Comment s’adapter à la crise climatique ? Placer la France sur la voie d’un développement résilient
En dépit des alertes incessantes formulées année après année, les émissions mondiales de gaz à effet de serre poursuivent leur irrésistible croissance, dégradant chaque jour un peu plus le climat et les écosystèmes qui ont permis le développement des activités humaines. Dans le même temps, les conséquences se manifestent de plus en plus brutalement dans le monde et en particulier en France qui a connu son deuxième été le plus chaud jamais enregistré en 2022. Pics de température dépassant régulièrement les 40°C, niveau de sécheresse jamais enregistré, pluies diluviennes responsables d’inondations… l’année 2022 a, une nouvelle fois, fait ressentir les prémices d’un avenir climatique chaotique. Le changement climatique se trouve, à présent, dans sa phase irréversible ce qui signifie qu’un arrêt des émissions stopperait effectivement la dérive sans permettre le retour au climat passé. Autrement dit, il n’est pas exagéré de dire que, même dans les scénarios les plus optimistes, l’été 2022 va constituer la nouvelle norme. La France va, de fait, connaître sur l’intégralité de son territoire une augmentation généralisée des risques climatiques mettant en danger les populations qui y sont exposées et venant disloquer les réseaux et les infrastructures des territoires concernés. L’augmentation de la fréquence d’apparition, de la longueur et de l’intensité des vagues de chaleur va placer en état de stress thermique prononcé les espaces urbains, engendrant ainsi inconfort, mise en danger des plus fragiles et surconsommation énergétique. Le changement climatique aura pour effet d’exacerber les deux extrêmes du cycle hydrologique. D’un côté, la sécheresse généralisée menace de reconfigurer brutalement le système agricole, de conduire à des conflits d’usage et des rationnements de plus en plus réguliers de l’eau. De l’autre, les précipitations extrêmes notamment sur le sud et l’est du pays, ruisselant sur un tissu urbain fortement artificialisé vont désormais forcer un déploiement fréquent des forces d’intervention (pompiers, militaires) pour porter assistance aux populations touchées et remettre en état les réseaux primordiaux (eau, électricité). L’élévation du niveau des mers, les feux de forêt ainsi que le phénomène de retrait / gonflement des sols argileux vont, eux aussi, avoir une incidence majeure sur l’organisation des activités du pays, forçant le déplacement de certaines activités ou la reconstruction d’infrastructures détruites et donc les migrations temporaires ou définitives associées. Ce constat, particulièrement inquiétant, ne doit pas pour autant paralyser, mais au contraire servir de socle de refondation à l’action climatique. Le traitement de la cause, c’est-à-dire, la réduction des émissions de gaz à effet de serre reste bien entendu fondamentale pour éviter les conséquences les plus dramatiques du réchauffement. Cependant, il apparaît essentiel d’y adjoindre le traitement des conséquences, c’est-à-dire l’adaptation au changement climatique comme une brique d’égale d’importance de la transformation que nous devons opérer. Ainsi, en parallèle d’une politique de réduction drastique des émissions, la France doit se doter d’une réelle stratégie de résilience afin de limiter l’impact du bouleversement climatique qui s’amorce. Cette stratégie devra s’articuler autour de trois piliers. D’abord, l’anticipation des risques par la modélisation climatique des différents futurs possibles et par la compréhension fine des vulnérabilités aux aléas attendus. Ensuite, la prévention des risques par des investissements massifs pour limiter la vulnérabilité des populations, des infrastructures et des écosystèmes aux nouvelles normes climatiques. Finalement, la gestion de crise qui se donne pour objectif de structurer les modes d’interventions et dispositifs de secours lors de catastrophes qui s’avéreront plus fréquentes et plus violentes. Ainsi, comme le réclame le GIEC, « une planification et l’investissement intégrés et inclusifs dans la prise de décision quotidienne »[1] peuvent permettre de limiter les effets attendus du changement climatique pour le pays et ancrer sa trajectoire au sein d’un développement sobre et résilient compatible avec les limites planétaires. Cette note propose donc un panorama des risques climatiques en France hexagonale pour ensuite décrire les enjeux de l’adaptation et formuler 22 propositions concrètes esquissant les contours d’une planification résiliente au service de l’intérêt général. I. De l’urgence de l’adaptation en France : anticiper et planifier 1) Anticiper le risque climatique : un impératif Le changement climatique : « un voyage sans retour » La réduction des émissions de gaz à effet de serre mondiale sera-t-elle suffisante pour prémunir la France des effets du changement climatique ? La question du devenir du climat une fois la neutralité carbone[2] atteinte, a fait l’objet de recherches récentes et un consensus scientifique a mis du temps à émerger[3]. Le dernier rapport du GIEC affirme dans son résumé aux décideurs qu’un arrêt des émissions entraînerait une stabilisation des niveaux de température actuels. Ainsi, cela signifierait bien un arrêt du réchauffement au niveau verrouillé par nos émissions passées. En revanche, cet arrêt ne signifie en aucun cas un retour en arrière : le climat passé est, donc, perdu à jamais et plus l’ordre économique actuel poussera à la combustion des énergies fossiles restantes plus elle éloignera le climat futur de celui qui a permis l’implantation des activités et réseaux collectifs qui sous-tendent nos conditions d’existence matérielle. L’explication tient dans la nature chimique de la molécule de CO2 principal gaz à effet de serre (environ 70% du forçage radiatif anthropique[4]) et des mécanismes d’accumulation dans l’atmosphère. Produite par la combustion d’énergie fossile, celle-ci ne peut être éliminée de l’atmosphère que par deux phénomènes : la photosynthèse via un contact de surface avec un végétal en respiration ou l’absorption par l’océan via un phénomène de vase communicant appelé pompe physique océanique. Or, ces deux dynamiques d’élimination se déroulent sur des périodes particulièrement longues, de l’ordre du siècle, voire du millénaire[5]. De fait, une molécule de CO2 émise aujourd’hui aurait une durée de vie de l’ordre du millier d’années au contraire d’autres gaz à effet de serre comme le méthane détruit beaucoup plus rapidement via d’autres processus physico-chimiques (12 ans). Ainsi, même si l’on n’émettait plus une seule molécule de CO2 demain, il faudrait un siècle pour éliminer 50 % du stock précédemment accumulé, un millénaire pour en voir disparaître 75 % et 10 000 ans pour qu’il en reste encore 10 % (Figure 1). En utilisant la richesse des solutions fondées sur
Par Moundib I.
8 novembre 2022