Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Points de vue

Le cas Danone nous ramène à l’hyper-réalité financière

Danone, leader mondial des produits laitiers frais, a récemment évincé son PDG Emmanuel Faber, quatre ans après sa nomination en tant que PDG, sous fond de dissensions managériales, actionnariales et stratégiques. Ce qui « fascine » les commentateurs sur ce cas, c’est que cette entreprise est la première entreprise du CAC40 à adopter le statut de société à mission, dont l’objectif de création de valeur n’est plus seulement financier mais également environnemental et social. L’histoire retiendra que les tensions au sein de la gouvernance de Danone ont commencé dès lors que Danone a adopté ce statut le 26 juin 2020, soutenu par ses actionnaires qui ont pourtant voté cette résolution à hauteur de 99,4 % des voix. Ce jour-là, Emmanuel Faber affirmait : « vous venez de déboulonner une statue de Milton Friedman… La décision que vous venez de prendre fera jurisprudence ». Huit mois plus tard, la statue de Milton Friedman n’a pas vraiment vacillé. Depuis juin 2020, l’entreprise a dû faire face à des vagues de départ au sein de son comité exécutif en septembre et octobre 2020, puis à une demande de refonte de la gouvernance de la part de Bluebell Capital Partners en novembre 2020 (au moment où le plan stratégique « Local First » était annoncé) suivi par Artisan Partners en février 2021. Ces deux fonds activistes, pourtant minoritaires dans la structure actionnariale du groupe, ont profité d’une croissance faible de l’action Danone en 2020 pour entrer au capital et faire exploser la gouvernance de l’entreprise et son projet d’obtenir le label de bonne gouvernance environnementale et sociale B Corp au passage. Le jour de l’annonce de son éviction, l’action Danone a bondi de 4 % à la bourse de Paris et Bluebell Capital Partners réagissait le soir-même pour se féliciter que toutes ses demandes aient été acceptées, et « qu’une trajectoire de croissance profitable puisse être retrouvée chez Danone, tout en conservant la durabilité comme priorité ». La dernière phrase est particulièrement intéressante à analyser et en dit long sur la volonté réelle des fonds activistes à l’origine de ce départ. Croître de manière infinie d’un point de vue économique et financier est-il compatible avec un projet de soutenabilité, qui par définition, implique des ressources finies ? L’image du greenwashing ressurgit et pose la question également du poids des actionnaires dans les décisions stratégiques. Le mythe de Jensen (c’est par la maximisation de la valeur de l’action que le bien-être collectif est produit à long terme) reste donc bien le paradigme en vigueur. Comment une entreprise qui vote à l’unanimité l’inscription du projet social dans ses statuts peut-elle faire exploser sa gouvernance en plein vol ? Au sein des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), soi-disant cher aux investisseurs, le G de Gouvernance reste donc bien la lettre la plus importante. Rien ne peut se faire sans une gouvernance solide et participative. Toutes les meilleures envies du monde en termes de soutenabilité se délitent si la gouvernance, l’entreprise dans son ensemble ainsi que ses parties prenantes n’adhèrent pas au projet. Vouloir faire de Danone une société à mission est une fantastique idée, mais il s’agit en premier lieu de constituer une gouvernance qui défendra becs et ongles ce projet, prête à subir les vagues dans la tempête, indépendante et solidaire face aux attaques des actionnaires requins. Un projet de cette ampleur ne peut se réaliser si la gouvernance n’intègre pas des administrateurs qui vivent le projet ensemble, impliquant donc l’identification d’investisseurs stimulés par le projet. Le financier doit financer, le gouvernant doit gouverner, et le dirigeant diriger. Avant d’atteindre le sommet, les fondations doivent être bien ancrées dans le sol… Avant de penser la gouvernance, il s’agit également de penser la structure actionnariale et de faire en sorte qu’elle s’imbrique pleinement dans le projet. En regardant de plus près la structure actionnariale de Danone (dernière publication de décembre 2019), on s’aperçoit que les noyaux durs d’actionnaire sont MFS, Blackrock, Amundi ou encore la Norges Bank (entre autres). Tous s’affichent très haut comme des actionnaires profondément engagés dans les enjeux de durabilité, avec une volonté de changer le monde et favoriser la reconstruction écologique et sociale… Mais l’hyper-réalité financière nous rappelle que Blackrock, en 2020, a seulement soutenu trois résolutions de lutte contre le réchauffement climatique sur 36 lors d’AG d’entreprises américaines cotées, a voté contre la résolution d’actionnaires (qui demandait à l’entreprise d’aligner « ses activités avec l’accord de Paris ») soumise à l’Assemblée générale de Total (dont Blackrock est actionnaire à hauteur de 6,3 %), et a financé pour 87 milliards d’investissement dans les énergies fossiles en 2019… Où sont donc les actionnaires soi-disant « durables » dans l’affaire Danone ? Pour rappel, Blackrock, dans sa communication, se définit comme un gérant d’actifs qui veut « faire de l’investissement durable sa norme en manière d’investissement » … Un investisseur durable doit absolument comprendre l’enjeu qui réside dans la dichotomie parfaite entre communication et réalité. Son rôle sera de sortir des scoring ESG classiques, fournis sur la base des communications des entreprises et des reporting intégrés basés sur la matérialité financière et les normes IFRS acculturée « cash flows », pour pratiquer un engagement actionnarial de tous les instants. Si les fonds requins attaquent les entreprises fragilisées pour en tirer tout ce qu’ils peuvent en un temps très court, les actionnaires « durables » doivent donc faire contrepoids et s’engager manu militari. Pour ceci, ils doivent clairement identifier les bonnes entreprises, dont la gouvernance est saine, en prenant le temps de comprendre la vision stratégique, le projet, l’impact sociétal, puis en poussant l’ensemble des parties prenantes dans le même objectif. Danone est la mieux notée de toutes les entreprises du CAC40 d’un point de vue ESG par l’ensemble des agences de notation, pourtant le mal semblait profond, que ce soit au sein de la gouvernance mais également de la structure actionnariale. L’analyse approfondie des stratégies de gouvernance et d’actionnariat permettrait également de comprendre, à titre d’exemple, qu’une société comme Lafarge, ayant la meilleure notation ESG selon Sustainalytics dans son industrie, n’est autre qu’une entreprise poursuivie pour financement du terrorisme et

Par Revelli C.

24 mars 2021

Des mesures mais pas de changement de cap

Notre pays a connu le 29 janvier dernier l’un de ces épisodes de communication dont le gouvernement Macron est friand, avec la tenue d’un Comité interministériel des Villes (CIV) « délocalisé » dans la commune de Grigny. Au-delà des images, quel message, quelles annonces, quelles mesures ? Percutés de plein fouet par les conséquences économiques et sociales de la Covid qui les ont forcés à se substituer à un État défaillant, 200 maires de villes populaires s’insurgent courant novembre, dans un appel trans-partisan face à l’absence de tous moyens les concernant dans le plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé en grandes pompes. Rien sur les aides alimentaires mises en place, le coût financier induit par l’explosion des demandes d’aide d’urgence, les recettes amputées, les dépenses en forte augmentation avec l’achat des matériels de protection et la mobilisation des agents ; rien sur les programmes d’accompagnement éducatifs, culturels et sportifs au sortir du premier confinement. En somme, ni les populations en grande précarité (cf les rapports du Secours populaire, d’Oxfam ou plus récemment de la fondation Abbé Pierre), ni les collectivités en première ligne de la réponse sociale, n’émargent à ce plan de relance. À l’inverse des grandes entreprises, qui captent à elles seules 37 milliards d’euros de ce plan, alors que certaines ont poursuivi ou entamé leurs plans sociaux ou continué de verser des dividendes à leurs actionnaires. Les élus locaux sont vent debout et exigent, mesure plus symbolique que comptable, l’attribution d’un pourcent, donc d’un milliard d’euros du plan de relance. Des amendements sont votés en ce sens au Sénat, provenant tant des bancs des groupes LR, communistes, socialistes ou écologistes. Auxquels s’adjoignent ceux des députés du groupe France Insoumise lorsque le débat arrive à l’Assemblée. Las, rien n’y fait. Tous les amendements sont rejetés en bloc. Fin du premier acte… Mais pas de la pièce. Le gouvernement n’a pas voulu reconnaître publiquement le « trou dans la raquette » de son plan de relance mais rapports après rapports, tout converge vers l’exécutif pour attester de l’aggravation majeure de la situation sociale des habitants des quartiers, villes et campagnes populaires. Alors que ce sont ces mêmes catégories de population qui ont porté l’essentiel de l’effort du pays depuis le début de la crise (65 % de travail « présentiel » pour les emplois de bas d’échelle contre à peine 25 % chez les cadres) et qui ont payé le prix sanitaire de cet engagement (À l’exemple de la Seine-Saint-Denis, département en tête des décès dus à l’épidémie). Le risque politique de voir une jonction s’opérer entre ces franges de la population et leurs édiles locaux, toutes tendances confondues, n’est pas pris à la légère. Alors, les négociations s’engagent avec les associations d’élus, tout particulièrement avec ceux de « Villes et Banlieues » qui ont participé à l’aventure Borloo. De ces échanges va naître l’idée d’un CIV dédié et, forte de son statut de « ville la plus pauvre de France » et de l’engagement de son Maire, c’est Grigny qui en sera le décor. Plusieurs réunions de préparation, avec les maires et les services des ministères vont se succéder durant le mois de janvier afin de préciser les contenus et de caler la réponse gouvernementale à hauteur des « légitimes attentes » des quartiers populaires. Les mesures présentées à Grigny ce 29 janvier visent donc essentiellement à couper l’herbe sous le pied d’une contestation en forme de « jacquerie » potentielle. Et bien sûr, contrebalancer les mesures sécuritaires inscrites dans la loi Sécurité globale, ou identitaires de la loi contre les séparatismes. Ce « je vous ai entendu » nuancé d’un « même si nous faisons déjà beaucoup » a donc pour objet de redonner un semblant d’équilibre à la politique gouvernementale en musclant sa « jambe gauche ». Du coup, l’exercice de communication se déploie. Les maires demandent 1 milliard d’euros ? Jean Castex en annonce 1,1. Et plus encore, 3,3 de budget global. Et 2 milliards d’euros supplémentaires pour le NPNRU (nouveau programme de rénovation urbaine. Et 1,4 milliard d’euros pour le logement social. Et 15 millions d’euros pour les hôpitaux. Et 35 millions d’euros pour le sport. Et 6 millions d’euros pour la prévention spécialisée. Et 10 millions d’euros pour la vidéo-protection… Et 60 centres de santé supplémentaires ; 46 cités éducatives en 2021, 200 en 2022 ; 60 cités de l’emploi ; 50 internats d’excellence… Et 200 000 formations supplémentaires ; 10 000 places de crèche ; 6000 nouveaux contrats aidés ; 900 agents administratifs dans les tribunaux ; 300 éducateurs et 300 médiateurs ; 500 conseillers pôle emploi… Des moyens financiers, des embauches, des services publics renforcés pour la sécurité, la justice, le sport. Les arts et la culture sont les grands oubliés de la liste des annonces. Les « malveillants » y verront sans doute une sanction face aux dernières mobilisations. Ou tout simplement un oubli ? Alors, au final ce « plan Castex » est-il une avancée majeure pour les villes et quartiers populaires, comme pourrait le laisser à penser une lecture linéaire des mesures annoncées ? Pour les villes directement concernées ou du moins les plus « visibles dans les radars », ces annonces contiennent des avancées. Grigny par exemple va y gagner, vieille revendication mainte fois portée, 7 millions d’euros des travaux d’urgence indispensables à ce que la copropriété dégradée ne sombre pas. Sur le plan de l’insertion et de l’emploi, un objectif de doublement du nombre de jeunes bénéficiant de la garantie Jeune (497€/mois), des crédits pour renforcer les équipes d’accompagnement. Et puis on sort enfin des suppressions successives des postes « aidés » d’animateurs sportifs, de médiateurs, d’éducateurs, de personnels de soutien scolaire. Ces coupes successives entamées sous le précédent quinquennat, poursuivies depuis, et qui ont justement mis à genoux le volet accompagnement social des collectivités. Enfin, certains concepts comme les cités éducatives et leur extension avec les cités de l’emploi méritent qu’on s’y intéresse. Dès lors qu’ils permettent de mieux coordonner les acteurs sur les territoires, de mobiliser des moyens supplémentaires, et de manière plus efficace. Et pas d’enterrer les zones et réseaux d’Éducation prioritaires, comme le craignent les enseignants. Malgré ces critiques légitimes, ces dispositifs marquent justement ce qui manque cruellement à

Par Troadec P.

19 février 2021

Derrière la Covid-19, l’état d’urgence écologique

Depuis plusieurs mois, la crise sanitaire liée à la Covid-19 nous contraint dans nos vies à un état d’alerte permanent. Cette crise sanitaire n’est pas sans lien avec le dérèglement écologique et des événements similaires risquent à l’avenir de se multiplier du fait de l’activité humaine[1]: déforestation irrépressible, fonte du permafrost, migration des parasites, accélération des échanges commerciaux et humains etc. Récemment, un rapport[2] du groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), alertait sur les risques de pandémie plus fréquentes et plus meurtrières si une transformation radicale de notre économie n’advient pas rapidement. En cause, la destruction de la biodiversité par l’homme qui ouvre la voie à d’immenses pandémies par des contacts plus fréquents et plus directs : il existerait 1,7 million de virus inconnus chez les mammifères et les oiseaux, et 540.000 à 850.000 d’entre eux « auraient la capacité d’infecter les humains » – selon l’estimation de la revue Science 2018 citée dans le rapport. Ces mêmes spécialistes appellent à des changements profonds pour prévenir les pandémies et ne plus seulement les guérir, en réduisant l’empreinte de l’activité humaine sur la nature. Ces recommandations rejoignent celles de la lutte contre le changement climatique. Or, nous suivons aujourd’hui et toujours l’une des pires trajectoires des scénarios du groupe international d’experts pour le climat (GIEC), celle d’un réchauffement d’une telle ampleur et d’une telle rapidité qu’il met en danger la survie d’une bonne partie de l’humanité. Cependant, tout est fait pour ne pas lier la pandémie au changement climatique, comme si l’urgence de sauver des vies nous empêchait de traiter l’urgence écologique. C’est pourtant elle qui prépare les crises de demain. Il nous faut aujourd’hui apprendre à faire face sur la durée aux risques de pandémies comme aux conséquences, inéluctables, du changement climatique en préparant notre résilience. Si l’on prend le risque de l’immobilisme, les coûts de gestion des catastrophes à venir atteindront des proportions inégalées. Les experts de l’IPBES affirment d’ailleurs qu’investir aujourd’hui pour éviter ces crises coûtera 100 fois moins cher que de les réparer, pointant le coût déjà annoncé de la Covid-19 entre 8.000 à 16.000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, soit plus de 19% du PIB mondial. Il est donc essentiel aujourd’hui de lier préservation de la biodiversité et du climat, pandémies et crises économiques. A cet égard, l’IPBES formule plusieurs recommandations au plan international et notamment celle de lancer une concertation intergouvernementale sur la prévention des pandémies afin de mutualiser les connaissances scientifiques sur les risques à venir et les efforts communs d’action et de recherche à mener, tout en fixant des objectifs ambitieux de préservation du vivant et pour pallier les risques pandémiques dans tout nouveau projet de développement et d’aménagement territorial[3]. Il est vrai que cette dimension multilatérale manque jusqu’ici tant les pays ont géré isolément la pandémie. Mais les recommandations de l’IPBES sont nombreuses à pouvoir déjà prendre forme au niveau national et l’organisation recommande notamment d’incorporer le coût et le risque de potentielles pandémies dans chaque futur budget[4], de sorte que l’anticipation de tels coûts à venir oblige à mettre en place les moyens d’éviter ces catastrophes. Pour s’inscrire dans ces recommandations, obliger les entreprises à s’inscrire dans une trajectoire responsable est essentiel. A cet égard, le plan de relance et les futurs budgets sont des leviers utiles, à condition de porter des enjeux de transformation. Or, pour traiter l’urgence, l’argent public du récent plan de relance est aujourd’hui versé sans aucune contrepartie réelle de transformations. Comme le rappelle la note de l’Institut, il eut été nécessaire d’exclure les grandes entreprises qui, sans conditionnalité de l’aide, peuvent se financer seules afin de dégager des crédits pouvant être redéployés ailleurs. Par ailleurs, mettre en place des éco-conditionnalités climat est nécessaire pour que toute aide à une grande entreprise soumise au reporting extra-financier puisse être assortie de véritables éco-conditionnalités. C’est là le seul moyen pour que les entreprises aidées réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Concernant les secteurs pourtant fortement émetteurs, peu est fait pour les inscrire dans une trajectoire de transformation contrainte. Le cas le plus emblématique de ces pièges abscons est celui de la croissance de l’aviation dans son état actuel. Dès maintenant, obligeons les investissements vers les mobilités propres et excluons définitivement les fausses solutions telles que les biocarburants de premières générations dont les impacts environnementaux sont désastreux. Multiplions les investissements dans les domaines porteurs tels que le ferroviaire pour reconstruire un réseau dense et lancer une nouvelle génération de trains, fortement porteur d’emplois. De la même manière, dans l’automobile, nous devons opérer dès maintenant un net virage vers les mobilités propres en fixant des objectifs plus ambitieux pour l’industrie automobile[5] et en accompagnant plus fortement les conversions à travers des bouquets d’aides[6] significatives pour éviter les actuels restes à charge désincitatifs pour les ménages les plus modestes. Il n’est pas concevable aujourd’hui de verser autant d’aides aux entreprises sans contreparties sérieuses. Il est primordial d’organiser la résilience de notre pays en mettant en place une véritable politique ambitieuse et volontaire de relocalisation verte de la production en France et en Europe pour l’extraire d’une chaîne de dépendance internationale extrêmement variable. À cet égard, inspirons-nous du Japon qui réorganise ses chaînes d’approvisionnement en incitant ses industriels à relocaliser leur production, en multipliant les recherches sur les matériaux de substitution locaux. Soutenons prioritairement notre tissu de petites et moyennes entreprises à la forte emprise territoriale et non délocalisables. La baisse récemment actée des impôts de productions de 20 milliards d’euros du plan de relance, consistant en une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur deux ans, manque d’ailleurs sa cible puisqu’elle profitera avant tout aux grandes entreprises. En effet, plus de la moitié des entreprises ne contribuent qu’à la cotisation minimum. Cette mesure ne rapportera donc que très peu aux PME et rien aux TPE. Il eût été nécessaire d’exclure de cette baisse les très grandes entreprises

Par Jeanson G.

3 décembre 2020

Vers un retour des irrédentismes en Europe ?

Dans le Caucase méridional, l’Europe vient de vivre un rappel brutal à la réalité des contestations frontalières. Au Haut-Karabagh (4 400 km2 environ), de septembre à novembre, ce sont plus de 4 000 personnes qui sont mortes au combat, sans compter les civils, pour le contrôle d’un territoire grand comme un département français, déchiré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. À l’heure de l’Espace Schengen et du cyberespace, ces guerres de conquête territoriale, ces re-délimitations de frontières nationales pourraient, pour un observateur peu attentif, sembler incongrues, voire anachroniques dans l’espace européen. Plus de 100 et 75 ans après les deux dernières guerres mondiales, déclenchées pour des litiges territoriaux, en Europe, et presque 30 ans après le démantèlement de l’URSS et de la Yougoslavie, la matérialité des frontières, le contrôle souverain de l’espace, se sont à nouveau réaffirmés dans une guerre conventionnelle. Pourtant, sans couverture médiatique, c’est à bas bruit, que les insatisfactions liées au redécoupage historique des frontières nationales ont progressivement gagné en intensité ces dernières années. Au-delà des velléités sécessionnistes et indépendantistes de certaines régions européennes telles l’Écosse, la Flandre, la Catalogne et même l’Italie du Nord (“Padanie”), qui font régulièrement l’actualité, c’est le spectre de l’irrédentisme, aux conséquences plus profondes, qui ressurgit. L’irrédentisme, désignant initialement dès la fin du XIXe siècle l’idéologie de rattachement des terres irrédentes “non délivrées” à l’Italie nouvellement unifiée, se définit désormais comme toute volonté politique de rattachement à un État national des territoires qui lui seraient historiquement, culturellement et linguistiquement liés. Il est par ailleurs souvent question d’une ou de plusieurs minorités dans un État voisin dont on prétexte défendre les droits pour justifier l’irrédentisme. Contrairement aux indépendantismes où un territoire souhaite se détacher d’un État prédécesseur, l’irrédentisme implique un conflit international, entre deux États dont l’un souhaite s’approprier une ou des zones relevant du territoire souverain de l’autre. L’irrédentisme implique donc mécaniquement un conflit entre deux armées étatiques, deux systèmes et peuples organisés. Pour des portions limitées de territoire, pouvant même être une ville ou une zone inhabitée, ce peut donc être des moyens militaires disproportionnés qui sont engagés, avec les conséquences gravissimes qui en résultent : nombre élevés de victimes civiles et militaires, déstabilisation des États, risque d’embrasement des pays voisins. On pourrait croire que ces velléités appartiennent au romantisme et aux livres d’histoire en Europe. L’importance de cette question n’y est en effet pas nouvelle. On pourrait même dire que l’idée d’une protection des droits des minorités par la communauté internationale en est née ! En effet, la Première Guerre mondiale, mettant aux prises des nationalismes avides d’annexions territoriales, a eu pour suite et résolution temporaire plus de dix traités (parmi lesquels les fameux traités du Trianon pour la Hongrie, et de Sèvres pour la Turquie) contenant des stipulations spécifiques aux minorités de ces pays d’Europe centrale et orientale, ce pour protéger leurs droits et libertés, en particulier les libertés civiles, politiques et religieuses. Ces traités prévoyaient explicitement que la protection des minorités relevait d’une “obligation d’intérêt international”, dont le respect était placé sous la garantie de la Société des Nations, prémisse de la future Organisation des Nations unies (ONU). Les années 1920 et 1930 ont ainsi donné lieu à une activité de pétitions auprès du Conseil de la Société et même de saisine de la Cour permanente de justice (respectivement précurseurs du Conseil de sécurité de l’ONU et de la Cour internationale de Justice), et cela sans succès majeur (à l’exception notable de la résolution du conflit des îles Åland en 1921, archipel à population de culture suédoise sous souveraineté finlandaise). Toutefois, malgré cette première tentative de résolution par le droit en Europe, c’est une nouvelle fois une volonté d’expansion territoriale, l’Allemagne revendiquant un “espace vital”, qui a embrasé la deuxième guerre mondiale. Par la suite, sous l’Europe post-Yalta, engoncée dans le pardessus de la guerre froide, ces sujets ont été relégués à un rang second, ne ressurgissant qu’avec la dislocation du bloc socialiste (URSS, Yougoslavie) à travers la question des “nationalités” et de leurs droits, et par extension, celui des minorités nationales dans des pays tiers. A ainsi été ravivé, en Europe centrale et orientale, l’intense débat au sujet des “nationalités” qui avait déjà vu s’affronter dans les années 1920 Lénine et Staline (alors commissaire du peuple aux nationalités). On notera que c’est de ces indépendances et découpages territoriaux non concertés que sont issus les principaux derniers “conflits gelés” en Europe (Haut-Karabagh, Transnistrie en Moldavie, Abkhazie et Ossétie du Sud en Géorgie, et dernièrement Donbass Louhansk et Crimée en Ukraine). De cet héritage en Europe issu de deux guerres mondiales et de l’effondrement d’États plurinationaux, les questions irrédentistes restent nombreuses, mais souvent en sourdine. Toutefois nombre d’entre elles paraissent même relever de l’anecdote. Par exemple, il n’existe actuellement pas de mouvement organisé en France pour ré-annexer les îles anglo-normandes dont Jersey et Guernesey (ce que pourrait par ailleurs regretter tout ministre du Budget français), les contentieux relatifs aux autres îles ayant en outre été tranchés par la Cour internationale de justice en 1953. D’autres mouvements irrédentistes sont aujourd’hui moins actifs, tels ceux du Sud-Tyrol, zone avec un PIB/habitant relativement élevé, demandant son rattachement à l’Autriche, ou ceux outre-Rhin remettant en cause la ligne Oder-Neisse (et le rattachement à l’Allemagne de la Poméranie orientale et de la Haute-Silésie, notamment). Le risque de réactivation du conflit nord-irlandais dans le contexte du Brexit est en revanche une préoccupation. Mais surtout, des risques réels et nouveaux se sont toutefois constitués, notamment en Europe centrale et orientale. La politique dite “néo-magyare” ou “de Grande Hongrie” poursuivie par les autorités hongroises depuis les années 2000 en est l’exemple le plus abouti. Celle-ci vise à renforcer les liens entre l’État hongrois et les populations de culture, voire d’identité hongroise, “magyare”, présentes dans des Etats voisins (principalement en Roumanie, Slovaquie, Serbie, Ukraine). L’importance, notamment numérique de ces populations s’explique par le fait que le Traité du Trianon de 1920 avait démantelé l’Empire austro-hongrois en plaçant plus d’un tiers des populations magyares dans des États successeurs où elles

Par Iss A.

30 novembre 2020

Le treizième travail d’Hercule : privatiser l’électricité française

Le gouvernement est actuellement en pleine négociation avec la Commission européenne afin de trouver un compromis d’ici la fin de l’année au sujet de l’épineux dossier de la refonte de la régulation du nucléaire historique et de l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques. Ce qui est en jeu est tout simplement une scission d’EDF en trois entités distinctes dont la partie la plus rentable serait ouverte aux capitaux privés. Le démantèlement du groupe public, créé en 1946 par le ministre communiste Marcel Paul, marquerait un pas de plus dans l’accomplissement du projet libéral d’une nouvelle privatisation d’un bien commun de première nécessité : l’électricité. Au début du mois d’octobre le monde d’avant s’est brusquement rappelé au bon souvenir du secteur de l’énergie. Terminées l’actualité dominée par l’épidémie mondiale et les priorités données à la gestion d’urgence du parc de production et à l’adaptation d’une consommation d’électricité en baisse et imprévisible : désormais le plan Hercule revient sur le devant de la scène, et le moins que l’on puisse dire c’est que son passage devrait être éclair car « Paris et Bruxelles se donnent deux mois pour trancher l’avenir d’EDF »[1]. L’enjeu est éminemment stratégique et le pouvoir en place le sait, il apparaît ainsi clairement que le gouvernement souhaite faire aboutir les négociations au plus vite pour qu’un maximum de démarches soient engagées avant la présidentielle de 2022 et qu’aucun retour en arrière ne soit rendu possible. Le plan Hercule : quelle origine ? La genèse d’Hercule remonte à une directive européenne de 1996[2] transposée dans le droit français en février 2000 par une loi[3] qui introduit une séparation des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture[4] d’électricité ainsi que l’ouverture à la concurrence de la production et de la fourniture. L’objectif affiché par les institutions européennes est de créer un marché intérieur de l’énergie, dont la pierre angulaire est l’achèvement d’un « marché de l’électricité concurrentiel et compétitif ». Le raisonnement est ici tout ce qu’il y a de plus classique en matière de libéralisme économique : l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité permettra à coup sûr de proposer de l’électricité moins chère aux consommateurs, de stimuler l’innovation commerciale via de nouvelles offres de marché et d’améliorer la qualité de service. Or, EDF était il y a encore vingt ans l’acteur unique sur tout le territoire français, en situation de monopole sur l’ensemble de la chaîne de l’électricité, et reste aujourd’hui encore une entreprise du monde de l’énergie à part puisqu’il s’agit du deuxième producteur mondial d’électricité[5] aux commandes de la majorité de la production française qui agit comme un véritable château d’eau européen[6]. Les filiales d’EDF, RTE et Enedis[7], assurent en outre le transport et la distribution de l’électricité sur la quasi-intégralité du territoire[8]. D’autre part, il ne faut pas oublier qu’EDF appartient encore à 83,68 % à l’État[9] et que cette dernière caractéristique n’est certainement pas non plus du goût des institutions européennes. Enfin, en ce qui concerne la fourniture d’électricité, l’entreprise détient toujours un portefeuille de plus de 24 millions de clients en 2020[10] et ce, malgré la politique qui a été mise en place depuis une dizaine d’années. En effet, pour permettre aux acteurs privés d’investir le secteur de la fourniture d’électricité face au géant public EDF, il a fallu créer les conditions permettant l’émergence d’offres de marché plus attractives que celles proposées par le service commercial d’EDF qui bénéficiait directement de la production massive d’électricité bon marché, bas-carbone et pilotable issue des parcs nucléaire et hydraulique exploités par le groupe. Afin de casser ce monopole public, le gouvernement Fillon a ainsi mis en place le mécanisme de l’Accès régulé au nucléaire historique (ARENH) en 2010[11]. Depuis mi-2011, ce mécanisme permet aux concurrents d’EDF d’acheter à prix coûtant[12] un volume de 100 TWh d’électricité nucléaire, soit environ 25 % de la production nucléaire du groupe, ceci jusqu’en 2025. Dès lors, les fournisseurs alternatifs disposent d’une option gratuite qu’ils peuvent activer si les prix du marché de l’électricité évoluent à la hausse et dépassent ce montant[13], ce qui s’est passé en 2019 où EDF a été contraint de vendre 100 TWh à 42 €/MWh plutôt qu’au prix de marché. C’est donc bien en partie grâce à l’ARENH que les concurrents d’EDF sont en mesure de proposer des tarifs inférieurs au Tarif réglementé de vente (TRV). Le bilan de l’ARENH est ainsi sans appel pour EDF qui perd plus de 150 000 clients par mois. La date de la fin de ce mécanisme approchant, et face à l’opposition qu’il suscite (même de la part du PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, reconduit par Emmanuel Macron en 2019[14]), le gouvernement a décidé d’élaborer les contours d’un nouveau dispositif permettant à la fois de véritablement couvrir l’ensemble des coûts en hausse du nucléaire ainsi que de permettre aux autres fournisseurs de continuer de gagner des parts de marché[15]. L’option actuellement sur la table des négociations avec la Commission européenne est ainsi de permettre à l’ensemble des fournisseurs d’accéder à 100 % de la production nucléaire d’EDF (historique et nouveau nucléaire) à un prix de vente régulé par les pouvoirs publics. Pour cela, l’activité de production nucléaire du groupe serait regroupé dans une société totalement publique nommée « EDF Bleu », tandis que la division commerciale serait séparée et placée dans une autre société partiellement publique appelée « EDF Vert » : c’est ce projet de scission qui porte le nom de « plan Hercule ». Les trois couleurs d’Hercule Le plan Hercule vise donc, d’une part, à créer un EDF Bleu entièrement contrôlé par l’État qui aurait la main sur l’ensemble du parc nucléaire[16] et, d’autre part, un EDF Vert qui regrouperait les activités se trouvant dans un secteur concurrentiel. Une fois réalisée cette première ébauche de scission du groupe EDF, plusieurs détails importants restent néanmoins à régler. En premier lieu, aux côtés de la fourniture d’électricité, EDF Vert réunira plusieurs filiales évoluant d’ores et déjà dans un secteur concurrentiel comme les nouvelles énergies renouvelables (EDF Renouvelables) ou les services d’efficacité énergétique (Dalkia). En conséquence, il paraît donc logique aux

Par Tarcoiz Y.

25 novembre 2020

La qualité de la vie démocratique : un affaissement dangereux

Alors que la proposition de loi relative à la sécurité globale est en cours de discussion à l’Assemblée nationale, me vient l’image du comportement de la grenouille plongée dans l’eau bouillante ou dans de l’eau froide portée progressivement à haute température. Dans le premier cas, elle saute en dehors de la marmite et se sauve ; dans le second, elle se laisse faire, sidérée par l’élévation progressive de la chaleur, et succombe. Où en sommes-nous, après une vingtaine de lois renforçant la lutte contre le terrorisme depuis 1986 et deux états d’urgence successifs ? De l’insertion dans le droit commun des principales mesures de l’état d’urgence anti-terroriste, organisée par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) d’octobre 2017, à l’empilement du second état d’urgence relatif à la situation sanitaire, nous assistons au rétrécissement de nos libertés. La création de nouvelles infractions témoigne du goût prononcé de nos gouvernants pour le répressif. Alors que le droit pénal sanctionne déjà le harcèlement, les insultes et les menaces, c’est la possibilité de diffuser des images – et en amont de filmer l’action des forces de l’ordre dans l’espace public – que l’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale entend largement restreindre, sous peine de prison. La liberté d’informer et la liberté des citoyens de dénoncer les exactions policières sont menacées, dans un contexte où l’impartialité et l’indépendance de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) sont questionnées. Fort heureusement, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel offerte au citoyen via une question prioritaire de constitutionnalité pourrait permettre de confronter ces dispositions à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui pose, avec force, un principe essentiel : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Alors que la liberté de manifester n’a jamais été aussi réduite, la proposition de loi relative à la sécurité globale réactive la crainte d’une société de surveillance, légalisant les drones, ouvrant la voie aux recoupements de fichiers et d’images, ainsi qu’à la reconnaissance faciale. Elle fait peser une menace pour la protection de nos données personnelles, et avec elle pour le respect de notre vie privée. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le procédé. Cette proposition de loi est discutée en procédure accélérée, sans étude d’impact ni consultation du Conseil d’État, précisément au moment où la mobilisation citoyenne, sidérée comme la grenouille par un millefeuille de crises, est la plus difficile. D’autres projets de textes législatifs révèlent ce goût du répressif. Ainsi, le blocage des établissements d’enseignement supérieur, déjà sanctionné administrativement, devient un délit pénal assorti d’une peine de prison par la loi de programmation de la recherche. Plus encore, le Gouvernement annonce vouloir rompre avec l’équilibre qui prévaut depuis deux siècles et demi, en rompant avec l’essence de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui faisait de la liberté d’expression le principe, et de ses abus, l’exception. Or, la qualité de notre vie démocratique se mesure à l’ampleur des canaux d’expression du mécontentement des citoyens. Elle dépend largement de la robustesse de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance de la justice, de la liberté de la presse, et de l’étendue de l’espace dévolu à la société civile. Séparation des pouvoirs d’abord. Du fait de l’empilement des lois d’urgence, jamais l’exécutif, déjà bien servi par la Constitution de la Vème République, n’aura été aussi puissant en temps de paix. Le Parlement est relégué à une fonction d’information, de contrôle et de ratification, depuis que le gouvernement a obtenu l’autorisation de légiférer par voie d’ordonnances sur des pans entiers de notre droit concernant les libertés publiques. Le récent épisode au cours duquel le ministre de la santé, ulcéré par la réduction de la durée de l’état d’urgence sanitaire, vient dans l’hémicycle tancer les députés pour avoir voulu exercer leur mission et susciter un débat démocratique avant une éventuelle prorogation, devrait nous interpeller. Indépendance de la justice ensuite. Les alertes des plus hauts magistrats du pays révèlent le niveau des menaces pesant sur l’indépendance de la justice. À cet égard, les attaques menées contre le Parquet national financier – ce parquet qui a fait tant de mal aux puissants de la sphère économique comme politique – constitue un nœud d’inquiétudes. Liberté de la presse encore. Des propos du secrétaire d’État au numérique sur la nécessité de fonder un conseil de l’ordre des journalistes, aux auditions spectaculaires de journalistes suspectés de recel d’informations classées secret défense, jusqu’à l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, la liberté d’informer se trouve fragilisée. Fort heureusement, le pluralisme des médias et le professionnalisme de la profession témoignent de la vitalité du quatrième pouvoir. Reste enfin l’espace dévolu à la société civile. L’encadrement de la liberté d’expression, les limitations de la liberté de manifester, la tentation de la surveillance généralisée de l’espace public, sont autant de signaux inquiétants. Toutefois, riche d’un tissu associatif robuste, la puissance mobilisatrice de l’engagement des citoyens reste intacte. Au moment où la voix de la France, nouvellement élue au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, est attendue pour porter haut et fort nos valeurs universelles, ces restrictions aux libertés ne passent pas inaperçues dans le reste du monde. De la Cour européenne des droits de l’homme aux titulaires de mandat des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme, les mécanismes internationaux de contrôle soulignent les atteintes portées aux droits humains. Dès lors, suivant une logique implacable, ce sont désormais les conventions internationales des droits de l’Homme et l’état de droit qui sont accusés d’entraver l’efficacité de la puissance publique. C’est oublier que c’est dans l’intérêt de leurs ressortissants que les États ont négocié et ratifié ces traités internationaux. Car, la vocation des droits de l’Homme est de faire reculer la raison d’État.

Par Lafourcade M.

22 novembre 2020

États-Unis : d’un président à l’autre, saisir les ruptures et voir les continuités

Il est trop tôt pour savoir quelle sera précisément la politique étrangère de Joe Biden. C’est d’autant plus vrai qu’aux États-Unis le Congrès joue un rôle important en la matière et que le Sénat a de bonnes chances de rester républicain, tandis que les démocrates restent divisés entre centristes et progressistes. Le programme de celui qui fut président de la commission des affaires étrangères du Sénat (2001-2003 et 2007-2009) n’a accordé qu’une importance secondaire à la politique extérieure. Joe Biden s’est toutefois entouré de conseillers expérimentés (Antony Blinken, Jake Sullivan, Michèle Flournoy…) qui ont exercé des responsabilités sous Barack Obama et suivi un cursus classique alternant postes dans l’administration et passages dans des think-tanks influents. C’est aussi le cas de Kathleen Hicks, qui a pris la tête de l’équipe de transition au département de la défense. Autrement dit, des représentants de ce que les critiques appellent the blob, l’establishment qui façonne le discours centriste et volontiers interventionniste dominant à Washington. Si la campagne a été centrée sur la lutte contre le coronavirus et la situation économique, quelques lignes de forces se dégagent néanmoins : réinvestissement des institutions multilatérales et des systèmes d’alliances, réintégration de l’accord de Paris sur le climat ainsi que de l’accord sur le nucléaire iranien, attention portée aux droits de l’homme y compris en matière de politique migratoire. De manière plus générale, Joe Biden entend rétablir l’influence des États-Unis non seulement par un changement de style mais aussi par une restauration du soft power américain. Voilà pour les ruptures. Mais on retrouve aussi des éléments de continuité, en particulier la volonté de poursuivre le désengagement du Moyen-Orient et l’adoption du paradigme de la rivalité stratégique sino-américaine. Par ailleurs, quoi qu’en dise le président élu, l’unilatéralisme américain ne disparaîtra pas : Joe Biden n’a ainsi pas l’intention de renoncer aux sanctions économiques ayant un effet extraterritorial. Cette continuité dans l’alternance n’a rien de surprenant puisqu’elle se dessinait déjà entre les deux mandats de Barack Obama et la présidence de Donald Trump. Le premier a voulu amorcer, certes avec un succès limité, le retrait américain d’Afghanistan et d’Irak que le second a poursuivi jusqu’à conclure un accord avec les talibans (2020). C’est ainsi que Barack Obama choisit la posture du leading from behind en Libye (2011) et renonça à intervenir en Syrie (2013). La fatigue stratégique face aux forever wars et la réduction de la dépendance énergétique des États-Unis conspiraient en faveur d’une politique de retrait, nuancée par la poursuite des opérations antiterroristes et contrariée par la montée en puissance de l’État islamique. Ce retrait a néanmoins pris forme et laissé la place à d’autres puissances, Iran, Turquie, et bien sûr Russie. Cette dernière, bien avant les complaisances de Donald Trump vis-à-vis de Vladimir Poutine, a bénéficié du reset des relations décidé par Barack Obama (2009). Il est vrai que les relations russo-américaines se sont fortement dégradées entre-temps, mais l’alliance atlantique, reformée dans la guerre contre la terreur, n’en a pas moins perdu de sa centralité. Quant à Joe Biden, s’il a l’intention de jouer la fermeté vis-à-vis de la Russie, il devrait poursuivre dans les grandes lignes la stratégie de désengagement du Moyen-Orient. C’est que les États-Unis regardent désormais vers le Pacifique. Là encore, c’est Barack Obama qui amorça le pivot vers l’Asie (2011) afin de contrebalancer la montée en puissance de la Chine, que son prédécesseur George Bush avait déjà qualifiée de concurrent stratégique. Certes, Donald Trump a porté la rivalité sino-américaine à un niveau sans précédent, en particulier ces derniers mois : revitalisation du format Quad (États-Unis, Australie, Inde, Japon), opposition aux prétentions de Pékin en mer de Chine méridionale, visites de hauts responsables américains à Taïwan, mises en garde contre la diplomatie chinoise de la dette en Afrique et en Asie du Sud, et bien sûr appels à un découplage économique et technologique symbolisé par les décisions prises à l’encontre de Huawei et TikTok. De son côté, la Chine n’a pas été en reste pour affirmer sa puissance : militarisation de la mer de Chine méridionale, multiplication des incursions au-delà de la ligne médiane qui sépare le continent de Taïwan, introduction d’une législation répressive à Hong-Kong au mépris de la formule d’un pays, deux systèmes, montée des tensions avec l’Inde dans le Ladakh, diplomatie dite des loups combattants mettant en cause les démocraties et vantant la gestion chinoise de la crise sanitaire… Or Joe Biden, s’il marquera certainement une rupture dans le style, a indiqué qu’il entendait faire preuve de fermeté vis-à-vis de la Chine. Les lois promulguées par Donald Trump au début de l’été sanctionnant des responsables chinois en raison de leur implication dans la répression dans le Xinjiang et à Hong-Kong ont d’ailleurs été adoptées à la faveur d’un très large consensus bipartisan. En réinvestissant les institutions internationales et l’alliance atlantique, la nouvelle administration entendra certainement utiliser son ascendant retrouvé pour contrecarrer la puissance chinoise. L’Europe, quoique naturellement plus proche de Washington que de Pékin, devra veiller à n’en pas être dupe. Le multilatéralisme ne saurait être la projection des seuls intérêts américains, ni le théâtre d’un affrontement à somme nulle entre les États-Unis et la Chine. S’il convient de montrer de la fermeté vis-à-vis de cette dernière pour préserver notre souveraineté, nos valeurs et un système international fondé sur le droit, il n’est pas souhaitable pour autant d’entrer dans une logique de guerre froide. La Chine, dont la (re)montée en puissance est assez naturelle au regard de l’histoire et de la démographie, est un acteur incontournable avec lequel nous devons chercher à avoir un partenariat exigeant, notamment pour la gestion des biens public mondiaux tels que l’environnement. De manière plus générale, l’élection de Joe Biden porte le risque de remettre en cause les efforts de consolidation de l’autonomie stratégique européenne que l’attitude de Donald Trump avait progressivement imposés. C’est au contraire le moment d’affirmer cette autonomie, non seulement face à la Chine mais aussi face à la Russie et à la Turquie (membre de l’alliance atlantique) qui jouent de nos faiblesses, ainsi qu’en Afrique, continent lointain

Par Galois F.

13 novembre 2020

Taxe sur les transactions financières : nous voulons la vraie version !

Après le laborieux accord entre les chefs d’États et de gouvernements sur le plan de relance, le 21 juillet dernier, les négociations budgétaires européennes continuent de patiner. En effet, cet accord n’engage pas le Parlement européen qui doit également, en tant que co-législateur, voter (sans pouvoir l’amender en séance toutefois) le règlement du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. Or ses demandes sur le volet financement et dépenses, où il a formulé quinze priorités, ou encore sur des conditionnalité liées à l’état de droit et aux objectifs climatiques, ne sont pas consensuelles au sein du Conseil européen, au sein duquel le consensus est requis pour l’adoption du budget pluriannuel européen. La ligne de crête de la présidence allemande du Conseil est donc ténue : celle-ci doit faire des concessions aux parlementaires sans remettre en cause les grandes orientations des conclusions de l’accord de juillet. Elle n’est guère aidée par la radicalité de certaines positions à commencer par le tandem Hongrie-Pologne (refusant toute conditionnalité autre que symbolique sur l’état de droit) ou le groupe des frugal-four nordiques toujours aussi sceptiques sur le plan de relance et toujours aussi soucieux de ne pas augmenter leur contribution nationale au budget communautaire. La députée européenne Renew Europe Valérie Hayer, rapporteure du volet financement du budget pluriannuel, estime que le meilleur moyen de dépasser le débat sur le juste retour et le chantage à la contribution déployé par les États frugaux est l’introduction de nouvelles ressources propres, c’est-à-dire d’une fiscalité propre à l’Union – à l’instar des droits de douanes sur les importations hors UE – et non dépendante des États membres. Le remboursement des 390 milliards d’euros de subventions du plan de relance, qui seront à rembourser en commun, aiguise cette tension. En effet, trois solutions sont susceptibles d’être mise en oeuvre au moment du premier remboursement en 2028 : rembourser dans les plafonds de dépenses environ 15 milliards d’euros par an, ce qui grèverait à concurrence les programmes du maigre budget européen (plafonné à un peu plus de 150 milliards d’euros d’euros par an soit 1 % du PIB européen) d’un dixième de son volume ; augmenter ces plafonds de dépenses d’autant et donc les contributions nationales, ce qui semble déjà inacceptable au regard des positions nordiques (rappelons que l’unanimité sera une nouvelle fois requise pour le vote du prochain cadre) ; trouver un financement alternatif et nouveau, c’est à dire des ressources propres, permettant de rembourser l’emprunt commun voire diminuant les contributions nationales. Le Parlement européen, institution fédérale, penche pour les deux dernières alternatives. La France, depuis le discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron a défendu très clairement la troisième solution avec le peu de succès que l’on sait : pour l’instant, aucune vraie ressource propre – la ressource plastique introduite étant une contribution des États membres – n’est actée. C’est dans ce contexte que le député européen du groupe Socialistes et Démocrates Pierre Larrouturou, rapporteur général du premier budget de la période 2021-2027, a mis à l’agenda une solution en apparence magique : l’introduction d’une taxe sur les transactions financières. S’appuyant sur l’étude d’impact de la Commission Barroso, qui sous l’impulsion du gouvernement français (ce gouvernement avait même fait voter en février 2012 la transcription de la proposition européenne en France), avait fait en 2011 une proposition de taxe européenne sur les transactions financières ambitieuse par son assiette (ensemble des transactions financières dont les transactions intraday et le trading haute fréquence, ensemble des actions dont les produits dérivés), le rapporteur général estime les recettes d’une telle ressource à 50 milliards d’euros par an, somme largement suffisante pour rembourser l’emprunt commun et même diminuer les contributions nationales. La proposition de la Commission avait finalement été écartée en 2013 suite à l’opposition du Royaume-Uni, du Luxembourg, de la Suède, des Pays-Bas, de l’Irlande et de la France (qui avait entretemps changé de gouvernement). Le lobby bancaire, dont l’influence est particulièrement forte à Bercy du fait des nombreux allers retours des hauts fonctionnaires entre Trésor public et grandes banques, avait en effet réussi à éteindre le soutien français à cette proposition de taxe inspirée de l’économiste James Tobin, conçue comme un moyen de ralentir les flux financiers et de lutter contre la spéculation financière. Le ministre des finances de l’époque, Pierre Moscovici avait alors déclaré que « la taxe sur les transactions financières suscite des inquiétudes quant à l’avenir industriel de la place de Paris et quant au financement de l’économie française » : belle illustration de la lutte contre l’« ennemi » du président François Hollande. Afin de limiter la déconvenue politique d’une suppression de la transcription française, Bercy avait créé une « fausse » taxe sur les transactions financières. Celle-ci comportait trois composantes : une taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés (essentiellement des actions) ; une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d’opérations à haute fréquence ; une taxe sur les acquisitions de contrats d’échange sur défaut (credit default swap ou CDS) d’un État. La Cour des Comptes, le 19 juin 2017, a, dans une note aux ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, estimé que « si le rendement budgétaire de la taxe est réel (environ un milliard d’euros), aucun des trois objectifs stratégiques (faire contribuer le secteur financier au redressement des finances publiques, exercer une action de régulation sur les marchés financiers, initier un mouvement d’adhésion des autres États au projet de la Commission) qui lui avaient été assignés n’a été atteint. ». Celle-ci ne pèse en effet plus sur le secteur financier : les prestataires de services d’investissement reportent les coûts sur leurs clients – c’est-à-dire les cadres supérieurs avec un portefeuille d’actions – et les activités les plus spéculatives (comme les produits dérivés) ne sont pas taxées. De même le trading haute fréquence est quasiment exclu de l’assiette : le seuil de déclenchement étant très élevé (la taxe ne se déclenche que si la proportion d’ordres annulés ou modifiés dépasse 80 % au cours d’une même journée), les activités de tenue

Par Rossel L.

25 octobre 2020

Le désir de Loi face à la Loi du désir Les ressorts moraux de l’adhésion à la vision islamiste du monde

La mort de Samuel Paty tué par un criminel islamiste a excessivement choqué l’ensemble des citoyens français car, outre son caractère ignoble quant au mode de perpétration, elle atteint comme jamais auparavant l’institution qui incarne ce qui reste du sacré républicain, c’est-à-dire l’école. Ce qui demeure en outre tout à fait choquant c’est que le déroulement de cette sinistre séquence d’une barbarie incroyable semble concentrer tous les maux qui demeuraient à l’état latent au sein de l’institution scolaire, comme si un ensemble de forces jamais émergées, mais présentes de manière invisible, avaient trouvé en cet événement un point nodal pour se manifester. Si l’islamisme radical est naturellement le coupable, il faut nous interroger sur comment il peut avoir autant d’emprise, sur comment une vision religieuse fondamentaliste du monde a pu acquérir tant de légitimité dans la jeunesse. Paradoxalement, l’un de ses facteurs est le relativisme moral. Lorsqu’on est professeur de philosophie dans un lycée de banlieue et que l’on a la responsabilité considérable d’évoquer la religion et d’autres sujets cruciaux comme le désir et donc l’amour, le premier constat que l’on dresse n’est pas celui du règne du dogmatisme et de l’intolérance : c’est tout l’inverse. Il règne en effet au contraire dans les classes une forme de relativisme absolu tout à fait déroutant, car ce relativisme n’épargne ni les choix moraux ni les affirmations scientifiques. Toutes les croyances se valent, mais ma croyance a une valeur absolue et nul ne peut la discuter, la juger. Elle appartient à l’individu, elle le définit par ailleurs. Rien n’est absolu si ce n’est ce « rien n’est absolu ». Ce qui est devenu tout à fait scandaleux pour nos élèves c’est l’idée de vérité[1] qui s’imposerait universellement. On pourrait penser dans un premier temps que cette attitude permet de résister à l’embrigadement et aux certitudes, mais, bien au contraire, elle nourrit en réalité une possibilité de déformer les faits à sa convenance, car elle n’a rien d’un scepticisme distancié comme Montaigne le recommandait. Hannah Arendt rappelait dans Du mensonge à la violence le caractère violent de la vérité qui s’impose à tous sans discussion possible. La vérité est « fasciste » comme la langue chez Barthes. Cette violence inhérente à la vérité est aujourd’hui perçue comme dictatoriale et c’est la figure de Socrate qui est vilipendée comme dogmatique pour vouloir rechercher cette vérité. Socrate ose dire que certains choses ne dépendent pas de mon opinion ou de mon bon plaisir, que le sujet n’est pas la source de toute vérité. Une découverte qui laisse sans voix beaucoup de jeunes. Arendt nous rappelait, quant à elle, que la vérité est au contraire ce qui résiste à l’opinion, ce qui résiste aussi aux pouvoirs et donc que la vérité est haïe des dictatures, car elle est une contrainte bienheureuse avec laquelle les tyrannies doivent composer ou qu’elles doivent dissimuler pour étendre leur pouvoir. Le rejet contemporain massif de la notion même de vérité prépare le triomphe de la sophistique et des discours flatteurs, elle prépare une victoire massive de tous les Protagoras modernes, cette fois réunis sous l’étendard du triomphe de l’individu. Parmi ces individus se glissent des idéologues et des monstres. Nous tentons d’opposer le goût de la discussion rationnelle, le doute sur les préjugés comme passage obligé vers le sommet de la Caverne. On constate cependant que, une fois le goût de la vérité perdu, c’est la possibilité même de s’opposer à des grands récits autoritaires qui s’évapore. Le prix politique de ce relativisme envahissant, nous sommes certainement en train d’en payer les premières traites puisqu’il a deux effets : le premier est de privilégier la croyance au savoir, le second est d’absolutiser cette croyance par le principe même que j’en suis au fondement. Il est d’ailleurs parfois cognitivement impossible à des élèves d’admettre une vérité qui ne soit pas d’abord la leur, tant l’écart avec leurs habitudes de pensée est immense. On le devine, cet état d’esprit que nous avons parfois créé au nom d’un concept de tolérance ramolli et informe est un excellent allié pour les intégristes et extrémistes de tous bords car il permet de faire d’une opinion même scandaleuse, par exemple, une opinion avant tout. La nouveauté est qu’elle prend la valeur du savoir qu’elle n’est certes pas, mais que celui qui s’en réclame demande qu’on la reconnaisse pour telle, et surtout, qu’on le reconnaisse à travers elle. Notons que ce processus a envahi les milieux militants et les sciences sociales où l’on fait de l’expérience un savoir. Dans un tel monde, les croyances ont une valeur absolue car il n’y a qu’elles. Elles ont désertifié le paysage mental, totalement minéralisé et dévitalisé. Il nous devient alors très difficile d’atteindre ces croyances et de créer un raisonnement commun. Nous avons par imprévoyance et maladresse contribué à la dissolution du commun et laissé s’ériger un polythéisme de valeurs inconciliables. L’idéologie islamiste ne fait que se répandre dans le bunker imprenable de la subjectivité érigée en absolu. Ce qui nous arrive est la rencontre d’une pathologie de l’islam avec une pathologie sociale. Il est urgent de reprendre à l’école un discours capable de nommer les choses et de ne plus craindre de poser des vérités, de réaffirmer qu’aussi respectable soit la foi, par exemple, elle ne fournit aucune certitude et qu’elle demeure un mode second de connaissance qui ne peut revendiquer la moindre égalité avec la raison, ce qui était tout l’objet de l’œuvre entière de Spinoza. Contre ce relativisme, l’invocation pavlovienne de la liberté d’expression sera de peu de poids puisqu’elle reprend l’argument de l’égale valeur des opinions. Lorsque les attentats de Charlie Hebdo ont eu lieu, beaucoup ont constaté que des élèves justifiaient ce qui s’était passé et retournaient comme un gant le problème de la liberté d’expression avec l’exemple de Dieudonné. On a ainsi vu des enseignants perdre pied et demander littéralement de l’aide face à un argument aussi retournable. La conviction que l’on peut développer ici est que l’angle de la liberté d’expression n’est plus celui par lequel il faut prendre le

Par Ménager F.

22 octobre 2020

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