« On fait campagne en vers, mais l’on gouverne en prose », dit l’adage prêté à l’ancien gouverneur de l’État de New York Mario M. Cuomo[1]. De tribunes de campagne en grands-messes devant le Congrès, les poètes de la politique aiment à parler de nouvelle ère démocratique impliquant la transformation de nos institutions. Au pouvoir, et ayant goûté au confort qu’elles procurent à celui qui les contrôle, ils se veulent ensuite des prosateurs réalistes et timides en la matière. Le diagnostic des dysfonctionnements du régime semble pourtant aujourd’hui assez largement partagé. La cinquième République souffre d’une concentration excessive des pouvoirs et de respirations démocratiques trop rares en dehors des élections présidentielles. À quoi bon donc produire une note se répandant une nouvelle fois en études et en revue de littérature sur ce qui fait consensus jusqu’au sein même de la famille gaulliste ? Pourtant, les propositions concrètes de réformes finissent, quand elles existent, immanquablement au fond d’un tiroir[2].
Plus qu’une nouvelle critique du fonctionnement de la Cinquième République, cette note se veut le mode d’emploi d’une réforme opérationnelle et réalisable. Sa visée est donc plus pratique que théorique. Il s’agit certes de repenser l’équilibre de nos institutions, mais de le repenser en prose en impulsant un meilleur équilibre des pouvoirs et une inclusion plus forte du peuple dans les processus de décision.
Table des matières
I. Diagnostic des dysfonctionnements de la Cinquième République.
II. Faut-il une VIe République ou une Ve République bis ?
III. Comment changer les institutions ?
IV. Limites de l’analyse
Cinq objectifs pour refonder notre République :
Objectif 1 : Refaire du Parlement un organe légitime et représentatif
- Sous-objectif 1a : Rendre l’Assemblée nationale plus représentative grâce à la proportionnelle
- Des arguments non conclusifs contre la proportionnelle
- La mise en place de la proportionnelle est aisée.
- Sous-objectif 1b : Rééquilibrer le collège des grands électeurs sénatoriaux
Objectif 2 : Desserrer l’étau du parlementarisme rationalisé
- Sous-objectif 2a : Revaloriser l’initiative parlementaire
- Sous-objectif 2b : Rendre plus effectif le contrôle parlementaire
- Sous-objectif 2c : Redonner aux parlementaires le temps de leurs missions
- Sous-objectif 2d : Accorder au Parlement les moyens de remplir son rôle
Objectif 3 : Retrouver le sens de l’institution présidentielle
- Sous-objectif 3a : Repenser l’élection présidentielle
- Sous-objectif 3b : Repenser la répartition des pouvoirs entre Président de la République et Gouvernement.
Objectif 4 : Redonner la parole au Peuple au sein des institutions
- Sous-objectif 4a : Promouvoir la démocratie délibérative
- Sous-objectif 4b : Favoriser la démocratie directe
- Le RIC peut prendre deux formes
- La principale limite au RIC provient de la mobilisation
Objectif 5 : Redonner de la force au contrôle de constitutionnalité
- Sous-objectif 5a : Réviser le mode de nomination des membres
- Sous-objectif 5b : Faire du Conseil constitutionnel un gardien plus effectif de la Constitution
I. Diagnostic des dysfonctionnements de la Cinquième République
Avant d’approcher le sujet de façon concrète et originale, il est impératif de rappeler brièvement le diagnostic aujourd’hui assez largement partagé du déséquilibre des pouvoirs sous la Cinquième.
Le pouvoir disproportionné de l’exécutif repose d’abord sur un vice originel. Michel Debré souhaitait en effet bâtir un régime à l’anglaise, dont le Premier ministre serait le mur porteur. Toutefois, devant l’impossibilité d’imposer à l’Élysée et aux partis, un suffrage majoritaire à un tour, il craignait une forte instabilité parlementaire[3]. Aussi la Constitution a-t-elle été pensée pour dompter un Parlement récalcitrant. Or, le fait majoritaire va transformer les tempêtes parlementaires de jadis en mer d’huile. Sa conjonction avec les dispositifs de rationalisation va alors aboutir à faire du Parlement français le moins puissant de toutes les grandes démocraties occidentales[4].
Le général de Gaulle voulait pour sa part donner un sens bonapartiste au nouveau régime. L’élection au suffrage universel direct du Président, à la suite du référendum du 28 octobre 1962, a transformé les partis en écuries présidentielles. Élu par le peuple, le Président n’est conçu comme responsable que devant lui. Cette responsabilité extra-juridique est au cœur du Gaullisme comme régime de légitimité politique. Ainsi le général de Gaulle ne fait pas de « caprices » en menaçant de démissionner à chaque élection législative ou à chaque référendum… avant de s’exécuter en 1969. Si dans les faits, le pouvoir du chef de l’État est bien supérieur à celui que lui accorde le texte de la Constitution[5], c’est grâce à ce lien direct. S’il est rompu, alors ce qui rend légitime cette primauté s’effondre. Ce mode de mise en jeu de la responsabilité n’est toutefois guère fonctionnel, dès lors que la légitimité charismatique du Général n’est qu’imparfaitement transmissible à ses successeurs[6]. Certes, l’élection au suffrage universel permet de donner l’illusion du sacre populaire d’un sauveur, mais la légitimité qui y est inhérente n’est que de courte durée. Le système va alors progressivement dysfonctionner. Alors que De Gaulle ne pouvait envisager de subir une cohabitation, Valéry Giscard d’Estaing exclut de démissionner à la veille des législatives de 1978. Alors que la responsabilité politique du président était jugée par lui comme engagée en cas de dissolution ou de référendum, Jacques Chirac se maintient en 1997 puis en 2005.
Ainsi aboutit-on à un pouvoir présidentiel omnipotent, mais sans responsabilité établie, ni par le droit ni par la pratique. Sa légitimité est entamée et, avec elle, celle de l’ensemble des institutions. Dès lors, référendums et élections sont jugés comme déstabilisateurs. Le quinquennat met fin aux élections législatives en cours de mandat, alors que les référendums se raréfient. Là où de Gaulle usa de l’article 11 de la Constitution pour faire appel au Peuple contre le Parlement, ses successeurs usent systématiquement de la convocation du Congrès pour contourner le Peuple. La Cinquième, pensée comme un régime faisant abondamment appel au Peuple, en vient à se calfeutrer pour se garder de tout vent électoral.
La conjonction de la rationalisation à l’extrême du parlementarisme et de la domination de la figure présidentielle a encore été aggravée par le quinquennat[7]. Le pouvoir présidentiel repose alors sur un mécanisme étranger au texte de la Constitution. Les partis n’existent que pour soutenir un présidentiable. Si ce dernier l’emporte, il dispose, par le jeu du calendrier électoral et du mode de scrutin, d’une majorité acquise qui lui doit sa réélection. La responsabilité du gouvernement est certes engagée devant le Parlement, mais la majorité étant dans les mains du président, les ministres deviennent ses collaborateurs. Depuis 2017, leur peu d’autonomie administrative a été réduit aux symboles. Emmanuel Macron s’est en effet mêlé de choisir directeurs de cabinet et directeurs d’administration, faisant de ses ministres les visages d’une politique qu’ils ne contrôlent pas. La résistance d’Édouard Philippe a été rompue par la nomination de Jean Castex, flanqué d’un directeur et d’un chef de cabinet proches du président. Hors renouvellement convenu, le secrétaire général du gouvernement a été remercié, ce qui ne s’était pas produit depuis la première cohabitation. L’existence, depuis 2017, de conseillers communs entre Matignon et l’Élysée vient parachever l’œuvre de contrôle présidentielle sur la machine administrative. Le Président de la République est ainsi parvenu à créer un lien d’allégeance direct entre lui et l’administration de l’État. Sans contre-pouvoir réel, notre République est devenue une technocratie plébiscitaire à renouvellement quinquennal, incarnée par un seul homme.
II. Faut-il une VIe République ou une Ve République bis ?
Faut-il une sixième République ? Pour répondre à cette question encore faudrait-il savoir de quelle sixième République nous parlons. La notion a en effet permis de promouvoir des régimes dont les contenus seraient très différents[8]. Cette note ne se veut pas l’exégèse d’un ordinal. En matière constitutionnelle, le fétichisme des nombres nous détourne de l’essentiel. Changer les institutions, ce n’est pas d’abord changer les textes, encore moins les numéros, c’est modifier les rapports de force qui leur donne vie. Pour lire ce rapport de force, il ne faut pas se borner à une analyse purement juridique, selon laquelle le vrai pouvoir sous la Cinquième résiderait en fait entre les mains du Premier ministre. Il ne faut pas non plus le réduire à une mystique. L’articulation des pouvoirs ne vient pas d’un « esprit » des institutions. Il est le produit d’un rapport de légitimité entre organes et d’un consentement tacite des acteurs politiques relatif à une pratique dans laquelle chacun trouve son intérêt[9]. Ce sont ces rapports qu’il faut changer. On peut évidemment se mettre en tête de tout réécrire, mais cela ne sert, en soi, pas à grand-chose[10]. Les textes constitutionnels modernes reposent sur des bases similaires dont les allitérations minimes font la différence. On peut évidemment tout vouloir renverser et rétablir Consuls, Sénat et Comices de la constitution romaine ; comités exécutifs et assemblées primaires des constitutions révolutionnaires. Toutefois, si l’on part du principe que le texte voulu repose sur les bases du parlementarisme rationalisé issu du constitutionnalisme moderne, comporte comme organes un parlement, un gouvernement et un chef de l’État, tout peut être atteint en modifiant à la marge le texte existant.
Écrire un nouveau texte comporte par ailleurs le risque de l’inconnu quant à son application. Il est plus aisé de savoir comment fonctionnera une pendule une fois que, étudiée, on a réparé ses rouages. Au contraire, un nouveau texte représente un prototype dont l’évolution échappe en grande partie à ses concepteurs. La troisième République ainsi pensée par les orléanistes comme une monarchie libérale en attente de Roi se mua en République parlementariste. Le Sénat y joue un rôle croissant et contra legem alors que le Président, qui disposait pourtant de pouvoirs importants, fut marginalisé. À rebours, alors que la Cinquième était qualifiée par Marcel Prélot de République sénatoriale, et que son architecte, Michel Debré, y voyait le pouvoir résider à Matignon, c’est finalement l’Élysée qui établit son hégémonie. Pensé uniquement par De Gaulle et Debré comme un chien de garde des prérogatives de l’exécutif, le Conseil constitutionnel est de son côté devenu un juge créateur et créatif du respect par le législateur des droits et libertés fondamentales. Jean Rivero notait ainsi que « les institutions, à la différence des satellites, demeurent rarement sur l’orbite où leur créateur avait entendu les placer. Elles échappent à la volonté du Constituant ou du Législateur qui leur a donné vie. L’événement, le milieu, la personnalité des hommes qui les incarnent déterminent leur trajectoire »[11].Écrire une nouvelle Constitution, c’est six mois d’émulation et dix ans de correction, dont les rapports de force politiques n’impliquent pas qu’ils aillent dans le sens des rédacteurs originels.
Par ailleurs, l’instabilité prêtée à l’instauration d’un nouveau régime peut être repoussoir pour l’opinion[12]. Or un changement de République ne peut s’appuyer que sur un large soutien populaire. L’histoire montre que seules les périodes de crise politique profonde conduisent à de tels scénarios ; peut-être en vivons-nous une. Toutefois, l’idée d’une sixième République a également ses charmes et présente deux avantages. D’abord, elle rend mobilisatrice une thématique institutionnelle qui l’est souvent peu. Derrière l’ordinal du régime se cache la promesse d’un changement. Ensuite, si l’invocation de l’esprit des institutions n’a guère de sens, la mystique qui les entoure dans l’opinion, elle, en a. Il est sans doute plus facile de remettre en cause radicalement le présidentialisme si cela est couplé avec un changement de République. Changer de République relève donc de l’opportunité politique plus que de la technique constitutionnelle. Quel que soit le choix fait, son équilibre dépendra des rapports de force entre acteurs jouant du texte, bien plus que de l’épure de sa rédaction ou des symboles qu’il contiendra. Quel que soit le choix symboliquement fait, il doit s’appuyer sur les textes existants pour éviter des lendemains qui déchantent en se fondant sur une interprétation juridique déjà connue[13].
Cette note part donc du principe d’une révision de la Cinquième, tout en sachant que les principes posés peuvent tout à fait s’appliquer à une sixième République répondant aux grands canons des constitutions modernes.
III. Comment changer les institutions ?
Si l’on écarte l’idée d’un grand soir institutionnel qui verrait l’édifice de la Cinquième République mis à bas, deux dispositions ont historiquement été utilisées pour modifier la Constitution.
La première est l’article 11 de la Constitution, usité deux fois par le général de Gaulle. Ce dernier permet au Président de la République de soumettre à référendum un projet de loi. L’usage de l’article 11 apparaît toutefois inconstitutionnel à dessein de modifier la Constitution comme le notait à l’époque le Conseil constitutionnel[14]. Il serait difficile de répéter le geste gaullien sans forte contestation de l’opinion et des juristes. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a depuis ouvert la porte au contrôle des décrets de convocation d’un tel référendum, ce qui hypothèque son organisation[15].
La seconde méthode est celle prévue à l’article 89 de la Constitution. Ce dernier dispose qu’après vote conforme des deux chambres, le texte est soumis, soit au Congrès, soit à référendum. Le principal souci est que cela donne au Sénat un droit de veto sur le texte. Historiquement, les nouvelles majorités élues, notamment à gauche, sur la promesse d’une grande révision constitutionnelle se sont appuyées sur ce potentiel veto pour ne rien faire. Peut-on oublier que le premier Président de gauche de la Cinquième fut aussi l’auteur du « coup d’État permanent » ? On peut penser que, bien des fois, si le Sénat n’avait pas existé, on aurait souhaité l’inventer. L’exécutif a en effet peu à gagner à soutenir une révision constitutionnelle d’ampleur alors que le fonctionnement actuel du régime le favorise tant. C’est d’autant plus le cas que ses moyens pour contraindre les députés (procédure accélérée, dernier mot…) sont bien plus faibles, voire inexistants, lors d’une révision constitutionnelle. Cela peut donc conduire à une perte de contrôle sur le contenu du texte. Aussi, même quand le Sénat est volontaire, il représente un diable bien commode. Le Sénat est une excuse pour ne rien faire, mais c’est une fausse excuse. Il n’y a pas besoin de changer la Constitution pour redéfinir fondamentalement l’économie du régime. L’épouvantail sénatorial ne peut excuser l’immobilisme. En modifiant quelques lois ordinaires et organiques, c’est l’essentiel même de ce qui fait aujourd’hui le fonctionnement de la Cinquième République qui peut être chamboulé. Aussi cette note distingue deux scénarios.
Le scénario 1 part du principe qu’aucune entente n’est possible avec le Sénat. Il ne repose donc sur la modification d’aucune norme (loi constitutionnelle ou loi organique relative au Sénat) sur laquelle un veto sénatorial peut s’exercer. Malgré ce « handicap », ce scénario est en lui-même suffisant pour progresser très largement vers les objectifs affichés (détaillés ci-dessous).
Le scénario 2 fait abstraction d’une opposition potentielle du Sénat. Il propose donc de remanier en profondeur les équilibres du texte constitutionnel. Ces dispositions peuvent apporter un réel souffle. Toutefois, dans la majorité des cas, elles ne viennent que confirmer et solidifier les réformes pouvant être entreprises dans le cadre du scénario 1.
IV. Limites de l’analyse
En dehors de la question constitutionnelle, d’autres points ont trait directement au sujet, mais ne peuvent être abordés dans le cadre de cette note déjà dense. Il s’agit notamment du financement des partis politiques. On peut à ce titre regretter l’enterrement de la banque de la démocratie soutenue par François Bayrou. Il s’agit également de l’organisation du pluralisme médiatique ou de la régulation des sondages[16]. Ces points sont essentiels pour qui veut la stabilité d’institutions réformées. D’autres éléments relevant du champ constitutionnel ne sont pas non plus abordés. D’abord celui des droits fondamentaux. Ceux-ci doivent reposer sur une conception commune de la justice comme fondement de l’État[17] et articuler plus clairement le rapport entre homme et environnement. En la matière, on assiste aujourd’hui à une juxtaposition progressive de droits et de principes dont la multiplication conduit surtout à émanciper le juge constitutionnel. Plus le texte est bavard et contradictoire, plus le juge est libre de développer à sa guise son interprétation. Ensuite, il convient de considérer l’organisation de la justice. Le rapport entre siège et parquet, le rôle du Conseil supérieur de la magistrature doivent notamment être repensés. Ces éléments s’éloignent toutefois du sujet d’une note relative aux équilibres politiques et institutionnels.
Enfin, les collectivités locales représentent également un acteur politique majeur à prendre en compte. Construite comme elle l’a été, la décentralisation a tué la démocratie locale pour promouvoir une forme de néo-féodalisme. Sur ce point, l’institut Rousseau a déjà fait paraître deux notes interrogeant leur place au sein du paysage institutionnel[18].
Cinq objectifs pour refonder notre République
Cinq objectifs guident donc ce projet de révision institutionnelle :
- Il convient d’abord de repenser l’élection des chambres afin de renforcer leur légitimité et leur représentativité (objectif 1) ;
- Un Parlement plus libre doit également disposer d’un plus grand pouvoir afin de jouer un rôle d’initiative et de contrôle efficace (objectif 2) ;
- Du nouvel équilibre qui en ressort doit émerger un rôle présidentiel recentré comme garant de l’unité et des intérêts du pays (objectif 3) ;
- Marginalisé dans le processus d’hyperconcentration des pouvoirs actuellement à l’œuvre, le Peuple doit disposer de moyens d’action en dehors des seules élections. C’est notamment par la promotion d’une démocratie plus directe et délibérative qu’il convient de lui redonner toute sa place (objectif 4) ;
- Enfin, le contrôle de constitutionnalité, et ce faisant l’effectivité de la Constitution même, pose aujourd’hui question. Il convient donc d’en revoir les modalités (objectif 5).
Objectif 1 : Refaire du Parlement un organe légitime et représentatif
Comme nous l’avons déjà évoqué, le fonctionnement actuel de la Cinquième République repose pour beaucoup sur le mode de scrutin majoritaire à deux tours, qui amplifie les victoires électorales, et le télescopage des calendriers électoraux[19]. Le Président de la République est d’abord élu. Les Français votent ensuite pour les législatives. Outre les effets induits par le charisme du candidat victorieux, cela conduit généralement l’électorat d’opposition, démoralisé, à ne pas se mobiliser. Le suffrage majoritaire à deux tours permet ensuite d’obtenir une majorité confortable. On a beaucoup dit qu’obtenant 15,4 % des inscrits au premier tour des législatives (32,33 % des votants) l’actuelle majorité a obtenu six députés sur dix. Ainsi Emmanuel Macron a réuni sur son nom 18,19 % des inscrits au premier tour des présidentielle 2017. C’est à peu près autant que LREM et le Modem au second tour des législatives (18,88 %). Toutefois, grâce à la démobilisation de l’opposition, ce pourcentage d’inscrits, qui donnait à Emmanuel Macron 24,01 % des votants à la présidentielle, a finalement permis à LREM et au Modem d’obtenir le suffrage de 49,12 % des votants au second tour des législatives et 60,3 % des députés. Il ne s’agit pas d’une anomalie, mais de la logique même du mode de scrutin. Les précédentes majorités ont également bénéficié de la magie du scrutin majoritaire à deux tours couplé à la présidentielle. L’actuel système est donc très peu représentatif, et soumet les législatives à la présidentielle. Pour pallier ce phénomène, il convient de modifier le mode de scrutin et d’assurer la concomitance du premier tour des élections présidentielle et des législatives.
Sous-objectif 1a : Rendre l’Assemblée nationale plus représentative grâce à la proportionnelle
Le scrutin proportionnel en France a mauvaise presse, même s’il paraît populaire dans l’opinion[20]. Il est pourtant appliqué dans l’ensemble des démocraties européennes à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne. Il assure d’abord une représentation plus fidèle des choix de l’ensemble des votants. C’est là son essence, ce que même ses pires détracteurs ne lui contestent pas. Arend Lijphart note également qu’il favorise l’adhésion aux institutions et la participation[21]. L’abstention est ainsi en moyenne inférieure de 7,5 points une fois les autres facteurs isolés[22]. La participation est même relevée de 12 points chez les jeunes[23]. Le scrutin majoritaire pour sa part tend à accroître l’abstention et rend difficile l’application de la parité[24]. C’est là un problème structurel relatif à la représentativité des députés qui est aisément soluble par l’application des règles déjà existantes relatives à la composition des listes à la proportionnelle. Le scrutin majoritaire conduit par ailleurs à favoriser le localisme comme déterminant des votes parlementaires, fragilisant l’intérêt général.[25] Par ailleurs, Arend Lijphart montre que la proportionnelle rapproche les choix parlementaires de la position de l’électeur médian sur les grands sujets de politiques publiques. D’autres études corroborent l’idée que les citoyens sont plus satisfaits de leur démocratie et les élus plus réceptifs aux choix de l’électorat[26]. À rebours, le scrutin majoritaire rompt l’espoir pour certains d’une représentation effective, favorisant le désengagement. Cette abstention par résignation finit par poser un problème théorique et démocratique[27].
Des arguments non conclusifs contre la proportionnelle
Trois contre-arguments sont toutefois généralement retenus pour s’opposer au scrutin proportionnel. D’abord, il mène à l’instabilité parlementaire. Ensuite, il induit une domination des formations centristes en réduisant la polarisation. Enfin, il conduit les partis à s’adresser à leur électorat captif plus qu’à l’ensemble des Français. Ces problèmes sont à prendre au sérieux, mais ne sont pas insolubles.
D’abord, on pointe l’absence de stabilité gouvernementale liée à la proportionnelle. En la matière, la nuance est de mise[28]. Arend Lijphart montre que l’introduction de la proportionnelle conduit à une très faible augmentation du nombre de partis au Parlement. Elle est en effet souvent accompagnée d’un seuil de représentation. Tout parti ne le dépassant pas n’obtient aucun député. Fixé en moyenne à 5 %, il limite drastiquement le nombre de formations représentées. Par ailleurs, les circonscriptions ne sont pas toujours uniques et nationales. Pour obtenir un siège à la proportionnelle dans une circonscription proposant 10 sièges, il faut pour un parti obtenir au moins 10 %. Des primes majoritaires existent par ailleurs dans plusieurs États. Les coalitions de partis forment enfin souvent des alliances stables d’élection en élection[29]. Il n’y a donc pas de lien réel entre la proportionnelle et un parlement balkanisé et ingouvernable. Il y a d’ailleurs plus de groupes politiques aujourd’hui au Parlement français qu’au Parlement allemand.
Il n’existe pas non plus de lien entre scrutin majoritaire et majorité claire comme le prouve ces dernières années la Grande-Bretagne ou le Canada. C’est d’autant moins le cas que le scrutin majoritaire favorise les partis à l’électorat très localisé qui peuvent obtenir une majorité dans seulement quelques circonscriptions. On ne comprend ainsi pas le mélodrame du Brexit à Westminster si l’on ne saisit par la surreprésentation au sein de la chambre des nationalistes écossais du SNP ou des Irlandais du DUP. À une époque de montée des séparatismes régionaux, en France comme ailleurs[30], le scrutin majoritaire n’est plus garant de stabilité.
Ensuite, l’influence du mode de scrutin sur la polarisation partisane est marginale et son sens dépend des circonstances[31]. La nécessité d’emmener une majorité derrière le candidat implique le lissage du discours partisan dans le cadre du scrutin majoritaire. Le scrutin proportionnel peut impliquer de son côté des alliances au centre. Toutefois, dans la mise en place d’un contrat de coalition, les formations plus polarisées charrient souvent plus de suffrages et peuvent obtenir davantage. À l’inverse, le scrutin majoritaire conduit à un vote utile en faveur des formations centristes. Par ailleurs, le scrutin proportionnel amène à un émiettement des centres qui, pouvant entrer dans des logiques de coalition hétéroclites, sont amenés à vouloir maximiser individuellement leur gain en se vendant chèrement par groupuscules. Il est aujourd’hui impossible au vu de la littérature de conclure à un lien entre le mode de scrutin et une moindre polarisation. En revanche, la proportionnelle favorise la stabilité des positions programmatiques partisanes, ce qui permet à l’électeur de plus croire dans la crédibilité des partis et de mieux comprendre les clivages[32].
Enfin, l’absence d’adresse globale liée à la proportionnelle est un problème évident. Cette dernière permet l’émergence de partis catégoriaux. Des partis s’adressant aux retraités ont par exemple émergé en Israël ou en Europe de l’Est. Ce type de formations peut toutefois être limité par l’instauration d’un seuil de représentation adéquat. Il est rare qu’une minorité sociale, ethnique ou religieuse vote en bloc pour une formation au point de lui faire atteindre 5 % des inscrits. Par ailleurs, le système de coalition, s’il peut permettre de monnayer chèrement un soutien, en dilue également la portée. Enfin, il semble bien naïf de penser que les partis ne s’adressent pas également à certaines catégories d’électeurs dans le cadre d’un scrutin majoritaire.
La mise en place de la proportionnelle est aisée.
La proportionnelle nécessite le simple vote d’une loi ordinaire. Elle se doit d’être intégrale. Soyons d’abord clairs, la dose de proportionnelle panachée avec le scrutin majoritaire, souvent proposée, est sur son principe même dysfonctionnel. En effet, comme l’ont montré certaines études au moment de l’annonce d’une telle réforme par Emmanuel Macron[33], elle ne produit pas une chambre plus représentative. Pour le comprendre, il faut noter que, plus les circonscriptions sont grandes, plus les vagues majoritaires sont fortes. En augmentant le nombre de députés élus à la proportionnelle, on baisse celui des élus au scrutin majoritaires. Ceux-ci sont donc élus sur de plus grandes circonscriptions. Plus on augmente le pourcentage de proportionnelle, plus on augmente la vague majoritaire sur des circonscriptions tellement vastes que la notion d’ancrage territorial, souvent vantée, n’a plus de sens. Le système allemand pris en référence est à la fois plus complexe et plus intéressant. Il est en effet strictement compensatoire et à finalité proportionnelle[34].
Pour pallier les effets pervers potentiels de la proportionnelle, il faut prévoir des modalités de vote incluant une rationalisation de la représentation. Une manière d’atteindre cette fin, serait de l’inscrire dans des circonscriptions. Historiquement, la proportionnelle en France a pour cadre le département. Le problème est que certains départements n’élisent qu’un ou deux députés, l’effet de la proportionnelle est donc très inégal. L’électeur du RN n’aurait ainsi aucune chance d’être représenté en Lozère alors que le parti aurait plusieurs élus en Île-de-France, où il fait pourtant de mauvais scores. De même, les régions sont trop variées. Les électeurs de Corse et de Rhône-Alpes–Auvergne ne voteraient de facto pas selon des modalités similaires. L’ancrage local dans la plupart des régions, qui pourrait justifier un tel scrutin, apparaît cocasse au vu de leur taille équivalente à certains États européens. On peut à la rigueur imaginer des circonscriptions électorales ad hoc de plusieurs départements, mais cela ne rendrait guère lisible le scrutin pour l’électeur. C’est ce qui a d’ailleurs justifié la mise en place d’une circonscription unique aux élections européennes[35].
Plutôt que de jouer sur la taille des circonscriptions, il vaudrait donc mieux vaut agir sur le seuil de représentation. Cela induit plus de lisibilité et pousse les partis à s’adresser à l’ensemble du pays[36]. C’est d’autant plus le cas si l’on fixe ce seuil non pas en nombre de votants, mais en nombre d’inscrits. Un parti peu représentatif ne pourrait alors jouer sur la participation différentielle de son électorat pour espérer exister. Ce seuil pourrait être fixé à 3 %. La fragmentation du Parlement est alors peu probable. Aux dernières législatives, seuls cinq partis l’avaient franchi (LFI, PS, LREM, LR et RN). Si l’on couple les législatives à la présidentielle et que l’on escompte une plus forte participation, on peut noter que seuls six candidats franchissent ce seuil en 2017 (Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Nicolas Dupont-Aignan). À dessein de consolider les majorités, 10 % des sièges devraient constituer une prime au parti arrivé en tête. L’effet d’une telle disposition est double. Elle oblige les formations voulant accéder au pouvoir à passer des accords avant l’élection sur le programme et la constitution de la liste. Ainsi l’émiettement de l’offre électorale est jugulé. Ensuite, elle contribue à donner à la formation arrivée en tête les moyens de gouverner. Obtenir une majorité absolue nécessiterait, une fois retranchés les suffrages portés sur les partis éliminés, 40 % des sièges, soit 35 à 40 % des votants. Cela demeure peu et il ne semble pas illégitime d’exiger d’une formation ayant obtenu un score inférieur de disposer d’un partenaire de coalition. Si l’on veut obtenir un plus fort effet majoritaire, il est toujours possible de relever cette prime majoritaire à 15, voire 20%. Au-delà, le scrutin proportionnel perd profondément son sens et la crise de légitimité inhérente à des majorités mal élues et omnipotentes risque de menacer la stabilité du système politique et l’acceptation sociale des décisions gouvernementales.
Simulation du mode scrutin proposé sur les trois dernières législatives :
Législatives 2017 | Résultats premier tour | Résultats des listes au-dessus du seuil de 3 % | Nombre de députés élus à la proportionnelle | Nombre de députés après prime majoritaire | Comparaison avec scrutin majoritaire à deux tours |
LFI+PC | 13,74 % | 16 % | 82 | 82 | +55 |
PS+PRG+DVG | 7,91 % | 9 % | 47 | 47 | +3 |
LREM+MODEM | 32,32 % | 37 % | 193 | 250 | -100 |
LR+UDI+DVD | 18,53 % | 21 % | 111 | 111 | -26 |
RN+DLF | 14,37 % | 17 % | 86 | 86 | +76 |
Divers | 13,14 % | 0 % | 0 | 0 | -9 |
Législatives 2012 | Résultats premier tour | Résultats des listes au-dessus du seuil de 3 % | Nombre de députés élus à la proportionnelle | Nombre de députés après prime majoritaire | Comparaison avec scrutin majoritaire à deux tours |
Front de Gauche | 6,91 % | 7 % | 38 | 38 | +28 |
PS+PRG+DVG+EELV | 39,86 % | 42 % | 217 | 267 | -64 |
UMP+UDI+DVD | 34,66 % | 36 % | 180 | 180 | -49 |
FN | 13,60 % | 14 % | 74 | 74 | +72 |
Divers | 4,97 % | 0 % | 0 | 0 | -5 |
Législatives 2007 | Résultats premier tour | Résultats des listes au-dessus du seuil de 3 % | Nombre de députés élus à la proportionnelle | Nombre de députés après prime majoritaire | Comparaison avec scrutin majoritaire à deux tours |
PCF+ext gauche | 7,70 % | 8 % | 41 | 41 | +26 |
PS+PRG+DVG+EELV | 31,27 % | 32 % | 167 | 167 | -45 |
MODEM | 7,61 % | 8 % | 41 | 41 | +38 |
UMP+NC+DVD | 44,37 % | 46 % | 238 | 288 | -56 |
FN+MNR+MPF | 5,88 % | 6 % | 31 | 31 | +30 |
Divers | 3,17 % | 0 % | 0 | 0 | -2 |
À dessein de diminuer encore les risques de dispersion, on peut compter sur le coût d’une campagne nationale. On peut également envisager, comme il en existe en Estonie, un parrainage citoyen de 30 000 signatures pour une liste aux législatives. Notons que c’est le scrutin majoritaire qui a longtemps été vu comme source d’instabilité en ce qu’il conduisait à l’élection sur des programmes flous d’assemblées de notables peu disciplinées. L’instabilité parlementaire, comme on a pu le constater ces derniers mois, n’est par ailleurs pas qu’une affaire de mode de scrutin. C’est aussi le fruit d’une organisation dysfonctionnelle du Parlement qui a conduit à mettre en place une prime à la scission des groupes. Pour obtenir des moyens matériels et une surface médiatique, il est en effet tentant de construire sa propre église. C’est d’autant plus le cas que le nombre de parlementaires pour constituer un groupe a été réduit d’année en année[37]. La proportionnelle règlerait en partie ce problème en renforçant le poids des partis par la composition des listes. Elle autoriserait ainsi les assemblées à élever à trente[38] le nombre de députés nécessaire pour constituer un groupe[39].
Enfin et surtout, il convient d’éviter que les législatives demeurent la confirmation des présidentielles. C’est un point important si l’on souhaite que le Parlement retrouve une légitimité propre et que les députés ne demeurent pas les otages d’une élection qui n’est pas la leur. Trois solutions sont possibles. D’abord, séparer les deux élections. Cela est possible en revenant à des temporalités différentes soit à travers une dissolution en cours de mandat, soit en rétablissant le septennat. La première solution est précaire, une seconde dissolution peut défaire ce qu’une première a fait. La seconde est complexe, car elle nécessite une révision constitutionnelle. Une autre voie tient dans l’inversion du calendrier électoral, les élections législatives précédant les présidentielles. Le risque est alors de faire de la présidentielle une confirmation des législatives et d’inverser le problème. La place d’un président élu dans une telle configuration est incertaine, mais on voit mal comment il pourrait ne pas demeurer chef incontesté de la majorité. La dernière solution est de tenir, le même jour, le premier tour des présidentielles et les législatives. Les élections seraient alors concomitantes, mais les effets de l’une sur l’autre seraient neutralisés. Le mode d’élection du président de la République et la meilleure spécialisation fonctionnelle des organes (voir infra) seraient par ailleurs plus à même de restaurer le rôle d’arbitre et d’autorité morale du chef de l’État. À l’instar du Président portugais, élu au suffrage universel direct, son rôle serait alors détaché des affaires courantes. La présence d’une majorité d’une autre couleur politique à la chambre ne serait alors pas un problème majeur.
Scénario 1 (aval du Sénat non requis) :
Proposition n° 1 : Modifier par une loi ordinaire les articles L.123-126 du Code électoral à dessein d’y introduire le scrutin proportionnel dans une circonscription unique nationale avec un seuil de représentation de 3 % des inscrits et une prime majoritaire de 10 % des sièges, aux restes répartis selon la méthode d’Hondt40.
Proposition n° 2 : En cas de trop fort émiettement des listes, introduire par voie législative au Chapitre III, du titre 1er du Livre 1er du Code électoral la nécessité d’un parrainage citoyen de 30 000 personnes inscrites sur les listes électorales pour toute présentation d’une liste.
Proposition n° 3 : En cas d’instauration du mode de scrutin proportionnel, modifier l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale pour porter à trente le nombre minimal de députés nécessaires à la formation d’un groupe.
Proposition n° 4 : Par voie organique, modifier l’article LO.121 du Code électoral pour avancer d’un mois la date des élections législatives. Par décret convoquant les élections, faire que ces dernières coïncident avec le premier tour de la présidentielle.
Sous-objectif 1b : Rééquilibrer le collège des grands électeurs sénatoriaux
Le cas du Sénat est doublement difficile. D’abord car son existence est toujours remise en cause. Il est vrai que l’institution penche structurellement au centre droit. Pour autant, le mode d’élection des sénateurs leur donne une indépendance et les méthodes de travail sénatoriales représentent clairement un apport important dans le processus législatif. Le rôle de frein du Sénat en matière de révision constitutionnelle peut être regretté mais il a permis d’éviter à bien des apprentis sorciers de transformer la Constitution à leur guise en se fondant sur une majorité de députés dociles. Dans un régime de forte concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, l’existence d’un contre-pouvoir, même imparfait, ne peut pas être rejetée. Ensuite, pour modifier la Constitution, il faut l’aval du Sénat. Si l’on exclut de faire tabula rasa, une réforme d’ampleur ne peut éviter le dialogue avec la seconde chambre pour arriver à son terme.
Par ailleurs, les projets de grandes transformations du Sénat sont généralement assez peu pertinents. L’idée d’élire une seconde chambre à la proportionnelle pour désigner la première au scrutin majoritaire est une rêverie de juriste. La politique comparée nous montre que des scénarios dans lesquels la seconde chambre est plus représentative et plus légitime que la première amènent à des crises politiques profondes, voire à une forme de bicamérisme inversé[41]. Le Sénat doit être moins légitime que l’Assemblée nationale, sinon le bicamérisme ne peut pas être inégalitaire sans emporter la légitimité même du régime et sa perversion. D’autre part, l’idée d’une fusion du Sénat avec le Conseil économique social et environnemental n’est envisageable qu’à condition de remettre en cause soit la souveraineté du Peuple, soit la qualité de seconde chambre du Sénat. Le projet du général de Gaulle prévoyait d’ailleurs de faire de l’institution une chambre consultative. Si l’on va dans ce sens, on perd encore une fois un contre-pouvoir précieux à la majorité à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, cela va à l’encontre du projet qui est le nôtre de faire du Conseil économique social et environnemental l’organe pivot du renouveau de la démocratie directe et délibérative (voir infra sous-objectif 4a).
Pour autant, cela ne signifie pas qu’une réforme du Sénat n’est pas nécessaire. Le collège électoral sénatorial est peu représentatif d’où une très forte distorsion qui conduit à une domination structurelle du centre droit sur la seconde chambre. Toutefois, il est très difficile de revoir dans les cadres juridiques actuels la composition de ce collège[42]. La nécessité pour chaque département de disposer d’un sénateur, et pour le collège de comporter une majorité d’élus, représente une limite certaine à la réforme. Deux options relevant d’une loi simple (sur laquelle le Sénat ne disposerait donc pas de droit de veto) nous semblent toutefois envisageables. La première pourrait conduire à modifier la circonscription électorale qui est aujourd’hui le département. C’est une voie assez peu sûre. Il n’est pas certain que le Conseil, qui semble avoir consacré le principe d’un sénateur par département, suive le législateur sur ce terrain. Par ailleurs, de grandes circonscriptions régionales détruiraient le lien entre le sénateur et ses électeurs. Le scrutin proportionnel rompt déjà en grande partie le lien entre l’Assemblée et le terrain, il serait malvenu de déraciner le Sénat. Au contraire, un Sénat ancré peut retrouver de la légitimité et jouer un rôle renouvelé face à une Assemblée représentant plus fidèlement les courants de pensée. La représentation nationale a tout à gagner à cette complémentarité.
La seconde solution tient dans la modification du collège électoral composé à 95 % des conseillers municipaux. Dans sa décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000, le Conseil limite la possibilité de rééquilibrer la distorsion démographique par l’appel de délégués pris en dehors du Conseil municipal. Ces derniers permettent en effet de garnir les contingents de représentants des communes les plus peuplées et sous-représentés. Toutefois, pour que l’équilibre démographique soit réellement respecté, il conviendrait sur la base de ce système qu’une partie substantielle du collège électoral ne soit plus composée d’élus. Or cela pose un problème démocratique évident qui a conduit à limiter la portée du dispositif. La contrainte peut toutefois être contournée en prévoyant que lorsque l’ensemble des membres du Conseil municipal sont appelés comme grands électeurs, les grands électeurs complémentaires, destinés à équilibrer la représentation démographique, ne sont plus désignés par lui, mais pris dans l’ordre d’éligibilité des listes lors du dernier renouvellement. Lors des élections municipales, seraient ainsi désignés les conseillers municipaux, mais aussi le collège électoral. Si ce dernier implique la désignation de 100 grands électeurs, mais de seulement 30 membres du Conseil municipal, alors 70 élus n’auraient comme mission que de porter la voix de leurs concitoyens aux sénatoriales. Il n’est pas certain qu’une telle disposition ne finisse pas sous les fourches caudines du Conseil. Toutefois, elle semble satisfaire à l’impératif démocratique et à celui de représentation des collectivités. Par ailleurs, une meilleure représentativité du Sénat pourrait passer par une révision du mode de scrutin aux municipales qui accorde une prime majoritaire telle qu’elle marginalise fortement les oppositions et contribue à fausser la représentativité des collèges électoraux.
Scénario 1 :
Proposition n° 5 : Modifier les articles L.283 à L.293 du Code électoral pour prévoir la suppression des délégués des conseils municipaux dans les communes de plus de 30 000 habitants. Prévoir l’élection de grands électeurs supplémentaires, ne siégeant pas dans les conseils, dans l’ordre des listes présentées aux municipales.
Au titre IV de la partie législative du Code électoral, augmenter le nombre de candidats sur chaque liste dans les communes de plus de 30 000 habitants afin de compléter le collège électoral sénatorial et d’atteindre une juste compensation démographique.
Proposition n° 6 : Modifier l’article L.262 du Code électoral à dessein de réduire de 50 % à 25 % du Conseil la prime majoritaire lors des élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Objectif 2 : Desserrer l’étau du parlementarisme rationalisé
Pour rééquilibrer les pouvoirs en faveur du Parlement, ce dernier a d’abord besoin de regagner des marges de liberté en matière législative et de contrôle. Mais pour que celles-ci donnent lieu à des actions effectives, les parlementaires doivent disposer du temps et des moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions.
Sous-objectif 2a : Revaloriser l’initiative parlementaire
En matière législative, la liberté des parlementaires est importante dès lors qu’ils veulent bien s’en saisir. La faible initiative du Parlement relève plus comme nous y reviendrons, du temps et des moyens qui lui sont accordés, ainsi que de la soumission de la majorité. Pour autant, certaines dispositions qui font aujourd’hui l’objet d’une application problématique peuvent être améliorées.
L’un des principaux symboles de la mise sous tutelle du Parlement sous la Cinquième République réside dans une irrecevabilité : celle de l’article 40 de la Constitution. Cet article interdit aux parlementaires toute initiative ayant pour conséquence « une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». La réduction du champ de l’initiative parlementaire est donc potentiellement immense tant il est vrai qu’il est difficile d’agir sur les politiques publiques sans affecter, même de manière marginale, leur coût. Dans le cadre de l’examen de la loi de finances, les parlementaires sont par ailleurs privés d’un vrai pouvoir de réorientation des dépenses prévues par le gouvernement. Ils ne peuvent pas non plus agir sur le plafond des dépenses de l’État. Seule leur est ouverte au sein des lois de finances la possibilité de redéployer certains fonds entre programmes au sein des missions[43].
Pour contrer la rigueur de l’article 40, deux solutions ont historiquement été trouvées. La première est la pratique des gages visant à affecter une dépense nouvelle sur l’évolution d’une ressource prévisible (les taxes sur le tabac notamment). Très hypocrite, ce contournement, dont personne n’est dupe, permet de sauver certaines initiatives, mais n’est qu’un palliatif. En outre, elle favorise la dépense fiscale au détriment de la dépense budgétaire La seconde solution fut appliquée jusqu’à récemment par le Sénat. Elle consistait à ne pas contrôler préalablement à leurs dépôts les amendements susceptibles d’être irrecevables. L’irrecevabilité n’était prononcée que si quelqu’un l’évoquait en séance. Cette méthode tombera toutefois sous le coup du Conseil constitutionnel qui exige à présent qu’un contrôle préalable soit effectué par la commission des Finances[44].
Lors de la révision constitutionnelle de 2008, les présidents des commissions des Finances des deux assemblées avaient proposé de faire confiance à un Parlement d’adultes et de supprimer l’article 40[45]. Sans aller jusque-là, quoique nous pourrions, il convient aujourd’hui de limer les dents aux irrecevabilités financières hors période budgétaire. Pour cela, seul le gouvernement doit pouvoir l’invoquer en séance ou en commission. Cela laisse aux parlementaires la capacité d’exposer leur point de vue et de négocier avec l’exécutif. Lors de l’examen de la loi de finances, l’application de l’article 40 ne semble en revanche pas défendable.
Scénario 2 :
Proposition n° 7 : Modifier l’article 40 de la Constitution à dessein qu’il ne soit pas applicable lors de l’examen d’un projet de loi de finances, et que l’irrecevabilité ne puisse être invoquée que par le gouvernement lors de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi, en séance ou en commission.
L’une des principales avancées de la révision constitutionnelle de 2008 fut de rééquilibrer l’ordre du jour en réduisant à deux semaines le temps où le gouvernement peut inscrire en priorité les textes qu’il souhaite voir examiner. Deux semaines par mois sont donc, en théorie, à la discrétion du Parlement. Dans les faits, cela n’a pas conduit à redonner un souffle nouveau à l’initiative parlementaire. La raison en est triple. La première est liée à la difficulté pour les parlementaires d’écrire un texte ambitieux au vu de la faiblesse des moyens… là encore, nous y reviendrons. La seconde est liée à une mauvaise organisation de cet ordre du jour. L’article 48 prévoit ainsi que l’une des deux semaines est consacrée au contrôle. Or si ce dernier prend tout son sens dans le cadre des commissions parlementaires, en séance publique il apparaît au mieux comme une mise en scène. La plupart des parlementaires utilisent cette semaine pour s’échapper de Paris, les considérant, non à tort, comme inutiles. La semaine d’initiative n’est de son côté pas suffisante pour proposer des textes ambitieux. Ceux issus de l’opposition sont souvent rejetés par principe. Il conviendrait aussi d’accorder aux parlementaires deux semaines pleines d’initiative, dont l’une serait consacrée aux textes proposés par les commissions. Ces dernières disposent de chances plus importantes d’être votées et le concours de la commission peut être gage d’un travail de fond sur le sujet. Le troisième problème est lié à un dysfonctionnement majeur du bicamérisme. La plupart des textes votés dans une chambre ne sont, en effet, jamais examinés dans l’autre. Chaque assemblée préfère accorder du temps à ses propres propositions plutôt qu’à celles transmises par son homologue. Quand une proposition de loi de l’autre assemblée est examinée, c’est souvent que le Gouvernement, y ayant intérêt, a poussé à son inscription à l’ordre du jour. Il est alors l’arbitre des élégances entre les deux chambres. Pour éviter que la plupart des textes ne meurent dans la navette, il est donc nécessaire de prévoir qu’un texte adopté par l’une des assemblées est inscrit à l’ordre du jour de la seconde dans les six mois suivant son adoption. Le risque est évidemment de voir l’ordre du jour d’une chambre accaparée par l’autre qui, par stratégie, voterait des propositions de loi en cascade pour paralyser son homologue. Si un tel scénario devait se produire, l’usage des motions de procédure, notamment de la question préalable, permettrait à la majorité de l’assemblée visée de facilement contrer cette stratégie.
Scénario 2 :
Proposition n° 8 : Modifier l’article 48 de la Constitution en y supprimant l’alinéa 4 relatif à la semaine de contrôle et y ajouter l’obligation d’inscrire dans un délai de six mois à l’ordre du jour non réservé au gouvernement toute proposition de loi adoptée par l’autre assemblée.
Proposition n° 9 : Au chapitre XI du Titre 1er du Règlement de l’Assemblée nationale, prévoir qu’une semaine sur les deux laissées à l’initiative des chambres est réservée à l’examen de textes proposés par les commissions permanentes.
Par ailleurs, l’article 45 de la Constitution permet au Gouvernement de s’autoriser lui-même à amender un texte issu d’une commission mixte paritaire. Cela lui permet de mettre en pièces le compromis trouvé entre les deux chambres et de reprendre la main dont se sont saisis les parlementaires. Ceci ne doit plus être autorisé, sauf en vue de rectifier une erreur matérielle.
Scénario 2 :
Proposition n° 10 : Modifier l’article 45 de la Constitution à dessein de proscrire l’amendement sur un texte à la suite d’une Commission mixte paritaire conclusive, sauf en vue de rectifier une erreur matérielle dûment constatée par la commission compétente.
Sous-objectif 2 b : Rendre plus effectif le contrôle parlementaire
Là encore, le renforcement du contrôle n’est pas indépendant des moyens financiers et techniques sur lesquels nous reviendrons. Toutefois, il est également affaire d’instruments de contrôle. Pour être vraiment utiles, ces derniers doivent d’abord s’appuyer sur la pluralité des députés et ne pas être les simples jouets de la majorité. Non seulement cela conduit à exclure les députés de l’opposition du contrôle, mais ceux de la majorité ne pouvant s’appuyer sur la nécessité d’un consensus se voient rappeler à leur fidélité au gouvernement. Un contrôle effectif est donc un contrôle qui marie opposition et majorité en vue de modérer la première et d’émanciper la seconde. Par ailleurs, un contrôle effectif est un contrôle qui ne se limite pas à constater les insuffisances, mais dispose des moyens de les corriger.
L’essentiel du travail de contrôle ne réside pas dans les traditionnelles et médiatiques questions d’actualité au gouvernement. Le contrôle passe d’abord par un travail d’investigation des commissions permanentes permettant à ces dernières de s’assurer de la mise en œuvre des politiques publiques et de l’application des textes votés par le Parlement. Ce dernier point est important. Le travail parlementaire ne peut ni ne doit se borner au vote de la loi. Les députés et sénateurs doivent pouvoir s’assurer que cette dernière est appliquée et qu’elle produit les effets escomptés. Pour ce faire, il semble nécessaire d’instaurer une clause de réexamen sur l’ensemble des textes. Cette pratique s’impose aujourd’hui de plus en plus sans toutefois être encadrée. Un an après le vote d’un texte, le ministre compétent devrait obligatoirement être auditionné par la commission. À la suite de cette première audition, une majorité des députés pourrait demander la mise en place d’une mission sur tout ou partie d’une loi votée. Le rapporteur de la mission devrait appartenir à l’opposition. Cela implique des capacités matérielles et humaines, à travers l’accès, notamment, à l’expertise des fonctionnaires des chambres. Cela permet également au rapporteur d’avoir la main sur le programme d’auditions. À la suite du rapport, la mission d’information aurait alors plusieurs outils entre ses mains. Elle pourrait d’abord déposer une proposition de loi obligatoirement inscrite dans le temps parlementaire réservé aux commissions permanentes. Ainsi les dispositions problématiques pourraient être corrigées. Elle pourrait également saisir la justice administrative en cas de non prise des décrets d’application, ou si ces derniers semblent illégaux. Ainsi pourrait être pallié l’absence d’application du texte. On peut imaginer une saisie en référé du Conseil d’État par l’intermédiaire d’un recours en manquement, sur le modèle de ce que prévoit le droit européen[46]. D’une manière plus simple, l’arrêt du Conseil d’État du 28 juillet 2000, Association France Nature Environnement, oblige le gouvernement à prendre les actes réglementaires d’exécution des lois dans « un délai raisonnable ». Il suffirait dans ce cadre de reconnaître un intérêt à agir à la chambre sur demande de la mission, voire à chaque parlementaire, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Cette solution semble plus sûre et plus simple juridiquement.
Scénario 1 :
Proposition n° 11 : Au chapitre V du Titre de III du règlement de l’Assemblée nationale, prévoir l’audition systématique du ministre en commission un an après le vote d’une loi. Sur proposition d’un tiers des membres, une mission spéciale est chargée d’établir un rapport sur les conséquences de la loi.
Proposition n° 12 : Au chapitre XI du Titre 1er du règlement de l’Assemblée nationale est prévu que les propositions de loi issues de la mission d’évaluation sont inscrites prioritairement à l’ordre du jour sur la semaine d’initiative parlementaire.
Proposition n° 13 : Ajouter un nouvel article à l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 prévoyant que la chambre, par la voix de la mission d’évaluation statuant à la majorité, a intérêt à agir par voie de recours pour excès de pouvoir en cas de non prise dans un délai raisonnable des actes réglementaires nécessaires à l’application d’une mesure législative ou en cas d’illégalité de l’un d’eux.
Notons que le rôle du contrôle du Parlement en temps de crise doit aussi être revalorisé et repensé. Nous renvoyons sur ce point à la note produite par l’Institut dans le cadre du dossier de crise[47].
Sous-objectif 2c : Redonner aux parlementaires le temps de leurs missions
C’était l’un des sous-entendus de la révision constitutionnelle proposée en 2018 par Emmanuel Macron. Le Parlement est lent et il faut donc se donner les moyens d’accélérer son rythme. Or, n’est pas lièvre qui croit. D’abord, le Parlement français n’est pas si lent. En moyenne l’examen d’un texte au Parlement français prenait sous la précédente législature 149 jours, contre 156 en Allemagne et 400 aux Pays-Bas[48]. À dire vrai, il n’y a que peu de parlements plus rapides que le Parlement français, si l’on exclut l’assemblée monocamérale hongroise dominée par le Fidesz de Victor Orbán. On peut d’ailleurs escompter que la généralisation de la procédure accélérée à l’ensemble des textes[49] sous cette législature aura encore réduit la moyenne française. À l’opposé, un rapport sénatorial de mars 2019 relève que « Le délai moyen pour prendre l’ordonnance, une fois la loi donnant l’habilitation promulguée, est de 455 jours. (…) trois ordonnances ont été prises dans un délai inférieur à 177 jours (respectivement 96, 107 et 164 jours), délai moyen du vote de la loi. À l’inverse, 19 ont été prises dans un délai supérieur à 354 jours, soit le double du délai moyen de vote d’une loi et 3 ont un délai supérieur à 700 jours. »[50] Ainsi arrive-t-on au paradoxe que la procédure des ordonnances, créée pour court-circuiter un Parlement jugé trop lent, allonge en réalité considérablement la production normative. Au-delà des ordonnances, les décrets d’application sont également souvent des arlésiennes. La loi El Khomri, votée en cinq mois, les a attendus plus d’un an pour pouvoir être appliquée.
Donner le temps au Parlement, ce n’est donc pas mettre la France à l’arrêt. C’est donner aux assemblées la capacité de voter des textes mieux construits. Ces derniers peuvent alors mieux viser l’intérêt général. Par ailleurs, un texte mal écrit donne le pouvoir à deux acteurs non élus : l’administration, qui doit les traduire en mesures directement applicables ; le juge qui, devant des dispositions absconses, doit bien trancher en interprétant. Donner le temps au Parlement, c’est donc aussi renforcer la démocratie.
Redonner du temps au Parlement, c’est d’abord et avant tout revenir sur la généralisation de la procédure accélérée. Cette dernière réduit à néant les délais laissés aux chambres pour travailler entre la transmission du texte et son examen. Les parlementaires sont alors contraints de bâtir de bric et de broc une expertise dans l’urgence, sans vrai recul sur ce qu’ils doivent examiner. Elle remet par ailleurs en cause la navette parlementaire qui permet aux députés et aux sénateurs de s’enrichir du débat entre les deux assemblées. Si la procédure accélérée peut parfois se justifier au regard de l’urgence à légiférer, il convient d’en limiter l’usage à trois textes par session, hors projets de loi de Finances et projets de loi de financement de la Sécurité sociale. Sur ces textes, un délai d’un mois entre le dépôt et l’examen en séance doit toutefois être prévu pour permettre au Parlement de travailler. Si, ayant épuisé son quota, le gouvernement se trouvait dans la nécessité d’agir vite, il devrait alors obtenir l’accord des conférences des présidents des deux assemblées. La convocation d’une commission mixte paritaire en première lecture prévue par la procédure accélérée est souvent un argument pour justifier son enclenchement. Il est vrai que, parfois, les deux chambres sont d’accord, à quelques virgules près, et que les lourdeurs d’une seconde lecture semblent inutiles. La convocation d’une CMP devrait être possible dès la première lecture, mais uniquement sur demande conjointe des présidents des deux chambres. Elle ne doit pas pouvoir mener le gouvernement à donner en cas d’échec le dernier mot à l’Assemblée nationale. Dans ce cas, une seconde lecture a lieu, pouvant mener à une nouvelle CMP et, potentiellement alors, à une lecture définitive par l’Assemblée nationale.
Scénario 2 :
Proposition n° 14 : Modifier l’article 45 de la Constitution. Prévoir que le gouvernement ne peut engager la procédure accélérée, hors PLF et PLFSS, que trois fois par session, sauf accord des conférences des présidents des deux assemblées. Prévoir que les présidents des deux assemblées après accord du bureau peuvent demander la réunion d’une commission mixte paritaire au terme de la première lecture d’un texte. L’échec de cette dernière ne peut conduire le Gouvernement à demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.
Proposition n° 15 : À l’article 45 de la Constitution, prévoir un délai d’un mois incompressible entre le dépôt et l’examen en séance des PLF et PLFSS. la procédure accélérée ne remet pas en cause ce délai.
Pour que le Parlement ait le temps d’examiner la portée d’un texte, il convient également que ce dernier ne change pas au gré des vents. Le gouvernement dispose en effet de libertés importantes en matière de dépôt d’amendements. Les parlementaires doivent de leur côté déposer leurs amendements dans un délai préalablement fixé avant leur examen. Cela permet notamment à la commission de les étudier et de les discuter. Ce délai ne s’impose pas au gouvernement qui peut donc surprendre les parlementaires avec un nombre important d’amendements déposés au dernier moment. Par ailleurs, ces amendements qui peuvent s’avérer consistants n’ont pas passé sous les fourches caudines du Conseil d’État. Comme le proposait d’ailleurs le rapporteur de l’Assemblée lors de l’examen interrompu de la révision constitutionnelle, il apparaît nécessaire qu’un tel examen puisse avoir lieu. Il permet d’assurer une meilleure qualité des textes, une constitutionnalité renforcée et une meilleure information des parlementaires.
Scénario 1 :
Proposition n° 16 : Modifier l’article 13 de la loi organique du 15 avril 2009, modifier également les articles 99 du règlement de l’Assemblée nationale et 13 du règlement du Sénat pour obliger le gouvernement à déposer ses amendements dans les mêmes délais que les parlementaires, sauf correction d’une erreur matérielle.
Scénario 2 :
Proposition n°17 : Ajouter un alinéa à l’article 44 prévoyant que, dans les conditions fixées par une loi organique, le Gouvernement peut saisir le Conseil d’État d’un amendement qu’il dépose. Cette faculté est une obligation si l’amendement en question ajoute des dispositions tendant à modifier substantiellement le texte. En cas de litige, le Président de la chambre dispose de la capacité de saisir le Conseil constitutionnel pour juger de cette obligation.
Si le Parlement français n’est pas lent, cela ne veut pas dire que la procédure parlementaire ne peut pas être optimisée. Le phénomène d’obstruction n’est plus aujourd’hui un problème majeur tant il est vrai que la plupart des réformes des règlements des chambres depuis la fin des années 80 ont eu pour objet de la juguler. La fonction tribunitienne de la séance ne peut plus être réduite au risque de porter atteinte au sens politique du jeu parlementaire[51].
Du temps pourrait toutefois être gagné par la tenue d’un débat préalable à l’examen du texte en commission pour ses travaux[52]. À la fin du débat, la chambre pourrait alors faire le choix, à une majorité qualifiée des deux tiers, d’engager une procédure d’examen simplifiée. Le texte ne serait alors amendé qu’en commission avant d’être voté après une discussion d’ensemble en séance publique. À défaut de procédure simplifiée, l’examen en séance débute après le passage en commission, par la discussion sur articles.
Scénario 2 :
Proposition n° 18 : Modifier les articles 43 et 42 de la Constitution à dessein de permettre la tenue d’un débat d’orientation préalable avant l’examen en commission. Prévoir dans le règlement des chambres que ce dernier se substitue à la discussion générale et peut ouvrir la voie à une procédure simplifiée sur décision d’une majorité qualifiée des deux tiers.
Sous-objectif 2d : Accorder au Parlement les moyens de remplir son rôle.
La disproportion des moyens entre les parlementaires français et les ministres est l’une des raisons principales de la fragilité du Parlement. Il est certes peu populaire d’expliquer que le politique a besoin de moyens pour exercer ses missions. Pourtant, si “regrettable” que cela soit, la démocratie a un coût. Le budget de l’Assemblée nationale en 2020 est de 568 millions d’euros, soit, à peu près, celui de la ville de Bordeaux (517 millions d’euros). Le budget du Sénat (342 millions d’euros) approche celui de la ville de Grenoble (393 millions d’euros). Si le Parlement français peut compter sur un corps de fonctionnaires compétents, ils ne peuvent à eux seuls remplir un rôle, ne serait-ce que comparable, aux technostructures ministérielles sur lesquelles s’appuie le Gouvernement. Une augmentation du budget des chambres et des recrutements pourrait s’avérer nécessaires. Une augmentation, ne serait-ce que de 10 millions d’euros, permettrait de recruter une centaine d’administrateurs. Une augmentation de 10 % (soit 50 millions d’euros à l’Assemblée et 30 millions au Sénat) nous semble à la fois modeste au vu de l’importance du travail parlementaire et susceptible de doter les chambres d’un pôle réactif d’expertise. Cela permettrait, notamment, de mieux armer les commissions à dessein de réaliser un travail de contrôle en profondeur. Cela devrait notamment permettre de mieux doter les groupes d’opposition à dessein qu’ils puissent recruter plus de collaborateurs et obtenir une plus large expertise extérieure. L’organisation des assemblées conduit en effet à orienter les moyens d’expertises internes vers les rapporteurs et présidents de commission qui font très souvent partie de la majorité. Comme c’est le cas en Allemagne, les groupes d’opposition devraient également se voir mieux dotés financièrement que les groupes de la majorité à dessein d’équilibrer le déficit d’accès à l’expertise qui caractérise leur position. Il s’agit là d’une avancée nécessaire à un meilleur contrôle parlementaire et à un pluralisme politique effectif.
Scénario 1 :
Proposition n° 19 : Augmenter de 10% le budget des assemblées, affecter une partie de ces moyens au renforcement des groupes d’opposition.
Toutefois, donner à chaque parlementaire la possibilité de trouver les moyens d’agir c’est également leur permettre de disposer d’une équipe suffisamment nombreuse et de qualité. Les crédits collaborateurs au Parlement français sont plus de deux fois inférieurs à ceux en vigueur au Bundestag, et sept fois moindre que ceux à disposition d’un parlementaire américain[53]. En la matière par ailleurs, la modification du mode de scrutin doit s’avérer payante. Aujourd’hui, beaucoup de collaborateurs sont basés en circonscriptions, ce que devrait rendre moins essentiel la proportionnelle. Les collaborateurs parlementaires doivent par ailleurs voir leur statut revu et leur sécurité juridique accrue à travers notamment un renforcement des incompatibilités. Leur rémunération gagnerait également à être mieux encadrée tout comme leurs conditions de travail (temps de travail, harcèlement)[54].
Par ailleurs, l’idée d’Emmanuel Macron en 2017 de réduire le nombre de parlementaires à moyens constants est bonne. Couplée avec un mode de scrutin mixte, elle était fortement problématique[55]. Toutefois, liée à un mode de scrutin uniquement proportionnel, elle comporte des avantages certains. Le nombre de parlementaires semble en effet aujourd’hui trop important au vu de la fin du cumul des mandats. Le Parlement est devenu pour certains un lieu d’ennui et de désillusion, voire d’anomie. La baisse du nombre de parlementaires peut contribuer à la clarté des débats et à un meilleur dynamisme de la chambre. Si elle ne peut ni ne doit être un objectif en soi, elle peut permettre d’améliorer la qualité du travail collectif et de donner à chacun une place à la mesure de ses aspirations et de ses mérites. Il n’en reste pas moins que cette réduction pose plus de souci concernant le Sénat. Les sénateurs sont moins nombreux et leur mode d’élection souffrirait d’une réduction du nombre de parlementaires qui accroîtrait encore les distorsions de représentations entre départements. Par ailleurs, le Sénat dispose d’un veto sur toutes les lois organiques le concernant, ce qui inclut le nombre de ses membres. Toutefois, le seul intérêt à diminuer le nombre de parlementaires selon le même ratio dans les deux chambres est lié à l’équilibre du Congrès en vue de réviser la Constitution… procédure qu’il conviendrait de remettre en cause ; nous y reviendrons.
Scénario 1
Proposition n° 20 : Doubler le montant des frais de recrutements des collaborateurs de chaque député et sénateur. Cela doit conduire à ouvrir la négociation au sein de chaque chambre à dessein de concevoir un statut plus clair et plus protecteur pour les collaborateurs parlementaires.
Scénario 2 :
Proposition n° 21 : Par voie organique, diminuer d’un quart le nombre des parlementaires.
Au-delà des capacités internes des chambres et du travail des collaborateurs, l’expertise parlementaire pourrait être renforcée par le rattachement d’organismes extérieurs. En 2018 François de Rugy avait ainsi évoqué celui de France Stratégie[56]. L’idée semble d’autant plus d’actualité que la recréation par le présent gouvernement d’un Commissariat au plan semble rendre peu lisible la future répartition des rôles auprès de l’exécutif. France Stratégie permettrait ainsi au Parlement d’orienter une prospective éclairant son regard et ses propositions dans le cadre d’une initiative renouvelée. Un second organisme candidat au rattachement est bien entendu la Cour des comptes. Ce projet, à dessein de réaliser un vrai contrôle budgétaire sur le gouvernement, est un serpent de mer. S’il est de bon ton de s’y opposer en arguant de la qualité de juridiction de la Cour, il est néanmoins tout à fait possible de séparer ses activités juridictionnelles et d’évaluation pour ne rattacher que les secondes au Parlement[57]. Si l’on ne veut pas emprunter plus avant cette voie, l’article 47-2 de la Constitution dispose que la Cour des comptes « assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de Finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. » Il suffit donc de limiter son secours au seul Parlement en modifiant ledit article.
Scénario 1
Proposition n° 22 : Par voie législative et abrogation du décret du 22 avril 2013, rattacher France-Stratégie au Parlement.
Scénario 2
Proposition n° 23 : Modifier l’article 47-2 de la Constitution à dessein de rattacher les activités d’évaluation de la Cour des comptes au Parlement.
Proposition 23 bis : Modifier l’article 47-2 de la Constitution à dessein de préciser que la Cour des comptes n’assiste que le seul Parlement.
Par ailleurs, la modification substantielle du texte par l’intermédiaire d’amendements gouvernementaux rend peu fiable un travail parlementaire fondé sur l’étude d’impact. Comme cela avait été envisagé dans les travaux préparatoires à la loi organique du 15 avril 2009, et bien qu’une révision constitutionnelle soit nécessaire[58], il convient d’ouvrir la possibilité à la commission d’exiger du gouvernement de réviser celle-ci à la suite d’un amendement déposé par lui. À dessein d’informer clairement les parlementaires, une actualisation de l’étude d’impact entre les deux lectures serait également la bienvenue. Si l’on peut souhaiter contraindre le Gouvernement à améliorer la qualité de ces documents, la jurisprudence du Conseil laisse en la matière peu de prises tant elle est peu contraignante pour l’exécutif. Une révision de la loi organique du 15 avril 2009 pourrait à la rigueur être envisagée. Surtout, dans ces documents, le Gouvernement est par définition juge et partie. On pourrait toutefois prévoir la publication, en annexe de l’étude d’impact, des avis des autorités indépendantes portant sur les projets (Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme). Cela ne peut pas toutefois remplacer un vrai travail de contre-expertise parlementaire.
Scénario 2 :
Proposition n° 24 : modifier l’article 44 de la Constitution pour permettre à la commission de demander la modification de l’étude d’impact à la suite du dépôt d’un amendement par le gouvernement ainsi qu’après chaque lecture.
Modifier la loi organique du 15 avril 2009 et l’article 98-1 du règlement de l’Assemblée nationale en application de cette nouvelle rédaction; y prévoir la publication en annexe des avis des autorités indépendantes relatifs aux projets de loi.
Objectif 3 : Retrouver le sens de l’institution présidentielle
L’idée d’élire un sauveur tous les cinq ans enfilant pour cent jours les habits de de Gaulle et pour 1725 autres ceux de Louis XVI semble avoir vécu. La construction d’une figure présidentielle forte implique de repenser son élection et de revoir ses prérogatives. Empruntée à Maurice Duverger, la notion de régime semi-présidentiel est mal interprétée par l’opinion. La France serait à mi-chemin entre le régime présidentiel américain et les régimes parlementaires européens où domine la figure du Premier ministre. D’un point de vue juridique, c’est largement faux. Le président français n’a guère plus de pouvoir en droit que ses homologues continentaux. Dans les faits en revanche, il dispose, au sein du système français, d’un pouvoir bien plus important que son homologue américain. Les contre-pouvoirs qui s’opposent à lui ne sont rien devant la Cour suprême ou le Sénat des Etats-Unis. Le fait majoritaire était, jusqu’à récemment, peu évident au Congrès et les midterms donnent toujours un caractère précaire au pouvoir de la Maison-Blanche.
Devant ce constat, une partie du monde politique et de la doctrine prônent un régime présidentiel. La solution semble devoir être écartée. La plupart des États démocratiques disposent d’un régime parlementaire[59] et ce n’est pas sans raison. Le régime présidentiel risque en effet la paralysie en cas d’opposition entre le président et la chambre. Cette dernière n’est empêchée aux États-Unis que par une faible discipline partisane et des clivages idéologiques superficiels. La polarisation actuelle de la vie politique américaine rend d’ailleurs ce système de plus en plus dysfonctionnel. Il est également à noter que le régime présidentiel est conçu comme devant mener à une forme d’immobilisme. Sa généalogie emprunte à la tradition antique et moderne[60] du régime mixte, selon laquelle le bon régime est celui qui préserve l’œuvre sociale de toute altération. Le régime est conservateur par essence. Si l’exécutif heurte les droits ou traditions, le législatif doit lui barrer la route et vice-versa. Un tel régime ne peut guère permettre de refaire des institutions l’instrument de la souveraineté du Peuple. Pour autant, l’idée d’un Président impotent apparaît, pour de bonnes ou mauvaises raisons, difficile à envisager tant les Français semblent s’être attachés à son élection au suffrage universel direct. Un tel sacre démocratique implique un rôle présidentiel actif.
Rééquilibrer les rapports entre institutions nécessite donc de retrouver l’essence parlementaire de notre régime[61] tout en conservant un rôle important à la figure présidentielle. Les mesures déjà proposées vont largement dans ce sens. Sans modification d’ampleur de la Constitution, il est ainsi possible de transformer le rôle présidentiel en séparant son sort de celui des parlementaires. Le nouvel objectif ici présenté se veut un pas supplémentaire en transformant l’économie profonde du texte même de 1958. Si le Président ne peut pas gouverner, il gagnerait toutefois à regagner en force et en légitimité, à dessein d’occuper une fonction que Benjamin Constant qualifia jadis de « pouvoir neutre »[62]. Autrement dit un pouvoir consensuel apte à la fois à intervenir dans les crises qui agitent les institutions et à incarner à l’extérieur un pôle de stabilité. Loin de l’omnipotence et de la frénésie des dernières mandatures, une telle position pourrait paradoxalement sembler plus gaullienne.
Sous-objectif 3a : Repenser l’élection présidentielle
Le rôle assigné à l’élection présidentielle est en grande partie lié à son rapport avec les élections législatives. L’idée historique de découpler les deux élections est bonne. La révision de 2000 relative au quinquennat, qui fut jadis unanimement soutenue, ne trouve donc plus guère d’avocats sérieux. Toutefois, revenir au septennat s’avérerait sans doute peu populaire. Par ailleurs, cela ne résoudrait qu’une partie du problème. Un président nouvellement élu dissout historiquement une assemblée hostile. La respiration démocratique existe certes, mais cinq ans plus tard. La concomitance des élections et la mise en place de la proportionnelle semblent sur ce point bien plus efficaces. Par ailleurs, le septennat nécessiterait une révision constitutionnelle hasardeuse là où les dispositions relatives aux législatives impliquent une simple loi ordinaire.
Le maintien en l’état du suffrage majoritaire à deux tours comporte toutefois le risque, couplé aux législatives, de favoriser les antagonismes. L’évolution du système politique devrait rattacher le Président à un rôle plus consensuel pour le porter en vrai pouvoir neutre légitime. Pour rebâtir du consensus autour de la présidence, le choix d’une élection au jugement majoritaire, proposé par les chercheurs français Michel Balinski et Rida Laraki[63], pourrait être envisagé[64]. Le principe du dispositif n’est pas de pousser l’électeur à choisir un candidat, mais d’émettre un jugement sur chacun. Une échelle de cinq, allant de « Très bien » à « à rejeter », est alors proposée. Le vainqueur est ensuite déterminé par la médiane des avis. L’objectif est alors de faire ressortir le candidat disposant de la majorité d’opinions favorables la plus nette parmi la population. Le jugement majoritaire est, en effet, à même, bien utilisé, de neutraliser le vote utile, ce qui conduit à diminuer le sentiment de frustration de l’électeur au profit de réelles majorités d’opinions. Les différents candidats ne se faisant pas concurrence dans leurs espaces politiques, le schéma électoral et sa construction affectent ainsi marginalement le résultat de l’élection. La possibilité pour chaque électeur de porter un jugement sur chaque candidat assure une légitimité plus grande au vainqueur et une représentativité moins sujette aux simplifications d’un vote singulier et univoque.
Deux principales limites peuvent être trouvées à ce mode de scrutin. Le premier est sa potentielle sensibilité au vote stratégique. Encore faut-il que l’électeur joue le jeu. Un électeur de bonne foi sera en effet tenté de noter avec honnêteté les candidats. Un électeur fortement polarisé pourra attribuer les notes les plus faibles à l’ensemble des candidats à l’exception de celui de son choix. Si de tels comportements sont possibles, ils n’apparaissent toutefois pas avoir un impact significatif sur les résultats[65], et sans doute même jouer un rôle moindre que dans le scrutin majoritaire à deux tours[66]. Le second problème est lié à la lisibilité du scrutin en cas de nombreuses candidatures. L’électeur peut habituellement savoir pour qui il veut voter, sans disposer d’une bonne information sur chaque candidat. Là encore, l’argument semble à relativiser. D’abord, l’électeur n’est pas rigide et peut s’adapter au scrutin auquel il participe. Ensuite, l’élection présidentielle dans un système politique révisé serait sans doute moins attractive pour les petites formations. Pour exister et faire connaître son programme, les législatives deviendraient l’élection reine. Enfin, il est possible de revoir les conditions de parrainage nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle. La règle actuelle des 500 signatures semble tout aussi dysfonctionnelle que peu démocratique. Une règle de parrainage mixte couplant 250 signatures d’élus à 100 000 parrainages citoyens, paraît préférable. Le seuil retenu n’apparaît pas très élevé, voire même faible si on le compare aux règles en vigueur en Pologne ou Roumanie par exemple. Ainsi serait rendu difficile de petits candidatures appuyées sur un réseau d’élus mais sans vraie portée dans l’opinion. De même, la nécessité de parrainage limiterait le danger d’une peoplisation à outrance de la campagne. Cette évolution impliquerait toutefois que soit fixé des règles claires permettant la prise en charge du financement de la « précampagne ». Cela aurait pour effet de rendre plus égalitaire la phase de collecte qui demande aujourd’hui un investissement d’énergie et de moyens très divers selon les partis.
Scénario 2 :
Proposition n° 25 : Modifier l’article 7 de la Constitution : prévoir que le Président de la République est élu au jugement majoritaire.
Proposition n° 26 : Modifier la loi organique du 18 juin 1976 afin d’instaurer un parrainage citoyen de 100 000 citoyens inscrits sur les listes électorales et de 250 élus, pour se présenter à l’élection présidentielle.
Sous-objectif 3 b : Repenser la répartition des pouvoirs entre président de la République et Gouvernement.
Porter la figure présidentielle en pouvoir neutre, ce n’est pas l’affaiblir, au contraire. C’est lui donner de la force sur ce qui, engageant la nation, implique le consensus autour du pouvoir. Pour ce faire, c’est aussi préserver la présidence de ce qui divise la société. Les pouvoirs propres du Président et la définition de son rôle prévu à l’article 5 de la Constitution vont déjà dans ce sens. Le droit de dissolution prévu à l’article 12 notamment lui permet de convoquer une élection en cas de crise politique. Le recours au référendum de l’article 11 peut permettre de faire arbitrer un sujet par le Peuple. La proportionnelle, qui amortit les chocs électoraux, rend alors moins probable un usage stratégique de la disposition par l’Élysée. L’article 16 prévoit un état d’exception en cas de crise qui est dans l’essence même de ce que l’on appelle un pouvoir neutre. Pour le reste, il est des domaines où la figure présidentielle se doit d’être renforcée, d’autres, au contraire, où son rôle se doit d’être limité.
Les dispositions constitutionnelles, à rebours d’une lecture superficielle, ne donnent en fait qu’assez peu de pouvoir au président de la République dans les domaines diplomatique et militaire. Son aura en la matière, même en période de cohabitation, est plus due à la pratique (le fameux domaine réservé) et à l’accord d’acteurs intéressés (étant entendu que tout Premier ministre de cohabitation veut devenir président de la République) qu’à la lettre du droit. En cas d’opposition entre les deux têtes de l’exécutif, c’est ainsi le Premier ministre qui l’emporte[67]. Il est possible d’accorder au Président de plus larges prérogatives en matière de diplomatie, de défense et de justice. Il y a à cela deux avantages, d’abord créer un consensus national sur ces sujets et une voix forte non tributaire des aléas de la politique intérieure. Ensuite, créer lors de la présidentielle un espace de débat démocratique sur des thèmes qui sont cruciaux, mais demeurent souvent relégués derrière les débats économiques, sociaux… voire les scandales judiciaires. Une spécialisation de la figure présidentielle sur ces sujets ne nécessite pas forcément de grandes réformes. Le président est déjà chef des armées (article 15), garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire (article 64) de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités (article 5). Les pouvoirs et nominations afférents en sont dépendants. Une plus grande spécialisation implique essentiellement de repenser les rapports avec le gouvernement en revoyant la nomination des ministres. Si le Président doit continuer de nommer le Premier ministre, ce dernier doit être libre de composer son gouvernement. Seul le ministre des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice demeureraient nommés par lui sur proposition du Premier ministre. Si le gouvernement est le seul, étant responsable devant la représentation nationale, à pouvoir décider d’une intervention extérieure, le Président devrait faire connaître sa position aux chambres par droit de message.
Dans les domaines où s’exerce son pouvoir de nomination, la nécessité d’obtenir un large assentiment doit conduire à exiger une majorité claire des deux chambres. En l’état, la procédure issue de la révision constitutionnelle de 2008 apparaît absolument dysfonctionnelle[68]. Aussi, les nominations du président de la République hors ministres et membres du Conseil constitutionnel (sur lesquels nous y reviendrons) devraient recevoir l’aval de la majorité absolue des votants de chacune des deux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée. En cas de blocage d’une commission, la nomination peut être emportée si sont réunis les suffrages des 3/5 ème des votants des deux commissions.
Scénario 2 :
Proposition n° 27 : Modifier l’article 8 de la Constitution. Le Premier ministre nomme l’ensemble des ministres à l’exception des ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, nommés sur sa proposition par le président de la République.
Proposition n° 28 : Modifier l’article 35 de la Constitution. En cas d’engagement des troupes par le Gouvernement, le Président s’adresse par message aux parlementaires pour leur faire connaître sa position.
Proposition n° 29 : Modifier l’article 13 de la Constitution. Les nominations du président de la République, hors membres du Conseil constitutionnel, doivent recevoir l’aval de la majorité absolue des votants de chacune de commissions compétentes. En cas de blocage d’une commission, la nomination peut être emportée si les suffrages des 3/5ème des membres des votants des deux commissions sont réunis.
Objectif 4 : Redonner la parole au Peuple au sein des institutions
Le sentiment que le Peuple se trouve écarté du fonctionnement de la démocratie apparaît fort répandu, comme le développe très bien dans une récente note Beverley Toudic[69]. Faut-il en conclure que le monde politique est clos sur lui-même et ne regarde qu’à son propre intérêt ? L’engagement sincère de l’immense majorité des élus ne peut être remis en cause. La fragilisation de l’ancrage social des partis politiques, la structuration (à travers internet et les réseaux sociaux) d’une information en silo, la rupture des concepts classiques permettant la projection dans la représentation (classe sociale, idéologies…) sont au cœur de cette crise. Pour la conjurer, il convient de rapprocher électeurs et élus[70], non de les opposer. En la matière, Paul Webb montre qu’une plus grande participation des citoyens peut induire une recrudescence d’intérêt et de confiance dans la politique et ses institutions[71]. Elle permet également d’enrichir la conception des politiques publiques et de les rendre plus acceptables.
Sous-objectif 4a : Promouvoir la démocratie délibérative
La réunion de citoyens, généralement tirés au sort, et le débat qui s’instaure avec eux et entre eux sont au cœur du concept de démocratie délibérative. La récente convention citoyenne pour le climat représente une esquisse intéressante, bien que perfectible, de ce qu’elle peut apporter[72]. L’idée présente dans la révision constitutionnelle d’Emmanuel Macron de créer un Conseil de la participation citoyenne, dont le principe survie au nom dans une future loi organique[73], semble louable. Il s’agit, selon les deux textes, de permettre au CESE, dans une composition plus restreinte que celle d’aujourd’hui, de convoquer et d’organiser de nouvelles conventions citoyennes. Si la modalité est intéressante, il nous semble possible d’aller plus loin. Le risque est en effet grand de voir une nouvelle fois démocratie représentative et démocratie délibérative évoluer en vase clos. Par ailleurs, le CESE est le représentant de la société civile organisée. Syndicats et associations disposent déjà des relais politiques pour se faire entendre. Faire de leurs représentants les intermédiaires entre le Peuple et les politiques ne semble pas une bonne façon de faciliter l’inclusion des inaudibles ; ceux que la crise des gilets jaunes a mis en lumière et qui ne militent ni à la CGT, ni au MEDEF ni à Greenpeace.
Plus intéressant nous semble être le modèle développé en Ostbelgien (Belgique germanophone)[74]. Le Conseil des citoyens y est composé de 24 membres dont six sont issus des principaux partis politiques (pour la première formation), six sont des citoyens issus de la précédente formation du Conseil, et douze sont des citoyens nouvellement tirés au sort. Tous les six mois, un tiers du Conseil est renouvelé. Sans prendre le Conseil des citoyens comme modèle indépassable, l’idée d’une assemblée à représentation permanente et impliquant un petit nombre de politiques semble bonne. La permanence et le renouvellement progressif (par tiers) permettent d’assurer une continuité au Conseil. La présence d’un certain nombre de politiques, comme dans l’expérience irlandaise[75], permet d’assurer un lien avec la représentation nationale, et donc de l’engager. Elle permet aussi de donner les positions des partis à débattre à des citoyens éclairés et formés au sujet. L’articulation d’un tel Conseil pourrait être envisagée au sein même d’un CESE renouvelé, scindé de deux formations : l’une composée de 116 membres représentants, comme aujourd’hui, la société civile organisée ; l’autre composée de 116 membres dans lesquels siégerait un représentant de chaque parti obtenant plus de 1 % des suffrages des inscrits aux élections législatives, et dont reste serait tiré au sort. La Constitution est laconique sur la composition du CESE[76], de sorte qu’il est possible de tenter une révision en profondeur de sa composition par simple voie organique.
Les compétences de cette formation citoyenne du CESE pourraient être doubles. D’abord, elle disposerait, à l’instar de l’autre formation, d’un pouvoir de contrôle sur le Gouvernement qui pourrait notamment se traduire par l’instauration de questions d’actualité régulières devant le CESE réuni. La formation citoyenne du Conseil disposerait également d’un pouvoir d’initiative. Elle pourrait ainsi déposer des amendements devant l’Assemblée nationale ou le Sénat qu’un de ses membres, le rapporteur citoyen, serait chargé de défendre. Ce dernier pourrait également être saisi, par voie d’une pétition, d’un amendement qu’il serait chargé de défendre s’il obtient 50 000 signatures. La présence d’un membre du CESE devant les chambres est déjà prévue à l’article 69 de la Constitution. Toutefois, la capacité de ce dernier à proposer des amendements implique forcément une révision constitutionnelle. À défaut, un modus vivendi pourrait être trouvé avec les commissions parlementaires acceptant de jouer le jeu et de les présenter à sa place. La formation citoyenne du CESE pourrait également être saisie par pétition d’un sujet pouvant la conduire à soumettre une proposition de loi. Celle-ci serait examinée obligatoirement dans les six mois à la chambre. D’un point de vue prospectif, la formation citoyenne pourrait convoquer jusqu’à deux conventions citoyennes par an, dont elle détermine les sujets et dont les conclusions pourront faire l’objet d’initiatives dans les chambres devant également les examiner dans les six mois.
Scénario 1 :
Proposition n° 30 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que le CESE est composé de deux formations de 116 membres chacune auxquelles s’ajoute un président élu en plénière. L’une de ces formations est composée d’un représentant par parti politique ayant reçu sur son nom au moins 1 % des inscrits aux dernières législatives. Le reste de la formation est composé de citoyens tirés au sort et renouvelé par tiers tous les six mois. La seconde formation est composée selon les règles applicables à l’actuel CESE à l’exception des personnalités qualifiées qui n’en font plus partie.
Proposition n° 31 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut être saisie par 50 000 citoyens d’un amendement à soumettre aux assemblées délibérantes. Prévoir que cette même formation peut être saisie par 100 000 citoyens d’un sujet dont il conviendra de faire une proposition de loi communiquée au Parlement.
Proposition n° 32 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut convoquer jusqu’à deux conventions citoyennes par an sur des sujets dont il décide.
Scénario 2 :
Proposition n° 33 : Modifier l’article 44 de la Constitution à dessein de créer un rapporteur citoyen. Ce dernier est chargé de proposer devant l’une des deux assemblées tout amendement élaboré et voté à la majorité par la formation citoyenne du CESE ou présenté devant lui par une pétition réunissant 50 000 citoyens. Il ne peut être un représentant d’un parti politique.
Proposition n° 34 : Modifier les articles 39 et 48 de la Constitution. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut proposer devant l’une des chambres une proposition de loi si elle a été saisie de son principe par une pétition de 100 000 citoyens ou si celle-ci fait suite à une convention citoyenne convoquée par elle. La proposition de loi doit alors être examinée dans les six mois.
Proposition n° 35 : À l’article 48 de la Constitution, prévoir qu’une séance du CESE par mois est consacrée aux questions des membres et aux réponses du gouvernement.
Sous-objectif 4 b : Favoriser la démocratie directe
Le référendum n’a pas bonne presse en France. Il est présenté immanquablement comme un plébiscite indexé sur la courbe de popularité du président de la République. C’est faux. Ainsi, avant le référendum de 2005 relatif à la ratification du TCE, le sondage CSA réalisé entre les 1er et 2 septembre 2004 donnait 69 % au oui, celui du 23 mars 2005, 55 % pour le non. Or, selon le baromètre TNS-Sofres, la popularité de Jacques Chirac est de 36 % en septembre 2004 et de toujours 36 % en mars 2005. Ce n’est donc pas la popularité de Jacques Chirac, mais bien le débat sur le contenu même du texte qui a conduit l’opinion à évoluer. Certes, la popularité des dirigeants est un élément jouant un rôle dans le référendum, mais il n’est ni le seul ni le principal facteur à prendre en considération[77]. Le problème du référendum en France est plus lié au précédent gaullien, dont le modèle de légitimation déjà évoqué rend une défaite lourde à porter par le Président. Il est également lié au fait que, le Peuple n’étant pas d’accord avec ses dirigeants, le résultat tend à montrer le fossé qui les sépare. La blessure est double quand ces derniers se font fort d’imposer par suite leur projet. Tous les récents référendums en France ont été piétinés. Il en va évidemment ainsi de celui de 2005, mais aussi des référendums locaux. Les Corses comme les Alsaciens avaient voté contre les collectivités uniques, ils les ont eues. Les habitants de Loire-Atlantique pour l’aéroport de Notre-Dame des Landes… ils ne l’auront pas. Alors que des référendums rares et foulés aux pieds créent des tensions, les consultations fréquentes et respectées sont gages d’unité politique et d’une démocratie apaisée comme le montre John Matsusak[78]. Le référendum rompt le phénomène de minorité structurelle qui caractérise certaines populations. Aux États-Unis, le facteur ethnique est par exemple moins prédictif du vote pour ces consultations que pour l’élection des représentants. Du coup, l’électeur a structurellement des chances importantes de se retrouver assez souvent dans le camp des vainqueurs. Cela l’amène à croire dans les institutions et à y participer plus activement.
Les formes classiques du référendum, à l’initiative du président de la République, doivent d’abord être réhabilitées. Concernant le référendum législatif prévu à l’article 11, les limitations aujourd’hui en place ne semblent plus justifiables[79]. On ne comprend pas pourquoi des matières relevant du domaine de la loi pourraient être soumises au Parlement, mais pas au Peuple. Concernant les référendums constitutionnels, l’article 89 prévoit deux procédures. La première conduit à faire adopter le projet de loi voté par les deux chambres par le Peuple consulté par référendum. La seconde exige l’obtention d’une majorité des trois cinquièmes au Congrès. La seule fois où fut convoqué un référendum à ce titre fut l’instauration du quinquennat en 2000. Les autres révisions, hors usage gaullien de l’article 11, le furent par l’intermédiaire du Congrès. Cela pose deux soucis essentiels. D’abord, comme le notait bien Jean-Jacques Rousseau, il convient d’être attentif au parallélisme des formes concernant la loi fondamentale[80]. Les magistrats désignés dans le cadre de la constitution ne peuvent la changer[81]. L’argument évoqué en 1958 fut que le Congrès devait être une procédure d’exception uniquement prévue pour des modifications formelles et marginales. La suite a montré qu’il n’en était rien. Ainsi la révision constitutionnelle de 2008 qui modifie substantiellement le texte de 1958 n’a pas fait l’objet d’un référendum, alors que personne n’a encore pris la peine de convoquer le Congrès pour corriger la faute d’orthographe présente à l’article 16[82].
Scénario 2 :
Proposition n° 36 : Modifier l’article 11 de la Constitution à dessein d’étendre le champ de référendum à l’ensemble du domaine de la loi tel que défini à l’article 34.
Proposition n° 37 : Modifier l’article 89 de la Constitution à dessein de faire du référendum la seule voie permettant de modifier la Constitution après vote conforme d’un texte par les deux chambres.
On ne peut parler de démocratie directe sans réfléchir à la question du référendum d’initiative citoyenne, qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Deux constats liminaires s’imposent. D’abord, le référendum d’initiative partagée, prévu par la révision constitutionnelle de 2008, a été élaboré afin de ne jamais être utilisé. Le nombre de signatures nécessaire est par trop élevé (4,7 millions, il en faut 500 000 pour lancer un RIC en Italie). Ensuite, quand bien même celles-ci seraient collectées et validées, le simple examen et rejet par les deux chambres suffisent à empêcher le référendum. Ni les modalités du RIP, ni même son principe ne nous semblent avoir un avenir. Ensuite, le RIC existe dans nombre de nations occidentales. Il n’est donc pas un dispositif onirique imaginé par un rédacteur d’utopie fantasque. Certes, certains États en limitent le champ. L’Italie interdit ainsi les RIC portant sur le budget. De telles restrictions sont possibles. La mise en place d’un contrôle préalable, sur lequel nous reviendrons, peut notamment permettre d’éviter la remise en cause des droits constitutionnellement garantis. Attention, toutefois, de ne pas vouloir téléguider la démocratie au regard de ses propres valeurs. Il est assez marquant de voir nombre de promoteurs de la démocratie directe en faire l’éloge pour favoriser leurs propres fins politiques. Ils se dépêchent généralement de rajouter que certains domaines ne peuvent faire l’objet d’un référendum, car ils sont trop sensibles, complexes, fondamentaux. Ces limites généralement ne témoignent pas tant d’une nature propre à des domaines que du fait qu’en cette matière ils jugent probable d’être mis en minorité. Les études menées, notamment aux États-Unis, quant à la remise en cause de l’avortement ou le rétablissement de la peine de mort, montrent qu’aucun référendum sur ces thèmes n’a jamais débouché sur un oui[83]. Les trois quarts des RIC adoptés concernent des avancées sociétales sur lesquelles le monde politique était frileux. De même, les RIC conduisant à déséquilibrer les finances publiques sont très rarement adoptés et leurs conséquences rapidement corrigées. Il ne faut donc pas avoir peur du Peuple. Le principe du RIC nous semble devoir être soutenu. Prenant en exemple l’Italie, dont la population est similaire à celle de la France, et où les RIC ne sont pourtant pas si courants, un nombre de 500 000 signatures semble raisonnable.
Le RIC peut prendre deux formes[84]
La première est celle d’un RIC veto[85]. Ce dernier doit permettre de contester une loi récemment votée par le Parlement. Le déclenchement d’une telle procédure, portée par 100 000 citoyens, doit conduire à suspendre la loi avant qu’elle ne soit appliquée, et ce pendant 90 jours. À la fin de cette période si 500 000 signatures ont été trouvées, alors un référendum est convoqué sur le texte. Une telle mesure nous semble nécessaire pour la légitimité même de la démocratie représentative. Si la formation de la volonté générale ne peut tout à fait se déléguer à des représentants, elle peut se présumer. Les citoyens font confiance à leurs représentants pour s’avancer sur ce que devrait vouloir le Peuple. Si ces représentants se trompent de manière évidente sur ces choix, ils doivent pouvoir être repris. Sans en venir à un mandat impératif, la volonté des représentés doit pouvoir se substituer à celles des représentants quand ils le jugent nécessaire.
La seconde modalité tient dans la possibilité de soumettre directement un texte. C’est là évidemment quelque chose de bien plus complexe. En effet, la rédaction d’un texte juridique n’est pas à la portée de chacun. Il convient donc de prévoir un soutien aux initiatives. Tout projet dépassant les 50 000 signatures devrait ainsi subir un premier contrôle de constitutionnalité. S’il ne contrevient pas à la Constitution, un soutien juridique doit être apporté aux initiateurs. S’il y contrevient, il revient au Conseil constitutionnel de proposer, si cela est possible, une rédaction conforme des dispositions concernées. S’ils en acceptent le principe, les initiateurs peuvent continuer la collecte de signatures sur le fondement du texte modifié et reçoivent également un soutien juridique. Si les 500 000 signatures ne sont pas atteintes, mais que les 100 000 sont dépassés, les initiateurs peuvent saisir la formation citoyenne du CESE du principe de la proposition de loi selon les modalités précédemment exposées. Si les 500 000 signatures sont déposées, le principe du référendum est acté et la formation citoyenne du CESE est tenue de convoquer une convention citoyenne. Il est à ce stade important de faire référence aux travaux de nos confrères de la fondation Terra Nova qui ont réalisé un très beau travail sur le principe du RIC délibératif[86] et à qui nous empruntons le principe des idées suivantes. La convention citoyenne, sur le modèle du Citizen Initiative Review existant dans l’Oregon, doit alors débattre du projet à dessein d’éclairer les électeurs. L’impact de ce dernier est jaugé et fait l’objet d’une synthèse communiquée à chaque électeur. Le projet est ensuite soumis à référendum.
La principale limite au RIC provient de la mobilisation.
Mobilisation des signataires d’abord. Récolter 500 000 signatures même à l’heure d’internet nécessite de forts réseaux organisés. Il y a donc un risque que, loin d’être l’instrument des inaudibles, le RIC devienne celui des lobbys, qui n’ont déjà pas de soucis d’accès au champ politique. Concernant le RIC abrogatif, dès lors qu’un texte est en discussion, le CESE doit ouvrir une collecte de signatures sur internet et par voie postale. Concernant le RIC d’initiative, à partir de l’obtention de 10 000 signatures une campagne similaire doit être organisée par le CESE, auquel pourrait être ouvert un espace hebdomadaire de communication sur le service public audiovisuel.
Mobilisation de l’électorat, ensuite. Le risque est en effet grand de voir des référendums intéressant particulièrement certains pans de la société civile organisée se multiplier. Si ces derniers intéressent peu et mobilisent moins encore, alors les initiateurs minoritaires peuvent faire passer une disposition grâce à une faible minorité de l’électorat ; le tout ne visant pas forcément la réalisation de l’intérêt général. La bonne solution pour conjurer ce risque est la fixation d’un quorum de votants. Le problème est que celui-ci favorise l’abstention stratégique. Les opposants au texte se sachant minoritaires peuvent appeler à l’abstention à dessein que le quorum ne soit pas atteint. C’est ce qui s’est passé récemment en Roumanie[87]. La solution à ce problème semble être d’exiger un quorum de « oui » parmi les inscrits.C’est notamment ce que prévoit la Lituanie, qui exige qu’un tiers des électeurs ait voté oui pour juger le référendum valide. Ce chiffre nous semble devoir être retenu. Notons que nous n’avons pas envisagé ici l’idée d’un RIC constitutionnel. Ce dernier est possible, mais probablement trop polémique pour être porté avec succès dans une révision. Par ailleurs, il risque de détourner les énergies réformatrices vers un fétichisme constitutionnel sur lequel nous reviendrons. Pour autant, s’il était prévu, il conviendrait que le pourcentage d’inscrits soit relevé, par exemple à 50 %.
Scénario 2 :
Proposition n° 38 : Modifier l’article 11 de la Constitution. À la place du référendum d’initiative partagée, prévoir qu’un référendum d’initiative populaire peut être convoqué à la demande de 500 000 citoyens. Ce dernier peut avoir pour objet de proposer un texte ou de soumettre à référendum l’abrogation d’un projet de loi voté dans les 90 jours. Dans le second cas, l’application du texte est suspendue si 100 000 signatures sont collectées avant promulgation de la loi.
Le référendum est accepté si le texte ou l’abrogation reçoivent les suffrages de la moitié des suffrages exprimés représentant au moins un tiers des inscrits.
Proposition n° 39 : Prévoir une loi organique relative au RIC abrogatif. Cette dernière doit notamment prévoir que la formation citoyenne du CESE assure la collecte des signatures et l’information du public.
Proposition n° 40 : Prévoir une loi organique relative au RIC d’initiative législative. Cette dernière doit notamment prévoir que la formation citoyenne du CESE assure la collecte des signatures et l’information du public dès lors que le nombre de 10 000 signatures est dépassé.
Si le nombre de 100 000 est dépassé, mais les 500 000 ne sont pas atteints, une proposition de loi est préparée par la formation citoyenne du CESE et discutée devant les chambres.
Si les 500 000 signatures sont atteintes, la formation citoyenne du CESE convoque une convention citoyenne produisant une étude d’impact à destination des votants.
Objectif 5 : Redonner de la force au contrôle de constitutionnalité
Le contrôle de constitutionnalité souffre en France d’un manque de légitimité certes lié à une composition fortement contestée du Conseil constitutionnel, mais aussi à un rôle d’arbitre et d’interprète qui gagnerait à être repensé.
Sous-objectif 5a : Réviser le mode de nomination des membres
Le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel n’est pas satisfaisant. C’est là un lieu commun que seuls les candidats à la fonction ne partagent généralement pas. Pour autant, existe-t-il un bon mode de nomination ? Rien n’est moins sûr. La Cour suprême américaine n’est ni exempt de politisation, tant s’en faut, ni de contradiction. La Cour allemande de Karlsruhe fait également, plus ponctuellement il est vrai, l’objet d’attaques du monde politique[88]. Mais le fait qu’il n’existe pas de modèle parfait à copier ne doit pas être, comme cela est souvent argué, une raison pour n’entreprendre aucune réforme. Les membres doivent faire l’objet d’une sélection plus consensuelle rendant leur compétence et leur légitimité peu discutables. D’abord, la réorientation du rôle du président de la République, exposée précédemment, justifie de faire de ce dernier la seule autorité de nomination.Toutefois, ces nominations doivent faire l’objet d’un contrôle renforcé. Ainsi pour être valable celle-ci devrait être approuvée par les trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale et la majorité des membres du Sénat. À dessein de permettre un renouvellement progressif, les membres seraient encore renouvelés par quart tous les trois ans (leur nombre serait porté à 12, nous y reviendrons).
Un tel mode de nomination devrait éviter que ne siègent des personnalités dont les compétences juridiques sont douteuses, ou dont le profile et l’engagement apparaissent peu compatibles avec la fonction. Le mandat unique de neuf ans semble en la matière une bonne façon de garantir à la fois la formation et l’indépendance des juges. Celle-ci pourrait être accrue en clarifiant l’incompatibilité entre leur mandat et la participation à une campagne électorale, que ce fût comme candidat[89] ou comme soutien[90]. Enfin, la présence des anciens présidents de la République comme membres de droit, si faible soit leur influence, n’est guère opportune à dessein d’asseoir la légitimité de l’institution.
Scénario 1 :
Proposition n° 41 : Réviser la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995. Interdire aux membres de se présenter à une élection ou de participer à une campagne.
Scénario 2 :
Proposition n° 42 : Modifier l’article 56 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel est composé de 12 membres renouvelés par quart tous les trois ans et ne pouvant être reconduit. Ces membres sont nommés par le président de la République après approbation en séance publique des trois cinquièmes des députés et de la majorité absolue des sénateurs.
Proposition n° 43 : Supprimer le second alinéa de l’article 56 de la Constitution disposant que les anciens présidents siègent au Conseil.
Sous-objectif 5 b : Faire du Conseil constitutionnel un gardien plus effectif de la Constitution
À dessein de faire du Conseil un gardien plus effectif de la Constitution, deux obstacles doivent être levés. Le premier est celui d’une absence de compétence prévue dans le texte sur des sujets essentiels. Le second est celui d’une interprétation parfois discutable et peu argumentée de la Constitution.
Le Conseil n’est tout d’abord pas compétent pour régler les conflits de compétences entre organes en dehors du simple contrôle des lois. Cette question a conduit, notamment, à ne pouvoir trancher en droit des oppositions[91]. En cas de difficulté, un organe doit pouvoir saisir le Conseil dont la décision s’impose à l’ensemble des pouvoirs publics. En Allemagne, cela a permis de développer le droit de l’opposition parlementaire. Aussi chaque groupe parlementaire devrait se voir ouvert une telle saisine. Concernant les textes de révision constitutionnelle, un contrôle préalable doit également être prévu. Jusqu’à présent, seule la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision selon la lettre de l’article 89. Toutefois, la martingale est bien connue. Il suffirait de réaliser une première révision supprimant cet alinéa et une seconde rétablissant la Monarchie ou l’Empire.
Un contrôle préalable de la révision constitutionnelle devrait avoir pour objectif de faire sortir du champ de la révision ce qui ne peut être modifié en rendant non révisable un article portant les principes fondamentaux de la souveraineté du Peuple. C’est là ce qui fait le fondement même du pacte constitutionnel. La souveraineté est en effet inaliénable[92]. Cela veut dire que le Peuple peut toujours modifier les lois qu’il s’est données. Mais pour qu’il conserve ce pouvoir, il doit demeurer souverain. À défaut, il n’est plus maître de lui-même. Le souverain d’aujourd’hui ne peut enchaîner le souverain de demain. La souveraineté du Peuple implique la République, autrement dit qu’elle ne pas soit cédée à une personne privée. Elle nécessite aussi la démocratie, c’est-à-dire le choix par le Peuple de ses représentants selon un processus électoral régulier. Elle implique également la souveraineté internationale, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas confiée à une autorité externe. Certes, le Peuple peut se lier par des accords, et même accepter des partages de compétences, mais il demeure libre de revenir sur ses engagements et tenu par sa volonté seule. Elle implique enfin l’indivisibilité, c’est-à-dire la non-division du Peuple et de sa République. Rompre la République, c’est aliéner chaque partie à l’autre. Or, la souveraineté se définit justement comme l’absence d’aliénation. La division met fin à la souveraineté du Peuple qui ne peut plus décider en tant que Peuple. Chaque partie est soumise à l’autre et cesse d’être maîtresse de son destin. On pourrait également imaginer instaurer une supraconstitutionnalité concernant d’autres valeurs, les droits de l’homme notamment. Il faut tout de même demeurer prudent, car l’interprétation constructive pouvant être faite de telles dispositions par le juge peut conduire à borner indûment les limites du débat démocratique sans qu’il soit possible de n’y rien faire.
Concernant les lois référendaires, quel qu’en soit l’initiateur, un contrôle préalable du Conseil doit être prévu à tout le moins, sur les dispositions supraconstitutionnelles. En cas de non-conformité du texte, il ne peut être soumis à référendum.
Scénario 2 :
Proposition n° 44 : Modifier l’article 61 pour inclure la saisine du Conseil en cas de conflit d’interprétation relatif à l’application de la Constitution en dehors du simple contrôle de conformité des lois et des traités. Cette décision s’impose aux pouvoirs publics. Elle est ouverte de droit à chaque groupe parlementaire.
Proposition n° 45 : Inclure un article 89-2 ne pouvant, au regard de sa lettre même, faire l’objet d’une révision et que toute loi constitutionnelle doit faire l’objet d’un contrôle à sa conformité lorsqu’elle concerne des dispositions supra-constitutionnelles. Il reconnaît l’inaliénabilité de la souveraineté du Peuple. Cette dernière repose sur la forme républicaine et démocratique du gouvernement, la souveraineté internationale et l’indivisibilité de la République.
Proposition n° 46 : Modifier l’article 11 de la Constitution pour prévoir un contrôle préalable de toute loi référendaire au regard des dispositions supra-constitutionnelles de l’article 89-2 par le Conseil constitutionnel.
Le second obstacle à un contrôle plus effectif de la constitutionnalité des lois tient dans une interprétation constitutionnelle parfois d’autant plus discutable que les démonstrations sont laconiques. La récente décision du Conseil constitutionnel relative aux ordonnances[93], dont l’interprétation va clairement à l’encontre de l’intention et de l’esprit du Constituant de 2008 n’est qu’une nouvelle preuve de ces dysfonctionnements. On risque d’ailleurs d’assister à une trahison similaire du constituant de 2003 lors de l’examen du futur projet de loi organique relatif à la différenciation[94]. Au-delà des simples déclarations de conformité, c’est la pratique de plus en plus constructive du Conseil qui est à interroger. De réserves d’interprétation en objectif à valeur constitutionnel, une partie de la doctrine internationale a été conduite à le qualifier de troisième chambre[95]. Pour légitimer ce pouvoir immense fondé sur une interprétation discutable, le Conseil s’appuie sur des décisions courtes et peu claires, bien loin des standards de ses homologues internationaux. La composition du Conseil est en cause, mais pas uniquement. La faible légitimité de l’organe peut expliquer sa volonté de ne s’opposer au gouvernement qu’en cas de rapport de force favorable dans l’opinion ou de divisions politiques entre les autres organes[96].
La faiblesse de ses moyens conduit également à fragiliser son interprétation juridique. La multiplication du contentieux doit conduire à augmenter le nombre de membres à douze[97]. Surtout, les membres sont sous-dotés. Il leur est aussi difficile de bâtir un raisonnement individuel propre, ferment d’un débat juridique constructif. Le seul à disposer d’un réel soutien en matière d’expertise est le président qui peut s’appuyer sur le soutien du secrétaire général du Conseil[98]. Pour que les membres jouent un rôle au sein de la maïeutique des décisions, ils doivent être secondés, comme le sont leurs homologues allemands, italiens ou américains. Une mesure simple serait de doter chacun d’entre eux de trois collaborateurs chargés de les appuyer dans leur mission. Cette assistance apparaît des plus normales dans la plupart des cours étrangères où siègent pourtant souvent des magistrats de carrière. Par ailleurs, à dessein de pousser le juge constitutionnel à développer une vraie argumentation, il nous semble important de prendre position dans le long débat relatif à la publication des opinions dissidentes. En permettant aux membres de publier leur opinion si celle-ci a été mise en minorité, on oblige le juge à s’expliquer. Le risque est évidemment que les membres aient peur de se retrouver en porte à faux avec celui qui les a nommés, et se retiennent de critiques. Pour répondre à ce contre-argument justifié, les auteurs des opinions dissidentes devraient demeurer anonymes. Enfin, dans le cadre du contrôle a priori, les auteurs de la saisine doivent pouvoir demander à être entendus et à demander l’audition d’un certain nombre de personnalités compétentes. Ces auditions publiques devraient également obliger le Conseil à formuler des réponses de fond et juridictionnaliser son contrôle.
Enfin, notons une nouvelle fois que la meilleure garantie contre les interprétations constructives du juge est de ne pas le mettre dans la délicate position d’avoir à concilier une myriade de dispositions contradictoires. Il faut se garder d’un texte constitutionnel bavard notamment en grands principes sans portée normative claire. Tout ce qui est ainsi inscrit est retiré à l’appréciation du Peuple et de ses représentants pour être confié à la discrétion du juge. Plus le texte est vaste et les principes peu cohérents entre eux, plus le juge peut s’appuyer sur une disposition pour en neutraliser une autre, elle-même atténuée par un troisième… La créativité, discutable, du juge sert alors de borne à la délibération démocratique. C’est d’autant plus vrai que l’indépendance du Conseil implique qu’il ne doit rendre en la matière de comptes à personne. Les gilets jaunes ont montré que l’imposition d’une mesure sans construction d’un consensus social ne favorisait par exemple pas l’écologie… Que dire de celles qui seraient imposées par un juge non élu s’appuyant sur une technique ésotérique et très discutable d’interprétation ? Même si chacun souhaite voir la valeur qui lui tient à cœur consacrée au sommet de la hiérarchie des normes, la résistance au fétichisme de la constitutionnalisation est la meilleure garantie contre le gouvernement des juges.
Scénario 1 :
Proposition n° 47 : Modifier le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 afin d’attribuer à chaque membre trois collaborateurs chargés de l’assister dans ses activités juridiques.
Proposition n° 48 : Modifier par voie organique l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 afin d’inclure la publication des opinions dissidentes des membres, en conservant néanmoins l’anonymat de leurs auteurs.
Proposition n° 49 : Modifier par voie organique l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 afin de permettre aux auteurs d’une saisine a priori de demander à être entendus par le Conseil ainsi que des personnalités qualifiées de leur choix.
Scénario 2 :
Proposition n° 50 : Modifier l’article 56 afin de porter à douze le nombre de membres renouvelés par quart tous les trois ans.
Conclusion
Cette note ne se veut en rien un remède magique aux maux de la société. Changer les institutions, ce n’est pas résoudre tous les problèmes qui la parcourent. Changer les institutions, c’est se donner des instruments plus adéquats pour permettre au peuple d’agir sur son destin. Par ses institutions politiques, le peuple peut agir sur ses institutions civiles. Il peut alors engager une dynamique vertueuse de prospérité et d’émancipation. Les meilleures institutions ne sont pas celles qui se conforment le mieux aux modèles théoriques des philosophes et des juristes. Ce sont celles que le Peuple s’approprie et qui permettent d’enclencher cette dynamique vertueuse. De même que les manuels de poésie sont généralement écrits en prose, c’est dans l’aridité des textes constitutionnels que s’écrit en vers notre destin collectif.
Bilan des propositions
Objectif 1 : Refaire du Parlement un organe légitime et représentatif
- Sous-objectif 1a : Rendre l’Assemblée nationale plus représentative grâce à la proportionnelle
Proposition n° 1 : Modifier par une loi ordinaire les articles L.123-126 du Code électoral à dessein d’y introduire le scrutin proportionnel dans une circonscription unique nationale avec un seuil de représentation de 3 % des inscrits et une prime majoritaire de 10 % des sièges, aux restes répartis selon la méthode d’Hondt.
Proposition n° 2 : En cas de trop fort émiettement des listes, introduire par voie législative au Chapitre III, du titre 1er du Livre 1er du Code électoral la nécessité d’un parrainage citoyen de 30 000 personnes inscrites sur les listes électorales pour toute présentation d’une liste.
Proposition n° 3 : En cas d’instauration du mode de scrutin proportionnel, modifier l’article 19 du règlement de l’Assemblée nationale pour porter à trente le nombre minimal de députés nécessaires à la formation d’un groupe.
Proposition n° 4 : Par voie organique, modifier l’article LO.121 du Code électoral pour avancer d’un mois la date des élections législatives. Par décret convoquant les élections, faire que ces dernières coïncident avec le premier tour de la présidentielle.
- Sous-objectif 1b : Rééquilibrer le collège des grands électeurs sénatoriaux
Proposition n° 5 : Modifier les articles L.283 à L.293 du Code électoral pour prévoir la suppression des délégués des conseils municipaux dans les communes de plus de 30 000 habitants. Prévoir l’élection de grands électeurs supplémentaires, ne siégeant pas dans les conseils, dans l’ordre des listes présentées aux municipales.
Au titre IV de la partie législative du Code électoral, augmenter le nombre de candidats sur chaque liste dans les communes de plus de 30 000 habitants afin de compléter le collège électoral sénatorial et d’atteindre une juste compensation démographique.
Proposition n° 6 : Modifier l’article L.262 du Code électoral à dessein de réduire de 50 % à 25 % du Conseil la prime majoritaire lors des élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants.
Objectif 2 : Desserrer l’étau du parlementarisme rationalisé
- Sous-objectif 2a : Revaloriser l’initiative parlementaire
Proposition n° 7 : Modifier l’article 40 de la Constitution à dessein qu’il ne soit pas applicable lors de l’examen d’un projet de loi de finances, et que l’irrecevabilité ne puisse être invoquée que par le gouvernement lors de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi, en séance ou en commission.
Proposition n° 8 : Modifier l’article 48 de la Constitution en y supprimant l’alinéa 4 relatif à la semaine de contrôle et y ajouter l’obligation d’inscrire dans un délai de six mois à l’ordre du jour non réservé au gouvernement toute proposition de loi adoptée par l’autre assemblée.
Proposition n° 9 : Au chapitre XI du Titre 1er du Règlement de l’Assemblée nationale, prévoir qu’une semaine sur les deux laissées à l’initiative des chambres est réservée à l’examen de textes proposés par les commissions permanentes.
Proposition n° 10 : Modifier l’article 45 de la Constitution à dessein de proscrire l’amendement sur un texte à la suite d’une Commission mixte paritaire conclusive, sauf en vue de rectifier une erreur matérielle dûment constatée par la commission compétente.
- Sous-objectif 2b : Rendre plus effectif le contrôle parlementaire
Proposition n° 11 : Au chapitre V du Titre de III du règlement de l’Assemblée nationale, prévoir l’audition systématique du ministre en commission un an après le vote d’une loi. Sur proposition d’un tiers des membres, une mission spéciale est chargée d’établir un rapport sur les conséquences de la loi.
Proposition n° 12 : Au chapitre XI du Titre 1er du règlement de l’Assemblée nationale est prévu que les propositions de loi issues de la mission d’évaluation sont inscrites prioritairement à l’ordre du jour sur la semaine d’initiative parlementaire.
Proposition n° 13 : Ajouter un nouvel article à l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 prévoyant que la chambre, par la voix de la mission d’évaluation statuant à la majorité, a intérêt à agir par voie de recours pour excès de pouvoir en cas de non prise dans un délai raisonnable des actes réglementaires nécessaires à l’application d’une mesure législative ou en cas d’illégalité de l’un d’eux.
- Sous-objectif 2c : Redonner aux parlementaires le temps de leurs missions
Proposition n° 14 : Modifier l’article 45 de la Constitution. Prévoir que le gouvernement ne peut engager la procédure accélérée, hors PLF et PLFSS, que trois fois par session, sauf accord des conférences des présidents de deux assemblées. Prévoir que les présidents des deux assemblées après accord du bureau peuvent demander la réunion d’une commission mixte paritaire au terme de la première lecture d’un texte. L’échec de cette dernière ne peut conduire le Gouvernement à demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.
Proposition n° 15 : À l’article 45 de la Constitution, prévoir un délai d’un mois incompressible entre le dépôt et l’examen en séance des PLF et PLFSS. La procédure accélérée ne remet pas en cause ce délai.
Proposition n° 16 : Modifier l’article 13 de la loi organique du 15 avril 2009, modifier également les articles 99 du règlement de l’Assemblée nationale et 13 du règlement du Sénat pour obliger le gouvernement à déposer ses amendements dans les mêmes délais que les parlementaires, sauf correction d’une erreur matérielle.
Proposition n°17 : Ajouter un alinéa à l’article 44 prévoyant que, dans les conditions fixées par une loi organique, le Gouvernement peut saisir le Conseil d’État d’un amendement qu’il dépose. Cette faculté est une obligation si l’amendement en question ajoute des dispositions tendant à modifier substantiellement le texte. En cas de litige, le Président de la chambre dispose de la capacité de saisir le Conseil constitutionnel pour juger de cette obligation.
Proposition n° 18 : Modifier les articles 43 et 42 de la Constitution à dessein de permettre la tenue d’un débat d’orientation préalable avant l’examen en commission. Prévoir dans le règlement des chambres que ce dernier se substitue à la discussion générale et peut ouvrir la voie à une procédure simplifiée sur décision d’une majorité qualifiée des deux tiers.
- Sous-objectif 2d : Accorder au Parlement les moyens de remplir son rôle
Proposition n° 19 : Augmenter de 10% le budget des assemblées, affecter une partie de ces moyens au renforcement des groupes d’opposition.
Proposition n° 20 : Doubler le montant des frais de recrutements des collaborateurs de chaque député et sénateur. Cela doit conduire à ouvrir la négociation au sein de chaque chambre à dessein de concevoir un statut plus clair et plus protecteur pour les collaborateurs parlementaires.
Proposition n° 21 : Par voie organique, diminuer d’un quart le nombre des parlementaires.
Proposition n° 22 : Par voie législative et abrogation du décret du 22 avril 2013, rattacher France-Stratégie au Parlement.
Proposition n° 23 : Modifier l’article 47-2 de la Constitution à dessein de rattacher les activités d’évaluation de la Cour des comptes au Parlement.
Proposition 23 bis : Modifier l’article 47-2 de la Constitution à dessein de préciser que la Cour des comptes n’assiste que le seul Parlement.
Proposition n° 24 : Modifier l’article 44 de la Constitution pour permettre à la commission de demander la modification de l’étude d’impact à la suite du dépôt d’un amendement par le gouvernement ainsi qu’après chaque lecture.
Modifier la loi organique du 15 avril 2009 et l’article 98-1 du règlement de l’Assemblée nationale en application de cette nouvelle rédaction; y prévoir la publication en annexe des avis des autorités indépendantes relatifs aux projets de loi.
Objectif 3 : Retrouver le sens de l’institution présidentielle
- Sous-objectif 3a : Repenser l’élection présidentielle
Proposition n° 25 : Modifier l’article 7 de la Constitution : prévoir que le président de la République est élu au jugement majoritaire.
Proposition n° 26 : Modifier la loi organique du 18 juin 1976 afin d’instaurer un parrainage citoyen de 100 000 citoyens inscrits sur les listes électorales et de 250 élus, pour se présenter à l’élection présidentielle.
- Sous-objectif 3b : Repenser la répartition des pouvoirs entre président de la République et Gouvernement.
Proposition n° 27 : Modifier l’article 8 de la Constitution. Le Premier ministre nomme l’ensemble des ministres à l’exception des ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, nommés sur sa proposition par le président de la République.
Proposition n° 28 : Modifier l’article 35 de la Constitution. En cas d’engagement des troupes par le Gouvernement, le Président s’adresse par message aux parlementaires pour leur faire connaître sa position.
Proposition n° 29 : Modifier l’article 13 de la Constitution. Les nominations du président de la République, hors membres du Conseil constitutionnel, doivent recevoir l’aval de la majorité absolue des votants de chacune de commissions compétentes. En cas de blocage d’une commission, la nomination peut être emportée si les suffrages des 3/5ème des membres des votants des deux commissions sont réunis.
Objectif 4 : Redonner la parole au Peuple au sein des institutions
- Sous-objectif 4a : Promouvoir la démocratie délibérative
Proposition n° 30 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que le CESE est composé de deux formations de 116 membres chacune auxquelles s’ajoute un président élu en plénière. L’une de ces formations est composée d’un représentant par parti politique ayant reçu sur son nom au moins 1 % des inscrits aux dernières législatives. Le reste de la formation est composé de citoyens tirés au sort et renouvelé par tiers tous les six mois. La seconde formation est composée selon les règles applicables à l’actuel CESE à l’exception des personnalités qualifiées qui n’en font plus partie.
Proposition n° 31 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut être saisie par 50 000 citoyens d’un amendement à soumettre aux assemblées délibérantes. Prévoir que cette même formation peut être saisie par 100 000 citoyens d’un sujet dont il conviendra de faire une proposition de loi communiquée au Parlement.
Proposition n° 32 : Modifier l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut convoquer jusqu’à deux conventions citoyennes par an sur des sujets dont il décide.
Proposition n° 33 : Modifier l’article 44 de la Constitution à dessein de créer un rapporteur citoyen. Ce dernier est chargé de proposer devant l’une des deux assemblées tout amendement élaboré et voté à la majorité par la formation citoyenne du CESE ou présenté devant lui par une pétition réunissant 50 000 citoyens. Il ne peut être un représentant d’un parti politique.
Proposition n° 34 : Modifier les articles 39 et 48 de la Constitution. Prévoir que la formation citoyenne du CESE peut proposer devant l’une des chambres une proposition de loi si elle a été saisie de son principe par une pétition de 100 000 citoyens ou si celle-ci fait suite à une convention citoyenne convoquée par elle. La proposition de loi doit alors être examinée dans les six mois.
Proposition n° 35 : À l’article 48 de la Constitution, prévoir qu’une séance du CESE par mois est consacrée aux questions des membres et aux réponses du gouvernement.
- Sous-objectif 4b : Favoriser la démocratie directe
Proposition n° 36 : Modifier l’article 11 de la Constitution à dessein d’étendre le champ de référendum à l’ensemble du domaine de la loi tel que défini à l’article 34.
Proposition n° 37 : Modifier l’article 89 de la Constitution à dessein de faire du référendum la seule voie permettant de modifier la Constitution après vote conforme d’un texte par les deux chambres.
Proposition n° 38 : Modifier l’article 11 de la Constitution. À la place du référendum d’initiative partagée, prévoir qu’un référendum d’initiative populaire peut être convoqué à la demande de 500 000 citoyens. Ce dernier peut avoir pour objet de proposer un texte ou de soumettre à référendum l’abrogation d’un projet de loi voté dans les 90 jours. Dans le second cas, l’application du texte est suspendue si 100 000 signatures sont collectées avant promulgation de la loi.
Le référendum est accepté si le texte ou l’abrogation reçoivent les suffrages de la moitié des suffrages exprimés représentant au moins un tiers des inscrits.
Proposition n° 39 : Prévoir une loi organique relative au RIC abrogatif. Cette dernière doit notamment prévoir que la formation citoyenne du CESE assure la collecte des signatures et l’information du public.
Proposition n° 40 : Prévoir une loi organique relative au RIC d’initiative législative. Cette dernière doit notamment prévoir que la formation citoyenne du CESE assure la collecte des signatures et l’information du public dès lors que le nombre de 10 000 signatures est dépassé.
Si le nombre de 100 000 est dépassé, mais les 500 000 ne sont pas atteints, une proposition de loi est préparée par la formation citoyenne du CESE et discutée devant les chambres.
Si les 500 000 signatures sont atteintes, la formation citoyenne du CESE convoque une convention citoyenne produisant une étude d’impact à destination des votants.
Objectif 5 : Redonner de la force au contrôle de constitutionnalité
- Sous-objectif 5a : Réviser le mode de nomination des membres
Proposition n° 41 : Réviser la loi organique n° 95-63 du 19 janvier 1995. Interdire aux membres de se présenter à une élection ou de participer à une campagne.
Proposition n° 42 : Modifier l’article 56 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel est composé de 12 membres renouvelés par quart tous les trois ans et ne pouvant être reconduit. Ces membres sont nommés par le président de la République après approbation en séance publique des trois cinquièmes des députés et de la majorité absolue des sénateurs.
Proposition n° 43 : Supprimer le second alinéa de l’article 56 de la Constitution disposant que les anciens présidents siègent au Conseil.
- Sous-objectif 5b : Faire du Conseil constitutionnel un gardien plus effectif de la Constitution
Proposition n° 44 : Modifier l’article 61 pour inclure la saisine du Conseil en cas de conflit d’interprétation relatif à l’application de la Constitution en dehors du simple contrôle de conformité des lois et des traités. Cette décision s’impose aux pouvoirs publics. Elle est ouverte de droit à chaque groupe parlementaire.
Proposition n° 45 : Inclure un article 89-2 ne pouvant, au regard de sa lettre même, faire l’objet d’une révision et que toute loi constitutionnelle doit faire l’objet d’un contrôle à sa conformité lorsqu’elle concerne des dispositions supra-constitutionnelles. Il reconnaît l’inaliénabilité de la souveraineté du Peuple. Cette dernière repose sur la forme républicaine et démocratique du gouvernement, la souveraineté internationale et l’indivisibilité de la République.
Proposition n° 46 : Modifier l’article 11 de la Constitution pour prévoir un contrôle préalable de toute loi référendaire au regard des dispositions supra-constitutionnelles de l’article 89-2 par le Conseil constitutionnel.
Proposition n° 47 : Modifier le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 afin d’attribuer à chaque membre trois collaborateurs chargés de l’assister dans ses activités juridiques.
Proposition n° 48 : Modifier par voie organique l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 afin d’inclure la publication des opinions dissidentes des membres, en conservant néanmoins l’anonymat de leurs auteurs.
Proposition n° 49 : Modifier par voie organique l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 afin de permettre aux auteurs d’une saisine a priori de demander à être entendus par le Conseil ainsi que des personnalités qualifiées de leur choix.
Proposition n° 50 : Modifier l’article 56 afin de porter à douze le nombre de membres renouvelés par quart tous les trois ans.
[1] Cité par Clinton, B., Ma vie, Paris : Odile Jacob, 2004, p.396
[2] Citons pour les plus récents et aboutis : Bartolone C., Winock M., Refaire la démocratie, Rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, Assemblée nationale, rapport n° 3100, 2012 ; Projet de loi constitutionnelle nº 2203 pour un renouveau de la vie démocratique déposé à l’Assemblée nationale le 29 août 2019.
[3] Debré M., « La Constitution de 1958 : sa raison d’être, son évolution », Revue française de science politique, n° 28 vol.5, 1978.
[4] Lijphart A., Patterns of democracy: government forms and performance in thirty-six countries, 2nd éd., New Haven: Yale University Press. 2012.
[5] Cohendet, M.-A., Le président de la République, 2ème éd., Paris : Dalloz, 2012.
[6] C’est là toute la fragilité d’une légitimité fondée sur le charisme. Voir Weber, M., Économie et société 1 : Les catégories de la sociologie, coll. Agora les classiques, n° 1, Paris : Pocket, 1995.
[7] Par ailleurs, la fin du cumul des mandats a brisé la possibilité de constituer un fief local permettant de faire le dos rond devant une défaite nationale. L’effondrement des partis traditionnels en 2017 a enfin rompu le faible contrepoids interne qu’ils représentaient. La fin des barons et des apparatchiks laisse le pouvoir présidentiel aussi omnipotent qu’isolé et fragile.
[8] En forme de bilan voir Fourrier N., L’impossible Sixième République, Liberté et séparation des pouvoirs en France, Paris : L’Harmattan, 2016, pp.209-215.
[9] Au risque de pêcher par autocitation, nombre des réflexions apportées dans cette note trouvent leur soubassement théorique dans notre travail de thèse. En nous fondant sur les théories de l’institution notamment issues du néo-institutionnalisme, nous interrogeons l’interprétation dynamique des normes au sein du système politique à travers notamment la manière dont les institutions politiques apprécient les rapports entre leurs légitimités concurrentes. Comprendre l’effet de normes constitutionnelles, ce n’est donc pas seulement, et pas d’abord comprendre leur lettre. C’est saisir la façon dont chacun se sent à la fois légitime à les interpréter, et comment cette légitimité est acceptée par les autres acteurs du champ politique. Voir notamment Morel B., Le Sénat et sa légitimité : l’institution interprète de son rôle constitutionnel, coll. « Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle », Paris Dalloz, 2018.
[10] L’idée d’une assemblée constituante citoyenne n’est pas absurde. Elle nous semble comporter deux limites. Le cas islandais notamment montre que la complexité de la tâche conduit au téléguidage de l’initiative par des acteurs intéressés. En l’occurrence, l’activisme des universitaires nord-américains a été important. Ensuite, là encore, la portée d’un texte constitutionnel est en grande partie imprévisible. Le meilleur texte, écrit avec les meilleures intentions, peut conduire au pire dans la pratique. Ce n’est pas parce que le Peuple s’empare de la matière constitutionnelle qu’il reprend le pouvoir. Mieux vaut penser dans des cadres prévisibles, car connus, la manière dont il peut retrouver son rôle souverain dont les institutions représentent l’instrument. Sur l’Islande, voir Prins C., Cuijpers C., Lindseth P-L., Digital Democracy in a Globalized World, Cheltenham: Edward Elgar, 2017.
[11] Rivero, J., « Fin d’un absolutisme », Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, 1980 (rééd. 1991). n° 13, p.5.
[12] Notons toutefois que la Vème n’est plus aussi populaire qu’elle le fut. Un sondage Odoxa-le Parisien du 20 novembre 2015 montre 62 % des Français favorables à une VIe République. Un sondage du même institut du 3 octobre 2018 montre que seuls 44 % des Français seraient attachés à la Veme. Reste que chacun voit la VIe République à sa porte et qu’il n’est pas certain qu’au-delà du principe le projet soit entendu de la même façon par l’électorat susceptible de le soutenir. Gageons que l’élection au suffrage universel direct du président de la République présente ici une pierre d’achoppement importante.
[13] C’est d’ailleurs souvent le cas des projets proposés : voir notamment Montebourg, A. et François, B., La Constitution de la VIe République : réconcilier les Français avec la démocratie, Paris : O. Jacob, 2005.
[14] Machelon J.P., Mathieu B., Melin-Soucramanien F., Philippe X., Rousseau R., Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel (1958-193), Paris : Dalloz, 2009, p. 99 et suivantes.
[15] Décision n° 2005-31 REF du 24 mars 2005.
[16] Voir sur ce sujet : Portelli H., Sueur J. — P., Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique, Rapport d’information, fait au nom de la commission des lois du Sénat, n° 54 (2010-2011) : 2010.
[17] Sur cette idée, voir : Lapie P. : La justice par l’État. Étude de morale sociale, Paris : Félix Alcan, 1899
[18] Ridel C., Listes citoyennes, municipalisme : Quelle démocratie locale après les gilets jaunes ?, 2020 (https://institut-rousseau.fr/listes-citoyennes-municipalisme-quelle-democratie-locale-apres-les-gilets-jaunes) ; Pierre-Latour P., Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour à l’État ?, 2020 (https://institut-rousseau.fr/decentralisation-et-organisation-territoriale-vers-un-retour-a-letat)
[19] Pour une bonne introduction à la question de l’influence des modes de scrutin, on lira Martin P., Comprendre les évolutions électorales. La théorie des réalignements revisitée, Paris : Presses de Sciences Po, 2000.
[20] Notons par exemple le sondage BVA du 14 juin 2017 pour le Nouvel Observateur. 71 % des Français se disaient favorables à la proportionnelle et 54 % jugeaient négativement la perspective d’une majorité absolue pour le seul parti la République en Marche.
[21] Lijphart A., Patterns of democracy: government forms and performance in thirty-six countries, op.cit.
[22] Voir sur des conclusions similaires Pilon D., The Politics of Voting : Reforming Canada’s Electoral System. Toronto: Emond Montgomery, 2007.
[23] Youth participation in national parliaments, Rapport de l’Union interparlementaire, 2016 (http://archive.ipu.org/pdf/publications/youthrep-e.pdf).
[24] Pour des études à partir du système américain : Amy, D. J., Real choice/new voices: the case for proportional representation elections in the United States, New York: Columbia University, 1993; Barber, K. L., A right to representation: proportional election systems for the twenty-first century. Columbus: Ohio State University, 2000.
[25] Hill, S., Fixing elections: the failure of America’s winner takes all politics. New York: Routledge, 2002.
[26] Blais, A., Loewen, P.J., « Electoral systems and evaluations of democracy », dans Cross, W. (dir.) Democratic Reform in New Brunswick, Toronto: Canadian Scholars Press, 2007, pp. 39–57; Blais A., Morin-chassé A., Singh S., « Election outcomes, legislative representation and satisfaction with democracy », Party Politics. Vol. 23 n° 2, 2017, pp. 85–95; Plescia C., Blais A., Högström J. « Do people want a “fairer” electoral system? An experimental study in four countries’ European Journal of Research, 2020.
[27] Voir Kelsen H., Théorie générale du droit et de l’État, Paris-Bruxelles : LGDJ-Brylant, 1997, p.336-337
Rousseau note encore « Pour qu’une volonté soit générale, il n’est pas toujours nécessaire qu’elles soient toute unanimes, mais il est nécessaire que toutes les voix soient comptées ; toute exclusion rompt la généralité. » Rousseau J-J.: Contrat social, 1 ; II, chII.
[28] Surtout quand l’argument se veut d’autorité, car fondé sur l’histoire. La IIIe n’a connu que très épisodiquement le scrutin proportionnel. Sous la IVe République, la proportionnelle ne fut réellement effective que dans les départements très peuplés, et fut tempérée, dès 1951, par une logique d’apparentements.
[29] L’image récemment donnée par l’Italie, où le Mouvement cinq-étoiles a formé lors d’une même législature un gouvernement avec la Ligue puis avec le Parti démocrate ne doit pas nous aveugler. Ces cas sont très rares. En Allemagne, on ne connaît qu’une seule occurrence depuis la création de la RFA. En Italie même, les coalitions sont stables. Le présent cas doit surtout aux particularités du M5S, que ce soit dans son indétermination politique comme dans ses structures de décisions internes. Dans ces domaines, cette formation politique ne trouve pas d’équivalent en France.
[30] Voir sur la territorialisation du scrutin majoritaire : Chhibber, P., Kollman, K., The Formation of National Party Systems. Princeton, New Jersey: Princeton University Press, 2004; Riker, W. H., The two-party system and Duverger’s law: an essay on the history of political science, American Political Science Review, n° 76, 1982, pp. 753–766.
[31] Adams J-F., Rexford, N-J., ‘Electoral Systems and Issue Polarization,’, dans The Oxford Handbook of Electoral Systems, Oxford: Oxford University Press 2018, pp. 246–262.
[32] Milner, H. ‘How does proportional representation boost turnout: a political knowledge-based explanation’, 2014 (https://ecpr.eu/Filestore/PaperProposal/5ca0166b-7466-4e37-9b1c-9dc11ed42d7f.pdf).
[33] Ehrhard T., Rozenberg O., La réduction du nombre de parlementaires est-elle justifiée ? Une évaluation ex-ante, LIEPP Working Paper, nº 75, février 2018.
[34] Une partie des députés est élue au scrutin majoritaire. Ceux-ci élus, les listes à la proportionnelle vont permettre de compenser la distorsion de représentation. Un parti obtenant 35 % des votes (une fois retranchés les partis ayant fait moins de 5 %) obtiendra 35 % des sièges. Si le parti avait déjà obtenu ces 35 % avec le scrutin majoritaire, aucun de ses députés ne sera pris sur les listes proportionnelles. Cela explique que le nombre de parlementaires en Allemagne ne soit pas fixe. Ce mode de scrutin est intéressant notamment car il permet de construire un ancrage territorial. Pour autant, il implique la mise en place de très grandes circonscriptions, surtout si l’on souhaite, nous y reviendrons, baisser le nombre de parlementaires. Aussi, il nous semble préférable de l’écarter. Si l’ancrage local ne doit pas être négligé, il pourrait être retrouvé en permettant le cumul entre les fonctions de députés et maires d’une commune de moins de 10 000 habitants.
[35] Loi du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
[36] On peut imaginer un système de vote préférentiel par liste. Toutefois, le choix d’une proportionnelle nationale rend la chose peu pertinente et risque pour l’électeur de complexifier l’opération électorale. Plutôt que le classement, la possibilité d’inscrire au sein de la liste un vote favorable ou défavorable à un candidat peu, comme en Bulgarie, conduire à reléguer ou réévaluer le nom du candidat dans ladite liste.
[37] Voir De Bujadoux J-F, Fourmont A., Morel B., « Un dixième groupe à l’Assemblée : risque d’embolie pour la démocratie parlementaire ? », Jus Politicum le Blog, 5 juin 2020 (http://blog.juspoliticum.com/2020/06/05/un-dixieme-groupe-a-lassemblee-risque-dembolie-pour-la-democratie-parlementaire-par-jean-felix-de-bujadoux-alexis-fourmont-et-benjamin-morel/).
[38] C’est le nombre prévu dans le règlement de l’Assemblée nationale de 1959.
[39] Dans le cadre d’une telle réforme, les risques d’instabilité gouvernementale ne sont guère plus importants qu’avec le mode de scrutin actuel. Si cette crainte devait perdurer, il demeure possible d’instaurer un mécanisme dit de « défiance constructive » sur le modèle prévu par l’article 67 de la loi fondamentale allemande. Un gouvernement ne peut alors être renversé par le Parlement que si ce dernier se met d’accord sur le nom d’un nouveau Premier ministre. Une majorité négative étant plus aisée à réunir qu’une majorité positive, la stabilité gouvernementale en sort gagnante. L’introduction de la défiance constructive nous semble toutefois se heurter à deux obstacles. La première est sa compatibilité difficile avec l’esprit global de l’article 49, notamment avec son très fameux alinéa 3. Ensuite, il apparaît difficile de la concilier avec la nomination du Premier ministre par le président de la République. Si cette option reste ouverte, elle nous paraît comporter plus d’inconvénients que d’avantages.
[40] Parmi la méthode de répartition des restes, elle apparaît la plus juste. Notons que la méthode de calcul des restes qui encombre de nombreuses pages dans nombre des manuels de droit constitutionnel ou de science politique n’a généralement qu’une incidence faible sur les systèmes politiques… Il s’agit là donc d’un point fort secondaire de notre analyse.
[41] Voir sur ce sujet : Morel B., « Le bicamérisme inversé », in Chambre haute, haute personnalité : mélanges en l’honneur de Jean-Louis Hérin, Paris : Mare & Martin, coll. « Liber amicorum », 2020, pp.157-177.
[42] Voir sur ce sujet : Chevalier, F., Les sénateurs français, 1875-1995 : essai sur le recrutement et la représentativité des membres de la seconde chambre, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, t. 89, Paris : LGDJ, 1998 ; Robbe, F., La représentation des collectivités territoriales par le Sénat, 101, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, Paris : L.G.D.J, 2001.
[43] Décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, considérants 22 à 29.
[44] Décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009.
[45] Arthuis J., Migaud D., « Réforme de la Constitution : supprimons l’article 40 ! », Le Monde, 16 mai 2008.
[46] Les articles 258-260 du TFUE permettent ainsi de saisir la CJUE si un État ne remplit pas ses obligations.
[47] Marienval M., Morel B., Un parlement confiné, 2020 (https://institut-rousseau.fr/un-parlement-confine).
[48] Bartelone C., Winock M., Refaire la démocratie, Rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions, Assemblée nationale, rapport n° 3100, 2012, p.90.
[49] Sauf lors de la présentation de la révision constitutionnelle justement, car l’article 45 l’interdit….
[50] Létard V., Bilan annuel de l’application des lois au 31 mars 2019, Rapport d’information du Bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle, n° 542, juin 2019, p.20.
[51] Voir Rozenberg, O. et Thiers, É. (dir.), L’opposition parlementaire, coll. Les Études 5378-79, Paris : la Documentation française, 2013, p.194.
[52] Décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009.
[53] Sur ce sujet, voir Recueil des notes de synthèse, Études de législation comparée Étude de législation comparée n° 281, Sénat, 2017.
[54] Voir sur ces sujets : Morel B., Les indemnités et avantages matériels des parlementaires, note n° 11 de l’Observatoire de l’éthique publique, juillet 2020.
[55] Elle tend à diminuer encore le nombre de circonscriptions élues au scrutin majoritaire, amplifiant les effets pervers déjà évoqués.
[56] Lemarié A. « François de Rugy veut renforcer le pouvoir du Parlement face à l’exécutif », Le Monde, 12 janvier 2018
[57] Reconnaissons la paternité de cette idée simple, mais efficace, à Marienval M., Modification de la composition du Parlement : quels enjeux ?,Note de la Fondation Jean Jaurès, novembre 2017.
[58] Voir décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010.
[59] En Europe seule la Biélorussie peut être apparentée à un régime purement présidentiel. Ce régime demeure assez représenté en revanche en Amérique et en Afrique Subsaharienne. Des régimes parlementaires où le président est élu au suffrage universel direct et dispose de larges pouvoirs existent en Russie, et bien entendu en France.
[60] Voir Manent, P., « L’organisation des séparations », dans Cours familier de philosophie politique, 1re éd., coll. tel, n° 332, Paris : Gallimard, 2001, pp.23-36.
[61] Rappelons-le, la France est un régime parlementaire. La définition de ce dernier est la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, ce qui est posé dans des termes clairs et non ambigus par l’article 49.
[62] Constant, B., « Principes de politique », dans Œuvres de Benjamin Constant, coll. la Pléiade, Paris : Gallimard, 1957, pp.1080-1081.
[63] Balinski M., Laraki R., Majority Judgment: Measuring, Ranking, and Electing, Cambridge, MA: MIT Press, 2011.
[64] Voir sur ce mode de scrutin : www.mieuxvoter.fr
[65] Gherlein, W. et Lepelley, D., « On some limitations of the Median voting rule », Public Choice n° 117, 2003, pp.177-190.
[66] Le scrutin majoritaire uninominal à 2 tours est le plus sensible au vote stratégique au regard du rôle qu’y joue le vote utile. Le vote par note y est également particulièrement sujet puisqu’il fonctionne avec la moyenne. Il est au contraire difficile de faire bouger la mention majoritaire d’un candidat (la médiane). Par ailleurs, si l’ensemble des électeurs devait adopter une démarche stratégique, le scrutin s’apparenterait alors à un scrutin majoritaire uninominal.
[67] Ainsi le 25 décembre 1999, Jacques Chirac doit renoncer à envoyer un commando à Abidjan devant le refus de Lionel Jospin.
[68] Sponchiado L., La compétence de nomination du Président de la Vème République, coll : « Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle », Paris : Dalloz, 2017.
[69] Toudic B., Le coronavirus, des enseignements à tirer pour sortir d’une démocratie déjà confinée (https://institut-rousseau.fr/le-coronavirus-des-enseignements-a-tirer-pour-sortir-dune-democratie-deja-confinee).
[70] Voir notamment : Pitkin, H. F., The concept of representation, Berkeley, Calif., Univ. of California Press, 1972.
[71] Webb, P., ‘Who is Willing to Participate? Dissatisfied Democrats, Stealth Democrats and Populists in the United Kingdom’, European Journal of Political Research n° 52, vol.6, 2013, pp. 747–772.
[72] Sans doute peut-on apprendre de ses erreurs. La sélection des experts aurait pu être différente. Le sujet donné fut sans doute trop large. Le cadre pas assez clairement posé a conduit à gâcher la perspective d’un référendum en intervenant justement dans les champs (constitutionnel et pénal) où il peut difficilement en être question. Toutefois, le phénomène d’identification créé par le tirage au sort et les apports de la délibération collective ne peuvent être réduits par ces échecs.
[73] Projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, examiné en Conseil des ministres le 7 juillet 2020.
[74] Sur ce sujet voir OCDE, Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions : Catching the Deliberative Wave, Éditions OCDE: Paris, 2020.
[75] La convention réunie en 2012 était ainsi composée de 66 citoyens et 33 parlementaires.
[76] Article 71 : « La composition du Conseil économique, social et environnemental, dont le nombre de membres ne peut excéder deux cent trente-trois, et ses règles de fonctionnement sont fixées par une loi organique. »
[77] Popkin S., The Reasoning Voter, Chicago: Chicago University Press, 1991.
[78] Matsusaka J., Let the People Rule: How Direct Democracy Can Meet the Populist Challenge, Princeton: Princeton University Press,2020.
[79] Ne peut être soumis à référendum qu’un texte « portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. »
[80] « On rendra la constitution solide et ces lois irrévocables autant qu’elles peuvent l’être ; car il est contre la nature du corps politique de s’imposer de lois qu’il ne puisse révoquer ; mais il n’est ni contre la nature ni contre la raison qu’il ne puisse révoquer ces lois qu’avec la même solennité qu’il mit à les établir » Rousseau J-J., Considérations sur la Pologne, « cause particulière de l’anarchie ».
[81] Leur « pouvoir s’entend à tout ce qui peut maintenir la Constitution, sans aller jusqu’à la changer », Rousseau J-J., Discours sur l’inégalité(seconde partie).
[82] Article 16 : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés » ; l’accord du participe passé exigerait que soit écrit « menacées ».
[83] Bowler S., Donovan D., ‘Measuring the Effect of Direct Democracy on State Policy: Not All Initiatives Are Created Equal’, State Politics & Policy Quarterly, n° 4, vol. 3, 2004, pp. 345–363.
[84] Notons évidemment la question du référendum révocatoire. Ce dernier nous semble plus complexe. Par ailleurs, le scrutin proportionnel et la limitation des prérogatives du président de la République nous semblent le rendre à la fois moins pertinent et difficile d’usage. Son omission ne témoigne pas tant un rejet de son principe que de la difficulté à envisager son introduction dans l’économie générale des réformes ici proposées.
[85] Le veto permet d’empêcher l’entrée en vigueur d’une disposition. Il n’y a donc pas de risque qu’une situation délicate ne soit pas couverte par le droit. Dans le cadre d’un RIC abrogatif, le risque est en revanche qu’une disposition disparaissant, et rien ne venant la remplacer, un vide soit créé et que des situations ne pouvant être qualifiées, une insécurité en résulte pour les sujets de droit. Si une disposition est problématique, le RIC proposition (seconde modalité) permet de la supprimer et de proposer des dispositions compensant et organisant cette disparition.
[86] Blondiaux L., Cohendet M-A., Fleury M., François B., Lang J., Laslier J-F., Pech T., Sawicki F., Le Référendum d’initiative citoyenne délibératif, Note pour la Fondation Terra Nova, 2019.
[87] Voir notamment le référendum du 26 mai 2019.
[88] Comme l’ont montré les débats entourant sa décision du 5 mai 2020 relative à la politique monétaire de la BCE.
[89] Ils peuvent actuellement se présenter et ne démissionnent qu’en cas d’élection.
[90] La question s’est notamment posée en 2005 quand Simone Veil se mit en congé du Conseil pour faire campagne en faveur du traité constitutionnel européen.
[91] La plus emblématique fut la décision de François Mitterrand de ne pas promulguer les ordonnances prises par le Gouvernement de Jacques Chirac en 1986.
[92] Rousseau J-J., Contrat social, 1-I, chapitre IV ;
[93] Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020
[94] Projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations adopté en Conseil des ministres le 29 juillet 2020.
[95] Shapiro, M., Stone-Sweet, A., ‘The new constitutionnal politics of Europe’, Comparative political studies, 1994, p. 403; Stone-Sweet, A., ‘Where Judicial Politics Are Legislative Politics: The French Constitutional Council’, West European Politics, 15:3, 1992, p. 29–49.
[96] Morel B., « L’apport de l’analyse institutionnelle d’Hauriou à l’étude d’une fonction de contre-pouvoir du Conseil constitutionnel », Revue du Droit public, n° 6, 2018, pp.1625-1654.
[97] La création d’un esprit de corps est importante pour une institution de cette nature. La trop grande multiplication des membres pourrait s’avérer contre-productive.
[98] Voir sur ce sujet notamment Schnapper. D., Une sociologue au Conseil constitutionnel, coll. NRF Essais, Paris : Gallimard, 2010.