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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

César Dugast

Sommaire

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    César Dugast

    César Dugast

    Conseil scientifique

    Biographie

    Ingénieur diplômé de l’École Centrale Paris et titulaire d’une licence de philosophie de l’Université Paris IV, César Dugast est expert énergie-climat au sein du cabinet Carbone 4.
    Son champ d’étude couvre les scénarios prospectifs de transition bas-carbone, les mécanismes de compensation et l’analyse critique de la notion de « neutralité carbone ». Il est notamment le co-auteur de l’étude « Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, de l’État et des entreprises face à l’urgence climatique » publiée en 2019.

    Notes publiées

    Quel rôle de l’État pour aligner les entreprises sur les ambitions de neutralité carbone de la France ?

    Introduction Les objectifs climat de la France ne seront jamais atteints sans le concours plein et entier du secteur privé. Les entreprises se situent en effet à l’épicentre de la question climatique : non seulement elles génèrent des émissions directes provenant du fonctionnement de leurs propres actifs (bureaux, usines, flottes de véhicules), mais elles endossent aussi une responsabilité plus large en tant que pourvoyeuses de biens et services qui alimentent, modifient ou maintiennent le système socio-technique dont nous dépendons au quotidien sur le territoire national (infrastructures de transport, bâtiments, sources de chauffage, produits d’alimentation, etc.). Par ailleurs, leur dépendance à des chaînes d’approvisionnement et de logistique étrangères a une influence directe sur l’empreinte carbone de la France, qui doit elle aussi être maîtrisée[1]. Certaines entreprises du secteur agricole et forestier sont en outre amenées à jouer le rôle particulier de gérer et développer les puits de carbone, une activité indispensable à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone nationale. Enfin, elles sont conduites à mettre à profit leurs fortes capacités de financement pour soutenir des projets bas-carbone sur le territoire, dans une logique de contribution financière à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils organiser l’alignement des entreprises sur les objectifs climat de la France ? Quel système d’indicateurs à surveiller et piloter pourrait être inventé ? Quelles instances doivent être créées par l’État afin de systématiser le contrôle de leur action climat ? Quels modes de réglementation, d’incitation et de coercition sont à encourager pour amener rapidement l’ensemble du secteur privé sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris ? La présente note cherche premièrement à décrire l’ambition climat de la France (I.1) et à expliciter sa co-dépendance avec la sphère privée (I.2). La seconde partie vise à construire un système de mesure de la contribution des entreprises à la neutralité carbone française (II.1) et à esquisser des pistes pour institutionnaliser un tel système de mesure au niveau national (II.2). Enfin, la troisième partie expose les moyens à disposition de l’État pour inciter, orienter et/ou obliger les entreprises à s’aligner sur l’ambition climat collective, fort du système d’évaluation décrit dans la partie précédente.   I. S’appuyer sur les objectifs climat nationaux pour fixer le cap du secteur privé 1)  La Stratégie nationale bas-carbone, une feuille de route ambitieuse Créée en 2015 et révisée en 2019, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe le cap de l’action climat de la France. Elle vise la neutralité carbone du territoire français d’ici à 2050, en cohérence avec le maintien du réchauffement climatique en dessous des 2°C. Cela signifie concrètement que les émissions nationales devront baisser de 85 % entre 1990 et 2050, et que les puits de carbone nationaux devront doubler sur la même période, afin d’atteindre un point d’équilibre émissions/absorptions en 2050.   Trajectoire des émissions et puits de gaz à effet de serre sur le territoire national entre 2005 et 2050 d’après la Stratégie nationale bas carbone. Source : MTE   Les émissions considérées correspondent exclusivement aux émissions générées sur le territoire français. Les émissions importées, telles que les émissions de la production à l’étranger de biens électroniques consommés en France, ne sont pas prises en compte dans la forme actuelle de la SNBC. Chaque secteur d’émissions (transport, bâtiment, agriculture, industrie, industrie de l’énergie, déchets) possède son propre budget carbone, au regard des capacités particulières de chacun à se décarboner. Le secteur des terres (forêts, prairies, sols agricoles) possède quant à lui un budget « négatif » d’émissions, c’est-à-dire une quantité de carbone à séquestrer annuellement sur le territoire de manière à atteindre l’objectif d’absorption en 2050. La SNBC incarne donc une ambition rigoureuse d’un point de vue scientifique sur le cap à fixer pour les émissions du territoire français. Néanmoins, ce cadre n’est pas applicable tel quel aux entreprises, qui dépendent le plus souvent de chaînes d’approvisionnement et de production internationales, tandis que l’objet de la SNBC est uniquement de donner des trajectoires sectorielles de réduction sur le territoire national. Précisons par ailleurs que la SNBC n’est pas contraignante, et n’a qu’une valeur normative et déclarative.   2)  Quel est le lien entre les entreprises et la Stratégie nationale bas-carbone ? Pour aligner le secteur privé sur les objectifs nationaux fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il est nécessaire d’identifier les entreprises dont il est question. Ne devrait-il s’agir que des entreprises ayant leur siège en France ? D’entreprises ayant une implantation, quelle qu’elle soit, en France ? Ou plus largement, doit-on inclure des entreprises ayant accès au marché français ? Supposons pour simplifier que les émissions d’une entreprise sont constituées de deux « pôles » principaux : les émissions de production, et les émissions de consommation/utilisation en aval par les consommateurs finaux. Quatre grandes configurations se distinguent alors[2] : Cas 1: l’entreprise produit en France et vend en France Cas 2: l’entreprise produit en France et vend à l’international Cas 3: l’entreprise produit à l’international et vend en France Cas 4: l’entreprise produit à l’international et vend à l’international     Schéma des configurations d’entreprises entre lieu de production et lieu de vente   Pour le cas 1, la solution est simple : l’ensemble de l’activité de l’entreprise s’inscrivant au sein du territoire français, l’entreprise est directement concernée par l’ambition de la SNBC. Le cas 2 est un peu plus complexe, car l’entreprise produit en France mais exporte ses produits à l’international. Les émissions de production, qui sont incluses dans l’inventaire national, sont soumises sans ambiguïté aux exigences climat de la France. La question est de savoir si les produits vendus à l’international doivent eux aussi être soumis à la même exigence. Nous proposons que cela soit le cas, et que l’État adopte une approche simple : appliquer l’ambition climatique de la France à ces produits en considérant que l’ambition française est la mieux-disante. Par exemple, si la loi française interdit la vente des véhicules thermiques en 2035, il sera attendu des entreprises produisant ces véhicules sur le territoire national d’appliquer cette interdiction à l’ensemble des pays de vente. L’avantage de la simplicité est

    Par Dugast C., Joly A.

    28 octobre 2021

    Profiter de la crise pour réduire durablement nos émissions de CO2

    Au plus fort du confinement, la crise du Covid-19 aura généré une baisse ponctuelle de 17 % des émissions mondiales de CO2, nous ramenant temporairement à notre niveau d’émissions de l’année 2006. La réduction sur l’année entière est attendue autour de – 4 % à – 7 % par rapport à 2019, un chiffre absolument inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais pas suffisant cependant pour nous placer sur une trajectoire de neutralité carbone à l’horizon de la seconde moitié du siècle, qui nous commande de réduire nos émissions de 7,6 % chaque année. Devons-nous en conclure que la transition bas carbone est de fait irréaliste et non souhaitable, sauf à vouloir le chômage de masse, la restriction de nos libertés et des milliers de morts ? Ce serait faire un redoutable contresens : car s’il est bien deux choses que la crise du Covid-19 doit nous enseigner sur les sujets liés au climat, c’est, d’une part, qu’il n’existe aucune comparaison possible entre la privation de liberté que nous avons subie et la société sobre en carbone qu’il nous faudra bâtir, et, d’autre part, qu’une transition bas carbone réussie nécessitera des transformations profondes de nos systèmes énergétiques et économiques et pas seulement une modification conjoncturelle de nos comportements individuels. La crise du Covid-19 constitue ainsi un moment de bascule : elle doit nous révéler que la neutralité carbone est un impératif physique non négociable, un attracteur autour duquel nos choix collectifs devront désormais graviter. La France a une empreinte carbone importante, une responsabilité historique élevée et les moyens d’agir : elle doit donc être exemplaire aux yeux de l’Europe et du reste du monde. Il est de notre devoir de nous organiser correctement et intelligemment pour faire advenir, en l’espace d’une trentaine d’années, une société française désirable et juste, sobre dans les usages, et libérée de toute forme d’énergie fossile.   I. Le Covid-19 ne réduira que marginalement et temporairement les émissions en France   a) Covid-19, confinement : quel impact sur le climat ?   Plusieurs études récentes[1],[2],[3],[4] ont estimé l’impact de la crise du Covid-19 sur les émissions mondiales de CO2. Leurs résultats, cohérents entre eux, ont mis en évidence,: une baisse ponctuelle des émissions mondiales de l’ordre de 17 % au plus fort de la crise (7 avril), nous ramenant alors temporairement à notre niveau d’émissions de 20064, où l’économie tournait alors à plein régime ; une baisse sur les 4 premiers mois de l’année de l’ordre de 7 % par rapport à la même période l’année dernière3; une baisse sur l’ensemble de l’année 2020 prévue entre 4 % et 7 % par rapport à 2019, en fonction de l’évolution de la crise dans les prochains mois4. Au total, les émissions de 2020 risquent donc d’être entre 93 % et 96 % aussi élevées que celles de 2019. Émissions mondiales de CO2 depuis l’an 2000 (gauche) et depuis le début de l’année 2020 (droite). Le creux d’émissions se situe autour du 7 avril (- 17 %). Moyenné sur l’année et selon le scénario choisi, la baisse sera de 4 à 7 %. Source : Le Quéré et al ; Global Carbon Project.   En France, vers la fin du mois de mars, le confinement aura eu pour effet de baisser ponctuellement nos émissions de CO2 domestiques de pas moins de 30 % « en instantané » par rapport au même jour l’année précédente4. Les émissions totales françaises depuis le début de l’année jusqu’au déconfinement ont baissé de 5 %4, et il est probable que la réduction sur l’année entière soit de l’ordre de 5 à 15 %[5].   Émissions de CO2 en France entre le 1er janvier et la fin du mois de mars 2020. Source : Liu et al.   Or, pour limiter le réchauffement à + 1,5°C, c’est 80 % de nos émissions de gaz à effet de serre qui doivent disparaître d’ici à 2050, soit une baisse de 5,2 % chaque année jusqu’en 2050[6]. Le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) fixe un objectif de – 7,6 %/an sur la période 2020-2030. Les ordres de grandeur étant similaires, il est tentant de résumer que l’effort à faire pour la lutte contre le dérèglement climatique correspond à un « Covid-19 supplémentaire par an ». Il faut bien voir ici que le mot « supplémentaire » fait toute la différence : un simple « Covid-19 tous les ans » ne reviendrait qu’à maintenir le même niveau d’émissions constaté cette année jusqu’en 2050 (une baisse de 7 % la première année, puis une stagnation des émissions, car la même situation ne ferait que se reproduire année après année). Pour tenir le rythme, il faut alors imaginer qu’en 2021, la situation dure deux fois plus longtemps qu’en 2020, six fois plus longtemps en 2025, soit pendant l’année entière (si l’on considère que 2020 connaîtra deux mois de confinement). Et 2050 devrait alors être l’année… des “trente Covid” ! Si la quantification de l’action climat en “nombre de Covid” a ses limites, c’est que cette baisse radicale d’émissions reste conjoncturelle, non souhaitable et non durable.   b) Aucune analogie ne saurait être faite entre l’expérience de confinement et la “sobriété carbone”   « Still a shitty way to cut CO2 emissions », déclarait sur Twitter le Dr Simon Evans, rédacteur en chef du média Carbon Brief[7], pour relativiser les conversations traitant de la baisse d’émissions dues au Covid-19[8]. Et pour cause : outre le drame humain et sanitaire, outre le fait que ces réductions ne sont absolument pas durables (il suffit de déconfiner pour revenir à la normale), la situation de privation que nous avons vécue au cours de ces derniers mois a joui d’un ratio contrainte/efficacité désastreux, loin de l’image de la sobriété des usages que nous devons bâtir. Cette privation de liberté (de mouvement et, dans une moindre mesure, de consommation) n’est une caractéristique ni nécessaire, ni suffisante d’une sobriété carbone digne de ce nom : elle ne lui est pas nécessaire, c’est-à-dire que la sensation de privation n’est pas consubstantielle à une sobriété réussie. Les changements de comportement les plus efficaces en termes de réduction de notre empreinte sont bien plus volontiers liés à un imaginaire

    Par Dugast C.

    1 juin 2020

    Quel rôle de l’État pour aligner les entreprises sur les ambitions de neutralité carbone de la France ?

    Introduction Les objectifs climat de la France ne seront jamais atteints sans le concours plein et entier du secteur privé. Les entreprises se situent en effet à l’épicentre de la question climatique : non seulement elles génèrent des émissions directes provenant du fonctionnement de leurs propres actifs (bureaux, usines, flottes de véhicules), mais elles endossent aussi une responsabilité plus large en tant que pourvoyeuses de biens et services qui alimentent, modifient ou maintiennent le système socio-technique dont nous dépendons au quotidien sur le territoire national (infrastructures de transport, bâtiments, sources de chauffage, produits d’alimentation, etc.). Par ailleurs, leur dépendance à des chaînes d’approvisionnement et de logistique étrangères a une influence directe sur l’empreinte carbone de la France, qui doit elle aussi être maîtrisée[1]. Certaines entreprises du secteur agricole et forestier sont en outre amenées à jouer le rôle particulier de gérer et développer les puits de carbone, une activité indispensable à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone nationale. Enfin, elles sont conduites à mettre à profit leurs fortes capacités de financement pour soutenir des projets bas-carbone sur le territoire, dans une logique de contribution financière à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils organiser l’alignement des entreprises sur les objectifs climat de la France ? Quel système d’indicateurs à surveiller et piloter pourrait être inventé ? Quelles instances doivent être créées par l’État afin de systématiser le contrôle de leur action climat ? Quels modes de réglementation, d’incitation et de coercition sont à encourager pour amener rapidement l’ensemble du secteur privé sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris ? La présente note cherche premièrement à décrire l’ambition climat de la France (I.1) et à expliciter sa co-dépendance avec la sphère privée (I.2). La seconde partie vise à construire un système de mesure de la contribution des entreprises à la neutralité carbone française (II.1) et à esquisser des pistes pour institutionnaliser un tel système de mesure au niveau national (II.2). Enfin, la troisième partie expose les moyens à disposition de l’État pour inciter, orienter et/ou obliger les entreprises à s’aligner sur l’ambition climat collective, fort du système d’évaluation décrit dans la partie précédente.   I. S’appuyer sur les objectifs climat nationaux pour fixer le cap du secteur privé 1)  La Stratégie nationale bas-carbone, une feuille de route ambitieuse Créée en 2015 et révisée en 2019, la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe le cap de l’action climat de la France. Elle vise la neutralité carbone du territoire français d’ici à 2050, en cohérence avec le maintien du réchauffement climatique en dessous des 2°C. Cela signifie concrètement que les émissions nationales devront baisser de 85 % entre 1990 et 2050, et que les puits de carbone nationaux devront doubler sur la même période, afin d’atteindre un point d’équilibre émissions/absorptions en 2050.   Trajectoire des émissions et puits de gaz à effet de serre sur le territoire national entre 2005 et 2050 d’après la Stratégie nationale bas carbone. Source : MTE   Les émissions considérées correspondent exclusivement aux émissions générées sur le territoire français. Les émissions importées, telles que les émissions de la production à l’étranger de biens électroniques consommés en France, ne sont pas prises en compte dans la forme actuelle de la SNBC. Chaque secteur d’émissions (transport, bâtiment, agriculture, industrie, industrie de l’énergie, déchets) possède son propre budget carbone, au regard des capacités particulières de chacun à se décarboner. Le secteur des terres (forêts, prairies, sols agricoles) possède quant à lui un budget « négatif » d’émissions, c’est-à-dire une quantité de carbone à séquestrer annuellement sur le territoire de manière à atteindre l’objectif d’absorption en 2050. La SNBC incarne donc une ambition rigoureuse d’un point de vue scientifique sur le cap à fixer pour les émissions du territoire français. Néanmoins, ce cadre n’est pas applicable tel quel aux entreprises, qui dépendent le plus souvent de chaînes d’approvisionnement et de production internationales, tandis que l’objet de la SNBC est uniquement de donner des trajectoires sectorielles de réduction sur le territoire national. Précisons par ailleurs que la SNBC n’est pas contraignante, et n’a qu’une valeur normative et déclarative.   2)  Quel est le lien entre les entreprises et la Stratégie nationale bas-carbone ? Pour aligner le secteur privé sur les objectifs nationaux fixés par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il est nécessaire d’identifier les entreprises dont il est question. Ne devrait-il s’agir que des entreprises ayant leur siège en France ? D’entreprises ayant une implantation, quelle qu’elle soit, en France ? Ou plus largement, doit-on inclure des entreprises ayant accès au marché français ? Supposons pour simplifier que les émissions d’une entreprise sont constituées de deux « pôles » principaux : les émissions de production, et les émissions de consommation/utilisation en aval par les consommateurs finaux. Quatre grandes configurations se distinguent alors[2] : Cas 1: l’entreprise produit en France et vend en France Cas 2: l’entreprise produit en France et vend à l’international Cas 3: l’entreprise produit à l’international et vend en France Cas 4: l’entreprise produit à l’international et vend à l’international     Schéma des configurations d’entreprises entre lieu de production et lieu de vente   Pour le cas 1, la solution est simple : l’ensemble de l’activité de l’entreprise s’inscrivant au sein du territoire français, l’entreprise est directement concernée par l’ambition de la SNBC. Le cas 2 est un peu plus complexe, car l’entreprise produit en France mais exporte ses produits à l’international. Les émissions de production, qui sont incluses dans l’inventaire national, sont soumises sans ambiguïté aux exigences climat de la France. La question est de savoir si les produits vendus à l’international doivent eux aussi être soumis à la même exigence. Nous proposons que cela soit le cas, et que l’État adopte une approche simple : appliquer l’ambition climatique de la France à ces produits en considérant que l’ambition française est la mieux-disante. Par exemple, si la loi française interdit la vente des véhicules thermiques en 2035, il sera attendu des entreprises produisant ces véhicules sur le territoire national d’appliquer cette interdiction à l’ensemble des pays de vente. L’avantage de la simplicité est

    Par Dugast C., Joly A.

    22 juin 2021

    Profiter de la crise pour réduire durablement nos émissions de CO2

    Au plus fort du confinement, la crise du Covid-19 aura généré une baisse ponctuelle de 17 % des émissions mondiales de CO2, nous ramenant temporairement à notre niveau d’émissions de l’année 2006. La réduction sur l’année entière est attendue autour de – 4 % à – 7 % par rapport à 2019, un chiffre absolument inédit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais pas suffisant cependant pour nous placer sur une trajectoire de neutralité carbone à l’horizon de la seconde moitié du siècle, qui nous commande de réduire nos émissions de 7,6 % chaque année. Devons-nous en conclure que la transition bas carbone est de fait irréaliste et non souhaitable, sauf à vouloir le chômage de masse, la restriction de nos libertés et des milliers de morts ? Ce serait faire un redoutable contresens : car s’il est bien deux choses que la crise du Covid-19 doit nous enseigner sur les sujets liés au climat, c’est, d’une part, qu’il n’existe aucune comparaison possible entre la privation de liberté que nous avons subie et la société sobre en carbone qu’il nous faudra bâtir, et, d’autre part, qu’une transition bas carbone réussie nécessitera des transformations profondes de nos systèmes énergétiques et économiques et pas seulement une modification conjoncturelle de nos comportements individuels. La crise du Covid-19 constitue ainsi un moment de bascule : elle doit nous révéler que la neutralité carbone est un impératif physique non négociable, un attracteur autour duquel nos choix collectifs devront désormais graviter. La France a une empreinte carbone importante, une responsabilité historique élevée et les moyens d’agir : elle doit donc être exemplaire aux yeux de l’Europe et du reste du monde. Il est de notre devoir de nous organiser correctement et intelligemment pour faire advenir, en l’espace d’une trentaine d’années, une société française désirable et juste, sobre dans les usages, et libérée de toute forme d’énergie fossile.   I. Le Covid-19 ne réduira que marginalement et temporairement les émissions en France   a) Covid-19, confinement : quel impact sur le climat ?   Plusieurs études récentes[1],[2],[3],[4] ont estimé l’impact de la crise du Covid-19 sur les émissions mondiales de CO2. Leurs résultats, cohérents entre eux, ont mis en évidence,: une baisse ponctuelle des émissions mondiales de l’ordre de 17 % au plus fort de la crise (7 avril), nous ramenant alors temporairement à notre niveau d’émissions de 20064, où l’économie tournait alors à plein régime ; une baisse sur les 4 premiers mois de l’année de l’ordre de 7 % par rapport à la même période l’année dernière3; une baisse sur l’ensemble de l’année 2020 prévue entre 4 % et 7 % par rapport à 2019, en fonction de l’évolution de la crise dans les prochains mois4. Au total, les émissions de 2020 risquent donc d’être entre 93 % et 96 % aussi élevées que celles de 2019. Émissions mondiales de CO2 depuis l’an 2000 (gauche) et depuis le début de l’année 2020 (droite). Le creux d’émissions se situe autour du 7 avril (- 17 %). Moyenné sur l’année et selon le scénario choisi, la baisse sera de 4 à 7 %. Source : Le Quéré et al ; Global Carbon Project.   En France, vers la fin du mois de mars, le confinement aura eu pour effet de baisser ponctuellement nos émissions de CO2 domestiques de pas moins de 30 % « en instantané » par rapport au même jour l’année précédente4. Les émissions totales françaises depuis le début de l’année jusqu’au déconfinement ont baissé de 5 %4, et il est probable que la réduction sur l’année entière soit de l’ordre de 5 à 15 %[5].   Émissions de CO2 en France entre le 1er janvier et la fin du mois de mars 2020. Source : Liu et al.   Or, pour limiter le réchauffement à + 1,5°C, c’est 80 % de nos émissions de gaz à effet de serre qui doivent disparaître d’ici à 2050, soit une baisse de 5,2 % chaque année jusqu’en 2050[6]. Le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) fixe un objectif de – 7,6 %/an sur la période 2020-2030. Les ordres de grandeur étant similaires, il est tentant de résumer que l’effort à faire pour la lutte contre le dérèglement climatique correspond à un « Covid-19 supplémentaire par an ». Il faut bien voir ici que le mot « supplémentaire » fait toute la différence : un simple « Covid-19 tous les ans » ne reviendrait qu’à maintenir le même niveau d’émissions constaté cette année jusqu’en 2050 (une baisse de 7 % la première année, puis une stagnation des émissions, car la même situation ne ferait que se reproduire année après année). Pour tenir le rythme, il faut alors imaginer qu’en 2021, la situation dure deux fois plus longtemps qu’en 2020, six fois plus longtemps en 2025, soit pendant l’année entière (si l’on considère que 2020 connaîtra deux mois de confinement). Et 2050 devrait alors être l’année… des “trente Covid” ! Si la quantification de l’action climat en “nombre de Covid” a ses limites, c’est que cette baisse radicale d’émissions reste conjoncturelle, non souhaitable et non durable.   b) Aucune analogie ne saurait être faite entre l’expérience de confinement et la “sobriété carbone”   « Still a shitty way to cut CO2 emissions », déclarait sur Twitter le Dr Simon Evans, rédacteur en chef du média Carbon Brief[7], pour relativiser les conversations traitant de la baisse d’émissions dues au Covid-19[8]. Et pour cause : outre le drame humain et sanitaire, outre le fait que ces réductions ne sont absolument pas durables (il suffit de déconfiner pour revenir à la normale), la situation de privation que nous avons vécue au cours de ces derniers mois a joui d’un ratio contrainte/efficacité désastreux, loin de l’image de la sobriété des usages que nous devons bâtir. Cette privation de liberté (de mouvement et, dans une moindre mesure, de consommation) n’est une caractéristique ni nécessaire, ni suffisante d’une sobriété carbone digne de ce nom : elle ne lui est pas nécessaire, c’est-à-dire que la sensation de privation n’est pas consubstantielle à une sobriété réussie. Les changements de comportement les plus efficaces en termes de réduction de notre empreinte sont bien plus volontiers liés à un imaginaire

    Par Dugast C.

    22 juin 2021

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