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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Notes

Entre un cessez-le-feu et une élection Une analyse de la deuxième guerre du Karabakh d'un point de vue français

Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a récemment déclaré qu’il quitterait ses fonctions en avril pour déclencher des élections en juin afin de regagner la confiance du public. Dans un sondage réalisé en février, le Premier ministre a reçu une opinion très favorable de 30 % des Arméniens (alors que l’armée a reçu une opinion très favorable de 50 % – un signe troublant pour un pays ayant une histoire récente de protestations venant de certains irrédentistes militaires). Si l’on prend en considération le fait qu’il a purgé les officiers militaires mécontents de sa gestion de la deuxième guerre du Karabakh en octobre 2020 et que les principaux partis d’opposition sont divisés et impopulaires, la coalition « My Step » de Pashinyan devrait remporter la victoire si aucun événement inattendu ne survient d’ici juin. Cependant, oscillant autour de 30 %, la coalition de Pashinyan devra regagner les cœurs des Arméniens sur des questions comme le chômage et la gestion de la pandémie s’il veut vraiment gagner la confiance populaire. 50 % des Arméniens qui ont déclaré qu’ils ne voteraient pas ont indiqué qu’ils ne faisaient confiance à aucun parti politique. Les récentes menaces proférées par les forces militaires à l’encontre de la légitimité de Nikol Pashinyan et ces prochaines élections parlementaires de juin en Arménie viennent s’ajouter aux préoccupations actuelles pour la démocratie dans le monde – mais elles nous permettent également de réexaminer la place de la région du Caucase dans la géopolitique mondiale, le rôle de la France en tant qu’acteur international et, surtout, l’histoire tragique des conflits qui ont ravagé l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la région du Haut-Karabakh depuis 1988. En effet, en octobre 2020, le déclenchement de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie a attiré l’attention internationale sur la région du Haut-Karabakh. Certains sur les réseaux sociaux et dans les médias ont tenté de simplifier à l’extrême ce conflit en le présentant comme une guerre de religion entre Azéris musulmans et Arméniens chrétiens, ou de l’occulter en affirmant que ce conflit ethnique de la région du Caucase était « trop insignifiant » pour être analysé ou que les Occidentaux ne faisaient pas l’effort de le comprendre. De telles généralisations empêchent des discussions réelles et approfondies sur les impacts géopolitiques que le conflit pourrait avoir dans la région du Caucase, et le rôle (s’il y en a un) que la France devrait jouer dans la promotion de la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Maintenant que la « deuxième guerre du Karabakh » a été conclue par un traité de paix le 10 novembre 2020, les prochaines élections de juin 2021 en Arménie permettent de réfléchir au rôle de la France et de la communauté internationale dans le maintien de la démocratie face aux forces militaires qui réclament la démission du Premier ministre arménien démocratiquement élu, Nikol Pashinyan. La note qui suit fait le point sur la situation en résumant les points clés du conflit, les solutions proposées par les acteurs internationaux et l’état du débat en France tout en recommandant de promouvoir la démocratie dans la région du Caucase sans se précipiter vers des solutions militaires interventionnistes. Télécharger la note en pdf Download the English version   CuriousGolden, Map of the Nagorno-Karabakh conflict following the 2020 Nagorno-Karabakh war, Wikimedia Commons, 19 décembre 2020. Carte.   Un bref point de situation dans le territoire du Haut-Karabakh En 1920, l’armée soviétique envahit la région du Caucase, permettant la création de nouvelles républiques socialistes. La région du Karabakh est intégrée à l’Azerbaïdjan, bien qu’elle soit à plus de 90 % arménienne à l’époque. Le conflit régional entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est resté inactif pendant la période soviétique. Des tensions ethniques entre Arméniens et Azéris éclatent en 1988, pendant la période des réformes soviétiques de Gorbatchev. Après la dissolution de l’Union soviétique, des guérillas au Karabakh parrainées par l’Arménie finissent par provoquer une véritable guerre en 1992 avec l’Azerbaïdjan. Après l’échec des initiatives de paix de l’Iran et de la CSCE, la Russie négocie un cessez-le-feu dans la région en 1994. Au total, la « première guerre du Karabakh » et les violences qui suivent jusqu’en 2020 font 30 000 morts dans les deux camps et provoquent le déplacement de 700 000 Azéris du Haut-Karabakh. Les tensions ethniques ont donné lieu à des violences depuis, faisant plusieurs morts lors des affrontements de Martakert en 2008 et environ 350 morts lors de la « guerre des quatre jours » d’avril 2016. Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan bombarde des cibles civiles dans les villes du Karabakh, dont Stepanakert, déclenchant ainsi la “deuxième guerre du Karabakh”, qui dure six semaines. Un cessez-le-feu russe est négocié le 10 octobre et un cessez-le-feu américain le 26 octobre. Chaque accord est violé peu de temps après sa mise en œuvre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se rejetant mutuellement la responsabilité de ces violations. Le 8 novembre, les forces azerbaïdjanaises capturent Shusha, une ville de montagne de haute altitude, parfaite pour le stationnement des armes d’artillerie. Au total, 2425 soldats arméniens et 2783 soldats azéris sont tués, tandis que 100 disparaissent au combat. Au moins 143 civils sont également tués des deux côtés. Le 10 novembre, le président russe, Vladimir Poutine, fait signer au Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et au président azéri Ilham Aliyev un accord de cessez-le-feu et les termes d’une surveillance du cessez-le-feu exigée par les forces russes. Selon cet accord, 1960 soldats de la paix russes surveilleront la frontière de la région du Haut-Karabakh et le FSB surveillera les transports à destination et en provenance de la région. Les forces de maintien de la paix seront très présentes dans le corridor stratégique de Latchin, qui relie l’Arménie à la région du Haut-Karabakh. Les Azéris recevront la totalité du Haut-Karabakh et stationneront leurs troupes dans la ville stratégique de Choucha. Selon les déclarations d’Ilham Aliyev, des forces turques seront présentes dans la région pour maintenir l’opération de maintien de la paix. Fin février 2021, des manifestations anti-gouvernementales éclatent après la défaite de l’Arménie. Bon nombre des manifestants sont des irrédentistes pro-militaires. Le 24 février, l’état-major général de

Par Marchais F.

29 avril 2021

Comment financer la dette COVID ? Tentative de trouver une « bonne » réponse à une « mauvaise » question du point de vue de la théorie monétaire moderne (TMM)

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact: thomas.lagoardesegot@kedgebs.com. Télécharger le pdf Download as a pdf ____   L’année 2020 a été marquée par la pandémie Covid 19 et ses conséquences économiques. En Allemagne, le déficit public et le ratio de la dette publique ont augmenté pour atteindre, selon les estimations, respectivement 5 % et 75 % du PIB, en raison de la baisse de l’activité économique. L’évolution actuelle donne également à penser que le PIB ne retrouvera pas dans les années à venir le niveau d’avant la crise de 2019. Afin de ne pas compromettre la reprise économique après la pandémie en revenant à un cours d’austérité rigide, il est maintenant particulièrement important de dire adieu aux idées fausses concernant le financement et la viabilité des déficits publics. L’indicateur de croissance du PIB devrait être remplacé par le taux de chômage, les ODD de l’Agenda 2030 et d’autres indicateurs supplémentaires sur la base de Raworth (2017). C’est la seule façon de poser les jalons d’une politique économique pour le XXIe siècle.   La mauvaise question La « question du financement » vise en fin de compte à déterminer si l’augmentation de la dette publique pourrait devenir un problème à long terme, si les gouvernements ne sont pas en mesure de rembourser la dette à l’avenir ou de la remplacer par une nouvelle dette. Cette réflexion repose essentiellement sur la théorie néoclassique, qui domine encore les manuels d’économie. Selon cette théorie, un État peut se financer en (i) percevant des impôts, (ii) en émettant des obligations d’État ou (iii) en faisant payer ses dépenses par la banque centrale. Cependant, seul le cas (i) assure un financement public durable (à long terme). Le cas (ii) peut conduire à une explosion du ratio de la dette publique si les dépenses sont trop élevées. À mesure que le ratio d’endettement augmente, les investisseurs privés exigeraient des taux d’intérêt toujours plus élevés, qui devraient être couverts par des emprunts supplémentaires. Si l’on craint l’insolvabilité, l’État ne recevra plus d’argent et l’insolvabilité serait inévitable. Le financement par la banque centrale (cas (iii)) conduirait soi-disant à une certaine hyperinflation. Or, nous savons aujourd’hui que le triplement du déficit public américain d’environ un trillion de dollars (2019) à trois trillions de dollars (2020) n’a posé aucun problème. Au deuxième trimestre 2020, le déficit public était de 27,5 %. Le taux d’intérêt sur les obligations du gouvernement américain a baissé, l’inflation est restée faible et même la valeur extérieure du dollar américain a augmenté. De toute évidence, l’augmentation de la dette publique n’a pas entraîné les problèmes redoutés par les manuels scolaires standard. Cette évolution est conforme aux idées de la Théorie monétaire moderne (MMT). Celle-ci considère le déficit public comme une variable purement statistique – c’est à dire une variable qui est le résultat de l’activité économique et qui ne devrait donc pas être une variable cible. L’État ne peut de toute façon pas contrôler directement les recettes fiscales qu’il perçoit. Lors de la pandémie de COVID-19, par exemple, celles-ci se sont avérées beaucoup plus faibles que prévu.   Théorie monétaire moderne La théorie monétaire moderne a été lancée il y a presque exactement 25 ans par l’investisseur américain et concepteur de voitures de course Warren Mosler. Son idée essentielle était qu’une monnaie moderne est un monopole d’État. Aujourd’hui, ce monopole est principalement délégué aux banques centrales (d’État), qui agissent en tant que banque de l’État. Une Banque Centrale paie les factures du gouvernement en créditant les comptes des banques privées auprès de la banque centrale, qui à leur tour créditent les bénéficiaires. Comme les banques centrales agissent en tant que créateurs de monnaie, elles ne peuvent pas du tout « financer » leurs dépenses – de l’argent frais (dépôts et soldes des banques centrales) est toujours créé lorsqu’elles dépensent pour le compte du gouvernement. Cela vaut également pour la République fédérale d’Allemagne au sein de la zone euro : la Bundesbank effectue toutes les dépenses pour le compte du gouvernement fédéral. Ce n’est qu’au niveau des règles politiques qu’un « financement » des dépenses du gouvernement peut être construit. Ainsi, le compte central du gouvernement fédéral (à la Bundesbank), qui est débité lorsque les dépenses publiques ont lieu, doit être équilibré en fin de compte. Ce compte est alimenté par les recettes fiscales et les ventes d’obligations d’État. Toutefois, il ne s’agit pas d' »argent » au sens physique du terme, mais simplement d’une note destinée à compenser les recettes et les dépenses. Si le score n’est pas négatif à la fin de la journée, la Bundesbank peut dépenser au nom du gouvernement fédéral en augmentant le compte de banque centrale d’une banque et en réduisant celui du gouvernement fédéral. D’un point de vue purement technique, cela n’est toutefois pas nécessaire de cette manière – quiconque veut augmenter une inscription au bilan ne doit évidemment pas « économiser » les chiffres qui y sont inscrits à l’avance. L’État (y compris sa banque centrale) crée sa monnaie selon ses propres règles politiques. Comme il ne promet rien de plus que d’accepter la monnaie pour le règlement des dettes fiscales et pour tous les autres paiements à l’État, il s’agit en fin de compte de crédits d’impôt

Par Ehnts D., Paetz M.

26 avril 2021

L’hydrogène bas carbone au service de la transition

La France et l’Allemagne ont conjointement fait, dans le courant de l’été 2020, des annonces concernant leur stratégie hydrogène. Ces annonces signalent un nouvel horizon pour l’hydrogène. La France a ainsi annoncé un investissement de 7 milliards d’euros avec l’objectif d’une capacité de 6,5 GW d’électrolyseurs installée à horizon 2030. On rappelle qu’à l’été 2018 le Plan Hulot, pourtant défendu par un ministre très combatif pour les questions environnementales, ne prévoyait que 100 millions d’euros pour déployer l’hydrogène bas carbone dans l’industrie, les mobilités et l’énergie.

Par Mante F.

21 avril 2021

Traitement comptable d’une annulation de la dette publique détenue par une banque centrale

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Télécharger la note en pdf Download the policy brief as a pdf ____ INTRODUCTION L’appel de nombreux économistes, responsables et citoyens, à annuler tout ou partie des dettes publiques détenues par la banque centrale européenne[2] (voir https://annulation-dette-publique-bce.com/) a engendré de nombreuses objections politiques, idéologiques, juridiques et comptables. Le but de la présente note est d’aborder le traitement comptable d’une telle annulation de dettes. 1. Cadre comptable des banques centrales Le cadre de référence en matière de comptabilité des banques centrales au sein du SEBC est formé par les documents suivants : « Les finances des banques centrales», qui a été publié par la Banque des règlements internationaux[3], « Le protocole N°4 sur les statuts du système européen de banques centrales et de la banque centrale européenne » « L’orientation[4] de la Banque centrale européenne concernant le cadre juridique des procédures comptables et d’information financière dans le Système européen de banques centrales (BCE/2016/34) (2016/2249/UE) ». « Les finances des banques centrales » fournit un cadre conceptuel qui vise à harmoniser les principes et les pratiques des banques centrales à travers le monde. Sans valeur contraignante, il est le résultat des travaux d’un groupe de travail international de banquiers centraux. Dans ses conclusions, ce document souligne les éléments suivants : Le bilan d’une banque centrale ne peut pas être assimilé à celui d’une quelconque banque commerciale. « Les banques centrales ne sont pas des banques commerciales. Elles ne recherchent pas le profit et ne sont pas soumises aux mêmes contraintes financières que les établissements privés»[5]. « Les gains et les pertes de la banque centrale appartiennent à la société dans son ensemble »[6] Une banque centrale peut très bien fonctionner avec des fonds propres négatifs. « Il est loin d’être clair pour tout le monde que les fonds propres comptables d’une banque centrale peuvent être négatifs sans qu’il y ait lieu de s’alarmer »[7]. Les marchés financiers, les responsables politiques et le grand public peuvent avoir des perceptions erronées du bilan d’une banque centrale, c’est pourquoi, malgré le fait qu’elle peut fonctionner avec des fonds propres négatifs, « Il importe que la banque centrale reste financièrement indépendante »[8] C’est pourquoi « Les rétentions et les distributions d’excédents doivent être étroitement liées à un objectif de ressources financières qui soit lui-même réglé en fonction du besoin potentiel de ressources en temps de crise et les gains de réévaluation latents et les revenus tirés d’actifs particulièrement risqués ne doivent pas faire l’objet de distributions car ils ne constituent pas des bénéfices définitifs. »[9] L’objectif d’une banque centrale est de long terme, il est normal que la comptabilité déroge de manière sélective et transparente aux normes d’information financière à court terme parce que « Les banques centrales détiennent de nombreux actifs et passifs dont les variations de valeur ne sont pas pertinentes, même selon les normes internationales d’information financière (IFRS). »[10] « En matière de conventions comptables, il peut être nécessaire de s’écarter de manière sélective mais transparente des normes internationales d’information financière (IFRS). »[11]. En dernière analyse, la solidité, la solvabilité et donc la confiance dans la banque centrale et sa monnaie s’apprécient essentiellement par des éléments extérieurs tels que la confiance dans les institutions, la stabilité politique, la qualité du personnel politique, la politique économique et fiscale, la structure et la taille de l’économie, l’état des finances publiques ou … la puissance militaire. Ce sont des attributs extérieurs à la banque centrale et à la monnaie qui en fondent la confiance. « La solidité financière d’une banque centrale, en tant qu’entité autonome, peut donc renforcer sa crédibilité, particulièrement si elle se trouve affaiblie par son histoire, des dispositions institutionnelles ou le climat politique. À l’inverse, si sa crédibilité n’est pas remise en question, la solidité financière n’améliorera pas sa capacité à mener sa stratégie à bien. Il est donc extrêmement difficile de déterminer le niveau de soutien financier dont une banque centrale a besoin. »[12]. Le protocole n°4, article 26, mais surtout l’orientation de la BCE fournissent les principes et le cadre opérationnel de la comptabilité du SEBC. L’article 3, en particulier, définit les caractéristiques qualitatives de la comptabilité. Nous retiendrons ici les éléments suivants : « 1) réalité économique et transparence : les méthodes comptables et l’information financière reflètent la réalité économique, sont transparentes et sont définies dans le respect de l’intelligibilité, la pertinence, la fiabilité et la comparabilité. Les opérations sont enregistrées et présentées conformément à leur nature et à leur réalité économique, et non pas simplement à leur forme juridique » ; « 2) prudence : la valorisation des actifs et des passifs ainsi que la constatation des résultats sont effectuées avec prudence. Dans le contexte de la présente orientation, cela signifie que les plus-values latentes ne sont pas comptabilisées comme des produits dans le compte de résultat, mais enregistrées directement dans un compte de réévaluation, et que les moins-values latentes sont portées au compte de résultat en fin d’année si elles excèdent les plus-values latentes antérieures comptabilisées dans le compte de réévaluation correspondant »[13]; L’article 4 définit les principes comptables dont on retiendra particulièrement l’élément suivant : « 1) principe de continuité de l’exploitation : les comptes sont élaborés conformément au principe de continuité de l’exploitation » ; L’article 9 définit

Par Peters A.

19 avril 2021

Pour un service public de la rénovation

S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

Par Rougetet Y., Bentolila S.

14 avril 2021

L’« actif sans risque écologique » : un nouvel instrument financier pour une reconstruction écologique de la zone euro

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. ____ Télécharger la note en pdf   1. Les besoins de financement pour l’Agenda 2030 La Commission Européenne estime qu’une augmentation annuelle de 260 milliards d’euros en investissement serait requise à l’échelle européenne pour atteindre la cible climat à l’horizon 2030[3]. Il s’agit d’un chiffrage restrictif qui se focalise uniquement sur la diminution des émissions de gaz à effet de serre, et ne prend pas en compte les investissements requis pour l’adaptation aux effets du dérèglement climatique (comme la montée des eaux ou les périodes de canicule), ni le coût imprévisible des d’autres phénomènes liés (telles que la perte de biodiversité). Comme le montre le graphique 1, ce coût, certes très largement sous-estimé, de la reconstruction écologique et sociale excède néanmoins les encours de monnaie fiduciaire, la valeur des titres de dette à maturité inférieure à 2 ans, la valeur des dépôts à terme inférieur à 3 mois, et la valeur des dépôts à termes dont la maturité est inférieure ou égale à 2 ans dans la zone euro. La comparaison avec les sommes projetées pour le « Green Deal » fait par ailleurs apparaitre un besoin de financement résiduel de 1600 milliards d’euros d’ici 2030. La valeur de ce « green finance gap » est équivalente à 18% de M1, 13% de M2 et 11% de M3 dans la zone euro en 2020. Figure 1 – Le « green finance gap » dans la zone euro Note: Données chiffrées en milliards d’euros. Le premier groupe d’histogrammes représente le coût de l’adaptation climatique à partir des données de la Commission Européenne. Le deuxième et le troisième groupe représentent la valeur des passifs de long terme et des agrégats monétaires de la zone euro en Janvier 2020 (Statistical Data Warehouse de la Banque Centrale Européenne). Le comblement du « green finance gap », certes indispensable, se double d’une autre problématique tout aussi essentielle. En effet, atteindre les objectifs fixés par l’Agenda 2030 implique, non seulement de réaliser les investissements d’un montant adéquat en volume, mais aussi de s’assurer que ces investissements auront l’impact requis en termes bio-géophysiques et sociaux. Ceci implique une modification qualitative des indicateurs de sélection et de suivi de ces investissements, qui devront se découpler de la notion traditionnelle de « retour sur investissement » pour prendre en compte des critères prioritairement extra-financiers. Cette nouvelle contrainte rend obsolète la conception des instruments financiers actuels, qui tendent à coordonner les activités économiques sur la base de signaux exclusivement monétaires. 2. Le mirage des « obligations vertes » Parmi les outils de financement spécifique à la finance durable ou verte, les obligations vertes ou green bonds sont aujourd’hui très médiatisées. Il est vrai que les obligations vertes ont enregistré une forte croissance sur les dernières années (les émissions 2018 et 2019 représentent à elles seules plus de 50% du total cumulé des émissions). Comme le montre la figure 2, les marchés européens, d’Amérique du Nord et d’Asie-Pacifique représentent environ 88% du total des émissions. Au sein de ces zones, les USA, la France et la Chine sont les principaux émetteurs d’obligations vertes (environ 47% des encours cumulés d’émissions), principalement via les entreprises publiques, non financières et financières. La part des souverains dans les émissions 2018 et 2019 est limitée (10 à 12% du total cumulé mais avec une croissance 2018-2019 de 85%). Les secteurs les plus contributifs et identifiés « sous-jacents » sont principalement l’énergie, le transport et les infrastructures (81% des émissions d’obligations vertes 2019). Figure 2 – Croissance 2018-2019 des encours d’émissions d’obligations vertes mondiaux par zone géographique* * La zone Amérique Latine et Caraïbes n’est pas représentée en terme de croissance 2018-2019, n’ayant pas émise de green bonds sur la période 2018 et ses émissions 2019 représentant seulement 0,7% des émissions mondiales. Données extraites et adaptées de Climate Bonds Initiative. Pourtant, deux raisons laissent à penser que le développement du marché obligataire « vert » sera insuffisant pour répondre aux exigences de transformation requises par l’Agenda 2030. Premièrement, selon les données issues de Climate Bonds Initiative, les encours mondiaux d’obligations vertes représentent, malgré leur croissance, environ 780 milliards de dollars US à la fin 2019 – soit une part infime du marché obligataire (environ 0,7%)[4]. Plus fondamentalement, une obligation verte n’engage aucune obligation en terme de résultat bio-géophysique vis-à-vis de ses investisseurs. Si le rendement financier attendu d’une obligation verte est fixé dans son prospectus, son ambition écologique et sociale est beaucoup plus floue. Une obligation verte promet de délivrer un « bénéfice environnemental » dans la « mesure du possible »[5]. Les impacts environnementaux sont certifiés par des « labels » variés, qui ne sont pas contrôlés par une organisation scientifique indépendante, mais émis ou audités/certifiés par les acteurs du marché[6]. Les méthodes d’émission, d’évaluation et de circulation de ces obligations vertes répondent donc à des critères financiers usuels (évalués en termes de rendement monétaire) plutôt que bio-géophysiques et sociaux. Ce n’est pas le moindre paradoxe, alors, qu’elles sont supposées constituer le principal vecteur de financement de la reconstruction écologique ! Opérant dans une véritable « jungle lexicale » de labels divers, et soumis à des injonctions contradictoires, le gestionnaire d’actif perd ainsi progressivement sa capacité à distinguer la réalité (l’évolution du système Terre et l’impact de son investissement sur ce

Par Revelli C., Lagoarde-Segot T.

6 avril 2021

Pourquoi le low-code est-il le symptôme d’un numérique à outrance ?

Les services et produits numériques ont bouleversé notre manière de communiquer et de consommer. Dans un monde hyper connecté, la digitalisation s’est imposée comme une norme permettant de créer de nouvelles expériences répondant aux prétendus besoins de fluidité et d’immédiateté des utilisateurs, au point que le numérique a dépassé son statut de moyen et est devenu une fin en soi, comme en témoigne par exemple l’explosion du nombre de services et d’appareils connectés. Cette rhétorique développée par les géants du numérique tend d’une part à mettre un terme aux discussions internes[1] aux entreprises de cette industrie et d’autre part à occulter la dégradation dramatique de l’environnement[2] et celle des conditions de travail du nouveau prolétariat[3] sur lequel reposent ces « innovations ». Cet impératif d’innovation, qui impose une itération à haute cadence de la part des concepteurs et une mise sur le marché rapide, rend difficile la prise de recul et la réflexion sur les produits et services développés et sur les outils mêmes utilisés pour ces développements. Pourtant, si la répartition des impacts du numérique à l’échelle mondiale impute 45 % de la consommation énergétique à la production et à la fin de vie de nos terminaux, supports réseaux et centres informatiques, les 55 % restants sont dus à l’utilisation de ceux-ci[4]. Cette note vise à questionner la partie proprement immatérielle de notre environnement numérique : celle du code et en particulier du low-code, qui nous semble être un angle inexploré de l’étude des impacts environnementaux, économiques et sociaux du numérique. Compte tenu du rythme de pénétration des équipements numériques et des opportunités de marché associées, il est apparu nécessaire pour les entreprises (petites et grandes) de faciliter l’accès à des outils de développement informatique à l’extérieur de leurs services informatique et technologie (IT). Ainsi, dès le début des années 1990, Microsoft lance le mouvement « low-code » avec le Visual Basic. Il s’agit d’un langage de programmation qui ambitionne de développer plus rapidement des applications en disposant visuellement des composants, en définissant des propriétés et des actions associées à ces composants, et en ajoutant quelques lignes de code pour en préciser les fonctionnalités. Plus généralement, une plate-forme de développement low-code est un logiciel qui fournit un environnement visuel aux programmeur·euses et aux développeur·euses dits « citoyen·nes » pour créer une application mobile ou Web. Le terme « citoyen » est un faux ami qui provient de l’anglicisme consacré « Citizen Development ». Il désigne une approche du développement logiciel nécessitant peu, voire pas du tout, de connaissance en langage informatique. Grâce au low-code, cette nouvelle classe de développeurs peuvent ajouter et agencer des composants d’application préexistants par glisser-déposer et les connecter entre eux au moyen d’interfaces graphiques ; et ainsi se passer de programmation informatique traditionnelle. Finie, donc, l’écriture de code en tant que telle. Les champs d’opportunité du low-code sont aujourd’hui décuplés par l’explosion des offres de cloud computing qui offrent une puissance de calcul accrue et une possibilité de développement collaboratif, permettant aisément à des collaborateur·rices de travailler simultanément au développement d’une même application à partir de briques déjà conçues. Les environnements low-code permettent le développement, le déploiement, l’exécution et la gestion rapide d’applications reposant sur un paradigme de programmation déclaratif, c’est-à-dire qui décrit le résultat final souhaité plutôt que les étapes nécessaires pour y accéder. Ces étapes sont établies de manière automatique par des algorithmes. Dans un contexte où le marché du low-code s’agite et où cette technologie connaît un essor certain, avec en particulier le renforcement des positions des GAM (en effet, Apple et Facebook ne semblent pas, pour l’instant, désireux d’entrer dans le bal), cette note se veut initiatrice d’une réflexion autour, d’une part, des enjeux de sécurité, de gouvernance et de dépendance aux fournisseurs (souvenons-nous seulement de l’émoi suscité par la panne des services de Google survenue le 14 décembre dernier) et d’autre part son rôle dans l’alourdissement de la note écologique déjà salée du numérique mondial. NB : Il est important de relever qu’il existe une différence entre le low-code et le no-code, en particulier quant aux publics ciblés : si le no-code s’adresse à des auteurs plus novices (les développeur·euses citoyen·nes), n’ayant aucune connaissance en code et permet de développer des applications métier, le low-code reste plus complexe et s’adresse à des développeur·euses plus aguerri·es car il nécessite quand même la rédaction de code (jusqu’à 10 % du projet de développement, et souvent les parties les plus techniques). Cependant pour les problématiques discutées aujourd’hui, ces deux technologies sont assimilables. Nous pourrons tout de même noter que les questions soulevées sont d’autant plus préoccupantes pour la technologie no-code qu’elle ne nécessite aucun prérequis technique.   I. Un secteur prometteur   Le marché du low-code connaît depuis plusieurs semestres des taux de croissance impressionnants. Paul Vincent, directeur de recherche et d’analyse chez le géant du conseil américain Gartner, prévient : « Aujourd’hui, toutes les entreprises ont mis au point une stratégie cloud, demain elles auront aussi toutes une stratégie de développement low-code »[5]. a) Un produit attirant Selon les études de l’analyste ResearchAndMarkets en 2017, le marché du low-code pesait plus de 4 milliards de dollars dans le monde et dépassera les 27 milliards de dollars en 2022[6]. Ces chiffres sont confirmés par une deuxième étude plus récente, selon laquelle le marché des outils no-code/low-code atteindra les 45,5 milliards de dollars en 2025[7]. Gartner complète ces analyses en suggérant que la propagation du télétravail liée à la pandémie de Covid-19 favorise la poussée du développement à distance et renforce la nécessité d’outils de développement collaboratif. De nombreuses entreprises seront encore amenées à se tourner en 2021 vers des plate-formes de développement low-code pour déployer leurs programmes d’innovation et de transformation numérique[8]. Enfin, toujours selon Gartner, d’ici 2024 près de 65 % de toutes les applications développées le seront grâce à des plate-formes de développement low-code[9]. À plusieurs égards, ces produits présentent des avantages et offrent des perspectives de croissance pour les entreprises. La logique de compétitivité et de concurrence du marché dicte aux entreprises et aux organisations, d’une part, une

Par Leclercq V.

1 avril 2021

Comment accélérer la mise en place d’une comptabilité écologique

En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. Nous sommes très fiers de commencer cette série par une note relative au renouvellement des modèles comptables au service de l’environnement, écrites par deux membres de l’Institut Rousseau.   Le développement économique et démographique fulgurant qui a lieu depuis la révolution industrielle se fait au détriment d’une biosphère humainement vivable, faisait passer l’humanité à l’ère de l’anthropocène : l’impact (négatif) de l’homme sur le vivant en fait désormais un facteur majeur à l’échelle géologique et menace même sa survie. Télécharger la note en pdf 9 frontières planétaires vitales ont été identifiées[1] (dont trois déjà franchies) 1) dérèglement climatique 2) déclin de biodiversité 3) acidification des océans 4) déplétion de l’ozone stratosphérique 5) perturbation du cycle de l’azote et du phosphore 6) charge en aérosols atmosphériques 7) consommation d’eau douce 8) changement d’affectation des terres (couverture forestière) 9) pollution chimique (notamment pesticides) 1, 2, 5 ont été franchies Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation catastrophique : au niveau philosophique/des croyances : la scission nature-culture/sujet-objet héritée de la philosophie des Lumières et que les Occidentaux ont diffusé dans la majeure partie du monde ; le consumérisme (« religion la plus répandue au monde »[2]) ; l’hubris humain etc. au niveau technologique : l’avènement des machines a rendu les carburants fossiles (charbon, gaz, pétrole) prépondérants dans notre mix énergétique ; les progrès agricoles et sanitaires ont eux permis l’explosion démographique au niveau de l’échelle : mondialisation, la hausse des flux d’échanges mondiaux (économiques, culturels, d’informations) En particulier, cette dernière est permise par la hausse du niveau d’éducation et notamment la diffusion de l’anglais comme langue mondiale du commerce, mais également par un langage commun pour les entreprises (actrices centrales de la création de valeur économique dans le monde marchand) : la comptabilité. La comptabilité, clé de lecture des activités des entreprise et de ses financeurs Qui utilise la comptabilité d’entreprise ? les entreprises formelles[3], pour lesquelles i) l’établissement de comptes annuels est une obligation et ii) la comptabilité est la matière brute permettant la gestion de l’entreprise. les financeurs : banques, fonds d’investissement et gestionnaires d’actifs professionnels, personnes physiques (dans une moindre mesure). l’État via i) la fiscalité, ii) la prise de participation (e.g. Aéroports de Paris) et iii) l’implication directe dans la gestion des entreprises (e.g. Société Nationale des Chemins de Fer). L’entreprise est l’agent économique marchand central, celui par lequel la valeur économique (en dollar, euro etc.) est créée et distribuée, via le paiement des charges opérationnelles (paiements aux fournisseurs et prestataires, salaires, loyers…), la rémunération du capital (dividendes, plus-values de cession, intérêts) et la fiscalité (impôts et taxes). L’entreprise moderne a la capacité de faire appel à des financeurs externes via la dette/le crédit ou l’investissement en fonds propres. Leur langage commun est celui de la comptabilité. Leur seule unité de compte : la monnaie. Leur tableau de bord : les états financiers (bilan, compte de résultat, tableau des flux de trésorerie). Leur principale mesure de performance : le profit. La production de biens et services a désormais lieu principalement via les entreprises. En économie de marché, la concurrence entre organisations se fait quasi exclusivement sur le rapport prix/qualité du bien ou service. Mais en l’absence d’internalisation dans les coûts monétaires des externalités négatives des activités économiques, le prix ne reflète pas les coûts réels sur le reste de la société à qualité équivalente. La réglementation, la norme, la fiscalité, se heurtent au manque de granularité et de fiabilité dans l’information disponible et mesurable sur les « externalités » négatives. On ne compte pas celles-ci, alors qu’on compte systématiquement les éléments « marchands » (via la comptabilité). La compréhension de ces écueils n’est pas nouvelle : en absence de réglementation parfaite et d’un État omnipotent, le privé non lucratif (via les associations d’intérêt général notamment) et le privé lucratif (entrepreneuriat social, investissements à impact…) répondent au problème à leur manière pour un développement économique « durable » (rapports d’activités, rapports d’impact etc.). L’alternative comptable offerte par la méthode CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) Pour permettre à l’État, garant de l’intérêt général, d’adapter plus finement la fiscalité et la réglementation et ainsi favoriser les entreprises vertueuses et pénaliser les entreprises destructrices, il faut donner plus de transparence à l’impact environnemental de chaque organisation. Il faut changer la comptabilité. La méthode CARE, développée au sein de la chaire de comptabilité écologique, propose et expérimente des pistes qui vont dans ce sens. Les créateurs de la méthode CARE[4] proposent avant tout de changer de paradigme dans la manière de mesurer la performance, c’est-à-dire de changer la notion même de profit. Ce dernier est défini par Hicks[5] en 1939 comme « le montant maximum que l’on peut dépenser sur une période tout en maintenant le capital sur cette même période ». Il est indissociable du principe de préservation du capital, et donc d’amortissement. Cependant, dans son utilisation actuelle, le profit a plusieurs défauts : il est distribué aux seuls actionnaires[6], sans considération des autres parties prenantes le capital qu’il est nécessaire de préserver est uniquement le capital financier, il ne prend pas en compte la préservation du capital naturel et du capital humain. Ces limitations, sans en être la cause unique, ont favorisé une économie marchande certes efficace du point de vue financier[7], mais défectueuse voire prédatrice du point de vue humain et environnemental. Concrètement, la

Par Kuhanathan A., Métadier B.

29 mars 2021

Les élus face au dilemme de l’achat public local

« Pourquoi le maire n’a-t-il pas confié les travaux de la salle des fêtes à quelqu’un du coin ? » ; « Quitte à imprimer des tracts pour le marché de Noël, autant soutenir l’imprimeur local… » ; « Comment est-ce possible que la fabrication dordognaise de cartes vitales ait été délocalisée en Inde ? ». Régulièrement, les citoyens reprochent aux élus de ne pas dépenser localement l’argent public. Mais quelles sont vraiment les règles applicables ; ont-ils seulement le droit d’exprimer une telle préférence ? Le 27 janvier 1986, la commune de Ventenac-en-Minervois, située dans le département de l’Aube, décide de sélectionner une entreprise pour construire un bâtiment industriel à usage de pelleterie, c’est-à-dire spécialisé dans la préparation de fourrures. Elle indique dans l’avis d’appel d’offre sa préférence pour une entreprise locale, afin de soutenir l’emploi et les finances de la ville. À l’époque, la législation applicable laisse une marge de manœuvre importante aux acheteurs publics et le maire a toutes les raisons de penser qu’il agit dans l’intérêt des habitants de sa commune. Finalement, le marché public est bien attribué à une entreprise implantée à proximité, mais un concurrent évincé saisit le juge administratif, qui sanctionne l’usage du critère de préférence locale[1]. Cette solution jurisprudentielle n’a pas pris une ride depuis et l’incompréhension demeure car l’impact économique de la commande publique n’est plus à démontrer[2] : pourquoi ne pas s’en servir pour soutenir l’emploi et le dynamisme des communes, départements et régions ? L’Institut Rousseau propose un état des lieux et des solutions pour favoriser la commande publique responsable et locale.   1/ Aux origines de l’interdiction de la préférence locale   Pour comprendre les raisons qui poussent le Conseil d’État à sanctionner la commune de Ventenac-en-Minervois en 1994, il faut se rappeler que, dès 1957, le Traité de Rome interdit toute discrimination en raison de la nationalité[3], qu’elle soit ostensible ou dissimulée[4]. Aucune réglementation nationale ne peut donc valablement réserver un pourcentage de marchés publics à des entreprises nationales ou régionales[5]. En 1992, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), rebaptisée depuis le Traité de Lisbonne, en 2009, Cour de justice de l’Union européenne, pose également le principe d’interdiction de toute préférence locale : il est rigoureusement interdit d’attribuer un marché public sur la base d’un critère d’origine ou d’implantation géographique des candidats[6]. Plutôt que d’intervenir directement dans l’économie – en l’occurrence pour soutenir une entreprise au motif qu’elle est implantée localement – l’État s’efface et revendique sa neutralité. Cette solution d’inspiration néolibérale a été reprise dans l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont la France est membre : il est interdit de discriminer en accordant une protection à des fournisseurs, marchandises ou services nationaux[7]. Il existe néanmoins une exception, lorsque l’implantation géographique est nécessaire à la bonne exécution du contrat, par exemple pour intervenir rapidement[8]. Mais, outre le fait que les exemples sont rares, même dans ce cas, le critère géographique ne peut pas préexister à l’attribution du marché, c’est-à-dire qu’un candidat qui s’engage à s’implanter localement devra être considéré au même titre qu’un autre déjà présent sur place[9]. Plusieurs principes – dits fondamentaux – assurent l’effectivité de la non-préférence locale. À travers la publicité du marché et la mise en concurrence des entreprises, les acheteurs publics assurent l’égalité d’accès. Tout au long de la procédure, ils traitent les candidats de la même manière et de façon transparente, ce qui leur permet, in fine, de choisir l’offre la plus avantageuse[10] en fonction des critères déterminés au départ[11]. Il faut dire, enfin, que l’existence d’une sanction pénale dissuade fortement de braver cette interdiction[12]. Il est unanimement admis que la publicité, la mise en concurrence et la transparence des procédures ont amélioré l’efficacité de la commande publique et permis de mieux utiliser les deniers publics. Tout au long des dernières années, il faut saluer le travail de ceux qui ont œuvré pour que ces règles se généralisent dans les pratiques des acheteurs publics. Il n’en demeure pas moins que la non-préférence locale est un choix politique, qui pourrait évoluer sans remettre en cause tout ce mouvement de rationalisation.   2/ L’approvisionnement auprès des entreprises de proximité   En réalité, certaines évolutions ont déjà eu lieu ; des moyens existent dans le corpus de règles applicables pour favoriser, indirectement et subtilement, les entreprises de proximité. Réunie en septembre 2020 pour discuter du « retour en force du made in France dans la commande publique », l’Association pour l’achat dans les services publics (APASP), qui réunit plus de deux mille acheteurs, remarquait qu’il est difficile de déterminer ce qu’est un produit fabriqué en France. Il est vrai que la question mérite d’être posée et que l’étiquetage obligatoire des produits apparaît comme un préalable nécessaire au développement d’un véritable achat public local, au même titre – d’ailleurs – que pour tous les consommateurs[13]. Mais, même si cet étiquetage existait, comment concilier le soutien aux entreprises avec la prohibition de toute préférence locale ? 2.1 – L’introduction de clauses environnementales et sociales Le premier élément de réponse a été introduit par une directive européenne de 2004[14], qui prévoit la possibilité de prescrire des caractéristiques environnementales et sociales dans les spécifications techniques des marchés publics. Concrètement, les acheteurs peuvent exprimer – avant la publicité – une préférence pour la méthode de production ou les caractéristiques environnementales des produits et des services qu’ils cherchent (limitation des émissions de gaz à effet de serre, qualité, fraîcheur, saisonnalité, par exemple). Ils peuvent aussi prendre en compte le nombre d’emplois créés[15] ou faire usage d’un écolabel, à condition que ces critères soient accessibles et disponibles à tous[16]. Pendant l’exécution, ils ont la faculté de favoriser l’emploi de personnes handicapées ou en difficulté, la formation des chômeurs ou des jeunes, et ce même au-delà de ce qui est exigé par la législation nationale[17]. En 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a consacré cette pratique, dans le cadre d’un marché public de thés et cafés issus du commerce équitable[18] et, depuis 2018, le développement durable – dans ses

Par Arnault G.

15 mars 2021

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