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Quelle stratégie pour un logement abordable et durable ?

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Quelle stratégie pour un logement abordable et durable ?

Les politiques publiques menées en France ne permettent pas de contenir le coût croissant des logements, dont le poids est passé de 20 à 30 % des revenus de la majorité de la population[1]. Si des territoires subissent une vacance élevée[2], les pénuries dans les zones tendues sont telles[3] que les constructions de logements restent très insuffisantes, alors que leurs impacts écologiques sont déjà importants, notamment en termes de gaz à effet de serre (plus d’un tiers des émissions de l’industrie[4]).

Les divers travaux d’évaluation des politiques du logement soulignent que ces résultats médiocres s’expliquent surtout par des soutiens « inversés » : les fiscalités favorisent les rentes immobilières au détriment des logements pérennes abordables. De plus, la métropolisation aggrave les pénuries de logement dans les zones tendues et les problèmes de vacance ailleurs. Pourtant, des politiques cohérentes et efficaces sont possibles et parfois déjà mises en œuvre dans des pays étrangers ou des territoires français. En complément d’une hausse des dépenses en faveur des logements abordables, le succès de ces politiques implique plusieurs transformations globales :

  • Investir dans des résidences principales « abordables » (location ou accession sociale) doit devenir plus rentable que les autres usages (de la location touristique à la rétention foncière en passant par les bureaux), qui doivent être limités dans les zones tendues (par des taxes élevées et/ou une compensation des « non résidences principales »).
  • De la même manière, les réhabilitations lourdes doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones moins tendues, afin de remobiliser les logements vacants dégradés (en lien avec les politiques de rénovation énergétique et du patrimoine bâti et paysager).
  • En complément, les modalités des aides au logement et des avantages de loyers devraient être modulées selon le « taux d’effort » (la part des dépenses de logement dans le revenu). Cela permettrait de fortement diminuer le poids des dépenses de logement de plusieurs millions de ménages à court terme.

De manière transversale, deux autres transformations profondes doivent être engagées par l’État, afin de tarir les principales sources des déséquilibres du logement :

  • Le rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, transports, etc.) vers les villes moyennes et petites permettra à moyen terme de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues, tout en améliorant l’accès aux services publics dans les autres territoires. Un simple rééquilibrage territorial permettrait de résorber plus de la moitié du manque de logement dans les zones tendues.
  • Une plus forte régulation des usages, loyers et qualités des logements impose également un changement d’échelle des contrôles et des sanctions, qui devraient toujours être au moins deux fois supérieures aux gains et dommages occasionnés.

Au-delà de leurs effets directs sur l’accessibilité des logements, ces transformations apporteront des bénéfices publics majeurs : une forte diminution des dépenses contraintes de la majorité des Français (avec une réduction parallèle des rentes et des fraudes), une meilleure cohésion sociale et territoriale, ainsi qu’une réduction efficace et juste de l’empreinte écologique des constructions.

À l’inverse, une forte réduction de la construction sans augmenter l’offre de logement abordable aurait des impacts sociaux extrêmement régressifs pour la majorité de la population, ainsi que des impacts sanitaires négatifs (liés au mal-logement) et des effets pervers écologiques (l’allongement des trajets domicile-travail). Seuls les plus aisés bénéficieraient alors d’une très forte hausse de leur patrimoine, déjà en forte augmentation depuis 2017.

Après un résumé des constats sur l’impasse des politiques « pro-rentes » actuelles, nous montrerons qu’il est possible de diffuser le logement abordable tout en limitant son empreinte écologique, à condition de passer d’une politique centrée sur le nombre total de logement à une politique visant l’augmentation des résidences principales abordables ainsi que la réduction de la sur-demande dans les zones tendues.

I – Des résultats très insuffisants, notamment depuis 2017

Au regard des objectifs fixés (produire 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux, principalement dans les zones tendues), les politiques publiques menées en France n’atteignent que la moitié des objectifs fixés depuis 2010. La construction oscille autour de 350 000 logements construits par an[5], mais cela n’augmente l’offre de résidences principales[6] que d’environ 250 000 (+ 2,5 millions en 10 ans), après déduction des logements devenus vacants ou secondaires, dont la croissance est très forte depuis 2005.

Principaux objectifs et résultats des politiques du logement 2010-2020

  Principaux objectifs Principaux résultats Écart objectifs vs. résultats finaux
Production de logements 500 000 par an + 380 000 logements mis en construction par an

dont seulement + 250 000 résidences principales

– 50 %
Logements sociaux 150 000 par an + 100 000 logements sociaux agréés par an

dont seulement + 70 000 « effectifs »

– 55 %

Sources : Comptes du logement, Parc locatif social et Insee Logement 2021

Les financements de logements sociaux varient eux autour de 100 000 par an (dont 10 000 acquisitions de logements existants dans le parc privé), mais le parc social n’augmente que de 70 000 par an, déduction faite des projets abandonnés, des démolitions et des reventes sur le marché privé non régulé.

Plus grave, la construction chute surtout dans les zones ayant le plus de besoins, notamment depuis 2017. Or l’offre neuve ne suivait déjà pas l’augmentation de la population des grandes métropoles avant 2015 (+ 5 à 10 % de logements vs. + 8 à 15 % de ménages en 8 ans), malgré un volume très important de logements construits chaque année dans ces départements[7].

Les zones « tendues » correspondent principalement aux zonages A et B1, qui regroupent la plupart des grandes agglomérations, le littoral sud et quelques autres territoires touristiques (e.g. Haute-Savoie).

En conséquence, l’augmentation du prix des logements dépasse +160 % depuis 20 ans alors que le revenu salarial n’a augmenté sur la période que de 40 %[8] (et l’inflation courante de 30 %[9]). Cette augmentation dépasse même 200 % dans certaines grandes agglomérations où les loyers ont presque doublé sur cette période[10]. La hausse a surtout été forte entre 2000 et 2010, puis à nouveau depuis 2017 avec +25 % en moyenne nationale sur 4 ans[11], voire davantage dans les agglomérations et littoraux déjà tendus.

La plupart des logements devenant inabordables, le nombre de demandes non pourvues de logements sociaux a augmenté de 20 % depuis 2013, avec 1,5 million (M) de locataires du privé éligibles en attente en 2020[12], parfois depuis plus de 8 ans dans certaines zones. De plus, ces prix excessifs entravent de manière croissante les recrutements de salariés « essentiels »[13] et étendent les trajets quotidiens[14], alors que la concentration des logements les plus accessibles dans certains quartiers est le premier facteur des inégalités scolaires[15].

Si beaucoup d’autres pays européens ont également connu une forte hausse des prix immobiliers depuis 20 ans, la France reste le pays le plus cher de l’Union européenne (depuis le départ du Royaume-Uni)[16] et où les locations touristiques se sont le plus développées[17] en raison de choix politiques relativement constants. En effet, nous allons voir que les soutiens publics sont très largement défavorables au logement abordable (pourtant une priorité affichée depuis longtemps), tout en étant défavorables à la réduction de son empreinte écologique (ce qui n’est une priorité affichée que depuis peu). Les politiques du logement et d’autres décisions publiques soutiennent avant tout les diverses rentes immobilières, puis engagent des aides publiques massives pour limiter les effets de ces rentes sur les ménages les plus modestes.

II – Des politiques largement défavorables au logement abordable

Les politiques du logement mobilisent une forte diversité de dispositifs et des moyens conséquents, soit environ 37 milliards d’euros (Md€) par an de dépenses publiques (en 2019-2021, hors rénovation énergétique)[18], en baisse de 4 Md€ depuis 2016 (Comptes du logement, 2021). Les évaluations réalisées sur ces dispositifs[19] soulignent que peu d’entre eux ont une efficacité forte, la plupart ayant même des impacts plutôt négatifs :

Principaux objectifs, montants et résultats des politiques du logement

Sources : PAP Cohésion, Comptes logement 2021, APL 2022, Bilan logt aidé, Dépenses fiscales, IGF Pinel et  Sgfgas

(Traitements 2018-2021 par l’auteur)

* Cet abattement progressif « par année de détention » des plus-values immobilières hors résidences principales n’apparaît plus dans les documents budgétaires depuis 2017

** Cette dépense fiscale est fortement sous-estimée car elle est comparée à l’abattement sur les autres biens immobiliers qui exonère déjà la plupart des plus-values. Avec 600 000 ventes de résidences principales par an en moyenne à +- 270 000 €, l’exonération (0 vs.  35 % de prélèvements) coûte en réalité au moins 10 Md€/an (la hausse moyenne des prix réels étant de plus de 30 % sur 10 ans, la plus-value moyenne est de 60 000 euros, soit +- 35 Md€/an de plus-values encaissées par an)     

*** Hors 700 000 places pour les personnes âgées et 100 000 places pour les personnes  handicapées  bénéficiaires  de  l’aide  sociale à  l’hébergement (ASH, estimée à 2 Md€/an)

Depuis 2017, la baisse des dépenses publiques s’est concentrée sur les aides au logement (APL), qui sont passées de 18,5 à 15 milliards d’euros par an. Cette baisse a été en partie compensée par une « réduction de loyer de solidarité » (RLS) imposée aux bailleurs sociaux à un niveau équivalent à la réduction des APL, soit environ 1,3 milliard d’euro par an de réduction de leurs ressources et 2 milliards d’euros par an au total avec la hausse de la TVA sur les constructions[20]. En échange de ces ponctions, le gouvernement a mis en avant l’octroi de prêts à long terme ou de titres[21], mais ceux-ci restent à rembourser et/ou sont à rémunérer : environ 10 milliards d’euros de baisse de revenus sur 5 ans sont loin d’être compensés par 3 milliards d’euros de prêts plus ou moins bonifiés. Mais au-delà du niveau limité et décroissant des dépenses soutenant le logement abordable, l’incohérence avec les politiques défavorables au logement abordable est croissante.

Sources : PAP Cohésion, Comptes logement 2021, APL 2022, Bilan logt aidé, Dépenses fiscales, IGF Pinel et  Sgfgas

Nous allons voir que la plupart des soutiens au logement ne ciblent pas l’objectif central de cette politique : le développement de résidences principales à des prix abordables pour la majorité des ménages, notamment en zone tendue (les grandes agglomérations et certains territoires littoraux et frontaliers). À l’inverse, les fiscalités sont très favorables à tout ce qui n’est pas une résidence principale, de la location touristique à la rétention foncière en passant par les bureaux.

2.1. Des fiscalités étrangement favorables aux « non résidences principales »

À l’échelle individuelle d’un investissement immobilier, la politique du logement est doublement défavorable au logement abordable : pour les communes qui autorisent, puis pour les investisseurs (principalement des particuliers multi-propriétaires) qui décident des usages et des loyers.

Pour les communes, les fiscalités accentuent la forte rentabilité des locaux professionnels et rendent négatives les rentabilités des nouveaux logements. En effet, les logements familiaux occasionnent des coûts pour les communes (e.g. scolarisation), mais impliquent des recettes directes peu élevées, notamment depuis la suppression de la taxe d’habitation. Les recettes sont même quasi nulles pour les logements sociaux, à la fois exonérés de taxe foncière et de taxe d’habitation, comme l’a souligné la Commission logement de 2021[22]. Les communes privilégiant les logements abordables sont donc sanctionnées financièrement, alors que celles privilégiant les bureaux et les logements chers sont favorisées, à l’inverse des objectifs affichés de cette politique publique.

Pour les investisseurs, la fiscalité accentue la rentabilité pourtant déjà « naturellement » élevée des locations touristiques : alors que leurs loyers sont le plus souvent 3 à 4 fois plus élevés que pour les locations ordinaires, ces loyers touristiques sont 2 à 3 fois moins imposés. A l’inverse, les locations ordinaires sont donc 2 à 3 fois plus imposées, alors qu’elles sont moins rentables et plus risquées. Dès 2016, une évaluation de la politique des logements meublés soulignait l’incohérence d’imposer les meublés entre 10 et 22 %, alors que leurs gains sont nettement plus élevés que les locations de longue durée, qui elles sont imposées autour de 35 %[23]. Depuis, l’écart s’est encore creusé car les loyers touristiques ne sont pas encadrés dans les zones tendues et permettent de vendre sans décote une fois par an, voire à tout moment. Or l’absence de compensation[24] et la fiscalité avantageuse impliquaient déjà une rentabilité des locations courtes qui dépassait en moyenne 6,5 % en 2015 :

Compte tenu de ces « inversions fiscales »[25], les logements dédiés aux locations courtes (louées plus de 3 mois par an) dans les agglomérations sont passés de 50 000 en 2015 à plus de 200 000 en 2023[26], alors que celles-ci sont le plus souvent illégales dans les villes les plus tendues[27]. À Paris, la « fuite » de 25 000 logements vers les meublés touristiques a eu comme effet d’annuler l’apport de l’ensemble des logements sociaux construits en 7 ans, sans compter les 25 000 résidences secondaires supplémentaires retirées du parc des résidences principales sur la même période (et parfois louées occasionnellement).

Troisième incohérence fiscale, l’abattement progressif sur les plus-values contribue à la persistance d’une vacance de longue durée dans les zones tendues, où 300 000 logements sont vacants depuis plus de 2 ans[28] malgré une forte demande. En effet, 40 % des vendeurs de ces logements vacants attendent « un meilleur prix à venir » en Île-de-France, le manque à gagner étant largement compensé par cette baisse progressive de la taxe sur la plus-value à venir[29]… et par la possibilité de locations courtes « en attendant ».

D’autres avantages fiscaux ciblent en revanche la production de résidences principales neuves. Mais ces défiscalisations sont le plus souvent utilisées en zone détendue et/ou avec des loyers supérieurs aux prix de marché[30] pour un coût public très élevé et très inégalitaire : ils bénéficient principalement aux 1 % les plus aisés. Certaines aides fiscales non conditionnées, associées aux rendements très élevés de l’immobilier des Ehpad (4 à 6 %), ont même contribué à la hausse des tarifs des Ehpad malgré les aides reçues[31].

Enfin, il est à noter que l’allègement des réglementations souvent invoqué pour « libérer » l’offre n’a aucun effet sur les prix, l’essentiel étant déterminé par la demande selon l’étude des experts du Céréma[32].

2.2. Des aides et avantages indispensables, mais parfois peu efficaces et inéquitables

Les pénuries ainsi aggravées de logement abordable entraînent une hausse des dépenses « curatives », dont notamment les aides au logement, qui ont l’avantage de réduire le coût du logement pour près de 6 millions de ménages modestes, mais avec des effets limités, une efficience faible et des impacts inégalitaires :

  • Ces aides personnelles au logement (voir tableau plus haut) sont peu efficaces dans la mesure où les bailleurs augmentent souvent les loyers d’un montant équivalent aux aides, notamment à l’occasion des changements de locataire et lorsque l’offre locative globale est limitée[33]. Des débats existent sur le degré et les conditions de cet effet inflationniste, mais cet effet a été clairement attesté lors de l’augmentation des aides au début des années 1990 en France, ainsi que dans d’autres pays, notamment pour les petits logements et les logements étudiants[34].
  • Le coût public pour un avantage de loyer de 30 % (par rapport au loyer moyen) est 3 à 4 fois moins élevé en subventionnant la production de logements à loyer maîtrisé (1000 à 2000 euros/an sur + ou – 30 ans) qu’en versant une aide personnelle au logement (de 2000 à 6000 euros/an sans limite de durée) ou qu’en ouvrant des places d’hébergement. Surtout, l’aide personnelle contribue à la hausse des loyers privés, alors que les nouveaux logements contribuent plutôt à la baisse des prix et des loyers. Or les aides au logement et à l’hébergement mobilisent cinq fois plus de dépenses publiques que les subventions aux logements sociaux ou à l’accession sociale.
  • De plus, ces aides sont très inégales entre les locataires du privé et les locataires sociaux : la majorité des locataires sociaux ont un taux d’effort net (après aides) inférieur à 10 % de leur revenu alors que plus d’un million de ménages du parc privé dépassent 33 % de taux d’effort net[35] malgré des revenus parfois inférieurs aux locataires sociaux[36]. Ces inégalités sont liées aux modalités complexes des aides au logement (peu sensibles aux loyers) et à leur cumul avec les avantages des loyers sociaux (voir graphique ci-dessous). Il est à noter qu’au regard du contexte inflationniste actuel et du manque croissant de logements sociaux, ce ne sont pas les avantages liés aux loyers sociaux qui sont trop élevés, mais bien les aides aux locataires modestes du privé qui sont trop limitées, voire inexistantes pour les ménages aux revenus « moyens inférieurs » (entre 1 et 1,5 Smic par adulte), y compris lorsqu’ils résident dans les zones tendues et subissent un taux d’effort très élevé.

2.3. Une forte aggravation des déséquilibres due à la métropolisation 

Plus largement, la sur-demande de logements dans les zones tendues est aggravée par la concentration croissante des formations et des emplois dans les métropoles. Tout d’abord, la concentration des formations supérieures dans les principales métropoles (près de 60 % des étudiants pour environ 30 % de la population[37]) implique une sur-demande d’au moins 600 000 logements étudiants. En effet, plus de la moitié des étudiants inscrits sont issus d’autres départements et ne peuvent donc pas résider chez leurs parents, y compris lors des premières années d’études[38]. Cette surconcentration géographique du supérieur est d’autant plus absurde quelle représente le principal frein à l’accès aux qualifications supérieures, en lien avec le plafonnement des places dans les filières courtes bien encadrées, pourtant nettement plus adaptées pour la majorité des bacheliers[39].

Au-delà des étudiants, la surconcentration des établissements publics en Île-de-France (82 ETP publics/1000 habitants, voire 135 pour Paris contre 69 hors Île-de-France[40]) et dans les agglomérations les plus tendues (Lyon, Nice, Bordeaux, Strasbourg, etc.) augmente d’au moins 300 000 les besoins en logement liés aux emplois publics dans ces zones (+0,015 emploi public/habitant x 20 M d’habitants). Par exemple, on se demande ce qui justifie que 40 % des 35 000 salariés du CNRS soient localisés en Île-de-France.

Or ces concentrations des formations et de la recherche publique ne font pas que s’ajouter à la concentration des emplois privés dans les métropoles. Avec la qualité des infrastructures, l’offre de formation et la recherche sont les principaux facteurs expliquant l’implantation croissante des emplois privés dans les métropoles. Très largement documentés, ces facteurs (infrastructures, recherche et formation) sont même reconnus comme étant les plus importants par les services du gouvernement en charge de la politique d’attractivité, alors que les politiques récentes de baisse de la fiscalité et des coûts du travail n’ont en réalité qu’un effet marginal selon l’ensemble des évaluations menées à ce jour[41].

Cumulées, ces sur-concentrations d’étudiants et d’emplois impliquent un besoin de nouveaux logements abordables qu’aucune métropole n’arrive à rattraper, malgré un rythme très élevé et très coûteux de constructions. Par exemple, sur la métropole de Montpellier où la construction est massive et la politique volontariste, l’ajout d’environ 1000 logements abordables par an[42] reste très insuffisant pour accueillir 8000 nouveaux habitants chaque année et répondre à un « stock » de demandes dépassant 25 000 ménages éligibles. Ce rythme trop lent au regard de la sur-demande paupérise les demandeurs en attente et entrave l’émergence des politiques de peuplement, qui visent à mieux répartir les logements sociaux dans les agglomérations afin de lutter contre les ghettos sociaux et communautaires. En effet, la demande de logements sociaux est telle qu’il n’est pas possible de supprimer la majorité du parc social actuel (concentré dans les quartiers prioritaires) et de le remplacer par des logements bien diffusés dans les différents quartiers.

À l’inverse, le sous-investissement dans les dessertes des villes moyennes contribue à la fuite d’une partie de leurs emplois privés, comme l’illustre la révolte en cours à Limoges[43] où plus de 2200 emplois directs de l’entreprise Legrand sont menacés de délocalisation en raison de l’enclavement croissant de la ville, pourtant dénoncé de longue date par l’ensemble des élus et acteurs locaux.

2.4. Des contrôles encore très rares et des sanctions très peu dissuasives

De très nombreuses régulations des prix, usages et qualités des logements existent déjà, mais elles sont très rarement contrôlées et font l’objet de sanctions « incitatives » car très inférieures aux gains réalisés :

  • Les régulations des locations courtes font l’objet de contrôles croissants, mais avec des amendes encore très inférieures aux gains[44] et des propriétaires protégés une fois sur trois par des procédures complexes qui imposent à la collectivité de prouver le statut initial de logement (et non de local commercial) avec des documents datant des années 1970.
  • Pour les marchands de sommeil (qui louent à des prix très élevés des logements sur-occupés et/ou insalubres), les amendes moyennes représentent le plus souvent moins de 10 % des profits illégaux encaissés : moins de 10 000 euros d’amende moyenne pour plus ou moins 90 condamnations par an[45] contre des amendes encourues de 150 000 euros et des gains souvent supérieurs à 100 000 euros. De plus, ces amendes ne prennent pas en compte les coûts sanitaires occasionnés, notamment l’asthme sévère, dont la seule prise en charge financière dépasse 10 000 euros par an[46].

La plupart des politiques publiques du domaine étant à la fois défavorables à la diffusion du logement abordable et à la réduction de son empreinte écologique, une stratégie globale de transformation s’impose, afin de refonder, voire d’inverser les fiscalités, subventions, allocations et régulations actuelles.

III – Une stratégie globale de transformation

Si un renforcement des moyens accordés au logement abordable est nécessaire, nous avons vu que les freins à l’œuvre sont bien plus diversifiés et puissants. De plus, aboutir à une diffusion du logement abordable tout en limitant son empreinte écologique ajoute des difficultés, mais n’est pas sans solution. Une transformation globale pourrait permettre d’atteindre ce double objectif, en combinant :

  • L’inversion des avantages fiscaux immobiliers, actuellement très favorables aux locations courtes, à la rétention foncière et aux bureaux, alors que ces usages devraient être nettement plus imposés et parfois limités dans les zones les plus tendues (voir partie 4.1).
  • Des subventions rentabilisant les réhabilitations lourdes, afin qu’elles permettent de remobiliser les logements vacants dégradés, en particulier dans les zones moins tendues (4.2).
  • Une modulation selon le « taux d’effort » des aides au logement et avantages de loyers réduirait les dépenses contraintes de millions de ménages à court terme (4.3).
  • Le rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, transports) vers les villes moyennes et petites, afin de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues, tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires moins couverts (4.4).
  • Une plus forte régulation des usages, loyers et qualités des logements, avec un contrôle et des sanctions qui doivent changer d’échelle pour rendre effectives les améliorations visées (4.5).

Plusieurs exemples locaux ou étrangers et l’analyse des données disponibles sur les logements en France suggèrent que l’utilisation de l’ensemble de ces transformations pourrait permettre de passer d’un régime de « neuf cher, fuites de logements et rentes immobilières » à un régime de « neuf abordable, remobilisation de l’ancien et diffusion du logement abordable ».

La combinaison de ces transformations des politiques du logement et de l’aménagement du territoire rendrait les dépenses publiques plus efficaces et équitables et permettrait la mise en place d’effets positifs cumulés :

  1. La remobilisation des logements vacants ou occasionnels et des bureaux vacants dans les zones tendues permettrait de rapidement réduire les besoins de logement les plus urgents, tout en limitant les besoins de construction, qui resteront toutefois nécessaires à un rythme élevé dans ces territoires dans un premier temps.
  • Le potentiel mobilisable dans ces territoires tendus est de 300 000 logements vacants depuis plus de 2 ans et 200 000 locations occasionnelles[47], auxquelles s’ajoutent une partie des 200 000 logements vacants depuis 1 à 2 ans, au moins 50 000 équivalent-logements dans des bureaux vacants et un volume non estimé dans des bâtiments publics sous-occupés[48]. En ne visant que la moitié de ce potentiel, au moins 400 000 logements sont mobilisables dans l’existant en 5 ans.
  1. La rentabilisation des réhabilitations de logements vacants dégradés permettrait de fortement réduire les constructions dans les zones détendues, sachant que 100 000 à 150 000 logements par an sont encore construits dans ces territoires qui subissent pourtant une vacance élevée, notamment dans les centres villes.
  • Le potentiel mobilisable dans ces territoires détendus est de 800 000 logements vacants depuis plus de 2 ans et d’une partie des logements vacants depuis 1 à 2 ans[49]. Ce potentiel sera limité dans un premier temps par le manque d’emplois et de formations supérieures, mais au moins 400 000 logements vacants peuvent être remobilisés en 5 ans grâce à un rééquilibrage territorial progressif des formations et des services
  1. Le rééquilibrage des offres de formation supérieure et des emplois publics permettrait plus globalement de réduire progressivement « à la source » la sur-demande de logement dans les grandes agglomérations, tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires moins couverts.
  • La simple réduction de moitié de la suroffre publique actuelle dans les métropoles impliquerait la libération d’au moins 400 000 logements dans les zones les plus tendues (dont 300 000 logements occupés par de jeunes étudiants), soit l’équivalent de plus de 8 ans de production de logements sociaux dans les métropoles, tout en renforçant de plus de moitié l’offre de formation supérieure de proximité pour les jeunes des villes petites et moyennes.

IV – Propositions détaillées pour le logement abordable et durable

4.1. L’inversion des avantages fiscaux immobiliers

Première transformation : les avantages fiscaux immobiliers devraient favoriser les résidences principales abordables et fortement défavoriser les usages occasionnels et spéculatifs des logements, qui devraient être beaucoup plus imposés, voire limités dans les zones les plus tendues. Cela semble évident, mais la situation actuelle est le plus souvent à l’exact opposé.

Proposition 1 : Les locations pérennes abordables doivent devenir plus rentables que les locations courtes. Pour ce faire, il faut appliquer les mêmes contraintes aux locations courtes (encadrement des loyers et interdiction de location des passoires) et les imposer au moins deux fois plus et de manière progressive, par exemple de 40 à 70 % selon les revenus[50] (vs. 20 à 35 % pour les locations normales). De l’autre côté, l’imposition pourrait être nulle pour les locations « sociales » (louées 30 à 40 % en dessous du prix du marché[51]), afin de les rendre plus rentables que les logements loués au prix moyen local. En complément, l’abattement progressif sur les plus-values immobilières doit être supprimé afin de dissuader les usages spéculatifs des logements laissés vacants ou occasionnels dans l’attente d’une vente au prix le plus haut. Pour ce faire, il suffirait de prendre en compte dans le calcul de la plus-value l’inflation courante (ce qui n’était pas prévu lors de la dernière tentative[52] de réforme), ainsi que les charges non déjà imputées aux revenus fonciers.

Proposition 2 : Les usages occasionnels doivent être limités dans les zones tendues par des taxes élevées et progressives et/ou par une compensation des « non résidences principales ». La compensation des meublés touristiques – par exemple en transformant un bureau en location ordinaire – est déjà prévue dans certaines villes, mais elle n’est appliquée que depuis peu[53]. Malgré ce démarrage partiel, une stabilisation des locations courtes a été observée depuis 2017-2018 dans les villes concernées par la compensation en France et à l’étranger[54] mais cet effet reste à vérifier sur la période post-Covid. En complément, les logements déclarés vacants ou secondaires doivent également être limités dans ces zones, qu’ils soient loués occasionnellement ou non. Ces usages doivent être a minima contraints par des taxes élevées et progressives, voire par une compensation de toutes les résidences secondaires dans les zones les plus tendues[55].

Proposition 3 : Les dotations locales liées aux nouveaux habitants doivent être supérieures aux coûts liés à leur installation pour les communes. En particulier, les coûts moyens de garde et de scolarisation doivent être largement couverts par les augmentations des dotations de l’État, afin d’encourager les maires qui accueillent davantage de populations en général et de familles en particulier. À l’inverse, les dotations de l’État doivent être réduites en proportion des revenus fiscaux locaux tirés des bureaux et des usages touristiques des logements.

4.2. Rentabiliser les réhabilitations lourdes des logements vacants

Ce premier volet fiscal est décisif pour « colmater » les fuites des logements vers les utilisations occasionnelles et spéculatives, mais il doit être complété par des soutiens massifs aux réhabilitations lourdes. En effet, plus de la moitié des logements vacants sont dégradés, voire très dégradés, y compris dans les zones tendues, ce qui constitue le premier frein à leur remobilisation.

Proposition 4 : Les réhabilitations lourdes de logements vacants doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones peu tendues, en lien avec les politiques de rénovation énergétique et de protection du patrimoine bâti et paysager. En effet, les logements neufs restent aujourd’hui le plus souvent moins coûteux que l’achat-réhabilitation de maisons anciennes[56]. Cela explique les 100 000 à 150 000 constructions par an (sur un total de 350 000 à 400 000 par an[57]) dans ces territoires où plus de 5 % des logements sont pourtant vacants depuis plus de 2 ans, mais le plus souvent très dégradés. Les programmes « Action cœur de ville »[58] ou « Petite Ville de demain » ont été récemment déployés pour remobiliser ces logements vacants des centre-bourgs, mais très peu de moyens ont été ajoutés aux aides classiques de l’Anah[59], alors que le neuf bénéficie le plus souvent de diverses subventions des collectivités. En revanche, lorsque les moyens mobilisés sont importants, comme dans le Bas-Rhin[60], le rythme de remobilisation des logements vacants dégradés a pu être multiplié par 5 à 10 par rapport à la moyenne nationale.

Proposition 5 : Les acquisitions-améliorations de logements sociaux doivent devenir moins coûteuses que le neuf, afin de contribuer à l’augmentation de l’offre totale de logement abordable tout en limitant les besoins de constructions. Dans les villes moyennes, les logements vacants des centres villes doivent être ciblés en priorité. Dans les agglomérations, ces opérations permettront de mieux répartir les logements sociaux, tout en en incitant les bailleurs sociaux à racheter et à réhabiliter les « passoires thermiques » qui vont être progressivement interdites à la location d’ici 2035. Les résultats de ce soutien prioritaire aux acquisitions-améliorations sont déjà attestés, par exemple à Guingamp, où la part des nouveaux logements sociaux dans l’ancien est passée d’un tiers à deux tiers en quelques années.

4.3. Moduler les aides et avantages de loyer selon le taux d’effort

En complément des dispositifs favorisant la remobilisation de logements pérennes et abordables, les modalités des aides et avantages de loyer doivent également être transformés, à la fois pour limiter les dépenses contraintes des ménages les plus exposés à court terme, mais également dans le but de limiter les inégalités du système actuel qui entretiennent un sentiment d’injustice le plus souvent fondé.

Proposition 6 : Les aides au logement doivent être modulées selon le « taux d’effort » et prendre en charge par exemple 50 % des dépenses de loyer au-delà de 20 % du revenu, y compris entre 1 et 1,5 Smic par adulte. Afin de limiter les effets inflationnistes, ces aides doivent être plafonnées, ainsi que les loyers pris en compte selon les zones. Ce changement a notamment été proposé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)[61], mais n’a pas été soutenu par la Cour des Comptes[62] qui n’avait pas envisagé la possibilité de plafonner les loyers pris en compte pour les aides[63].

Proposition 7 : Les attributions de logements sociaux doivent être révocables au plus tard un an après le dépassement des plafonds de revenu dans les zones les plus tendues. Cela permettrait de diviser par plus de deux le taux d’effort de nombreux demandeurs prioritaires, en particulier les salariés « essentiels » qui doivent travailler au cœur des métropoles (avec un potentiel d’au moins 200 000 logements sociaux libérables rien qu’en Île-de-France[64]) et plus globalement de rétablir l’équité de base devant les avantages sociaux.

4.4. Rééquilibrer l’offre de formation et les emplois publics vers les villes moyennes et petites

Afin de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires plus détendus, il est nécessaire d’engager un rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, infrastructures) vers les villes moyennes et petites. En effet, ces sur-concentrations sont à la source des grands déséquilibres du logement.

Proposition 8 : Rééquilibrer l’offre de formation supérieure en doublant l’offre des filières courtes et des licences bien encadrées. Un doublement progressif des places dans ces formations de proximité permettrait de réduire de moitié la surconcentration actuelle du supérieur dans les métropoles, tout en favorisant l’accès aux qualifications du supérieur. Cette proposition rejoint celles du CAE[65] et s’appuie sur l’ensemble des évaluations du domaine, qui soulignent que ces formations sont nettement plus adaptées pour la majorité des bacheliers, mais souvent peu accessibles car plafonnées en raison de leur coût plus élevé que celui des Licences générales (dont le taux d’encadrement est nettement moins élevé). Une partie de l’offre de Masters pourrait également être davantage localisée dans certaines villes moyennes, comme Limoges qui reste sous-dotée alors qu’elle est une des rares villes universitaires accessibles[66]. En ne transférant que la moitié de l’excès actuel de formations supérieures dans les métropoles vers ces formations de proximité, cela permettrait de libérer au moins 300 000 logements dans les territoires les plus tendus, tout en améliorant de manière massive l’accès au supérieur sur le reste des territoires.

Proposition 9 : Rééquilibrer la localisation des services, infrastructures et emplois publics. Certains emplois et services publics, en particulier les hôpitaux et les organismes de recherche publique sont actuellement très concentrés dans les métropoles et en particulier en Île-de-France, sans lien avec le nombre d’habitants. De même, les infrastructures ferroviaires devraient être prioritairement développées dans et vers les villes moyennes, à l’inverse des politiques menées actuellement. Un simple rééquilibrage vers les territoires « hors métropoles » permettrait à la fois d’améliorer l’accès à certains services publics (notamment de soin), d’augmenter l’implantation d’emplois qualifiés (et d’emplois en général) dans les villes moyennes et de réduire les besoins de logement dans les grandes agglomérations.

De plus, une forte réduction de la tension sur les logements abordables dans les métropoles rendra possible une meilleure répartition des logements sociaux au sein des agglomérations (voir 2.3). En effet, la réduction des tensions permettra notamment de diminuer le coût des acquisitions-améliorations de logements sociaux dans les différents quartiers des agglomérations (voir 4.2 et 2.3).

4.5. Un changement d’échelle du contrôle et des sanctions

De manière transversale, l’effectivité et l’efficacité de ces réformes nécessitent un changement d’échelle dans la régulation des usages, loyers et qualités des logements. Cette régulation est actuellement caractérisée par des contrôles rares et des sanctions minimes et donc quasi-incitatives pour les fraudeurs. Il est à noter que la plupart des élus locaux concernés sont en demande croissante de procédures efficaces et dissuasives[67], le gouvernement étant de plus en plus seul à défendre cette nouvelle spéculation le plus souvent illégale.

Proposition 10 : Pour limiter fortement les fraudes, il faut garantir un contrôle annuel et inopiné des principaux risques, en particulier l’absence de déclaration des locations courtes et de leurs revenus, le dépassement des loyers plafonnés dans les zones tendues, ainsi que la location de logements indignes. Plusieurs territoires ont déjà prouvé qu’il était possible et efficace de garantir un niveau de contrôle élevé, par exemple à Roubaix ou à Saint-Omer pour le contrôle des nombreux logements indignes ou à Paris pour le contrôle des locations touristiques illégales.

Proposition 11 : Les sanctions doivent dépasser de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels selon le degré de récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions. L’objectif serait d’au moins garantir une absence de « rentabilité » des fraudes dans la quasi-totalité des cas [68], tout en collectant des montants importants d’amendes et de saisies mobilisables pour financer les coûts des contrôles ainsi que d’autres missions régaliennes.

Résumé des propositions

Inverser les avantages fiscaux immobiliers

Proposition 1 : Les locations pérennes abordables doivent devenir plus rentables que les locations courtes, en appliquant les mêmes contraintes (encadrement des loyers et interdiction de location des passoires) et en imposant les locations courtes au moins deux fois plus. En complément, l’abattement progressif sur les plus-values immobilières doit être supprimé afin de dissuader les usages spéculatifs des logements laissés vacants ou occasionnels.

Proposition 2 : Les usages occasionnels doivent être limités dans les zones tendues par des taxes élevées et progressives et/ou par une compensation des « non résidences principales », en particulier les meublés touristiques, ainsi que les logements déclarés vacants ou secondaires (loués occasionnellement ou non).

Proposition 3 : Les dotations locales liées aux nouveaux habitants doivent être supérieures aux coûts liés à leur installation pour les communes, afin d’encourager les maires qui accueillent davantage de populations en général et de familles en particulier.

Rentabiliser les réhabilitations lourdes des logements vacants

Proposition 4 : Les réhabilitations lourdes de logements vacants doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones peu tendues, en lien avec les politiques de rénovation énergétique et de protection du patrimoine bâti et paysager.

Proposition 5 : Les acquisitions-améliorations de logements sociaux doivent devenir moins coûteuses que le neuf, afin d’augmenter l’offre totale abordable tout en limitant les besoins de constructions.

Moduler les aides et avantages de loyer selon le taux d’effort

Proposition 6 : Les aides au logement doivent être modulées selon le « taux d’effort » et prendre en charge par exemple 50 % des dépenses de loyer au-delà de 20 % du revenu, y compris entre 1 et 1,5 Smic par adulte.

Proposition 7 : Les attributions de logements sociaux doivent être révocables au plus tard un an après le dépassement des plafonds de revenu dans les zones les plus tendues, en particulier pour libérer des logements abordables pour les salariés « essentiels » qui doivent travailler au cœur des métropoles.

Rééquilibrer l’offre de formation et les emplois publics vers les villes moyennes et petites

Proposition 8 : Rééquilibrer l’offre de formation supérieure en doublant l’offre des filières courtes bien encadrées de proximité, afin de réduire de moitié la surconcentration actuelle du supérieur dans les métropoles, tout en favorisant l’accès aux qualifications du supérieur.

Proposition 9 : Rééquilibrer la localisation des services et emplois publics, en particulier les hôpitaux et les organismes de recherche publique actuellement très concentrés dans les métropoles et en Île-de-France.

Engager un changement d’échelle du contrôle et des sanctions

Proposition 10 : Pour limiter fortement les fraudes, il faut garantir un contrôle annuel et inopiné des principaux risques, en particulier l’absence de déclaration des locations courtes et de leurs revenus, le dépassement des loyers plafonnés dans les zones tendues, ainsi que la location de logements indignes.

Proposition 11 : Les sanctions doivent dépasser de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels selon le degré de récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions.

[1] Voir notamment Insee taux d’effort 2017, Dress 2018 et France Stratégie 2023. Cette sur-inflation a entraîné une chute de l’accès à la propriété pour les jeunes modestes (Insee 2020), ainsi que des inégalités de revenu après dépenses pré-engagées 2 fois plus fortes que les inégalités mesurées en niveau de vie.

[2] Plus de 6 % des logements sont vacants depuis plus de 2 ans dans de nombreux territoires contre 3 % en moyenne : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/logements-vacants-du-parc-prive-par-anciennete-de-vacance-par-commune-et-par-epci/.

[3] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-01/REML2023_Dossierdesynthesecomplet.pdf.

[4] La construction des bâtiments (hors travaux publics) utilise 2/3 des matériaux de construction produits en France (soit environ 11 MtCO2/an, notamment de ciment), près de la moitié de l’acier (9 MtCO2/an) et environ un quart des plastiques, auxquels s’ajoutent les émissions directes des chantiers (3 MtCO2/an), soit plus de 25 MtCO2/an sans compter les importations qui sont en forte hausse.

[5] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publicationweb/390

[6] Ministère de la Transition écologique, Rapport du compte du logement 2020, septembre 2021

[7] Voir les données par département de la base Sitadel https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/construction-de-logements-resultats-fin-avril-2023-france-entiere?rubrique=&dossier=1047

[8] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238391?sommaire=4238781

[9] Sachant que l’inflation n’est mesurée que sur un échantillon de produits et ne prend pas en compte les prix immobiliers

[10] http://www.clameur.fr/Tendances-du-marche/Tendances-nationales/France-entiere

[11] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6052547

[12] https://www.financement-logement-social.logement.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_2020_des_logements_aides_pdf_g_cle1611f7.pdf

[13] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/10/logement-aux-racines-d-une-crise-que-le-gouvernement-tarde-a-affronter_6172711_3224.html

[14] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/10/crise-du-logement-je-suis-au-bout-de-ce-que-je-peux-supporter_6172786_3224.html

[15] Devant l’absence de régulation du secteur privé, comme récemment souligné par François Dubet (Le Monde, 15 mai 2023)

[16] https://www.mysweetimmo.com/2022/02/28/prix-immobilier-en-europe-le-royaume-uni-en-tete-des-pays-les-plus-chers/

[17] Voir APUR « Locations meublées touristiques à Paris » 2020

[18] https://www.agirpourleclimat.net/plan-sobriete-des-opportunites-massives-liees-aux-batiments-a-saisir-enfin/

[19] Voir le résumé de ces évaluations dans la partie 3 suivante

[20] Voir le projet de loi de finances 2018. La baisse des allocations logement de près de 3,5 Mds € par an s’explique aussi par le calcul à partir du revenu de l’année depuis 2021 (vs. celui de l’année n-2, soit – 1 Md € par an) et par la réduction des aides aux accédants à partir de 2018 (- 1 Md €/an). A ces baisses en euros courants s’ajoute la revalorisation inférieure à l’inflation qui a entraîné une baisse du niveau réel de ces aides de plus d’1 Md €/an pour les locataires sociaux et privés modestes.

[21] https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2021-09/perspectives-2021.pdf

[22] Commission pour la relance durable de la construction de logements (2021)

[23] IGF/CGEDD (2016), Evaluation de la politique du logement locatif meublé

[24] Lorsqu’un logement devient un meublé touristique, une compensation (e.g. transformation d’un bureau en location ordinaire) était déjà prévue dans certaines villes en 2016, mais encore très peu appliquée (voir partie 4.1)

[25] Encore récemment soulignées par le rapport IGEDD, IGF et IGA de 2022 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/lutte-contre-l-attrition-des-residences-a3493.html

[26] Le Monde (Dedier et al., novembre 2019) avait recensé 100 000 locations dédiées en 2019 dans les 40 principales villes-centres, auxquelles il faut ajouter au moins 100 000 logements dans leurs agglomérations, en particulier sur la côte basque (+25 000 dont +10 000 sur les 24 communes les plus tendues), autour de Paris (+15 000 selon IPR 2021) et dans les autres Métropoles (au moins + 40 000 selon le site AirDNA)

[27] IPR, « Les locations saisonnières en Île-de-France », 2021.

[28] https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants

[29] CGEDD/IGF, Évaluation des politiques de mobilisation de la vacance, 2016.

[30] IGF, Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, 2019.

[31] Voir Le Monde « Investir dans les chambres d’Ehpad, un placement discutable », 2022

[32] Voir https://politiquedulogement.com/2020/07/les-normes-bouc-emissaire-de-la-hausse-des-prix/#_ftn17

[33] Par exemple, les aides au logement dépassant 300 €/mois pour les personnes isolées très modestes, un bailleur peut leur louer un logement médiocre de 20m² à 20 €/m² dans une agglomération « moyenne », alors que ces populations ne pourraient pas payer plus de 200 €/mois (10 €/m²) sans aide et que les loyers sont 30 à 50% moins élevés pour les plus grands logements et les ménages non aidés.

[34] Voir IGAS, Évaluation des aides au logement 2012, Insee, « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé », 2014, et CAE, « Logement des étudiants et politiques publiques », 2017

[35] IGAS, Évaluation des aides au logement 2012.

[36] Cour des comptes, Rapport sur les aides personnelles au logement, 2015

[37] En 2019, les 12 plus grandes métropoles concentraient 1,6 des 2,8 M d’étudiants selon l’atlas des effectifs étudiants (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2021), contre moins d’un quart de la population nationale ou un tiers en ajoutant l’ensemble des communes de leurs départements.

[38] De plus, cette forte demande n’est couverte que par une offre abordable toujours marginale : seuls 8% des étudiants bénéficient d’un logement étudiant au loyer plafonné en 2022, soit moins de 15 % des étudiants ne résidant pas chez leurs parents (https://www.ecologie.gouv.fr/logement-des-etudiants-et-des-jeunes-actifs-0).

[39] Voir sur cette question Fack et Huillery 2021 et Depp 2019. Sur les 180 000 bacheliers professionnels par an, au moins 20 000 n’ont pas accès à ces formations courtes et sont contraints d’aller en licence, dont 95 % en sortiront sans diplôme

[40] https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/rapports_annuels/2016/DGAFP_RA2016_web_signet.pdf

[41] Voir par exemple sur ce sujet Comité Eval ISF, CAE 2019 et IPP 2021.

[42] https://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapportcrhh2023_vf.pdf

[43] Affaire Legrand : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/08/legrand-symbole-des-difficultes-a-desenclaver-la-france_6153497_3234.html

[44] Le Monde, « Le combat judiciaire de Paris contre les locations touristiques illégales », 2022

[45] Étude d’impact de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

[46] CGDD, Estimation des coûts pour le système de soins français de cinq maladies respiratoires et des hospitalisations attribuables à la pollution de l’air, 2015

[47] https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants

[48] https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/nombre-de-logements-vacants-depuis-plus-dun

[49] https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/logements-vacants-du-parc-prive-par-anciennete-de-vacance-par-commune-et-par-epci/

[50] Cette proposition rejoint en partie la proposition transpartisane en cours (https://encadronsairbnb.fr/), mais va plus loin en termes d’encadrement des loyers et d’imposition, sans quoi la rentabilité des locations courtes en zones tendues restera nettement plus élevée et donc difficile à réguler.

[51] Cette faible imposition des locations sociales existe déjà dans certains cas (dispositif Louer abordable devenu Loc’avantages), mais elle ne compense généralement pas l’écart avec le loyer de marché, en particulier pour les petites surfaces et les biens rénovés.

[52] https://mesinfos.fr/ile-de-france/le-conseil-constitutionnel-invalide-la-reforme-des-plus-values-immobilieres-22373.html

[53] Voir Institut PR 2021, un contentieux juridique européen a freiné cette régulation jusqu’à 2021

[54] Voir APUR 2020 et Institut PR 2021, une location occasionnelle dépassant 120 jours en France doit être enregistrée comme meublé touristique et peut alors être soumise à une compensation (le seuil du nombre de jours est souvent plus limité à l’étranger).

[55] En revanche, les contraintes peuvent rester nettement moindres dans les zones plus détendues, où les résidences secondaires et locations occasionnelles contribuent plutôt positivement aux territoires et où la vacance est généralement subie (voir 4.2).

[56] Voir l’Etude Dreal Grand Est et la Note sobriété PBD

[57] Cumul des logements commencés 2021 dans les 60 départements sans métropole et/ou majoritairement en A ou B1 (ce qui ajoute surtout DOM, Oise, Haute-Savoie, Savoie, Vaucluse, Charente-Maritime et Pyrénées-Atlantiques)

[58] Cour des comptes, Le programme Action cœur de ville, 2022

[59] Ces programmes permettent surtout le financement d’un chef de projet pour chaque ville engagée, mais les subventions des travaux restent similaires.

[60] https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/a-muttersholtz-la-mairie-taxe-les-logements-vacants-pour-dynamiser-le-centre-du-village-et-ne-plus-construire-de-lotissements-1715803.html

[61] http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article271

[62] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-aides-personnelles-au-logement

[63] Par exemple, une personne gagnant 1000 euros net/mois pourrait bénéficier de 200 euros d’aide par mois pour un loyer plafond « personne seule » de 600 euros en zone tendue. L’aide serait ajustée à 150 euros pour un loyer de 500 euros (diminuant à la fois l’aide et le taux d’effort), mais l’aide serait toujours de 200 euros pour un loyer de 700 euros afin de ne pas alimenter l’inflation.

[64] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/31/demandes-temps-d-attente-la-saturation-du-logement-social-en-ile-de-france-en-5-graphiques_5307750_4355770.html

[65] Voir Fack et Huillery 2021 plus haut. Dans un contexte de stabilisation à venir de la démographie étudiante, des places en Licences et dans certaines formations privées actuellement choisies par défaut seraient fermées en contrepartie de l’ouverture de places dans les BTS, IUT, Licences professionnelles et formations sanitaires et sociales.

[66] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/27/logement-etudiant-je-ne-sais-pas-ou-ma-fille-va-dormir-a-la-rentree_6186697_3224.html

[67] Voir https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/19/manque-de-logements-en-zones-touristiques-les-mesures-du-gouvernement- jugees-timides_6182546_3224.html

[68] Voir Revue française d’administration publique, « L’évaluation dans les politiques complexes. Les cas de la lutte contre l’habitat indigne et du traitement des copropriétés en difficulté », 2021.

Publié le 8 novembre 2023

Quelle stratégie pour un logement abordable et durable ?

Auteurs

Nicolas Desquinabo
Nicolas Desquinabo, expert indépendant en évaluation de politiques publiques, ancien directeur du Master Evaluation et suivi des politiques publiques de Sciences-Po Lyon.

Les politiques publiques menées en France ne permettent pas de contenir le coût croissant des logements, dont le poids est passé de 20 à 30 % des revenus de la majorité de la population[1]. Si des territoires subissent une vacance élevée[2], les pénuries dans les zones tendues sont telles[3] que les constructions de logements restent très insuffisantes, alors que leurs impacts écologiques sont déjà importants, notamment en termes de gaz à effet de serre (plus d’un tiers des émissions de l’industrie[4]).

Les divers travaux d’évaluation des politiques du logement soulignent que ces résultats médiocres s’expliquent surtout par des soutiens « inversés » : les fiscalités favorisent les rentes immobilières au détriment des logements pérennes abordables. De plus, la métropolisation aggrave les pénuries de logement dans les zones tendues et les problèmes de vacance ailleurs. Pourtant, des politiques cohérentes et efficaces sont possibles et parfois déjà mises en œuvre dans des pays étrangers ou des territoires français. En complément d’une hausse des dépenses en faveur des logements abordables, le succès de ces politiques implique plusieurs transformations globales :

  • Investir dans des résidences principales « abordables » (location ou accession sociale) doit devenir plus rentable que les autres usages (de la location touristique à la rétention foncière en passant par les bureaux), qui doivent être limités dans les zones tendues (par des taxes élevées et/ou une compensation des « non résidences principales »).
  • De la même manière, les réhabilitations lourdes doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones moins tendues, afin de remobiliser les logements vacants dégradés (en lien avec les politiques de rénovation énergétique et du patrimoine bâti et paysager).
  • En complément, les modalités des aides au logement et des avantages de loyers devraient être modulées selon le « taux d’effort » (la part des dépenses de logement dans le revenu). Cela permettrait de fortement diminuer le poids des dépenses de logement de plusieurs millions de ménages à court terme.

De manière transversale, deux autres transformations profondes doivent être engagées par l’État, afin de tarir les principales sources des déséquilibres du logement :

  • Le rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, transports, etc.) vers les villes moyennes et petites permettra à moyen terme de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues, tout en améliorant l’accès aux services publics dans les autres territoires. Un simple rééquilibrage territorial permettrait de résorber plus de la moitié du manque de logement dans les zones tendues.
  • Une plus forte régulation des usages, loyers et qualités des logements impose également un changement d’échelle des contrôles et des sanctions, qui devraient toujours être au moins deux fois supérieures aux gains et dommages occasionnés.

Au-delà de leurs effets directs sur l’accessibilité des logements, ces transformations apporteront des bénéfices publics majeurs : une forte diminution des dépenses contraintes de la majorité des Français (avec une réduction parallèle des rentes et des fraudes), une meilleure cohésion sociale et territoriale, ainsi qu’une réduction efficace et juste de l’empreinte écologique des constructions.

À l’inverse, une forte réduction de la construction sans augmenter l’offre de logement abordable aurait des impacts sociaux extrêmement régressifs pour la majorité de la population, ainsi que des impacts sanitaires négatifs (liés au mal-logement) et des effets pervers écologiques (l’allongement des trajets domicile-travail). Seuls les plus aisés bénéficieraient alors d’une très forte hausse de leur patrimoine, déjà en forte augmentation depuis 2017.

Après un résumé des constats sur l’impasse des politiques « pro-rentes » actuelles, nous montrerons qu’il est possible de diffuser le logement abordable tout en limitant son empreinte écologique, à condition de passer d’une politique centrée sur le nombre total de logement à une politique visant l’augmentation des résidences principales abordables ainsi que la réduction de la sur-demande dans les zones tendues.

I – Des résultats très insuffisants, notamment depuis 2017

Au regard des objectifs fixés (produire 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux, principalement dans les zones tendues), les politiques publiques menées en France n’atteignent que la moitié des objectifs fixés depuis 2010. La construction oscille autour de 350 000 logements construits par an[5], mais cela n’augmente l’offre de résidences principales[6] que d’environ 250 000 (+ 2,5 millions en 10 ans), après déduction des logements devenus vacants ou secondaires, dont la croissance est très forte depuis 2005.

Principaux objectifs et résultats des politiques du logement 2010-2020

  Principaux objectifs Principaux résultats Écart objectifs vs. résultats finaux
Production de logements 500 000 par an + 380 000 logements mis en construction par an

dont seulement + 250 000 résidences principales

– 50 %
Logements sociaux 150 000 par an + 100 000 logements sociaux agréés par an

dont seulement + 70 000 « effectifs »

– 55 %

Sources : Comptes du logement, Parc locatif social et Insee Logement 2021

Les financements de logements sociaux varient eux autour de 100 000 par an (dont 10 000 acquisitions de logements existants dans le parc privé), mais le parc social n’augmente que de 70 000 par an, déduction faite des projets abandonnés, des démolitions et des reventes sur le marché privé non régulé.

Plus grave, la construction chute surtout dans les zones ayant le plus de besoins, notamment depuis 2017. Or l’offre neuve ne suivait déjà pas l’augmentation de la population des grandes métropoles avant 2015 (+ 5 à 10 % de logements vs. + 8 à 15 % de ménages en 8 ans), malgré un volume très important de logements construits chaque année dans ces départements[7].

Les zones « tendues » correspondent principalement aux zonages A et B1, qui regroupent la plupart des grandes agglomérations, le littoral sud et quelques autres territoires touristiques (e.g. Haute-Savoie).

En conséquence, l’augmentation du prix des logements dépasse +160 % depuis 20 ans alors que le revenu salarial n’a augmenté sur la période que de 40 %[8] (et l’inflation courante de 30 %[9]). Cette augmentation dépasse même 200 % dans certaines grandes agglomérations où les loyers ont presque doublé sur cette période[10]. La hausse a surtout été forte entre 2000 et 2010, puis à nouveau depuis 2017 avec +25 % en moyenne nationale sur 4 ans[11], voire davantage dans les agglomérations et littoraux déjà tendus.

La plupart des logements devenant inabordables, le nombre de demandes non pourvues de logements sociaux a augmenté de 20 % depuis 2013, avec 1,5 million (M) de locataires du privé éligibles en attente en 2020[12], parfois depuis plus de 8 ans dans certaines zones. De plus, ces prix excessifs entravent de manière croissante les recrutements de salariés « essentiels »[13] et étendent les trajets quotidiens[14], alors que la concentration des logements les plus accessibles dans certains quartiers est le premier facteur des inégalités scolaires[15].

Si beaucoup d’autres pays européens ont également connu une forte hausse des prix immobiliers depuis 20 ans, la France reste le pays le plus cher de l’Union européenne (depuis le départ du Royaume-Uni)[16] et où les locations touristiques se sont le plus développées[17] en raison de choix politiques relativement constants. En effet, nous allons voir que les soutiens publics sont très largement défavorables au logement abordable (pourtant une priorité affichée depuis longtemps), tout en étant défavorables à la réduction de son empreinte écologique (ce qui n’est une priorité affichée que depuis peu). Les politiques du logement et d’autres décisions publiques soutiennent avant tout les diverses rentes immobilières, puis engagent des aides publiques massives pour limiter les effets de ces rentes sur les ménages les plus modestes.

II – Des politiques largement défavorables au logement abordable

Les politiques du logement mobilisent une forte diversité de dispositifs et des moyens conséquents, soit environ 37 milliards d’euros (Md€) par an de dépenses publiques (en 2019-2021, hors rénovation énergétique)[18], en baisse de 4 Md€ depuis 2016 (Comptes du logement, 2021). Les évaluations réalisées sur ces dispositifs[19] soulignent que peu d’entre eux ont une efficacité forte, la plupart ayant même des impacts plutôt négatifs :

Principaux objectifs, montants et résultats des politiques du logement

Sources : PAP Cohésion, Comptes logement 2021, APL 2022, Bilan logt aidé, Dépenses fiscales, IGF Pinel et  Sgfgas

(Traitements 2018-2021 par l’auteur)

* Cet abattement progressif « par année de détention » des plus-values immobilières hors résidences principales n’apparaît plus dans les documents budgétaires depuis 2017

** Cette dépense fiscale est fortement sous-estimée car elle est comparée à l’abattement sur les autres biens immobiliers qui exonère déjà la plupart des plus-values. Avec 600 000 ventes de résidences principales par an en moyenne à +- 270 000 €, l’exonération (0 vs.  35 % de prélèvements) coûte en réalité au moins 10 Md€/an (la hausse moyenne des prix réels étant de plus de 30 % sur 10 ans, la plus-value moyenne est de 60 000 euros, soit +- 35 Md€/an de plus-values encaissées par an)     

*** Hors 700 000 places pour les personnes âgées et 100 000 places pour les personnes  handicapées  bénéficiaires  de  l’aide  sociale à  l’hébergement (ASH, estimée à 2 Md€/an)

Depuis 2017, la baisse des dépenses publiques s’est concentrée sur les aides au logement (APL), qui sont passées de 18,5 à 15 milliards d’euros par an. Cette baisse a été en partie compensée par une « réduction de loyer de solidarité » (RLS) imposée aux bailleurs sociaux à un niveau équivalent à la réduction des APL, soit environ 1,3 milliard d’euro par an de réduction de leurs ressources et 2 milliards d’euros par an au total avec la hausse de la TVA sur les constructions[20]. En échange de ces ponctions, le gouvernement a mis en avant l’octroi de prêts à long terme ou de titres[21], mais ceux-ci restent à rembourser et/ou sont à rémunérer : environ 10 milliards d’euros de baisse de revenus sur 5 ans sont loin d’être compensés par 3 milliards d’euros de prêts plus ou moins bonifiés. Mais au-delà du niveau limité et décroissant des dépenses soutenant le logement abordable, l’incohérence avec les politiques défavorables au logement abordable est croissante.

Sources : PAP Cohésion, Comptes logement 2021, APL 2022, Bilan logt aidé, Dépenses fiscales, IGF Pinel et  Sgfgas

Nous allons voir que la plupart des soutiens au logement ne ciblent pas l’objectif central de cette politique : le développement de résidences principales à des prix abordables pour la majorité des ménages, notamment en zone tendue (les grandes agglomérations et certains territoires littoraux et frontaliers). À l’inverse, les fiscalités sont très favorables à tout ce qui n’est pas une résidence principale, de la location touristique à la rétention foncière en passant par les bureaux.

2.1. Des fiscalités étrangement favorables aux « non résidences principales »

À l’échelle individuelle d’un investissement immobilier, la politique du logement est doublement défavorable au logement abordable : pour les communes qui autorisent, puis pour les investisseurs (principalement des particuliers multi-propriétaires) qui décident des usages et des loyers.

Pour les communes, les fiscalités accentuent la forte rentabilité des locaux professionnels et rendent négatives les rentabilités des nouveaux logements. En effet, les logements familiaux occasionnent des coûts pour les communes (e.g. scolarisation), mais impliquent des recettes directes peu élevées, notamment depuis la suppression de la taxe d’habitation. Les recettes sont même quasi nulles pour les logements sociaux, à la fois exonérés de taxe foncière et de taxe d’habitation, comme l’a souligné la Commission logement de 2021[22]. Les communes privilégiant les logements abordables sont donc sanctionnées financièrement, alors que celles privilégiant les bureaux et les logements chers sont favorisées, à l’inverse des objectifs affichés de cette politique publique.

Pour les investisseurs, la fiscalité accentue la rentabilité pourtant déjà « naturellement » élevée des locations touristiques : alors que leurs loyers sont le plus souvent 3 à 4 fois plus élevés que pour les locations ordinaires, ces loyers touristiques sont 2 à 3 fois moins imposés. A l’inverse, les locations ordinaires sont donc 2 à 3 fois plus imposées, alors qu’elles sont moins rentables et plus risquées. Dès 2016, une évaluation de la politique des logements meublés soulignait l’incohérence d’imposer les meublés entre 10 et 22 %, alors que leurs gains sont nettement plus élevés que les locations de longue durée, qui elles sont imposées autour de 35 %[23]. Depuis, l’écart s’est encore creusé car les loyers touristiques ne sont pas encadrés dans les zones tendues et permettent de vendre sans décote une fois par an, voire à tout moment. Or l’absence de compensation[24] et la fiscalité avantageuse impliquaient déjà une rentabilité des locations courtes qui dépassait en moyenne 6,5 % en 2015 :

Compte tenu de ces « inversions fiscales »[25], les logements dédiés aux locations courtes (louées plus de 3 mois par an) dans les agglomérations sont passés de 50 000 en 2015 à plus de 200 000 en 2023[26], alors que celles-ci sont le plus souvent illégales dans les villes les plus tendues[27]. À Paris, la « fuite » de 25 000 logements vers les meublés touristiques a eu comme effet d’annuler l’apport de l’ensemble des logements sociaux construits en 7 ans, sans compter les 25 000 résidences secondaires supplémentaires retirées du parc des résidences principales sur la même période (et parfois louées occasionnellement).

Troisième incohérence fiscale, l’abattement progressif sur les plus-values contribue à la persistance d’une vacance de longue durée dans les zones tendues, où 300 000 logements sont vacants depuis plus de 2 ans[28] malgré une forte demande. En effet, 40 % des vendeurs de ces logements vacants attendent « un meilleur prix à venir » en Île-de-France, le manque à gagner étant largement compensé par cette baisse progressive de la taxe sur la plus-value à venir[29]… et par la possibilité de locations courtes « en attendant ».

D’autres avantages fiscaux ciblent en revanche la production de résidences principales neuves. Mais ces défiscalisations sont le plus souvent utilisées en zone détendue et/ou avec des loyers supérieurs aux prix de marché[30] pour un coût public très élevé et très inégalitaire : ils bénéficient principalement aux 1 % les plus aisés. Certaines aides fiscales non conditionnées, associées aux rendements très élevés de l’immobilier des Ehpad (4 à 6 %), ont même contribué à la hausse des tarifs des Ehpad malgré les aides reçues[31].

Enfin, il est à noter que l’allègement des réglementations souvent invoqué pour « libérer » l’offre n’a aucun effet sur les prix, l’essentiel étant déterminé par la demande selon l’étude des experts du Céréma[32].

2.2. Des aides et avantages indispensables, mais parfois peu efficaces et inéquitables

Les pénuries ainsi aggravées de logement abordable entraînent une hausse des dépenses « curatives », dont notamment les aides au logement, qui ont l’avantage de réduire le coût du logement pour près de 6 millions de ménages modestes, mais avec des effets limités, une efficience faible et des impacts inégalitaires :

  • Ces aides personnelles au logement (voir tableau plus haut) sont peu efficaces dans la mesure où les bailleurs augmentent souvent les loyers d’un montant équivalent aux aides, notamment à l’occasion des changements de locataire et lorsque l’offre locative globale est limitée[33]. Des débats existent sur le degré et les conditions de cet effet inflationniste, mais cet effet a été clairement attesté lors de l’augmentation des aides au début des années 1990 en France, ainsi que dans d’autres pays, notamment pour les petits logements et les logements étudiants[34].
  • Le coût public pour un avantage de loyer de 30 % (par rapport au loyer moyen) est 3 à 4 fois moins élevé en subventionnant la production de logements à loyer maîtrisé (1000 à 2000 euros/an sur + ou – 30 ans) qu’en versant une aide personnelle au logement (de 2000 à 6000 euros/an sans limite de durée) ou qu’en ouvrant des places d’hébergement. Surtout, l’aide personnelle contribue à la hausse des loyers privés, alors que les nouveaux logements contribuent plutôt à la baisse des prix et des loyers. Or les aides au logement et à l’hébergement mobilisent cinq fois plus de dépenses publiques que les subventions aux logements sociaux ou à l’accession sociale.
  • De plus, ces aides sont très inégales entre les locataires du privé et les locataires sociaux : la majorité des locataires sociaux ont un taux d’effort net (après aides) inférieur à 10 % de leur revenu alors que plus d’un million de ménages du parc privé dépassent 33 % de taux d’effort net[35] malgré des revenus parfois inférieurs aux locataires sociaux[36]. Ces inégalités sont liées aux modalités complexes des aides au logement (peu sensibles aux loyers) et à leur cumul avec les avantages des loyers sociaux (voir graphique ci-dessous). Il est à noter qu’au regard du contexte inflationniste actuel et du manque croissant de logements sociaux, ce ne sont pas les avantages liés aux loyers sociaux qui sont trop élevés, mais bien les aides aux locataires modestes du privé qui sont trop limitées, voire inexistantes pour les ménages aux revenus « moyens inférieurs » (entre 1 et 1,5 Smic par adulte), y compris lorsqu’ils résident dans les zones tendues et subissent un taux d’effort très élevé.

2.3. Une forte aggravation des déséquilibres due à la métropolisation 

Plus largement, la sur-demande de logements dans les zones tendues est aggravée par la concentration croissante des formations et des emplois dans les métropoles. Tout d’abord, la concentration des formations supérieures dans les principales métropoles (près de 60 % des étudiants pour environ 30 % de la population[37]) implique une sur-demande d’au moins 600 000 logements étudiants. En effet, plus de la moitié des étudiants inscrits sont issus d’autres départements et ne peuvent donc pas résider chez leurs parents, y compris lors des premières années d’études[38]. Cette surconcentration géographique du supérieur est d’autant plus absurde quelle représente le principal frein à l’accès aux qualifications supérieures, en lien avec le plafonnement des places dans les filières courtes bien encadrées, pourtant nettement plus adaptées pour la majorité des bacheliers[39].

Au-delà des étudiants, la surconcentration des établissements publics en Île-de-France (82 ETP publics/1000 habitants, voire 135 pour Paris contre 69 hors Île-de-France[40]) et dans les agglomérations les plus tendues (Lyon, Nice, Bordeaux, Strasbourg, etc.) augmente d’au moins 300 000 les besoins en logement liés aux emplois publics dans ces zones (+0,015 emploi public/habitant x 20 M d’habitants). Par exemple, on se demande ce qui justifie que 40 % des 35 000 salariés du CNRS soient localisés en Île-de-France.

Or ces concentrations des formations et de la recherche publique ne font pas que s’ajouter à la concentration des emplois privés dans les métropoles. Avec la qualité des infrastructures, l’offre de formation et la recherche sont les principaux facteurs expliquant l’implantation croissante des emplois privés dans les métropoles. Très largement documentés, ces facteurs (infrastructures, recherche et formation) sont même reconnus comme étant les plus importants par les services du gouvernement en charge de la politique d’attractivité, alors que les politiques récentes de baisse de la fiscalité et des coûts du travail n’ont en réalité qu’un effet marginal selon l’ensemble des évaluations menées à ce jour[41].

Cumulées, ces sur-concentrations d’étudiants et d’emplois impliquent un besoin de nouveaux logements abordables qu’aucune métropole n’arrive à rattraper, malgré un rythme très élevé et très coûteux de constructions. Par exemple, sur la métropole de Montpellier où la construction est massive et la politique volontariste, l’ajout d’environ 1000 logements abordables par an[42] reste très insuffisant pour accueillir 8000 nouveaux habitants chaque année et répondre à un « stock » de demandes dépassant 25 000 ménages éligibles. Ce rythme trop lent au regard de la sur-demande paupérise les demandeurs en attente et entrave l’émergence des politiques de peuplement, qui visent à mieux répartir les logements sociaux dans les agglomérations afin de lutter contre les ghettos sociaux et communautaires. En effet, la demande de logements sociaux est telle qu’il n’est pas possible de supprimer la majorité du parc social actuel (concentré dans les quartiers prioritaires) et de le remplacer par des logements bien diffusés dans les différents quartiers.

À l’inverse, le sous-investissement dans les dessertes des villes moyennes contribue à la fuite d’une partie de leurs emplois privés, comme l’illustre la révolte en cours à Limoges[43] où plus de 2200 emplois directs de l’entreprise Legrand sont menacés de délocalisation en raison de l’enclavement croissant de la ville, pourtant dénoncé de longue date par l’ensemble des élus et acteurs locaux.

2.4. Des contrôles encore très rares et des sanctions très peu dissuasives

De très nombreuses régulations des prix, usages et qualités des logements existent déjà, mais elles sont très rarement contrôlées et font l’objet de sanctions « incitatives » car très inférieures aux gains réalisés :

  • Les régulations des locations courtes font l’objet de contrôles croissants, mais avec des amendes encore très inférieures aux gains[44] et des propriétaires protégés une fois sur trois par des procédures complexes qui imposent à la collectivité de prouver le statut initial de logement (et non de local commercial) avec des documents datant des années 1970.
  • Pour les marchands de sommeil (qui louent à des prix très élevés des logements sur-occupés et/ou insalubres), les amendes moyennes représentent le plus souvent moins de 10 % des profits illégaux encaissés : moins de 10 000 euros d’amende moyenne pour plus ou moins 90 condamnations par an[45] contre des amendes encourues de 150 000 euros et des gains souvent supérieurs à 100 000 euros. De plus, ces amendes ne prennent pas en compte les coûts sanitaires occasionnés, notamment l’asthme sévère, dont la seule prise en charge financière dépasse 10 000 euros par an[46].

La plupart des politiques publiques du domaine étant à la fois défavorables à la diffusion du logement abordable et à la réduction de son empreinte écologique, une stratégie globale de transformation s’impose, afin de refonder, voire d’inverser les fiscalités, subventions, allocations et régulations actuelles.

III – Une stratégie globale de transformation

Si un renforcement des moyens accordés au logement abordable est nécessaire, nous avons vu que les freins à l’œuvre sont bien plus diversifiés et puissants. De plus, aboutir à une diffusion du logement abordable tout en limitant son empreinte écologique ajoute des difficultés, mais n’est pas sans solution. Une transformation globale pourrait permettre d’atteindre ce double objectif, en combinant :

  • L’inversion des avantages fiscaux immobiliers, actuellement très favorables aux locations courtes, à la rétention foncière et aux bureaux, alors que ces usages devraient être nettement plus imposés et parfois limités dans les zones les plus tendues (voir partie 4.1).
  • Des subventions rentabilisant les réhabilitations lourdes, afin qu’elles permettent de remobiliser les logements vacants dégradés, en particulier dans les zones moins tendues (4.2).
  • Une modulation selon le « taux d’effort » des aides au logement et avantages de loyers réduirait les dépenses contraintes de millions de ménages à court terme (4.3).
  • Le rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, transports) vers les villes moyennes et petites, afin de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues, tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires moins couverts (4.4).
  • Une plus forte régulation des usages, loyers et qualités des logements, avec un contrôle et des sanctions qui doivent changer d’échelle pour rendre effectives les améliorations visées (4.5).

Plusieurs exemples locaux ou étrangers et l’analyse des données disponibles sur les logements en France suggèrent que l’utilisation de l’ensemble de ces transformations pourrait permettre de passer d’un régime de « neuf cher, fuites de logements et rentes immobilières » à un régime de « neuf abordable, remobilisation de l’ancien et diffusion du logement abordable ».

La combinaison de ces transformations des politiques du logement et de l’aménagement du territoire rendrait les dépenses publiques plus efficaces et équitables et permettrait la mise en place d’effets positifs cumulés :

  1. La remobilisation des logements vacants ou occasionnels et des bureaux vacants dans les zones tendues permettrait de rapidement réduire les besoins de logement les plus urgents, tout en limitant les besoins de construction, qui resteront toutefois nécessaires à un rythme élevé dans ces territoires dans un premier temps.
  • Le potentiel mobilisable dans ces territoires tendus est de 300 000 logements vacants depuis plus de 2 ans et 200 000 locations occasionnelles[47], auxquelles s’ajoutent une partie des 200 000 logements vacants depuis 1 à 2 ans, au moins 50 000 équivalent-logements dans des bureaux vacants et un volume non estimé dans des bâtiments publics sous-occupés[48]. En ne visant que la moitié de ce potentiel, au moins 400 000 logements sont mobilisables dans l’existant en 5 ans.
  1. La rentabilisation des réhabilitations de logements vacants dégradés permettrait de fortement réduire les constructions dans les zones détendues, sachant que 100 000 à 150 000 logements par an sont encore construits dans ces territoires qui subissent pourtant une vacance élevée, notamment dans les centres villes.
  • Le potentiel mobilisable dans ces territoires détendus est de 800 000 logements vacants depuis plus de 2 ans et d’une partie des logements vacants depuis 1 à 2 ans[49]. Ce potentiel sera limité dans un premier temps par le manque d’emplois et de formations supérieures, mais au moins 400 000 logements vacants peuvent être remobilisés en 5 ans grâce à un rééquilibrage territorial progressif des formations et des services
  1. Le rééquilibrage des offres de formation supérieure et des emplois publics permettrait plus globalement de réduire progressivement « à la source » la sur-demande de logement dans les grandes agglomérations, tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires moins couverts.
  • La simple réduction de moitié de la suroffre publique actuelle dans les métropoles impliquerait la libération d’au moins 400 000 logements dans les zones les plus tendues (dont 300 000 logements occupés par de jeunes étudiants), soit l’équivalent de plus de 8 ans de production de logements sociaux dans les métropoles, tout en renforçant de plus de moitié l’offre de formation supérieure de proximité pour les jeunes des villes petites et moyennes.

IV – Propositions détaillées pour le logement abordable et durable

4.1. L’inversion des avantages fiscaux immobiliers

Première transformation : les avantages fiscaux immobiliers devraient favoriser les résidences principales abordables et fortement défavoriser les usages occasionnels et spéculatifs des logements, qui devraient être beaucoup plus imposés, voire limités dans les zones les plus tendues. Cela semble évident, mais la situation actuelle est le plus souvent à l’exact opposé.

Proposition 1 : Les locations pérennes abordables doivent devenir plus rentables que les locations courtes. Pour ce faire, il faut appliquer les mêmes contraintes aux locations courtes (encadrement des loyers et interdiction de location des passoires) et les imposer au moins deux fois plus et de manière progressive, par exemple de 40 à 70 % selon les revenus[50] (vs. 20 à 35 % pour les locations normales). De l’autre côté, l’imposition pourrait être nulle pour les locations « sociales » (louées 30 à 40 % en dessous du prix du marché[51]), afin de les rendre plus rentables que les logements loués au prix moyen local. En complément, l’abattement progressif sur les plus-values immobilières doit être supprimé afin de dissuader les usages spéculatifs des logements laissés vacants ou occasionnels dans l’attente d’une vente au prix le plus haut. Pour ce faire, il suffirait de prendre en compte dans le calcul de la plus-value l’inflation courante (ce qui n’était pas prévu lors de la dernière tentative[52] de réforme), ainsi que les charges non déjà imputées aux revenus fonciers.

Proposition 2 : Les usages occasionnels doivent être limités dans les zones tendues par des taxes élevées et progressives et/ou par une compensation des « non résidences principales ». La compensation des meublés touristiques – par exemple en transformant un bureau en location ordinaire – est déjà prévue dans certaines villes, mais elle n’est appliquée que depuis peu[53]. Malgré ce démarrage partiel, une stabilisation des locations courtes a été observée depuis 2017-2018 dans les villes concernées par la compensation en France et à l’étranger[54] mais cet effet reste à vérifier sur la période post-Covid. En complément, les logements déclarés vacants ou secondaires doivent également être limités dans ces zones, qu’ils soient loués occasionnellement ou non. Ces usages doivent être a minima contraints par des taxes élevées et progressives, voire par une compensation de toutes les résidences secondaires dans les zones les plus tendues[55].

Proposition 3 : Les dotations locales liées aux nouveaux habitants doivent être supérieures aux coûts liés à leur installation pour les communes. En particulier, les coûts moyens de garde et de scolarisation doivent être largement couverts par les augmentations des dotations de l’État, afin d’encourager les maires qui accueillent davantage de populations en général et de familles en particulier. À l’inverse, les dotations de l’État doivent être réduites en proportion des revenus fiscaux locaux tirés des bureaux et des usages touristiques des logements.

4.2. Rentabiliser les réhabilitations lourdes des logements vacants

Ce premier volet fiscal est décisif pour « colmater » les fuites des logements vers les utilisations occasionnelles et spéculatives, mais il doit être complété par des soutiens massifs aux réhabilitations lourdes. En effet, plus de la moitié des logements vacants sont dégradés, voire très dégradés, y compris dans les zones tendues, ce qui constitue le premier frein à leur remobilisation.

Proposition 4 : Les réhabilitations lourdes de logements vacants doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones peu tendues, en lien avec les politiques de rénovation énergétique et de protection du patrimoine bâti et paysager. En effet, les logements neufs restent aujourd’hui le plus souvent moins coûteux que l’achat-réhabilitation de maisons anciennes[56]. Cela explique les 100 000 à 150 000 constructions par an (sur un total de 350 000 à 400 000 par an[57]) dans ces territoires où plus de 5 % des logements sont pourtant vacants depuis plus de 2 ans, mais le plus souvent très dégradés. Les programmes « Action cœur de ville »[58] ou « Petite Ville de demain » ont été récemment déployés pour remobiliser ces logements vacants des centre-bourgs, mais très peu de moyens ont été ajoutés aux aides classiques de l’Anah[59], alors que le neuf bénéficie le plus souvent de diverses subventions des collectivités. En revanche, lorsque les moyens mobilisés sont importants, comme dans le Bas-Rhin[60], le rythme de remobilisation des logements vacants dégradés a pu être multiplié par 5 à 10 par rapport à la moyenne nationale.

Proposition 5 : Les acquisitions-améliorations de logements sociaux doivent devenir moins coûteuses que le neuf, afin de contribuer à l’augmentation de l’offre totale de logement abordable tout en limitant les besoins de constructions. Dans les villes moyennes, les logements vacants des centres villes doivent être ciblés en priorité. Dans les agglomérations, ces opérations permettront de mieux répartir les logements sociaux, tout en en incitant les bailleurs sociaux à racheter et à réhabiliter les « passoires thermiques » qui vont être progressivement interdites à la location d’ici 2035. Les résultats de ce soutien prioritaire aux acquisitions-améliorations sont déjà attestés, par exemple à Guingamp, où la part des nouveaux logements sociaux dans l’ancien est passée d’un tiers à deux tiers en quelques années.

4.3. Moduler les aides et avantages de loyer selon le taux d’effort

En complément des dispositifs favorisant la remobilisation de logements pérennes et abordables, les modalités des aides et avantages de loyer doivent également être transformés, à la fois pour limiter les dépenses contraintes des ménages les plus exposés à court terme, mais également dans le but de limiter les inégalités du système actuel qui entretiennent un sentiment d’injustice le plus souvent fondé.

Proposition 6 : Les aides au logement doivent être modulées selon le « taux d’effort » et prendre en charge par exemple 50 % des dépenses de loyer au-delà de 20 % du revenu, y compris entre 1 et 1,5 Smic par adulte. Afin de limiter les effets inflationnistes, ces aides doivent être plafonnées, ainsi que les loyers pris en compte selon les zones. Ce changement a notamment été proposé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)[61], mais n’a pas été soutenu par la Cour des Comptes[62] qui n’avait pas envisagé la possibilité de plafonner les loyers pris en compte pour les aides[63].

Proposition 7 : Les attributions de logements sociaux doivent être révocables au plus tard un an après le dépassement des plafonds de revenu dans les zones les plus tendues. Cela permettrait de diviser par plus de deux le taux d’effort de nombreux demandeurs prioritaires, en particulier les salariés « essentiels » qui doivent travailler au cœur des métropoles (avec un potentiel d’au moins 200 000 logements sociaux libérables rien qu’en Île-de-France[64]) et plus globalement de rétablir l’équité de base devant les avantages sociaux.

4.4. Rééquilibrer l’offre de formation et les emplois publics vers les villes moyennes et petites

Afin de réduire la demande excessive de logements dans les zones déjà tendues tout en favorisant l’accès aux services publics dans les territoires plus détendus, il est nécessaire d’engager un rééquilibrage de l’offre de formation et des services publics (santé, infrastructures) vers les villes moyennes et petites. En effet, ces sur-concentrations sont à la source des grands déséquilibres du logement.

Proposition 8 : Rééquilibrer l’offre de formation supérieure en doublant l’offre des filières courtes et des licences bien encadrées. Un doublement progressif des places dans ces formations de proximité permettrait de réduire de moitié la surconcentration actuelle du supérieur dans les métropoles, tout en favorisant l’accès aux qualifications du supérieur. Cette proposition rejoint celles du CAE[65] et s’appuie sur l’ensemble des évaluations du domaine, qui soulignent que ces formations sont nettement plus adaptées pour la majorité des bacheliers, mais souvent peu accessibles car plafonnées en raison de leur coût plus élevé que celui des Licences générales (dont le taux d’encadrement est nettement moins élevé). Une partie de l’offre de Masters pourrait également être davantage localisée dans certaines villes moyennes, comme Limoges qui reste sous-dotée alors qu’elle est une des rares villes universitaires accessibles[66]. En ne transférant que la moitié de l’excès actuel de formations supérieures dans les métropoles vers ces formations de proximité, cela permettrait de libérer au moins 300 000 logements dans les territoires les plus tendus, tout en améliorant de manière massive l’accès au supérieur sur le reste des territoires.

Proposition 9 : Rééquilibrer la localisation des services, infrastructures et emplois publics. Certains emplois et services publics, en particulier les hôpitaux et les organismes de recherche publique sont actuellement très concentrés dans les métropoles et en particulier en Île-de-France, sans lien avec le nombre d’habitants. De même, les infrastructures ferroviaires devraient être prioritairement développées dans et vers les villes moyennes, à l’inverse des politiques menées actuellement. Un simple rééquilibrage vers les territoires « hors métropoles » permettrait à la fois d’améliorer l’accès à certains services publics (notamment de soin), d’augmenter l’implantation d’emplois qualifiés (et d’emplois en général) dans les villes moyennes et de réduire les besoins de logement dans les grandes agglomérations.

De plus, une forte réduction de la tension sur les logements abordables dans les métropoles rendra possible une meilleure répartition des logements sociaux au sein des agglomérations (voir 2.3). En effet, la réduction des tensions permettra notamment de diminuer le coût des acquisitions-améliorations de logements sociaux dans les différents quartiers des agglomérations (voir 4.2 et 2.3).

4.5. Un changement d’échelle du contrôle et des sanctions

De manière transversale, l’effectivité et l’efficacité de ces réformes nécessitent un changement d’échelle dans la régulation des usages, loyers et qualités des logements. Cette régulation est actuellement caractérisée par des contrôles rares et des sanctions minimes et donc quasi-incitatives pour les fraudeurs. Il est à noter que la plupart des élus locaux concernés sont en demande croissante de procédures efficaces et dissuasives[67], le gouvernement étant de plus en plus seul à défendre cette nouvelle spéculation le plus souvent illégale.

Proposition 10 : Pour limiter fortement les fraudes, il faut garantir un contrôle annuel et inopiné des principaux risques, en particulier l’absence de déclaration des locations courtes et de leurs revenus, le dépassement des loyers plafonnés dans les zones tendues, ainsi que la location de logements indignes. Plusieurs territoires ont déjà prouvé qu’il était possible et efficace de garantir un niveau de contrôle élevé, par exemple à Roubaix ou à Saint-Omer pour le contrôle des nombreux logements indignes ou à Paris pour le contrôle des locations touristiques illégales.

Proposition 11 : Les sanctions doivent dépasser de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels selon le degré de récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions. L’objectif serait d’au moins garantir une absence de « rentabilité » des fraudes dans la quasi-totalité des cas [68], tout en collectant des montants importants d’amendes et de saisies mobilisables pour financer les coûts des contrôles ainsi que d’autres missions régaliennes.

Résumé des propositions

Inverser les avantages fiscaux immobiliers

Proposition 1 : Les locations pérennes abordables doivent devenir plus rentables que les locations courtes, en appliquant les mêmes contraintes (encadrement des loyers et interdiction de location des passoires) et en imposant les locations courtes au moins deux fois plus. En complément, l’abattement progressif sur les plus-values immobilières doit être supprimé afin de dissuader les usages spéculatifs des logements laissés vacants ou occasionnels.

Proposition 2 : Les usages occasionnels doivent être limités dans les zones tendues par des taxes élevées et progressives et/ou par une compensation des « non résidences principales », en particulier les meublés touristiques, ainsi que les logements déclarés vacants ou secondaires (loués occasionnellement ou non).

Proposition 3 : Les dotations locales liées aux nouveaux habitants doivent être supérieures aux coûts liés à leur installation pour les communes, afin d’encourager les maires qui accueillent davantage de populations en général et de familles en particulier.

Rentabiliser les réhabilitations lourdes des logements vacants

Proposition 4 : Les réhabilitations lourdes de logements vacants doivent devenir moins coûteuses que le neuf, en particulier dans les zones peu tendues, en lien avec les politiques de rénovation énergétique et de protection du patrimoine bâti et paysager.

Proposition 5 : Les acquisitions-améliorations de logements sociaux doivent devenir moins coûteuses que le neuf, afin d’augmenter l’offre totale abordable tout en limitant les besoins de constructions.

Moduler les aides et avantages de loyer selon le taux d’effort

Proposition 6 : Les aides au logement doivent être modulées selon le « taux d’effort » et prendre en charge par exemple 50 % des dépenses de loyer au-delà de 20 % du revenu, y compris entre 1 et 1,5 Smic par adulte.

Proposition 7 : Les attributions de logements sociaux doivent être révocables au plus tard un an après le dépassement des plafonds de revenu dans les zones les plus tendues, en particulier pour libérer des logements abordables pour les salariés « essentiels » qui doivent travailler au cœur des métropoles.

Rééquilibrer l’offre de formation et les emplois publics vers les villes moyennes et petites

Proposition 8 : Rééquilibrer l’offre de formation supérieure en doublant l’offre des filières courtes bien encadrées de proximité, afin de réduire de moitié la surconcentration actuelle du supérieur dans les métropoles, tout en favorisant l’accès aux qualifications du supérieur.

Proposition 9 : Rééquilibrer la localisation des services et emplois publics, en particulier les hôpitaux et les organismes de recherche publique actuellement très concentrés dans les métropoles et en Île-de-France.

Engager un changement d’échelle du contrôle et des sanctions

Proposition 10 : Pour limiter fortement les fraudes, il faut garantir un contrôle annuel et inopiné des principaux risques, en particulier l’absence de déclaration des locations courtes et de leurs revenus, le dépassement des loyers plafonnés dans les zones tendues, ainsi que la location de logements indignes.

Proposition 11 : Les sanctions doivent dépasser de 2 à 20 fois les gains réalisés ou potentiels selon le degré de récidive, la situation financière du fraudeur et la difficulté de contrôle des infractions.

[1] Voir notamment Insee taux d’effort 2017, Dress 2018 et France Stratégie 2023. Cette sur-inflation a entraîné une chute de l’accès à la propriété pour les jeunes modestes (Insee 2020), ainsi que des inégalités de revenu après dépenses pré-engagées 2 fois plus fortes que les inégalités mesurées en niveau de vie.

[2] Plus de 6 % des logements sont vacants depuis plus de 2 ans dans de nombreux territoires contre 3 % en moyenne : https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/logements-vacants-du-parc-prive-par-anciennete-de-vacance-par-commune-et-par-epci/.

[3] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-01/REML2023_Dossierdesynthesecomplet.pdf.

[4] La construction des bâtiments (hors travaux publics) utilise 2/3 des matériaux de construction produits en France (soit environ 11 MtCO2/an, notamment de ciment), près de la moitié de l’acier (9 MtCO2/an) et environ un quart des plastiques, auxquels s’ajoutent les émissions directes des chantiers (3 MtCO2/an), soit plus de 25 MtCO2/an sans compter les importations qui sont en forte hausse.

[5] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publicationweb/390

[6] Ministère de la Transition écologique, Rapport du compte du logement 2020, septembre 2021

[7] Voir les données par département de la base Sitadel https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/construction-de-logements-resultats-fin-avril-2023-france-entiere?rubrique=&dossier=1047

[8] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238391?sommaire=4238781

[9] Sachant que l’inflation n’est mesurée que sur un échantillon de produits et ne prend pas en compte les prix immobiliers

[10] http://www.clameur.fr/Tendances-du-marche/Tendances-nationales/France-entiere

[11] https://www.insee.fr/fr/statistiques/6052547

[12] https://www.financement-logement-social.logement.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_2020_des_logements_aides_pdf_g_cle1611f7.pdf

[13] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/10/logement-aux-racines-d-une-crise-que-le-gouvernement-tarde-a-affronter_6172711_3224.html

[14] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/10/crise-du-logement-je-suis-au-bout-de-ce-que-je-peux-supporter_6172786_3224.html

[15] Devant l’absence de régulation du secteur privé, comme récemment souligné par François Dubet (Le Monde, 15 mai 2023)

[16] https://www.mysweetimmo.com/2022/02/28/prix-immobilier-en-europe-le-royaume-uni-en-tete-des-pays-les-plus-chers/

[17] Voir APUR « Locations meublées touristiques à Paris » 2020

[18] https://www.agirpourleclimat.net/plan-sobriete-des-opportunites-massives-liees-aux-batiments-a-saisir-enfin/

[19] Voir le résumé de ces évaluations dans la partie 3 suivante

[20] Voir le projet de loi de finances 2018. La baisse des allocations logement de près de 3,5 Mds € par an s’explique aussi par le calcul à partir du revenu de l’année depuis 2021 (vs. celui de l’année n-2, soit – 1 Md € par an) et par la réduction des aides aux accédants à partir de 2018 (- 1 Md €/an). A ces baisses en euros courants s’ajoute la revalorisation inférieure à l’inflation qui a entraîné une baisse du niveau réel de ces aides de plus d’1 Md €/an pour les locataires sociaux et privés modestes.

[21] https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2021-09/perspectives-2021.pdf

[22] Commission pour la relance durable de la construction de logements (2021)

[23] IGF/CGEDD (2016), Evaluation de la politique du logement locatif meublé

[24] Lorsqu’un logement devient un meublé touristique, une compensation (e.g. transformation d’un bureau en location ordinaire) était déjà prévue dans certaines villes en 2016, mais encore très peu appliquée (voir partie 4.1)

[25] Encore récemment soulignées par le rapport IGEDD, IGF et IGA de 2022 https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/lutte-contre-l-attrition-des-residences-a3493.html

[26] Le Monde (Dedier et al., novembre 2019) avait recensé 100 000 locations dédiées en 2019 dans les 40 principales villes-centres, auxquelles il faut ajouter au moins 100 000 logements dans leurs agglomérations, en particulier sur la côte basque (+25 000 dont +10 000 sur les 24 communes les plus tendues), autour de Paris (+15 000 selon IPR 2021) et dans les autres Métropoles (au moins + 40 000 selon le site AirDNA)

[27] IPR, « Les locations saisonnières en Île-de-France », 2021.

[28] https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants

[29] CGEDD/IGF, Évaluation des politiques de mobilisation de la vacance, 2016.

[30] IGF, Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif Pinel, 2019.

[31] Voir Le Monde « Investir dans les chambres d’Ehpad, un placement discutable », 2022

[32] Voir https://politiquedulogement.com/2020/07/les-normes-bouc-emissaire-de-la-hausse-des-prix/#_ftn17

[33] Par exemple, les aides au logement dépassant 300 €/mois pour les personnes isolées très modestes, un bailleur peut leur louer un logement médiocre de 20m² à 20 €/m² dans une agglomération « moyenne », alors que ces populations ne pourraient pas payer plus de 200 €/mois (10 €/m²) sans aide et que les loyers sont 30 à 50% moins élevés pour les plus grands logements et les ménages non aidés.

[34] Voir IGAS, Évaluation des aides au logement 2012, Insee, « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé », 2014, et CAE, « Logement des étudiants et politiques publiques », 2017

[35] IGAS, Évaluation des aides au logement 2012.

[36] Cour des comptes, Rapport sur les aides personnelles au logement, 2015

[37] En 2019, les 12 plus grandes métropoles concentraient 1,6 des 2,8 M d’étudiants selon l’atlas des effectifs étudiants (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2021), contre moins d’un quart de la population nationale ou un tiers en ajoutant l’ensemble des communes de leurs départements.

[38] De plus, cette forte demande n’est couverte que par une offre abordable toujours marginale : seuls 8% des étudiants bénéficient d’un logement étudiant au loyer plafonné en 2022, soit moins de 15 % des étudiants ne résidant pas chez leurs parents (https://www.ecologie.gouv.fr/logement-des-etudiants-et-des-jeunes-actifs-0).

[39] Voir sur cette question Fack et Huillery 2021 et Depp 2019. Sur les 180 000 bacheliers professionnels par an, au moins 20 000 n’ont pas accès à ces formations courtes et sont contraints d’aller en licence, dont 95 % en sortiront sans diplôme

[40] https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/rapports_annuels/2016/DGAFP_RA2016_web_signet.pdf

[41] Voir par exemple sur ce sujet Comité Eval ISF, CAE 2019 et IPP 2021.

[42] https://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapportcrhh2023_vf.pdf

[43] Affaire Legrand : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/08/legrand-symbole-des-difficultes-a-desenclaver-la-france_6153497_3234.html

[44] Le Monde, « Le combat judiciaire de Paris contre les locations touristiques illégales », 2022

[45] Étude d’impact de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

[46] CGDD, Estimation des coûts pour le système de soins français de cinq maladies respiratoires et des hospitalisations attribuables à la pollution de l’air, 2015

[47] https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants

[48] https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/nombre-de-logements-vacants-depuis-plus-dun

[49] https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/logements-vacants-du-parc-prive-par-anciennete-de-vacance-par-commune-et-par-epci/

[50] Cette proposition rejoint en partie la proposition transpartisane en cours (https://encadronsairbnb.fr/), mais va plus loin en termes d’encadrement des loyers et d’imposition, sans quoi la rentabilité des locations courtes en zones tendues restera nettement plus élevée et donc difficile à réguler.

[51] Cette faible imposition des locations sociales existe déjà dans certains cas (dispositif Louer abordable devenu Loc’avantages), mais elle ne compense généralement pas l’écart avec le loyer de marché, en particulier pour les petites surfaces et les biens rénovés.

[52] https://mesinfos.fr/ile-de-france/le-conseil-constitutionnel-invalide-la-reforme-des-plus-values-immobilieres-22373.html

[53] Voir Institut PR 2021, un contentieux juridique européen a freiné cette régulation jusqu’à 2021

[54] Voir APUR 2020 et Institut PR 2021, une location occasionnelle dépassant 120 jours en France doit être enregistrée comme meublé touristique et peut alors être soumise à une compensation (le seuil du nombre de jours est souvent plus limité à l’étranger).

[55] En revanche, les contraintes peuvent rester nettement moindres dans les zones plus détendues, où les résidences secondaires et locations occasionnelles contribuent plutôt positivement aux territoires et où la vacance est généralement subie (voir 4.2).

[56] Voir l’Etude Dreal Grand Est et la Note sobriété PBD

[57] Cumul des logements commencés 2021 dans les 60 départements sans métropole et/ou majoritairement en A ou B1 (ce qui ajoute surtout DOM, Oise, Haute-Savoie, Savoie, Vaucluse, Charente-Maritime et Pyrénées-Atlantiques)

[58] Cour des comptes, Le programme Action cœur de ville, 2022

[59] Ces programmes permettent surtout le financement d’un chef de projet pour chaque ville engagée, mais les subventions des travaux restent similaires.

[60] https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/a-muttersholtz-la-mairie-taxe-les-logements-vacants-pour-dynamiser-le-centre-du-village-et-ne-plus-construire-de-lotissements-1715803.html

[61] http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article271

[62] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-aides-personnelles-au-logement

[63] Par exemple, une personne gagnant 1000 euros net/mois pourrait bénéficier de 200 euros d’aide par mois pour un loyer plafond « personne seule » de 600 euros en zone tendue. L’aide serait ajustée à 150 euros pour un loyer de 500 euros (diminuant à la fois l’aide et le taux d’effort), mais l’aide serait toujours de 200 euros pour un loyer de 700 euros afin de ne pas alimenter l’inflation.

[64] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/31/demandes-temps-d-attente-la-saturation-du-logement-social-en-ile-de-france-en-5-graphiques_5307750_4355770.html

[65] Voir Fack et Huillery 2021 plus haut. Dans un contexte de stabilisation à venir de la démographie étudiante, des places en Licences et dans certaines formations privées actuellement choisies par défaut seraient fermées en contrepartie de l’ouverture de places dans les BTS, IUT, Licences professionnelles et formations sanitaires et sociales.

[66] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/27/logement-etudiant-je-ne-sais-pas-ou-ma-fille-va-dormir-a-la-rentree_6186697_3224.html

[67] Voir https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/19/manque-de-logements-en-zones-touristiques-les-mesures-du-gouvernement- jugees-timides_6182546_3224.html

[68] Voir Revue française d’administration publique, « L’évaluation dans les politiques complexes. Les cas de la lutte contre l’habitat indigne et du traitement des copropriétés en difficulté », 2021.

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