et/ou de l’écologie et non par des services des ministères de l’agriculture et de l’économie, généralement trop sensibles aux pressions et chantages à l’emploi des grands acteurs économiques.
[101] Institut Veblen-Dupré et al. « Les conditions d’un mécanisme efficace et juste d’ajustement carbone aux frontières » (2021) op.cit
[102] L’effet direct des écarts entre régulations environnementales est globalement limité sur les délocalisations mais peut être important pour les produits les plus polluants (Dechzleprêtre et Sato, 2017). Dans les autres industries, ce sont davantage les écarts entre régulations sociales qui ont augmenté les importations, principalement en provenance de pays dont le mix énergétique est particulièrement carboné (Chine, pays de l’Est de l’Europe, Turquie, etc.)
[103] Sachant que l’UE n’a pas même intégré de clauses environnementales dans les derniers traités signés malgré les objectifs affichés
[104] Très nettement supérieur au ridicule 1 Md/an de taxe carbone aux frontières de l’UE prévue à partir de 2026…voire de 2034 ?
[105] Voir https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/04/22/la-france-interdit-l-importation-de-cerises-traitees-avec-un-insecticide-conteste_4906788_3244.html et d’autres détails sur cette clause dans IGAS-CGEDD-CGAAER « Rapport sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » (2017) op.cit pp.42-45
[106] Ce colorant inutile et dangereux (E171) est en revanche toujours utilisé dans les médicaments et produits d’hygiène
[107] Voir notamment l’expertise Inserm de 2021 sur les pesticides et les données scientifiques consolidées sur les antibiotiques (OMS), les excès d’engrais (Ademe), ou les additifs industriels (au moins 87 identifiés comme dangereux).
[108] Voir Le Monde du 23 juin 2018 sur l’expérience de l’interdiction du diméthoate pour les cerises qui n’a pas provoqué l’effondrement de production annoncé (mais dont les importations de Turquie théoriquement « propres » gagneraient à être fortement contrôlées) ou l’exemple plus récent de l’interdiction de néonicotinoïdes pour les betteraves, dont la baisse globale de rendement liée aux pucerons n’a pas été de 50% comme annoncé, mais de +/- 10%, dont une partie liée à la sécheresse selon Agreste Betterave.
[109] Voir Haut-Commissariat au Plan « La France est-elle une grande puissance agricole et agro-alimentaire » (2021), op.cit
[110] Avec l’agro-industrie et la chimie, les travaux de construction, les matériels de transport et l’acier représentent plus de la moitié de l’empreinte carbone « hors émissions directes des ménages », voir le tableau p.31 du rapport du Haut Conseil pour le Climat sur l’empreinte carbone de 2020 op.cit,,
[111] La grande majorité des capacités de production prévues en 2026 sont en Chine (2600 Gwh de batteries/an), contre 300 Gwh en Allemagne, Pologne et Hongrie et seulement 40 Gwh en France, ce qui est insuffisant pour couvrir 1 M de véhicules électriques/an, voir Alternatives économiques « Comment retrouver notre souveraineté industrielle », Hors-Série n°125 (2022), p.p. 34-35
[112] Voir CEA « Réponse à la consultation européenne sur la modernisation des règlements européens sur les batteries » (2020) et Meihan-France Stratégie « Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures » (2019), op.cit. Avec un mix électrique polonais, l’empreinte totale d’une batterie de 80 kwh peut dépasser 10 000 kg de CO2 (soit 100 g CO2/km pour une utilisation moyenne de 100 000 km), dont 20 à 30 % est lié au fort contenu CO2 de l’électricité utilisée pour sa fabrication et l’équivalent pour l’aluminium utilisé, soit plus de 50 g CO2/km (hors émissions liés aux autres matériaux importés). Ce surplus de CO2 dépassant les émissions théoriques des hybrides rechargeables (hors fabrication), il ne devrait pas donner droit à un bonus.
[113] Pour les pays les plus carbonés comme la Pologne ou la Chine, le surplus de 50-60 g CO2/km lié à la fabrication de la batterie devrait annuler le bonus, alors qu’un surplus de 20-30 g CO2/km (ex. batterie de 80 kwh fabriquée en Allemagne) pourrait bénéficier d’un bonus diminué de 50%.
[114] Voir le tableau p.31 du rapport du Haut Conseil pour le Climat sur l’empreinte carbone de 2020 op.cit,,
[115] Voir SDES « Panorama des émissions mondiales 2022 »
[116] Reste les principaux producteurs de fossiles qui préféreront très probablement « finir » de consommer leur rente, en particulier la Russie et le Moyen-Orient, le cas des Etats-Unis restant incertain.