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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

écologie

Sommaire

    écologie

    Débat des candidats : le fact-checking Le fact-checking détaillé du débat que nous avons organisé avec les candidats aux européennes

    Introduction Cet article rend compte des inexactitudes factuelles et déformations prononcées lors du débat électoral européen du 22 mai 2024, organisé par l’Institut Rousseau, en partenariat avec Alternatives économiques, Vert, le média et l’école des Mines de Paris. Ce débat a fait intervenir : – Jean Marc Germain (PS – Place Publique) – Pascal Canfin (Re) – Marina Mesure (LFI) – Flora Ghebali (Les Écologistes) La cellule de fact-checking, tant en live qu’à l’issue du débat a été co-animée par l’Institut Rousseau et QuotaClimat. Elle était composée de : – Guillaume Kerlero de Rosbo, directeur Transition écologique de l’Institut Rousseau – Jean Sauvignon, responsable baromètre de l’association QuotaClimat – Titouan Rio, bénévole QuotaClimat – Lucien Mathieu, responsable voitures à Transport & Environnement (sujet Transport) – Nicolas Desquinabo, expert en politiques publiques (sujet Logements) – Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’INRAE (sujets Agriculture) – Serge Besanger, enseignant-chercheur à l’ESCE (sujets Commerce International) – William Honvo, professeur d’économie et de finances publiques (sujets Financement) – Nicolas Dufrene, directeur de l’Institut Rousseau (sujet Financement) – Philippe Ramos, chargé de plaidoyer à Positive Money Europe (sujets Financement) Le débat dans son intégralité est à retrouver ici : Europe, climat, économie : le débat des candidats (version avec fact-checking). Des bandeaux annonçant les fact-checking détaillés ci-dessous sont intégrés à la vidéo. Sur le sujet des Transports LFI – Marina Mesure L’UE favorise la route et l’aviation. La privatisation du ferroviaire a engendré une augmentation du prix des billets et une disparition des petites lignes. 15’12’’ – Inexact : privatisation et libéralisation sont deux choses différentes. La mise en concurrence imposée par l’UE n’implique pas forcément une privatisation, qui relève de l’autorité publique nationale. Cette mise en concurrence peut dans certains cas faire monter les prix, mais elle peut également les faire baisser. Au Royaume-Uni, les prix ont très fortement augmenté mais suite à une privatisation totale du ferroviaire sans soutien de l’Etat sur le prix des billets. Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/vrai-ou-fake-l-ouverture-du-rail-a-la-concurrence-fait-elle-baisser-le-prix-des-billets-de-trains_5885759.html&sa=D&source=docs&ust=1716487803230386&usg=AOvVaw35z1qZVXvEO5PmGFG7k3go   Propose un pass interrail européen pour les jeunes 16”12 – À préciser (déjà existant) : le pass interrail européen pour les jeunes existe déjà PS – PP – Jean-Marc Germain La libéralisation du fret a engendré baisse des flux et hausse des prix. 18’38’’ – Incomplet : la libéralisation n’est pas seule en cause dans la baisse des flux et la hausse des prix, le manque d’investissement et les gains en compétitivité du secteur routier sont également responsables. Source : https://www.transportenvironment.org/topics/rail&sa=D&source=docs&ust=1716495334742427&usg=AOvVaw0nlNsDEmrnpj5WgXjdVLIC   Renaissance – Pascal Canfin Il n’y a aucune chance que la fiscalité sur le kérosène se réalise car il y a toujours un pays qui sera contre. L’aviation a donc été intégrée dans le marché du CO2 en se servant de la majorité qualifiée pour éviter le droit de véto, une raison de la fin du régime dérogatoire. 25’42’’ – Vrai, à nuancer : en effet, le droit de véto peut bloquer une fiscalité globale. Plusieurs pays peuvent en revanche se mettre d’accord pour les vols les concernant. De plus, les Etats peuvent fixer une éco-contribution sur les billets au départ de leur territoire, comme c’est le cas en France depuis 2019. Dans ce cas, c’est du ressort de la politique nationale. Sources: https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2022/07/I4CE-Etude-EvalClimat360%25C2%25B0BudgetEtat-1.pdf&sa=D&source=docs&ust=1716486511321690&usg=AOvVaw1InvZzI0Dee3Lg4KBbZSXr https://www.ouest-france.fr/economie/transports/avion/leurope-ne-parvient-pas-a-taxer-le-kerosene-des-avions-la-france-quelle-le-fera-seule-9f51aa9a-3149-11ee-895b-b99bc8a96af7&sa=D&source=docs&ust=1716493721638038&usg=AOvVaw3Y6jZo-pwqEvAgdR8biJJC Sur le sujet des Logements Renaissance – Pascal Canfin Personne ne dépensera 40 000€ pour développer un patrimoine qui en vaut 100 000€ 31’46’’ – Faux : Dans le cas (rare) des petites maisons « passoires » à 100 000 euros, il y a justement une forte rationalité économique à engager une rénovation « profonde » de 40 000 euros car : Selon l’étude des notaires sur la valeur verte, les biens passant d’une étiquette F-G à B bénéficient d’une valorisation de 20 à 36% https://www.notaires.fr/fr/actualites/la-valeur-verte-des-logements-en-2022-et-tendances-2023 Dès le premier hiver, les gains sur les factures énergétiques pourront dépasser 1500 euros/an (ex. I4CE pp.22-23) https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2023/10/La-transition-est-elle-accessible-a-tous-les-menages.pdf Le frein principal à ces travaux est qu’ils concernent principalement des ménages modestes sans épargne ni accès au crédit, d’où les aides et avances « Sérénité / Rénovation d’ampleur » puis « Parcours accompagné » mis en place par…Renaissance en France https://www.economie.gouv.fr/particuliers/maprimerenov-parcours-accompagne-tout-savoir-sur-cette-aide https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35083 Quand Emmanuel Macron est arrivé à l’Élysée, 80% de Ma Prime Rénov profitait aux ménages riches, aujourd’hui c’est 80% pour les ménages précaires, essentiellement grâce aux réformes du gouvernement. 33’09’’ – Faux : en 2023 70% des bénéficiaires de Ma Prime Rénov’ étaient des ménages “modestes”, mais seulement 46% des “très modestes”, correspondant donc aux 80% pour les ménages “précaires” annoncés. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/20230127_Reporting-MPR-filiere-bilan-2022.pdf https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-01/202401_ChiffresCles2023_WEBA.pdf   Les Écologistes – Flora Ghebali Passer de 0,2% de rénovation annuelle aujourd’hui à 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 et atteindre les objectifs de neutralité carbone. 35’39’’ – Imprécis : le taux de rénovation énergétique annuel au sens large est nettement plus élevé (12,3% des logements), le taux de 0,2% évoqué correspond probablement aux rénovations “profondes”, entraînant plus de 60% de gains énergétiques. Par ailleurs, la cible de 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 est correcte. Sources : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/97d6a4ca-5847-11ea-8b81-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-119528141 On peut créer 110 000 emplois rien qu’avec la rénovation énergétique d’après le Shift Project. 36’ – Vrai : selon le Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) Source : https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-le-logement-individuel-et-collectif/   LFI – Marina Mesure 30% c’est la couverture actuelle proposée à un ménage pour la rénovation de son logement. 38’10’’ – Faux : le taux de 30% est loin d’être la moyenne : en France le taux d’aide pour une rénovation d’ampleur va de 30% à 90%, avec un plafond de 40 000€ à 70 000€ selon cas de figures. Dans les autres pays, les taux d’aide sont très variables, mais le plus souvent supérieurs à 30% pour les rénovations “d’ampleur” des ménages modestes, hormis en Allemagne où les taux d’aides à la rénovation énergétique sont pour la plupart inférieurs à 30%. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-02/202402_Guide_des_aides_WEBA.pdf https://www.energieheld.de/foerderung/institute-anbieter/beg-aenderungen-2024   À Marseille, les charges de certains HLM ont augmenté de 300%. 38’59’’ – Difficile à vérifier : en effet, une affaire médiatisée en 2023 fait mention de 200% d’augmentation pour certains locataires d’un bailleur spécifique à Marseille. Source :

    Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Ramos P.

    27 mai 2024

    Face aux pièges de l’écologie « punitive », quelles restrictions les plus efficaces et justes ?

    Résumé exécutif   Les débats sur l’écologie soulignent régulièrement la question des « restrictions » à imposer ou non aux populations. De manière quasi systématique, les opposants au changement agitent le spectre de l’écologie « punitive » et font passer la moindre contrainte réglementaire comme une grave atteinte à la liberté. Or, en complément d’une réorientation massive des investissements vers les activités durables, il est clair que des outils réglementaires et normatifs doivent être mobilisés. Mais pas n’importe lesquels.   À travers des exemples précis empruntés aux secteurs de la mobilité, du logement et de l’agriculture, cette note met en lumière le caractère inefficace et socialement injuste des mesures actuellement les plus discutées dans le débat public. Ces débats mal posés jouent un rôle central dans le statu quo actuel : repoussoir légitime pour une part importante de la population, ils aggravent le fossé entre l’opinion publique et la nécessité d’agir face aux enjeux écologiques, et permettent aux décideurs publics de justifier leur inaction voire un recul de l’action publique sur ces questions. La taxe carbone sur le carburant sans proposition d’alternatives (point de départ de la crise des gilets jaunes), ou encore les normes pesant sur nos agriculteurs au profit de l’importation de viandes issues d’élevages intensifs non soumises à ces contraintes, en sont de bons exemples.   En miroir, cette note reprend plusieurs propositions développées dans des notes et rapports précédents de l’Institut Rousseau[1] sur les thématiques du transport (partie 1), du logement (partie 2) et de l’agriculture (partie 3) afin de les comparer avec les mesures « restrictives » actuellement les plus débattues et d’en préciser les impacts écologiques et sociaux potentiels (partie 4). La note conclut ensuite sur la question des alternatives (partie 5) et de l’opportunité de restrictions ciblées et non générales (partir 6) :   1. Promouvoir des malus ciblés plutôt que des zones à faibles émissions (ZFE) 2. Restreindre le logement occasionnel plutôt que le neuf abordable 3. Limiter les importations issues de l’élevage intensif plutôt que l’élevage extensif local 4. L’impact écologique de ces mesures : majeur à court terme, complémentaire à long terme 5. Accepter que les alternatives ne soient jamais parfaites 6. Passer de restrictions générales inutiles à des contraintes ciblées bénéficiant à la majorité   Le spectre de l’écologie « punitive » s’alimente de perspectives de restrictions trop générales, peu efficaces et régressives. Celles-ci constituent de véritables aubaines politiques pour les divers populismes anti-écologiques. Cette note ambitionne de déconstruire cet épouvantail en démontrant que le problème, ce ne sont pas les normes et restrictions environnementales en elles-mêmes mais la façon dont elles sont conçues et formulées dans le débat public. Et que des restrictions efficaces et justes, seules à pouvoir remporter un soutien populaire, sont possibles. Les débats sur l’écologie soulignent régulièrement la question des « restrictions » à imposer ou non aux français et plus globalement aux populations des pays développés. Certains en font la promotion générale, d’autres les craignent et beaucoup utilisent le spectre de l’écologie « punitive » comme argument pour ne rien faire. Or, en complément d’investissements massifs réorientés vers les activités durables (décrits de façon détaillée dans les rapports « 2% pour 2 degrés » et « Road to Net Zero » et la note « Quelles transformations globales pour une transition écologique effective ? » de l’Institut Rousseau), il est clair que des outils réglementaires et fiscaux doivent également être mobilisés. Des restrictions seront nécessaires pour réduire plus vite et plus fort nos empreintes écologiques et dépendances extérieures, mais pas n’importe lesquelles. Pour être opérantes et acceptables, il faut que ces restrictions : N’aggravent pas les inégalités déjà croissantes, et même les réduisent, en centrant les contraintes sur les ménages et organisations ayant le plus de moyens, et en introduisant des malus sur les comportements non vertueux qui permettent de financer des alternatives à bas coût pour la majorité. Aient des impacts écologiques importants (en termes de gaz à effet de serre, de polluants sanitaires et/ou de biodiversité), à court et moyen terme, afin de légitimer les efforts demandés. Complètent les solutions alternatives, en particulier lorsque ces alternatives arrivent à maturité et sont largement accessibles ou lorsque les soutiens aux alternatives écologiques n’ont plus d’effet sur leur adoption par certains publics. Loin de ces conditions d’efficacité et de justice sociale, les restrictions actuellement les plus débattues ont des impacts écologiques limités voire négatifs, tout en aggravant les inégalités sociales. Cela est notamment dû au fait que ces restrictions sont présentées de façon très générale (« anti-voitures », « anti-maison », « anti-viande ») et gomment ainsi les indispensables subtilités à prendre en compte pour être à la fois efficaces et justes. Plus précisément, les restrictions générales s’appuient sur trois grandes illusions, largement documentées par les données scientifiques récentes et les évaluations indépendantes : L’illusion des « moyennes », qui stigmatise les impacts d’objets généraux, en particulier « la voiture»[2], « la viande »[3] ou « la maison individuelle »[4], alors que leurs impacts sont loin d’être homogènes. En conséquence, des écarts de 1 à 10 sont gommés et des activités bénéfiques sont jetées avec l’eau du bain. Par exemple, les viandes sont stigmatisées de manière générale, alors que les élevages bovins extensifs ont des impacts écologiques globaux très positifs[5]. De même, des restrictions sont envisagées pour l’ensemble des populations, sans distinguer de sous-populations en fonction de leurs statuts (organisation ou particulier), revenus ou accès aux alternatives. L’illusion des « politiques actuelles » qui auraient déjà essayé mais, malgré de nombreuses incitations, auraient échoué à limiter les pollutions, démontrant par-là que les incitations sont inefficaces et que la seule solution serait de passer à une coercition homogène des masses. À l’inverse de ce postulat, il faut rappeler que les politiques actuelles sont en réalité fortement pro-fossiles[6]. Si les politiques incitaient réellement à des pratiques durables ou que celles-ci étaient déjà largement accessibles, des restrictions pourraient alors être efficaces, à condition d’être ciblées sur des acteurs et pratiques clés, par exemple les entreprises ayant de larges flottes automobiles ou les multi-propriétaires de logements et/ou de locaux tertiaires. L’illusion de la « réglementation magique », qui consiste à penser qu’une interdiction a un effet immédiat et absolu, sans effets de « transfert »

    Par Desquinabo N.

    6 mai 2024

    Créer une bourse pour financer la création d’agroforêt

    La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et matthieulegoanvec01@gmail.com. Télécharger le brief en pdf Download the English version as a pdf ____ Introduction Une agroforêt est un système agroforestier complexe, avec une structure multi-strate de la végétation, un grand nombre de composantes, un fonctionnement écologique similaire aux forêts naturelles. De par leur structure multi-étagée leur faciès forestier et leur composition floristique, les agroforêts détiennent une grande diversité arborée. Principalement présent dans les régions tropicales, des expérimentations en climat tempéré ont montré comment pouvait être déclinée cette pratique en France sous les vocables forêt jardin, forêt comestible, forêt nourricière. Proposer un modèle de financement de cette approche est l’objectif de ce document. L’idée est d’utiliser un statut juridique la société par action simplifiée pour cadrer les agroforêts et de créer un marché primaire et secondaire pour échanger les actions de ces sociétés. I. Financer la création de l’agroforêt, le modèle de la SAS forêt jardin comme standard Les agroforêts répondent à plusieurs objectifs de développement durable. L’urgence d’initier cette démarche est la perspective d’un scénario d’un retour à terme à une agriculture manuelle basée sur des plantes annuelles très gourmande en main d’œuvre là où une agriculture à base de plante pérenne aurait nécessité beaucoup moins de travail et donc libéré plus de temps pour les autres activités économiques : dans un monde sans tracteur produire des annuelles c’est préparer le sol, semer, désherber, déplacer des brouettes de fumier à la force des bras de nombreuses fois dans l’année et 1 million d’agriculteurs ne pourraient pas nourrir 70 millions d’individus de cette manière, 1million d’agriculteurs pourraient entretenir un paysage d’agroforêt où les individus viendraient cueillir comme ils vont au supermarché. L’on pourrait objecter par le recours aux agrocarburants mais alors il faut faire le choix d’affamer certains ce qui est contraire à l’ODD n°2. Le marché primaire doit financer la création de l’agroforêt qui est un débouché pour les secteurs par exemple du paysage et de la pépinière. Afin de produire des économies d’échelle et une meilleure lisibilité pour le financement l’idée est de proposer un modèle standardisé. La norme du marché primaire doit poser une équivalence action/surface/biomasse initiale, admettons qu’a la création 1 action équivaut à l’investissement sur 1m2 et que sur 1m2 il y a 10kg de biomasse. Pour mesurer la biomasse on peut tenter d’évaluer le volume de bois et de racine et supposer une densité moyenne, échantillonner des volumes de terre et mesurer la masse de la pédofaune etc. ce travail n’est pas évident. En moyenne un agrosystème compte 10T/ha de biomasse en simplifiant on peut considérer qu’il y a 10kg/m2 de biomasse dans un champ ou dans une coupe rase. Le chiffre bien que faux peux être pris comme une approximation acceptable. Pour créer un verger industriel aujourd’hui il faut compter de l’ordre de 50000€ (4000 arbres basse tige à 10€ et des investissements en plus comme la fertilisation, les travaux préparatoires, l’irrigation, des filets anti grêle, des tuteurs), si on complante un tel verger d’une strate de vivace et d’une strate d’arbuste le montant peut encore augmenter. L’enjeu est alors de produire une concertation avec la filière et de convenir d’un budget standard pour tous les projets. Pour certains projets, le budget standard suffira pour d’autre, en particulier si le budget pour améliorer le sol est très important, il faudra compter sur l’apprentissage de la filière (meilleur connaissance des différents biotopes et coût des diagnostics, meilleur connaissance des designs adaptatifs et coût de conception, meilleur connaissance des modes de gestion et coût du conseil en gestion…) et les gains de productivité. Plus nombreux seront les projets d’agroforêt plus certaines économies d’échelle pourront être faites (mécanisation de la multiplication des plantes) et plus nombreuses seront les agroforêts existantes plus certaines ressources en matériel végétal seront accessibles (graines, boutures, greffons, bulbes). II. Vivre dans l’agroforêt comme commun d’actionnaires L’investissement traduit la volonté des entreprises d’intégrer l’amont en réduisant l’incertitude sur un approvisionnement biosourcé, la volonté des ménages de s’équiper en arbres fruitiers « liquidables » au grès des déménagements, la volonté des éleveurs d’accéder à du fourrage ou la volonté d’association environnementale de traduire leur but in situ. L’investissement doit permettre l’établissement d’un système de ressources pour ces acteurs et la composition du système de ressources est d’autant plus complexe que les attentes sont variées. Les titres donneront des droits sur l’agroforêt et l’agroforêt produit un faisceau de droit, pour ses usagers c’est un commun dont il s’agit d’établir des règles de gouvernance afin d’assurer sa pérennité. Le gérant de l’agroforêt doit permettre la fourniture du système de ressources. Les ménages peuvent par ce moyen tendre vers la maîtrise de leur empreinte écologique en liant leur consommation à une surface et sur le cours terme shunter toute une partie de la chaîne de valeur et éviter les pollutions dues au transport ou aux emballage. La SAS agroforêt peut être considérée comme une entreprise sociale et solidaire vis à vis des ménages pauvres qui peuvent grâce à elle se soutenir par l’auto cueillette ou accéder à des denrées dont ils sont exclus du fait du coût de la cueillette comme les cerises ou les framboises qui peuvent s’échanger à plus de 5€ le kg. Pour les entreprises de transformation, on pourrait considérer les actions de SAS agroforêt comme un élément du fonds de commerce, leur approvisionnement impliquant une empreinte foncière et une allocation de la terre en concurrence avec d’autres allocations si bien que l’intégration de l’amont dans un monde qui se sait fini devient moins incertain et plus responsable que le recours au marché. L’enjeu est de lié dimension de l’outil de transformation et capacité d’approvisionnement permise par les agroforêts plutôt que de faire un modèle sur un outil donné en espérant que le marché de l’approvisionnement suivra quitte à mettre en valeur de nouvelles terres. Les éleveurs doivent se concerter avant de

    Par Le Goanvec M.

    18 juin 2021

    Actifs fossiles, les nouveaux subprimes ? Quand financer la crise climatique peut mener à la crise financière

    « L’Institut Rousseau publie aujourd’hui un rapport de première importance en coopération avec plusieurs organisations non-gouvernementales et associations françaises et étrangères spécialisées dans les questions financières et écologiques, au premier rang desquelles Les Amis de la Terre et Reclaim Finance. Le Monde et Bloomberg, ainsi que Die Zeit (Allemagne) et l’Avvenire (Italie) en assurent un décryptage en exclusivité. Ce rapport démontre que non seulement les grandes banques continuent de financer massivement les énergies fossiles mais également que ce type de financement peut constituer un danger de toute première importance pour la stabilité financière et monétaire. En effet l’exposition brute aux actifs fossiles d’un certain nombre de banques excède le niveau de leurs fonds propres. En d’autres termes, les actifs fossiles pourraient devenir les « subprimes » de demain. Pour sortir de cette situation, les auteurs proposent plusieurs solutions concrètes visant à permettre aux banques de se délester de leurs actifs fossiles en échange d’un engagement ferme à mieux financer la transition écologique (structure de défaisance), mais aussi des réformes profondes de la politique monétaire et prudentielle pour accompagner ce mouvement. » Nicolas Dufrêne, directeur de l’Institut Rousseau   Résumé exécutif L’addiction des banques aux énergies fossiles : un danger pour le climat Selon le rapport Banking On Climate Chaos 2021, les 60 plus grandes banques mondiales ont accordé 3 393 milliards d’euros[1] de financements aux entreprises du secteur des énergies fossiles entre 2016 et 2020[2]. Contrairement à ce que leurs discours et engagements peuvent laisser penser, les banques européennes n’ont pas infléchi leurs financements aux énergies fossiles. Certaines ont même continuellement augmenté leurs soutiens à cette industrie, première responsable des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, pour respecter l’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015, il est impératif de mettre immédiatement fin au développement des énergies fossiles et d’en programmer la sortie progressive et totale. La production mondiale de charbon, pétrole et gaz fossile doit ainsi diminuer de 6 % par an d’ici 2030 pour nous laisser une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C[3], une trajectoire aux antipodes de celle que dessinent les flux financiers actuels. Les actifs fossiles : un double risque climatique et financier Le soutien des banques aux entreprises du secteur des énergies fossiles n’est pas nouveau. Avant comme après la signature de l’Accord de Paris, elles ont accumulé des centaines de milliards d’actifs financiers liés à l’exploration, à l’exploitation, au transport et à l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz. Or ces stocks d’« actifs fossiles » ont une importance déterminante pour la stabilité du climat comme celle du système financier. En fournissant fidèlement à cette industrie les capitaux dont elle a besoin pour opérer et investir, les banques financent des volumes colossaux d’émissions de gaz à effet de serre. Ce faisant, elles limitent également leur capacité à financer des alternatives durables, car les liquidités et réserves consacrées aux géants des énergies fossiles et à leurs projets sont autant d’argent qui ne peut être mobilisé en faveur de la transition. Ainsi, les banques accumulent des actifs financiers qui apparaissent comme sûrs selon leurs critères d’analyse actuels, mais sont en fait très exposés aux risques climatiques, toujours ignorés des acteurs financiers et de la réglementation bancaire. Avec la finance verte et des stratégies souvent incohérentes, le secteur financier tente de se voiler la face sur des risques qui deviennent pourtant de plus en plus importants au fur et à mesure qu’ils ne sont pas correctement traités. Car tous ces actifs fossiles risquent de devenir des « actifs échoués » – c’est-à-dire de perdre fortement de la valeur et de la liquidité, car le respect de l’Accord de Paris entraînera une baisse importante et continue de l’utilisation des énergies fossiles. Comme tous les risques, ces actifs échoués sont d’autant plus dangereux qu’ils sont ignorés : c’était le cas lors de la crise des subprimes – qui a engendrée de nombreuses faillites bancaires, une récession mondiale, une poussée du chômage et des inégalités –, et notre étude montre que l’ampleur du risque des actifs fossiles est sous-estimée par les milieux financiers. Dans ce contexte, la dévalorisation des actifs fossiles détenus par les banques qui accompagnera l’inévitable transition écologique, pourrait produire d’importantes turbulences voire générer une nouvelle crise financière. La perte de valeur plus ou moins rapide enregistrée par les banques pourrait aller jusqu’à les mettre en situation de faillite s’il s’avérait que leurs fonds propres – volume de capitaux détenu par les banques visant à leur fournir un matelas de sécurité en cas de coup dur – sont insuffisants pour l’absorber et que les mécanismes d’assurance ne suffisent plus. Ce contexte est le même que pour la crise des subprimes, où les banques, refusant pendant de longs trimestres d’ouvrir les yeux sur la catastrophe à venir, ont fait exploser une situation pourtant évitable, aboutissant à de nombreuses faillites bancaires, dont celle de Lehman Brothers – 4ème plus importante banque d’affaire des Etats-Unis de l’époque. Notre étude se propose d’évaluer ces risques financiers liés au climat pour les grandes banques de la zone euro, afin de promouvoir une gestion anticipée des stocks d’actifs fossiles compatible avec la préservation de l’environnement comme de la stabilité du système financier.   Les banques de la zone euro, au bord d’un gouffre invisible Notre étude approfondie des 11 principales banques de la zone euro révèle qu’elles cumulent un stock de plus de 530 milliards d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles, soit 95 % du total de leurs fonds propres. Ces actifs représentent pour toutes les banques étudiées une part très importante de leurs fonds propres[4], allant de 68 % pour Santander à 131 % pour Crédit Agricole. Ceci est d’autant plus grave que ces actifs fossiles ne représentent que la face émergée de l’iceberg gigantesque formé par tous les secteurs qui nécessiteront forcément une transi- tion – aéronautique, automobile, pétrochimie, etc. On ne peut donc pas exclure un effet « boule de neige » menant à une crise. Dans le scénario dans lequel une perte de

    Par Giraud G., Nicol C.

    10 juin 2021

    Repenser le financement des entreprises vertueuses et les politiques prudentielles en intégrant la solvabilité socio-environnementale

    La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com Télécharger le brief en pdf Download the pdf version in English   ____   Introduction Face aux contraintes environnementales de plus en plus pressantes[3] et à l’insuffisance de l’effet du pricing du carbone, une transition environnementale va nécessiter des investissements massifs « vertueux » vers les secteurs décarbonés et une réduction des investissements dans les secteurs polluants, mais aussi dans les secteurs sociaux, solidaires et circulaires. Or, les investissements verts sont encore largement insuffisants. En effet, leurs coûts initiaux étant généralement très importants, il est rare que les entreprises aient les fonds propres nécessaires, et ces dernières se tournent donc vers des sources de financement externe (crédit bancaire, marchés de capitaux, marchés boursiers) et se heurtent à une indisponibilité des ressources financières. Le crédit bancaire étant souvent rationné, les entreprises sont donc incitées à chercher des financements sur les marchés de capitaux et boursiers, difficilement trouvables du fait de faibles rendements et liquidité et de hauts risques, auxquelles s’ajoutent les appels de marge des chambres de compensation[4]. En prenant des appels de marge, elles garantissent la transaction si l’une des parties fait défaut, afin d’éviter une faillite à la chaîne. Or la hauteur des appels de marge et les commissions des courtiers peuvent pousser des entreprises à quitter les marchés organisés eux-mêmes pour se financer sur les marchés de gré à gré risqués et dark pools, augmentant le risque systémique. Trois problématiques en découlent : La dégradation de l’environnement et son impact sur la production ; Le risque systémique financier du fait de la dérégulation financière et de la croissance des marchés de gré à gré ; Le risque macro-économique déflationniste : une explosion de la dette privée et une situation économique trop faible pour la soutenir mènent à une spirale déflationniste et à une dépression forcée (scénario « à la japonaise »). Le niveau de dette privée provoque une faillite des ménages et des entreprises en chaîne et donc potentiellement des banques, une explosion du chômage, et bloque tout investissement. Nous en concluons qu’il semble impossible de mener une politique environnementale qui ne soit pas macro-prudentielle, car il ne serait alors pas possible de réunir les incitations et investissements nécessaires à la transition. Et inversement, une politique macro-prudentielle doit nécessairement être environnementale[5], autrement la dégradation de l’environnement mènerait à la dégradation de la production, du capital, de l’emploi, du ratio d’endettement et de la qualité de vie sur terre, et donc à une dépression forcée. Les politiques environnementales et macro-prudentielles sont donc liées[6], et il est vital que cette interdépendance soit comprise par le régulateur avec la réalisation de stress-tests environnementaux. Nous proposons donc une politique macro-prudentielle écosystémique intégrant la régulation socio-environnementale, dont l’objectif serait d’augmenter les capacités de financements, les incitations et l’accès à l’investissement vert tout en réduisant les risques déflationnistes et environnementaux. Elle se décline à la fois sur le financement bancaire, le refinancement des banques commerciales et le financement de marché désintermédié, pour cibler tout type d’entreprise et toute source d’instabilité financière, en s’appuyant sur une redéfinition des principes comptables intégrant la solvabilité socio-environnementale. Politiques de régulation macro-prudentielles écosystémiques L’objectif de ces politiques est d’élaborer un système de réallocation des capacités de financement des entreprises non-vertueuses vers les plus vertueuses avec des garanties publiques, visant à réduire le ratio d’endettement tout en augmentant les investissements verts, avec des politiques monétaires et des formes de partenariat public-privé pour ce faire. Faciliter le financement des entreprises vertueuses verdirait le capital total mais augmenterait son volume, neutralisant en partie l’impact environnemental positif. Il est donc nécessaire d’également limiter l’expansion du financement des entreprises « brunes ». Cela réduirait les opérations risquées et favoriserait des investissements à effet de levier plus faibles et plus connectés à l’économie réelle, diminuant le risque financier systémique. Des régulations prudentielles (Bâle III, Solvabilité II) ont déjà été introduites après la crise de 2007, obligeant les banques à maintenir un certain ratio de liquidité et de solvabilité[7] afin d’éviter une nouvelle crise causée par une expansion incontrôlée du crédit et une crise de liquidité. Toutefois, ces régulations absolument nécessaires viennent directement pénaliser l’investissement vert car plus risqué et peu rentable.[8] L’enjeu est de ne pas pénaliser les investissements vertueux tout en maintenant un même niveau prudentiel écosystémique justement par la diminution du risque environnemental et le transfert des surcapacités de financement, garanties et collatéraux des investissements polluants vers les investissements vertueux. Ainsi, plusieurs solutions existent pour diminuer la contrainte bancaire de crédit :   Une politique des taux Bien que les trois principaux taux directeurs, communs à toute banque, soient déjà faibles, il serait possible de les différencier selon les établissements et les prêts, en : Individualisant le taux de refinancement auprès de la banque centrale (refi) pour chaque établissement et demande de refinancement, avec un taux plus faible pour les banques avec un bilan/une demande « verts », et un taux réellement pénalisant pour les bilans/demandes « bruns ». Réduisant et plafonnant le taux de prêt marginal (le taux de prêt de liquidité aux banques commerciales qui dépassent le volume de création monétaire permise par le refi, prêt toujours accepté) pour les banques à bilan vert, et inversement pour les bilans bruns. Augmentant le taux de rémunération des dépôts à la banque centrale seulement pour les banques qui ont un niveau particulièrement élevé de créances vertes. Cela inciterait les banques à verdir leur bilan pour profiter de cette rémunération aujourd’hui négative donc à perte, et une fois verdis les dépôts réalisés à la banque centrale limiteraient d’autres effets de levier et auraient un rôle prudentiel. Ainsi, individualiser les taux pour chaque demande de refinancement serait particulièrement incitateur pour les banques et renforcerait la transparence d’information pour le régulateur car obligerait les banques à motiver leurs demandes selon le type de prêt et à flécher leur allocation de crédit. Pour

    Par Chémali L., Souffron C.

    1 juin 2021

    Sortir de l’impasse climatique par la défaisance carbone

    Les dérèglements climatiques constituent une menace existentielle pour les sociétés humaines. Celles-ci sont engagées sur une trajectoire de réchauffement qui pourrait atteindre +4,8°C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels. De tels niveaux de réchauffement à la fin du siècle posent un risque de dégradation sans précédent des conditions de vie sur la planète. Eviter ce scénario catastrophe nécessite une réduction d’ampleur des émissions de gaz à effet de serre (GES), qui placerait l’humanité sur une trajectoire climatiquement soutenable.

    Par Driouich R.

    17 mai 2021

    Une politique européenne de crédit pour l’Agenda 2030

    En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Pour cette note, nous remercions Mireille Martini, économiste et co-auteur avec Alain Grandjean de « Financer la transition énergétique », pour ses commentaires sur une version précédente de ce texte. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contacts : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et denis.dupre@univ-grenoble-alpes.fr. Télécharger le Policy Brief en pdf Download the Policy Brief as a pdf 1. La financiarisation et la montée des périls systémiques Il est désormais établi que la financiarisation[1] croissante de l’économie mondiale facilite l’accélération du dérèglement du Système Terre. Comme le montre la figure 1, une simple régression linéaire entre le développement financier mondial (mesuré par le ratio M2/PIB) et les kilotonnes d’émissions de CO2 affiche un coefficient de corrélation de 0,953. De même, une régression linéaire entre la capitalisation boursière mondiale et les émissions de CO2 affiche un coefficient de corrélation de 0.960[2]. Ces données sont à interpréter dans le cadre plus large de l’évolution conjoint des indicateurs socioéconomiques et bio-géophysiques et du dérèglement du Système Terre causé par la Grande Accélération Industrielle (Steffen et.al, 2015). Figure 1. Emissions atmosphériques de CO2 et développement financier mondial, 1960-2019 (p-value 0.000) Données : Banque Mondiale, calcul Lagoarde-Segot & Martinez (2021) En dépit de l’urgence climatique, les politiques monétaires et prudentielles suivies par la plupart des Banques Centrales ces dernières années ont contribué à accroitre, plutôt qu’à inverser, cette dynamique de dérèglement systémique. Ainsi, depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont émis de la monnaie de réserve (que l’on appelle aussi M0 ou « base monétaire ») pour financer les États, les entreprises et les banques dans la zone euro où le financement monétaire des Etats est interdit par le mandat de la BCE. La BCE a ainsi permis à des entreprises et des banques « zombies » de survivre ; rachetant massivement les dettes privées, et sauvant au passage les investisseurs en socialisant leurs pertes. Le soutien à l’économie réelle – par le canal du crédit aux entreprises – a constitué la principale justification invoquée pour ces politiques de « quantitative easing ». Cependant, la monnaie utilisée dans les transactions économiques prend aujourd’hui principalement la forme de dépôts bancaires ; et comme l’indique la Banque d’Angleterre (2014) ainsi que la majorité des spécialistes de la monnaie, ces dépôts bancaires, convertibles sur demande en espèce, sont en grande majorité créés par le canal du crédit bancaire. Les banques n’ont pas besoin de réserves initiales pour accorder des prêts au public, puisque le système monétaire leur permet un accès continu à la monnaie de réserve (via le recours au marché interbancaire ou la facilité de prêt de la Banque Centrale)[3]. Le financement de l’économie réelle repose en réalité sur les anticipations des banques concernant l’état futur de l’économie et la robustesse des collatéraux apportés. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater, comme le montre la figure 1, que les milliers de milliards de monnaie de réserve injectée dans le système financier ont alimenté le développement de bulles spéculatives, tant celui des actions que de l’immobilier. Et même si une demande de financement de projets viables permettant une transition compatible en accord avec l’accord de Paris sur le Climat existait, rien ne contraint aujourd’hui les banques à y répondre. Figure 1 Base monétaire Cette dynamique monétaire et financière s’accompagne d’une forte augmentation des inégalités de revenus (ex : mal-logement pour les uns, plus-values immobilières pour les autres) qui a pour toile de fonds une montée de l’endettement privé et une désindustrialisation massive de maints pays européens. Dans ce contexte de montée des périls qui pourrait, dans le pire des cas, entrainer un effondrement de certains pays européens[4], nous appelons à prendre une série de mesures énergiques et adaptées à l’urgence de la situation. Il s’agit de planifier rapidement le financement des transitions énergétique, sanitaire, et agricole, ainsi que l‘accès aux soins et aux médicaments, pour atteindre rapidement une production locale minimale de survie des populations sur ces plans, et permettre la résilience de la société face aux chocs. Les solutions techniques les plus souvent mises en avant pour financer cet « effort de guerre » sont connues. Il faudrait soit réorienter l’épargne, soit flécher une création monétaire spéciale « transitions », soit augmenter les impôts, soit accroitre le déficit des états. L’idéal serait bien entendu un mixte des quatre solutions. Dans cette note nous présentons toutefois une cinquième piste, évoquée en détail par Lagoarde-Segot (2020). Celle-ci consiste en une ambitieuse refondation de la politique de crédit à l’échelon européen, basée sur la réintroduction de mesures ayant déjà fonctionné par le passé dans un contexte similaire, ou étant actuellement en place dans d’autres pays. Avant de détailler les mécanismes proposés, il convient néanmoins de souligner que le succès de toute politique de reconstruction écologique est conditionnel à la mise en place d’une taxonomie robuste entre le secteur « brun » et le secteur « ODD-compatible ». A ce titre, la taxonomie de l’UE pour les activités durables, norme élaborée dans le cadre du » European Green Deal » européenne en lien avec les engagements de l’Agenda 2030 est encore

    Par Lagoarde-Segot T., Dupré D.

    3 mai 2021

    L’hydrogène bas carbone au service de la transition

    La France et l’Allemagne ont conjointement fait, dans le courant de l’été 2020, des annonces concernant leur stratégie hydrogène. Ces annonces signalent un nouvel horizon pour l’hydrogène. La France a ainsi annoncé un investissement de 7 milliards d’euros avec l’objectif d’une capacité de 6,5 GW d’électrolyseurs installée à horizon 2030. On rappelle qu’à l’été 2018 le Plan Hulot, pourtant défendu par un ministre très combatif pour les questions environnementales, ne prévoyait que 100 millions d’euros pour déployer l’hydrogène bas carbone dans l’industrie, les mobilités et l’énergie.

    Par Mante F.

    21 avril 2021

    Pour un service public de la rénovation

    S’il est bien un secteur qui a été sous les feux des projecteurs de l’année 2020, c’est celui du bâtiment. Crise écologique, sociale, sanitaire… celui-ci est au centre des enjeux de notre époque et pourtant la situation n’est pas nouvelle. Après des décennies de lutte contre le mal-logement, la précarité énergétique dans la sixième économie du monde ne recule pas et concerne toujours 7 millions de personnes[1]. Pire encore, il est certain que les conséquences de la Covid-19 viendront accroître bien plus encore le nombre de ménages concernés. Parallèlement, la lutte contre le changement climatique infuse de plus en plus dans les discours politiques et le poids prépondérant des secteurs résidentiel et tertiaire dans les émissions nationales de gaz à effet de serre est ainsi mis en lumière. Avec près de 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés dans le plan de relance, le message du gouvernement veut être clair : la rénovation énergétique des bâtiments doit être une priorité de la transition écologique. Pourtant, face à ces enjeux immenses, nous verrons en quoi la politique menée actuellement par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique et sociale. En conséquence, il convient de proposer un certain nombre de mesures concrètes pour colmater les brèches des nombreux dispositifs existants, puis d’établir les bases d’une structure véritablement capable de se donner les moyens d’agir sur le temps long en confiance avec les citoyens.   Télécharger la note en pdf 1. Le secteur du bâtiment à la peine face aux enjeux climatique et social 1.1 Le poids majeur du bâtiment dans les émissions nationales de gaz à effet de serre Document de référence en matière de planification écologique, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) précise secteur par secteur les efforts restant à accomplir pour que la France puisse atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Pour le bâtiment, à l’origine de 19 % des émissions nationales en 2018 (deuxième secteur le plus émissif derrière les transports)[3], l’enjeu est considérable puisque cela signifie qu’en 30 ans, il devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) quasiment à 0. Or, ce secteur a déjà dépassé de 11 % le budget carbone[4] qui lui était fixé pour la période 2015-2018. Comme l’illustre le graphe ci-dessous, la marche est donc importante pour infléchir rapidement la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. L’effort est d’autant plus important si l’on prend également en compte les émissions liées à la fabrication des matériaux de construction (celles attribuées à l’industrie dans la SNBC) : le bâtiment est alors responsable d’un tiers des émissions !   Figure 1 : Stratégie Nationale Bas-Carbone (Mars 2020)   Les émissions des bâtiments sont partagées entre celles liées aux segments résidentiel (pour 58 %) et tertiaire (pour 42 %) et proviennent principalement de l’utilisation du gaz et du fioul pour les usages thermiques (60 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient de combustibles fossiles[5]), ainsi que des gaz fluorés utilisés comme fluides frigorigènes[6]. Ainsi, la Stratégie Nationale Bas Carbone stipule qu’une décarbonation complète du secteur à horizon 2050 implique : Des efforts très ambitieux en matière d’efficacité énergétique, avec une forte amélioration de la performance de l’enveloppe et des équipements, ainsi qu’un recours accru à la sobriété ; De réduire drastiquement la consommation énergétique de ce secteur (le bâtiment consommant 45 % de l’énergie nationale) ; De ne recourir qu’à des énergies décarbonées ; De maximiser la production des énergies décarbonées les plus adaptées à la typologie de chaque bâtiment ; D’avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétique et environnementale, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction. En complément de ces mesures d’ordre plutôt technique énoncées dans la SNBC, il s’agit aussi de prendre en compte d’autres paramètres et de réinterroger nos modes de vie. En effet, comme le montre l’équation de Kaya ci-dessous, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie sont directement dépendantes de l’évolution de facteurs sociologiques. Ainsi, une forte évolution du besoin en surface par personne (liée en partie à une baisse de la taille moyenne des ménages) ainsi que l’augmentation de la démographie peuvent complètement annihiler les efforts accomplis en termes de baisse des facteurs d’émission des énergies et d’efficacité énergétique.   Figure 2 : Équation de Kaya : calcul des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment   Afin de pouvoir analyser conjointement l’enjeu climatique et celui de la précarité énergétique, nous allons particulièrement nous intéresser au secteur résidentiel dans la suite de cette note. Il ne faudrait cependant pas oublier que le secteur tertiaire (hôpitaux, EHPAD, écoles, universités, bureaux, commerces…) est tout aussi important, et sa place au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire est là pour nous le rappeler. 1.2 Le logement, au cœur de la spirale des précarités La précarité énergétique n’est pas la seule à frapper les plus fragiles qui accumulent les précarités de toutes sortes et qui s’auto-alimentent entre elles, telle une spirale infernale. Pour mieux comprendre ce cercle vicieux, il est essentiel de préciser le concept même de précarité et de bien identifier ses sources. La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle II de juillet 2010 comme la difficulté qu’éprouve un ménage dans son logement « à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». La principale critique qui peut être faite à cette définition est l’absence de prise en compte des difficultés énergétiques liées aux déplacements. La précarité énergétique trouve donc sa source dans trois facteurs essentiels : le manque de revenu, le prix de l’énergie et la mauvaise performance énergétique de l’habitat. Un foyer est en situation de précarité énergétique quand il consacre plus de 8

    Par Rougetet Y., Bentolila S.

    14 avril 2021

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