Listes citoyennes, municipalisme : Quelle démocratie locale après les gilets jaunes ?
À l’occasion des élections municipales de mars 2020, un grand nombre de listes dites « citoyennes » ou « participatives » se sont constituées, partout en France, dans les villes moyennes comme dans les métropoles, les villages ou les hameaux. Évoluant en dehors ou en retrait des étiquettes partisanes, ces listes placent la participation des citoyens à la vie démocratique au cœur de leur programme. Ce phénomène post-crise des gilets jaunes traduit une repolitisation citoyenne de l’échelon local, dont on ne saurait encore dire qui – quelles catégories socio-professionnelles, quelle(s) classe(s) d’âge – elle touche précisément. Elle ouvre des perspectives pour repenser les dispositifs de démocratie locale, du droit de pétition au référendum, et engager des efforts en faveur de la formation des élus et du financement de la participation. Introduction Un an après la crise des gilets jaunes qui ont placé la question démocratique au cœur de leurs revendications, les élections municipales donnent lieu à l’émergence, partout sur le territoire, de listes « citoyennes » ou « participatives », qui se présentent au scrutin municipal de mars 2020 sans étiquette partisane. Ces listes naissent à l’initiative de collectifs de citoyens, strictement hors partis ou transpartisans, mais toujours sans chapelle politique revendiquée. À quelques mois du scrutin, on en dénombre plus de 200 à travers la France. Qu’est-ce qu’une liste citoyenne ? La définition est moins aisée qu’il n’y paraît. On peut toutefois déceler, à la lumière des initiatives nées en vue des municipales, deux critères cumulatifs, qui forment un socle commun : le critère a-partisan et le critère participatif. Au-delà, chaque liste développe ses particularités, en étant plus ou moins portée vers un municipalisme à tendance libertaire, courant que l’on retrouve davantage dans les petites communes. Dans l’écrasante majorité des cas, et en dehors de leur exigence démocratique, les listes citoyennes prônent la transition écologique et la justice sociale. Table des matières I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène II. Des listes citoyennes entre re-politisation et défiance III. La démocratie communale comme nationale requiert du temps, des moyens et une implication réelle des citoyens IV. Comment approfondir la démocratie locale ? a. Référendum local et consultation d’initiative citoyenne b. Droit à l’expérimentation, sécurité juridique c. Le financement de la démocratie locale et la formation des élus I. Rejet des appartenances partisanes et promotion de la démocratie participative au cœur du phénomène Une liste citoyenne est d’abord une liste qui minimise l’appartenance partisane voire qui rejette toute étiquette, et se compose exclusivement de « citoyens » présentés comme tels. Si certaines listes citoyennes, à l’instar de l’Archipel citoyen à Toulouse qui a désigné un militant d’EELV comme tête de liste, reçoivent le soutien de partis et accueillent des militants de partis politiques, les références partisanes sont reléguées à l’arrière-plan ou n’apparaissent pas du tout. Les militants qui se présentent sur une liste citoyenne n’y figurent pas en tant que membres de leur parti. Une liste citoyenne est, ensuite, une liste qui place les outils de démocratie participative et directe au cœur de son fonctionnement, sur fond de critique parfois sévère à l’encontre de la démocratie représentative, assimilée à la politique politicienne et à la bureaucratie. Le périmètre de la démocratie participative étant lui-même sujet à débats, le vocable souffre d’imprécision. La plateforme « Action commune », qui offre un appui aux listes citoyennes en vue du scrutin de mars 2020, se simplifie la tâche en affirmant qu’est participative « une liste qui se définit comme telle », tout en mettant en avant des outils et pratiques labellisés démocratiques (« Label démocratie »[1]). Selon ces labels, une liste dite participative doit respecter un certain nombre de principes à son lancement comme en cas de victoire à l’élection. Lorsqu’elle se lance, elle ne doit avoir ni candidat ni programme pré-défini. Les candidats élus s’engagent à démissionner de tout autre mandat. Ne peut figurer sur la liste un candidat ayant eu plusieurs mandats par le passé. En cas de victoire, toutes les décisions prises durant le mandat sont co-construites entre les élus, qui sont davantage exécutants que décideurs, et les habitants. La transparence est de mise, et la vigilance exigée vis-à-vis de potentiels conflits d’intérêt. La plateforme « Action commune » recense 255 listes citoyennes partout en France[2]. Le chiffre peut sembler dérisoire et le phénomène anecdotique, comparé aux 36 000 communes que compte notre pays. Il ne l’est pas, pour au moins deux raisons. La première, c’est que les listes citoyennes ne sont pas un phénomène « concentré » sur un territoire ou sur une catégorie de communes. On retrouve des listes citoyennes partout en France. Carte interactive des listes citoyennes / Source : « Action Commune » Les listes citoyennes se retrouvent aussi bien dans les villes moyennes que dans les métropoles et les villages. À Montjustin, commune de 70 habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence, ou Luc-en-Diois, 524 habitants dans la Drôme, aussi bien qu’à Béziers, Poitiers, Annecy, Orléans ou Toulouse. Selon la taille de la commune, la tendance affichée est plus ou moins libertaire. Les petites communes voient traditionnellement se présenter des listes sans étiquette partisane aux scrutins municipaux. Lorsque, dans le contexte des listes citoyennes, s’y ajoute une dimension participative revendiquée, elles s’inscrivent dans un courant municipaliste prônant l’autonomie ainsi que la démocratie continue et directe, plus aisément praticable dans les communes de petite taille. La logique semble quelque peu différente dans les villes moyennes et les grandes villes (au-delà de 150 000 habitants), ou le phénomène « participatif » reflète davantage une volonté de renouvellement politique en dehors des partis. Répertoire-exemple de listes citoyennes candidates aux élections municipales 2020 Communes de plus de 50 000 habitants Communes de moins de 5000 habitants Albi, « Collectif pour Albi démocratique solidaire et écologique » Amiens, « Amiens 2020 » Annecy, « Réveillons Annecy » Aulnay-Sous-Bois, « Aulnay 2020 » Avignon, « Avignon en commun » Bayonne, « Demain Bayonne » Besançon, « Bisontine, Bisontins » Béziers, « Béziers Citoyens » Brest, « Brest la liste citoyenne » Chalon, « Citoyen bien vivre à Chalon » Chambéry, « Mouvement citoyen du grand Chambéry » Lorient, « Énergies citoyennes » Maçon, « Maçon 2020 écologique et solidaire » Montauban,
Par Ridel C.
23 février 2020