Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Notes

Quel rôle de l’État pour aligner les entreprises sur les ambitions de neutralité carbone de la France ?

Introduction Les objectifs climat de la France ne seront jamais atteints sans le concours plein et entier du secteur privé. Les entreprises se situent en effet à l’épicentre de la question climatique : non seulement elles génèrent des émissions directes provenant du fonctionnement de leurs propres actifs (bureaux, usines, flottes de véhicules), mais elles endossent aussi une responsabilité plus large en tant que pourvoyeuses de biens et services qui alimentent, modifient ou maintiennent le système socio-technique dont nous dépendons au quotidien sur le territoire national (infrastructures de transport, bâtiments, sources de chauffage, produits d’alimentation, etc.). Par ailleurs, leur dépendance à des chaînes d’approvisionnement et de logistique étrangères a une influence directe sur l’empreinte carbone de la France, qui doit elle aussi être maîtrisée[1]. Certaines entreprises du secteur agricole et forestier sont en outre amenées à jouer le rôle particulier de gérer et développer les puits de carbone, une activité indispensable à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone nationale. Enfin, elles sont conduites à mettre à profit leurs fortes capacités de financement pour soutenir des projets bas-carbone sur le territoire, dans une logique de contribution financière à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils organiser l’alignement des entreprises sur les objectifs climat de la France ? Quel système d’indicateurs à surveiller et piloter pourrait être inventé ? Quelles instances doivent être créées par l’État afin de systématiser le contrôle de leur action climat ? Quels modes de réglementation, d’incitation et de coercition sont à encourager pour amener rapidement l’ensemble du secteur privé sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris ? La présente note cherche premièrement à décrire l’ambition climat de la France (I.1) et à expliciter sa co-dépendance avec la sphère privée (I.2). La seconde partie vise à construire un système de mesure de la contribution des entreprises à la neutralité carbone française (II.1) et à esquisser des pistes pour institutionnaliser un tel système de mesure au niveau national (II.2). Enfin, la troisième partie expose les moyens à disposition de l’État pour inciter, orienter et/ou obliger les entreprises à s’aligner sur l’ambition climat collective, fort du système d’évaluation décrit dans la partie précédente.   I. S’appuyer sur les objectifs climat nationaux pour fixer le cap du secteur privé 1) La Stratégie nationale bas-carbone, une feuille de route ambitieuse Créée en 2015 et révisée en 2019, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe le cap de l’action climat de la France. Elle vise la neutralité carbone du territoire français d’ici à 2050, en cohérence avec le maintien du réchauffement climatique en dessous des 2°C. Cela signifie concrètement que les émissions nationales devront baisser de 85 % entre 1990 et 2050, et que les puits de carbone nationaux devront doubler sur la même période, afin d’atteindre un point d’équilibre émissions/absorptions en 2050. Trajectoire des émissions et puits de gaz à effet de serre sur le territoire national entre 2005 et 2050 d’après la Stratégie nationale bas carbone. Source : MTE   Les émissions considérées correspondent exclusivement aux émissions générées sur le territoire français. Les émissions importées, telles que les émissions de la production à l’étranger de biens électroniques consommés en France, ne sont pas prises en compte dans la forme actuelle de la SNBC. Chaque secteur d’émissions (transport, bâtiment, agriculture, industrie, industrie de l’énergie, déchets) possède son propre budget carbone, au regard des capacités particulières de chacun à se décarboner. Le secteur des terres (forêts, prairies, sols agricoles) possède quant à lui un budget « négatif » d’émissions, c’est-à-dire une quantité de carbone à séquestrer annuellement sur le territoire de manière à atteindre l’objectif d’absorption en 2050. La SNBC incarne donc une ambition rigoureuse d’un point de vue scientifique sur le cap à fixer pour les émissions du territoire français. Néanmoins, ce cadre n’est pas applicable tel quel aux entreprises, qui dépendent le plus souvent de chaînes d’approvisionnement et de production internationales, tandis que l’objet de la SNBC est uniquement de donner des trajectoires sectorielles de réduction sur le territoire national. Précisons par ailleurs que la SNBC n’est pas contraignante, et n’a qu’une valeur normative et déclarative.   2) Quel est le lien entre les entreprises et la Stratégie nationale bas-carbone ? Pour aligner le secteur privé sur les objectifs nationaux fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il est nécessaire d’identifier les entreprises dont il est question. Ne devrait-il s’agir que des entreprises ayant leur siège en France ? D’entreprises ayant une implantation, quelle qu’elle soit, en France ? Ou plus largement, doit-on inclure des entreprises ayant accès au marché français ? Supposons pour simplifier que les émissions d’une entreprise sont constituées de deux « pôles » principaux : les émissions de production, et les émissions de consommation/utilisation en aval par les consommateurs finaux. Quatre grandes configurations se distinguent alors[2] : Cas 1: l’entreprise produit en France et vend en France Cas 2: l’entreprise produit en France et vend à l’international Cas 3: l’entreprise produit à l’international et vend en France Cas 4: l’entreprise produit à l’international et vend à l’international     Schéma des configurations d’entreprises entre lieu de production et lieu de vente   Pour le cas 1, la solution est simple : l’ensemble de l’activité de l’entreprise s’inscrivant au sein du territoire français, l’entreprise est directement concernée par l’ambition de la SNBC. Le cas 2 est un peu plus complexe, car l’entreprise produit en France mais exporte ses produits à l’international. Les émissions de production, qui sont incluses dans l’inventaire national, sont soumises sans ambiguïté aux exigences climat de la France. La question est de savoir si les produits vendus à l’international doivent eux aussi être soumis à la même exigence. Nous proposons que cela soit le cas, et que l’État adopte une approche simple : appliquer l’ambition climatique de la France à ces produits en considérant que l’ambition française est la mieux-disante. Par exemple, si la loi française interdit la vente des véhicules thermiques en 2035, il sera attendu des entreprises produisant ces véhicules sur le territoire national d’appliquer cette interdiction à l’ensemble des pays de vente. L’avantage de la simplicité est

Par Dugast C., Joly A.

28 octobre 2021

L’alliance entre l’école et les familles pour mettre fin à l’échec scolaire : leçons du projet Réconciliations

Introduction Cette note est la brève présentation du projet Réconciliations, basé sur une méthode pédagogique développée conjointement par Jérémie Fontanieu et David Benoit au lycée Eugène Delacroix de Drancy depuis 2012 et dont les résultats sont extraordinairement prometteurs[1]. En 2021, le projet entre dans une seconde phase de développement avec sa diffusion auprès des professeurs intéressés par l’alliance entre l’école et les familles : dès l’année scolaire 2021/2022, une dizaine de « classes pilote » essaime sur l’ensemble du territoire. D’un point de vue philosophique, cette méthode pédagogique traduit un certain nombre de convictions et de partis-pris parfaitement subjectifs et singuliers aux enseignants impliqués, ce qui explique qu’elle ne saurait avoir de portée normative : l’état d’esprit et les outils qui sont les leurs résultent de leur propre cheminement en tant que professeurs et reflètent leurs personnalités, ce qui interdit toute forme d’ambition axiologique, le refus d’approcher d’une forme de vérité n’empêchant pas pour autant l’ambition de constituer une forme d’inspiration.   Projet Réconciliations : éléments concrets Le projet a été mené chaque année depuis 2012 sur la classe de Seconde, Première ou Terminale dont Jérémie Fontanieu et David Benoit étaient professeurs principaux. Chaque promotion comptant entre 25 et 35 élèves, environ 250 familles ont participé à l’expérimentation sur neuf années scolaires. Le travail avec les familles s’inscrivant parmi les nombreuses tâches que les professeurs accomplissent en dehors des cours (préparation des séances, correction de copies, réunions, accompagnement pour l’orientation, etc.), le projet n’a fait l’objet de décharge ni d’heures supplémentaires institutionnelles (HSA / HSE). Les différents personnels de direction qui se sont succédé depuis 2012 ont autorisé et accompagné cette expérimentation pédagogique, aux côtés des nombreuses autres qui existent dans l’établissement (atelier Sciences-Po, conseil des éco-délégués, club de lecture, club radio, etc.). La coopération avec les familles coûte un temps de travail supplémentaire important en tout début d’année scolaire, nécessaire pour faire naître la confiance entre les parents et l’école (appels individuels, réunion de rentrée, etc.). Après ces premières semaines, l’envoi de SMS hebdomadaires ne prend qu’environ 30 minutes par semaine grâce à des astuces pratiques (SMS en partie automatisés et envoyés par ordinateur) ; ce travail supplémentaire, facilité par la suppression de tâches habituellement chronophages (banalisation des QCM comme évaluations, réutilisation chaque année des mêmes cours), est rapidement rentabilisé par les gains de temps considérables induits par la mise au travail des élèves et le développement croissant de leur bonne volonté.   1. Constat Le système scolaire français rencontre des difficultés considérables qui peuvent être mesurées à une échelle globale comme à une échelle individuelle. À une échelle globale, de nombreux travaux montrent que l’école française dysfonctionne. La sociologie française nous apprend depuis plus de 50 ans que notre système scolaire accroît les inégalités[1], et les enquêtes PISA de l’OCDE (comparaisons internationales de systèmes éducatifs) classent celui-ci comme l’un des plus injustes au sein des pays développés car la France est l’une des sociétés dans lesquelles l’origine sociale des élèves a le plus d’impact sur leurs résultats scolaires[2]. L’école en France rencontre donc non seulement de fortes difficultés, mais ce constat d’échec revêt même une dimension cruelle dans la mesure où il est parfaitement opposé aux promesses républicaines « d’ascenseur social », d’égalité des chances ou de principe méritocratique. Autrement dit, non seulement le système scolaire français dysfonctionne, mais ses difficultés sont d’autant plus douloureuses qu’elles sont en parfaite contradiction avec ses nobles ambitions originelles. À une échelle individuelle, beaucoup de professeurs ont le sentiment d’être impuissants face à cette machine à reproduire les inégalités qu’est devenue l’école, dépassés par un système qui broie les élèves en difficulté. À l’ambition et l’enthousiasme des débuts de carrière succède souvent une forme de désillusion et, petit à petit, les meilleures intentions semblent ruinées par un fatalisme ou une résignation pesante. Un, deux ou trois élèves qui décrochent chaque année dans chaque classe : peut-on vraiment y échapper ? Des élèves qui ne s’investissent pas outre mesure et qui n’exploitent pas leur véritable potentiel : peut-on y changer quoi que ce soit ? Des conseils de classe dans lesquels prédominent un sentiment mitigé et la conviction que les élèves n’ont pas véritablement exploité leur potentiel : que peut-on y faire ? La lecture attentive des bulletins donne le sentiment que les élèves ne produisent pas assez d’efforts : ils auraient pu être plus assidus, plus concentrés en classe, de meilleure volonté, plus réguliers dans leurs révisions ; ils auraient pu faire plus, ils auraient pu faire mieux. Le projet Réconciliations part de cette interrogation initiale : que faire pour que les élèves fassent davantage d’efforts ? Comment, à l’échelle du professeur, faire en sorte qu’ils travaillent davantage ? 2. Causes Pour parvenir à comprendre pourquoi les élèves ne font pas autant d’efforts qu’ils le pourraient ou qu’ils le devraient, il faut prendre le temps de se mettre à leur place. De leur point de vue, les obstacles à une véritable mise au travail sont considérables. Pour énoncer quelques-unes des justifications les plus fréquentes : – ils n’en ont d’abord pas envie (ce qui semble compréhensible, car ils sont jeunes, enfants ou adolescents) ; – ils ne veulent pas subir le regard critique des autres élèves ; – ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas encore ; – ils ont intériorisé les représentations que les médias et de nombreux responsables politiques relaient fréquemment au sujet des « jeunes de banlieue » (« bons à rien », « refusent de s’intégrer », « séparatistes », etc.). Il en résulte une très faible confiance en eux, ce qui ne les aide pas à s’investir dans les études et les pousse souvent plutôt à s’autocensurer ; par ailleurs, les élèves sont des adolescents, un âge de la vie difficile où l’on essaie de se forger petit à petit une identité et durant lequel on est souvent très dur avec soi-même. Pour toutes ces raisons, ils sont convaincus qu’ils sont incapables de fournir les efforts attendus ou sont fatalistes quant à leurs chances de réussite ; – ils sont découragés par leur perception de la situation économique française ; – ils sont lucides au sujet des discriminations

Par Fontanieu J.

21 octobre 2021

Vers une privatisation de la Banque de France ?

François Villeroy de Galhau a été nommé gouverneur de la Banque de France en novembre 2015 après une mission d’étude de quelques mois destiné à faire oublier que, jusqu’en avril 2015, il était le numéro 3 de BNP Paribas. Cette nomination avait soulevé des objections de la part de nombreux économistes[1]. Il est désormais en passe d’être reconduit à la tête de la Banque de France par Emmanuel Macron[2]. Sa nomination a pourtant fait l’objet, tant dans le monde financier et économique qu’en interne, de très fortes critiques du fait des conflits d’intérêt qu’elle soulevait ; son expérience, son réseau, sa vision des choses, son état d’esprit risquait de l’amener à défendre les intérêts du secteur bancaire plutôt que ceux de la collectivité. La Banque de France est en effet par plusieurs de ses missions et attributions la « banque des banques » et son gouverneur est le président du Collège de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), organisme chargé du contrôle des banques. Sa reconduction, en 2021, pose les mêmes questions au regard de l’analyse de son action. Quel bilan à l’heure de sa reconduction ? Fin 2020, François Villeroy de Galhau appelait à ramener le taux des Plans d’Épargne Logement – les PEL – ouvert avant 2011, et dont la rémunération s’élève à 4,4 % au minimum, à 1 % seulement[3]. Selon lui, cette rémunération met en danger les banques commerciales, lesquelles, en 2020, ont pourtant réalisé un niveau record de 21 milliards d’euros de bénéfices. Le gouverneur de la Banque de France s’est également opposé à la proposition d’annulation des dettes publiques détenues par la BCE portée par l’Institut Rousseau et par près de 150 économistes à travers l’Europe[4], tout comme il s’est opposé à l’idée de monnaie hélicoptère[5], prônant au contraire le retour à la maîtrise du déficit et de la dette publique en coupant dans les dépenses. Il s’est enfin longtemps opposé à la rupture avec le dogme de la neutralité monétaire qui empêche la banque centrale de jouer un rôle, qui serait pourtant essentiel, dans la lutte contre le changement climatique en déclarant : « Ne nous trompons pas sur la nature de la politique monétaire. Elle doit permettre d’atteindre des objectifs macroéconomiques, plutôt que des objectifs spécifiques liés à tel ou tel secteur »[6] avant de reconnaître partiellement, plusieurs années plus tard, que la politique monétaire pouvait bien jouer un rôle dans ce domaine. Cela n’a toutefois pas empêché la BCE, dans sa revue récente de politique monétaire, de conserver ce dogme absurde de la neutralité monétaire[7]. François Villeroy de Galhau milite également activement pour qu’il n’y ait aucune hausse de la fiscalité. Il pense sans aucun doute à l’ISF qui a été supprimé et qu’il ne faut pas rétablir, au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) sur les dividendes – la “flat tax” qui s’est substituée à la taxation selon le barème progressif de l’impôt sur les revenus – qu’il faut maintenir en l’état, aux niveaux de prélèvements sur les stock-options qu’on ne doit pas remonter et à toutes les mesures élargissant les avantages fiscaux fait sur les placements financiers qu’il ne fait pas toucher. De beaux exemples d’idéologie économique conservatrice, toute entière tournée vers la préservation du capitalisme financier. Et si sa reconduction à la tête de la Banque de France visait à parachever une autre œuvre, celle de sa privatisation rampante ? Examinons les faits. La Banque de France comptait fin 2015, 12 269 agents équivalents Temps Plein (ETP)[8]. Fin 2020, ceux-ci ne sont plus que 9 535 (soit -22 %). Cette baisse des effectifs était certes amorcée depuis des années mais elle a été fortement amplifiée sous la gouvernance de François Villeroy de Galhau. Entre 2010 et 2015, la baisse des effectifs avait été de l’ordre de 9 %. Fin 2024, selon les prévisions établies par la Banque de France, le nombre d’emplois devrait être descendu à 8 800. Selon les syndicats unanimes, celui-ci devrait être en fait inférieur à 8700 ; soit une diminution supplémentaire de près de 10 %. François Villeroy de Galhau a donc appliqué, à la tête de la Banque de France, le dogme du moins-d’État et le crédo qu’il faut sans cesse et partout “dégraisser le mammouth” pour réduire les dépenses. Le nombre d’emplois supprimés et celui des missions de services publics dégradées au cours de ces dernières années constituent ainsi sa véritable marque à la tête de la Banque de France (et bien évidemment celle de sa tutelle). François Villeroy de Galhau peut aussi s’enorgueillir que les sommes versées par la Banque de France à son actionnaire unique, l’État, sont en hausse régulière : la contribution de notre Banque Centrale Nationale au budget de l’État (impôts sur les sociétés et dividendes) a été en 2019 de 6 milliards d’euros, soit 2,7 % des recettes nettes du budget général de l’État, alors qu’elle n’était que de 1,6 % en 2015. Mais cette évolution doit beaucoup à la conduite de la politique monétaire non-conventionnelle de la BCE qui conduit l’État à verser plus de dividendes à la Banque de France, que celle-ci lui reverse en partie par la suite. En fait, les évolutions de la Banque de France au cours des dernières années nous renvoient à un triple échec. Le premier échec réside dans une contribution “négative” à l’aménagement du territoire ; le second dans une moindre participation aux services publics que l’État doit rendre à ses administrés ; et le dernier dans le recul de la mission régalienne qui est celle de la Banque de France de l’entretien de la monnaie fiduciaire, à travers ce que l’on pourrait même considérer comme une privatisation de cette activité. 1. Premier échec : une contribution négative à l’aménagement du territoire et un affaiblissement considérable de l’institution Banque de France 1. Une baisse massive des effectifs et une modification de certains statuts. La baisse des effectifs n’est pas également répartie au sein de la Banque de France. Mais “l’effort d’adaptation” accompli – pour reprendre les

Par Dicale L.

18 octobre 2021

Repenser les fondements, le financement et la finalité de la protection sociale, socle républicain de la cohésion sociale

La crise sanitaire a été l’occasion de mesurer l’agilité et la puissance de la protection sociale à la française. L’État a décidé, par l’assurance maladie obligatoire, de prendre en charge les coûts engendrés par la pandémie (hospitalisation, dépistage, vaccination, etc.), ainsi que le financement des téléconsultations pour garantir l’accès aux soins. Outre l’assurance maladie, les complémentaires santé sont intervenues pour accompagner la crise, les populations, notamment les mutuelles. Dans le même temps, par le chômage partiel, la protection sociale a parachevé l’accompagnement des personnes pour les secteurs les plus affectés économiquement compte-tenu des fermetures administratives pour raisons sanitaires (restauration, tourisme, culture, événementiel, etc.). Pour le dire autrement, la protection sociale a été l’un des leviers puissants des mesures d’accompagnement mises en œuvre par la puissance publique et s’est traduite par le fameux « quoiqu’il en coûte » affirmé par le Président de la République dès mars 2020. Pourtant, ce facteur essentiel de redistribution est confronté à une crise de modèle : en plus de souffrir d’une image très dégradée dans l’opinion publique, notre conception actuelle de la protection sociale pourrait ne pas résister à l’épreuve du réchauffement climatique sans une refondation profonde de ses objectifs et de son financement. Repenser notre rapport à la protection sociale pour l’inscrire au cœur de la reconstruction écologique La protection sociale est aujourd’hui un des principaux leviers de redistribution et de cohésion sociale. Pour rappel, en 1985, les dépenses de protection sociale représentaient 26 % du PIB, contre 31 % des dépenses du PIB actuellement. Cela est dû à une augmentation des dépenses de santé, à la technicisation des soins, à l’explosion des pathologies chroniques, mais aussi au vieillissement de la population et à l’élargissement du filet social souhaité par la population. Ce pourcentage augmenterait encore si nous décidions de socialiser les dépenses liées à la prise en charge de la perte d’autonomie chez les personnes âgées. La comparaison des effets de la crise en France par rapport à d’autres pays européens au cours de l’année écoulée a démontré combien il était nécessaire de socialiser cette dépense afin de constituer un amortisseur social en période de crise. Néanmoins, force est de constater que nombre de nos concitoyens n’ont pas une perception positive de cette protection collective. À force de ne pas expliquer, de ne pas démontrer son utilité, s’installe l’idée que la protection sociale est trop coûteuse. On la perçoit comme une charge et non comme un investissement social et solidaire. On ne mesure pas les externalités positives qu’elle constitue au travers de la redistribution induite, notamment par la misère évitée aux plus fragiles. Face à cela, il est nécessaire de remettre le modèle de protection sociale au cœur du débat afin que les assurés sociaux en comprennent les ressorts, le fonctionnement, et perçoivent son caractère redistributif et solidaire. À l’heure où de plus en plus d’acteurs économiques, de femmes et d’hommes engagés, d’ONG, plaident pour que nous révisions notre modèle de production et de consommation afin d’adopter une approche qui soit économiquement plus durable, mais aussi écologiquement et solidairement plus responsable, il est également essentiel de nous interroger sur la manière de financer la protection sociale. Les trente dernières années permettent en effet de constater que les grandes phases de déficit de la sécurité sociale, socle de notre protection sociale, sont essentiellement dues à des chutes massives de la production et au chômage de masse. Ainsi, la hausse massive du chômage au cours de la période 1993 – 1996 a provoqué un déficit de 10 milliards d’euros de l’assurance maladie. La crise financière puis économique de 2008 – 2010 a ensuite entraîné un déficit de 28 milliards d’euros. À son tour, la crise sanitaire de 2020 a provoqué un déficit de la branche maladie de 38 milliards d’euros. Les modalités actuelles de financement induisent des déficits majeurs dès que les recettes diminuent, en raison d’une hausse du chômage et / ou d’une baisse de l’activité économique. Malgré la fiscalisation d’une partie du financement de la protection sociale avec la Contribution sociale généralisée (CSG) ou la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), le financement de la protection sociale demeure très dépendant du PIB. Appuyer notre modèle de production sur une nouvelle définition de la santé, élargie au bien-être Pour engager la transition écologique de notre modèle de production et de consommation sans altérer le niveau de protection sociale, il est nécessaire d’interroger la manière de financer durablement la protection sociale afin de la rendre plus résiliente aux aléas du PIB, et substituer la mesure du progrès à une autre norme : la mesure du progrès intérieur au bien-être (PIBE) qui élargit la notion de santé à l’état de complet bien-être physique, psychique, social et environnemental, pour paraphraser la charte d’Ottawa. Pour cela, il sera nécessaire de s’appuyer sur les indicateurs de bien-être existants, mais également d’en construire de nouveaux. Cette mesure du PIBE pourrait ainsi prendre en compte les externalités positives et négatives induites par un modèle de production. Ainsi, un modèle qui induit des pollutions engendrant des dépenses sanitaires et sociales devra être appréhendé d’une manière moins positive qu’un modèle qui améliorerait au contraire le bien être, la santé, etc. Or, la mesure actuelle du produit intérieur brut valorise davantage le premier modèle de production, puisqu’elle additionnera à la production initiale les flux économiques liés à la pollution occasionnée. Cette incohérence alimente le hiatus perçu par une partie de la population qui ne se reconnaît plus dans les améliorations revendiquées par les indicateurs macroéconomiques, censés objectiver l’amélioration de leur bien-être et de la richesse nationale. Il faut ainsi ouvrir une grande réflexion sur les indicateurs qui guident l’action publique. La démocratie sociale comme ancrage pour adapter la protection sociale aux risques environnementaux Nos engagements internationaux pris lors de la COP 21 en 2015 afin de réduire la hausse de la température à moins de 1,5°C d’ici la fin du siècle affecteront la croissance économique du pays, et détermineront en particulier le type de croissance que nous adopterons. En parallèle,

Par Chenut É.

13 octobre 2021

Comment s’assurer que les entreprises encouragent une consommation plus durable ?

Au-delà des revendications touchant au pouvoir d’achat, le mouvement des Gilets jaunes a pris racine dans un sentiment d’injustice fiscale face à la transition écologique : les ménages, et notamment les plus modestes, auraient à supporter l’essentiel de l’effort alors que les grandes entreprises, parfois très polluantes pourtant, seraient relativement épargnées. S’il peut sembler plus équitable de concentrer l’effort sur les grandes entreprises, au moyen de taxes et de réglementations, une telle stratégie peut s’avérer finalement pénalisante pour les ménages, via la répercussion des coûts de production sur les prix à la consommation. Alors comment engager les entreprises dans la voie de la transition écologique sans pénaliser d’autant les consommateurs ? Face à ce défi, le dispositif dit des Certificats d’économie d’énergie (CEE) montre une voie intéressante. Mis en place en France depuis 2006, et dans un nombre croissant de pays européens, ce dispositif hybride de façon insolite une obligation sur les résultats avec une flexibilité sur les moyens (marché, délégation, sensibilisation, subventions, etc.). Surtout, il engage les vendeurs d’énergie à promouvoir eux-mêmes une consommation plus économe et donc plus durable de l’énergie auprès des millions de consommateurs. Fort des débats et des adaptations dont il fait régulièrement l’objet, le dispositif des CEE offre aujourd’hui un cadre qui pourrait tout à fait être extrapolé à d’autres biens et services de consommation. Cette note propose de décrire les caractéristiques clés d’un tel dispositif et les précautions qu’il est essentiel de prendre pour en assurer l’efficacité et l’acceptabilité. La transition écologique : un vecteur d’injustice fiscale ?   Si le sentiment d’injustice fiscale s’exprime diversement depuis le début du 20e siècle[1], c’est la hausse de la taxe carbone[2], et donc un instrument de la transition écologique, qui en a cristallisé l’une des dernières manifestations. Dans un contexte marqué par le mouvement des Gilets jaunes, il a en effet été reproché aux pouvoirs publics d’augmenter la fiscalité écologique sans lui associer un projet tangible de transition écologique[3]. Surtout, face à l’urgence environnementale, s’est installé le sentiment que les ménages, et notamment les plus modestes, auraient à fournir l’essentiel de l’effort, comparativement aux grandes entreprises parfois très polluantes. Qu’en est-il ?   D’après les dernières données disponibles, l’ensemble des taxes environnementales – au sens d’Eurostat – représentait 51,2 milliards d’euros de recettes pour l’État, dont près de 30 milliards pour la seule TICPE[4] en 2016. S’il n’est pas aisé de distinguer la contribution des ménages de celle des entreprises, un examen des différentes taxes environnementales[5] conduit à estimer que les ménages contribuent aux deux tiers environ de ces recettes, soit deux fois plus que les entreprises. Le maintien de la non-taxation du kérosène[6] par exemple, alors que l’aviation émet 14 à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre et personne transportée, a été largement critiqué à cet égard.   Ce sentiment d’iniquité quant à la répartition de l’effort est préjudiciable pour la transition écologique. Après des années de prise de conscience des enjeux environnementaux, il peut en effet entraîner un désengagement, à la fois pratique et moral, des citoyens. Ainsi en 2018 par exemple[7], 62 % des Français souhaitaient que le gouvernement donne la priorité au pouvoir d’achat, quitte à aller moins rapidement sur la transition énergétique. Il apparaît également que les Français sont de plus en plus nombreux à se désintéresser des problématiques liées à l’environnement, voire à exprimer une hostilité (23 % désormais de « rétractés »[8]), tout en étant de moins en moins nombreux à faire confiance aux grandes entreprises (27 % en 2015 contre 57,7 % en 2004). Plus récemment, une enquête du Crédoc (2019[9]) nous apprend que les 18-30 ans ont beau placer l’environnement comme un enjeu crucial, ils ne se comportent pas de façon plus écologique que leurs aînés. Ils sont moins nombreux à trier leurs déchets et à réduire leur consommation d’électricité et beaucoup plus nombreux à voyager régulièrement en avion. Il est donc essentiel de retrouver l’adhésion de tous, en convictions comme en actions.   Exiger plus d’efforts de la part des entreprises peut pénaliser les consommateurs   Pour concilier les impératifs de transition écologique et de justice sociale, il suffirait à première vue d’appliquer le principe de pollueur-payeur, et de répartir l’effort fiscal au prorata des émissions de gaz à effet de serre dont chacun se rend responsable. Ce serait à la fois juste et efficace… Vraiment ? Si l’on regarde les chiffres[10], près de 17 % des émissions de CO₂ de la France sont dues aux seules voitures particulières, lorsque nous faisons nos courses, allons au travail ou partons en vacances – contre à peine plus de 1 % pour le trafic aérien intérieur, à titre de comparaison. Le logement résidentiel est quant à lui responsable d’environ 15 % des émissions totales, avec plus de 45 millions de tonnes de CO₂, à cause principalement de nos appareils de chauffage. Les ménages seraient donc approximativement responsables d’un tiers des émissions de CO2 (17 % + 15 %), tandis que les deux tiers restants reviendraient aux industries, à l’agriculture, au tertiaire ou encore à la production même de l’énergie. Avons-nous là notre clé de répartition de l’effort, à savoir un tiers pour les ménages et deux tiers pour les entreprises, soit précisément l’inverse de la répartition actuelle ? Non, et cela pour deux raisons principales. La première tient à la pertinence du calcul, très discutable en réalité. L’industrie, l’exploitation agricole, la clinique et la centrale à charbon pourraient rappeler, à raison, qu’elles consomment de l’énergie, non pas pour leur propre confort, mais bien pour produire des tables, des pommes, des soins et de l’électricité que les ménages in fine consomment. En tant que consommateurs « finaux », les ménages seraient en quelque sorte directement et indirectement responsables de 100 % de la consommation énergétique (et de son gaspillage). La deuxième raison est d’ordre pratique. Même si les décideurs politiques s’en remettaient directement aux grands consommateurs d’énergie que sont les entreprises de biens et de services, les ménages en seraient finalement affectés, via une répercussion plus ou moins forte des coûts de production sur les prix, mais aussi potentiellement sur l’emploi et

Par Baïz A.

15 septembre 2021

Mettre en place un prêt à la rénovation par rechargement hypothécaire

Le parc immobilier résidentiel français est particulièrement mal isolé, entraînant une consommation énergétique élevée, de l’inconfort voire de l’insalubrité pour les résidents. Sur les 29 millions de résidences principales, 7 % seulement ont obtenu les étiquettes A ou B du Diagnostic de performance énergétique (DPE). En outre, une partie non négligeable des systèmes de chauffage fonctionne au gaz naturel ou fioul domestique, énergies de chauffage particulièrement émissives en gaz à effet de serre. Alors qu’il ne faudrait pas dépasser 2 tonnes équivalent carbone pour respecter les différents engagements de la France sur le climat et suivre une trajectoire nationale limitant le réchauffement climatique à 2 degrés, l’empreinte carbone du logement est à elle seule estimée à 2,4 tonnes équivalent carbone par personne[1] dont 59 % sont liés au chauffage. Le parc immobilier résidentiel français est l’un des secteurs les plus émissifs, juste après les transports, et alourdit considérablement la facture énergétique nationale et individuelle. Cela engendre des situations de précarité énergétique dont souffrent 7 millions de personnes en France en 2019, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). En Europe, ce sont 50 à 125 millions d’habitants qui souffrent des mêmes maux qui se traduisent par un choix cornélien : manger ou se chauffer. À cela, il convient d’ajouter d’autres dommages collatéraux sur la santé, tels que les maladies respiratoires, notamment chez les jeunes enfants, causées par un air vicié dans les logements. Les travaux de rénovation entrepris actuellement sont le plus souvent partiels, par gestes, comme changer les fenêtres, installer un nouveau système de chauffage (chauffage électrique, pompe à chaleur, etc.) ou encore isoler les combles. Or, selon l’Enquête Trémi de 2017, 75 % de ces travaux n’ont pas amélioré les DPE, et selon une autre étude des MinesParisTech, menée par Matthieu Glachant en 2019, pour 1000 € dépensés dans ces travaux isolés, la facture énergétique ne s’est réduite que de 8,4 € par an. L’équilibre en trésorerie, qui consiste à compenser les coûts inhérents à la rénovation par la réduction de la facture énergétique, pourtant essentiel pour inciter les Français à rénover, n’est absolument pas atteignable avec cette rénovation partielle puisqu’elle conduit à des économies insuffisantes par rapport aux charges additionnelles. Nous assistons donc depuis des années à une gabegie financière des fonds privés et publics qui s’accompagne en outre d’un manque d’accompagnement et de vérification. La solution pour éviter tous ces effets négatifs est pourtant sur la table depuis longtemps. Les acteurs de la rénovation, et plus récemment le Haut Conseil pour le Climat (HCC) ou encore la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), s’accordent à dire que seule une rénovation complète et performante du bâti et du système de chauffage réalisée en une seule fois permettra à l’ensemble du parc immobilier résidentiel de récupérer la totalité du gisement d’économies potentielles et ainsi d’obtenir le label Bâtiment basse consommation (BBC) soit les niveaux A et B du DPE. Pour ne donner qu’un ordre de grandeur, la rénovation performante d’une maison de classe F ou G divise par 4 à 8 les factures de chauffage (hors effet rebond et à coût d’énergie stable). Au-delà des avantages individuels en termes d’économie d’énergie, de confort et de santé, la rénovation globale génère des créations d’emploi dans la filière de la rénovation qui sont estimées à 278 000 équivalents temps plein (ETP)[2]. Elle a aussi le mérite d’engendrer des excédents budgétaires additionnels du fait de la réduction du déficit commercial, des avantages collatéraux sur le système de santé et sur les comptes sociaux, excédents qui pourraient être alloués pour financer leur rénovation et notamment favoriser en priorité l’équilibre en trésorerie des ménages les plus modestes. Il est rare d’observer un tel alignement des intérêts ainsi qu’une telle unanimité. Pourtant, malgré les appels répétés à un plan massif de rénovation globale, seul à même de respecter les accords sur le climat et de mettre un terme à la précarité énergétique, les pouvoirs publics tardent à mettre en place une politique volontariste. Pour comprendre pourquoi aucun des gouvernements successifs n’a souhaité mettre en œuvre ce type de rénovation, il est important d’en identifier les raisons profondes, notamment en analysant les conséquences financières et fiscales d’une telle politique.   I. Une politique des petits pas pour ne pas heurter l’électeur-contribuable Le premier facteur du manque de volontarisme des pouvoirs publics tient à des considérations pratiques. La rénovation complète et performante du logement suppose en effet des travaux lourds qui vont de plusieurs jours à plusieurs mois selon les biens, ce qui cause inévitablement d’importants désagréments pour les résidents. La deuxième raison tient au coût financier. Sur le plan individuel, le coût au mètre carré d’une rénovation complète et performante est estimé en moyenne à 450 € TTC pour les maisons individuelles et 270 € TTC pour les logements collectifs[3], ce qui représente un coût moyen de 40 000 € par logement en France. Malgré les aides de l’État, il demeure un reste à charge important pour les propriétaires. Les acteurs de la rénovation, rejoints par le Haut conseil pour le climat et la Convention citoyenne pour le climat, plaident toutefois depuis longtemps pour une obligation à la rénovation globale et performante. Sans elle, rien ne changera fondamentalement, les objectifs climatiques et sociaux demeureront des vœux pieux et la précarité énergétique perdurera. Cependant, pour éviter une levée de boucliers légitime de la part des citoyens, ces mêmes acteurs prônent certaines conditions qui visent à rendre acceptable cette obligation. Tout d’abord, afin de limiter les désagréments, la rénovation doit être concomitante à des faits générateurs, tels que les mutations ou le ravalement de façade pour les copropriétés. On en dénombre 1 046 000 entre février 2020 et février 2021[4] dont la plupart concernent des logements datant d’avant 2000, donc pas ou peu isolés : le gisement annuel est donc suffisant pour enclencher une dynamique et pousser le secteur à s’organiser. Malgré cela, cette obligation a toujours été repoussée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale, parfois au nom de la liberté individuelle. Cette invocation est d’autant plus étonnante que la liberté individuelle n’a de sens que dans le

Par Ramos P., Simac D.

13 septembre 2021

Institutions : 10 propositions pour un programme commun

  « C’est alors qu’au milieu de la tourmente nationale et de la guerre étrangère apparut la République ! Elle était la souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice. Elle devait rester cela à travers les péripéties agitées de son histoire. Aujourd’hui, autant que jamais, nous voulons qu’elle le demeure. » (Charles de Gaulle, discours du 4 septembre 1958)   « Ne légiférer qu’en tremblant » (Jean Carbonnier) Introduction « La souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice » : c’est en ces termes que le général de Gaulle inaugurait la Vè République dans son discours du 4 septembre 1958. Cette promesse d’une République souveraine, libre et juste, érigée sur les ruines d’un régime à bout de souffle, a-t-elle été tenue ? Le cadre de nos institutions le permet-il vraiment ? Et ne vaudrait-il pas mieux, comme certains le préconisent, faire table rase pour inventer une VIè République ? L’idée n’est pas nouvelle : conçue au plus fort de la guerre d’Algérie, ratifiée par les Français dans un référendum s’apparentant à la sauvegarde in extremis de l’ordre républicain autant qu’au plébiscite de l’homme du 18 juin, la Constitution de 1958 a suscité depuis ses origines des interrogations nombreuses et légitimes. Dominée par la volonté de renforcer le pouvoir exécutif et d’assurer, à tout prix, la stabilité des gouvernements, la République gaullienne est ainsi apparue, dès sa naissance, comme un régime de monarchie présidentielle, faisant du Parlement une simple courroie de l’activité législative tout en privant les citoyens de nombreuses garanties. De ces déséquilibres originels, notre régime conserve incontestablement les traces, qui se sont même doublées au fil du temps de défaillances supplémentaires. La transformation du Président en chef de la majorité avec la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, l’érosion du dialogue présidentiel avec la presse, la persistance de son irresponsabilité politique en temps de crise, la disparition du recours au référendum, la succession presqu’ininterrompue des états d’urgence, sont autant d’exemples de cette dégradation. La hausse constante de l’abstention, notamment aux élections législatives, achève le tableau d’un régime rétréci, trop peu en phase avec ce que les citoyens pourraient en espérer. Faisant un tel constat, faudrait-il faire table rase et refonder de fond en comble nos institutions ? À cette question, la présente note propose une réponse négative. Négative, d’abord, parce que la Vè République est désormais solidement ancrée dans la pratique de la politique nationale. Legs d’une figure unique, le général de Gaulle, mais également d’une crise profonde et multiforme liée aux excès du parlementarisme, elle a même acquis au fil du temps un indéniable crédit politique et moral. Malgré de nombreuses critiques, la Vè République est ainsi louée pour sa stabilité, dans un pays longtemps habitué aux crises de régime. Renouvelant en outre le rapport du peuple au chef de l’État, « rationalisant » certaines dérives des régimes précédents, la Constitution actuelle a permis une cohérence dans l’action du pouvoir exécutif qu’il serait coûteux d’abandonner. Sauf à vouloir « réinventer », dans une nouvelle Constitution, les caractéristiques les plus ancrées du régime actuel – mais qui peut garantir que telle serait l’issue, par nature incertaine, d’une assemblée constituante ? –, toute volonté de faire table rase prendrait le risque de réveiller des maux que la Vè République est parvenue à écarter, et dont le profond rejet par la population s’était justement exprimé entre mai et septembre 1958. Négative, encore, car toute révision de la Constitution suppose que la procédure de l’article 89 soit respectée. Rendant peu vraisemblable – sauf événement majeur – la convocation d’une assemblée constituante, cette procédure, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, impose que tout projet de loi constitutionnelle soit approuvé dans les mêmes termes par les deux assemblées. En d’autres termes, l’avenir de toute révision dépend inévitablement de l’accord du Sénat, et pour cela, de l’assentiment du centre et d’une partie de la droite. Cette exigence d’un large consensus, pour modifier notre loi fondamentale, n’est-elle pas d’ailleurs pleinement justifiée ? Qu’il nous suffise, à cet égard, de relire François Mitterrand : « Les membres de la plus modeste association de pêche ou de pétanque savent qu’on ne modifie pas les statuts d’une société aussi facilement qu’un règlement intérieur. Si la révision des statuts d’un groupement sportif requiert une procédure lente et solennelle, ne convient-il pas de protéger, avec un soin au moins égal, la Constitution d’un pays ? Tel est l’objet de l’article 89 […] »[1]. Une voie alternative pourrait alors consister, au lendemain de l’élection présidentielle, à invoquer l’article 11, qui permet au chef de l’État de soumettre au référendum « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics » sans en passer par le vote des assemblées. Une telle option serait toutefois très incertaine, cet article n’ayant pas vocation à s’appliquer en cas de révision de la Constitution. Certes, c’est par cette procédure que le général de Gaulle soumit ses projets de révision, en 1962 et 1969, au suffrage populaire. Mais le Conseil, présidé par les gaullistes historiques Léon Noël et Gaston Palewski, n’avait encore qu’une légitimité précaire[2]. La situation est aujourd’hui bien différente : depuis sa célèbre décision Hauchemaille du 25 juillet 2000, le Conseil se reconnaît compétent pour contrôler la constitutionnalité du décret de convocation de tout référendum. Dans l’hypothèse où, désormais, le Président de la République ferait usage de l’article 11 pour réviser la Constitution, l’opposition du Conseil constitutionnel serait, sinon certaine, du moins hautement probable. La réussite d’une telle révision serait alors soumise à un fort aléa. Gardant à l’esprit les exigences de l’article 89, la présente note, qui fait écho aux « 50 propositions » de Benjamin Morel[3], entend s’écarter de la perspective d’une VIè République pour esquisser les grandes orientations d’une révision ambitieuse mais s’inscrivant dans la continuité des institutions existantes, et qui pourrait ainsi recueillir un véritable soutien transpartisan. Une telle réforme conserverait les principaux acquis de la Vè République, pouvant se résumer à quatre piliers : le parlementarisme rationalisé ; l’élection du Président de la République au suffrage universel direct ; la double modalité d’expression de la souveraineté, par la représentation et le référendum ; la division verticale du pouvoir entre le Président et

Par Stoleru D., Expert F.

25 août 2021

Le bitcoin, mirage monétaire et désastre écologique

  Dans le contexte de la crise de 2008-2009, l’avènement du bitcoin a pu séduire parce que, produit et géré avec un logiciel libre[1], il est supposé donner le pouvoir monétaire à ses utilisateurs grâce à sa gestion par une technologie plutôt que par une puissance centralisée (État et Banque centrale d’une part, banques commerciales de l’autre)[2]. Il serait « un outil crucial de libération individuelle face à un État omniprésent » (Lars 2021). Sa promesse était qu’il deviendrait une monnaie tant aux échelons nationaux qu’international et contrebalancerait, voire dépasserait, le monopole banco-financier des paiements. Chacun pourrait contribuer à partir de son ordinateur personnel à ce système décentralisé et ce système diminuerait même les coûts de transactions pour ses utilisateurs. Surtout, il mobiliserait un esprit à la fois communautaire[3] et pionnier. Le bitcoin aurait (re)fait de la monnaie un bien libre et un commun (Dupré, Ponsot, Servet 2015 ; Servet 2021a). La réalité est loin de ce schéma idyllique qui témoigne d’une confusion entre les intentions et les désirs mis en avant par ses promoteurs, et la réalité de ses usages et de son fonctionnement[4]. Le bitcoin n’est ainsi que très marginalement monnaie[5] au sens d’un instrument de paiement largement partagé au sein d’une communauté de paiement. La volatilité extrême de son cours fait douter qu’il ne puisse d’ailleurs jamais l’être, sauf dans des pays comme aujourd’hui le Liban qui connait un effondrement de son système monétaire et financier (Maucourant Atallah 2021), le Salvador qui a perdu sa souveraineté monétaire au profit du dollar depuis vingt ans (Kharpal 2021b) ou le Nigeria qui subit une hyperinflation[6]. En outre, le bitcoin est essentiellement devenu un instrument spéculatif, nouvel objet de jeu pour les institutions financières comme en témoigne la récente cotation en bourse de Coinbase (Garcia 2021). S’agirait-il alors d’un « placement alternatif » comme ont pu le décrire les autorités chinoises (Kharpal 2021a ; Cagan 2021a) ? On remarque cependant que la Chine a interdit à ses citoyens son usage comme monnaie et depuis peu sa production notamment en raison de ses effets dénoncés comme nuisibles pour l’environnement[7]. Une large partie de l’opinion publique assimile encore l’ensemble des crypto-activités au bitcoin alors qu’elles vont bien au-delà du monétaire et du financier. Si la critique à l’encontre du bitcoin est néfaste à la reconnaissance des potentialités de l’ensemble des cryptoactivités, n’est-ce pas à leurs spécialistes de faire connaître les différences existant, à des degrés divers, entre les différentes activités de cryptage, l’utilité des blockchains[8] et les spécificités de quelques-unes des 9500 autres cryptoactifs qui seraient aujourd’hui émis[9] ? Demain on connaîtra sans doute des monnaies numériques émises et gérées par les banques centrales, ce qui changera largement la donne. La Chine s’affiche aux avant-postes des innovations en cours et surtout futures (Lehman, Rothstein 2021), avec un modèle très différent du fait d’interventions publiques conservant à la monnaie sa qualité souveraine. Ce débat est aussi ouvert aux États-Unis (Hockett 2020) et ailleurs, comme une réponse aux défis monétaires à venir (Servet 2021b). Au-delà des usages monétaires du bitcoin, l’objectif principal de cette note est de démontrer que le bitcoin est un gouffre énergivore, contraire à nos ambitions climatiques. 1. Le bitcoin consomme une quantité d’énergie croissante Pour émettre les bitcoins il faut en effet faire tourner des ordinateurs puissants. Ces machines dites de « minage » sont en concurrence les unes avec les autres (Framabot et alii, 2018). Ceux qui échouent à miner un bloc ont investi à perte car ils ne bénéficient pas en tt+1 d’une avance pour l’émission suivante. Cela se fait avec une consommation électrique croissante à laquelle s’additionne celle pour produire voire transporter ce matériel de minage et à laquelle peut s’ajouter encore celle requise pour réfrigérer certains locaux compte tenu de la chaleur dégagée. De très nombreux articles de presse et rapports ont ainsi dénoncé le caractère énergivore[10] du bitcoin. En effet, le fonctionnement du réseau Bitcoin se base sur ce qu’on appelle la preuve de travail (POW) pour attribuer les nouveaux bitcoins créés actuellement toutes les dix minutes. En s’attachant à la question énergétique, on peut y voir une erreur de conception du bitcoin car une autre technique, la preuve d’enjeu (POS) et ses variantes, n’engendre pas une dépense énergétique aussi élevée que celle du bitcoin tout en apportant une sécurité que l’on peut estimer équivalente. D’autres cryptoactifs (ADA de Cardano par exemple, Binance coin, XRP, etc.) sont d’ailleurs fondés sur des protocoles de type POS et pourraient supplanter le bitcoin. Les données diffusées sur l’énergie consommée pour émettre et faire circuler les bitcoins constituent une mise en garde[11]. Ainsi en 2017 Newsweek a intitulé un article : « Bitcoin Mining on Track to Consume All of the World’s Energy by 2020 » [L’extraction de bitcoins en passe de consommer toute l’énergie mondiale d’ici 2020] (Cuthbertson 2017). Or le corps de l’article précisait : « such a projection is purely hypothetical » [une telle projection est purement hypothétique]. Cette précaution argumentaire a été peu relevée par tous ceux qui ont dénoncé ce qui serait selon eux le caractère erroné et donc inutilement alarmiste de l’article. Les affirmations notamment de Noizat (2019) relativisant cette consommation électrique ont été contredites par Delahaye (2019), sans que le premier réponde aux arguments critiques. Une des plus récentes alertes (en mars 2021) est venue du milliardaire Bill Gates dans une interview au New York Times (reprise dans Ponciano 2021). Le milliardaire, Elon Musk, quant à lui, est passé fin mars 2021 de l’appui au bitcoin sur son compte Twitter[12] à, six semaines plus tard, une critique à l’encontre de son « bilan carbone désastreux » (Burgel 2021). Ce qui en une journée a fait chuter son cours de 15 %. Selon le Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index (CBECI), la transaction d’un bitcoin a une empreinte carbone équivalente à celle de 735 121 transferts monétaires par Visa ; ou encore pour ce qui est de la circulation de l’information, à celle de 55 280 heures de consultation de You Tube. Toujours, selon le CBECI, la consommation annuelle du réseau bitcoin serait en train d’atteindre 128 TWh (terawatt-heure) par an[13], soit 0,6 % de la consommation

Par Servet J.

19 juillet 2021

Pour un nouveau mode de création monétaire libre et ciblé sous contrôle démocratique

La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et nicolas.dufrene@gmail.com. Télécharger le brief en pdf ____ Introduction Le temps est venu de mettre en œuvre des réformes majeures en matière de politique monétaire. La crise sanitaire a en effet confirmé une tendance de fond qui se dessinait déjà très clairement depuis la crise financière de 2008 et la mise en place par les banques centrales de politiques monétaires non-conventionnelles : le soutien monétaire des économies est indispensable mais il crée également des perturbations sur le marché des actifs et alimente les inégalités. Ces défauts qui accompagnent l’expansion de la base monétaire sont-ils inévitables ? Nous pensons que ce n’est pas le cas mais, pour les éviter, il faut s’autoriser à repenser et à élargir les modes de création monétaire. Cela suppose de mettre en œuvre un nouveau mode de création monétaire, et donc de politique monétaire, qui permette non seulement d’éviter ces effets indésirables mais également d’utiliser davantage la monnaie comme outil au service de l’économie réelle et du bien commun. Permettant de briser partiellement le cercle vicieux entre la monnaie et la dette, ce mode création monétaire aboutirait à une monnaie « libre » (c’est-à-dire de la monnaie libérée de la contrainte du remboursement, et donc de la destruction) et « ciblé », ce qui signifie que l’on doit trouver les moyens démocratiques de décider de l’allocation de cette création monétaire complémentaire, là où la politique monétaire actuel n’a absolument aucune prise sur l’emploi de la masse monétaire qu’elle crée. Ce nouveau mode de création monétaire n’aurait pas pour vocation de se substituer au système traditionnel de création monétaire par les institutions financières et monétaires (IFM), mais de le compléter. En effet, la création monétaire par le crédit, qui est devenu le mode privilégié de création monétaire depuis le XIXe siècle, constitue indéniablement un progrès historique en ce sens qu’il permet de passer d’une masse monétaire fixée de manière exogène par la quantité de métaux précieux à un mode de création monétaire anticipant les besoins des acteurs économiques (monnaie endogène). Il n’est toutefois pas sans défaut, notamment du point de vue de l’augmentation continue de la dette, ce qui laisse des marges d’amélioration conséquentes. C’est dans ce cadre que doit être pensée cette idée de la monnaie libre (ou permanente), qui suppose de « désencastrer » une partie de la monnaie de la dette[1]. Il s’agit de l’une des propositions centrales de l’ouvrage « Une monnaie écologique »[2], dont l’auteur de ces lignes est l’un des coauteurs, paru juste avant la crise sanitaire. Elle a depuis été défendue dans plusieurs publications[3]. Cette note a pour objectif de passer en revue les arguments économiques et monétaires justifiant d’instaurer un tel mode de création monétaire, puis de définir les grandes lignes de sa mise en œuvre. I. Echapper au cercle vicieux de l’endettement associé à la création monétaire. Notre système de création monétaire repose actuellement sur les agents bancaires et, plus précisément, sur les banques commerciales (les IFM) et sur la banque centrale. Ce sont ces institutions qui sont dotées d’un pouvoir de création monétaire. Celui-ci ne peut s’exercer qu’avec une contrepartie qui peut prendre différentes formes (crédit, actif financier ou immobilier, matières premières, etc.). Autrement dit, pour créer de la monnaie, un agent bancaire doit respecter les règles de la comptabilité en partie double : à chaque augmentation de son passif (ce qui correspond à de la création de monnaie ex nihilo) doit correspondre une augmentation de son actif (sous forme de prêts le plus souvent, mais aussi, de plus en plus, sous forme d’acquisitions d’actifs). Cela suppose une relation avec un agent économique qui n’est pas une IFM (car entre les IFM il n’y a pas de création monétaire mais simplement des transferts de liquidité sauf lorsqu’il s’agit de la banque centrale). Autrement dit, il existe aujourd’hui deux sources de création monétaire principales de la part des institutions financières monétaires : la première est l’octroi de crédits, la seconde est l’acquisition de titres. Cela a une conséquence directe : puisque la création monétaire s’opère essentiellement par le biais du crédit et des acquisitions de titres (essentiellement des obligations qui donnent lieu à remboursement ultérieurs, notamment pour les emprunts publics), il n’est pas étonnant que la dette progresse parallèlement à l’activité et à la masse monétaire. La dette progresse d’ailleurs toujours plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB) car une partie de la monnaie émise ne se retrouve pas instantanément dans les circuits économiques (épargne) ou fuit à l’étranger (en cas de déficit de la balance des paiements). Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’endettement public et privé mondial a ainsi atteint le montant inédit de 233 000 milliards d’euros et le ratio dette/PIB mondial a progressé à plus de 355 %. Trois années auparavant, l’endettement mondial ne pesait « que » 250 % du PIB mondial. Comme l’écrit joliment Camille Riquier : « affranchie de toute matière finie, la monnaie révèle la puissance infinie du quantitatif pur »[4]. Peut-on continuer ainsi ? Il serait un peu court de dire que la dette, notamment publique, ne représente jamais un problème. Cela en devient un dès lors que les marges de manœuvre réelles ou supposées des acteurs économiques privées ou publiques s’épuisent. Une dette publique très élevée nous rend vulnérables à une remontée des taux d’intérêts et elle sert d’arguments aux États pour ne pas investir, notamment dans la reconstruction écologique de nos sociétés. Plus fondamentalement, une question se pose : existe-t-il une raison indiscutable pour que la monnaie, qui est notre bien commun à tous et dont les formes sont aujourd’hui entièrement dématérialisées, ne puisse être créée qu’en échange d’une contrepartie sous forme d’endettement ? Ne peut-on briser, au moins partiellement, ce lien automatique entre monnaie et dette et libérer en partie la première de la seconde ? C’est à cela que répond le projet de pouvoir créer de la monnaie « libre » (certains disent « permanente »[5]). Ce faisant, l’introduction de monnaie libre dans le circuit économique permettrait

Par Dufrêne N.

23 juin 2021

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