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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Notes

Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique ?

Si l’importance cruciale de la reconstruction écologique de nos sociétés n’est plus à démontrer et fait l’objet d’un large consensus, son ampleur, son financement et les modalités de sa mise en œuvre demeurent très largement discutés, ce qui en fait un objet politique de toute première importance. Une véritable reconstruction écologique suppose en effet des moyens financiers importants, difficiles à mobiliser sans une action déterminée de l’État, des banques centrales et des institutions financières publiques afin de compenser ce que le marché seul ne pourra pas réaliser. Une telle action ne peut que reposer sur une vision différente de la politique monétaire et budgétaire sur les plans théorique et pratique. Cette note propose des solutions concrètes pour parvenir à un financement adéquat de la reconstruction écologique, en distinguant ce qui peut être effectué dans le cadre juridique et financier européen actuel et ce qui pourrait être obtenu en allant au-delà de ce cadre. Elle insiste également sur la différence d’ambition entre le Green deal présenté aujourd’hui au niveau européen et le Green New Deal tel qu’il est souhaité par de nombreux acteurs.   Introduction   La reconstruction écologique de nos sociétés est un impératif pour notre survie et une chance à saisir dans l’histoire du progrès humain. Nous le savons : la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère est aujourd’hui d’environ 415 parties par million (ppm), soit un niveau inédit dans toute l’histoire de l’humanité. La dernière fois qu’un niveau similaire avait été atteint, c’était il y a trois millions d’années, alors que les températures étaient 3 à 4°C plus élevées. Le niveau des océans était alors de 15 mètres plus élevé qu’aujourd’hui, une réalité que nous pourrions de nouveau connaître au XXIIe siècle à trajectoire constante. Cette atteinte à la planète se double d’une atteinte à la vie : la sixième extinction de masse devient une réalité puisque nous avons perdu 60% des effectifs d’animaux sauvages de la planète en moins d’un demi-siècle, soit un rythme cent à mille fois supérieur au taux naturel de disparition des espèces. Éclairés par ce que la science du climat nous permet de comprendre de notre avenir et des conséquences de notre action, nous voici également placés devant l’opportunité de repenser en profondeur notre manière d’habiter la Terre, en décarbonant notre production d’énergie, nos modes de transports et d’habitation, en protégeant la biodiversité et en nous donnant les moyens de bâtir une économie circulaire digne de ce nom. En effet, les périodes de crise, comme les périodes de guerre ou de reconstruction, ont cet avantage qu’elles peuvent nous permettre de dépasser les frilosités idéologiques et l’inertie de l’habitude pour mettre en place de nouveaux modèles de société et retrouver ainsi la voie démocratique du progrès social, qui, sans ce changement de cap, est rendu impossible par la dégradation du milieu duquel nous dépendons pour toute notre économie. Toutefois, la multiplication des discours écologistes contraste de plus en plus avec la faiblesse des propositions, des mesures avancées et des résultats obtenus. En effet, financer un « Green New Deal », c’est-à-dire un vaste programme de reconstruction écologique qui inclut une dimension sociale et permette un véritable découplage entre l’amélioration de la qualité de vie de toutes et de tous et l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables, suppose de mobiliser des moyens humains et financiers significatifs. Or, malgré quelques mécanismes d’incitation plus ou moins efficaces, la sphère financière et le secteur privé s’avèrent très largement incapables de financer et d’organiser seuls l’effort de reconstruction écologique et de s’imposer les cadres réglementaires nécessaires. L’objet de cette note est donc d’abord de rappeler le contenu et les enjeux financiers d’un véritable programme de reconstruction écologique, ainsi que les obstacles institutionnels et politiques qui s’opposent à leur réalisation et les limites de ce que peut réaliser le « marché », livré à lui-même, dont on attend tout aujourd’hui. Elle propose ensuite des solutions financières concrètes pour dépasser ces contraintes afin de créer les conditions de mise en œuvre d’un réel programme de reconstruction écologique en France et en Europe.     Table des matières I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants. A. Un plan de reconstruction écologique suppose d’investir des sommes significatives qui constituent une opportunité de renouer avec le progrès. B. Le secteur privé ne pourra pas répondre seul au défi de la reconstruction écologique. C. « Green Deal » vs « Green New Deal » : distinguer deux niveaux d’ambition. II. Passer la première et financer une véritable reconstruction écologique A. Il existe des marges de manœuvre importantes qui ne sont pas exploitées dans le cadre juridique actuel 1) Identifier ce qui est bon pour la reconstruction écologique pour guider les investissements. 2) Utiliser le levier fiscal et celui de la commande publique dans un souci d’efficacité et de justice 3) Utiliser les Banques publiques d’investissement pour investir rapidement. 4) Mobiliser l’épargne des Français. B. Des actions non conventionnelles peuvent être défendues à la frontière de ce qu’autorisent les Traités 1) Remettre en cause la « neutralité » de la politique monétaire pour agir en faveur du climat et de la biodiversité. 2) L’annulation des dettes publiques détenues par la banque centrale en échange d’investissements verts C. Penser hors du cadre et mettre en œuvre une réforme ciblée des traités en matière budgétaire et monétaire au profit de la transition écologique. 1) Réformer la politique budgétaire et les aides d’État pour augmenter la capacité d’investissement dans la reconstruction écologique. 2) Réviser les règles en matière d’aides d’État 3) Utiliser l’arme de la monnaie libre comme pilier de la reconstruction écologique. 4) Une telle politique est-elle soutenable ?. 5) Des externalités économiques positives, facteur de dynamisme et d’innovation. D. Redynamiser l’économie dans son ensemble, résorber le chômage Conclusion.   I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants La présente note fait le choix d’utiliser le terme de « reconstruction écologique » plutôt que de « transition écologique » pour insister sur le caractère matériel généralisé

Par Giraud G., Dufrêne N., Gilbert P.

25 février 2020

Affranchir l’agriculture des pesticides, enjeu central de la transformation agricole

Affranchir l’agriculture française des pesticides est un enjeu écologique et sanitaire majeur. Il se heurte au profond verrouillage du système agricole autour du couple espèces dominantes – intrants chimiques, dont les agriculteurs ne peuvent pas sortir seuls. La sortie des pesticides ne se fera qu’à trois conditions : premièrement, que le plan de sortie des pesticides ne consiste pas en un simple remplacement des traitements chimiques par des techniques de bio-contrôle, mais en une profonde transformation des systèmes de culture, seule à même de faire baisser durablement la pression des ravageurs et des mauvaises herbes ; deuxièmement, que ce plan de sortie des pesticides s’accompagne d’un grand plan de diversification agricole, assorti de mesures incitatives et contraignantes pour que l’amont et l’aval agricole s’investissent pleinement en faveur des espèces minoritaires, aujourd’hui largement délaissées ; troisièmement, que des mesures fortes soient prises pour supprimer les distorsions de concurrence avec les pays de l’Union européenne et avec les pays tiers ayant des normes sociales, sanitaires et environnementales moins élevées. Note aux lecteurs : Il va de soi que la transformation agricole est un vaste chantier. Cette note n’a pas vocation à lister l’ensemble des modifications à opérer dans le système agricole au sens large, mais à mettre en lumière quelques aspects fondamentaux et trop souvent absents des débats sur la transformation agricole. D’autres notes auront vocation à développer et compléter ce cadrage initial, notamment sur le sujet majeur de l’enseignement agricole et de l’installation/transmission des exploitations agricoles. Introduction   À la fin des années 1940, l’utilisation de pesticides[1] de synthèse s’est peu à peu imposée dans l’agriculture française comme l’un des piliers de la modernisation agricole, avec celle des engrais chimiques, des variétés « améliorées » et de la mécanisation. Deux générations plus tard, force est de constater que les pesticides et leurs résidus sont partout : dans nos cours d’eau[2], nos aliments[3], nos cheveux et nos urines[4]. Cette situation a un coût humain et environnemental important. Concernant la santé humaine, une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)[5] a montré que l’exposition professionnelle aux pesticides entraîne une augmentation significative des risques pour plusieurs pathologies comme la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate, et certains cancers hématopoïétiques. Une enquête menée dans le cadre du Plan Ecophyto sur une cohorte d’agriculteurs (Agrican) a également montré que la totalité des 18 activités agricoles étudiées « était associée de façon défavorable à au moins un cancer, certaines de façon assez récurrente comme la culture de légumes en plein champ ou les cultures sous serres »[6]. Malgré cette dangerosité avérée de l’exposition professionnelle aux pesticides, l’ANSES[7] constatait en 2016 que « les données relatives aux expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture sont lacunaires et aucune organisation en France n’est en charge de les produire »[8]. Par ailleurs, les autorités européennes continuent de délivrer des autorisations de mises sur le marché pour les pesticides à usage agricole, conditionnées au fait que les utilisateurs emploient des équipements de protection individuelle. Or, une récente étude[9] a montré que ces conditions « sécuritaires » d’utilisation des pesticides ne sont jamais rencontrées en conditions réelles car elles ne prennent absolument pas en compte les contraintes pratiques rencontrées par les agriculteurs. Concernant les atteintes portées à l’environnement, il est aujourd’hui avéré que les pesticides sont, avec la destruction des milieux naturels, une des principales causes du déclin massif de la biodiversité[10],[11]. Là encore, l’évaluation réglementaire au niveau européen est insuffisamment protectrice et évolue à un rythme très lent en comparaison de la vitesse du déclin de la biodiversité. Alors que les populations d’insectes pollinisateurs chutent de façon massive et rapide, les nouveaux critères d’évaluation de l’EFSA[12] adoptés en 2013 ne sont toujours pas appliqués. Censés prendre en compte la toxicité des molécules évaluées sur les pollinisateurs, ces nouveaux critères ont été bloqués par la Commission européenne, sous l’influence des lobbies de l’industrie chimique. Au vu des connaissances, nous pouvons donc aujourd’hui affirmer que les pesticides entraînent un risque avéré pour la santé des agriculteurs, une contamination généralisée des citoyens dont nous mesurons mal les conséquences ainsi qu’une pollution massive de l’environnement. Face à ce constat, la nécessité de réduire drastiquement l’utilisation des pesticides ne devrait plus être un sujet de débat. Mais les réponses apportées jusqu’ici ne sont pas, de loin, à la hauteur des enjeux. Plusieurs plans visant à réduire l’usage des pesticides se sont succédé en France au cours des dix dernières années, sans succès puisque la consommation de pesticides ne s’est non seulement pas réduite durant cette période mais a même augmenté. Né à la suite du Grenelle de l’environnement de 2008, le plan Ecophyto affichait ainsi comme objectif une diminution de 50 % de la quantité de pesticides utilisés en 10 ans. Ce plan était doté d’un budget annuel de 41 millions d’euros, financé pour un peu plus de la moitié par la redevance pour pollution diffuse due par les distributeurs de produits phytosanitaires. Les deux actions phares de ce plan étaient la mise en place d’un réseau de fermes de démonstration des techniques économes en pesticides (le réseau Dephy) et la diffusion du « Bulletin de santé du végétal » afin d’informer en temps réel sur les risques de bio-agression des cultures. Or, six ans après le début de ce plan, un travail d’évaluation conduit sous l’égide du député de la Meurthe-et-Moselle Dominique Potier a conclu à un échec global[13]. Non seulement la quantité de pesticides utilisée n’a pas été réduite de moitié mais elle a même augmenté de près de 15 000 tonnes sur la période (cf. Figure 1). L’une des raisons de cet échec mise en avant par le rapport, et confortée par des études ultérieures[14], est la quasi-absence de prise en compte du fonctionnement des filières agricoles[15] et des marchés agro-alimentaires dans le plan, alors même qu’ils influencent fortement le choix des cultures, des systèmes de culture et des assolements[16]. Le plan Ecophyto 2, démarré en 2015, maintenait le même objectif que le premier plan, à savoir une diminution de 50 % de la quantité de pesticides utilisés, mais le

Par Lugassy L., Aze E.

24 février 2020

États-Unis : L’éveil de la gauche

La gauche connaît un essor sans précédent aux États-Unis, pays où, selon les dires de l’économiste et sociologue allemand Werner Sombart, « le socialisme n’existe pas ». Portée par une myriade de mouvements issus de la société civile, elle parvient à influencer l’establishment néolibéral du Parti démocrate et à mener une bataille culturelle qui fait émerger des propositions audacieuses dans le débat public, telles que le Green New Deal et l’augmentation du salaire minimum horaire. À l’occasion des primaires démocrates, il est essentiel de dresser un panorama de ces nouvelles forces politiques et d’analyser, à l’aune de ce qui a été accompli, leur capacité à influencer durablement la ligne majoritaire du plus vieux parti du pays.   Introduction   Le paysage politique des États-Unis d’Amérique est en pleine mutation. Depuis la campagne du candidat Bernie Sanders en 2016, la gauche américaine n’a de cesse de grandir et de se transformer : du Sunrise Movement aux Democratic Socialists of America, les organisations se multiplient et cette mutation globale n’épargne pas le vieux Parti démocrate américain qui opère un glissement vers la gauche sous l’influence de ces grassroots movements. Devenu le visage de cette aile gauche tendance socialiste, le Squad[1] (Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Ilhan Omar et Ayanna Pressley) est la partie émergée d’un immense iceberg progressive[2] qui bouscule le débat outre-Atlantique. Une new left hétérogène, qui réunit aussi bien les aspirations à une social-démocratie scandinave que les velléités révolutionnaires qui rêvent encore du Grand Soir et de la chute du capitalisme : une « auberge espagnole » populaire qui voit revenir à elle une classe ouvrière qui n’a jamais connu le rêve américain. Cette nouvelle gauche réussit l’exploit, au pays du capitalisme, de mettre le socialisme au cœur du débat public. Green New Deal, « Bill of Rights du XXIe siècle », Modern monetary theory, État employeur en dernier ressort, le débat outre-Atlantique a vu émerger bon nombre d’idées nouvelles durant ces trois dernières années. L’establishment néolibéral du Parti démocrate, majoritairement acquis au marché libre dérégulé depuis les années 1970, semble avoir perdu la main, comme en témoigne l’ascension des candidats Bernie Sanders et Elizabeth Warren, partisans d’un État-providence à l’européenne. Bousculant le statu quo néolibéral des trente dernières années, ils ont entrepris une véritable bataille culturelle et ont fait progresser de nombreuses propositions dont certaines obtiennent un large écho favorable dans le pays : Medicare for All est ainsi au cœur des débats de la primaire démocrate et la chambre des représentants a adopté un projet de loi fixant un salaire minimum horaire de 15$ au niveau fédéral en 2025 (qui pourrait être définitivement adopté en cas de victoire démocrate en 2020). Au regard de l’histoire séculaire du Parti démocrate et de l’évolution de sa ligne politique, l’avenir proche pourrait rapidement révéler un aggiornamento de ce dernier avec son logiciel néolibéral.     I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate. a) Du parti suprémaciste à la « Great Society » du président Johnson. b) L’ancrage au centre-gauche : l’hégémonie de l’économie néo-classique. II – L’influence des PACs dans le renouvellement du Congrès. a) Le « Bill of Rights du XXIe siècle » : BNC ou l’État-Providence pour promesse. b) Justice Democrats, le PAC du Squad. c) La révolution durable de Bernie Sanders. III) L’essor du socialisme démocratique. a) « Democratic Socialists of America » ou la renaissance de l’idée socialiste. b) Le socialisme à l’épreuve du divertissement. c) Socialist Alternative versus Amazon : David contre Goliath. IV) Une gauche unie dans des batailles concrètes. a) Le salaire minimum horaire à 15$, victoire singulière. b) Sunrise Movement, héraut du Green New Deal Conclusion.   I – L’évolution du positionnement politique du Parti démocrate   En dépit de la pluralité des partis politiques qui coexistent aux États-Unis, l’exercice du pouvoir est partagé, depuis Abraham Lincoln, entre le Parti républicain et Parti démocrate. S’il est communément admis que le premier couvre le spectre de la droite et le second celui de la gauche, il n’en a pas toujours été ainsi. Il convient ainsi de revenir brièvement sur les mutations qui ont émaillé l’histoire des deux partis séculaires afin de mieux comprendre les enjeux liés à leur évolution.   a) Du parti suprémaciste à la Great Society du président Johnson   Après l’élection du premier président des États-Unis Georges Washington, qui se présentait sans étiquette partisane, deux membres de son gouvernement, Alexander Hamilton et John Adams[3], ont regroupé les partisans d’un État fédéral fort dans un « Parti fédéraliste » qui reflétait les intérêts des classes dominantes : grands propriétaires, manufacturiers, commerçants, financiers. En désaccord avec cette ligne économique, Thomas Jefferson quitte le gouvernement et forme, en 1792, le Parti républicain, favorable aux pouvoirs locaux, aux agriculteurs et aux petites entreprises. Dénoncés pour leur sympathie vis-à-vis de la Révolution française, jugée violente, chaotique et menée par des « démocrates radicaux »[4], Jefferson et ses successeurs seront rapidement désignés comme « démocrates-républicains » par leurs détracteurs. Libéral en économie, le parti jeffersonien exprime une forte défiance à l’égard de l’État fédéral dont il refuse les taxes et la législation. Ainsi, son refus catégorique d’une loi fédérale interdisant l’esclavage (qui était considérée comme une « institution particulière ») le rend populaire dans les États du Sud qui ont recours à l’esclavage pour la culture du coton. Après la guerre de 1812, les fédéralistes ont pratiquement disparu de l’échiquier politique américain, laissant seul le Parti démocrate-républicain : il s’agit de « l’ère des bons sentiments » (Era of Good Feelings). En 1824, le parti unique se scinde en deux à propos de la désignation du candidat à la présidence pour succéder au Président Monroe. Les tenants des principes jeffersoniens, dirigés par Andrew Jackson et Martin Van Buren, formeront le Parti démocrate moderne. Les partisans de John Quincy Adams se déclareront « nationaux-républicains » puis créeront, à la suite de l’élection présidentielle de 1832, le parti whig. Le Parti républicain moderne (ou GOP, pour Grand Old Party) est quant à lui né en 1854 des déchirures des deux grands partis sur la question de l’esclavage.   La forte branche sudiste (le Sud était en effet acquis tout

Par Natroll S.

24 février 2020

Listes citoyennes, municipalisme : Quelle démocratie locale après les gilets jaunes ?

À l’occasion des élections municipales de mars 2020, un grand nombre de listes dites « citoyennes » ou « participatives » se sont constituées, partout en France, dans les villes moyennes comme dans les métropoles, les villages ou les hameaux. Évoluant en dehors ou en retrait des étiquettes partisanes, ces listes placent la participation des citoyens à la vie démocratique au cœur de leur programme. Ce phénomène post-crise des gilets jaunes traduit une repolitisation citoyenne de l’échelon local, dont on ne saurait encore dire qui – quelles catégories socio-professionnelles, quelle(s) classe(s) d’âge – elle touche précisément. Elle ouvre des perspectives pour repenser les dispositifs de démocratie locale, du droit de pétition au référendum, et engager des efforts en faveur de la formation des élus et du financement de la participation. Introduction Un an après la crise des gilets jaunes qui ont placé la question démocratique au cœur de leurs revendications, les élections municipales donnent lieu à l’émergence, partout sur le territoire, de listes « citoyennes » ou « participatives », qui se présentent au scrutin municipal de mars 2020 sans étiquette partisane. Ces listes naissent à l’initiative de collectifs de citoyens, strictement hors partis ou transpartisans, mais toujours sans chapelle politique revendiquée. À quelques mois du scrutin, on en dénombre plus de 200 à travers la France. Qu’est-ce qu’une liste citoyenne ? La définition est moins aisée qu’il n’y paraît. On peut toutefois déceler, à la lumière des initiatives nées en vue des municipales, deux critères cumulatifs, qui forment un socle commun : le critère a-partisan et le critère participatif. Au-delà, chaque liste développe ses particularités, en étant plus ou moins portée vers un municipalisme à tendance libertaire, courant que l’on retrouve davantage dans les petites communes. Dans l’écrasante majorité des cas, et en dehors de leur exigence démocratique, les listes citoyennes prônent la transition écologique et la justice sociale.   Table des matières I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène II. Des listes citoyennes entre re-politisation et défiance III. La démocratie communale comme nationale requiert du temps, des moyens et une implication réelle des citoyens IV. Comment approfondir la démocratie locale ? a. Référendum local et consultation d’initiative citoyenne b. Droit à l’expérimentation, sécurité juridique c. Le financement de la démocratie locale et la formation des élus   I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène   Une liste citoyenne est d’abord une liste qui minimise l’appartenance partisane voire qui rejette toute étiquette, et se compose exclusivement de « citoyens » présentés comme tels. Si certaines listes citoyennes, à l’instar de l’Archipel citoyen à Toulouse qui a désigné un militant d’EELV comme tête de liste, reçoivent le soutien de partis et accueillent des militants de partis politiques, les références partisanes sont reléguées à l’arrière-plan ou n’apparaissent pas du tout. Les militants qui se présentent sur une liste citoyenne n’y figurent pas en tant que membres de leur parti. Une liste citoyenne est, ensuite, une liste qui place les outils de démocratie participative et directe au cœur de son fonctionnement, sur fond de critique parfois sévère à l’encontre de la démocratie représentative, assimilée à la politique politicienne et à la bureaucratie. Le périmètre de la démocratie participative étant lui-même sujet à débats, le vocable souffre d’imprécision. La plateforme « Action commune », qui offre un appui aux listes citoyennes en vue du scrutin de mars 2020, se simplifie la tâche en affirmant qu’est participative « une liste qui se définit comme telle », tout en mettant en avant des outils et pratiques labellisés démocratiques (« Label démocratie »[1]). Selon ces labels, une liste dite participative doit respecter un certain nombre de principes à son lancement comme en cas de victoire à l’élection. Lorsqu’elle se lance, elle ne doit avoir ni candidat ni programme pré-défini. Les candidats élus s’engagent à démissionner de tout autre mandat. Ne peut figurer sur la liste un candidat ayant eu plusieurs mandats par le passé. En cas de victoire, toutes les décisions prises durant le mandat sont co-construites entre les élus, qui sont davantage exécutants que décideurs, et les habitants. La transparence est de mise, et la vigilance exigée vis-à-vis de potentiels conflits d’intérêt. La plateforme « Action commune » recense 255 listes citoyennes partout en France[2]. Le chiffre peut sembler dérisoire et le phénomène anecdotique, comparé aux 36 000 communes que compte notre pays. Il ne l’est pas, pour au moins deux raisons. La première, c’est que les listes citoyennes ne sont pas un phénomène « concentré » sur un territoire ou sur une catégorie de communes. On retrouve des listes citoyennes partout en France.   Carte interactive des listes citoyennes / Source : « Action Commune »   Les listes citoyennes se retrouvent aussi bien dans les villes moyennes que dans les métropoles et les villages. À Montjustin, commune de 70 habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou Luc-en-Diois, 524 habitants dans la Drôme, aussi bien qu’à Béziers, Poitiers, Annecy, Orléans ou Toulouse. Selon la taille de la commune, la tendance affichée est plus ou moins libertaire. Les petites communes voient traditionnellement se présenter des listes sans étiquette partisane aux scrutins municipaux. Lorsque, dans le contexte des listes citoyennes, s’y ajoute une dimension participative revendiquée, elles s’inscrivent dans un courant municipaliste prônant l’autonomie ainsi que la démocratie continue et directe, plus aisément praticable dans les communes de petite taille. La logique semble quelque peu différente dans les villes moyennes et les grandes villes (au-delà de 150 000 habitants), ou le phénomène « participatif » reflète davantage une volonté de renouvellement politique en dehors des partis.   Répertoire-exemple de listes citoyennes candidates aux élections municipales 2020 Communes de plus de 50 000 habitants Communes de moins de 5000 habitants Albi, « Collectif pour Albi démocratique solidaire et écologique » Amiens, « Amiens 2020 » Annecy, « Réveillons Annecy » Aulnay-Sous-Bois, « Aulnay 2020 » Avignon, « Avignon en commun » Bayonne, « Demain Bayonne » Besançon, « Bisontine, Bisontins » Béziers, « Béziers Citoyens » Brest, « Brest la liste citoyenne » Chalon, « Citoyen bien vivre à Chalon » Chambéry, « Mouvement citoyen du grand Chambéry » Lorient, « Énergies citoyennes » Maçon, « Maçon 2020 écologique et solidaire » Montauban,

Par Ridel C.

23 février 2020

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