Introduction
À la croisée du débat entre technophiles et technophobes, le numérique apparaît, pour les premiers, comme un moyen d’achever le rêve transhumaniste d’arrachement à l’altérité et, pour les autres, comme l’un des symboles d’un consumérisme obscène sur le point d’épuiser les ressources (limitées) de la planète.
Sortir de cette opposition vaine est pourtant aujourd’hui un enjeu majeur. Au-delà de son aspect consumériste qu’il faut contenir et réguler, la révolution numérique porte en elle un potentiel d’innovation et de rupture à orienter vers la lutte contre le changement climatique et les déplétions du vivant et des ressources.
D’ailleurs, dans ses propositions visant à accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux, la Convention citoyenne pour le climat affirme que « le numérique est un formidable levier pour la transition écologique et la lutte contre le changement climatique »[1]. Elle propose alors, dans l’incipit de ses propositions, que « d’ici à 2025 le numérique soit un moyen pour participer à la transition et pas un outil qui contribue toujours davantage à la hausse des émissions »[2].
À l’heure de l’Anthropocène, il semble nécessaire, dans un objectif de conservation de l’ensemble du vivant, d’adjoindre à nos organisations sociales le concept de sobriété. À la fois synonyme de « modération » ou « réserve », ce concept concerne toutes les strates de la société et tous les domaines d’activité, pour y diminuer des flux de matières et d’énergie en croissance structurelle associés au numérique.
En cela, la sobriété numérique pourrait se définir comme la prise en compte préalable du caractère non renouvelable des ressources mobilisées dans la fabrication, l’utilisation et la fin de vie des terminaux utilisateurs, infrastructures réseau et data centers, ainsi que la nécessité de gérer ce secteur de l’économie de façon raisonnée afin de le préserver pour les générations futures.
Le concept de sobriété numérique ne cherche donc en aucun cas à lutter contre les nouvelles technologies informatiques ; il s’agit plutôt de trouver un point médian entre un monde sans technologie et un autre qui serait entièrement digitalisé, en choisissant des innovations qui soient en adéquation avec les limites physiques de la planète et les perspectives émancipatrices offertes aux individus.
À l’heure où ces lignes sont écrites, l’Assemblée Nationale s’apprête à examiner le projet de loi Climat et résilience. Malgré les nombreuses propositions de la convention citoyenne pour le climat, ce texte ne traite pas des enjeux environnementaux du numérique[3].
Dans cette optique, cette note cherche à donner des propositions – près de 30 – pour comprendre et réguler cette pression numérique sans cesse croissante. Celles-ci doivent être articulées avec les autres propositions de l’Institut Rousseau, comme celles encourageant les relocalisations rapides d’un ensemble de productions stratégiques, inscrites dans un effort de circularisation de l’économie.
1. Les terminaux du quotidien au coeur de l’empreinte du secteur
En réalité, derrière chacun de nos usages numériques se cache une longue chaîne de valeurs allant du sous-sol au ciel. En guise d’illustration, prenons l’exemple de la lecture de cette note.
Celle-ci nécessite, en premier lieu, un terminal (ordinateur, smartphone) qu’il a fallu produire en extrayant environ une soixantaine de métaux différents de la croûte terrestre. Il a ensuite été nécessaire de mettre en mouvement une industrie complexe pour l’assemblage et la mise en forme de l’artefact. Précédé par une phase de conception (R&D), le produit nécessite d’être modélisé, normé, prototypé puis testé à plusieurs reprises et souvent à plusieurs endroits du monde. Cette étape induit ainsi, elle aussi, des déplacements de personnes, de matériel et l’immobilisation de machines nécessaires à la conception.
Le matériel, une fois transporté jusqu’à l’utilisateur, voit son fonctionnement conditionné à un transfert d’information passant par un réseau de télécommunication (fibre optique ou satellite, par exemple) et de centres d’hébergement de données. De même, la phase de commercialisation, avec ses spots publicitaires diffusés sur ordinateurs, téléviseurs ou panneaux électriques – qui doivent eux-mêmes êtres produits – participent à une forme de saturation de l’espace médiatique et d’obésité informationnelle dont la première victime est le citoyen. Plus tard, enfin, la mise en décharge de l’appareil, souvent accélérée par les obsolescences produits et marketing, entrera dans le coût écologique final de l’usage.
Ainsi, chacune de nos activités numériques encode lors de ces cinq phases une partie des émissions carbone et de la déplétion des ressources induites par le secteur. La dématérialisation, si souvent vantée, n’a donc rien d’immatériel ; au contraire, elle induit, elle aussi, une pression anthropique significative qu’il s’agit d’abord de comprendre, pour ensuite infléchir la trajectoire exponentielle sur laquelle cette boulimie numérique a propulsé le secteur.
Cycle de Vie d’un appareil numérique
Crédit : Ilian Moundib ®
1.1. Une invisibilité en trompe l’œil
Le secteur du numérique nourrit, de fait, son élargissement de la mise en mouvement d’un flux de matière toujours croissant. Afin d’assurer leurs fonctions technologiques, les appareils du quotidien (ordinateurs, smartphones) nécessitent une quantité et une diversité toujours plus importante de métaux précieux (or, argent) et de petits métaux (gallium, germanium ou tantale, par exemple). Les métaux de structure ou d’alliage comme le cuivre sont également particulièrement sollicités par le secteur pour la mise en forme des réseaux de télécommunication.
Cette augmentation croissante de la demande en métal pose deux problèmes majeurs :
– d’abord, les processus miniers d’extraction et de raffinage nécessitent, d’ores et déjà, une grande quantité d’énergie souvent très émettrice en gaz carbonique, mais aussi d’eau, ressource en tension avec le changement climatique. À plus long terme, le problème de l’accessibilité à ces ressources métalliques se pose très sérieusement : les minerais les plus concentrés ayant déjà été exploités, il est nécessaire de recourir à toujours plus d’énergie dans les processus d’extraction pour récupérer la quantité de métal nécessaire à la satisfaction de la demande.
– dans le même temps, cette extraction entraîne de nombreux désastres écologiques, donc aussi humains.
Ainsi, des tensions majeures sont à anticiper pour l’industrie du numérique[4] ; l’adaptation devient vitale pour éviter le mur imposé par les limites physiques.
Concernant la question du changement climatique, le secteur du numérique est la vitrine d’une incohérence. Alors que le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat) recommande de se placer sur une trajectoire de réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique (-45 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2010 pour l’objectif 1,5°C et -25 % au même horizon pour l’objectif 2°C)[5], le digital poursuit son expansion effrénée.
Actuellement, 34 milliards de terminaux numériques sont en circulation dans le monde, soit quatre fois plus d’unités que d’êtres humains (7,8 milliards en octobre 2020) alors que, d’après la Banque mondiale, 50 % de la population mondiale n’a pas d’accès à Internet[6]. Le numérique représente environ 1,5 gigatonnes (GtCO2e) d’émissions de GES au niveau mondial[7], soit deux à trois fois les émissions annuelles de la France. Il matérialise aujourd’hui environ 4 % des émissions mais se trouve porté par une croissance annuelle vertigineuse de l’ordre de 9 % par an[8], avec un flux de données multiplié par 38 en 10 ans[9]. Cette empreinte climatique se répartit aujourd’hui équitablement entre la fabrication des équipements (environ 46 % des émissions) et leur utilisation en ligne par le biais des data-centers et des réseaux de télécommunication (environ 56 % des émissions)[10].
Répartition des émissions de GES mondiales du numérique en GtCO2e
Source : Empreinte environnementale du numérique mondial, Green IT, Septembre 2019
Credit : Ilian Moundib ®
Quant à elle, la France compte 631 millions d’équipements pour 58 millions d’utilisateurs, soit environ 11 équipements par utilisateur. Cela représente environ 5 % des émissions de GES du pays sur l’ensemble du cycle de vie de ces appareils[11]. Ici, du fait du mix électrique très faiblement carboné du pays, l’impact du numérique du secteur est porté à 83 % par la fabrication et l’importation des terminaux du quotidien (smartphones, ordinateurs, téléviseurs etc…).
1.2. L’extraction des métaux, une activité carbonée et non soutenable
Aujourd’hui dans le monde, la noria de smartphones, d’ordinateurs ou de téléviseurs se dénombre en dizaines de milliards d’unités. La confection des composants électroniques et l’extraction intensive de matières premières qu’elle impose participent alors à environ 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur[12] au niveau mondial et près de 85 % dans le cas particulier de la France[13].
Empreinte fabrication d’un équipement numérique
Credit : Ilian Moundib ®
Cette demande à laquelle l’industrie s’efforce de répondre provoque un essoufflement accéléré de la disponibilité en métaux, décuplant les consommations énergétiques nécessaires à l’accès à la ressource. Ainsi, à l’échelle mondiale, 7 % à 10 % des ressources énergétiques (pétrole, gaz, charbon, nucléaire et renouvelables) sont consacrées à l’extraction et au raffinage de ces ressources métalliques[14]. Par conséquent, en dépit des gains d’efficacité énergétique, l’empreinte carbone liée aux effets du raffinage des métaux a été multipliée par 2 entre 2000 et 2015[15]. Cette grande quantité d’énergie est alors responsable de la majorité de l’empreinte carbone du matériel numérique. Ainsi, d’après la base carbone de l’ADEME, un ordinateur portable émet 156 kgCO2e [16] dont 77 % sont associés à cette phase du cycle de fabrication[17].
Répartition de l’empreinte carbone selon la phase de fabrication du matériel
Source : la Base Carbone ADEME
Credit : Ilian Moundib ®
Dans cette optique, la mise en place d’une taxe carbone au niveau de l’Union européenne dans le cadre du Pacte Vert Européen (EU Green Deal) est une avancée indéniable : en faisant payer les pollueurs à proportion de leurs émissions de dioxyde de carbone, elle vise à réduire celles-ci. Néanmoins, alors que le projet devrait être mis en place d’ici 2022, de nombreuses zones d’incertitude existent car plusieurs options, à l’heure où sont écrites ces lignes, sont en jeu : parmi elles, il y a « une taxe appliquée sur les importations à la frontière de l’UE, pour les produits issus de secteurs à risque quant aux fuites de carbone, ou encore une extension du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’UE aux importations »[18]. Quelle que soit l’option choisie, il faut que le secteur du numérique soit pris en compte par le législateur européen, aux côtés de celui de l’aviation commerciale ou encore de celui de la production d’électricité et de chaleur.
Proposition 1 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : Que ce soit une taxe européenne sur les importations aux frontières de l’UE ou une extension du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) aux importations, l’Union européenne doit inclure le numérique comme secteur à part entière dans la mise en place d’une taxe carbone aux frontières pour limiter ses émissions croissantes en dioxyde de carbone.
1.3. Vers l’épuisement des ressources métalliques
La consommation du numérique s’inscrit pleinement dans une tendance multisectorielle de croissance des besoins en métaux. France Stratégie estime que la consommation en métaux a bondi de 250 % au niveau mondial entre 1970 et 2017, passant de 2,6 milliards de tonnes à 9,1 milliards de tonnes, soit une hausse d’environ 2,7 % par an[19]. Le numérique repose sur un mix des trois familles à exploiter : les grands métaux de structure visant à donner corps aux grandes infrastructures, les métaux high tech et les métaux précieux visant à doper les performances.
Le prolongement de cette trajectoire conduira à un volume en circulation de l’ordre de 18 milliards de tonnes en 2060, niveau très probablement insoutenable. En effet, la dépense énergétique nécessaire à l’accès à la ressource se trouve être inversement proportionnelle à la concentration minière du métal à extraire. Ainsi, plus une zone minière a été exploitée, plus il est nécessaire d’apporter de l’énergie pour en tirer une quantité constante de ressources. Cette énergie toujours croissante vient compromettre de façon de plus en plus manifeste l’exploitation de certains métaux.
Le cuivre, particulièrement utilisé pour donner corps au réseau Internet comme à l’enveloppe des terminaux du quotidien, en est un excellent exemple. La consommation de cette ressource n’a cessé d’augmenter au rythme de 3,4 % par an depuis les années 1990[20]. En conséquence, aujourd’hui, la concentration moyenne des minerais de cuivre exploités s’élève autour de 0,8 % alors qu’elle était deux fois plus importante dans les années 1930 à 1,8 %. Cela signifie aujourd’hui qu’un minerai de cuivre contient environ deux fois moins de métal exploitable qu’au siècle dernier et qu’il est donc nécessaire d’avoir recours à environ deux fois plus d’énergie (et donc, de façon générale, à émettre deux fois plus de carbone) pour en extraire la denrée. Dans sa large étude sur les métaux de la transition, l’IFP Energies Nouvelles estime que d’ici 2050, 89,4 % des ressources de cuivre connues en 2010 seront extraites dans le cas d’un scénario de transition énergétique à 2°C et 78,3 % dans un scénario 4°C [21]. Cruel rappel que la transition a, elle aussi, un coût environnemental significatif.
Principales interdépendances entre grands et petits métaux
Source : Bihouix et Guilledon [22]
Credit : Ilian Moundib ®
En dehors des métaux structurels, la problématique d’accès à la ressource vient se complexifier par l’interdépendance entre métaux. Certains ne sont que des coproduits de l’exploitation d’autres métaux. Il en va ainsi d’une grande partie des métaux de nos smartphones : cobalt, indium, cadmium, germanium[23] qui, bien qu’extraits en petite quantité, voient leur production contrainte par des limites physiques liées à l’appauvrissement des minerais. Aujourd’hui, environ la moitié des soixante métaux est ainsi liée au destin d’autres métaux. Enfin, la production des petits métaux se concentre autour de seulement quelques zones géographiques. Par exemple, la Chine contrôle la production mondiale du tungstène.
Les métaux de l’électronique moderne
Source : Commission Européenne [24]
Ce même phénomène de miniaturisation des composants électroniques dans les périphériques du quotidien engendre alors des difficultés majeures dans le recyclage et la réutilisation des appareils. Cela multiplie nos dépendances à un nombre croissant de ressources non renouvelables. Pour prendre le contrepied de cette dépendance à une complexité sans cesse croissante, le pays aurait tout intérêt à tourner ses objectifs industriels vers la conception d’équipements plus simples, plus durables et avec une durée de vie plus longue. Pour cela, une politique industrielle ambitieuse s’accompagne alors d’une réorientation des subventions vers les entreprises proposant ce type d’équipement et des investissements en R&D vers ces objectifs. Le plan de relance comportera une enveloppe de 7 milliards d’euros dédiée au secteur numérique, dont une grande partie sera à destination des entreprises sous la forme de participation aux levées de fonds ou encore d’aide à la transformation des entreprises et des services de l’État.
Proposition 2 (Faisabilité facile / Impact fort) : Dans le cadre du plan de relance, nous proposons de flécher des investissements destinés au secteur du numérique pour des entreprises nationales innovantes, qui poursuivant l’objectif de développer du matériel informatique modulaire, moins gourmand en métaux (en quantité et en diversité) et simplifié dans les alliages pour favoriser leur recyclage ; le but étant de les soutenir dans leur déploiement sur le marché français pour diminuer l’empreinte environnementale du pays.
1.4. Une industrie aux conséquences graves pour la santé humaine : l’exemple du coltan
En plus de son empreinte énergétique croissante, le secteur du numérique engendre un ensemble de pollutions locales mais aussi de conflits dans les zones d’extractions minières. L’exemple du coltan offre un cas d’école des troubles directement induits par cet extractivisme. En Afrique, la République Démocratique du Congo (RDC) contiendrait dans son sol 60 % à 80 % des réserves mondiales de coltan[25]. Dans ce dernier pays, l’extraction de ce minerai de couleur noire ou brun rouge a entrainé de nombreux désastres humains et écologiques.
Tout d’abord, le coltan était au centre de la deuxième guerre du Congo (1998-2002), qui a été la plus grande guerre entre États dans l’histoire contemporaine du continent africain. Ainsi, un rapport d’experts de l’ONU insiste en 2001 sur le rôle cardinal des groupes armés affiliés à la RDC mais également de ses voisins comme le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi dans l’extraction illégale de ce minerai puis son transport en contrebande[26]. Plus spécifiquement, l’armée rwandaise aurait gagné 250 millions de dollars de ce trafic[27]. C’est à cette époque que l’expression « minerai de sang » fait son apparition pour qualifier le coltan acheté par des entreprises peu scrupuleuses du secteur de l’informatique afin de fabriquer leurs équipements. Dans ce contexte, beaucoup d’enfants ont été forcés de travailler dans des mines illégales, mettant en danger leur propre vie. Au-delà des conséquences humaines désastreuses, ce genre d’extraction a également amené des conséquences catastrophiques d’un point de vue environnemental et de santé publique.
Lubumbashi, deuxième ville du pays, concentre tous les maux possibles associés à l’exploitation minière : du point de vue de la faune et la flore, disparition de toute vie sur une zone désertique servant au déversement d’acides de la société minière publique congolaise (Gécamine) et, plus généralement, disparition de poissons et plusieurs espèces d’oiseaux dans la région[28] ; pour les habitants, malformations congénitales, troubles respiratoires, tumeurs, etc[29].
Ainsi, il devient essentiel de réguler l’entrée de terminaux (ordinateurs, téléphones portables, serveurs, etc.) sur le territoire national et européen en s’appuyant sur des critères environnementaux et humains. C’est d’ailleurs ce que souhaitent les Français qui, dans un sondage, étaient 89 % à se dire favorables à une législation stricte pour les fabricants de téléphones portables au sujet de l’utilisation de minerais entrant dans la fabrication de ces appareils[30]. De plus, ils étaient également 83 % à demander au gouvernement de faire pression auprès de l’Union européenne pour qu’un règlement contraignant soit mis en place[31].
Nous approuvons la mise en application depuis le 1er janvier 2021 du Règlement européen relatif aux minerais provenant de zones de conflit (2017/821/UE)[32], qui est le résultat de plusieurs acteurs de la société civile comme Amnesty International, ActionAid, CCFD-Terre Solidaire, Global Witness, GreenIT.fr via Good Electronics, Oxfam France, Sherpa ou encore Walk Free. Celui-ci oblige les importateurs de métaux comme l’étain, le tantale, le tungstène et l’or à respecter le « devoir de diligence de la chaîne d’approvisionnement provenant de zones de conflit ou à haut risque »[33]. Plus concrètement, les entreprises sont dorénavant contraintes de vérifier que les minerais dont elles s’approvisionnent n’ont pas été extraits dans un contexte de financement des conflits ou d’autres activités illégales.
Néanmoins, comme l’a déploré l’ONG belge Justice & Paix[34], cette obligation ne concerne que partiellement les différentes chaînes d’approvisionnement : les entreprises en « fin de chaîne » qui importent les terminaux informatiques pour les vendre directement aux consommateurs ne sont pas du tout contraintes, même si elles peuvent se retrouver face à des équipements qui contiennent des métaux issus de zones à risque. Face à des dispositifs réglementaires parcellaires, il devient impératif pour l’Union européenne de réglementer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement du secteur numérique.
Proposition 3 (Faisabilité difficile / Impact fort) : En obligeant l’ensemble des entreprises à renseigner la liste des métaux utilisés, leur provenance exacte à chaque étape de fabrication d’un terminal informatique et, plus généralement, le suivi de critères environnementaux et sociaux, il sera dès lors plus facile de procéder à des contrôles de ces produits finis lorsqu’ils arrivent sur le territoire de l’Union européenne. La réglementation pourra alors prendre la forme d’une interdiction totale d’un lot de produits finis si les critères définis à chaque étape n’ont pas été respectés. Lorsqu’ils le seront, ils constitueront les informations de base du passeport numérique, expérimenté en Allemagne, qui suivra le produit sur l’ensemble de sa vie (voir proposition 6).
1.5. Une numérisation incontrôlée dans les pays du sud : l’exemple africain
Dans les régions du monde encore peu numérisées, opérateurs télécoms et industriels ont tendance à inonder le marché avec des périphériques au plus bas coût possible. Cette numérisation incontrôlée a alors tendance à déséquilibrer les sociétés par les pollutions qu’elles engendrent (déchets) et en les plaçant elles aussi sur une trajectoire non soutenable.
C’est le cas, notamment, du continent africain qui n’est pas uniquement pourvoyeur de métaux et, plus généralement, de ressources naturelles : il constitue aussi, pour le secteur du numérique, un marché en plein développement. Selon la GSMA, le lobby de l’industrie mobile, 34 % de l’Afrique subsaharienne est désormais couverte en 4G, contre 27 % en 2017[35]. Cependant, le taux d’équipement est particulièrement bas (45 % contre 95 % en France[36]) car le prix d’achat d’un smartphone est encore trop élevé. C’est pour cela qu’Orange s’associe avec Google pour lancer un tout nouveau téléphone vendu 30 dollars[37]. Même si lutter contre la fracture numérique mondiale grâce à des appareils plus accessibles fait partie de la solution, la durée de vie de ces appareils, leur facilité à être réparés et, plus généralement, leurs impacts environnementaux doivent encore être mesurés. La France ou/et l’Union européenne ont tout intérêt à financer, en partenariat avec un constructeur national ou un consortium européen, la fabrication d’un smartphone durable – comme il en existe déjà avec le Fairphone[38] ou encore le Light Phone[39] – mais à un prix sensiblement plus accessible. Les critères d’utilité, d’accessibilité et de durabilité devront donc être respectés.
Proposition 4 (Faisabilité moyenne / Impact moyen) : Alors que le moteur de recherche français Qwant a bénéficié d’une subvention de 20 millions d’euros de la Caisse des Dépôts pour un résultat plus que mitigé[40], nous proposons d’investir la même somme pour participer à la conception et fabrication d’une première série de smartphones français ou/et européens durables pour répondre aux attentes du marché africain mais aussi européen. Néanmoins, si une telle somme permettrait de réduire le prix à la vente du Fairphone ou d’un nouveau modèle de la même marque, il serait alors pertinent de procéder à un investissement au sein de l’entreprise néerlandaise qui le produit en impliquant des acteurs du numérique africain.
Il semble ici nécessaire de garder en tête que la numérisation non maîtrisée du continent africain apparaît comme une impasse. De façon générale, si les autorités françaises et européennes interviennent dans le financement de ce secteur, elles doivent le faire en ayant mesuré au préalable les enjeux environnementaux et sociaux en termes de développement durable pour le continent.
Proposition 5 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : De façon générale, limiter les financements dans la numérisation du continent africain à des projets ayant des co-bénéfices environnementaux (ou a minima des co-bénéfices climat) et sociaux stricts (nombre minimal d’emplois créés) permettant de garantir une trajectoire de développement soutenable. Ainsi, investir, sous la forme d’aide au développement, dans les initiatives locales de réparation et de développement d’équipements informatiques sur le sol africain est un exemple à suivre.
1.6. Une obsolescence logicielle organisée dans les pays développés
Au niveau national cette fois, l’éco-conception et la réduction de complexité dans les appareils du quotidien apparaît aussi bien comme un enjeu de souveraineté que comme une formidable opportunité de réindustrialisation écologique du pays (voir partie 3 de la note).
Néanmoins, pour les appareils qui ne sont pas éco-conçus, il s’agit d’avoir une politique qui permette d’avoir un suivi complet durant sa durée de vie, de façon à l’allonger : l’achat numérique le plus écologique est bien celui qu’on évite. C’est pour cela que le passeport numérique, brièvement introduit dans la proposition 3, qui accompagne le terminal informatique (conforme aux exigences environnementales et sociales dans les différentes chaînes d’approvisionnement, lorsqu’il rentre sur le territoire européen) permettra, à l’image de la carte grise d’une voiture, de contrôler chaque étape de vie du produit fini.
Proposition 6 (Faisabilité difficile / Impact moyen) : Créer un passeport numérique européen, déjà expérimenté en Allemagne, qui suivra chaque terminal informatique et permettra d’avoir un meilleur suivi de ses différentes étapes de vie, des éventuelles réparations qu’il a subies et du nombre de propriétaires qui l’ont possédé.
Malheureusement, l’obsolescence programmée est un frein à cet allongement de la durée de vie des biens informatiques. En la punissant par la loi depuis 2015[41], la justice vise les entreprises qui réduisent délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement, ce qui constitue une pratique considérée comme une « tromperie » envers le consommateur, soit une infraction passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Très récemment, la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, a proposé, dans le cadre d’une loi pour « empêcher la croissance exponentielle de la pollution numérique », l’obligation pour les fabricants de « prouver que la réduction de la durée de vie du terminal n’est pas imputable à une stratégie commerciale »[42]. Parmi les propositions associées, on trouve la sanction de l’obsolescence logicielle et l’allongement de la durée de garantie légale de deux à cinq ans. Nous soutenons cette dernière proposition en ces termes.
Proposition 7 (Faisabilité facile / Impact moyen) : Pour les produits finis présents sur le territoire national, étendre, selon les produits, leur garantie constructeur de 2 à 5, voire 10 ans, permettra de prolonger la durée de vie de ces appareils et enverra un signal clair aux constructeurs.
Cependant, lorsque les appareils ne sont plus fonctionnels, la réparation, les extensions de garantie voire la remise en vente dite reconditionnée doivent être généralisées pour que leur durée de vie soit prolongée. Plus qu’un indice de réparabilité présent sur certains appareils électroniques depuis le 31 janvier 2021 grâce à la loi anti-gaspillage[43], le marché de l’occasion doit être impulsé par une TVA réduite.
Proposition 8 (Faisabilité facile / Impact moyen) : Tout comme les travaux de rénovation énergétique permettent de bénéficier d’un taux de TVA réduit de 5,5 %, ce même taux doit être appliqué aux réparations d’appareils déjà existants puis à leur éventuelle vente en tant qu’appareils reconditionnés afin d’avoir un avantage compétitif sur les appareils neufs.
Concernant la fin de vie des appareils numériques, un constat détaillé ainsi que plusieurs propositions peuvent être retrouvés dans la troisième partie de cette note.
1.7. Lutter contre l’obsolescence marketing par le rationnement de l’espace publicitaire
Au centre de l’obsolescence de nos appareils du quotidien, la publicité doit être régulée pour ne pas, elle aussi, artificiellement, accélérer le rythme de renouvellement de l’appareillage des ménages. Ainsi, l’accès aux supports publicitaires numériques ou papier devrait être réservé, ou du moins facilité, pour les produits respectant un cahier des charges d’éco-conception strict, un indice de réparabilité minimal et une durée de garantie étendue. Des initiatives liées à l’économie de la fonctionnalité, comme la mise en commun des équipements digitaux, leur prêt et leur partage sont également à promouvoir.
Proposition 9 (Faisabilité difficile / Impact moyen) : Conditionner l’accès aux supports publicitaires pour le secteur numérique aux initiatives de mutualisation et de réparation des périphériques ou aux produits informatiques respectant un cahier des charges d’éco-conception strict avec un indice de réparabilité minimal et une durée de garantie étendue.
De plus, l’usage de certains dispositifs comme les panneaux publicitaires digitaux doit être totalement remis en question, et ce pour des raisons environnementales. Tout d’abord, ils sont une source de consommation énergétique inutile : l’ADEME a démontré qu’un écran publicitaire numérique consomme 20 000 kWh sur sa durée de vie[44] soit l’équivalent de la consommation électrique moyenne de 4 ménages français pendant une année entière[45]. Ensuite, avec l’éclairage public, ils font partie de la pollution lumineuse qui participerait, avec l’agriculture intensive et le changement climatique, au déclin mondial de la biomasse des insectes estimé à 2,5 % par an depuis 30 ans[46]. En Allemagne, face à la disparition de 75 % des insectes volants en 27 ans dans les zones protégées du pays[47], le gouvernement a récemment présenté une loi pour limiter la pollution lumineuse[48].
Proposition 10 (Faisabilité facile / Impact moyen) : Interdire l’usage des panneaux publicitaires digitaux.
1.8. La solution Low-Tech
Déjà abordé sans être explicitement mentionné dans les propositions ci-dessus, le passage d’une importation massive de terminaux high tech à une réindustrialisation verte par la low tech apparaît comme central dans la mise en application de la sobriété. Ce concept clé de la question de la sobriété numérique renferme un formidable potentiel de bifurcation des enjeux technologiques du temps : produire intelligemment, repenser la technologie sur un prisme d’utilité qui aura été défini par le plus grand nombre (démocratie technique) et à faible impact environnemental.
Selon une note de La Fabrique Ecologique consacrée au sujet, les low-tech, « par opposition aux high-tech, sont une démarche visant, dans une optique de durabilité, à questionner nos besoins réels et développer des solutions aussi faiblement « technologisées » que possible. L’objectif est de minimiser l’énergie requise à la production et à l’usage, d’utiliser le moins possible de ressources et matériaux rares, et de ne pas infliger de coûts cachés à la collectivité. Elles sont basées sur des techniques les plus simples possible, les moins dépendantes possible des ressources non renouvelables, sur des produits réparables et maintenables dans la durée, facilitant l’économie circulaire, la réutilisation et le recyclage, s’appuyant sur les savoirs et le travail humain digne. Cette démarche n’est pas seulement technologique, mais aussi systémique. Elle vise à remettre en cause les modèles économiques, organisationnels, sociaux, culturels. À ce titre, elle est plus large que l’écoconception. Une autre manière, moins « technocratique », de définir les low-tech serait de les résumer comme une philosophie où l’on se poserait trois questions : « Est-ce utile, est-ce que ça le vaut ? Est-ce réellement le plus soutenable possible (écologiquement et humainement) ? Est-ce que ça nous rend plus résilients, autonomes, agiles ? »[49]
En suivant la maxime « Low Tech, high future », un enjeu très fort est de former, en amont, les générations actuelles et futures à l’avantage que constituent les basses technologies dans un monde où les limites des ressources planétaires seront de plus en plus prégnantes. Ces supports pourront servir d’appui à l’enseignement de la sobriété numérique.
Proposition 11 (Faisabilité moyenne / impact fort) : Inclure l’enseignement et la pratique des low tech et, plus généralement, de la sobriété numérique dans les programmes d’enseignement secondaire (notamment au sein des cours de technologie du collège) et supérieur (BTS, DUT, écoles d’ingénieur, de commerce, de management et de sciences politiques etc.).
Plus que la sensibilisation au low tech, ce concept doit pouvoir se décliner dans les politiques d’achat des secteurs privés comme publics. En France, dans l’administration publique, certaines initiatives pour valoriser l’équipement informatique réformé sont à mettre en lumière comme la convention de récupération des ordinateurs réformés par l’administration entre l’Eurométropole de Strasbourg et l’association Humanis qui « récupère ces ordinateurs, les reconditionne et les revend en local à bas coût pour les personnes défavorisées ou les met à disposition d’associations ou ONG pour des projets spécifiques »[50]. Il apparaît également utile de souligner que dans la majorité des cas, les professionnels du secteur constatent que les outils sont la plupart du temps encore tout à fait valables.
Néanmoins, le matériel consommé n’est pas des plus éco-responsables. En effet, le catalogue de l’Union des Groupements d’Achat Public[51] (UGAP) propose du matériel informatique des plus grandes marques, qui n’ont pas fait de la modularité ou de la réparabilité leur priorité stratégique, à l’inverse d’autres entreprises actuelles. Bien que les grandes marques de l’informatique soient plébiscitées, dans de nombreux médias, pour leurs efforts concernant la conception, la commercialisation et l’utilisation de leurs produits tournés vers plus de soutenabilité, ce plébiscite doit être comparé aux besoins réels de l’éco-responsabilité. En effet, l’administration peut effectuer des commandes de matériel sans rigoureusement considérer les réalités du recrutement dans la fonction publique où les contrats courts voire très courts se multiplient. La lenteur administrative et les délais de livraison peuvent aboutir à des commandes de matériel non utilisé, non adapté aux profils, à cause des fins de contrat, des remplacements, etc. De plus, le manque de connaissance en informatique de la part des utilisateurs sur la réparabilité ou la maintenance amène à rapidement remplacer le matériel alors délaissé et non valorisé. Cette situation soulève la question de la longévité, de l’adaptation du matériel.
Proposition 12 (Faisabilité moyenne / Impact moyen) : Encourager l’administration publique française à investir dans de l’équipement modulable, réparable, pour une utilisation durable, comme ce que peut proposer l’entreprise Commown[52].
2. Des usages sur une trajectoire exponentielle
Mécaniquement, avec l’augmentation du nombre de terminaux et la numérisation accélérée des services, les usages du numérique explosent. Ils pèsent aujourd’hui lourdement sur une production électrique toujours très carbonée. En effet, derrière chaque octet en circulation sur la toile se cache une consommation électrique répartie entre le terminal lui-même, les infrastructures de stockage de la donnée (les data-centers) et celle de transfert de celle-ci (réseau fibre, ADSL, mobile etc…).
Utilisation : une consommation électrique en trois temps
Credit : Ilian Moundib ®
Au niveau mondial, la consommation énergétique liée à l’usage des appareils numériques est très polarisée. Sur l’année 2018, on estime qu’un Américain possédait près d’une dizaine de terminaux numériques connectés, et consommait ainsi une enveloppe de données mobiles et wifi d’environ 140 Go par mois[53]. Au contraire, un Indien avait accès à un seul périphérique pour une consommation mensuelle de données de 2 Go[54].
En revanche, l’inflation des services numériques et la numérisation accélérée des pays du Sud ont placé la circulation de données sur une trajectoire qui semble hors de contrôle. En 2016, le trafic Internet mondial avait, en effet, atteint 1 zettaoctet soit 10^21 octets[55]. Pour donner une idée de ce que ce chiffre peut représenter, Google estimait en 2010, à l’aide de ses algorithmes, qu’il existait environ 130 millions d’ouvrages différents publiés depuis l’invention de l’imprimerie[56]. Si l’on estime à 1 Mo la quantité d’information par livre (ordre de grandeur réaliste), nous pouvons calculer que le trafic Internet mondial de 2016 contenait 8 millions de fois plus d’informations (sans éliminer les redondances) que dans l’ensemble des ouvrages publiés depuis Gutenberg. En 2020, le trafic Internet mondial est évalué à 3 zettaoctets de données[57]. En matière de prévision, le consortium CISCO prévoit, en 2022, un trafic Internet de l’ordre de 5 zettaoctets[58], dont 1 zettaoctet uniquement généré par les données mobiles (3G, 4G et 5G)[59].
2.1. Une accélération des flux de données pesant sur la consommation électrique mondiale
Portées par une forte intensification des usages en Asie et en Amérique du Nord, les technologies de l’information sont donc en expansion dans le monde : les experts prévoient un triplement du trafic d’ici à 2022 par rapport au niveau de 2017.
Projection d’évolution Data-centers
Source : George Kamiya Agence Internationale de L’Energie [60]
Credit : Ilian Moundib ®
Aux États-Unis, la consommation moyenne de données domestiques (via Wi-Fi) a été multipliée par un facteur 40 en dix ans pour atteindre un niveau de 350 giga octets (Go) par foyer en 2020[61]. Cette croissance sidérante s’explique par la myriade d’orbites gravitant autour de la vidéo en ligne (80% du trafic), pour ce qui concerne le consommateur, et de l’Internet of Things ou Internet des Objets au sein des entreprises et des foyers (assistants vocaux, domotique, thermostat connecté, etc). Selon une étude menée par la National Public Radio et l’Institut de recherche Edison, 43 millions de foyers nord-américains sont d’ores et déjà équipés d’une enceinte connectée[62].
Pourtant, en dépit de cette accélération spectaculaire du flux de données, les projections de l’Agence Internationale de l’Énergie ne semblent pas suggérer que celle-ci se soit traduite, pour le moment, par une flambée de la consommation électrique de ces mêmes centres de données. La mutualisation des data centers[63] et l’amélioration des technologies de transfert[64] ont permis d’aplanir la consommation électrique associée, malgré le quadruplement du trafic depuis 2015. Toutefois, ces projections doivent être mises au regard de ceux de la Commission européenne, qui anticipe dans son rapport « Energy-efficient Cloud Computing Technologies and Policies for an Eco-Friendly Cloud Market », une augmentation de 28 % de la consommation électrique des data-centers européens d’ici 2030 (par rapport à 2018)[65].
Ces différences de diagnostic peuvent s’expliquer par la jeunesse du sujet de l’empreinte environnementale du numérique. Contrairement à la question de la fabrication des terminaux informatiques qui profite de plusieurs bases de données de référence (dont notamment la base carbone ADEME), les modèles divergent pour évaluer la consommation énergétique de la phase d’usage. Le problème se situe ici au niveau de la consommation électrique associée à la circulation d’un octet de données dans le réseau de télécommunication et dans les data centers. Pour le réseau, seuls les opérateurs ont accès à la quantité moyenne d’énergie électrique consommée par octet et ne diffusent pas cette information. Dans les data centers, cette donnée est elle aussi particulièrement difficile à obtenir. Ceci explique ainsi que les estimations de cette phase usage varie énormément d’une étude à l’autre (parfois d’un facteur allant de 10 à 100).
2.2. Data-centers et réseaux : l’importance du contenu carbone du mix électrique
Sur la question des usages du numérique, même si son impact est encore sujet à normalisation, le contenu carbone de l’électricité revêt une importance toute particulière. Ainsi, au-delà de l’enjeu de souveraineté numérique, garder un maximum de centres de données sur le territoire français permettra de réduire leur empreinte climatique. En effet, en France, la production d’un kWh d’électricité produit environ 70 gCO2e, tandis qu’en Allemagne le recours massif au charbon induit qu’un kWh génère encore aujourd’hui 490 gCO2e[66]. Ainsi, à consommation électrique constante, un centre de données opérant en France générera 9 fois moins de GES qu’un autre situé en Allemagne. De la même façon, un octet en circulation sur le réseau allemand, émettra environ 10 fois plus de CO2 que ce même octet en France.
Intensité carbone des mix électriques de différents pays européens
Données adaptées de l’Agence Internationale de L’Energie, World Energy Outlook 2020
Credit : Ilian Moundib ®
2.3. Infrastructures et inégalités environnementales
Néanmoins, concernant les inconvénients associés aux centres de données en France, la question de la reconversion des entrepôts industriels et des usines en friche en fermes de serveurs interroge sur la question des inégalités environnementales[67]: la Seine-Saint-Denis a récemment connu une implantation massive de centres de données dans des villes comme Aubervilliers ou la Courneuve, avec 300 MW de puissance installée pour 100.000 m2 [68]. Consommatrice d’espace et faiblement créatrice d’emploi, ces installations posent d’ores et déjà un certain nombre de problèmes aux populations qui vivent à proximité.
Très gourmandes en électricité, ces fermes peuvent venir déséquilibrer le réseau électrique local et provoquer des coupures. La production de chaleur fatale souvent mal récupérée, mais aussi le stockage de fioul pour l’alimentation annexe, engendrent des problèmes de sécurité pour les habitants.
Pour l’instant, majoritairement implantés dans les centres urbains, l’arrivée prochaine des data-centers de grande capacité ou hyperscale dans les zones rurales ou périurbaines risque de poursuivre la tendance en augmentant la quantité d’électricité à fournir par le réseau mais aussi en renforçant l’artificialisation des sols dans ces zones périphériques.
Cependant, le tableau n’est pas entièrement noir : parmi les 149 centres de données[69] déjà présents sur le territoire français, le modèle de GrenoblIX 2[70] est tout à fait intéressant car il a su valoriser une friche industrielle et mettre en place un système d’usage et de réutilisation de l’eau.
Par rapport à l’ensemble des éléments positifs et négatifs propres à l’implantation et au fonctionnement de centres de données, des villes comme Stockholm, Amsterdam et Haarlemmermeer ont pris des dispositions. De son côté, la capitale suédoise a mis en place le programme « data center parks » qui propose un bail de longue durée aux data centers, leur permettant le refroidissement de leurs serveurs contre la récupération de leur chaleur[71]. De l’autre, la capitale néerlandaise et Haarlemmermeer ont annoncé en juin 2019 une pause jusqu’en 2020 dans la construction de nouveaux data centers. En effet, face à un secteur affichant une croissance annuelle de 10 à 15 % ces 7 dernières années[72], les autorités locales se sont inquiétées de l’usage toujours plus grand de terres et de ressources, ainsi que du nombre réduit d’emplois que ces infrastructures créent. Nous estimons que cet outil de mise en pause peut être mobilisé par les villes françaises pour rencontrer les responsables de data centers et suivre une feuille de route contraignante. Dans ce cas, il s’agit alors de s’appuyer sur un dispositif législatif national permettant l’application d’une feuille de route ambitieuse : elle régira la construction de nouveaux centres de données et la création d’un organisme spécifiquement dédié à l’accompagnement de ces centres de données. Celui-ci permettra alors une surveillance de l’application des critères mais aussi un suivi plus personnalisé pour chacun d’entre eux.
Proposition 13 (Faisabilité moyenne / Impact moyen) : Obliger tout nouveau centre de données à suivre une feuille de route de critères ambitieux en matière politique, environnementale, économique et sociale. De ce fait, la rénovation voire l’agrandissement de bâtiments déjà existants (au contraire de la création ex nihilo) sera toujours à privilégier avec, également, la mise en place d’un système de récupération de chaleur et, plus généralement, une meilleure efficacité énergétique. La construction de ces nouveaux centres de données devra se décider en transparence et en accord avec les habitants de proximité en garantissant leur sécurité et des co-bénéfices en termes d’emplois locaux.
Ainsi, en bénéficiant, tout d’abord, d’une intensité carbone très faible du mix énergétique et, en suivant, ensuite, ces critères politiques, environnementaux, économiques et sociaux, la France pourra assumer un rôle de leader mondial dans le secteur des centres de données durables.
2.4. Le consommateur au coeur de cette empreinte : l’exemple du streaming
Ces dernières années, le consommateur a pu jouir d’une démultiplication des usages du numérique. Une couche technologique supplémentaire a été ajoutée à une bonne partie des appareils du quotidien notamment par le raccordement généralisé des télévisions à Internet, la démultiplication des contenus vidéo via Netflix ou YouTube, l’augmentation de leur qualité (4K), les objets connectés (équipements connaissant la plus forte croissance) ou le streaming de jeux vidéo en ligne (voir, sur ces sujets, les cas pratiques de l’audiovisuel et des jeux vidéos). Le développement des forfaits mobiles 4G a donné la possibilité de visionner du contenu en haute définition (HD) partout et à tout moment.
Dans cette optique, la vidéo en ligne prend une ampleur inédite. Ainsi, celle-ci représente autour de 80 % des flux de données dans le monde, flux que l’on peut alors considérer comme responsables de 20 % du total des émissions de GES causées par le numérique[73]. Ce chiffre équivaut à 1 % des émissions mondiales de GES, soit la quantité émise par un pays comme l’Espagne[74].
Il s’agit donc de réduire le visionnage de vidéos HD – notamment associé au « binge-watching », qui consiste à regarder plusieurs épisodes à la suite d’une même série sur une plateforme de vidéo à la demande – que celui-ci soit réalisé chez soi (avec l’ADSL ou la fibre) ou en déplacement (avec la 4G). D’une part, les forfaits ADSL et fibre sont limités en débit descendant (appelé aussi download), c’est-à-dire en termes de flux de données Internet reçus à la seconde, exprimé en Mb voire Gb. Néanmoins, ce plafond est devenu tellement élevé – jusqu’à 1Gb/s annoncé – qu’il encourage la consommation de vidéos en Haute Définition. D’autre part, les forfaits mobiles bénéficient d’une enveloppe mensuelle de données téléchargeables (exprimée en Go) qui, augmentant chaque année (jusqu’à 200 Go actuellement), facilitent également les nouveaux usages de consommation de vidéos en ligne HD.
L’enjeu est alors de trouver des mesures simples pour restreindre l’enveloppe globale de données mobiles. Pour cela, les plateformes ont la possibilité d’implémenter par défaut plusieurs fonctionnalités d’éco-conception permettant de réduire substantiellement le volume en circulation sans contraindre le consommateur.
En revanche, il est important de noter que la consommation d’un même contenu n’a pas le même impact énergétique selon le type de réseau sur lequel il est visualisé. Ainsi le visionnage d’une vidéo haute définition en 4G consomme 4 à 10 plus d’énergie que la diffusion de ce même contenu via la fibre. Il est alors nécessaire que les opérateurs réseaux indiquent clairement au consommateur cette différence et qu’ils favorisent à tout instant le report vers l’utilisation de la wifi. L’article 16 de la proposition de loi du Sénat, visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (« REEN ») et adopté en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable en décembre 2020, est un outil pertinent : en rendant « obligatoire l’écoconception des sites web et services en ligne publics et des entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par décret, sous peine de sanction par l’Arcep et notamment d’interdiction de l’accès au site concerné[75] », il devient essentiel, pour asseoir techniquement cet article, de s’appuyer sur un référentiel d’écoconception déjà existant. À ce titre, celui développé par le Collectif Conception Numérique Responsable[76], développé depuis 10 ans, est primordial car il fait consensus parmi de nombreux professionnels du secteur pour la mise en application d’une démarche d’écoconception des services numériques. D’ailleurs, ce référentiel devrait intégrer de nouvelles bonnes pratiques liées à l’usage de la vidéo comme, par exemple, la désactivation du défilement automatique, le réglage de la qualité par défaut à 480 p et l’indication de l’empreinte environnementale et carbone associée à chacun des visionnages (voir, à ce sujet, la proposition 27). Dans une optique de limitation du visionnage de vidéos sur téléphones mobiles, il semble opportun de limiter à un seuil plafond le volume total de données mensuelles téléchargées.
Proposition 14 (Faisabilité moyenne / impact faible) : Pour la consommation mobile, limiter à un seuil plafond défini à la discrétion du législateur (par exemple, 10 Go/mois) le volume total de données mensuelles téléchargées dans le cadre d’un forfait. Par ailleurs, il semble particulièrement opportun de favoriser le report automatique de consommation de données des technologies 3G/4G/5G vers le wifi (développement des hotspots à connexion automatique) et informer clairement le consommateur sur les différences d’impact de ces deux modes de connexion.
2.5. Un mode de conception des services en ligne structurellement consommateur : l’exemple de la communication sur Internet
Même si c’est bien le citoyen qui se trouve au cœur des impacts liés à l’utilisation des services digitaux, il serait totalement erroné d’affirmer qu’il en est le principal responsable. En plus de la saturation des espaces par la publicité, l’immense majorité des services en ligne sont bien loin d’une conception qui permettrait de limiter l’impact de chacun d’entre eux. En guise d’illustration, la communication sur Internet souffre d’une implémentation particulièrement gourmande en énergie.
Emblème des échanges sur Internet, les e-mails sont souvent assimilés à un facteur aggravant pour le changement climatique et l’environnement. En comparaison, pourtant, les usages de la vidéo en ligne et les visioconférences ont un impact bien plus significatif comme en témoignent les injonctions faites à Netflix et à Youtube de diminuer la qualité de leur contenu pendant le premier confinement afin de libérer la bande passante pour le télétravail[77]. En revanche, la massification de ce type d’échange illustre bien l’ampleur de la croissance du secteur et la possible perte de contrôle pouvant en résulter. D’un poids minime à l’unité, la multiplicité massive des envois rend le phénomène problématique : 293 milliards d’e-mails ont été échangés quotidiennement en 2019, ce nombre pourrait augmenter d’environ 22 % pour atteindre 360 milliards d’e-mails en 2024[78]. Le projet Carbon Literacy[79] estime qu’en moyenne 121 e-mails sont reçus en une journée par une personne, répartis entre les spams (50 % du volume), les e-mails sans pièce jointe (25 % du volume) et les e-mails avec pièces jointes (25 % du volume). Ceci révèle l’importance de l’impact des envois automatiques et des éléments inutiles qui viennent accabler l’utilisateur.
De l’e-mail et du SMS, les échanges se sont déplacés vers les réseaux sociaux. La taille des écrans et les avancées techniques ont permis d’intégrer la vidéo et de favoriser celle-ci dans les fils d’actualités (Facebook, Instagram) voire dans les messages même des interlocuteurs (Snapchat, TikTok). L’entreprise Greenspector, éditeur d’une solution dédiée à mesurer l’efficacité énergétique des applications mobiles, a étudié la consommation énergétique des réseaux sociaux[80]. Ils estiment à 102 kgCO2e la consommation par utilisateur par an soit 1,5 % de l’impact carbone d’un français[81] (7 tCO2e). Au niveau mondial, Greenspector estime à 262 MtCO2e[82] par an pour les 3,2 milliards d’utilisateurs l’empreinte liée à l’utilisation des réseaux sociaux dans le monde, soit l’équivalent de 56 % des impacts CO2 en France [83]. L’adoption des réseaux sociaux est croissante, à l’instar de WhatsApp qui présente une croissance quasi exponentielle pour passer de 465 millions d’utilisateurs en 2014 à 2 milliards en février 2020[84].
L’entreprise a comparé les fils d’actualité des applications mobiles de 10 réseaux sociaux populaires : Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Reddit, Snapchat, TikTok, Twitch, Twitter, Youtube. Ceux dont le contenu est essentiellement constitué de vidéos ou d’images ont une plus grande empreinte carbone (TikTok, SnapChat, Instagram, Pinterest) que ce soit en termes de consommation d’énergie ou de données échangées via les fils d’actualités.
Impact carbone des réseaux sociaux.
Source : Greenspector [85]
Credit : Ilian Moundib ®
Ainsi, les réseaux sociaux, quotidiennement utilisés par des milliards d’utilisateurs et intégrant un contenu vidéo riche, constituent des plateformes dont la pollution numérique est croissante et doit nécessairement être régulée à travers un référentiel de l’écoconception web (voir, à ce sujet proposition 27). La France comptant peu dans l’échange mondial de données sur Internet, il devient alors essentiel de projeter vers l’Union européenne le caractère contraint de l’écoconception de sites web, des plateformes de visionnage de vidéos et des réseaux sociaux (voir, à ce sujet, proposition 28).
Proposition 15 (Faisabilité difficile / Impact moyen) : Adopter un règlement européen contraignant l’ensemble des sites web de services publics et d’entreprises (dépassant un certain chiffre d’affaires) à mettre en place des bonnes pratiques auditables afin de réduire leur impact carbone et environnemental (en lien avec la proposition 27).
2.6. Effet rebond et perspectives de croissance en opposition frontale à la rationalisation des usages
Face à cette envolée préoccupante des usages du numérique, les industriels et les décideurs semblent loin d’avoir initié le tournant de la sobriété. Malgré des progrès techniques nets en termes d’efficacité énergétique, le sujet de l’effet rebond n’apparaît pas pris en compte ni dans les politiques ni dans les doctrines de transformation des entreprises. Les sujets délicats de la 5G et de l’Internet des objets en sont de parfaites illustrations.
En effet, la technologie 5G par son fonctionnement intermittent semble avoir l’avantage d’avoir une consommation énergétique plus faible que la technologie 4G qui, elle, fonctionne en continu. C’est notamment l’argument utilisé par l’entreprise Erikson en pointe sur le déploiement de cette technologie. Elle vante en effet la possibilité d’éteindre / mettre en veille les antennes 5G lors des périodes de faible utilisation afin de limiter l’empreinte énergétique de la technologie.
Cependant, comme a pu le souligner le Haut Conseil pour le Climat[86], le développement de cette technologie risque d’entraîner un effet rebond massif, autant par la circulation de données que par le renouvellement des terminaux utilisateurs et l’introduction de nouveaux équipements connectés qu’elle va conduire.
En effet, les projections d’évolution des terminaux numériques suggèrent que la croissance du secteur sera portée à l’avenir par les usages professionnels. En témoigne l’évolution rapide des appareils M2M (ou Machine to Machine), capteurs de tous types à destination, entre autres, des groupes industriels, agricoles ou logistiques visant à contrôler et optimiser les processus de production et de transport. Leur quantité devrait plus que doubler d’ici 2023 par rapport au niveau de 2018 d’après les projections de CISCO[87].
Projection d’évolution du nombre d’objets connectés dans le monde (en milliards d’appareils)
Source : Cisco [88]
Credit : Ilian Moundib ®
Cet effet rebond aura des conséquences environnementales notables puisqu’il multipliera la fabrication et l’usage des terminaux informatiques. De plus, le potentiel d’émission évité de la 5G semble encore aujourd’hui flou et mériterait plusieurs études approfondies sur le sujet. Dans le prolongement des travaux de la Convention Citoyenne sur le Climat et des prises de position d’une soixantaine d’élus (dont les maires de Bordeaux, Lyon, Marseille), il semble nécessaire de décréter une suspension temporaire dans le déploiement de la 5G afin qu’une grande consultation citoyenne soit menée sur cette question dans le prolongement des travaux de la CCC.
Proposition 16 (Faisabilité moyenne / Impact fort): Le déploiement de la technologie 5G doit faire l’objet d’un moratoire comme réclamé par la Convention Citoyenne pour le Climat. À l’issue de ce moratoire, une grande consultation citoyenne permettra de décider, pour le grand public, l’implémentation ou non de ladite technologie. Pour l’industrie, elle pourrait concerner uniquement les applications sur lesquelles des co-bénéfices climat seront établis (excluant, par exemple, la surveillance vidéo qui occupera une grande partie de l’usage de la 5G lors des premières années de son déploiement). Cette évaluation des co-bénéfices climat se fera à l’aide de méthodologies d’évaluation similaires à celles traditionnellement mises en place par l’Agence Française de Développement pour le financement de projets[89].
2.7. Les enjeux de la quantification et de l’explication
Plus fondamentalement, afin d’inverser la tendance sur laquelle se trouvent les flux de données issus de nos usages quotidiens, il est nécessaire de mettre en application le concept de sobriété à l’échelle des individus, mais aussi des entreprises.
Côté citoyen, la sensibilisation aux enjeux climatiques passe par la compréhension des enjeux. Pour cela, de nombreux ateliers de sensibilisation gagneraient à être bien plus mis en avant. Conçu sur le même principe que la Fresque du Climat[90], l’Atelier La Fresque du Numérique[91] est un excellent outil ludique de sensibilisation pour comprendre la question. De même, l’estimation de l’empreinte carbone individuelle de chacun constitue une étape importante dans la prise de conscience du problème et dans le passage à l’action. Pour cela, les sites Nos GEStes Climat[92] et, plus récemment, MyCo2[93], proposent un excellent calculateur suivi d’un corpus d’actions de réduction quantifiée, qui permet à chacun de prendre conscience des émissions de carbone que ces activités génèrent. Ces deux étapes de sensibilisation et de mesure pourraient être promues au niveau national par la réalisation d’une grande campagne en ligne qui aurait lieu lors de la semaine du développement durable.
Proposition 17 (Faisabilité facile / Impact moyen) : Lancer une campagne de communication autour de l’empreinte carbone et, par extension, environnementale à destination des citoyens – qui pourrait prendre la forme d’un quizz en ligne – pour mesurer son empreinte carbone associée au numérique dans le cadre de la semaine du « Ménage numérique » (voir proposition 21). Les deux caractéristiques de ce quizz seront 1) d’informer, après chaque réponse, sur un aspect de la pollution numérique, 2) de donner des pistes d’action en fonction du résultat final obtenu.
Côté entreprise, cela commence par la mesure de l’empreinte carbone du digital. Pour les activités courantes de l’entreprise, cette mesure doit prendre en compte à la fois le matériel informatique immobilisé et la consommation électrique liée à son utilisation, mais aussi l’usage d’Internet par les collaborateurs. L’empreinte des différents moyens de communication à destination du public (site Internet, réseaux sociaux, campagnes de mailing) doit également faire l’objet d’une évaluation à part entière. Accompagnée de la réalisation d’un plan d’actions de réduction, cette mesure permettra ensuite à chaque entreprise de s’engager sur une trajectoire de réduction compatible avec les objectifs climatiques de l’accord de Paris comme défini par l’initiative Science Based Targets[94] .
Proposition 18 (Faisabilité difficile / Impact fort) : Imposer à chaque entreprise, dans le cadre des rapport intégrés (financiers et extra financiers), la tenue d’une comptabilité carbone selon la méthodologie Bilan Carbone ® ou GHG Protocol incluant l’empreinte carbone du numérique. Cette mesure spécifique de l’empreinte carbone du numérique devra comptabiliser le matériel informatique immobilisé, l’impact de l’utilisation d’internet par les collaborateurs mais aussi l’empreinte associée à la mise en circulation de l’ensemble des médias sociaux du groupe. Il s’agira également d’associer à cette mesure la définition d’un plan d’action de réduction des émissions compatible avec les objectifs climatiques définis par l’Initiative Science Based Targets.
3. Fin d’usage : rationaliser les flux pour passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire
Il est nécessaire d’acquérir une maîtrise des impacts environnementaux du numérique. Le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire représente l’un des enjeux centraux de la transformation à opérer. En effet, aujourd’hui, le taux de recyclage des déchets électroniques apparaît comme particulièrement bas : à peine 10 % dans le monde.
Ainsi, un travail colossal en aval de la chaîne de valeur est à mener, mais celui-ci ne suffira pas sans une diminution des volumes en circulation. En effet, la demande en métaux étant portée par une augmentation d’environ 3 % par an, il est nécessaire d’ajouter chaque année une quantité toujours croissante de métaux nouvellement extraits pour répondre à cette demande.
3.1. Une croissance des déchets qui suit celle du secteur
La production de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE ou D3E) représente environ 50 millions de tonnes de matériel en 2019 contre environ 40 millions de tonnes en 2014. Au sein de cette catégorie, les équipements numériques, avec 10,5 Mt de déchets produits en 2016, représentaient 23 % des DEEE (en poids)[95]. Le rythme de croissance suit mécaniquement la quantité mise sur le marché et est de l’ordre de 3 % à 4 % par an.
Les DEEE dans le monde,
Source : The Global E-Waste Monitor 2020 [96]
Credit : Ilian Moundib ®
Deux facteurs semblent porter ce rythme de croissance. Le premier est bien sûr la croissance de la demande en équipement électronique dans les pays développés et en développement où la hausse du niveau de vie permet une accélération de la numérisation des populations.
Le deuxième facteur est à chercher dans l’augmentation de la fréquence des cycles de remplacement. Des mécanismes, détaillés plus haut dans la note, tels que l’obsolescence programmée ou la publicité viennent brusquer le rythme de renouvellement des appareils, accélérant leur mise en décharge et inhibant leur potentiel de réutilisation.
3.2. Un recyclage insuffisant
Une fois passé le constat d’une croissance préoccupante, le taux de traitement de ces déchets semble particulièrement bas. Meilleure élève, l’Europe affirme pourtant collecter seulement le tiers des Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques (DEEE). Les autres continents ne dépassent pas le 5ème de déchets. L’immense majorité se trouve embarquée dans un vaste réseau de contrebande, exporté vers des décharges à ciel ouvert à des milliers de kilomètres du lieu de collecte et dans des pays disposant d’une protection sociale et sanitaire très limitée pour les travailleurs. Elle y est alors traitée dans des conditions non conformes au processus standard. Le collectif Green IT estime que la majorité des déchets non traités génèrent environ 100 MtCO2e, alors que le recyclage actuel permet d’éviter l’émission d’une quinzaine de millions de tonnes d’équivalent de CO2[97]. Gisement d’emplois verts, le renforcement de la filière de recyclage française permettrait alors d’améliorer la circularisation de l’économie et de réduire les affres d’une quantité de déchets en inflation constante. Ainsi, le recyclage et le traitement des déchets nécessitent encore la planification d’investissements conséquents en matière d’infrastructures, de logistique et de recherche et développement.
Proposition 19 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : Renforcer, par une planification ambitieuse des investissements, les filières françaises de recyclage et de traitement des déchets avec pour objectif l’organisation de la circularité des flux de matières recyclées et recyclables. Intégrer pleinement cette politique ambitieuse à une stratégie de relocalisation des filières industrielles et au développement des filières en amont de l’industrie low-tech en devenir.
Le taux de recyclage limité des appareils numériques s’explique par la complexité croissante des équipements de l’électronique. Si les grands métaux ainsi que les métaux précieux possèdent à cette heure des taux de recyclage satisfaisants, les petits métaux ne sont quasiment pas recyclés du fait de la difficulté technique que présuppose leur séparation. De plus, le recyclage des alliages complexes ainsi que la miniaturisation accélérée des composants électroniques ne permettent pas de récupérer en fin de processus des métaux aussi purs que ceux initialement introduits.
Ensuite, la diversité des équipements en eux-mêmes ralentit le processus d’industrialisation du recyclage, chacun appelant des processus de désassemblage et de séparation spécifiques. Cette difficulté vient également peser sur la rentabilité économique du processus. Les pouvoirs publics doivent alors aider à ce que les métaux recyclés soient plus compétitifs par rapport aux métaux nouvellement minés.
Proposition 20 (Faisabilité facile / Impact fort) : Au niveau national et européen, la détaxation des métaux recyclés et la surtaxation des métaux nouvellement minés doivent être envisagées pour créer un avantage compétitif bénéficiant aux métaux recyclés.
3.3. Coupler recyclage et reconditionnement
En France, d’un côté, presque 2 milliards de tonnes d’équipements ont été mises sur le marché en 2018, soit une hausse de 2 % par rapport à l’année précédente[98]. Parmi ces équipements, ceux associés à l’informatique et à la télécommunication, représentent, avec les lampes et les petits appareils ménagers, plus de la moitié des mises sur le marché (54 %). De l’autre côté, les éco-organismes agréés ont déclaré autour de 800 000 tonnes de DEEE, ce qui correspond à un taux de collecte de 44,8 %[99]. Ce taux ne correspond pas, même s’il est très proche, à l’objectif de 45 % fixé par la directive européenne 2002/96/CE. L’actuel gouvernement a très récemment appelé l’ensemble des Français à rapporter leurs téléphones portables usagés, estimés à 100 millions, auprès des boutiques de leur opérateur[100]. Néanmoins, afin d’atteindre les objectifs européens de taux de collecte, il semble opportun de soutenir un appel à la collecte qui s’inscrit dans la durée, à raison d’une fois par an, à l’occasion d’une semaine dédiée.
Proposition 21 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : Lancer une grande opération d’une semaine intitulée « Le ménage numérique » pour tous les appareils numériques en fin de vie afin de les recycler autant que possible. Cette opération annuelle servira également à sensibiliser sur les enjeux associés à la pollution numérique en proposant à chacun de faire son bilan carbone et environnemental individuel associé au numérique (voir proposition 17).
Parallèlement, dans l’objectif de réorganisation des flux de matières, il semble indispensable de rapprocher les grandes filières de recyclage des entités de toutes tailles œuvrant dans le recyclage et la réutilisation des périphériques et des terminaux du quotidien. Du fait de la difficulté du recyclage, les flux de collecte des appareils numériques comme les terminaux informatiques doivent être organisés et réorientés autant que possible vers les filières locales et nationales de reconditionnement et de réparation. Dans cet objectif, lorsque les Déchets d’Équipement Électrique et Électronique (DEEE) sont collectés, ils doivent être conservés dans de bonnes conditions afin de rendre le reconditionnement possible. Trop souvent, les équipements sont entassés, voire directement jetés dans des conteneurs, et finissent cassés et donc irréparables.
Proposition 22 (Faisabilité difficile / Impact fort) : Au niveau national et européen, réorganiser l’activité des collecteurs de DEEE afin d’industrialiser le processus de réparation et de reconditionnement des appareils numériques. Ainsi, rapprocher les grandes filières de recyclage de celles, plus locales, s’occupant traditionnellement de la réparation des terminaux du quotidien. Dans cet objectif, repenser les politiques de ramassage des DEEE afin de garder les équipements collectés dans le meilleur état possible, c’est-à-dire celui dans lequel l’utilisateur l’a déposé au point de collecte.
3.4. Au bout de la chaîne de valeur une inégalité géographique criante
Il existe une forte disparité dans les chiffres entre les pays développés, qui génèrent une majeure partie des déchets, et les pays du Sud qui n’en génèrent qu’une quantité négligeable par rapport à leur population. Pourtant, ce sont bien les populations qui jouissent le moins des équipements numériques (en Afrique notamment) qui doivent subir les affres des activités aux plus fortes externalités négatives (industrie minière et collecte des déchets délocalisée). Il existe donc un phénomène de décalage spatial entre les jouissances que peuvent susciter les activités numériques et les dégâts que celles-ci peuvent causer.
Traitement des déchets électronique dans le monde,
Source : La consommation de métaux du numérique : un secteur loin d’être dématérialisé, France Stratégie, Juin 2020
Credit : Ilian Moundib ®
Un rapport rédigé par l’Union Internationale des Télécommunications, l’Université des Nations Unies, Unitar et l’International Solid Waste Association estime que, malgré la convention de Bâle interdisant l’exportation des produits dangereux vers l’étranger, entre 7 % et 20 % des DEEE sont encore envoyés de façon illégale ou comme produits de seconde main vers des pays tiers[101]. Le rôle d’intermédiaire comme celui de courtier est alors essentiel et il s’agit de réglementer leur activité.
Proposition 23 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : Interdire au niveau européen la revente de matériel collecté à des courtiers qui exportent de façon anarchique différents types d’équipements comme du matériel électronique hors d’Europe, le but étant d’éviter les trafics de DEEE vers l’Afrique.
Plus généralement, de la fabrication à la fin de vie d’un appareil, en passant par son usage, il s’agit de tendre vers la sobriété numérique en facilitant le choix de bonnes pratiques pour les organisations (qu’il s’agisse des entreprises, des administrations et des associations) à travers différents outils déjà promus par des organisations comme Green IT ou The Shift Project.
Proposition 24 (Faisabilité facile / Impact moyen) : constituer une base de données publique via un portail web en s’appuyant notamment sur les outils développés par le collectif Green IT[102] ou encore le Référentiel Environnemental du Numérique du Shift Project[103]. Avec un tel portail, il sera possible pour les administrations, les entreprises et les ONG de prendre en compte le facteur environnemental dans leurs différents choix associés au numérique.
Proposition 25 (Faisabilité facile / Impact fort) : À partir de l’expérience française, constituer une base de données publique au niveau européen.
Proposition 26 (Faisabilité moyenne / Impact fort) : À partir de l’expérience européenne, envisager une réforme de la norme ISO 26000, qui établit les lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale des entreprises, afin d’y intégrer une partie spécifiquement dédiée au secteur du numérique.
4. Cas pratiques
Autour de ces trois grandes phases de cycle de vie, les équipements numériques sont à l’origine d’un vaste spectre de dégâts environnementaux et sociaux. Pourtant, le numérique permet d’offrir des modes de divertissement variés dont peu de personnes seraient enclines à se séparer.
Cette partie se donne alors pour objectif de décrire en quelques lignes l’impact énergétique de trois divertissements phares de l’industrie à savoir le streaming de vidéo, de musique ainsi que le jeu vidéo afin de proposer quelques pistes d’application du concept de sobriété numérique.
4.1. Le cinéma et le streaming : cas pratique #1
La lutte contre le téléchargement illégal a permis l’existence de plateformes de streaming « gratuites » ou à tarif accessible, cause principale du développement de la consommation de vidéo et de musique en ligne. Une myriade de contenus facilement accessibles – films, séries, documentaires, chansons, parfois addictifs – sont offerts par un nombre croissant d’acteurs. L’omniprésence d’Internet dans la vie personnelle et professionnelle, le faible coût de la connexion Internet (moyenne mensuelle des box à 25€[104], des forfaits mobiles à 15€ avec connexion Internet 4G) et de l’accès aux services de streaming (moyenne à 20€ pour les services de vidéo et 10€ pour la musique), couplés aux inscriptions avec essai gratuit ou catalogues intégrés aux forfaits Internet, ont engendré des habitudes éloignées de l’idée d’éco-responsabilité, notamment concernant la vidéo. Ces comportements se révèlent exacerbés, par exemple, par le confinement lié à la crise sanitaire.
Les chiffres de l’industrie du cinéma sont éloquents : selon la Motion Picture Association, l’industrie du cinéma a généré plus de 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019[105] dont 48 % (48,7 milliards de dollars) proviennent du digital, toutes plateformes de streaming confondues. Ce chiffre est en hausse d’un peu plus de 20 % par rapport à 2018.
Le marché du divertissement par type de support
Source : Motion Pictures Association, Theme Report 2019 [106]
Credit : Ilian Moundib ®
Comme d’autres industries du divertissement, le cinéma est source d’impacts environnementaux significatifs depuis la production jusqu’à la consommation d’un film. Même si des initiatives existent pour verdir la conception des productions audiovisuelles grâce aux crédits carbone[107], à des chartes et systèmes d’évaluation en France[108] (promus par l’ADEME[109] et le CNC), ainsi qu’à l’étranger, cette phase est à dissocier de l’empreinte environnementale issue de la consommation sur tous supports numériques de ces productions.
Le débat sur l’impact écologique du streaming vidéo est encore aujourd’hui vif, et plusieurs structures ont souhaité minimiser sa contribution au changement climatique[110]. Les alternatives au streaming sont, pourtant, peu nombreuses. Les analystes estiment que les utilisations des services numériques (et donc le streaming vidéo qui représente 80 % de la bande passante) sont responsables de 50 % de l’empreinte carbone, là où les 50 % restants concernent la fabrication et l’entretien des infrastructures nécessaires[111]. C’est pourquoi, dans l’étude The energy and greenhouse-gas implications of internet video streaming in the United States, des chercheurs de la Northwestern University et du Lawrence Berkeley National Laboratory suggèrent que les industriels et régulateurs devraient se concentrer sur l’amélioration énergétique des périphériques (smartphones, ordinateurs…), des réseaux et infrastructures pour supporter l’utilisation croissante des services de streaming[112].
Proposition 27 (Faisabilité moyenne / Impact moyen) : En lien avec les propositions 24 et 25, contraindre au niveau européen les plateformes de streaming vidéo et de réseaux sociaux à la mise en place de bonnes pratiques d’éco-conception web comme la désactivation de la fonctionnalité de lecture automatique des vidéos et la diminution de leur qualité standard par défaut. En lien avec la proposition 16, limiter au maximum la consommation de données liée à l’utilisation de données mobiles (3G, 4G, 5G), notamment dans le cas de séries.
4.2. La musique en ligne : cas pratique #2
Dans le sillon du cinéma, le secteur musical a généré 20,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019[113], une hausse de 8,2 % par rapport à 2018 (18,7 milliards de dollars). Les revenus issus de la vente de supports physiques ont chuté de 5,3 % au profit du streaming (Spotify, Deezer, Soundcloud…) qui a généré 11,4 milliards de dollars en 2019 (en hausse de 22 % par rapport à 2018) et qui représente plus de la moitié des revenus du secteur musical entier.
L’immatérialité de la musique n’entraîne pas une prise de conscience de son impact environnemental. En effet, le digital occulte par sa nature les processus nécessaires pour bénéficier d’une écoute illimitée sur les plateformes de streaming, invisibilité exacerbée par la possession du périphérique le plus communément utilisé aujourd’hui : le smartphone[114]. Néanmoins, les infrastructures matérielles nécessaires au stockage des données (les fichiers musicaux) et à leur transmission sont bien réelles.
L’étude The Economic Cost of Recorded Music[115], réalisée par des chercheurs de l’université de Glasgow et d’Oslo, ont permis d’estimer que le coût environnemental d’une écoute est plus élevée pour le streaming que pour un fichier téléchargé et stocké sur le périphérique de l’auditeur (baladeur MP3, smartphone, ordinateur…) ou que l’écoute sur un support physique. Néanmoins, ce constat est à relativiser face au besoin en plastique nécessaire à la production des supports tels que le vinyle, la cassette, le CD. Par exemple, l’étude indique qu’une quantité équivalente à 61 000 tonnes de plastique a été nécessaire pour fabriquer des CDs en 2 000, nombre réduit à 8 000 de tonnes en 2016 grâce au développement du streaming. Néanmoins, l’écoute de musique en ligne est la cause d’une évolution des gaz à effet de serre qui est, à l’inverse, croissante. L’étude les estime à 140 000 tonnes en 1977 (besoin en plastique pour les supports physiques) et entre 200 000 et 350 000 tonnes dès 2016 (infrastructures et réseaux pour le streaming). Le compromis pour réduire l’impact environnemental de notre consommation de musique serait ainsi de télécharger une fois celle-ci dans le but de ne pas solliciter en continu les serveurs par le streaming[116].
Proposition 28 (Faisabilité moyenne / Impact faible) : En lien avec les propositions 26 et 27, contraindre au niveau européen les plateformes de streaming musical à intégrer des bonnes pratiques d’éco-conception web comme, par exemple, l’affichage d’une bannière d’information comparative permettant à l’utilisateur de connaître la différence en termes d’empreinte carbone entre une écoute en wifi, en données mobiles et un téléchargement.
4.3. Le jeu vidéo : cas pratique #3
L’industrie du jeu vidéo aura rassemblé 2,69 milliards de joueurs et aura généré 159 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2020, en hausse de 9,3 % par rapport à 2019 selon Newzoo[117], entreprise spécialisée en études de marché dans le secteur du jeu vidéo. Cette industrie se place en tête dans le secteur du divertissement, son chiffre d’affaires dépasse celui du cinéma au niveau mondial. C’est la raison pour laquelle les jeux vidéo sont critiqués pour leur impact environnemental ; secteur purement numérique, il repose, de sa conception jusqu’à l’utilisation par le joueur, sur les avancées technologiques.
L’industrie du jeu vidéo par rapport aux autres secteurs
Source : Newzoo, Comscore, IFPI depuis Statista
Credit : Ilian Moundib ®
Dans l’étude Toward Greener Gaming: Estimating National Energy Use and Energy Efficiency Potential publiée en octobre 2019, le Lawrence Berkeley National Laboratory[118] a estimé que l’industrie du jeu vidéo coûte annuellement 5 milliards de dollars en frais énergétiques aux États-Unis avec 24 MtCO2e par an, soit l’équivalent de l’émission annuelle de 5 millions de voitures. De son côté, l’étude Carbon Console Footprint[119] indique que les émissions de GES générées pour extraire et produire les matériaux nécessaires à la production d’une copie physique d’un jeu vidéo sont 23 fois plus élevées que celles issues de la production de l’électricité consommée pour le télécharger.
En 2019, la commercialisation en physique et en numérique du jeu de football FIFA 19 a généré 900 tCO2e, ce qui le place en première place des titres les plus polluants, suivi de Red Dead Redemption 2 avec 850 tCO2e et Call of Duty Ops 4 avec 600 tCO2e. Ces chiffres, déjà relativement importants, font craindre, du fait du taux de croissance important du secteur ainsi que l’amélioration continue de la définition de l’image, une envolée de ces émissions carbone dans la décennie à venir.
À cette dimension commerciale s’ajoute le temps passé pour finir certains jeux. L’étude Console Carbon Footprint révèle que certains titres sont plus impactants que d’autres du fait de leur longueur comme Assassins Creed Odyssey qui nécessite plus de 40 heures de jeu pour être terminé (soit 1 kgCO2e) ou Grand Theft Auto V qui nécessite un peu plus de 32 heures (soit 0,75 kgCO2e). Il convient aussi de noter que d’autres jeux en ligne ne finissent jamais comme les Massively Multiplayer Online Role-playing Game (MMORPG). Enfin, les efforts concernant l’optimisation énergétique des consoles doivent continuer afin de réduire l’empreinte écologique du secteur : la Playstation 3 de Sony est la plus émettrice des consoles avec 54 gCO2e par heure, suivie de la Xbox 360 de Microsoft qui émet 51 gCO2e par heure.
Les principaux acteurs de ces industries en ont fait le constat et tentent d’y apporter des solutions[120]. Sous l’impulsion de l’étude Playing for The Planet[121] réalisée par le United Nations Environment Program, GRID Arendal et la Youth & Education Alliance, est né le dispositif Playing for The Planet[122] qui rassemble 21 des plus grosses entreprises du secteur du jeu vidéo comme Sony Interactive Entertainment, Microsoft, Google Stadia ou Ubisoft, dans le but de contribuer collectivement à la lutte contre le changement climatique et la sensibilisation des joueurs, jeunes comme moins jeunes, à ces problématiques. Ce programme indique que les engagements pris permettront, entre autres, de réduire les émissions de 30 millions tCO2e d’ici 2030[123]. De plus, l’International Game Developers Association a développé un Special Interest Group dédié au changement climatique[124]. Il s’est donné comme mission d’établir des règles, des recommandations, des conseils afin de sensibiliser les producteurs de jeux vidéo sur une conception moins énergivore des titres ainsi que d’inciter à relayer les initiatives de sensibilisation proposées par le dispositif Playing for The Planet.
Sommée d’effectuer sa mue et dans l’optique de trouver des nouveaux débouchés commerciaux, l’industrie développe de nouvelles méthodes de jeu comme le « cloud gaming » plébiscité pour les économies d’énergies réalisées grâce aux avancées technologiques dans l’utilisation et la gestion des serveurs. Le cloud gaming, représenté par des services tels que Shadow, NVidia GeForce Now, PlayStation Now, Google Stadia et autres, permet de conserver les tâches de calcul, très énergivores, dans les équipements de ces entreprises qui peuvent ainsi délivrer l’énorme puissance de calcul nécessaire au bon fonctionnement d’un jeu vidéo gourmand en ressources. Cette technologie permet au joueur de ne plus avoir à renouveler son équipement régulièrement obsolète, voire se passer d’équipement, pour profiter des jeux vidéo nouveaux, aux graphiques plus sophistiqués. Néanmoins, cette manière de fournir une expérience de jeu à n’importe quel moment et n’importe où est controversée car les infrastructures et les besoins en électricité indiquent que recourir à Internet est plus énergivore que de jouer en local, c’est-à-dire sur une console chez soi, sans connexion Internet[125].
Selon Nicole Carpenter[126], les besoins du cloud gaming sont plus conséquents que ceux du streaming de vidéos (films, YouTube, etc.) du fait de la nécessaire réactivité de l’infrastructure : un joueur interagit avec l’entièreté de l’environnement réel et virtuel mis à sa disposition, il appuie sur des touches, agit de manière sporadique au sein d’un jeu (temps d’attente, d’action) etc. Des chercheurs de l’université de Lancaster ont publié une étude[127] qui avance que si, en 2030, 90 % des joueurs se tournent vers le cloud gaming, les émissions en CO2 grimperont de 112 %. Néanmoins, cela s’avèrerait véridique si une session régulière de jeu durait plus de 8 heures. Entre ces deux informations extrêmes émerge l’idée que le cloud gaming donnerait la possibilité aux joueurs d’essayer les jeux, durant moins de 8 heures, avant de se rabattre vers des achats pour jouer en local, sans connexion. Il faut également prendre en compte que, si le cloud gaming proposait une expérience de jeu en qualité 4K, augmentant drastiquement la circulation de données, les besoins en électricité seraient énormes, non soutenables sur le long terme.
La faible quantité voire fiabilité des données existantes sur ce nouveau secteur qu’est le cloud gaming nous amène à proposer que soit effectuée une étude Analyse du Cycle de Vie (ACV) multi-critères qui tienne compte de tous les composants du système sur l’intégralité de leur durée de vie respective et de comparer les résultats à ceux des équipements plus traditionnels (consoles de salon, consoles mobiles, ordinateurs…). En effet, il semble complexe voir extrêmement difficile de légiférer efficacement sur le développement et l’utilisation du cloud gaming en France, étant donné l’existence d’outils technologiques permettant de contourner la loi, notamment les VPN, devenus très populaires et dont le marché passera de 25,41 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2019 à 75,59 milliards de dollars en 2027[128].
Proposition 29 (Facilité moyenne / Impact moyen) : Pousser à la réalisation d’une ou plusieurs études d’Analyse de Cycle de Vie publiques permettant de comparer l’impact du Cloud Gaming avec celui du jeu vidéo plus traditionnel en 2021. À la lumière des résultats de cette analyse, créer un score environnemental pour les jeux accessibles dans le cloud ainsi que pour les consoles (en plus d’afficher leur indice de réparabilité) afin d’offrir une transparence aux joueurs sur l’impact de leurs pratiques vidéo-ludiques.
Conclusion
Lorsque l’on examine la question de l’impact du numérique, le principal défi est sans aucun doute d’abattre la chimère d’un secteur immatériel pour appréhender ses répercussions et réfléchir à de nouveaux leviers d’action.
Ainsi, pour reprendre l’objectif de la Convention Citoyenne pour le Climat « d’accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux »[129], il est nécessaire de comprendre les problématiques mises en exergue lors de chacune des grandes phases de la vie d’un équipement numérique : (1) sa fabrication, de loin la plus impactante, avec l’extractivisme minier qu’elle présuppose, son intensité carbone et son impact sur les populations, (2) son utilisation induisant une consommation électrique sans cesse croissante à l’heure où celle-ci peine toujours dans son processus de décarbonation et (3) la gestion de sa fin de vie, dans les foyers, les entreprises, les administrations et les associations ; cette dernière problématique connectant la question numérique à la thématique de la civilisation du déchet.
La sobriété numérique se présente alors comme un début de solution convaincant : en tant que prise en compte préalable du caractère non renouvelable des ressources mobilisées lors des trois phases mentionnées ci-dessus, elle nécessite de gérer ce secteur de l’économie de façon raisonnée en préservant ces ressources pour les générations futures. Son essence est de redonner au collectif la possibilité de débattre et d’intervenir dans le déploiement d’innovations technologiques qui vont lui être proposées. Le déploiement de la sobriété numérique s’apparente alors à une reprise en main par le citoyen, qui se réapproprie le droit de choisir des perspectives technologiques en adéquation avec les limites physiques de la planète et les perspectives émancipatrices offertes aux individus.
Malgré les prémices d’une révolution culturelle appelant à la reconstruction écologique de nos sociétés, dont l’Institut Rousseau est le promoteur, le passage à une société soutenable et sobre ne pourra se faire sans une prise en compte exhaustive du problème et donc sans la planification d’une transition opérationnelle vers un avenir libéré du consumérisme et des aliénations qu’il inflige aux vivants présents et futurs.
C’est dans cette veine que près de 30 propositions ont été élaborées dans cette note : concernant chacune des trois phases décrites dans la vie d’un terminal informatique, elles s’adressent à l’ensemble des décideurs français et européens et proposent donc un point d’équilibre entre le tout Internet et le tout local, avec, comme intermédiaire, la mise en commun.
[1] Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux, Convention Citoyenne Pour le Climat
[2] Ibid.
[3] « Le projet de loi Climat et résilience fait l’impasse sur les enjeux du numérique », Tribune collective, Le Monde, 23 février 2021.
[4] La guerre des métaux rares: La face cachée de la transition énergétique et numérique, Guillaume Pitron, Janvier 2018.
[5] Rapport spécial du GIEC : Réchauffement planétaire de 1,5°C, GIEC, 2019.
[6] Rapport et Base de données sur le développement des télécommunications/TIC dans le monde, Union Internationale des télécommunications, Banque Mondiale, 2019.
[7] Empreinte environnementale du numérique mondial, Green IT, Septembre 2019.
[8] Pour une sobriété numérique, The Shift Project, Octobre 2018.
[9] The average Household’s Internet data usage, DecisionData.org, Avril 2020.
[10] Empreinte environnementale du numérique mondial, Green IT, Septembre 2019.
[11] Impacts environnementaux du numérique en France, Green IT, Juin 2020.
[12] Empreinte environnementale du numérique mondial, Green IT, septembre 2019.
[13] Impacts environnementaux du numérique en France, Green IT, Juin 2020.
[14] Comment évaluer l’externalité carbone des métaux, France Stratégie, Octobre 2020.
[15] Ibid.
[16] Lire 156 kilogrammes équivalent CO2. Cette unité correspond à une mesure du forçage radiatif cumulé par l’ensemble des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère lors de la fabrication et du transport de l’équipement.
[17] Base Carbone, ADEME, Décembre 2020.
[18] Taxe carbone aux frontières : des contours encore très incertains, Euractiv France, Octobre 2020.
[19] Comment évaluer l’externalité carbone des métaux, France Stratégie, Octobre 2020.
[20] World Copper Factbook 2018 , International Copper Study Group, Octobre 2018.
[21] Le cuivre dans la transition énergétique : un métal essentiel, structurel et géopolitique, IFP Energie Nouvelle, Décembre 2020.
[22] Quel futur pour les métaux ? Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société, p.33, Bihouix et Guilledon, 2010.
[23] La folie du smartphone, un poison pour la planète, Reporterre le quotidien de l’écologie, Septembre 2019.
[24] Critical raw materials for strategic Technologies and sectors in the EU : A Foresight Study, European Commission, Septembre 2020.
[25] Le Coltan pour le meilleur et pour le pire, Ecofin Hebdo, Décembre 2017.
[26] Ibid.
[27] Ibid.
[28] RD Congo : la pollution minière à Lubumbashi en pleine lumière, Jeune Afrique, Août 2016.
[29] Ibid.
[30] « Minerais du sang » : la majorité des Français pour une législation contraignante, Terre Solidaire, Octobre 2015.
[31] Ibid.
[32] Conflict minerals regulation, Commission Européenne, Janvier 2021.
[33] Ibid.
[34] Minerais de conflits : encore une longue route pour l’Union européenne, Justice & Paix, 18 juillet 2019.
[35] Orange lance avec Google le smartphone le moins cher d’Afrique, Les Echos, Octobre 2020.
[36] Ibid.
[37] Ibid.
[38] https://www.fairphone.com/fr/
[39] https://www.thelightphone.com/
[40] Qwant : Les dessous cachés de la start-up nation, Le Média, Mai 2020.
[41] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, Journal Officiel de la République Française n°0189 du 18 août 2015.
[42] Une proposition de loi sénatoriale sur la pollution digitale, Environnement Magazine, Octobre 2020.
[43] Indice de réparabilité : tout savoir sur la nouvelle mesure écolo, Les Numérique, Mars 2020.
[44] Un écran publicitaire numérique consomme 20 000 kWh sur sa durée de vie, Actu Environnement, Octobre 2020.
[45] Consommation électrique moyenne d’un ménage français en 2021, Fournisseurs-electricite.com, Novembre 2020.
[46] La disparition des insectes, un phénomène dévastateur pour les écosystèmes, Le Monde, Février 2019.
[47] Biodiversité : les statistiques officielles révèlent la disparition des insectes en France métropolitaine, Actu Environnement, Mars 2020.
[48] Allemagne : une loi réduisant la pollution lumineuse pour sauver les insectes, RTBF, Août 2020.
[49] Vers des technologies sobres et résilientes –Pourquoi et comment développer l’innovation «low-tech» ?, La Fabrique Ecologique, Avril 2019, p. 22 & 23.
[50] Convention de récupération entre l’Eurométropole de Strasbourg et Humanis, ADEME.
[51] Catalogue UGAP, UGAP.
[53] Pour une sobriété numérique, The Shift Project, Octobre 2018.
[54] Ibid.
[55] Cisco Annual Internet Report (2018–2023) – White Paper, Cisco, 9 mars 2020.
[56] Google: There Are 129,864,880 Books in the Entire World, Masahble, 2010.
[57] Cisco Annual Internet Report (2018–2023) – White Paper, Cisco, 9 mars 2020.
[58] Cisco predicts nearly 5 zettabytes of IP traffic per year by 2022, Network World, novembre 2018.
[59] Cisco: Mobile internet traffic will approach a zettabyte by 2022, février 2019.
[60] The carbon footprint of streaming video: fact-checking the headlines, George Kamiya Agence Internationale de l’Energie, Decembre 2020.
[61] REPORT: The Average Household’s Internet Data Usage Has Jumped 38x in 10 Years, Decision Data.org.
[62] Oui, il y a des gens qui vivent avec 5 assistants vocaux à la maison. On les a rencontrés, ADN.eu, Novembre 2018
[63] Electricity Intensity of Internet Data Transmission: Untangling the Estimates, Mayers, Koomey, France, août 2017.
[64] On Global Electricity Usage of Communication Technology: Trends to 2030, Andrea & Edler, 2015
[65] Energy-efficient Cloud Computing Technologies and Policies for an Eco-Friendly Cloud Market, European Comission, November 2020
[66] World Energy Outlook 2020, Agence Internationale de l’Energie, Octobre 2020
[67] Comment saisir les inégalités environnementales?, Éléments de déchiffrage en Seine-Saint-Denis, Les catégories mises à l’épreuve des vécus, Fondation de l’écologie politique, Alice Canabate, novembre 2017.
[68] La Seine-Saint-Denis, nouvel eldorado des data centers, Les Echos, Laurent Albert, janvier 2020.
[69] https://www.datacentermap.com/
[70] Les datas centers, des enjeux économiques et environnementaux, Cell’ie, 24 octobre 2018.
[71] Les data centers, ou l’impossible frugalité numérique ?, Groupe Caisse des Dépôts, Décembre 2020, p. 5.
[72] Amsterdam resumes data center building, after a year’s moratorium, Peter Judge, Data Center Dynamics, 1er juillet 2020.
[73] Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne, The Shift Project, Juillet 2019
[74] Ibid.
[75] Réduire l’empreinte environnementale du numérique, Sénat.fr, 18 janvier 2021.
[76] Consultables à l’adresse web suivante : https://collectif.greenit.fr/outils.html
[77] Netflix et YouTube réduisent leurs débits : concrètement, ça veut dire quoi ? , France Inter, mars 2020.
[78] Number of sent and received e-mails per day worldwide from 2017 to 2024(in billions), Statista, Mars 2020.
[79] The Carbon Cost of an Email, Carbon Literacy Project, Fevrier 2020.
[80] Quel impact carbone pour les applications réseaux sociaux ?, Greenspector, Mai 2020.
[81] Inventaire d’émissions de gaz à effet de serre, Ministère de la transition écologique, Mai 2017.
[82] Lire 262 Megatonnes équivalent CO2 soit 262 000 000 tCO2e.
[83] Ibid.
[84] WhatsApp Reaches 2 Billion Active Users, Statista, Fevrier 2020.
[85] Quel impact carbone pour les applications réseaux sociaux ?, Greenspector, Mai 2020.
[86] Maîtriser l’impact carbone de la 5G, Haut Conseil pour le Climat, Décembre 2020.
[87] Cisco Annual Internet Report (2018-2023) White Paper, Cisco, mars 2020.
[88] Ibid.
[89] Climat : les engagements de initiatives de l’AFD, Agence Française de Développement, Septembre 2019.
[90] https://fresqueduclimat.org/
[91] https://www.fresquedunumerique.org/
[92] https://nosgestesclimat.fr/
[94] https://sciencebasedtargets.org/
[95] La consommation de métaux du numérique : un secteur loin d’être dématérialisé, France Stratégie, Juin 2020.
[96] The Global E-Waste Monitor 2020, quantities flows , and the circular economy potential,Vanessa Forti et al., Juillet 2020.
[97] Ibid.
[98] Rapport annuel du registre des déchets d’équipements électriques et électroniques, p. 6, ADEME, Septembre 2019.
[99] Ibid.
[100] Le gouvernement veut doper le reconditionnement de smartphones pour limiter l’empreinte écologique du numérique, Maddyness, Octobre 2020.
[101] Les déchets électroniques ont fait un bond de 21 % en 5 ans !, Futura-science, Juillet 2020.
[102] https://club.greenit.fr/outils.html
[103] Référentiels de données sur l’impact environnemental du numérique et responsabilité sociétale des entreprises, Didak’Tic, Septembre 2019.
[104] Comparateur des Fournisseurs d’accès à Internet, Que Choisir, Octobre 2020.
[105] Theme Report 2019 : A comprehensive analysis and survey of the theatrical and home/mobile entertainment market environment For 2019, MPA, 2019.
[106] Idib.
[107] UN Helps Make Film Production Climate Neutral, United Nation, Juillet 2018.
[108] Agir pour des productions audiovisuelles et cinématographiques respectueuses de l’environnement, EcoProd, Décembre 2020.
[109] Production audiovisuelle éco responsable, ADEME, 2020.
[110] The carbon footprint of streaming video: fact-checking the headlines, George Kamiya Agence Internationale de l’Energie, Decembre 2020.
[111] Empreinte environnementale du numérique mondial, Green IT, Septembre 2019.
[112] Streaming Can be More Energy-Efficient Way to View a Movie, Northwestern, Mai 2014.
[113] Global recorded music industry revenues topped $20bn last year – but streaming growth slowed, Music Business Worldwide, Mai 2020.
[114] Desktop vs Mobile vs Tablet Market Share Worldwide Nov 2019-Nov 2020, Statcounter, December 2020.
[115] Music consumption has unintended economic and environmental costs, University of Glasgow, Avril 2019.
[116] Ibid.
[117] Newzoo Global Games Market Report 2020 | Light Version, Newzoo, 2020.
[118] Toward Greener Gaming: Estimating National Energy Use and Energy Efficiency Potential, Springer Link, Octobre 2019.
[119] Console Carbon Footprint, Slotsonline Canada, 2020.
[120] Video games industry levels up in fight against climate change, UN Environment Programme, Septembre 2019
[121] Playing for the planet : How video games can deliver for people and the environment, UN Environment Programme, Septembre 2019
[122] How video games can deliver for people a nd the environment, Playing4theplanet, 2020
[123] How video games are joining the fight to save the planet, UN Environment Programme, Août 2020
[124] Gaming as an industry and culture has a huge impact on the environment, Igda, 2020
[125] Cloud gaming: Are game streaming services bad for the planet?, BBC News, Août 2020.
[126] Référence Why cloud gaming could be a big problem for the climate, Nicole Carpenter, Polygon, October 2020.
[127] Why You Should Stream Next-Gen Games Before You Buy Them, Jones Camden, 24 octobre 2020.
[128] Virtual Private Network (VPN) Market Size USD 75.59 Billion By 2027 At A CAGR 14.7%, Valuates Reports, 9 décembre 2020.
[129] Accompagner l’évolution du numérique pour réduire ses impacts environnementaux, Convention Citoyenne Pour le Climat
[131] Qwant : Les dessous cachés de la strat-up nation, Le Média, Mai 2020
[133] Climat : les engagements de initiatives de l’AFD, Agence Française de Développement, Septembre 2019
[134] Référentiels de données sur l’impact environnemental du numérique et responsabilité sociétale des entreprises, Didak’Tic, Septembre 2019
[135] Déployer la sobriété numérique, p. 3, The Shift Project, Octobre 2020
[136] Référentiels de données sur l’impact environnemental du numérique et responsabilité sociétale des entreprises, Didak’Tic, Septembre 2019