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Clair-obscur de la planification écologique française

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Clair-obscur de la planification écologique française

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Le changement climatique est la plus grande défaillance de marché jamais constatée. Et pourtant, les politiques de régulation ont cherché depuis trente ans, sans succès, à en limiter les causes et les conséquences par des mécanismes de marché. Les conséquences, en matière d’action publique, doivent être tirées de cet échec.

Il est ainsi urgent de réhabiliter une politique volontariste permettant de faire advenir une société décarbonée : la planification écologique.

Certes, depuis vingt ans, les politiques énergétiques et d’aménagement du territoire ont montré un certain attachement à cette forme particulière d’action publique. Pour autant, la juxtaposition d’outils de planification mal articulés et décorrélés des moyens financiers octroyés ont conduit à l’inefficacité de ces politiques. Cette architecture empêche ainsi de parler d’une véritable planification écologique, conforme à son inspiration des Trente glorieuses.

Il convient de s’attaquer à ces maux pour instituer une réelle planification écologique, nécessaire à la transition ordonnée de nos sociétés :

une rationalisation : les outils de planification existants doivent être rationalisés et simplifiés, sous l’égide du nouveau secrétariat à la planification écologique ;

une mise en cohérence : les planifications, aux différentes échelles, doivent être mieux contrôlées afin d’assurer une cohérence d’ensemble et le respect des objectifs fixés au niveau européen et national ;

une politique industrielle verte : une véritable planification écologique est indissociable d’un grand plan d’investissements publics et privés en faveur de la transition écologique de nos sociétés.

Synthèse des recommandations

Axe n°1 : améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur

Recommandation n° 1 : évaluer de l’action du Conseil de défense écologique pendant le quinquennat 2017-2022 afin d’éclairer la doctrine d’action du SGPE

Recommandation n° 2 : coordonner et organiser l’élaboration de la loi d’objectifs pour le climat, d’ici juillet 2023, dans un objectif d’harmonisation de l’ensemble des documents de planification en découlant

Recommandation n° 3 : engager une évaluation à court terme sur les blocages dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des outils de planification écologique à l’échelle nationale

Recommandation n° 4 : rationaliser, à moyen terme, les documents de planification énergétique et écologique au niveau national, afin de privilégier un Plan transversal dont découleraient, le cas échéant, des plans sectoriels

Recommandation n° 5 : coordonner une révision de l’ensemble des documents de planification à l’échelle territoriale afin de les aligner sur les objectifs contenus dans la future LPEC et SFEC

Axe n°2 : améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble

Recommandation n° 6 : renforcer les rapports de hiérarchie normative (envisager un rapport de conformité ; supprimer les rapports de prise en compte) entre la LPEC et les textes en découlant. Envisager une évolution similaire à l’échelle territoriale entre le SRADDET et les textes reliés (PCAET, schémas nationaux, SCoT, PLU, etc.)

Recommandation n° 7 : imposer, dans la loi, une révision systématique, coordonnée par le SGPE, des documents de planification régionaux en cas de révision des documents de planification national (SNBC, LPEC, SFEC)

Recommandation n° 8 : organiser un organe de concertation et de dialogue des collectivités locales destiné à articuler et élaborer les outils territoriaux de la planification écologique ; cet organe s’inspirerait des CTAP et tiendrait compte des évaluations produites depuis son entrée en vigueur

Recommandation n° 9 : systématiser, sous l’égide du SGPE, l’évaluation des outils et documents de planification écologique

Recommandation n° 10 : instaurer la saisine obligatoire du Haut Conseil pour le Climat sur les outils de planification ou textes liés à la transition écologique, par le biais du SGPE et doter le HCC d’un pouvoir d’injonction dans son contrôle

Recommandation n° 11 : assurer le respect par la législation nationale des obligations européennes, de manière coordonnée entre le SGPE et le SGAE

Axe n°3 : donner des armes à la planification écologique

Recommandation n° 12 : réhabiliter l’État interventionniste selon les orientations fixées par la planification écologique ; engager un vaste mouvement d’investissements publics et privés cohérent avec la planification

Compenser la hausse des dépenses publiques en faveur de la transition par une baisse des dépenses fiscales néfastes à l’environnement

Promouvoir, sur le modèle de l’Inflation Reduction Act américain, une conditionnalité environnementale des instruments mis en œuvre (notamment subventions et crédits d’impôts)

Recommandation n° 13 : inscrire la planification territoriale économique dans l’impératif écologique, en renforçant l’articulation du SRDEII avec la réglementation environnementale, en particulier en soumettant son élaboration à une évaluation environnementale

Recommandation n° 14 : mieux articuler l’articulation entre planification territoriale économique et écologique, en renforçant l’articulation entre le SRDEII et le SRADDET, en imposant une compatibilité entre le SRDEII et le SRADDET (objectifs et règles générales)

Table des matières

  1. Une planification écologique française illisible, impuissante et inefficace.

1.1.     Une planification illisible : la prolifération des outils non coordonnés et juxtaposés.

L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale.

Le renforcement de l’échelle territoriale pour la planification énergétique et écologique.

Un paysage aujourd’hui illisible.

1.2.     Une planification non contraignante.

La planification territoriale : le trou noir du contrôle de légalité et des rapports juridiques de prise en compte

Une planification énergétique nationale faiblement prise en compte et non-contrôlée

La planification écologique européenne : la contrainte sans contrôle

L’appel à une planification contraignante par la jurisprudence française

1.3.     Une planification désarmée.

Une résultante de l’évolution du rôle de l’État : une planification tombée en désuétude.

Un État régulateur incapable de prendre en charge une véritable planification.

  1. Construire une véritable planification écologique.

2.1.     Améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur.

Le rôle du SGPE dans la gouvernance de la planification écologique.

Mettre en cohérence les outils de planification existant et rationaliser le paysage aujourd’hui illisible.

2.2.     Améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble.

Une articulation des outils de planification à revoir pour établir une réelle cohérence d’ensemble.

La systématisation de l’évaluation des outils de planification, condition de la cohérence de la planification écologique.

Le renforcement du cadre de planification européen.

2.3.     Donner des armes à la planification écologique.

Le besoin de traduire la planification écologique dans une véritable politique industrielle verte.

La nécessaire programmation des financements pour le climat.

Alors que les dégâts de la crise écologique sont chaque jour un peu plus criants, l’écologie peine à s’imposer dans la production législative et réglementaire. Que cela soit par manque d’opportunité politique[1], par la capture du décideur par les lobbys[2] ou par une conciliation timorée des principes juridiques fondamentaux dans la jurisprudence[3], force est de constater que la protection de l’environnement demeure reléguée dans de nombreux arbitrages.

Réorganiser nos modes de productions, nos habitudes de consommation et nos rapports aux milieux naturels relève pourtant de la nécessité, reconnue depuis au moins cinquante ans par la littérature scientifique[4] et une partie de la classe politique[5].

Il n’en demeure pas moins que la protection de l’environnement ne s’est pas pleinement imposée dans l’agenda législatif, en dépit de la multiplication des dispositions de protection de certains milieux, l’augmentation des interdictions, amendes, restrictions. Si l’instauration en 2016 de la notion de préjudice écologique dans le Code civil[6] et d’un régime de responsabilité en découlant a pu marquer un tournant, force est toutefois de constater que cette évolution n’a eu qu’un impact limité sur la limitation du changement climatique et l’atténuation des dégâts irréversibles en découlant.

Comment assurer que ces enjeux soient systématiquement pris en compte par l’action publique ? C’est la mission dévolue au nouveau Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)[7], annoncé pendant sa campagne par E. Macron afin de « doubler le rythme de réduction des émissions de GES ». Sur le modèle des secrétariats aujourd’hui rattachés au cabinet du Premier ministre[8], l’ambition est d’instaurer au plus proche de l’arbitrage final un organe chargé des questions écologiques. En découlerait, en théorie, une orientation générale de la politique gouvernementale favorable à la protection de l’environnement. En pratique, le décret énonce cinq axes d’action :

« 1° Il coordonne l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire, en s’assurant du respect des engagements européens et internationaux de la France[9]. Il veille en particulier à la soutenabilité de ces stratégies et à leur différenciation, afin de s’adapter aux particularités de chaque territoire et d’intégrer les enjeux économiques et sociaux ;

2° Il veille à la mise en œuvre de ces stratégies par l’ensemble des ministères concernés et à leur déclinaison en plans d’actions ;

3° Il veille à l’évaluation régulière des politiques menées au titre de ces stratégies et des plans d’action et à la publication d’indicateurs pour en rendre compte ;

4° Il veille à la cohérence de l’ensemble des politiques publiques avec les stratégies mentionnées au 1° ;

5° Il prépare et coordonne les saisines et les réponses du Gouvernement aux avis du Haut Conseil pour le climat. »

Invoquer le terme de planification, c’est faire appel à un imaginaire ancien, apparu à la Libération[10] et disparu avec le Traité de Maastricht[11]. C’est jouer sur la nostalgie d’une politique industrielle volontariste ayant permis le développement de secteurs industriels de pointe, d’orienter la production économique et constituant un aspect indissociable du modèle français d’État dirigiste d’antan.

Historiquement donc, la planification correspond à la définition par l’État d’un ensemble de moyens et d’objectifs d’ordre économique de moyen et long terme, matérialisé par un document issu de la concertation avec l’ensemble des acteurs de l’économie (personnes publiques, entreprises, représentants d’intérêts). Contre la libre organisation du marché, c’est à l’État que revient la charge d’allouer les moyens, de définir les objectifs. La France a mis en place à partir de la Libération et jusque dans les années 1990 une forme particulière de planification[12] : non contraignante, elle consistait principalement en une coordination de l’action des acteurs économiques, en particulier des entreprises, autour d’objectifs productifs et économiques définis par le Commissariat général au Plan. Mais s’en tenir au seul plan comme document reviendrait à négliger les moyens économiques mis en œuvre pour la politique industrielle des Trente Glorieuses et l’organisation même de l’État sur le plan économique, marqué par la prévalence d’un secteur public étendu.

Au sens strict, la planification consiste à élaborer une prévision et un plan, pouvant comprendre un ensemble d’actions à mener compte tenu des prévisions formulées, en vue d’un objectif défini : en somme, « à organiser un futur désiré et les moyens d’y parvenir dans un cadre temporel donné »[13]. Et, de fait, « des plans, il y en a toujours eu, il doit y en avoir toujours et partout »[14].

Attention, dès lors, à la confusion des genres : comme le relevait France Stratégie, « Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de « plans » que depuis qu’il n’y a plus de « Plan ». Se pose alors nécessairement la question de l’articulation entre les objectifs poursuivis par ces différents plans, comme celle de la coordination des différents acteurs chargés de les animer »[15].

Par cette contribution, nous voudrions montrer qu’une certaine planification écologique n’a pas attendu la création d’un secrétariat dédié pour s’organiser. La transition énergétique est déjà le terrain d’un vaste mouvement de planification, au niveau européen, national et territorial. Or, cette planification n’en a que le nom au regard de l’expérience française des Trente glorieuses : illisible, incohérente, notamment d’un point de vue institutionnel, et sous-dotée, la planification écologique française n’a jamais su infuser l’élaboration des politiques ultérieures et s’est avérée inefficace comme en attestent les contentieux climatiques et les rappels à l’ordre du Haut Conseil pour le Climat (I).

Forts de ces constats, nous formulons des orientations pour instituer une véritable planification écologique, conforme à son inspiration d’antan : celle-ci devra être rationalisée, mieux gouvernée et s’accompagner des investissements nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Il conviendra alors de se demander la plus-value réelle de cette nouvelle instance administrative, au regard des résultats des formes déjà à l’œuvre de planification écologique (II).

  1. Une planification écologique française illisible, impuissante et inefficace

En dépit d’un arsenal juridique foisonnant dans les domaines énergétique et territorial, la planification moderne est davantage un discours qu’un ensemble d’actions efficaces. La planification, comme mode d’action de l’État, a fait les frais de l’ouverture à la concurrence des économies modernes à partir des années 1970 et de l’évolution du mode de gouvernance public depuis les années 1990. Si bien que jusqu’à très récemment, la planification résonnait comme une archive archaïque et révolue.

Pour autant, derrière cet effacement de façade et la consécration de la libre-concurrence comme organisation ultime des marchés, il est possible de retrouver par petites touches ce terme de planification. La politique énergétique s’est notamment largement transformée, depuis les années 2000, sous l’influence de l’ouverture à la concurrence issue des directives européennes des années 1990, tout en sacralisant dans le même temps une certaine volonté de planification et de programmation.

Volonté à ne pas surestimer cependant. À chacune des échelles choisies, la planification n’a pas réussi à réellement s’imposer :

  • la planification énergétique européenne, explicitement affirmée, demeure faiblement contraignante et contrôlée ;
  • la planification énergétique nationale est construite sur des documents d’orientation non contraignants et décorrélés des moyens financiers nécessaires à la poursuite des objectifs énoncés ;
  • la schématisation territoriale, privilégiée à outrance par les pouvoirs publics depuis vingt ans, s’est avérée manifestement inefficace voire contreproductive du fait de l’illisibilité des outils mis en œuvre et de l’affaiblissement des moyens d’action décentralisés.

Une planification illisible : la prolifération des outils non coordonnés et juxtaposés

La planification énergétique et environnementale à l’échelle nationale a largement fait les frais du mouvement de décentralisation depuis quarante ans et, plus largement, de « libéralisation des politiques publiques environnementales »[16].  L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale est largement dépassée par le développement des outils de programmation, de schématisation et de coordination à l’échelle territoriale, que vient parachever la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale  (dite “loi 3DS”) votée en février 2022. La superposition de l’ensemble des outils et documents conduit à un paysage morcelé, illisible et incohérent.

L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale

À l’échelle nationale, la politique énergétique est largement empreinte d’une ambition planificatrice.

La loi n°2000-108 du 10 février 2000 imposait déjà au ministre de l’Énergie de s’appuyer sur le bilan prévisionnel pluriannuel établi par le Réseau public de transport (RTE)[17] et impose aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel d’établir des documents bilan concernant leurs performances et leurs prévisions, afin de prévenir toute défaillance du système gazier[18].

La véritable portée planificatrice de la politique énergétique française s’observe aujourd’hui à la lecture des articles L. 100-1 A à L. 100-5 du Code de l’énergie, d’abord formalisée par la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite loi POPE)[19], puis complétées par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite loi TECV). On y parle ainsi de « priorités d’action quinquennales », « d’objectifs fixés à la politique énergétique », de « programmation », de plan et de stratégies nationales.

Ambition planificatrice cependant, car la jurisprudence constitutionnelle n’a pas reconnu de caractère normatif et contraignant aux dispositions législatives du titre préliminaire du Code de l’énergie[20], même si les récents contentieux climatiques tendent, grâce à la jurisprudence administrative, à renverser cette conception. Discours planificateur, doit-on plutôt considérer.

La loi du 17 août 2015 a cherché à renforcer les moyens de planification à la main du pouvoir réglementaire. Désormais, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), fixée à par décret pour une période quinquennale[21], fixe les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie, afin d’atteindre les objectifs fixés aux articles L. 100-1 à L. 100-4 du Code de l’énergie. L’adoption du deuxième décret relatif à la PPE[22] en 2020 a fait suite à une procédure de consultation du public[23].

La PPE s’inscrit ainsi dans un paysage légistique dense, marqué par l’existence de documents d’orientation et de planification relevant du Code de l’environnement ou partagés entre les domaines énergétique et environnemental. La PPE doit ainsi être compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus par les budgets carbones[24] et la stratégie nationale bas carbone (SNBC)[25], elle-même adoptée par décret[26].

En outre, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)[27] et la stratégie française énergie-climat (SFEC) constituent des documents de synthèse transversaux permettant de situer l’action publique de manière prospective. Ces deux documents forment ainsi des feuilles de route non contraignantes en faveur de la transition écologique et de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050.

Le premier article du Code de l’énergie pose les bases de ce paysage complexe et difficilement lisible, marqué par la coexistence de plusieurs plans et stratégies prenant en compte les objectifs fixés par le Code de l’énergie, mais aussi un certain nombre de règlements et directives européennes elles-mêmes évolutives.

À l’échelle nationale, les outils de planification énergétique sont déjà nombreux et leur articulation pose question. Or, c’est bien à l’échelle territoriale que la planification énergétique s’est considérablement développée, sans que l’articulation entre les échelles nationales et territoriales ne soit stabilisée, au détriment de la cohérence d’ensemble.

Le renforcement de l’échelle territoriale pour la planification énergétique et écologique

Les aspects énergétiques et territoriaux sont souvent reliés, selon l’idée que la transition énergétique passe nécessairement par les territoires. Dès 2012, il était ainsi énoncé que les Régions sont amenées à s’engager « dans le cadre de leur politique d’aide à l’innovation et à Ia recherche, à accompagner la transition écologique du système productif, notamment dans les domaines de l’isolation thermique et des nouvelles énergies »[28].

Depuis 1982, les politiques d’aménagement du territoire et de gestion de l’environnement ont été les principales politiques concernées par les mouvements de décentralisation successives. Comme l’a montré avec force une précédente note de l’Institut Rousseau[29], cette évolution est l’une des sources fondamentales de l’illisibilité et de l’inefficacité actuelle.

L’année 2015 marque ainsi une étape cruciale en consacrant la planification territoriale – et notamment régionale – de la transition énergétique. L’application combinée des dispositions de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) et de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 LTECV renforce l’implication des territoires et des acteurs décentralisés dans la conception et la mise en œuvre de cette planification.

De manière générale, c’est avant tout aux régions et, dans certains cas, à certaines collectivités métropolitaines que revient la charge d’organiser la transition énergétique du territoire. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM) faisait déjà de la région la collectivité « cheffe de file »[30] en matière de développement durable du territoire, du climat, de la qualité de l’air et de l’énergie, notamment par le biais d’une « conférence territoriale de l’action publique »[31]. La loi du 17 août 2015 conforte la région dans ce rôle, puisque « la région constitue l’échelon pertinent pour coordonner les études, diffuser l’information et promouvoir les actions en matière d’efficacité énergétique »[32].

Or, derrière un discours en apparence ordonné et misant sur la coopération des collectivités, les réformes successives ont organisé la superposition et la sédimentarisation de multiples schémas et documents d’orientation et de planification[33]. La planification territoriale en matière énergétique s’articule désormais de manière complexe autour de plusieurs documents :

  • le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui doit en particulier fixer les objectifs concernant la maîtrise de l’énergie sur le territoire ;
  • le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), consacré notamment à l’action de rénovation énergétique sur le territoire régional ;
  • le schéma régional biomasse, élaboré conjointement par le représentant de l’État en région et le président du conseil régional ;
  • le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), « outil opérationnel de coordination de la transition énergétique sur le territoire »[34].

Un paysage aujourd’hui illisible

L’arsenal planificateur est dès lors difficilement lisible pour le décideur. Au niveau national, les objectifs de la politique énergétique sont pris en compte dans au moins cinq documents de planification énergétique et environnementale. À l’échelle territoriale, les régions sont désormais chargées d’élaborer divers schémas soit directement consacrés à l’énergie et à l’écologie, soit y concourant, en particulier le SRADDET.

L’analyse, nécessaire pour véritablement comprendre l’étendu de la planification écologique contemporaine, des plans et schémas communaux dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire complexifie encore cette architecture. Il revient en effet aux communes et, de plus en plus, aux intercommunalités, d’élaborer leurs plans locaux d’urbanisme (PLU) et schéma de cohérence et d’orientation territorial (SCoT). Ces documents inégalement prescriptifs apportent certaines orientations et prescriptions en matière d’aménagement du territoire, de prise en compte de l’environnement et de possibilité en matière énergétique.

À cet égard, la récente loi 3DS parachève cet affaiblissement de la cohérence de la planification écologique à la faveur de la décentralisation de nouvelles prérogatives sous couvert de simplification normative. L’analyse de la loi atteste en effet que l’ouverture de transfert de compétence conduit, à l’inverse de l’objectif de simplification, à accroître l’illisibilité des dispositifs de protection de l’environnement et de planification écologique. Pire, cette décentralisation, désormais voulue à la carte, pose la question de la soutenabilité financière des compétences concernées. Plusieurs exemples sont topiques en la matière.

La gestion des zones Natura 2000 peut désormais être confiée aux Régions (article 61 de la loi), conformément à la compétence de protection de la diversité biologique[35] qui leur est reconnue. A priori, confier à cet échelon, par ailleurs chargé d’élaborer la planification territoriale en matière de climat, de qualité de l’air et d’énergie (via le SRADDET), qui plus est collectivité cheffe de file, semble cohérent. C’est sans compter la complexité persistante – et peut être accrue – de cette réforme, source d’inefficience de la gestion des zones Natura 2000. En effet, ces transferts s’inscrivent dans la volonté manifeste du législateur de différencier les compétences des différentes collectivités, affaiblissement de fait la cohérence d’ensemble à l’échelle nationale : à l’avenir, d’une région à l’autre, les zones protégées le seront par l’État ou bien par les services régionaux compétents. Surtout, la loi 3DS ouvre la voie, mécaniquement, à un grand recul des moyens financiers et humains à disposition des collectivités pour la gestion des zones Natura 2000 : si la réforme instaure naturellement le droit à une compensation financière pour les Régions nouvellement chargée des zones Natura 2000, cette compensation est calculée sur la base des dépenses de l’État pour cette compétence à la date du transfert. Or, à mesure que le besoin de protection du territoire augmente, ce qu’exprime à ce titre la stratégie européenne pour la biodiversité, dont l’objectif est d’augmenter de 30% les surfaces protégées d’ici 2030, les moyens financiers à disposition des gestionnaires des zones sont voués à régresser. Les zones Natura 2000 constituent en ce sens un symbole de l’incohérence d’une planification nationale ambitieuse, dont les effets ne pourront qu’être limités du fait d’une gestion mal articulée et de moyens financiers en baisse.

L’implantation des parc éoliens, ensuite, constitue un point saillant d’imbrication problématique de la planification énergétique (PPE, PCAET) et des politiques d’aménagement du territoire (SRADDET, SCoT, PLU). Si l’opposition des administrés et des exécutifs locaux doit être entendue et prise en compte, c’est bien à la planification d’arbitrer et de concilier des objectifs contradictoires de moyen et long terme. La loi 3DS, en réponse à ces difficultés politiques qu’il conviendra nécessairement de dépasser pour faire évoluer le mix énergétique français, affaiblit pourtant durablement la consistance de la planification nationale en la matière. Désormais, les élus locaux peuvent restreindre à de strictes conditions voire interdire, dans le PLU, l’implantation d’éoliennes dans certaines zones, au prétexte de nouvelles justifications commodes : « l’incompatibilité de ces installations avec le voisinage habité ou l’usage des terrains situés à proximité », une atteinte portée à « la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine » ; un problème d’« insertion dans le milieu environnant ». Sous couvert de décentralisation, la loi offre donc aux décideurs locaux des moyens de mettre en péril la planification nationale, affaiblissant de fait la portée concrète de cette dernière.

Plus largement, la loi 3DS marque un accroissement de l’illisibilité des outils territoriaux de planification. L’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette des zones d’ici 2030, fixée par la loi Climat et résilience en 2021, illustre l’inefficacité de l’enchevêtrement territorial de documents de planification qui relèvent davantage du droit souple à mesure que le législateur peut en adapter les objectifs, les temporalités et les règles. Précisément, la loi Climat et résilience imposait de traduire dans les documents régionaux et territoriaux de planification (SRADDET, SCoT, PLUi et PLU) l’objectif de ZAN fixé à l’échelle nationale. Cette évolution devait se faire à échéance brève, fixée par la loi. Moins d’un an plus tard, la loi 3DS est venue assouplir l’obligation de révision des documents territoriaux de planification : les documents régionaux ont désormais 30 mois, contre deux ans, pour intégrer des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols ; le SRADDET révisé doit être adopté dans un délai de 14 mois, contre huit dans la loi Climat et résilience. En somme, face à la difficulté d’articuler des outils multiscalaires de planification, le législateur préfère temporiser, au risque de voir persister des incohérences en matière d’objectifs et de moyens dédiés à la transition écologique des territoires.

Essayer de schématiser cette superposition n’est pas d’une grande aide, comme en témoigne le schéma suivant : on mesure la profusion non-contrôlée des plans, stratégies et schémas, non coordonnés, à chaque niveau.

Déjà illisible et désormais impossible à appréhender dans sa totalité, cet ensemble souffre d’une faiblesse essentielle : l’absence de caractère contraignant des planifications supérieures sur les outils inférieurs.

Une planification non contraignante

En dépit d’affirmations contraires, qui tiennent davantage du performatif que du réel, les outils de planification écologique peinent à être contraignants. Plusieurs raisons à cela. D’une part, le mouvement de décentralisation institutionnelle s’est traduit, juridiquement, par le maintien d’un seul contrôle de légalité sur les documents élaborés par les collectivités. Or, combiné à la volonté de reconnaître une autonomie toujours plus grande aux collectivités, ce contrôle souvent minimal a conduit à limiter voire à abandonner le contrôle de fond des documents de planification actés par les collectivités, n’ayant plus besoin que de « prendre en compte » les documents d’autres collectivités ou élaborés par l’État.

La planification territoriale : le trou noir du contrôle de légalité et des rapports juridiques de prise en compte

En théorie, une planification multiscalaire, adaptant aux spécificités locales les objectifs fixés à l’échelle nationale, semble cohérente et pertinente pour piloter la transition écologique sur l’ensemble du territoire. Cette organisation répond à un souci de subsidiarité et de proximité de l’action publique.

En pratique cependant, la planification écologique multiscalaire s’est construite de manière illisible, à la faveur d’un mouvement de décentralisation fondé depuis plusieurs années, au détriment de la cohérence d’ensemble, sur le souci de « différencier » les lois nationales. Surtout, l’évolution des rapports juridiques entre ces trop nombreux documents de planification semble aller vers un affaiblissement toujours plus marqué de la cohérence.

Sur ce point, nous renvoyons largement à la note précitée de l’Institut Rousseau, ayant montré les travers institutionnels de la décentralisation initiée en 1982. Désormais limitée à un contrôle de légalité, c’est-à-dire de la simple conformité juridique des normes inférieures avec les normes de contrôle, et remettant en cause l’idée de collectivité supérieure hiérarchiquement, la décentralisation a conduit à la disparition du contrôle de l’État planificateur sur les politiques mises en place aux échelons territoriaux.

En matière de planification énergétique et d’aménagement du territoire, une difficulté supplémentaire provient du rapport de conformité le plus faible entre les différents outils mis en œuvre : le rapport de « prise en compte ». Concrètement, la norme inférieure ne doit pas remettre en cause les orientations générales des normes supérieures et peut s’en écarter si cela est justifié par un fondement spécifique. Il est ainsi permis aux normes concernées de « s’écarter des orientations fondamentales du document supérieur à condition qu’existe un motif tiré de l’intérêt général de l’opération et dans la mesure où ce motif le justifie », tel que l’a jugé la jurisprudence[36]. C’est aujourd’hui ce rapport faiblement contraignant qui articule l’ensemble des outils de planification, à l’exception du rapport entre la PPE et la SNBC.

La place du SRADDET, outil régional de planification, illustre l’inefficience de l’architecture actuelle :

  • d’une part, la loi dispose que le SRADDET doit « prendre en compte » la SNBC : plus précisément, au sein du SRADDET, les objectifs et les règles générales (la précisions aura son importance) doivent prendre en compte la SNBC, outil de national planification ;
  • d’autre part, le SRADDET est inégalement prescriptif à l’égard des documents de planification inférieurs : les différents documents (SCoT, PLU, PCAET) doivent ainsi prendre en compte les objectifs du SRADDET, mais être compatible avec les règles du SRADDET. Or, et c’est là que la minutie des lois importe, les SRADDET n’ont pas à décliner en règles générales leurs objectifs en matière de « d’atténuation du changement climatique » et « l’adaptation au changement climatique » ; seules cinq thématiques générales (promotion des énergies renouvelables ; traitement des déchets ; etc.) sont énoncées par décret[37].

Ces questions techniques d’articulation juridique ont dès lors des conséquences très concrètes, puisque la cohérence de la planification nationale est remise en cause par l’énoncé d’objectifs non concordants aux différents échelons territoriaux. Le rapport du Haut Conseil pour le Climat pour l’année 2022 relevait ainsi que « Les cibles de contribution à la transition climatique sont globalement alignées avec l’objectif de réduction des émissions pour 2030, mais pas à l’objectif de neutralité carbone en 2050. L’exercice de la SFEC n’a pas prévu la révision des plans et stratégies territoriales à celle des plans et stratégies nationales. Il n’y a pas de mise en cohérence stratégique et temporelle entre l’action de l’État et celle des échelons territoriaux, ni de coordination de la planification entre les régions ».

Une planification énergétique nationale faiblement prise en compte et non-contrôlée

Parmi la profusion de documents de planification énergétique, la SNBC figure comme un document à l’ambition transversale, destiné à être traduit dans l’ensemble des documents de planification sectoriels et territoriaux. Or, tel que l’énonce le premier article du Code de l’énergie, c’est bien un rapport de prise en compte qui est institué entre les différents documents de planification et la SNBC. Les décideurs disposent ainsi d’une marge de décision conséquente pour s’écarter des dispositions de la SNBC.

Surtout, il s’avère que la SNBC, y compris à l’échelle nationale, n’a jamais réussi à être pensée comme un document prescriptif s’imposant aux décideurs. Le rapport du Haut conseil pour le climat explore avec éloquence, d’un point de vue sociologique, l’absence de prise en compte de la SNBC dans l’élaboration des politiques sectorielles : « Ce processus de construction ne permet cependant pas réellement d’assurer une obligation de résultat en termes de réduction des émissions, ni d’organiser des modes de collaboration durables autour de la mise en œuvre de la Stratégie. Tout en préservant l’objectif de neutralité carbone, les ministères en charge des politiques sectorielles ne semblent pas s’approprier les objectifs intermédiaires fixés par la Stratégie sous forme d’objectifs contraignants, ni de définir des mesures d’action publiques précises susceptibles de réduire suffisamment les émissions de gaz à effets de serre »[38].

Fatalement, cette absence de prise en compte, observée sociologiquement, conduit au dépassement des trajectoires fixées par la SNBC et ses traductions triennales, les budgets carbones. Le rapport du Haut conseil pour le climat rappelle en effet que le premier budget carbone (2012-2018) a été dépassé de 61 millions de tonnes équivalent CO2 (MteCO2). Si la trajectoire correspondant au deuxième budget carbone (2019-2023) est compatible avec la trajectoire entendue, le HCC rappelle que le plafond de la SNBC II a justement été relevé. C’est donc le Plan qu’on adapte à la réalité.

La planification écologique européenne : la contrainte sans contrôle

Les politiques européennes montrent volontiers un attachement à la planification, à la programmation, à l’énoncé d’orientation destinées à assurer l’harmonie des politiques nationales.

Le droit de l’énergie traduit ainsi les orientations planificatrices propres à la politique énergétique européenne transposée dans la législation nationale. Si les années 1990 ont été marquée par une volonté libéralisatrice de la production, de l’acheminement et de la vente d’énergie, les années 2000 ont progressivement consacré une organisation plus volontariste des pouvoirs publics, chargés d’organiser et d’orienter la production énergétique selon deux objectifs : la transition énergétique au bénéfice des sources d’énergie renouvelables et bas carbone, nécessaire au respect des engagements climatiques et la sécurité d’approvisionnement en énergie primaire.

Dans un premier temps, la législation européenne a cherché[39], dans une volonté d’harmonisation et d’unification des capacités de production, à libéraliser la production et la vente d’énergie selon une logique de marché[40]. C’est dans un second temps que l’enjeu de la sécurité d’approvisionnement et la nécessaire prise en compte des objectifs de transition écologique énoncée par la politique environnementale européenne et la volonté des pouvoirs publics d’orienter, par un soutien financier et réglementaire, la production d’énergie, ont conduit à atténuer l’orientation libéralisatrice de la politique énergétique au profit d’un discours volontiers planificateur que l’on retrouve à deux niveaux.

D’une part, l’affirmation d’un ensemble d’objectifs imposés aux États-membres.

Le cadre d’action à horizon 2030 de l’Union européenne a été approuvé par le Conseil européen en octobre 2014 autour de quatre objectifs clés au niveau de l’Union : (i.) une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs de l’économie par rapport au niveau de 1990, (ii.) un objectif indicatif d’une amélioration d’au moins 27 % de l’efficacité énergétique, à revoir d’ici à 2020 dans la perspective d’une augmentation de l’objectif à 30 %, (iii.) une part d’au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l’Union, (iv.) au moins 15 % d’interconnexion électrique.

Ces objectifs constituent les dimensions de l’Union de l’énergie pour laquelle est bâtie une planification dont l’ambition est d’être contraignante.

En matière de décarbonation, le règlement (UE) 2018/842 énonce l’objectif spécifique national contraignant de l’État membre relatif aux émissions de gaz à effet de serre et les limites nationales annuelles contraignantes, tandis que les États-membres ont pris des engagements au niveau national en vertu du règlement (UE) 2018/841.

En matière d’énergies renouvelables, l’objectif de transition est contraignant au niveau de l’Union et doit être réalisé grâce à des contributions des États membres, guidés par la nécessité d’atteindre collectivement l’objectif de l’Union. Déjà, la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009[41] relative au développement des énergies renouvelables (ENR) fixait, en son article 1er, « des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie par les transports ». Ces objectifs ont été fixés dans plusieurs directives récentes par des mesures et des objectifs à l’échelle de l’UE : la directive 2018/2001/UE du Parlement européen et du Conseil a introduit un nouvel objectif spécifique contraignant de l’Union d’au moins 32 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030, comprenant une disposition prévoyant un réexamen en vue d’augmenter l’objectif spécifique au niveau de l’Union d’ici à 2023.

En matière d’efficacité énergétique, la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil a fixé un objectif spécifique au niveau de l’Union d’une amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 32,5 % en 2030, comprenant une disposition prévoyant un réexamen en vue d’augmenter les objectifs spécifiques au niveau de l’Union. Conformément à la directive de 2012, la consommation d’énergie de l’Union ne doit pas dépasser 1 483 mégatonnes équivalent pétrole (Mtep) d’énergie primaire ou 1 086 Mtep d’énergie finale en 2020 et 1 273 Mtep d’énergie primaire et/ou 956 Mtep d’énergie finale en 2030.

En matière d’harmonisation du marché intérieur de l’énergie, le règlement (UE) 2018/1999 énonce l’objectif que le niveau d’interconnexion électrique[42] en 2030 soit d’au moins 15%, avec une stratégie dans le cadre de laquelle le niveau à compter de 2021 est défini en étroite coopération avec les États membres concernés, compte tenu de l’objectif spécifique de 10 % d’interconnexion pour 2020.

Notons enfin une cinquième dimension de l’Union de l’énergie, consacrée à la sécurité d’approvisionnement. Les directives 2009/78/CE et 2009/73/CE disposent qu’« En matière de sécurité d’approvisionnement, d’efficacité énergétique et de gestion de la demande et pour atteindre les objectifs environnementaux et les objectifs concernant l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables […] les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à long terme […] ».

Pour autant, si certains de ces textes prévoient explicitement un caractère contraignant aux objectifs fixés, aucune disposition ne vient prévoir ni le contrôle ni les sanctions pouvant en résulter. Cette contrainte purement théorique affaiblit considérablement l’ambition planificatrice de la politique européenne.

Conscient de cet écueil, tout autant que de la difficulté voire de l’impossibilité politique d’imposer aux États-membres un mécanisme de sanction en matière de planification écologique, les institutions européennes ont préféré encourager, à défaut, une certaine coordination des politiques énergétiques nationales selon les objectifs et le cadre fixé au niveau européen.

Promue par plusieurs communications de la Commission européenne[43] depuis 2015, la gouvernance intégrée des politiques nationales de transition énergétique vise à coordonner les actions liées à l’énergie menées aux échelons européen, régional, national et local conformément aux objectifs fixés.

Le Paquet « Une énergie propre pour tous les européens »[44] formalise en ce sens une stratégie coordonnée et planifiée entre les États-membres en matière de politique énergétique. Le règlement 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat énonce notamment, en article 1er, que « Le mécanisme de gouvernance repose sur des stratégies à long terme, sur des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat couvrant des périodes de dix ans dont la première s’étendra de 2021 à 2030, sur des rapports d’avancement nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat établis par les États membres au sujet desdits plans, ainsi que sur des modalités de suivi intégré fixées par la Commission ». Surtout, le règlement, s’inspirant du Semestre européen en matière économico-financière, impose aux États-membres d’établir tous les dix ans, en concertation avec les autres États-membres, un plan national intégré en matière d’énergie et de climat notifié et évalué à la Commission européenne.

La planification européenne en matière énergétique suit ainsi une tendance de moins en moins indicative, au profit de la définition d’objectifs contraignants et du contrôle par la Commission des marges de manœuvre offertes aux États-membres.

À date, ce contrôle demeure toutefois théorique et limité à la formulation d’observation par la Commission sur les politiques et les plans mis en œuvre par les États membres.

L’appel à une planification contraignante par la jurisprudence française

Les récents contentieux climatiques, en sanctionnant l’État pour inaction climatique, ont confirmé l’inefficacité de la planification écologique française. Il est alors revenu au juge de pallier la faiblesse des textes pour mettre en œuvre un début de portée contraignante et normative aux outils de planification écologique et énergétique.

Revenons brièvement sur le fond de ces affaires. Conformément aux dispositions du droit européen, l’article L. 100-4 du Code de l’énergie[45] énonce des objectifs en matière environnementale, en particulier « 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ». La jurisprudence, aussi bien administrative[46] que constitutionnelle[47], avait considéré que cette disposition, dans sa version alors applicable, ne constituait pas une orientation contraignante pour les pouvoirs publics, assimilée à une loi de programmation au sens de l’article 34 de la Constitution.

Dans l’affaire dite Grande-Synthe[48], le juge administratif a pourtant considéré, de manière audacieuse, que ces engagements en matière environnementale avaient une portée normative et, par conséquent, contraignante. En découlait le contrôle, par le juge, du respect par les pouvoirs publics des obligations ainsi fixées et de la cohérence des mesures adoptées avec les obligations futures.

D’une part, la mise en cohérence des normes nationales, issues de la transposition par le législateur français de normes européennes, avec des normes conventionnelles, en particulier l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016 par la France et l’Union européenne, mérite une attention toute particulière : adopté dans le sillage de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992, l’accord de Paris n’impose pas d’obligation chiffrée mais engage les États selon des trajectoires déterminées au niveau national et présentées à échéances régulières. Dans l’arrêt Grande-Synthe I[49], le Conseil d’État estime nécessaire de considérer les objectifs fixés par la loi à la lumière de l’accord de Paris.

D’autre part, la reconnaissance de la normativité de l’objectif fixé à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie met la lumière sur un champ considérable d’outils de planification écologique dont la portée impérative demeurait limitée. En effet, la trajectoire posée par le Code de l’énergie s’appuie sur les budgets carbone d’abord triennaux puis quinquennaux[50], au sein d’une stratégie bas-carbone fixée par décret[51]. Le point d’orgue est bel et bien atteint au III de l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, aux termes duquel « L’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre ». Voilà définitivement la planification réhabilitée par le juge au détour de ces articles du Code de l’environnement.

Outre la portée normative reconnue à ces plans supranationaux et nationaux en matière de transition écologique, le rapport aux données scientifiques et techniques dans la décision du juge est particulièrement marquant[52].

La portée juridique et symbolique de ces contentieux n’est certes pas à nier. Notons cependant qu’en dépit de la reconnaissance du caractère normatif des normes d’objectifs en matière climatique, l’État a bel et bien été condamné pour ne pas avoir modifié sa politique d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. La solennité des jugements touche ici l’une de ses faiblesses intrinsèques : son ineffectivité par manque d’ambition politique. Car en dépit de la prolifération d’outils à toutes les échelles dont la normativité a tendance à s’accroître, la planification écologique ne saurait être performative : sans arme, sans moyens humains, financiers et matériels, elle est condamnée à n’avoir qu’un impact résiduel.

Une planification désarmée

La programmation énergétique nationale est construite sur des outils non-contraignants et décorrélés des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés.

Une résultante de l’évolution du rôle de l’État : une planification tombée en désuétude

« Les illusions de la planification ont heureusement disparu » affirmait dès 1987 Michel Crozier. Phrase révélatrice de la perte de légitimité et de pertinence de ce mode d’action publique, jugé anachronique voire inefficace.

Au succès des premiers plans quinquennaux, ayant atteint leurs objectifs en matière de développement industriel, agricole et économique, a succédé une période de doute dans les années 1980. La succession de crises exogènes, au premier rang desquels les crises pétrolières des années 1970, et l’internationalisation des économies font perdre de sa pertinence le plan comme outil de direction d’une économie nationale désormais largement déterminée par des phénomènes internationaux. En ce sens, une première réforme d’ensemble est votée en 1982[53], qui s’inscrit dans le contexte de rénovation des outils et de l’organisation de l’action publique, par la promotion des contrats de plan État-région, toujours en vigueur.

Malgré cette réforme, c’est bien le contexte et l’évolution de l’action de l’État qui fait tomber la planification en désuétude. La même année, les lois Deferre marque le début d’un vaste mouvement de décentralisation institutionnelle qui se traduira par le transfert de blocs de compétences toujours plus importants aux collectivités territoriales, en particulier dans les domaines des politiques environnementales et d’aménagement du territoire, au détriment du contrôle de l’État sur le fond des politiques locales.

Les années 1980 marquent également l’affaiblissement de l’interventionnisme de l’État dans l’économie, notamment par le biais des privatisations successives dès 1986.

Enfin, et surtout, les années 1980 marquent l’avènement des thèses économiques néo-libérales et de leurs conséquences en termes de gouvernance publique. La prévalence de la concurrence et du libre-jeu du marché s’opposent frontalement à la planification, dont le fondement est justement de soustraire au jeu du marché certains secteurs économiques, par des mécanismes d’action publique exorbitants (entreprises publiques en monopole, aides d’État, réglementations sectorielles, etc.).

Un État régulateur incapable de prendre en charge une véritable planification

Découle de cette évolution une place résiduelle de l’État dans l’économie, que la sociologie a pu caractériser comme le passage d’un État stratège à un État régulateur.

La prévalence du droit de la concurrence modifie considérablement les moyens d’action de l’État pour orienter les marchés. La disparition des entreprises publiques nationales, bras armés de la planification française des Trente Glorieuses, et le contrôle strict des aides d’État, dont le principe est désormais l’interdiction, sont deux exemples de la remise en cause du modèle d’État porteur de la planification.

De fait, cette évolution se traduit par la réduction des grands plans d’investissement, d’action directe de l’État dans l’économie, au profit d’une action régulatrice par la fiscalité, l’encadrement normatif et le développement des agences de régulation.

Par cette nouvelle figure de régulateur, l’État s’aligne parfaitement avec la prévalence du système de marché : les actions de l’État, si elles contreviennent à la concurrence libre et non faussée, sont prohibées ; l’État peut intervenir s’il vise à pallier les défaillances de marché par des mécanismes de marché (on parle alors d’internalisation des externalités). Et de manière générale, les États, pris dans une contrainte financière asphyxiant leurs capacités d’intervention économique, peuvent désormais conduire des politiques à peu de frais.

C’est ainsi que les politiques environnementales ont dû se convertir à ce nouveau dogme de l’action publique, marqué par la place banalisée de la puissance publique. L’État intervient désormais pour inciter, par la régulation sectorielle et la fiscalité, des acteurs économiques réputés économiquement rationnels. Au sein de l’Union européenne, il est ainsi significatif que la politique environnementale se soit longtemps limitée à la mise en œuvre d’un système d’échange de quota carbone et l’élaboration laborieuse d’une taxe carbone aux frontières. Le système d’échange de quota carbone ne couvre cependant aujourd’hui que 40% des émissions de CO2 du continent, du fait d’exemptions bénéficiant à certains secteurs ; des quotas gratuits sont par ailleurs distribués à certains secteurs économiques en tension, au détriment de la cohérence du système d’ensemble. De son côté, la taxe carbone aux frontières sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2023, de manière progressive, avant d’être généralisée à partir de 2026.

Les moyens à la disposition de l’État régulateur semblent bien faibles pour faire advenir une transition rapide et dirigée vers une économie décarbonée : les outils mobilisés, par nature sectoriels, pose la question de leur délimitation et du risque de contournement. Les temporalités d’élaboration, de mise en œuvre et d’effectivité concrète semblent par ailleurs incompatibles avec les délais impartis pour conduire une transition écologique de nos sociétés.

Synthèse de la partie 1 :

La planification contemporaine n’a de planification que le nom. Les maux qui l’affectent sont multiples : illisible, du fait de la multiplication d’outils multiscalaires juxtaposés ; incohérente, car les planifications sont mal articulées dans leurs objectifs et leurs moyens ; désarmée, du fait de l’avènement d’un État régulateur dépouillé de ses moyens d’interventionnisme.

Énoncé d’objectifs chiffrés déterminés par des données scientifiques et techniques, contrôle des actions mises en œuvre, projections sur le moyen et long terme, implication et consultation des acteurs publics, économiques et civils : on peine à retrouver, en matière d’écologie, les signes de cet effort qui « embrasse l’ensemble, fixe les objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l’esprit public le sens de ce qui est global »[54].

L’implication du juge au sein de cette nouvelle forme de planification doit nous interpeller. Comme l’a relevé la doctrine au sujet des contentieux climatiques évoqués, les recours climatiques « regorgent de potentialités qui n’ont été que peu ou pas abordées. Il en va ainsi, par exemple, de la contestation de la planification locale (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou plans climat énergie territoriaux), des mesures d’évaluation et de suivi de ces planifications ou de la question de l’adaptation aux changements climatiques, laissée pour compte mais malheureusement d’une actualité brûlante »[55].

Les issues des contentieux climatiques depuis 2020 ont dès lors fourni une première impulsion aux documents de programmation énergétique et écologique afin d’en faire de véritables outils de planification. Planification qui gagne à être impérative, dans la mesure où le non-respect des objectifs fixés voire l’absence de cohérence entre les documents à vocation à être sanctionné. De ce point de vue, la création du SGPE est davantage une résultante de ce mouvement de consécration d’une planification énergétique et écologique.

Plus largement, il est notable que l’État n’est plus cet arbitre exclusif porteur de l’intérêt général, orientant les forces productives de la Nation vers des objectifs partagés. Désormais, les forces vives de la Nation contestent soit le respect par l’État des objectifs qu’il s’est lui-même fixés, soit l’inexistence de tels objectifs et d’un plan coordonnant les efforts de l’ensemble des forces productives.

  1. Construire une véritable planification écologique

La planification écologique française n’en a aujourd’hui que le nom : illisible, non-contraignante et désarmée, elle s’avère n’être qu’un discours que les décideurs ont cru performatif.

Il est urgent de s’attaquer aux maux qui affectent la planification écologique, car il s’agit fondamentalement d’un mode d’action nécessaire pour faire face aux causes et aux conséquences irrémédiables du changement climatique, « la plus grande et la plus vaste défaillance de marché jamais vue »[56].

Nous formulons à ce titre trois axes de réformes.

D’abord, l’ensemble des outils de planification écologique doit être rationalisé et simplifié. L’élaboration, d’ici le 1er juillet 2023, de la première loi de programmation énergie climat (LPEC) et de la stratégie française énergie climat (SFEC) offre ainsi l’opportunité de conduire cette rationalisation.

Ensuite, la rationalisation des outils doit se traduire par un caractère davantage contraignant, condition essentielle de la cohérence de la planification écologique française : les rapports de simple prise en compte ne sont plus adaptés car ils mettent en péril la cohérence d’ensemble et l’effectivité des outils de planification nationaux. L’évaluation des plans mis en œuvre doit être systématisée.

Enfin, la planification ne peut plus être qu’un discours au risque de rester inefficace et incapable d’organiser la transition écologique de nos sociétés. Elle est indissociable d’un grand plan d’investissement public et privé en faveur de la transition écologique.

Améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur

Le rôle du SGPE dans la gouvernance de la planification écologique

Au regard de l’arsenal planificateur existant d’ores et déjà en matière écologique, la création d’un secrétariat général à la planification écologique ne doit manifestement pas être entendu comme l’introduction d’une forme de planification en matière écologique.

En réalité, la création du SGPE doit davantage répondre à l’impératif d’améliorer la coordination du travail gouvernemental afin d’orienter la production législative et réglementaire en faveur de la protection de l’environnement et d’assurer une réelle prise en compte des normes théoriquement contraignantes.

À court terme, la gouvernance de la planification écologique doit donc impérativement être réformée et améliorée

L’effectivité d’un tel organe dépendra en ce sens notamment d’aspects institutionnels extra-juridiques, dont se sont saisis la science politique[57]. En dépit de l’ordre protocolaire du portefeuille écologique et du rattachement du SGPE auprès du cabinet de Matignon, l’issue des arbitrages techniques continuera d’être contrainte, si ce n’est encore davantage, par l’enjeu budgétaire et l’endettement public.

Le positionnement institutionnel du SGPE aura donc vocation à fluidifier le travail interministériel et à améliorer la coordination de la production normative. Le défaut de collaboration interministérielle, au cours du processus d’élaboration de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) notamment, est à cet égard pointé du doigt dans le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC)[58].

Notons que la création, à partir de 2017, du Conseil de défense écologique, semblait répondre aux mêmes préoccupations que celles ayant conduit à l’institution du SGPE : traitement transversal des questions écologiques, suivi régulier des dossiers par le Président et le Premier ministre. Le bilan de l’action de cette institution demeure à expertiser, afin d’en tirer les conséquences pour la doctrine d’action du SGPE.

Recommandation n° 1 : évaluer de l’action du Conseil de défense écologique pendant le quinquennat 2017-2022 afin d’éclairer la doctrine d’action du SGPE

Il conviendra, à partir de cette année, d’évaluer la pertinence du SGPE dans la conduite de la planification écologique française. Une évaluation à date demeure prématurée. Plus largement, une réorganisation des organes de décision en matière de transition énergétique est nécessaire.

Mettre en cohérence les outils de planification existant et rationaliser le paysage aujourd’hui illisible

Le foisonnement des dispositions législatives et réglementaires dont découlent différentes formes de planification énergétique, écologique et environnementale ne peut qu’être déploré. Si des rapports de compatibilité et de prise en compte sont bel et bien prévus, de même que la normativité de certaines de ces dispositions sont accrues à la faveur de la jurisprudence, le paysage légistique ainsi dessiné laisse une impression d’éparpillement et d’absence de coordination (cf. schéma en partie I). Il conviendrait de rationaliser cette articulation normative afin d’améliorer l’effectivité des outils de planification écologique nationaux. C’est en ce sens que le SGPE nouvellement créé aurait une mission à forte valeur ajoutée, en coordonnant à court terme l’ensemble des mises à jour des différents documents de planification.

Notons à ce titre que la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a instauré un article L. 100-1 A au sein du Code de l’énergie, aux termes duquel :

« I. — Avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.

Chaque loi prévue au premier alinéa du présent I précise:

1o Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ;

2o Les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale et notamment les objectifs de réduction de la consommation énergétique primaire fossile, par énergie fossile, pour deux périodes successives de cinq ans, ainsi que les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie prévues à l’article L. 221-1 du présent code, pour une période de cinq ans ;

3o Les objectifs de développement des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant, le gaz ainsi que l’hydrogène renouvelable et bas-carbone,» pour deux périodes successives de cinq ans […] ;

4o Les objectifs de diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ;

5o[59] Les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans, en cohérence avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre […]. »

  1. Significativement, la suite du nouvel article L. 100-1 A du Code de l’énergie énonce :

« Sont compatibles avec les objectifs mentionnés au I :

1o La programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1;

2o Le plafond national des émissions de gaz à effet de serre, dénommé « budget carbone », mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement;

3o La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas-carbone », ainsi que les plafonds indicatifs des émissions de gaz à effet de serre dénommés « empreinte carbone de la France » et « budget carbone spécifique au transport international », mentionnés à l’article L. 222-1 B du même code;

4o Le plan national intégré en matière d’énergie et de climat et la stratégie à long terme […] ;

5o La stratégie de rénovation à long terme, mentionnée à l’article 2 bis de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments. »

Cet effort d’harmonisation, au moins partiel, va dans le bon sens et permettra une mise en cohérence de plusieurs documents de planification aujourd’hui juxtaposé : les principaux documents structurants les planifications énergétiques et écologiques devront être compatibles avec la loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC).

Recommandation n° 2 : coordonner et organiser l’élaboration de la loi d’objectifs pour le climat, d’ici juillet 2023, dans un objectif d’harmonisation de l’ensemble des documents de planification en découlant.

Améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble

Une articulation des outils de planification à revoir pour établir une réelle cohérence d’ensemble

Les outils de planification demeurent compartimentés et éparpillés.

D’une part, les outils de planification écologique existant n’ont que partiellement rempli leur rôle d’orientation de l’action publique en la matière. S’agissant de la SNBC, le Haut conseil pour le climat porte un regard critique sur la conduite de la SNBC II, considérant qu’elle « a servi d’instrument de sensibilisation aux objectifs climatiques, mais n’a pas servi d’outil de pilotage opérationnel dans son ensemble »[60]. De la même manière, « les feuilles de route des filières peuvent permettre de décliner l’action climatique de façon opérationnelle, mais ne sont pas toujours alignées avec la SNBC, ni assorties d’un mécanisme de pilotage permettant de garantir l’atteinte des objectifs. Leur pouvoir d’entraînement sur l’évolution des pratiques des filières semble limité à ce stade »[61]. Une évaluation de la mise en œuvre et des blocages relatifs à ces outils semble nécessaire à court terme afin d’améliorer la conduite de la planification écologique sur les prochaines années. Cette évaluation est d’autant plus pertinente que l’essentiel des outils de planification écologique sont en cours d’élaboration pour la prochaine période : stratégie française énergie-climat (SFEC) ; loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC) ; SBNC 3 ; PNACC 3 ; PPE pour la période 2024-2033.

Recommandation n° 3 : engager une évaluation à court terme sur les blocages dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des outils de planification écologique à l’échelle nationale

D’autre part, les rapports de normativité entre les outils de planification écologique apparaissent disparates et complexes. Cette sédimentarisation de document conduit à des inefficacités, dans la mesure où les schémas territoriaux ne sont pas nécessairement alignés avec les objectifs fixés au niveau national, eux-mêmes partiellement disjoints. Nous proposons ainsi une rationalisation exhaustive des documents de planification écologique, permettant une meilleure coordination et un mouvement d’ensemble en faveur des objectifs fixés par les normes supérieures. Cette simplification donne la priorité à la loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC) et sur les budgets carbone, adoptés sur des temporalités similaires : le rapport existant entre ces deux normes doit être réciproque, dans la mesure où c’est bien la définition d’un budget carbone correspondant à la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui permettra de définir les objectifs et priorités d’action en matière énergétique ; réciproquement, la définition des orientations quinquennales de la politique énergétique déterminera le niveau des budgets carbone fixés pour la période.

Ces deux documents formeront le noyau dur d’un Plan national énergie-climat, composé également, dans un rapport de compatibilité, du Plan national intégré énergie climat, de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et des Politiques nationales d’adaptation au changement climatique (PNACC).

Recommandation n° 4 : rationaliser, à moyen terme, les documents de planification énergétique et écologique au niveau national, afin de privilégier un Plan transversal dont découleraient, le cas échéant, des plans sectoriels

L’articulation des PCAET et des SRADDET avec les objectifs nationaux de réduction des émissions et de neutralité carbone demeure à renforcer. Un rapport d’évaluation parlementaire relevait ainsi que les outils de planification territoriaux étaient conformes à l’objectif de réduction des émissions à horizon 2030 mais pas avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. En pratique, certaines orientations de la SNBC (empreinte carbone, stockage carbone dans les sols, adaptation) étaient moins suivies et faisaient rarement l’objet d’une prise en compte par les SRADDET.

Recommandation n° 5 : coordonner une révision de l’ensemble des documents de planification à l’échelle territoriale afin de les aligner sur les objectifs contenus dans la future LPEC et SFEC

Recommandation n° 6 : renforcer les rapports de hiérarchie normative (envisager un rapport de conformité ; supprimer les rapports de prise en compte) entre la LPEC et les textes en découlant. Envisager une évolution similaire à l’échelle territoriale entre le SRADDET et les textes reliés (PCAET, schémas nationaux, SCoT, PLU, etc.)

Recommandation n° 7 : imposer, dans la loi, une révision systématique, coordonnée par le SGPE, des documents de planification régionaux en cas de révision des documents de planification national (SNBC, LPEC, SFEC)

Cette mise en cohérence nécessaire des outils territoriaux de planification ne doit toutefois pas se traduire par un affaiblissement de la consultation et de la participation citoyenne, condition nécessaire de l’acceptabilité des politiques conduites. Certes, une remise en ordre doit être opérée, de manière à ce que les planifications territoriales ne puissent être que plus contraignantes, selon les circonstances locales. Cette évolution doit se faire à la faveur d’une meilleure implication des citoyens et des parties prenantes à l’échelle des territoires. En ce sens, il serait pertinent d’instituer, sur le modèle des conférences territoriales de l’action publique (CATP), instaurées par la loi MAPTAM de 2014, des conférences territoriales de la planification écologiques (CTPE). Réunies à échéances fixées, ces conférences auraient pour but d’améliorer l’élaboration des outils territoriaux de planification et leur effectivité, par une meilleure répartition des leviers mobilisés.

En pratique, il serait nécessaire d’isoler les thématiques directement liées à la planification écologique au sein des nouvelles CTPE et d’articuler ces conférences avec l’élaboration des outils territoriaux. Depuis leur mise en œuvre en 2014, les CTAP offrent ainsi un exemple pertinent d’institution de dialogue et de concertation des collectivités, dont les défauts et les inefficiences ont pu être répertoriés dans plusieurs rapports administratifs et parlementaires[62]. Une réflexion spécifique serait nécessaire pour organiser ce nouvel organe de concertation des collectivités locales et sa place dans l’élaboration et l’articulation des outils de planification écologique.

Compte tenu de l’enjeu essentiel de l’acceptabilité des mesures adoptées dans le cadre de la planification territorialement déclinée, il sera nécessaire d’inclure aux CTPE ou aux commissions thématiques qui les composent la présence de représentants de citoyens et des parties prenantes.

Recommandation n° 8 : organiser un organe de concertation et de dialogue des collectivités locales destiné à articuler et élaborer les outils territoriaux de la planification écologique ; cet organe s’inspirerait des CTAP et tiendrait compte des évaluations produites depuis son entrée en vigueur

La systématisation de l’évaluation des outils de planification, condition de la cohérence de la planification écologique

L’évaluation des plans nationaux, territoriaux et sectoriels de transition écologique demeure insuffisante. Conformément au 3° du décret l’instituant, le SGPE devrait impulser cet effort d’évaluation des outils de planification compte tenu des exigences environnementales. La transformation du Haut conseil pour le climat en autorité administrative indépendante (AAI) fournirait en ce sens l’opportunité d’instaurer sa saisine obligatoire pour les documents de planification écologique et les textes liés à la transition écologique. Le SGPE assurerait, conformément au 5° du décret l’instituant, son rôle d’interlocuteur principal.

En vertu de la loi Climat et résilience[63], le HCC a vocation à exercer cette mission d’évaluation triennale pour les documents de planification territoriale. Ce mouvement est à généraliser s’agissant des plans sectoriels et nationaux.

Recommandation n° 9 : systématiser, sous l’égide du SGPE, l’évaluation des outils et documents de planification écologique

Recommandation n° 10 : instaurer la saisine obligatoire du Haut Conseil pour le Climat sur les outils de planification ou textes liés à la transition écologique, par le biais du SGPE et doter le HCC d’un pouvoir d’injonction dans son contrôle

L’évaluation de la planification écologique doit également prendre en considération les répercussions internationales de la politique volontariste ainsi menée. Selon les orientations fixées, il est probable que les actions menées conformément aux documents de planification se traduisent par une évolution de la structure de production sur le sol national, laissant supposer le renforcement des émissions dites “importées”. L’évaluation des outils de planification adoptés devra dès lors prendre en compte cet aspect international pour être effective.

Le renforcement du cadre de planification européen

L’Union européenne est à l’initiative d’un renforcement des outils de planification de la transition écologique. La loi européenne pour le climat en 2021 et le Pacte vert européen ont consolidé les outils et objectifs contraignants encadrant l’action des États membres en matière de transition. Le « Pacte vert pour le climat », en adoptant une approche transversale, marque véritablement l’instauration à l’échelle européenne d’une planification écologique, en complément de la planification énergétique.

D’une part, la législation européenne emportait déjà un certain nombre d’objectifs contraignants en matière climatique : d’une part, le Paquet « Énergie Climat 2020 » établissait, à horizon 2020, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre établi de 20% par rapport au niveau de 1990[64]. D’autre part, l’Union européenne a notifié à la Conférence des Etats parties à la CCNUCC, en application de l’article 4 de l’accord de Paris, une  » contribution déterminée au niveau national  » (CDN) pour l’Union et ses Etats membres correspondant à une réduction minimum de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Cet engagement s’est traduit par un second Paquet « Energie Climat » établissant notamment « pour les États membres des obligations relatives à leurs contributions minimales pour la période 2021-2030, en vue d’atteindre l’objectif de l’Union de réduire, d’ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 dans les secteurs relevant de l’article 2 du présent règlement, et contribue à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris »[65]. En particulier, l’annexe I du règlement assigne à la France une obligation de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -37 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2005.

La loi européenne sur le climat du 30 juin 2021[66] relève désormais les objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et instaure un objectif contraignant de neutralité carbone en 2050. Le règlement opère pour cela une synthèse entre deux modalités d’orientation, la fixation d’objectifs chiffrés et la gouvernance des actions menées, pour consacrer une véritable planification écologique à l’échelle européenne. Compte tenu de la révision de l’objectif, par le règlement du 30 juin 2021, la France doit réduire son niveau d’émission de 47,5% d’ici 2030 par rapport à 2005.

D’autre part, l’élaboration des textes du « Pacte vert européen » complète le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » en matière climatique. En tout, huit textes sont renforcés et cinq nouvelles initiatives consolident les outils européens en matière de transition.

Institutionnellement, le Pacte vert européen incarne la montée en puissance d’une véritable planification écologique à l’échelle européenne. L’approche retenue par l’ensemble normatif se veut transversale et contraignante à l’égard des États-membres. La doctrine assimile ainsi le Pacte vert pour le climat européen à une « planification qui ne dit pas son nom »[67] par sa gouvernance au caractère « holistique » : « le Green Deal induit une approche globalisée des politiques de l’Union pour répondre à l’urgence climatique, que la Commission européenne impose comme objectif à atteindre pour toutes les actions de l’UE »[68]. La Commission européenne inscrit manifestement le Pacte vert dans ce mode de « gouvernance par les objectifs »[69], dont on peut tirer deux conséquences.

D’une part, la coordination des politiques nationales passe d’une harmonisation des objectifs à un contrôle plus strict des politiques nationales mises en œuvre en vue de l’objectif, ce dont atteste la création de feuilles de route contraignantes intermédiaires.

D’autre part, l’énoncé de trajectoires et d’objectifs contraignants donne naissance à un courant jurisprudentiel tendant à sanctionner les pouvoirs publics (et privés[70]) ne respectant pas le phasage établi par la planification.

Recommandation n° 11 : assurer le respect par la législation nationale des obligations européennes, de manière coordonnée entre le SGPE et le SGAE

Donner des armes à la planification écologique

Le besoin de traduire la planification écologique dans une véritable politique industrielle verte

Compte tenu de l’inefficience d’un État désormais réduit à son rôle de régulateur, il convient de réhabiliter un État investisseur et interventionniste, bras armé de l’État planificateur.

Les épisodes de crises financières et économiques ont permis la réapparition ponctuelle de formes d’État interventionniste, notamment dans le domaine de la transition énergétique. En 2009, le plan de relance de l’administration Obama face à la crise financière incluait près de 80 milliards de dollars d’investissements fédéraux en faveur de la R&D et du déploiement des énergies renouvelables.

Plus récemment, les plans de relance mis en œuvre face aux conséquences financières de la pandémie ont orienté une part significative des dépenses en faveur de la transition verte : une étude du Global Recovery Observatory établissait que 31% des dépenses engagées par les 50 plus grandes économies mondiales, soit 970 milliards de dollars, se faisaient en faveur de la transition écologique. Au sein de l’Union européenne notamment, la facilité pour la reprise et la résilience imposait que les plans de relance nationaux orientent au moins 37% de leur montant en faveur de la transition écologique.

Le rôle de l’État investisseur direct ou indirect, afin de stimuler un effet d’entraînement sur les dépenses privées, se voit ainsi réhabilité à l’occasion des crises financières et économiques. Il convient toutefois de pérenniser durablement cet interventionnisme en matière de transition écologique face à la crise environnementale dont les effets sont toujours plus prégnants. Face aux défaillances de marché, l’interventionnisme public est nécessaire, en particulier pour résoudre les problèmes de coordination des acteurs économiques[71].

À l’heure où les États-Unis semblent s’orienter vers une politique industrielle verte basée sur des investissements verts et l’entraînement d’investissements privés, au travers de l’Inflation Reduction Act et de récentes initiatives législatives (Infrastructure Investment and Jobs Act et le Chips and Science Act), il convient de repenser le rôle de la puissance publique dans le financement de la transition énergétique, complément nécessaire de la planification normative. La transition écologique de l’Union européenne et des États-membres ne pourra se contenter de l’approfondissement du marché carbone ou de l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ; un effort d’investissements massifs, tel que l’a notamment chiffré l’Institut Rousseau[72], sera nécessaire et devra être orienté par la puissance publique.

Recommandation n° 12 : réhabiliter l’État interventionniste selon les orientations fixées par la planification écologique ; engager un vaste mouvement d’investissements publics et privés cohérent avec la planification

Compenser la hausse des dépenses publiques en faveur de la transition par une baisse des dépenses fiscales néfastes à l’environnement

Promouvoir, sur le modèle de l’Inflation Reduction Act américain, une conditionnalité environnementale des instruments mis en œuvre (notamment subventions et crédits d’impôts)

La nécessaire programmation des financements pour le climat

La planification écologique ne peut donc véritablement exister si elle n’est pas accompagnée d’un effort d’investissement massif en faveur de la transition écologique.

Au niveau du budget de l’État, une telle programmation serait nécessaire aussi bien pour les recettes que pour les dépenses publiques.

Au niveau territorial, la planification écologique et la planification économique ne peuvent plus continuer à s’ignorer mutuellement. C’est aujourd’hui le cas dans la mesure où les schémas de planification économique – notamment le Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) – n’est pas articulé avec le schéma de planification écologique – le SRADDET. Le SRDEII demeure hermétique aux autres réglementations territoriales et outils de planification :

  • le SRDEII n’identifie pas le risque physique climatique présent ou futur pouvant peser sur les investissements qu’il porte, d’ailleurs les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ne sont pas mentionnés, et le SRDEII n’est pas soumis à une évaluation environnementale et climatique préalable [73]
  • le SRDEII n’est pas articulé avec le SRADDET, alors que, réciproquement, le SRADDET doit prendre en compte les grands projets d’infrastructures sur le territoire qu’il couvre. La prise en compte des impacts et risques climatiques sur la définition des orientations économiques est donc absente dans la planification territoriale économique et s’impose, de fait, à la définition des orientations de la planification territoriale écologique.

Recommandation n° 13 : inscrire la planification territoriale économique dans l’impératif écologique, en renforçant l’articulation du SRDEII avec la réglementation environnementale, en particulier en soumettant son élaboration à une évaluation environnementale

Recommandation n° 14 : mieux articuler l’articulation entre planification territoriale économique et écologique, en renforçant l’articulation entre le SRDEII et le SRADDET, en imposant une compatibilité entre le SRDEII et le SRADDET (objectifs et règles générales).

[1] R. Poujade, qui fut premier ministre de l’environnement (1971-1974), publiait il y a bientôt 50 ans Le ministère de l’impossible (Calmann-Levy, 1975).

[2] Nous renvoyons à l’ouvrage de J. Reix, De la poudre aux yeux (JC Lattès, 2021).

[3] F. Savonitto, Le Conseil constitutionnel et le contentieux climatique, AJDA 2022, p. 155 et s.

[4] D. Meadows et al. Halte à la croissance ? (Le Club français du livre, 1972) ; rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), avril 2022.

[5] Dans son discours du 20 février 1970, le président Georges Pompidou reconnaissait déjà que « L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même. Il est frappant de constater qu’au moment où s’accumulent et se diffusent de plus en plus les biens dits de consommation, ce sont les biens élémentaires les plus nécessaires à la vie, comme l’air et l’eau, qui commencent à faire défaut. » (discours de Chicago, La crise des civilisation, 28 février 1970).

[6] Par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.

[7] Décret n°2022-990 du 7 juillet 2022 relatif au secrétariat général à la planification écologique.

[8] En particulier le Secrétariat général au gouvernement (SGG), le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) et le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN).

[9] Notons subrepticement qu’à la date de rédaction de cet article, le Gouvernement a mis en consultation une série d’arrêtés ré-autorisant des formes de chasses traditionnelles, en dépit d’une annulation par le Conseil d’État de décrets similaires pour non-respect des directives européennes en la matière (CE, ord., 25 oct. 2021, n° 457535).

[10] Décret n° 46-2 du 3 janvier 1946 portant « création à la Présidence du Gouvernement d’un Conseil du Plan de modernisation et d’équipement et fixant les attributions du Commissaire général du Plan ».

[11] Initialement prévu pour couvrir la période 1993 -1997, le XIème Plan ne sera pas adopté par le Gouvernement issu des élections législatives de mars 1993.

[12] J. Chevallier, L’État post-moderne (LGDJ, 4e ed., 2014), p. 62.

[13] J. de Gaulle, L’avenir du plan et la place de la planification dans la société française, Rapport au premier ministre, p. 47 (Documentation française, 1994).

[14] F. Hollande, P. Moscovici, L’heure des choix. Pour une économie politique, p. 295 (Odile Jacob, 1991).

[15] D. Agacinksi et al., La planification : idée d’hier ou piste pour demain ?, France Stratégie, juin 2020.

[16] A. Delelys, Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutives aux vagues de décentralisation, Institut Rousseau, 2022.

[17] Aujourd’hui codifié à l’article L. 141-8 du Code de l’énergie.

[18] Article L. 141-10 du Code de l’énergie.

[19] La loi porte notamment des objectifs et axes de la politique énergétique et impose au gouvernement d’établir une programmation pluriannuelle des investissements de production d’énergie, autour d’objectifs par filière et par zone géographique.

[20] Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verse, cons. 12.

[21] Art. L. 141-1 à L. 141-5 du Code de l’énergie.

[22] Décret n°2020-456 du 21 avril 2020.

[23] Prévue aux articles L. 120-1 et L. 123-9 du Code de l’environnement.

[24] Art. L. 222-1 A du Code de l’environnement.

[25] Art. L. 141-1 du Code de l’énergie.

[26] Art. L. 122-1 A du Code de l’environnement.

[27] Les deux premiers PNACC ont respectivement porté sur les périodes 2011-2015 et 2018-2022. Le PNACC III est en cours d’élaboration.

[28] Décl. commune État-Régions, 12 sept. 2012, 15 engagements pour la croissance et pour l’emploi.

[29] A. Delelys, Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutives aux vagues de décentralisation, Institut Rousseau, 2022.

[30] Art. L. 1111-9 du CGCT.

[31] Art. L. 1111-9-1 du CGCT.

[32] Art. 188 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015.

[33] Nous renvoyons à ce titre à l’article de P. Villeneuve, La planification territoriale de la transition énergétique, AJCT 2016, p. 29.

[34] Décret n° 2016-849 du 28 juin 2016, introduisant l’article R. 229-45 du Code de l’environnement.

[35] Art. L. 1111-9 II 2° du CGCT.

[36] CE, 17 mars 2010, ministre de l’Ecologie c/ FRAPNA, n° 311443.

[37] Art. R. 4251-8 à R. 4251-12 du CGCT.

[38] V. Arnhold, Étude sociologique sur la Stratégie Nationale Bas Carbone, Haut conseil pour le climat, juin 2022.

[39] Dir. N° 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 déc. 1996, concernant des règles communes pour le marché de l’électricité, JOCE, L 027, du 30 janv. 1997 ; Dir. N° 38/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, JOCE, L 024, du 21 juill. 1998.

[40] En somme, les variables économiques (prix et quantités d’échange) doivent provenir de l’aval et remonter, par le biais du signal-prix et du jeu de la concurrence, jusqu’à la production amont dont l’organisation s’adapte en conséquence.

[41] Remplacée depuis le 1er juillet 2021 par la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir des sources renouvelables.

[42] Ligne de transport qui traverse ou enjambe une frontière entre des Etats membres et qui relie les réseaux de transport nationaux des Etats membres de l’Union européenne.

[43] Communication du 25 février 2015 sur un cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente ; communication du 18 novembre 2015 sur l’état de l’union de l’énergie.

[44] Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance de l’union de l’énergie, COM (2016) 759 final of 30.11.2016.

[45] Dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

[46] CE, 18 juill. 2011, n° 340512, Féd. nationale des chasseurs et fédération départementale des chasseurs de la Meuse, cons. 5 et 6.

[47] Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, pré-cité.

[48] CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne de Grande-Synthe I, cons. 11-12. – CE, 1er juill. 2021, n° 427301, Cne de Grande-Synthe II, cons. 5-6.

[49] CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne de Grande-Synthe I, cons. 12 : « Si les stipulations de la CCNUCC et de l’accord de Paris citées au point 9 requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers et sont, par suite, dépourvues d’effet direct, elles doivent néanmoins être prises en considération dans l’interprétation des dispositions de droit national, notamment celles citées au point 11, qui, se référant aux objectifs qu’elles fixent, ont précisément pour objet de les mettre en œuvre ».

[50] Article L. 222-1 A du code de l’environnement : « Pour la période 2015-2018, puis pour chaque période consécutive de cinq ans, un plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé « budget carbone » est fixé par décret ».

[51] Article L. 222-1 B du code de l’environnement : « I. – La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas-carbone », fixée par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes […] / II. – Le décret fixant la stratégie bas-carbone répartit le budget carbone de chacune des périodes mentionnées à l’article L. 222-1 A par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux, par secteur d’activité ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre. La répartition par période prend en compte l’effet cumulatif des émissions considérées au regard des caractéristiques de chaque type de gaz, notamment de la durée de son séjour dans la haute atmosphère. […] / Il répartit également les budgets carbone en tranches indicatives d’émissions annuelles. »

[52] Les multiples références, dans les conclusions de S. Hoynck, aux rapports du Haut Conseil pour le Climat et du GIEC sont à cet égard éloquents.

[53] Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

[54] Ch. De Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau (1958-1962), Éd. Rencontres, 1970, p. 145.

[55] H. Delzangles, Le « contrôle de la trajectoire » et la carence de l’Etat français à lutter contre les changements climatiques, AJDA 2021, p. 2115.

[56] N. Stern, Stern review on The Economics of Climate Change, Executive Summary, London, HM Treasury, 2006, p. 1.

[57] On se reportera dès lors avec attention au numéro 171 de la Revue française d’administration publique (RFAP), consacrée à La coordination du travail gouvernemental (2019).

[58] Rapport annuel 2022 du haut conseil pour le climat, Dépasser les constats mettre en œuvre les solutions, juin 2022.

[59] Le 5° est ajoutée par l’art. L. 151 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

[60] Rapport annuel 2022 du haut conseil pour le climat, pré-cité, p. 132.

[61] Ibid, p. 132.

[62] Voir notamment B. Acar et P. Reix, Délégation de compétences et conférence territoriale d’action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale, Inspection générale de l’administration, p. 6, mai 2017 et C. Cukierman, Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées aujourd’hui et demain ?, Rapport d’information Sénat, n° 706, p. 88, sept. 2020.

[63] Article 299 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[64] Décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020.

[65] Règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

[66] Règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021, pré-cité.

[67] F. Berrod, Le Green Deal, une nouvelle architecture de la gouvernance climatique des politiques européennes, RFAP n°179, 2021, p. 681-696.

[68] Ibid, p. 685.

[69] B. Faure (dir.), Les objectifs dans le droit (Dalloz, 2010).

[70] Voir notamment F. Blanc, Total, Droit administratif, mai 2021.

[71] Nous renvoyons à une récente analyse du Grand Continent : L. de Catheu ; R. Cambacurta-Scopello, Un État pour la planification écologique, Le Grand Continent, 5 mai 2022.

[72] Institut Rousseau, 2% pour 2°C !, 8 mars 2022.

[73] Art. R. 122-17 du C. de l’environnement.

Publié le 3 novembre 2022

Clair-obscur de la planification écologique française

Auteurs

Guillaume Heim
Guillaume Heim est diplômé de l’ESSEC, de Sciences Po Paris et de l’Université Paris II-Panthéon Assas.

Le changement climatique est la plus grande défaillance de marché jamais constatée. Et pourtant, les politiques de régulation ont cherché depuis trente ans, sans succès, à en limiter les causes et les conséquences par des mécanismes de marché. Les conséquences, en matière d’action publique, doivent être tirées de cet échec.

Il est ainsi urgent de réhabiliter une politique volontariste permettant de faire advenir une société décarbonée : la planification écologique.

Certes, depuis vingt ans, les politiques énergétiques et d’aménagement du territoire ont montré un certain attachement à cette forme particulière d’action publique. Pour autant, la juxtaposition d’outils de planification mal articulés et décorrélés des moyens financiers octroyés ont conduit à l’inefficacité de ces politiques. Cette architecture empêche ainsi de parler d’une véritable planification écologique, conforme à son inspiration des Trente glorieuses.

Il convient de s’attaquer à ces maux pour instituer une réelle planification écologique, nécessaire à la transition ordonnée de nos sociétés :

une rationalisation : les outils de planification existants doivent être rationalisés et simplifiés, sous l’égide du nouveau secrétariat à la planification écologique ;

une mise en cohérence : les planifications, aux différentes échelles, doivent être mieux contrôlées afin d’assurer une cohérence d’ensemble et le respect des objectifs fixés au niveau européen et national ;

une politique industrielle verte : une véritable planification écologique est indissociable d’un grand plan d’investissements publics et privés en faveur de la transition écologique de nos sociétés.

Synthèse des recommandations

Axe n°1 : améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur

Recommandation n° 1 : évaluer de l’action du Conseil de défense écologique pendant le quinquennat 2017-2022 afin d’éclairer la doctrine d’action du SGPE

Recommandation n° 2 : coordonner et organiser l’élaboration de la loi d’objectifs pour le climat, d’ici juillet 2023, dans un objectif d’harmonisation de l’ensemble des documents de planification en découlant

Recommandation n° 3 : engager une évaluation à court terme sur les blocages dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des outils de planification écologique à l’échelle nationale

Recommandation n° 4 : rationaliser, à moyen terme, les documents de planification énergétique et écologique au niveau national, afin de privilégier un Plan transversal dont découleraient, le cas échéant, des plans sectoriels

Recommandation n° 5 : coordonner une révision de l’ensemble des documents de planification à l’échelle territoriale afin de les aligner sur les objectifs contenus dans la future LPEC et SFEC

Axe n°2 : améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble

Recommandation n° 6 : renforcer les rapports de hiérarchie normative (envisager un rapport de conformité ; supprimer les rapports de prise en compte) entre la LPEC et les textes en découlant. Envisager une évolution similaire à l’échelle territoriale entre le SRADDET et les textes reliés (PCAET, schémas nationaux, SCoT, PLU, etc.)

Recommandation n° 7 : imposer, dans la loi, une révision systématique, coordonnée par le SGPE, des documents de planification régionaux en cas de révision des documents de planification national (SNBC, LPEC, SFEC)

Recommandation n° 8 : organiser un organe de concertation et de dialogue des collectivités locales destiné à articuler et élaborer les outils territoriaux de la planification écologique ; cet organe s’inspirerait des CTAP et tiendrait compte des évaluations produites depuis son entrée en vigueur

Recommandation n° 9 : systématiser, sous l’égide du SGPE, l’évaluation des outils et documents de planification écologique

Recommandation n° 10 : instaurer la saisine obligatoire du Haut Conseil pour le Climat sur les outils de planification ou textes liés à la transition écologique, par le biais du SGPE et doter le HCC d’un pouvoir d’injonction dans son contrôle

Recommandation n° 11 : assurer le respect par la législation nationale des obligations européennes, de manière coordonnée entre le SGPE et le SGAE

Axe n°3 : donner des armes à la planification écologique

Recommandation n° 12 : réhabiliter l’État interventionniste selon les orientations fixées par la planification écologique ; engager un vaste mouvement d’investissements publics et privés cohérent avec la planification

Compenser la hausse des dépenses publiques en faveur de la transition par une baisse des dépenses fiscales néfastes à l’environnement

Promouvoir, sur le modèle de l’Inflation Reduction Act américain, une conditionnalité environnementale des instruments mis en œuvre (notamment subventions et crédits d’impôts)

Recommandation n° 13 : inscrire la planification territoriale économique dans l’impératif écologique, en renforçant l’articulation du SRDEII avec la réglementation environnementale, en particulier en soumettant son élaboration à une évaluation environnementale

Recommandation n° 14 : mieux articuler l’articulation entre planification territoriale économique et écologique, en renforçant l’articulation entre le SRDEII et le SRADDET, en imposant une compatibilité entre le SRDEII et le SRADDET (objectifs et règles générales)

Table des matières

  1. Une planification écologique française illisible, impuissante et inefficace.

1.1.     Une planification illisible : la prolifération des outils non coordonnés et juxtaposés.

L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale.

Le renforcement de l’échelle territoriale pour la planification énergétique et écologique.

Un paysage aujourd’hui illisible.

1.2.     Une planification non contraignante.

La planification territoriale : le trou noir du contrôle de légalité et des rapports juridiques de prise en compte

Une planification énergétique nationale faiblement prise en compte et non-contrôlée

La planification écologique européenne : la contrainte sans contrôle

L’appel à une planification contraignante par la jurisprudence française

1.3.     Une planification désarmée.

Une résultante de l’évolution du rôle de l’État : une planification tombée en désuétude.

Un État régulateur incapable de prendre en charge une véritable planification.

  1. Construire une véritable planification écologique.

2.1.     Améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur.

Le rôle du SGPE dans la gouvernance de la planification écologique.

Mettre en cohérence les outils de planification existant et rationaliser le paysage aujourd’hui illisible.

2.2.     Améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble.

Une articulation des outils de planification à revoir pour établir une réelle cohérence d’ensemble.

La systématisation de l’évaluation des outils de planification, condition de la cohérence de la planification écologique.

Le renforcement du cadre de planification européen.

2.3.     Donner des armes à la planification écologique.

Le besoin de traduire la planification écologique dans une véritable politique industrielle verte.

La nécessaire programmation des financements pour le climat.

Alors que les dégâts de la crise écologique sont chaque jour un peu plus criants, l’écologie peine à s’imposer dans la production législative et réglementaire. Que cela soit par manque d’opportunité politique[1], par la capture du décideur par les lobbys[2] ou par une conciliation timorée des principes juridiques fondamentaux dans la jurisprudence[3], force est de constater que la protection de l’environnement demeure reléguée dans de nombreux arbitrages.

Réorganiser nos modes de productions, nos habitudes de consommation et nos rapports aux milieux naturels relève pourtant de la nécessité, reconnue depuis au moins cinquante ans par la littérature scientifique[4] et une partie de la classe politique[5].

Il n’en demeure pas moins que la protection de l’environnement ne s’est pas pleinement imposée dans l’agenda législatif, en dépit de la multiplication des dispositions de protection de certains milieux, l’augmentation des interdictions, amendes, restrictions. Si l’instauration en 2016 de la notion de préjudice écologique dans le Code civil[6] et d’un régime de responsabilité en découlant a pu marquer un tournant, force est toutefois de constater que cette évolution n’a eu qu’un impact limité sur la limitation du changement climatique et l’atténuation des dégâts irréversibles en découlant.

Comment assurer que ces enjeux soient systématiquement pris en compte par l’action publique ? C’est la mission dévolue au nouveau Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)[7], annoncé pendant sa campagne par E. Macron afin de « doubler le rythme de réduction des émissions de GES ». Sur le modèle des secrétariats aujourd’hui rattachés au cabinet du Premier ministre[8], l’ambition est d’instaurer au plus proche de l’arbitrage final un organe chargé des questions écologiques. En découlerait, en théorie, une orientation générale de la politique gouvernementale favorable à la protection de l’environnement. En pratique, le décret énonce cinq axes d’action :

« 1° Il coordonne l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire, en s’assurant du respect des engagements européens et internationaux de la France[9]. Il veille en particulier à la soutenabilité de ces stratégies et à leur différenciation, afin de s’adapter aux particularités de chaque territoire et d’intégrer les enjeux économiques et sociaux ;

2° Il veille à la mise en œuvre de ces stratégies par l’ensemble des ministères concernés et à leur déclinaison en plans d’actions ;

3° Il veille à l’évaluation régulière des politiques menées au titre de ces stratégies et des plans d’action et à la publication d’indicateurs pour en rendre compte ;

4° Il veille à la cohérence de l’ensemble des politiques publiques avec les stratégies mentionnées au 1° ;

5° Il prépare et coordonne les saisines et les réponses du Gouvernement aux avis du Haut Conseil pour le climat. »

Invoquer le terme de planification, c’est faire appel à un imaginaire ancien, apparu à la Libération[10] et disparu avec le Traité de Maastricht[11]. C’est jouer sur la nostalgie d’une politique industrielle volontariste ayant permis le développement de secteurs industriels de pointe, d’orienter la production économique et constituant un aspect indissociable du modèle français d’État dirigiste d’antan.

Historiquement donc, la planification correspond à la définition par l’État d’un ensemble de moyens et d’objectifs d’ordre économique de moyen et long terme, matérialisé par un document issu de la concertation avec l’ensemble des acteurs de l’économie (personnes publiques, entreprises, représentants d’intérêts). Contre la libre organisation du marché, c’est à l’État que revient la charge d’allouer les moyens, de définir les objectifs. La France a mis en place à partir de la Libération et jusque dans les années 1990 une forme particulière de planification[12] : non contraignante, elle consistait principalement en une coordination de l’action des acteurs économiques, en particulier des entreprises, autour d’objectifs productifs et économiques définis par le Commissariat général au Plan. Mais s’en tenir au seul plan comme document reviendrait à négliger les moyens économiques mis en œuvre pour la politique industrielle des Trente Glorieuses et l’organisation même de l’État sur le plan économique, marqué par la prévalence d’un secteur public étendu.

Au sens strict, la planification consiste à élaborer une prévision et un plan, pouvant comprendre un ensemble d’actions à mener compte tenu des prévisions formulées, en vue d’un objectif défini : en somme, « à organiser un futur désiré et les moyens d’y parvenir dans un cadre temporel donné »[13]. Et, de fait, « des plans, il y en a toujours eu, il doit y en avoir toujours et partout »[14].

Attention, dès lors, à la confusion des genres : comme le relevait France Stratégie, « Paradoxalement, il n’y a jamais eu autant de « plans » que depuis qu’il n’y a plus de « Plan ». Se pose alors nécessairement la question de l’articulation entre les objectifs poursuivis par ces différents plans, comme celle de la coordination des différents acteurs chargés de les animer »[15].

Par cette contribution, nous voudrions montrer qu’une certaine planification écologique n’a pas attendu la création d’un secrétariat dédié pour s’organiser. La transition énergétique est déjà le terrain d’un vaste mouvement de planification, au niveau européen, national et territorial. Or, cette planification n’en a que le nom au regard de l’expérience française des Trente glorieuses : illisible, incohérente, notamment d’un point de vue institutionnel, et sous-dotée, la planification écologique française n’a jamais su infuser l’élaboration des politiques ultérieures et s’est avérée inefficace comme en attestent les contentieux climatiques et les rappels à l’ordre du Haut Conseil pour le Climat (I).

Forts de ces constats, nous formulons des orientations pour instituer une véritable planification écologique, conforme à son inspiration d’antan : celle-ci devra être rationalisée, mieux gouvernée et s’accompagner des investissements nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Il conviendra alors de se demander la plus-value réelle de cette nouvelle instance administrative, au regard des résultats des formes déjà à l’œuvre de planification écologique (II).

  1. Une planification écologique française illisible, impuissante et inefficace

En dépit d’un arsenal juridique foisonnant dans les domaines énergétique et territorial, la planification moderne est davantage un discours qu’un ensemble d’actions efficaces. La planification, comme mode d’action de l’État, a fait les frais de l’ouverture à la concurrence des économies modernes à partir des années 1970 et de l’évolution du mode de gouvernance public depuis les années 1990. Si bien que jusqu’à très récemment, la planification résonnait comme une archive archaïque et révolue.

Pour autant, derrière cet effacement de façade et la consécration de la libre-concurrence comme organisation ultime des marchés, il est possible de retrouver par petites touches ce terme de planification. La politique énergétique s’est notamment largement transformée, depuis les années 2000, sous l’influence de l’ouverture à la concurrence issue des directives européennes des années 1990, tout en sacralisant dans le même temps une certaine volonté de planification et de programmation.

Volonté à ne pas surestimer cependant. À chacune des échelles choisies, la planification n’a pas réussi à réellement s’imposer :

  • la planification énergétique européenne, explicitement affirmée, demeure faiblement contraignante et contrôlée ;
  • la planification énergétique nationale est construite sur des documents d’orientation non contraignants et décorrélés des moyens financiers nécessaires à la poursuite des objectifs énoncés ;
  • la schématisation territoriale, privilégiée à outrance par les pouvoirs publics depuis vingt ans, s’est avérée manifestement inefficace voire contreproductive du fait de l’illisibilité des outils mis en œuvre et de l’affaiblissement des moyens d’action décentralisés.

Une planification illisible : la prolifération des outils non coordonnés et juxtaposés

La planification énergétique et environnementale à l’échelle nationale a largement fait les frais du mouvement de décentralisation depuis quarante ans et, plus largement, de « libéralisation des politiques publiques environnementales »[16].  L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale est largement dépassée par le développement des outils de programmation, de schématisation et de coordination à l’échelle territoriale, que vient parachever la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale  (dite “loi 3DS”) votée en février 2022. La superposition de l’ensemble des outils et documents conduit à un paysage morcelé, illisible et incohérent.

L’inspiration planificatrice de la politique énergétique nationale

À l’échelle nationale, la politique énergétique est largement empreinte d’une ambition planificatrice.

La loi n°2000-108 du 10 février 2000 imposait déjà au ministre de l’Énergie de s’appuyer sur le bilan prévisionnel pluriannuel établi par le Réseau public de transport (RTE)[17] et impose aux gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel d’établir des documents bilan concernant leurs performances et leurs prévisions, afin de prévenir toute défaillance du système gazier[18].

La véritable portée planificatrice de la politique énergétique française s’observe aujourd’hui à la lecture des articles L. 100-1 A à L. 100-5 du Code de l’énergie, d’abord formalisée par la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite loi POPE)[19], puis complétées par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite loi TECV). On y parle ainsi de « priorités d’action quinquennales », « d’objectifs fixés à la politique énergétique », de « programmation », de plan et de stratégies nationales.

Ambition planificatrice cependant, car la jurisprudence constitutionnelle n’a pas reconnu de caractère normatif et contraignant aux dispositions législatives du titre préliminaire du Code de l’énergie[20], même si les récents contentieux climatiques tendent, grâce à la jurisprudence administrative, à renverser cette conception. Discours planificateur, doit-on plutôt considérer.

La loi du 17 août 2015 a cherché à renforcer les moyens de planification à la main du pouvoir réglementaire. Désormais, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), fixée à par décret pour une période quinquennale[21], fixe les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie, afin d’atteindre les objectifs fixés aux articles L. 100-1 à L. 100-4 du Code de l’énergie. L’adoption du deuxième décret relatif à la PPE[22] en 2020 a fait suite à une procédure de consultation du public[23].

La PPE s’inscrit ainsi dans un paysage légistique dense, marqué par l’existence de documents d’orientation et de planification relevant du Code de l’environnement ou partagés entre les domaines énergétique et environnemental. La PPE doit ainsi être compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus par les budgets carbones[24] et la stratégie nationale bas carbone (SNBC)[25], elle-même adoptée par décret[26].

En outre, le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)[27] et la stratégie française énergie-climat (SFEC) constituent des documents de synthèse transversaux permettant de situer l’action publique de manière prospective. Ces deux documents forment ainsi des feuilles de route non contraignantes en faveur de la transition écologique et de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050.

Le premier article du Code de l’énergie pose les bases de ce paysage complexe et difficilement lisible, marqué par la coexistence de plusieurs plans et stratégies prenant en compte les objectifs fixés par le Code de l’énergie, mais aussi un certain nombre de règlements et directives européennes elles-mêmes évolutives.

À l’échelle nationale, les outils de planification énergétique sont déjà nombreux et leur articulation pose question. Or, c’est bien à l’échelle territoriale que la planification énergétique s’est considérablement développée, sans que l’articulation entre les échelles nationales et territoriales ne soit stabilisée, au détriment de la cohérence d’ensemble.

Le renforcement de l’échelle territoriale pour la planification énergétique et écologique

Les aspects énergétiques et territoriaux sont souvent reliés, selon l’idée que la transition énergétique passe nécessairement par les territoires. Dès 2012, il était ainsi énoncé que les Régions sont amenées à s’engager « dans le cadre de leur politique d’aide à l’innovation et à Ia recherche, à accompagner la transition écologique du système productif, notamment dans les domaines de l’isolation thermique et des nouvelles énergies »[28].

Depuis 1982, les politiques d’aménagement du territoire et de gestion de l’environnement ont été les principales politiques concernées par les mouvements de décentralisation successives. Comme l’a montré avec force une précédente note de l’Institut Rousseau[29], cette évolution est l’une des sources fondamentales de l’illisibilité et de l’inefficacité actuelle.

L’année 2015 marque ainsi une étape cruciale en consacrant la planification territoriale – et notamment régionale – de la transition énergétique. L’application combinée des dispositions de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) et de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 LTECV renforce l’implication des territoires et des acteurs décentralisés dans la conception et la mise en œuvre de cette planification.

De manière générale, c’est avant tout aux régions et, dans certains cas, à certaines collectivités métropolitaines que revient la charge d’organiser la transition énergétique du territoire. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite loi MAPTAM) faisait déjà de la région la collectivité « cheffe de file »[30] en matière de développement durable du territoire, du climat, de la qualité de l’air et de l’énergie, notamment par le biais d’une « conférence territoriale de l’action publique »[31]. La loi du 17 août 2015 conforte la région dans ce rôle, puisque « la région constitue l’échelon pertinent pour coordonner les études, diffuser l’information et promouvoir les actions en matière d’efficacité énergétique »[32].

Or, derrière un discours en apparence ordonné et misant sur la coopération des collectivités, les réformes successives ont organisé la superposition et la sédimentarisation de multiples schémas et documents d’orientation et de planification[33]. La planification territoriale en matière énergétique s’articule désormais de manière complexe autour de plusieurs documents :

  • le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui doit en particulier fixer les objectifs concernant la maîtrise de l’énergie sur le territoire ;
  • le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), consacré notamment à l’action de rénovation énergétique sur le territoire régional ;
  • le schéma régional biomasse, élaboré conjointement par le représentant de l’État en région et le président du conseil régional ;
  • le plan climat-air-énergie territorial (PCAET), « outil opérationnel de coordination de la transition énergétique sur le territoire »[34].

Un paysage aujourd’hui illisible

L’arsenal planificateur est dès lors difficilement lisible pour le décideur. Au niveau national, les objectifs de la politique énergétique sont pris en compte dans au moins cinq documents de planification énergétique et environnementale. À l’échelle territoriale, les régions sont désormais chargées d’élaborer divers schémas soit directement consacrés à l’énergie et à l’écologie, soit y concourant, en particulier le SRADDET.

L’analyse, nécessaire pour véritablement comprendre l’étendu de la planification écologique contemporaine, des plans et schémas communaux dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire complexifie encore cette architecture. Il revient en effet aux communes et, de plus en plus, aux intercommunalités, d’élaborer leurs plans locaux d’urbanisme (PLU) et schéma de cohérence et d’orientation territorial (SCoT). Ces documents inégalement prescriptifs apportent certaines orientations et prescriptions en matière d’aménagement du territoire, de prise en compte de l’environnement et de possibilité en matière énergétique.

À cet égard, la récente loi 3DS parachève cet affaiblissement de la cohérence de la planification écologique à la faveur de la décentralisation de nouvelles prérogatives sous couvert de simplification normative. L’analyse de la loi atteste en effet que l’ouverture de transfert de compétence conduit, à l’inverse de l’objectif de simplification, à accroître l’illisibilité des dispositifs de protection de l’environnement et de planification écologique. Pire, cette décentralisation, désormais voulue à la carte, pose la question de la soutenabilité financière des compétences concernées. Plusieurs exemples sont topiques en la matière.

La gestion des zones Natura 2000 peut désormais être confiée aux Régions (article 61 de la loi), conformément à la compétence de protection de la diversité biologique[35] qui leur est reconnue. A priori, confier à cet échelon, par ailleurs chargé d’élaborer la planification territoriale en matière de climat, de qualité de l’air et d’énergie (via le SRADDET), qui plus est collectivité cheffe de file, semble cohérent. C’est sans compter la complexité persistante – et peut être accrue – de cette réforme, source d’inefficience de la gestion des zones Natura 2000. En effet, ces transferts s’inscrivent dans la volonté manifeste du législateur de différencier les compétences des différentes collectivités, affaiblissement de fait la cohérence d’ensemble à l’échelle nationale : à l’avenir, d’une région à l’autre, les zones protégées le seront par l’État ou bien par les services régionaux compétents. Surtout, la loi 3DS ouvre la voie, mécaniquement, à un grand recul des moyens financiers et humains à disposition des collectivités pour la gestion des zones Natura 2000 : si la réforme instaure naturellement le droit à une compensation financière pour les Régions nouvellement chargée des zones Natura 2000, cette compensation est calculée sur la base des dépenses de l’État pour cette compétence à la date du transfert. Or, à mesure que le besoin de protection du territoire augmente, ce qu’exprime à ce titre la stratégie européenne pour la biodiversité, dont l’objectif est d’augmenter de 30% les surfaces protégées d’ici 2030, les moyens financiers à disposition des gestionnaires des zones sont voués à régresser. Les zones Natura 2000 constituent en ce sens un symbole de l’incohérence d’une planification nationale ambitieuse, dont les effets ne pourront qu’être limités du fait d’une gestion mal articulée et de moyens financiers en baisse.

L’implantation des parc éoliens, ensuite, constitue un point saillant d’imbrication problématique de la planification énergétique (PPE, PCAET) et des politiques d’aménagement du territoire (SRADDET, SCoT, PLU). Si l’opposition des administrés et des exécutifs locaux doit être entendue et prise en compte, c’est bien à la planification d’arbitrer et de concilier des objectifs contradictoires de moyen et long terme. La loi 3DS, en réponse à ces difficultés politiques qu’il conviendra nécessairement de dépasser pour faire évoluer le mix énergétique français, affaiblit pourtant durablement la consistance de la planification nationale en la matière. Désormais, les élus locaux peuvent restreindre à de strictes conditions voire interdire, dans le PLU, l’implantation d’éoliennes dans certaines zones, au prétexte de nouvelles justifications commodes : « l’incompatibilité de ces installations avec le voisinage habité ou l’usage des terrains situés à proximité », une atteinte portée à « la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine » ; un problème d’« insertion dans le milieu environnant ». Sous couvert de décentralisation, la loi offre donc aux décideurs locaux des moyens de mettre en péril la planification nationale, affaiblissant de fait la portée concrète de cette dernière.

Plus largement, la loi 3DS marque un accroissement de l’illisibilité des outils territoriaux de planification. L’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette des zones d’ici 2030, fixée par la loi Climat et résilience en 2021, illustre l’inefficacité de l’enchevêtrement territorial de documents de planification qui relèvent davantage du droit souple à mesure que le législateur peut en adapter les objectifs, les temporalités et les règles. Précisément, la loi Climat et résilience imposait de traduire dans les documents régionaux et territoriaux de planification (SRADDET, SCoT, PLUi et PLU) l’objectif de ZAN fixé à l’échelle nationale. Cette évolution devait se faire à échéance brève, fixée par la loi. Moins d’un an plus tard, la loi 3DS est venue assouplir l’obligation de révision des documents territoriaux de planification : les documents régionaux ont désormais 30 mois, contre deux ans, pour intégrer des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols ; le SRADDET révisé doit être adopté dans un délai de 14 mois, contre huit dans la loi Climat et résilience. En somme, face à la difficulté d’articuler des outils multiscalaires de planification, le législateur préfère temporiser, au risque de voir persister des incohérences en matière d’objectifs et de moyens dédiés à la transition écologique des territoires.

Essayer de schématiser cette superposition n’est pas d’une grande aide, comme en témoigne le schéma suivant : on mesure la profusion non-contrôlée des plans, stratégies et schémas, non coordonnés, à chaque niveau.

Déjà illisible et désormais impossible à appréhender dans sa totalité, cet ensemble souffre d’une faiblesse essentielle : l’absence de caractère contraignant des planifications supérieures sur les outils inférieurs.

Une planification non contraignante

En dépit d’affirmations contraires, qui tiennent davantage du performatif que du réel, les outils de planification écologique peinent à être contraignants. Plusieurs raisons à cela. D’une part, le mouvement de décentralisation institutionnelle s’est traduit, juridiquement, par le maintien d’un seul contrôle de légalité sur les documents élaborés par les collectivités. Or, combiné à la volonté de reconnaître une autonomie toujours plus grande aux collectivités, ce contrôle souvent minimal a conduit à limiter voire à abandonner le contrôle de fond des documents de planification actés par les collectivités, n’ayant plus besoin que de « prendre en compte » les documents d’autres collectivités ou élaborés par l’État.

La planification territoriale : le trou noir du contrôle de légalité et des rapports juridiques de prise en compte

En théorie, une planification multiscalaire, adaptant aux spécificités locales les objectifs fixés à l’échelle nationale, semble cohérente et pertinente pour piloter la transition écologique sur l’ensemble du territoire. Cette organisation répond à un souci de subsidiarité et de proximité de l’action publique.

En pratique cependant, la planification écologique multiscalaire s’est construite de manière illisible, à la faveur d’un mouvement de décentralisation fondé depuis plusieurs années, au détriment de la cohérence d’ensemble, sur le souci de « différencier » les lois nationales. Surtout, l’évolution des rapports juridiques entre ces trop nombreux documents de planification semble aller vers un affaiblissement toujours plus marqué de la cohérence.

Sur ce point, nous renvoyons largement à la note précitée de l’Institut Rousseau, ayant montré les travers institutionnels de la décentralisation initiée en 1982. Désormais limitée à un contrôle de légalité, c’est-à-dire de la simple conformité juridique des normes inférieures avec les normes de contrôle, et remettant en cause l’idée de collectivité supérieure hiérarchiquement, la décentralisation a conduit à la disparition du contrôle de l’État planificateur sur les politiques mises en place aux échelons territoriaux.

En matière de planification énergétique et d’aménagement du territoire, une difficulté supplémentaire provient du rapport de conformité le plus faible entre les différents outils mis en œuvre : le rapport de « prise en compte ». Concrètement, la norme inférieure ne doit pas remettre en cause les orientations générales des normes supérieures et peut s’en écarter si cela est justifié par un fondement spécifique. Il est ainsi permis aux normes concernées de « s’écarter des orientations fondamentales du document supérieur à condition qu’existe un motif tiré de l’intérêt général de l’opération et dans la mesure où ce motif le justifie », tel que l’a jugé la jurisprudence[36]. C’est aujourd’hui ce rapport faiblement contraignant qui articule l’ensemble des outils de planification, à l’exception du rapport entre la PPE et la SNBC.

La place du SRADDET, outil régional de planification, illustre l’inefficience de l’architecture actuelle :

  • d’une part, la loi dispose que le SRADDET doit « prendre en compte » la SNBC : plus précisément, au sein du SRADDET, les objectifs et les règles générales (la précisions aura son importance) doivent prendre en compte la SNBC, outil de national planification ;
  • d’autre part, le SRADDET est inégalement prescriptif à l’égard des documents de planification inférieurs : les différents documents (SCoT, PLU, PCAET) doivent ainsi prendre en compte les objectifs du SRADDET, mais être compatible avec les règles du SRADDET. Or, et c’est là que la minutie des lois importe, les SRADDET n’ont pas à décliner en règles générales leurs objectifs en matière de « d’atténuation du changement climatique » et « l’adaptation au changement climatique » ; seules cinq thématiques générales (promotion des énergies renouvelables ; traitement des déchets ; etc.) sont énoncées par décret[37].

Ces questions techniques d’articulation juridique ont dès lors des conséquences très concrètes, puisque la cohérence de la planification nationale est remise en cause par l’énoncé d’objectifs non concordants aux différents échelons territoriaux. Le rapport du Haut Conseil pour le Climat pour l’année 2022 relevait ainsi que « Les cibles de contribution à la transition climatique sont globalement alignées avec l’objectif de réduction des émissions pour 2030, mais pas à l’objectif de neutralité carbone en 2050. L’exercice de la SFEC n’a pas prévu la révision des plans et stratégies territoriales à celle des plans et stratégies nationales. Il n’y a pas de mise en cohérence stratégique et temporelle entre l’action de l’État et celle des échelons territoriaux, ni de coordination de la planification entre les régions ».

Une planification énergétique nationale faiblement prise en compte et non-contrôlée

Parmi la profusion de documents de planification énergétique, la SNBC figure comme un document à l’ambition transversale, destiné à être traduit dans l’ensemble des documents de planification sectoriels et territoriaux. Or, tel que l’énonce le premier article du Code de l’énergie, c’est bien un rapport de prise en compte qui est institué entre les différents documents de planification et la SNBC. Les décideurs disposent ainsi d’une marge de décision conséquente pour s’écarter des dispositions de la SNBC.

Surtout, il s’avère que la SNBC, y compris à l’échelle nationale, n’a jamais réussi à être pensée comme un document prescriptif s’imposant aux décideurs. Le rapport du Haut conseil pour le climat explore avec éloquence, d’un point de vue sociologique, l’absence de prise en compte de la SNBC dans l’élaboration des politiques sectorielles : « Ce processus de construction ne permet cependant pas réellement d’assurer une obligation de résultat en termes de réduction des émissions, ni d’organiser des modes de collaboration durables autour de la mise en œuvre de la Stratégie. Tout en préservant l’objectif de neutralité carbone, les ministères en charge des politiques sectorielles ne semblent pas s’approprier les objectifs intermédiaires fixés par la Stratégie sous forme d’objectifs contraignants, ni de définir des mesures d’action publiques précises susceptibles de réduire suffisamment les émissions de gaz à effets de serre »[38].

Fatalement, cette absence de prise en compte, observée sociologiquement, conduit au dépassement des trajectoires fixées par la SNBC et ses traductions triennales, les budgets carbones. Le rapport du Haut conseil pour le climat rappelle en effet que le premier budget carbone (2012-2018) a été dépassé de 61 millions de tonnes équivalent CO2 (MteCO2). Si la trajectoire correspondant au deuxième budget carbone (2019-2023) est compatible avec la trajectoire entendue, le HCC rappelle que le plafond de la SNBC II a justement été relevé. C’est donc le Plan qu’on adapte à la réalité.

La planification écologique européenne : la contrainte sans contrôle

Les politiques européennes montrent volontiers un attachement à la planification, à la programmation, à l’énoncé d’orientation destinées à assurer l’harmonie des politiques nationales.

Le droit de l’énergie traduit ainsi les orientations planificatrices propres à la politique énergétique européenne transposée dans la législation nationale. Si les années 1990 ont été marquée par une volonté libéralisatrice de la production, de l’acheminement et de la vente d’énergie, les années 2000 ont progressivement consacré une organisation plus volontariste des pouvoirs publics, chargés d’organiser et d’orienter la production énergétique selon deux objectifs : la transition énergétique au bénéfice des sources d’énergie renouvelables et bas carbone, nécessaire au respect des engagements climatiques et la sécurité d’approvisionnement en énergie primaire.

Dans un premier temps, la législation européenne a cherché[39], dans une volonté d’harmonisation et d’unification des capacités de production, à libéraliser la production et la vente d’énergie selon une logique de marché[40]. C’est dans un second temps que l’enjeu de la sécurité d’approvisionnement et la nécessaire prise en compte des objectifs de transition écologique énoncée par la politique environnementale européenne et la volonté des pouvoirs publics d’orienter, par un soutien financier et réglementaire, la production d’énergie, ont conduit à atténuer l’orientation libéralisatrice de la politique énergétique au profit d’un discours volontiers planificateur que l’on retrouve à deux niveaux.

D’une part, l’affirmation d’un ensemble d’objectifs imposés aux États-membres.

Le cadre d’action à horizon 2030 de l’Union européenne a été approuvé par le Conseil européen en octobre 2014 autour de quatre objectifs clés au niveau de l’Union : (i.) une réduction d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs de l’économie par rapport au niveau de 1990, (ii.) un objectif indicatif d’une amélioration d’au moins 27 % de l’efficacité énergétique, à revoir d’ici à 2020 dans la perspective d’une augmentation de l’objectif à 30 %, (iii.) une part d’au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l’Union, (iv.) au moins 15 % d’interconnexion électrique.

Ces objectifs constituent les dimensions de l’Union de l’énergie pour laquelle est bâtie une planification dont l’ambition est d’être contraignante.

En matière de décarbonation, le règlement (UE) 2018/842 énonce l’objectif spécifique national contraignant de l’État membre relatif aux émissions de gaz à effet de serre et les limites nationales annuelles contraignantes, tandis que les États-membres ont pris des engagements au niveau national en vertu du règlement (UE) 2018/841.

En matière d’énergies renouvelables, l’objectif de transition est contraignant au niveau de l’Union et doit être réalisé grâce à des contributions des États membres, guidés par la nécessité d’atteindre collectivement l’objectif de l’Union. Déjà, la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009[41] relative au développement des énergies renouvelables (ENR) fixait, en son article 1er, « des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie par les transports ». Ces objectifs ont été fixés dans plusieurs directives récentes par des mesures et des objectifs à l’échelle de l’UE : la directive 2018/2001/UE du Parlement européen et du Conseil a introduit un nouvel objectif spécifique contraignant de l’Union d’au moins 32 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030, comprenant une disposition prévoyant un réexamen en vue d’augmenter l’objectif spécifique au niveau de l’Union d’ici à 2023.

En matière d’efficacité énergétique, la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil a fixé un objectif spécifique au niveau de l’Union d’une amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 32,5 % en 2030, comprenant une disposition prévoyant un réexamen en vue d’augmenter les objectifs spécifiques au niveau de l’Union. Conformément à la directive de 2012, la consommation d’énergie de l’Union ne doit pas dépasser 1 483 mégatonnes équivalent pétrole (Mtep) d’énergie primaire ou 1 086 Mtep d’énergie finale en 2020 et 1 273 Mtep d’énergie primaire et/ou 956 Mtep d’énergie finale en 2030.

En matière d’harmonisation du marché intérieur de l’énergie, le règlement (UE) 2018/1999 énonce l’objectif que le niveau d’interconnexion électrique[42] en 2030 soit d’au moins 15%, avec une stratégie dans le cadre de laquelle le niveau à compter de 2021 est défini en étroite coopération avec les États membres concernés, compte tenu de l’objectif spécifique de 10 % d’interconnexion pour 2020.

Notons enfin une cinquième dimension de l’Union de l’énergie, consacrée à la sécurité d’approvisionnement. Les directives 2009/78/CE et 2009/73/CE disposent qu’« En matière de sécurité d’approvisionnement, d’efficacité énergétique et de gestion de la demande et pour atteindre les objectifs environnementaux et les objectifs concernant l’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables […] les États membres peuvent mettre en œuvre une planification à long terme […] ».

Pour autant, si certains de ces textes prévoient explicitement un caractère contraignant aux objectifs fixés, aucune disposition ne vient prévoir ni le contrôle ni les sanctions pouvant en résulter. Cette contrainte purement théorique affaiblit considérablement l’ambition planificatrice de la politique européenne.

Conscient de cet écueil, tout autant que de la difficulté voire de l’impossibilité politique d’imposer aux États-membres un mécanisme de sanction en matière de planification écologique, les institutions européennes ont préféré encourager, à défaut, une certaine coordination des politiques énergétiques nationales selon les objectifs et le cadre fixé au niveau européen.

Promue par plusieurs communications de la Commission européenne[43] depuis 2015, la gouvernance intégrée des politiques nationales de transition énergétique vise à coordonner les actions liées à l’énergie menées aux échelons européen, régional, national et local conformément aux objectifs fixés.

Le Paquet « Une énergie propre pour tous les européens »[44] formalise en ce sens une stratégie coordonnée et planifiée entre les États-membres en matière de politique énergétique. Le règlement 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat énonce notamment, en article 1er, que « Le mécanisme de gouvernance repose sur des stratégies à long terme, sur des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat couvrant des périodes de dix ans dont la première s’étendra de 2021 à 2030, sur des rapports d’avancement nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat établis par les États membres au sujet desdits plans, ainsi que sur des modalités de suivi intégré fixées par la Commission ». Surtout, le règlement, s’inspirant du Semestre européen en matière économico-financière, impose aux États-membres d’établir tous les dix ans, en concertation avec les autres États-membres, un plan national intégré en matière d’énergie et de climat notifié et évalué à la Commission européenne.

La planification européenne en matière énergétique suit ainsi une tendance de moins en moins indicative, au profit de la définition d’objectifs contraignants et du contrôle par la Commission des marges de manœuvre offertes aux États-membres.

À date, ce contrôle demeure toutefois théorique et limité à la formulation d’observation par la Commission sur les politiques et les plans mis en œuvre par les États membres.

L’appel à une planification contraignante par la jurisprudence française

Les récents contentieux climatiques, en sanctionnant l’État pour inaction climatique, ont confirmé l’inefficacité de la planification écologique française. Il est alors revenu au juge de pallier la faiblesse des textes pour mettre en œuvre un début de portée contraignante et normative aux outils de planification écologique et énergétique.

Revenons brièvement sur le fond de ces affaires. Conformément aux dispositions du droit européen, l’article L. 100-4 du Code de l’énergie[45] énonce des objectifs en matière environnementale, en particulier « 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ». La jurisprudence, aussi bien administrative[46] que constitutionnelle[47], avait considéré que cette disposition, dans sa version alors applicable, ne constituait pas une orientation contraignante pour les pouvoirs publics, assimilée à une loi de programmation au sens de l’article 34 de la Constitution.

Dans l’affaire dite Grande-Synthe[48], le juge administratif a pourtant considéré, de manière audacieuse, que ces engagements en matière environnementale avaient une portée normative et, par conséquent, contraignante. En découlait le contrôle, par le juge, du respect par les pouvoirs publics des obligations ainsi fixées et de la cohérence des mesures adoptées avec les obligations futures.

D’une part, la mise en cohérence des normes nationales, issues de la transposition par le législateur français de normes européennes, avec des normes conventionnelles, en particulier l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 et ratifié le 5 octobre 2016 par la France et l’Union européenne, mérite une attention toute particulière : adopté dans le sillage de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992, l’accord de Paris n’impose pas d’obligation chiffrée mais engage les États selon des trajectoires déterminées au niveau national et présentées à échéances régulières. Dans l’arrêt Grande-Synthe I[49], le Conseil d’État estime nécessaire de considérer les objectifs fixés par la loi à la lumière de l’accord de Paris.

D’autre part, la reconnaissance de la normativité de l’objectif fixé à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie met la lumière sur un champ considérable d’outils de planification écologique dont la portée impérative demeurait limitée. En effet, la trajectoire posée par le Code de l’énergie s’appuie sur les budgets carbone d’abord triennaux puis quinquennaux[50], au sein d’une stratégie bas-carbone fixée par décret[51]. Le point d’orgue est bel et bien atteint au III de l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, aux termes duquel « L’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre ». Voilà définitivement la planification réhabilitée par le juge au détour de ces articles du Code de l’environnement.

Outre la portée normative reconnue à ces plans supranationaux et nationaux en matière de transition écologique, le rapport aux données scientifiques et techniques dans la décision du juge est particulièrement marquant[52].

La portée juridique et symbolique de ces contentieux n’est certes pas à nier. Notons cependant qu’en dépit de la reconnaissance du caractère normatif des normes d’objectifs en matière climatique, l’État a bel et bien été condamné pour ne pas avoir modifié sa politique d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. La solennité des jugements touche ici l’une de ses faiblesses intrinsèques : son ineffectivité par manque d’ambition politique. Car en dépit de la prolifération d’outils à toutes les échelles dont la normativité a tendance à s’accroître, la planification écologique ne saurait être performative : sans arme, sans moyens humains, financiers et matériels, elle est condamnée à n’avoir qu’un impact résiduel.

Une planification désarmée

La programmation énergétique nationale est construite sur des outils non-contraignants et décorrélés des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés.

Une résultante de l’évolution du rôle de l’État : une planification tombée en désuétude

« Les illusions de la planification ont heureusement disparu » affirmait dès 1987 Michel Crozier. Phrase révélatrice de la perte de légitimité et de pertinence de ce mode d’action publique, jugé anachronique voire inefficace.

Au succès des premiers plans quinquennaux, ayant atteint leurs objectifs en matière de développement industriel, agricole et économique, a succédé une période de doute dans les années 1980. La succession de crises exogènes, au premier rang desquels les crises pétrolières des années 1970, et l’internationalisation des économies font perdre de sa pertinence le plan comme outil de direction d’une économie nationale désormais largement déterminée par des phénomènes internationaux. En ce sens, une première réforme d’ensemble est votée en 1982[53], qui s’inscrit dans le contexte de rénovation des outils et de l’organisation de l’action publique, par la promotion des contrats de plan État-région, toujours en vigueur.

Malgré cette réforme, c’est bien le contexte et l’évolution de l’action de l’État qui fait tomber la planification en désuétude. La même année, les lois Deferre marque le début d’un vaste mouvement de décentralisation institutionnelle qui se traduira par le transfert de blocs de compétences toujours plus importants aux collectivités territoriales, en particulier dans les domaines des politiques environnementales et d’aménagement du territoire, au détriment du contrôle de l’État sur le fond des politiques locales.

Les années 1980 marquent également l’affaiblissement de l’interventionnisme de l’État dans l’économie, notamment par le biais des privatisations successives dès 1986.

Enfin, et surtout, les années 1980 marquent l’avènement des thèses économiques néo-libérales et de leurs conséquences en termes de gouvernance publique. La prévalence de la concurrence et du libre-jeu du marché s’opposent frontalement à la planification, dont le fondement est justement de soustraire au jeu du marché certains secteurs économiques, par des mécanismes d’action publique exorbitants (entreprises publiques en monopole, aides d’État, réglementations sectorielles, etc.).

Un État régulateur incapable de prendre en charge une véritable planification

Découle de cette évolution une place résiduelle de l’État dans l’économie, que la sociologie a pu caractériser comme le passage d’un État stratège à un État régulateur.

La prévalence du droit de la concurrence modifie considérablement les moyens d’action de l’État pour orienter les marchés. La disparition des entreprises publiques nationales, bras armés de la planification française des Trente Glorieuses, et le contrôle strict des aides d’État, dont le principe est désormais l’interdiction, sont deux exemples de la remise en cause du modèle d’État porteur de la planification.

De fait, cette évolution se traduit par la réduction des grands plans d’investissement, d’action directe de l’État dans l’économie, au profit d’une action régulatrice par la fiscalité, l’encadrement normatif et le développement des agences de régulation.

Par cette nouvelle figure de régulateur, l’État s’aligne parfaitement avec la prévalence du système de marché : les actions de l’État, si elles contreviennent à la concurrence libre et non faussée, sont prohibées ; l’État peut intervenir s’il vise à pallier les défaillances de marché par des mécanismes de marché (on parle alors d’internalisation des externalités). Et de manière générale, les États, pris dans une contrainte financière asphyxiant leurs capacités d’intervention économique, peuvent désormais conduire des politiques à peu de frais.

C’est ainsi que les politiques environnementales ont dû se convertir à ce nouveau dogme de l’action publique, marqué par la place banalisée de la puissance publique. L’État intervient désormais pour inciter, par la régulation sectorielle et la fiscalité, des acteurs économiques réputés économiquement rationnels. Au sein de l’Union européenne, il est ainsi significatif que la politique environnementale se soit longtemps limitée à la mise en œuvre d’un système d’échange de quota carbone et l’élaboration laborieuse d’une taxe carbone aux frontières. Le système d’échange de quota carbone ne couvre cependant aujourd’hui que 40% des émissions de CO2 du continent, du fait d’exemptions bénéficiant à certains secteurs ; des quotas gratuits sont par ailleurs distribués à certains secteurs économiques en tension, au détriment de la cohérence du système d’ensemble. De son côté, la taxe carbone aux frontières sera mise en œuvre à partir du 1er janvier 2023, de manière progressive, avant d’être généralisée à partir de 2026.

Les moyens à la disposition de l’État régulateur semblent bien faibles pour faire advenir une transition rapide et dirigée vers une économie décarbonée : les outils mobilisés, par nature sectoriels, pose la question de leur délimitation et du risque de contournement. Les temporalités d’élaboration, de mise en œuvre et d’effectivité concrète semblent par ailleurs incompatibles avec les délais impartis pour conduire une transition écologique de nos sociétés.

Synthèse de la partie 1 :

La planification contemporaine n’a de planification que le nom. Les maux qui l’affectent sont multiples : illisible, du fait de la multiplication d’outils multiscalaires juxtaposés ; incohérente, car les planifications sont mal articulées dans leurs objectifs et leurs moyens ; désarmée, du fait de l’avènement d’un État régulateur dépouillé de ses moyens d’interventionnisme.

Énoncé d’objectifs chiffrés déterminés par des données scientifiques et techniques, contrôle des actions mises en œuvre, projections sur le moyen et long terme, implication et consultation des acteurs publics, économiques et civils : on peine à retrouver, en matière d’écologie, les signes de cet effort qui « embrasse l’ensemble, fixe les objectifs, établit une hiérarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et même dans l’esprit public le sens de ce qui est global »[54].

L’implication du juge au sein de cette nouvelle forme de planification doit nous interpeller. Comme l’a relevé la doctrine au sujet des contentieux climatiques évoqués, les recours climatiques « regorgent de potentialités qui n’ont été que peu ou pas abordées. Il en va ainsi, par exemple, de la contestation de la planification locale (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou plans climat énergie territoriaux), des mesures d’évaluation et de suivi de ces planifications ou de la question de l’adaptation aux changements climatiques, laissée pour compte mais malheureusement d’une actualité brûlante »[55].

Les issues des contentieux climatiques depuis 2020 ont dès lors fourni une première impulsion aux documents de programmation énergétique et écologique afin d’en faire de véritables outils de planification. Planification qui gagne à être impérative, dans la mesure où le non-respect des objectifs fixés voire l’absence de cohérence entre les documents à vocation à être sanctionné. De ce point de vue, la création du SGPE est davantage une résultante de ce mouvement de consécration d’une planification énergétique et écologique.

Plus largement, il est notable que l’État n’est plus cet arbitre exclusif porteur de l’intérêt général, orientant les forces productives de la Nation vers des objectifs partagés. Désormais, les forces vives de la Nation contestent soit le respect par l’État des objectifs qu’il s’est lui-même fixés, soit l’inexistence de tels objectifs et d’un plan coordonnant les efforts de l’ensemble des forces productives.

  1. Construire une véritable planification écologique

La planification écologique française n’en a aujourd’hui que le nom : illisible, non-contraignante et désarmée, elle s’avère n’être qu’un discours que les décideurs ont cru performatif.

Il est urgent de s’attaquer aux maux qui affectent la planification écologique, car il s’agit fondamentalement d’un mode d’action nécessaire pour faire face aux causes et aux conséquences irrémédiables du changement climatique, « la plus grande et la plus vaste défaillance de marché jamais vue »[56].

Nous formulons à ce titre trois axes de réformes.

D’abord, l’ensemble des outils de planification écologique doit être rationalisé et simplifié. L’élaboration, d’ici le 1er juillet 2023, de la première loi de programmation énergie climat (LPEC) et de la stratégie française énergie climat (SFEC) offre ainsi l’opportunité de conduire cette rationalisation.

Ensuite, la rationalisation des outils doit se traduire par un caractère davantage contraignant, condition essentielle de la cohérence de la planification écologique française : les rapports de simple prise en compte ne sont plus adaptés car ils mettent en péril la cohérence d’ensemble et l’effectivité des outils de planification nationaux. L’évaluation des plans mis en œuvre doit être systématisée.

Enfin, la planification ne peut plus être qu’un discours au risque de rester inefficace et incapable d’organiser la transition écologique de nos sociétés. Elle est indissociable d’un grand plan d’investissement public et privé en faveur de la transition écologique.

Améliorer la lisibilité de l’arsenal planificateur

Le rôle du SGPE dans la gouvernance de la planification écologique

Au regard de l’arsenal planificateur existant d’ores et déjà en matière écologique, la création d’un secrétariat général à la planification écologique ne doit manifestement pas être entendu comme l’introduction d’une forme de planification en matière écologique.

En réalité, la création du SGPE doit davantage répondre à l’impératif d’améliorer la coordination du travail gouvernemental afin d’orienter la production législative et réglementaire en faveur de la protection de l’environnement et d’assurer une réelle prise en compte des normes théoriquement contraignantes.

À court terme, la gouvernance de la planification écologique doit donc impérativement être réformée et améliorée

L’effectivité d’un tel organe dépendra en ce sens notamment d’aspects institutionnels extra-juridiques, dont se sont saisis la science politique[57]. En dépit de l’ordre protocolaire du portefeuille écologique et du rattachement du SGPE auprès du cabinet de Matignon, l’issue des arbitrages techniques continuera d’être contrainte, si ce n’est encore davantage, par l’enjeu budgétaire et l’endettement public.

Le positionnement institutionnel du SGPE aura donc vocation à fluidifier le travail interministériel et à améliorer la coordination de la production normative. Le défaut de collaboration interministérielle, au cours du processus d’élaboration de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) notamment, est à cet égard pointé du doigt dans le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC)[58].

Notons que la création, à partir de 2017, du Conseil de défense écologique, semblait répondre aux mêmes préoccupations que celles ayant conduit à l’institution du SGPE : traitement transversal des questions écologiques, suivi régulier des dossiers par le Président et le Premier ministre. Le bilan de l’action de cette institution demeure à expertiser, afin d’en tirer les conséquences pour la doctrine d’action du SGPE.

Recommandation n° 1 : évaluer de l’action du Conseil de défense écologique pendant le quinquennat 2017-2022 afin d’éclairer la doctrine d’action du SGPE

Il conviendra, à partir de cette année, d’évaluer la pertinence du SGPE dans la conduite de la planification écologique française. Une évaluation à date demeure prématurée. Plus largement, une réorganisation des organes de décision en matière de transition énergétique est nécessaire.

Mettre en cohérence les outils de planification existant et rationaliser le paysage aujourd’hui illisible

Le foisonnement des dispositions législatives et réglementaires dont découlent différentes formes de planification énergétique, écologique et environnementale ne peut qu’être déploré. Si des rapports de compatibilité et de prise en compte sont bel et bien prévus, de même que la normativité de certaines de ces dispositions sont accrues à la faveur de la jurisprudence, le paysage légistique ainsi dessiné laisse une impression d’éparpillement et d’absence de coordination (cf. schéma en partie I). Il conviendrait de rationaliser cette articulation normative afin d’améliorer l’effectivité des outils de planification écologique nationaux. C’est en ce sens que le SGPE nouvellement créé aurait une mission à forte valeur ajoutée, en coordonnant à court terme l’ensemble des mises à jour des différents documents de planification.

Notons à ce titre que la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a instauré un article L. 100-1 A au sein du Code de l’énergie, aux termes duquel :

« I. — Avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.

Chaque loi prévue au premier alinéa du présent I précise:

1o Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ;

2o Les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale et notamment les objectifs de réduction de la consommation énergétique primaire fossile, par énergie fossile, pour deux périodes successives de cinq ans, ainsi que les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie prévues à l’article L. 221-1 du présent code, pour une période de cinq ans ;

3o Les objectifs de développement des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant, le gaz ainsi que l’hydrogène renouvelable et bas-carbone,» pour deux périodes successives de cinq ans […] ;

4o Les objectifs de diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ;

5o[59] Les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans, en cohérence avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre […]. »

  1. Significativement, la suite du nouvel article L. 100-1 A du Code de l’énergie énonce :

« Sont compatibles avec les objectifs mentionnés au I :

1o La programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1;

2o Le plafond national des émissions de gaz à effet de serre, dénommé « budget carbone », mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement;

3o La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas-carbone », ainsi que les plafonds indicatifs des émissions de gaz à effet de serre dénommés « empreinte carbone de la France » et « budget carbone spécifique au transport international », mentionnés à l’article L. 222-1 B du même code;

4o Le plan national intégré en matière d’énergie et de climat et la stratégie à long terme […] ;

5o La stratégie de rénovation à long terme, mentionnée à l’article 2 bis de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments. »

Cet effort d’harmonisation, au moins partiel, va dans le bon sens et permettra une mise en cohérence de plusieurs documents de planification aujourd’hui juxtaposé : les principaux documents structurants les planifications énergétiques et écologiques devront être compatibles avec la loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC).

Recommandation n° 2 : coordonner et organiser l’élaboration de la loi d’objectifs pour le climat, d’ici juillet 2023, dans un objectif d’harmonisation de l’ensemble des documents de planification en découlant.

Améliorer le contrôle des outils de planification pour assurer une cohérence d’ensemble

Une articulation des outils de planification à revoir pour établir une réelle cohérence d’ensemble

Les outils de planification demeurent compartimentés et éparpillés.

D’une part, les outils de planification écologique existant n’ont que partiellement rempli leur rôle d’orientation de l’action publique en la matière. S’agissant de la SNBC, le Haut conseil pour le climat porte un regard critique sur la conduite de la SNBC II, considérant qu’elle « a servi d’instrument de sensibilisation aux objectifs climatiques, mais n’a pas servi d’outil de pilotage opérationnel dans son ensemble »[60]. De la même manière, « les feuilles de route des filières peuvent permettre de décliner l’action climatique de façon opérationnelle, mais ne sont pas toujours alignées avec la SNBC, ni assorties d’un mécanisme de pilotage permettant de garantir l’atteinte des objectifs. Leur pouvoir d’entraînement sur l’évolution des pratiques des filières semble limité à ce stade »[61]. Une évaluation de la mise en œuvre et des blocages relatifs à ces outils semble nécessaire à court terme afin d’améliorer la conduite de la planification écologique sur les prochaines années. Cette évaluation est d’autant plus pertinente que l’essentiel des outils de planification écologique sont en cours d’élaboration pour la prochaine période : stratégie française énergie-climat (SFEC) ; loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC) ; SBNC 3 ; PNACC 3 ; PPE pour la période 2024-2033.

Recommandation n° 3 : engager une évaluation à court terme sur les blocages dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des outils de planification écologique à l’échelle nationale

D’autre part, les rapports de normativité entre les outils de planification écologique apparaissent disparates et complexes. Cette sédimentarisation de document conduit à des inefficacités, dans la mesure où les schémas territoriaux ne sont pas nécessairement alignés avec les objectifs fixés au niveau national, eux-mêmes partiellement disjoints. Nous proposons ainsi une rationalisation exhaustive des documents de planification écologique, permettant une meilleure coordination et un mouvement d’ensemble en faveur des objectifs fixés par les normes supérieures. Cette simplification donne la priorité à la loi de programmation quinquennale énergie-climat (LPEC) et sur les budgets carbone, adoptés sur des temporalités similaires : le rapport existant entre ces deux normes doit être réciproque, dans la mesure où c’est bien la définition d’un budget carbone correspondant à la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui permettra de définir les objectifs et priorités d’action en matière énergétique ; réciproquement, la définition des orientations quinquennales de la politique énergétique déterminera le niveau des budgets carbone fixés pour la période.

Ces deux documents formeront le noyau dur d’un Plan national énergie-climat, composé également, dans un rapport de compatibilité, du Plan national intégré énergie climat, de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et des Politiques nationales d’adaptation au changement climatique (PNACC).

Recommandation n° 4 : rationaliser, à moyen terme, les documents de planification énergétique et écologique au niveau national, afin de privilégier un Plan transversal dont découleraient, le cas échéant, des plans sectoriels

L’articulation des PCAET et des SRADDET avec les objectifs nationaux de réduction des émissions et de neutralité carbone demeure à renforcer. Un rapport d’évaluation parlementaire relevait ainsi que les outils de planification territoriaux étaient conformes à l’objectif de réduction des émissions à horizon 2030 mais pas avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. En pratique, certaines orientations de la SNBC (empreinte carbone, stockage carbone dans les sols, adaptation) étaient moins suivies et faisaient rarement l’objet d’une prise en compte par les SRADDET.

Recommandation n° 5 : coordonner une révision de l’ensemble des documents de planification à l’échelle territoriale afin de les aligner sur les objectifs contenus dans la future LPEC et SFEC

Recommandation n° 6 : renforcer les rapports de hiérarchie normative (envisager un rapport de conformité ; supprimer les rapports de prise en compte) entre la LPEC et les textes en découlant. Envisager une évolution similaire à l’échelle territoriale entre le SRADDET et les textes reliés (PCAET, schémas nationaux, SCoT, PLU, etc.)

Recommandation n° 7 : imposer, dans la loi, une révision systématique, coordonnée par le SGPE, des documents de planification régionaux en cas de révision des documents de planification national (SNBC, LPEC, SFEC)

Cette mise en cohérence nécessaire des outils territoriaux de planification ne doit toutefois pas se traduire par un affaiblissement de la consultation et de la participation citoyenne, condition nécessaire de l’acceptabilité des politiques conduites. Certes, une remise en ordre doit être opérée, de manière à ce que les planifications territoriales ne puissent être que plus contraignantes, selon les circonstances locales. Cette évolution doit se faire à la faveur d’une meilleure implication des citoyens et des parties prenantes à l’échelle des territoires. En ce sens, il serait pertinent d’instituer, sur le modèle des conférences territoriales de l’action publique (CATP), instaurées par la loi MAPTAM de 2014, des conférences territoriales de la planification écologiques (CTPE). Réunies à échéances fixées, ces conférences auraient pour but d’améliorer l’élaboration des outils territoriaux de planification et leur effectivité, par une meilleure répartition des leviers mobilisés.

En pratique, il serait nécessaire d’isoler les thématiques directement liées à la planification écologique au sein des nouvelles CTPE et d’articuler ces conférences avec l’élaboration des outils territoriaux. Depuis leur mise en œuvre en 2014, les CTAP offrent ainsi un exemple pertinent d’institution de dialogue et de concertation des collectivités, dont les défauts et les inefficiences ont pu être répertoriés dans plusieurs rapports administratifs et parlementaires[62]. Une réflexion spécifique serait nécessaire pour organiser ce nouvel organe de concertation des collectivités locales et sa place dans l’élaboration et l’articulation des outils de planification écologique.

Compte tenu de l’enjeu essentiel de l’acceptabilité des mesures adoptées dans le cadre de la planification territorialement déclinée, il sera nécessaire d’inclure aux CTPE ou aux commissions thématiques qui les composent la présence de représentants de citoyens et des parties prenantes.

Recommandation n° 8 : organiser un organe de concertation et de dialogue des collectivités locales destiné à articuler et élaborer les outils territoriaux de la planification écologique ; cet organe s’inspirerait des CTAP et tiendrait compte des évaluations produites depuis son entrée en vigueur

La systématisation de l’évaluation des outils de planification, condition de la cohérence de la planification écologique

L’évaluation des plans nationaux, territoriaux et sectoriels de transition écologique demeure insuffisante. Conformément au 3° du décret l’instituant, le SGPE devrait impulser cet effort d’évaluation des outils de planification compte tenu des exigences environnementales. La transformation du Haut conseil pour le climat en autorité administrative indépendante (AAI) fournirait en ce sens l’opportunité d’instaurer sa saisine obligatoire pour les documents de planification écologique et les textes liés à la transition écologique. Le SGPE assurerait, conformément au 5° du décret l’instituant, son rôle d’interlocuteur principal.

En vertu de la loi Climat et résilience[63], le HCC a vocation à exercer cette mission d’évaluation triennale pour les documents de planification territoriale. Ce mouvement est à généraliser s’agissant des plans sectoriels et nationaux.

Recommandation n° 9 : systématiser, sous l’égide du SGPE, l’évaluation des outils et documents de planification écologique

Recommandation n° 10 : instaurer la saisine obligatoire du Haut Conseil pour le Climat sur les outils de planification ou textes liés à la transition écologique, par le biais du SGPE et doter le HCC d’un pouvoir d’injonction dans son contrôle

L’évaluation de la planification écologique doit également prendre en considération les répercussions internationales de la politique volontariste ainsi menée. Selon les orientations fixées, il est probable que les actions menées conformément aux documents de planification se traduisent par une évolution de la structure de production sur le sol national, laissant supposer le renforcement des émissions dites “importées”. L’évaluation des outils de planification adoptés devra dès lors prendre en compte cet aspect international pour être effective.

Le renforcement du cadre de planification européen

L’Union européenne est à l’initiative d’un renforcement des outils de planification de la transition écologique. La loi européenne pour le climat en 2021 et le Pacte vert européen ont consolidé les outils et objectifs contraignants encadrant l’action des États membres en matière de transition. Le « Pacte vert pour le climat », en adoptant une approche transversale, marque véritablement l’instauration à l’échelle européenne d’une planification écologique, en complément de la planification énergétique.

D’une part, la législation européenne emportait déjà un certain nombre d’objectifs contraignants en matière climatique : d’une part, le Paquet « Énergie Climat 2020 » établissait, à horizon 2020, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre établi de 20% par rapport au niveau de 1990[64]. D’autre part, l’Union européenne a notifié à la Conférence des Etats parties à la CCNUCC, en application de l’article 4 de l’accord de Paris, une  » contribution déterminée au niveau national  » (CDN) pour l’Union et ses Etats membres correspondant à une réduction minimum de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Cet engagement s’est traduit par un second Paquet « Energie Climat » établissant notamment « pour les États membres des obligations relatives à leurs contributions minimales pour la période 2021-2030, en vue d’atteindre l’objectif de l’Union de réduire, d’ici à 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 dans les secteurs relevant de l’article 2 du présent règlement, et contribue à la réalisation des objectifs de l’accord de Paris »[65]. En particulier, l’annexe I du règlement assigne à la France une obligation de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -37 % en 2030 par rapport à leur niveau de 2005.

La loi européenne sur le climat du 30 juin 2021[66] relève désormais les objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et instaure un objectif contraignant de neutralité carbone en 2050. Le règlement opère pour cela une synthèse entre deux modalités d’orientation, la fixation d’objectifs chiffrés et la gouvernance des actions menées, pour consacrer une véritable planification écologique à l’échelle européenne. Compte tenu de la révision de l’objectif, par le règlement du 30 juin 2021, la France doit réduire son niveau d’émission de 47,5% d’ici 2030 par rapport à 2005.

D’autre part, l’élaboration des textes du « Pacte vert européen » complète le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » en matière climatique. En tout, huit textes sont renforcés et cinq nouvelles initiatives consolident les outils européens en matière de transition.

Institutionnellement, le Pacte vert européen incarne la montée en puissance d’une véritable planification écologique à l’échelle européenne. L’approche retenue par l’ensemble normatif se veut transversale et contraignante à l’égard des États-membres. La doctrine assimile ainsi le Pacte vert pour le climat européen à une « planification qui ne dit pas son nom »[67] par sa gouvernance au caractère « holistique » : « le Green Deal induit une approche globalisée des politiques de l’Union pour répondre à l’urgence climatique, que la Commission européenne impose comme objectif à atteindre pour toutes les actions de l’UE »[68]. La Commission européenne inscrit manifestement le Pacte vert dans ce mode de « gouvernance par les objectifs »[69], dont on peut tirer deux conséquences.

D’une part, la coordination des politiques nationales passe d’une harmonisation des objectifs à un contrôle plus strict des politiques nationales mises en œuvre en vue de l’objectif, ce dont atteste la création de feuilles de route contraignantes intermédiaires.

D’autre part, l’énoncé de trajectoires et d’objectifs contraignants donne naissance à un courant jurisprudentiel tendant à sanctionner les pouvoirs publics (et privés[70]) ne respectant pas le phasage établi par la planification.

Recommandation n° 11 : assurer le respect par la législation nationale des obligations européennes, de manière coordonnée entre le SGPE et le SGAE

Donner des armes à la planification écologique

Le besoin de traduire la planification écologique dans une véritable politique industrielle verte

Compte tenu de l’inefficience d’un État désormais réduit à son rôle de régulateur, il convient de réhabiliter un État investisseur et interventionniste, bras armé de l’État planificateur.

Les épisodes de crises financières et économiques ont permis la réapparition ponctuelle de formes d’État interventionniste, notamment dans le domaine de la transition énergétique. En 2009, le plan de relance de l’administration Obama face à la crise financière incluait près de 80 milliards de dollars d’investissements fédéraux en faveur de la R&D et du déploiement des énergies renouvelables.

Plus récemment, les plans de relance mis en œuvre face aux conséquences financières de la pandémie ont orienté une part significative des dépenses en faveur de la transition verte : une étude du Global Recovery Observatory établissait que 31% des dépenses engagées par les 50 plus grandes économies mondiales, soit 970 milliards de dollars, se faisaient en faveur de la transition écologique. Au sein de l’Union européenne notamment, la facilité pour la reprise et la résilience imposait que les plans de relance nationaux orientent au moins 37% de leur montant en faveur de la transition écologique.

Le rôle de l’État investisseur direct ou indirect, afin de stimuler un effet d’entraînement sur les dépenses privées, se voit ainsi réhabilité à l’occasion des crises financières et économiques. Il convient toutefois de pérenniser durablement cet interventionnisme en matière de transition écologique face à la crise environnementale dont les effets sont toujours plus prégnants. Face aux défaillances de marché, l’interventionnisme public est nécessaire, en particulier pour résoudre les problèmes de coordination des acteurs économiques[71].

À l’heure où les États-Unis semblent s’orienter vers une politique industrielle verte basée sur des investissements verts et l’entraînement d’investissements privés, au travers de l’Inflation Reduction Act et de récentes initiatives législatives (Infrastructure Investment and Jobs Act et le Chips and Science Act), il convient de repenser le rôle de la puissance publique dans le financement de la transition énergétique, complément nécessaire de la planification normative. La transition écologique de l’Union européenne et des États-membres ne pourra se contenter de l’approfondissement du marché carbone ou de l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ; un effort d’investissements massifs, tel que l’a notamment chiffré l’Institut Rousseau[72], sera nécessaire et devra être orienté par la puissance publique.

Recommandation n° 12 : réhabiliter l’État interventionniste selon les orientations fixées par la planification écologique ; engager un vaste mouvement d’investissements publics et privés cohérent avec la planification

Compenser la hausse des dépenses publiques en faveur de la transition par une baisse des dépenses fiscales néfastes à l’environnement

Promouvoir, sur le modèle de l’Inflation Reduction Act américain, une conditionnalité environnementale des instruments mis en œuvre (notamment subventions et crédits d’impôts)

La nécessaire programmation des financements pour le climat

La planification écologique ne peut donc véritablement exister si elle n’est pas accompagnée d’un effort d’investissement massif en faveur de la transition écologique.

Au niveau du budget de l’État, une telle programmation serait nécessaire aussi bien pour les recettes que pour les dépenses publiques.

Au niveau territorial, la planification écologique et la planification économique ne peuvent plus continuer à s’ignorer mutuellement. C’est aujourd’hui le cas dans la mesure où les schémas de planification économique – notamment le Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) – n’est pas articulé avec le schéma de planification écologique – le SRADDET. Le SRDEII demeure hermétique aux autres réglementations territoriales et outils de planification :

  • le SRDEII n’identifie pas le risque physique climatique présent ou futur pouvant peser sur les investissements qu’il porte, d’ailleurs les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ne sont pas mentionnés, et le SRDEII n’est pas soumis à une évaluation environnementale et climatique préalable [73]
  • le SRDEII n’est pas articulé avec le SRADDET, alors que, réciproquement, le SRADDET doit prendre en compte les grands projets d’infrastructures sur le territoire qu’il couvre. La prise en compte des impacts et risques climatiques sur la définition des orientations économiques est donc absente dans la planification territoriale économique et s’impose, de fait, à la définition des orientations de la planification territoriale écologique.

Recommandation n° 13 : inscrire la planification territoriale économique dans l’impératif écologique, en renforçant l’articulation du SRDEII avec la réglementation environnementale, en particulier en soumettant son élaboration à une évaluation environnementale

Recommandation n° 14 : mieux articuler l’articulation entre planification territoriale économique et écologique, en renforçant l’articulation entre le SRDEII et le SRADDET, en imposant une compatibilité entre le SRDEII et le SRADDET (objectifs et règles générales).

[1] R. Poujade, qui fut premier ministre de l’environnement (1971-1974), publiait il y a bientôt 50 ans Le ministère de l’impossible (Calmann-Levy, 1975).

[2] Nous renvoyons à l’ouvrage de J. Reix, De la poudre aux yeux (JC Lattès, 2021).

[3] F. Savonitto, Le Conseil constitutionnel et le contentieux climatique, AJDA 2022, p. 155 et s.

[4] D. Meadows et al. Halte à la croissance ? (Le Club français du livre, 1972) ; rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), avril 2022.

[5] Dans son discours du 20 février 1970, le président Georges Pompidou reconnaissait déjà que « L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même. Il est frappant de constater qu’au moment où s’accumulent et se diffusent de plus en plus les biens dits de consommation, ce sont les biens élémentaires les plus nécessaires à la vie, comme l’air et l’eau, qui commencent à faire défaut. » (discours de Chicago, La crise des civilisation, 28 février 1970).

[6] Par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité.

[7] Décret n°2022-990 du 7 juillet 2022 relatif au secrétariat général à la planification écologique.

[8] En particulier le Secrétariat général au gouvernement (SGG), le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) et le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN).

[9] Notons subrepticement qu’à la date de rédaction de cet article, le Gouvernement a mis en consultation une série d’arrêtés ré-autorisant des formes de chasses traditionnelles, en dépit d’une annulation par le Conseil d’État de décrets similaires pour non-respect des directives européennes en la matière (CE, ord., 25 oct. 2021, n° 457535).

[10] Décret n° 46-2 du 3 janvier 1946 portant « création à la Présidence du Gouvernement d’un Conseil du Plan de modernisation et d’équipement et fixant les attributions du Commissaire général du Plan ».

[11] Initialement prévu pour couvrir la période 1993 -1997, le XIème Plan ne sera pas adopté par le Gouvernement issu des élections législatives de mars 1993.

[12] J. Chevallier, L’État post-moderne (LGDJ, 4e ed., 2014), p. 62.

[13] J. de Gaulle, L’avenir du plan et la place de la planification dans la société française, Rapport au premier ministre, p. 47 (Documentation française, 1994).

[14] F. Hollande, P. Moscovici, L’heure des choix. Pour une économie politique, p. 295 (Odile Jacob, 1991).

[15] D. Agacinksi et al., La planification : idée d’hier ou piste pour demain ?, France Stratégie, juin 2020.

[16] A. Delelys, Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutives aux vagues de décentralisation, Institut Rousseau, 2022.

[17] Aujourd’hui codifié à l’article L. 141-8 du Code de l’énergie.

[18] Article L. 141-10 du Code de l’énergie.

[19] La loi porte notamment des objectifs et axes de la politique énergétique et impose au gouvernement d’établir une programmation pluriannuelle des investissements de production d’énergie, autour d’objectifs par filière et par zone géographique.

[20] Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verse, cons. 12.

[21] Art. L. 141-1 à L. 141-5 du Code de l’énergie.

[22] Décret n°2020-456 du 21 avril 2020.

[23] Prévue aux articles L. 120-1 et L. 123-9 du Code de l’environnement.

[24] Art. L. 222-1 A du Code de l’environnement.

[25] Art. L. 141-1 du Code de l’énergie.

[26] Art. L. 122-1 A du Code de l’environnement.

[27] Les deux premiers PNACC ont respectivement porté sur les périodes 2011-2015 et 2018-2022. Le PNACC III est en cours d’élaboration.

[28] Décl. commune État-Régions, 12 sept. 2012, 15 engagements pour la croissance et pour l’emploi.

[29] A. Delelys, Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutives aux vagues de décentralisation, Institut Rousseau, 2022.

[30] Art. L. 1111-9 du CGCT.

[31] Art. L. 1111-9-1 du CGCT.

[32] Art. 188 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015.

[33] Nous renvoyons à ce titre à l’article de P. Villeneuve, La planification territoriale de la transition énergétique, AJCT 2016, p. 29.

[34] Décret n° 2016-849 du 28 juin 2016, introduisant l’article R. 229-45 du Code de l’environnement.

[35] Art. L. 1111-9 II 2° du CGCT.

[36] CE, 17 mars 2010, ministre de l’Ecologie c/ FRAPNA, n° 311443.

[37] Art. R. 4251-8 à R. 4251-12 du CGCT.

[38] V. Arnhold, Étude sociologique sur la Stratégie Nationale Bas Carbone, Haut conseil pour le climat, juin 2022.

[39] Dir. N° 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 déc. 1996, concernant des règles communes pour le marché de l’électricité, JOCE, L 027, du 30 janv. 1997 ; Dir. N° 38/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, JOCE, L 024, du 21 juill. 1998.

[40] En somme, les variables économiques (prix et quantités d’échange) doivent provenir de l’aval et remonter, par le biais du signal-prix et du jeu de la concurrence, jusqu’à la production amont dont l’organisation s’adapte en conséquence.

[41] Remplacée depuis le 1er juillet 2021 par la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir des sources renouvelables.

[42] Ligne de transport qui traverse ou enjambe une frontière entre des Etats membres et qui relie les réseaux de transport nationaux des Etats membres de l’Union européenne.

[43] Communication du 25 février 2015 sur un cadre stratégique pour une Union de l’énergie résiliente ; communication du 18 novembre 2015 sur l’état de l’union de l’énergie.

[44] Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la gouvernance de l’union de l’énergie, COM (2016) 759 final of 30.11.2016.

[45] Dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

[46] CE, 18 juill. 2011, n° 340512, Féd. nationale des chasseurs et fédération départementale des chasseurs de la Meuse, cons. 5 et 6.

[47] Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, pré-cité.

[48] CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne de Grande-Synthe I, cons. 11-12. – CE, 1er juill. 2021, n° 427301, Cne de Grande-Synthe II, cons. 5-6.

[49] CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne de Grande-Synthe I, cons. 12 : « Si les stipulations de la CCNUCC et de l’accord de Paris citées au point 9 requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers et sont, par suite, dépourvues d’effet direct, elles doivent néanmoins être prises en considération dans l’interprétation des dispositions de droit national, notamment celles citées au point 11, qui, se référant aux objectifs qu’elles fixent, ont précisément pour objet de les mettre en œuvre ».

[50] Article L. 222-1 A du code de l’environnement : « Pour la période 2015-2018, puis pour chaque période consécutive de cinq ans, un plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé « budget carbone » est fixé par décret ».

[51] Article L. 222-1 B du code de l’environnement : « I. – La stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée « stratégie bas-carbone », fixée par décret, définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes […] / II. – Le décret fixant la stratégie bas-carbone répartit le budget carbone de chacune des périodes mentionnées à l’article L. 222-1 A par grands secteurs, notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux, par secteur d’activité ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre. La répartition par période prend en compte l’effet cumulatif des émissions considérées au regard des caractéristiques de chaque type de gaz, notamment de la durée de son séjour dans la haute atmosphère. […] / Il répartit également les budgets carbone en tranches indicatives d’émissions annuelles. »

[52] Les multiples références, dans les conclusions de S. Hoynck, aux rapports du Haut Conseil pour le Climat et du GIEC sont à cet égard éloquents.

[53] Loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification.

[54] Ch. De Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau (1958-1962), Éd. Rencontres, 1970, p. 145.

[55] H. Delzangles, Le « contrôle de la trajectoire » et la carence de l’Etat français à lutter contre les changements climatiques, AJDA 2021, p. 2115.

[56] N. Stern, Stern review on The Economics of Climate Change, Executive Summary, London, HM Treasury, 2006, p. 1.

[57] On se reportera dès lors avec attention au numéro 171 de la Revue française d’administration publique (RFAP), consacrée à La coordination du travail gouvernemental (2019).

[58] Rapport annuel 2022 du haut conseil pour le climat, Dépasser les constats mettre en œuvre les solutions, juin 2022.

[59] Le 5° est ajoutée par l’art. L. 151 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

[60] Rapport annuel 2022 du haut conseil pour le climat, pré-cité, p. 132.

[61] Ibid, p. 132.

[62] Voir notamment B. Acar et P. Reix, Délégation de compétences et conférence territoriale d’action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale, Inspection générale de l’administration, p. 6, mai 2017 et C. Cukierman, Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées aujourd’hui et demain ?, Rapport d’information Sénat, n° 706, p. 88, sept. 2020.

[63] Article 299 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

[64] Décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020.

[65] Règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

[66] Règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021, pré-cité.

[67] F. Berrod, Le Green Deal, une nouvelle architecture de la gouvernance climatique des politiques européennes, RFAP n°179, 2021, p. 681-696.

[68] Ibid, p. 685.

[69] B. Faure (dir.), Les objectifs dans le droit (Dalloz, 2010).

[70] Voir notamment F. Blanc, Total, Droit administratif, mai 2021.

[71] Nous renvoyons à une récente analyse du Grand Continent : L. de Catheu ; R. Cambacurta-Scopello, Un État pour la planification écologique, Le Grand Continent, 5 mai 2022.

[72] Institut Rousseau, 2% pour 2°C !, 8 mars 2022.

[73] Art. R. 122-17 du C. de l’environnement.

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