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Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

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Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

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Sommaire

    Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

    Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprenant le plan de relance, a été présenté le 28 septembre dernier. Malgré de grands effets d’annonce, dont les fameux 32 milliards supplémentaires « pour l’écologie », une analyse plus détaillée révèle que le compte n’y est pas et que ce budget est largement insuffisant pour amorcer une restructuration en profondeur de notre économie à la hauteur de nos engagements climatiques (seuls 6,6 milliards d’euros de crédits en faveur de l’écologie seront réellement décaissés en 2021). Si des progrès sont à souligner, tels que, entre autres, le plan hydrogène ou le renforcement du plan vélo, des incohérences subsistent puisque les activités polluantes demeurent largement subventionnées en parallèle des dépenses supplémentaires, quoique très insuffisantes, pour le verdissement de l’appareil de production et la maîtrise de nos dépenses d’énergie. En outre, sur le plan de la fiscalité et de la transposition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), on constate peu d’avancées et quelques reculs.

    Il faut, toutefois, saluer le fait qu’il s’agit du premier budget qui procède à une classification systématique des dépenses de l’État en fonction de leur impact sur l’environnement comme cela était prévu par l’article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020[1]. Le résultat laisse cependant songeur : sur un volume de dépenses totales des ministères représentant près de 378 milliards d’euros, seuls 53 milliards d’euros de dépenses sont identifiés comme ayant un impact sur l’environnement, dont 42,8 milliards d’euros ont été évalués comme favorables à l’environnement contre 10 milliards d’euros jugés défavorables. On découvre avec étonnement que toutes les aides au secteur numérique, y compris le soutien à la 5G, ou encore la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production n’ont aucun effet environnemental, mais que les 118 millions d’euros d’aides à la presse sont en revanche considérés comme défavorables à l’environnement. Bercy reconnaît également que les dépenses immobilières ou de fonctionnement (notamment les carburants) ne sont pour l’instant pas intégrées à l’exercice d’évaluation, ce qui devrait être corrigé par la suite. Le premier constat est donc celui-ci : si le travail d’évaluation du budget vert est éminemment louable, celui-ci demeure largement perfectible.

    Néanmoins, les critiques principales que l’on peut adresser à ce budget « vert » portent sur le volume et sur le contenu des dépenses.

    I. Un volume de dépenses en trompe-l’œil et loin des enjeux

    Concernant le plan de relance, il convient ainsi de signaler que les 100 milliards d’euros annoncés (sur deux ans) se sont transformés in fine en 22 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2021, dont seulement 6,6 milliards pour la transition écologique, auquel il convient d’ajouter 10 milliards d’euros en dépenses fiscales pour la baisse des impôts de production. Pour atteindre les 100 milliards sur deux ans, le plan de relance inclut en réalité des dépenses déjà votées en lois de finances rectificatives pour 2020 (par exemple la dotation de soutien à l’investissement local de 5 milliards d’euros) et renvoie le reste à 2022 ou au-delà.

    Cela a une conséquence directe : le soutien public à l’économie va nettement se restreindre en 2021 par rapport à 2020, alors même que la crise est loin d’être terminée. Avec un volume total de dépenses prévues de 378,7 milliards d’euros pour 2021, le budget se situera nettement en dessous des 394,7 milliards d’euros de dépenses prévues par la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 votée en juillet 2020. Cela signifie que l’extinction progressive des mesures instaurées en 2020 en faveur du soutien d’ensemble à l’économie (et notamment l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les TPE ou les avances remboursables pour PME et ETI), ne sera qu’à moitié compensée, en 2021, par des dépenses supplémentaires issues du plan de relance. Quand on prévoit une récession pour 2020 d’environ 10 % du PIB, soit plus de 250 milliards d’euros de pertes de revenus, on peut s’interroger sur ce recul global des dépenses publiques, qui est certainement précipité et motivé par l’objectif de revenir rapidement sous la barre des 3 % de déficit. On peut aussi se demander pourquoi le Gouvernement tient tant à faire reculer le déficit public de 10 à 6 % du PIB entre 2020 et 2021 alors que l’État emprunte à – 0,2 % sur 10 ans et à seulement 0,4 % sur 30 ans ?

    Nous commençons en effet à peine à apercevoir les dégâts souterrains sur l’économie qui seront provoqués par la montée du chômage et la multiplication des défaillances d’entreprises. Tout se passe donc comme si le Gouvernement prévoyait une reprise en V (avec un chiffre exagérément optimiste de 8 % de croissance en 2021 qui a été épinglé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget) alors que la reprise sera certainement en K avec un plongeon initial de l’ensemble de l’économie, puis une reprise rapide de certaines branches d’activités (numérique, énergie, luxe) quand la descente aux enfers va se poursuivre pour d’autres secteurs. Il est ainsi à craindre que le retrait trop rapide des mesures de soutien à l’économie, et l’absence de mesures de soutien à la consommation (pas de baisse de la TVA, pas de hausse du SMIC, pas de dégel du point d’indice de la fonction publique) n’handicapent sérieusement la reprise.

    En outre, même en ce qui concerne les mesures structurelles, il faut rappeler que, avant même la crise du Covid-19, France Stratégie, I4CE, l’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) ou encore la Cour des comptes européenne avançaient un besoin de financements supplémentaires pour la transition d’un ordre de grandeur compris entre 15 et 40 milliards d’euros par an, par rapport à ce qui est investi actuellement (environ 40 milliards). Transition agroécologique et plan de circularisation de l’économie compris, c’est sans doute quelques 75 à 100 milliards d’euros supplémentaires que la puissance publique devrait investir chaque année. Or, comme souligné, sur les 22 milliards de crédits de paiement du plan de relance, seuls 6,6 milliards viendront alimenter des dépenses favorables à l’écologie. Le premier constat est donc le suivant : plan de relance inclus, ce budget n’atteint toujours pas l’ordre de grandeur souhaitable des investissements écologiques nécessaires pour engager une véritable politique de reconstruction écologique.

    II. Des dépenses ciblées en faveur de la transition qui pêchent par manque d’ambition

    Si l’on rentre plus avant dans le détail de l’évolution des dépenses et des effectifs, on est tout d’abord frappés d’une constance malheureuse concernant les moyens du ministère de la Transition écologique. Certes, grâce au plan de relance, l’enveloppe globale de dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » progresse sensiblement de plus de 7 milliards d’euros, passant de 13,2 milliards d’euros en 2020 à 21 milliards d’euros en PLF 2021. Les dépenses pour l’hydrogène et pour l’énergie l’expliquent en grande partie. Mais, dans le même temps, les effectifs du ministère de la Transition écologique continuent de décroître et passent de 37 355 postes à 36 241 postes, soit une nouvelle suppression de 1 114 postes. Or, les politiques environnementales ont besoin de moyens humains pour se déployer.

    Industrie et entreprises

    Ensuite, une série de dépenses manquent sérieusement d’ambitions. Seulement 1,2 milliard d’euros sont prévus pour la décarbonation de l’industrie alors même que le secteur industriel représente 20 % des émissions. Comparé aux besoins d’investissements écologiques colossaux de notre industrie, cela semble dérisoire, a fortiori quand l’industrie table sur une baisse d’investissement de 7 % minimum pour 2020. Mais, au-delà de la question du montant, se pose la question de l’efficacité.

    Pour l’Institut Rousseau, l’approche par l’équipement doit s’accompagner d’une réforme des barrières douanières tarifaires et non tarifaires. En effet, de tels investissements, même subventionnés, ne doivent pas fragiliser nos entreprises vis-à-vis du dumping environnemental d’autres pays. Il faut par ailleurs conduire une politique globale d’accompagnement dans la restructuration complète des filières en vue de la neutralité carbone. À ce titre, il est frappant de constater que les baisses des impôts de production, « levier » majeur du budget car représentant un coût de 20 milliards d’euros, ne soient justement pas conditionnées à des investissements sur la décarbonation des chaînes de production ou sur le maintien de l’emploi. En l’état, ces baisses d’impôts vont profiter indifféremment aux activités polluantes et non polluantes.

    Cette réduction d’impôts devrait a minima comporter trois critères :

    • Exclure les grandes entreprises qui, sans conditionnalité de l’aide peuvent se financer plus facilement. Une telle exclusion diminuerait le coût de la mesure de 25 %, les crédits pouvant être redéployés ailleurs ;
    • Mettre en place une socio-conditionnalité avec l’encadrement des dividendes : toute entreprise qui bénéficie d’aides publiques, y compris le chômage partiel, doit être contrainte de ne pas verser de dividendes en 2021. Il s’agit simplement d’une transposition de la position de la Commission européenne en date du 8 mai 2020 portant sur l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État ;
    • Mettre en place des éco-conditionnalités climat : il est nécessaire que toute aide à une grande entreprise soumise au reporting extra-financier puisse être assortie de véritables éco-conditionnalités. Les entreprises aidées doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en fonction de l’objectif 1,5° En pratique, chaque entreprise pourrait présenter un plan de neutralité carbone de son activité, validé par un accord majoritaire avec les organisations syndicales, en contrepartie des aides perçues.

    Rénovation thermique et logement

    En matière de rénovation thermique des logements, plusieurs « avancées » du plan de relance se révèlent être en demi-teinte. Le Gouvernement prévoit ainsi un plan de soutien de 2 milliards d’euros pour les logements privés (via le dispositif Maprimerenov) et de 4 milliards d’euros pour les bâtiments publics, dont la moitié seulement sera débloquée en 2021. L’effort d’investissement dans la rénovation des bâtiments publics est positif, et peut enclencher une dynamique réelle s’il est renouvelé au même niveau pendant au moins quatre ans. En revanche, l’effort pour les logements privés est très nettement insuffisant puisqu’on passe finalement de 1,3 milliard d’euros de dépenses en 2020 à 2,1 milliards d’euros de dépenses en 2020 (seuls 900 millions d’euros seront débloqués en PLF 2021 sur le dispositif Maprimerenov), soit à peine le niveau d’aide qui existait en 2018, avant la suppression du crédit d’impôt sur la transition écologique. Rappelons qu’en termes d’ordre de grandeur, il faudrait, pour isoler 700 000 logements chaque année, environ 20 milliards d’euros par an[2]. Et une constance dans l’engagement financier pour parvenir à créer une véritable filière, dans ce domaine comme dans d’autres.

    En outre, parallèlement à cet engagement supplémentaire, le PLF prévoit de ponctionner 1,3 milliard d’euros sur le budget d’Action logement en 2021, après avoir déjà pris 1 milliard d’euros en 2020. Pour rappel, Action Logement est une institution gérée par les partenaires sociaux qui gère la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), aussi appelée « 1% logement » bien qu’elle ne représente désormais que 0,45 % de la masse salariale des entreprises assujetties, afin de financer l’accession à la propriété des ménages modestes, mais aussi de les aider à rénover leurs logements et de financer des dispositifs publics tels l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) ou le FNAP (Fonds National des Aides à la Pierre). Comme souvent, on déshabille Pierre pour habiller Paul.

    Le PLF et le plan de relance souffrent également d’une autre erreur conceptuelle plus profonde. Selon Olivier Dussopt, ministre délégué au Budget, le plan de relance doit ainsi passer par « des mesures ponctuelles, ciblées et non pérennes pour ne pas alourdir la dépense publique pour les années à venir »[3]. C’est tout l’inverse qu’il faudrait faire : la transition bas carbone est une affaire de constance et de signaux clairs sur la durée. Il faut donc pouvoir assumer du déficit autant que le nécessiteront les investissements massifs des dix prochaines années. C’est notamment le cas pour la rénovation énergétique des bâtiments évoquée plus haut. Ce qui nous ramène à la gestion de la dette publique sur la durée, sur laquelle l’Institut s’est prononcé à plusieurs reprises[4].

    Des efforts minimes en faveur de l’agriculture

    De la même manière, la transition agroécologique bénéficiera de seulement 400 millions d’euros pour le développement de circuits courts et la promotion des systèmes de production à moindre impact environnemental, dont à peine 150 millions d’euros seront effectivement décaissés en 2021. Ce montant très insuffisant impose un premier constat : celui de compléter le panel d’outils avec une réforme ambitieuse de la politique agricole commune (PAC). En outre, il y a un risque à subventionner des pratiques comme l’agriculture de précision qui a toujours recours aux intrants chimiques.

    Pour l’Institut Rousseau, les exigences du label agriculture biologique (AB) devraient conditionner les subventions. Il faudrait par ailleurs créer une redevance progressive sur les ventes d’engrais azotés de synthèse à hauteur de 50 % des externalités négatives comptabilisées, soit 0,27 centime par kilo d’azote. La recette annuelle moyenne ainsi perçue serait d’environ 618 millions d’euros. Cette proposition, dont la logique est celle de faire payer les externalités négatives, est d’ailleurs celle de la Convention citoyenne pour le climat.

    Enfin, alors que 250 millions d’euros sont prévus notamment pour la modernisation des abattoirs et l’amélioration des conditions d’élevage, ces sommes resteront insuffisantes sans un changement structurel de sortie de l’élevage industriel vers un élevage extensif, qui suppose une réforme complète du système de subventions versées par la PAC et un accompagnement par la puissance publique pour les éleveurs en transition.

    La mise en place d’une prime à l’investissement pour la transformation de la restauration collective est une bonne chose, mais elle ne vise que les cantines scolaires des écoles maternelles et primaires des petites communes. Le montant dédié, de 50 millions d’euros, est insuffisant alors que, selon le Réseau Action Climat, 330 millions d’euros par an pendant trois ans sont nécessaires pour élargir la mesure aux hôpitaux, maisons de retraite, universités, lycées et collèges[5]. Le montant pour soutenir la structuration des filières locales au travers de projets alimentaires territoriaux (PAT), de 80 millions d’euros, est lui aussi largement insuffisant pour impulser un mouvement dans l’ensemble des territoires.

    Un effort pour les transports

    Dans le domaine des transports terrestres, la prime à la conversion bénéficie de moyens exceptionnels dans le cadre du plan de relance (1,9 milliard d’euros sur 2020-2022) mais cette enveloppe bénéficie également aux voitures thermiques. Pour rappel, les émissions des voitures neuves ne diminuent pas suffisamment vite, leur poids grandit et les ménages les plus précaires n’ont pas les moyens de se payer un véhicule réellement moins polluant malgré les aides actuelles. Seul un tiers des voitures neuves sont soumises à un malus, et seuls 5 % ont un montant de malus supérieur à 1 000 €[6].

    Pour l’Institut Rousseau, un bonus pour l’électrique ne suffit pas : il faut favoriser l’essor de la voiture électrique légère, donc discriminer les bonus aussi en fonction du poids, et de l’empreinte carbone globale du véhicule. C’est d’ailleurs ce que proposait la Convention Citoyenne pour le Climat. Il faudrait également garantir un prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un véhicule propre, sur la totalité du prix du véhicule. Il faudrait enfin mettre en cohérence avec la réglementation européenne seuil d’émission de CO2 entraînant un malus, soit 95gCO2/km. Plus encore, nous proposons de durcir fortement la grille du malus CO2 et d’aller bien au-delà du plafond de pénalités aujourd’hui fixé à 20 000 euros, afin de détourner les acheteurs de véhicules neufs des véhicules les plus polluants via un signal-prix plus dissuasif.

    En termes de fiscalité sur les carburants, nous proposons de supprimer progressivement le taux réduit en faveur du gazole routier qui représente un manque à gagner d’un milliard d’euros par an (50 % en 2021 et 100 % en 2022). Le non-alignement des fiscalités diesel et essence représente une dépense fiscale de 3,5 milliards d’euros par an. Pour opérer ce rattrapage fiscal, il faut mettre en place un système de compensation pour les ménages précaires captifs, par exemple via un chèque mobilité. En outre, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de supprimer progressivement le tarif réduit de l’E10 (qui contient jusqu’à 10 % d’éthanol), en alignant sur deux ans les niveaux de taxe (TICPE) imposés au SP95-E10, au SP95 et au SP98. Or, en renchérissant le prix du litre de SP95E10, on abaisse son attractivité par rapport au gazole. C’est tout le contraire qu’il faudrait faire.

    Enfin, le plan de relance communique sur une somme de 4,7 milliards d’euros pour le rail, mais cette somme apparaît en réalité comme un trompe-l’œil puisque cela correspond à peine aux pertes subies par la SNCF durant la période de confinement. Ainsi, sur les 4,7 milliards d’euros, 4,1 milliard sont consacrés à recapitaliser la SNCF et seulement 650 millions d’euros sont prévus pour développer les infrastructures (dont à peine 173 millions seront débloqués en 2021 selon le PLF). Or, c’est là que le Gouvernement pêche fortement par manque d’ambition. Nous avons en effet perdu la moitié de nos lignes depuis 1950 et le fret ferroviaire ne représente plus que 9 % du transport de marchandises contre 89 % pour la route ! Sur cette question des mobilités, l’Institut Rousseau a d’ailleurs avancé plusieurs propositions concrètes[7]. Il faudrait donc un effort d’investissement bien plus massif pour moderniser le réseau et rétablir des lignes. L’Alliance 4F (Fret ferroviaire français du futur) propose ainsi un investissement minimum de 16 milliards d’euros sur dix ans. Il faudrait notamment créer au moins 15 nouvelles plateformes de ferroutage pour 450 millions d’euros (il n’en existe que 35 à l’heure actuelle). En outre, ces investissements, en permettant de doubler la part du fret dans le transport, devraient permettre de réaliser 25 milliards d’euros d’économies en externalités (émissions polluantes et sonores, coût des accidents routiers, dégradation des infrastructures, etc.) au bénéfice de la société sur la période 2020-2040.

    Des montants pour la biodiversité très insuffisants

    Au niveau de la protection de la biodiversité, le plan de relance ouvre théoriquement 300 millions d’euros pour le financement d’opérations d’adaptation, de restauration écologique sur les territoires et de renforcement de la résilience. Cependant, avec une capacité de paiement de seulement 70 millions d’euros en 2021, nous sommes loin des efforts financiers nécessaires. À titre d’exemple, une enveloppe de 8 millions sera dédiée aux aires marines protégées tandis que 1 million d’euros seront consacrés à la lutte contre l’érosion du littoral. Il est difficile de comprendre en quoi 1 million d’euros peuvent avoir un impact quelconque sur la protection de nos 19 193 km de côtes. En outre, l’Office français de la biodiversité perd à nouveau 20 postes et voit son budget stagner, tandis que les parcs nationaux ne gagnent aucun emploi supplémentaire. Cela paraît insensé au regard des immenses plans d’adaptation du territoire aux effets du changement climatique qu’il faudrait produire, comme le reboisement des bassins versants, la multiplication de haies champêtres, ou la remise en eau des zones humides. Par ailleurs, au-delà des effets d’annonce sur la chasse ou la détention d’animaux marins dans les parcs aquatiques – importantes au demeurant – le ministère de la Transition annonce un plan de suppression de postes de 1100 agents, au détriment de la régulation environnementale, a fortiori dans les territoires.

    On note également que l’article 43 du PLF prévoit que les opérations de renaturation, c’est-à-dire de transformation en espaces naturels de terrains abandonnés ou laissés en friche pourront bénéficier du produit de la taxe d’aménagement. Ce même article prévoit des incitations à construire en hauteur plutôt que d’artificialiser des sols. Ce sont des avancées positives. On regrette cependant que le gouvernement fasse voter dans le même temps une disposition qui permet au Préfet de se passer de l’enquête publique d’impact environnemental pour tout nouveau projet, une régression grave en matière de régulation, qui ouvre la porte à des abus.

    Le plan de relance prévoit enfin 200 millions d’euros pour la modernisation du réseau d’eau potable et la mise aux normes des stations d’épuration en métropole, ainsi que 50 millions d’euros pour la mise en œuvre du plan eau en outre-mer. Cela apparaît très insuffisant car il convient de rappeler que près de 20 % de l’eau potable est perdue sur le territoire national pendant l’adduction. Dans un contexte climatique où économiser la ressource est une priorité nationale, c’est un véritable plan de réhabilitation des réseaux d’eau qu’il faut conduire. C’est l’un des grands projets de reconstruction écologique pourvoyeur d’emplois, au même titre que l’isolation des bâtiment ou la végétalisation des villes. C’est pourquoi nous devons amorcer d’urgence une réflexion globale sur une nouvelle politique de gestion de l’eau, nécessitant des moyens certainement plus importants.

    Économie circulaire et industrie

    Sur l’économie circulaire, seuls 500 millions d’euros sont prévus dans le plan de relance à l’échelle du territoire pour le recyclage des déchets notamment, et seulement 84 millions d’euros seront débloqués en 2021, soit le coût de deux ou trois centres de tri d’une capacité d’environ 20 000 tonnes. L’Institut Rousseau considère qu’il s’agit d’une somme tout à fait insuffisante, notamment si l’on part du principe que la circularisation de l’économie ne se limite pas à la question des déchets mais doit aussi s’accompagner d’une aide financière aux réparateurs, aux ressourceries et aux associations qui œuvrent pour le réemploi. Cela présuppose une infrastructure (un maillage de centres de tri spécialisés) et des emplois qu’il faudrait subventionner fortement, le temps que le recyclage dégage structurellement des marges.

    Énergies

    Les énergies renouvelables (EnR) apparaissent comme les principales gagnantes de ce budget 2021 avec une hausse de 1,3 milliard d’euros (+25%) des moyens dédiés. Elles vont bénéficier de près de 6,9 milliards en 2021 (contre 5,4 milliards d’euros en 2020), dont 5,7 milliards d’euros pour les EnR électriques et 544 millions d’euros pour le biométhane. C’est une avancée à saluer, à cela près que sans un investissement conséquent dans le réseau en parallèle (réseaux intelligents pour adapter la consommation à la production EnR, site de stockage électrique ou power-to-gaz), il ne sera pas possible d’exploiter pleinement le potentiel des puissances EnR supplémentaires.

    Prenant le contre-coup de ces positions budgétaires nationales en matière d’énergie, Bruno Le Maire a annoncé le 12 octobre 2020 une série de mesures pour “verdir” les aides à l’exportation françaises. Comme le déplore Les Amis de la Terre dans ce billet[8], derrière cet artifice de communication, ces mesures laissent la porte ouverte au soutien à des mégaprojets d’exploitation de gaz jusqu’en 2035, à l’image du projet de Total en Arctique que le Gouvernement s’apprête à subventionner[9]. De son côté, la Grande-Bretagne se dit prête à annoncer une politique bien plus ambitieuse, stoppant les financements export pour tous les projets d’exploitation de pétrole et gaz dès l’année prochaine[10]. La France doit suivre cet exemple.

     

    III. Une fiscalité environnementale qui demeure faible

    Le manque d’ambition dans les dépenses publiques se traduit aussi dans la fiscalité. Il existe bien quelques mesures comme le maintien d’un crédit d’impôt en faveur de l’acquisition et de la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique, la refonte des taxes sur les véhicules à moteur, le renforcement des incitations à l’utilisation d’énergies renouvelables ou l’adaptation de la taxe d’aménagement en vue de lutter contre l’artificialisation des sols.

    Cependant, ces mesures demeurent assez insignifiantes par rapport à l’abandon de la hausse de la fiscalité carbone.Pour rappel, la Commission Quinet et une majorité d’économistes sont en faveur d’une augmentation régulière du prix de la tonne de CO2 pour atteindre les 250 € en 2030 (contre une cinquantaine aujourd’hui). En France, la taxe carbone greffée à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devait augmenter fortement pour rapporter environ 9 milliards au budget de l’État en 2018, et son montant devait doubler d’ici à 2022 pour atteindre plus de 80 euros la tonne de CO2 équivalent carbone (tCO2eq), selon la loi de finances 2018. Il faut maintenir cette trajectoire en compensant, pour les ménages, via une diminution ciblée de la TVA sur les billets de train comme l’a proposé la Convention Citoyenne pour le Climat, une hausse du SMIC et une revalorisation du point d’indice dans la fonction publique. L’Institut Rousseau propose d’ailleurs une suppression pure et simple ou l’application du taux super-réduit de 2,1 % sur les billets de train, sur les produits bio et sur les biocarburants ou les véhicules électriques. Sans ce mouvement coordonné, il est difficilement envisageable de combiner justice sociale et efficacité climatique.

    Par ailleurs, sous prétexte d’éliminer des taxes à faible rendement, le texte abroge aussi une taxe environnementale pourtant utile qui concerne les gaz fluorés ou HFC, ces gaz réfrigérants dont l’effet de serre peut être jusqu’à 10.000 fois plus puissant que le CO2, et pour lesquels des alternatives existent. C’est risquer que son usage s’intensifie, dans un contexte où le secteur du bâtiment a de plus en plus recours aux gaz réfrigérants. On note également la persistance de plusieurs dépenses fiscales très défavorables au climat comme le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés par les exploitants agricoles (1,4 milliard d’euros en PLF 2021), inscrit sur la mission budgétaire Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR). Idem sur la mission Écologie qui comprend des dépenses en faveur du transport routier de marchandises (1,3 milliard d’euros), incompatible avec le nécessaire développement du fret, et des dispositifs en faveur des installations intensives en énergie (0,7 milliard d’euros). Ces dépenses fiscales doivent être supprimées le plus rapidement possible tout en accompagnant les agriculteurs et les transporteurs vers l’utilisation de carburants et de véhicules à faibles émissions.

    Enfin, l’Institut Rousseau avait proposé la création d’un impôt sur la fortune (ISF) écologique dans sa note de mars 2020 « Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique »[11]. Cette proposition a affinée par Greenpeace[12] qui démontre, en s’appuyant sur les données de l’INSEE, que les 10 % des ménages les plus riches ont une empreinte carbone de 46 tCO2eq/an, et même de 189 tCO2eq/an pour les 1% les plus riches, contre 2,9 tCO2eq/an pour les 10 % les plus pauvres. Ainsi, le patrimoine financier des 1 % des ménages les plus riches est associé à une empreinte carbone 66 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres. Il serait ainsi souhaitable de mettre en place un ISF climatique pour les ménages au patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros. Au niveau actuel de 44,6 €/tCO2 appliquée à l’empreinte carbone moyenne des placements financiers de ces ménages permettrait ainsi de rapporter environ 4,3 milliards d’euros à l’État.

    [1]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020.09.30_Rapport%20sur%20l%27impact%20environnemental%20du%20budget%20de%20l%27Etat%20-%20Budget%20Vert.pdf

    [2]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/20/ou-trouver-25-milliards-d-euros-pour-renover-700-000-logements-chaque-annee_6043547_3232.html

    [3] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/bruno-le-maire-et-olivier-dussopt-notre-plan-de-relance-produit-deja-ses-effets-1243116

    [4]https://institut-rousseau.fr/comment-financer-une-politique-ambitieuse-de-reconstruction-ecologique/#:~:text=Un%20autre%20puissant%20outil%20de,des%20banques%20publiques%20d’investissement

    [5] https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2020/09/plf_plan_de_relance.pdf

    [6] https://reseauactionclimat.org/bonusmalus-ecologique-le-reseau-action-climat-publie-une-etude-denvergure/

    [7] https://institut-rousseau.fr/faire-atterrir-le-grand-demenagement-du-monde-vers-une-mobilite-post-carbone/

    [8] https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/plan-climat-du-gouvernement-francais-sur-les-financements-export-vers-un-monde-a-5c/

    [9] Le Monde, La France pourrait soutenir un gigantesque projet gazier dans l’Arctique russe, 2019.

    [10] The Guardian, Boris Johnson poised to stop UK funding overseas fossil fuel projects, août 2020.

    [11] https://institut-rousseau.fr/comment-financer-une-politique-ambitieuse-de-reconstruction-ecologique/

    [12] https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2020/10/Largent-sale-du-captiale-pour-instauration-isf-climatique.pdf

    Publié le 18 octobre 2020

    Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement

    Auteurs

    Nicolas Dufrêne
    Nicolas Dufrêne est haut fonctionnaire à l'Assemblée nationale depuis 2012, économiste et directeur de l'Institut Rousseau depuis mars 2020. Il est co-auteur du livre "Une monnaie écologique" avec Alain Grandjean, paru aux éditions Odile Jacob en 2020 et auteur du livre "La dette au XXIe siècle, comment s'en libérer" (éditions Odile Jacob, 2023). Il est spécialiste des questions institutionnelles, monétaires et des outils de financement public. nicolas.dufrene@institut-rousseau.fr

    Pierre Gilbert
    Diplômé de Sciences Po Grenoble, Pierre Gilbert est consultant en prospective climatique. Il est l'auteur de Géomimétisme, réguler le changement climatique grâce à la nature (2020, Les Petits Matins). Il est le co-fondateur de Sator, une plateforme francophone de cours en ligne dédiés à l’éveil citoyen sous tous ses aspects.

    Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprenant le plan de relance, a été présenté le 28 septembre dernier. Malgré de grands effets d’annonce, dont les fameux 32 milliards supplémentaires « pour l’écologie », une analyse plus détaillée révèle que le compte n’y est pas et que ce budget est largement insuffisant pour amorcer une restructuration en profondeur de notre économie à la hauteur de nos engagements climatiques (seuls 6,6 milliards d’euros de crédits en faveur de l’écologie seront réellement décaissés en 2021). Si des progrès sont à souligner, tels que, entre autres, le plan hydrogène ou le renforcement du plan vélo, des incohérences subsistent puisque les activités polluantes demeurent largement subventionnées en parallèle des dépenses supplémentaires, quoique très insuffisantes, pour le verdissement de l’appareil de production et la maîtrise de nos dépenses d’énergie. En outre, sur le plan de la fiscalité et de la transposition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), on constate peu d’avancées et quelques reculs.

    Il faut, toutefois, saluer le fait qu’il s’agit du premier budget qui procède à une classification systématique des dépenses de l’État en fonction de leur impact sur l’environnement comme cela était prévu par l’article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020[1]. Le résultat laisse cependant songeur : sur un volume de dépenses totales des ministères représentant près de 378 milliards d’euros, seuls 53 milliards d’euros de dépenses sont identifiés comme ayant un impact sur l’environnement, dont 42,8 milliards d’euros ont été évalués comme favorables à l’environnement contre 10 milliards d’euros jugés défavorables. On découvre avec étonnement que toutes les aides au secteur numérique, y compris le soutien à la 5G, ou encore la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production n’ont aucun effet environnemental, mais que les 118 millions d’euros d’aides à la presse sont en revanche considérés comme défavorables à l’environnement. Bercy reconnaît également que les dépenses immobilières ou de fonctionnement (notamment les carburants) ne sont pour l’instant pas intégrées à l’exercice d’évaluation, ce qui devrait être corrigé par la suite. Le premier constat est donc celui-ci : si le travail d’évaluation du budget vert est éminemment louable, celui-ci demeure largement perfectible.

    Néanmoins, les critiques principales que l’on peut adresser à ce budget « vert » portent sur le volume et sur le contenu des dépenses.

    I. Un volume de dépenses en trompe-l’œil et loin des enjeux

    Concernant le plan de relance, il convient ainsi de signaler que les 100 milliards d’euros annoncés (sur deux ans) se sont transformés in fine en 22 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2021, dont seulement 6,6 milliards pour la transition écologique, auquel il convient d’ajouter 10 milliards d’euros en dépenses fiscales pour la baisse des impôts de production. Pour atteindre les 100 milliards sur deux ans, le plan de relance inclut en réalité des dépenses déjà votées en lois de finances rectificatives pour 2020 (par exemple la dotation de soutien à l’investissement local de 5 milliards d’euros) et renvoie le reste à 2022 ou au-delà.

    Cela a une conséquence directe : le soutien public à l’économie va nettement se restreindre en 2021 par rapport à 2020, alors même que la crise est loin d’être terminée. Avec un volume total de dépenses prévues de 378,7 milliards d’euros pour 2021, le budget se situera nettement en dessous des 394,7 milliards d’euros de dépenses prévues par la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 votée en juillet 2020. Cela signifie que l’extinction progressive des mesures instaurées en 2020 en faveur du soutien d’ensemble à l’économie (et notamment l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les TPE ou les avances remboursables pour PME et ETI), ne sera qu’à moitié compensée, en 2021, par des dépenses supplémentaires issues du plan de relance. Quand on prévoit une récession pour 2020 d’environ 10 % du PIB, soit plus de 250 milliards d’euros de pertes de revenus, on peut s’interroger sur ce recul global des dépenses publiques, qui est certainement précipité et motivé par l’objectif de revenir rapidement sous la barre des 3 % de déficit. On peut aussi se demander pourquoi le Gouvernement tient tant à faire reculer le déficit public de 10 à 6 % du PIB entre 2020 et 2021 alors que l’État emprunte à – 0,2 % sur 10 ans et à seulement 0,4 % sur 30 ans ?

    Nous commençons en effet à peine à apercevoir les dégâts souterrains sur l’économie qui seront provoqués par la montée du chômage et la multiplication des défaillances d’entreprises. Tout se passe donc comme si le Gouvernement prévoyait une reprise en V (avec un chiffre exagérément optimiste de 8 % de croissance en 2021 qui a été épinglé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget) alors que la reprise sera certainement en K avec un plongeon initial de l’ensemble de l’économie, puis une reprise rapide de certaines branches d’activités (numérique, énergie, luxe) quand la descente aux enfers va se poursuivre pour d’autres secteurs. Il est ainsi à craindre que le retrait trop rapide des mesures de soutien à l’économie, et l’absence de mesures de soutien à la consommation (pas de baisse de la TVA, pas de hausse du SMIC, pas de dégel du point d’indice de la fonction publique) n’handicapent sérieusement la reprise.

    En outre, même en ce qui concerne les mesures structurelles, il faut rappeler que, avant même la crise du Covid-19, France Stratégie, I4CE, l’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) ou encore la Cour des comptes européenne avançaient un besoin de financements supplémentaires pour la transition d’un ordre de grandeur compris entre 15 et 40 milliards d’euros par an, par rapport à ce qui est investi actuellement (environ 40 milliards). Transition agroécologique et plan de circularisation de l’économie compris, c’est sans doute quelques 75 à 100 milliards d’euros supplémentaires que la puissance publique devrait investir chaque année. Or, comme souligné, sur les 22 milliards de crédits de paiement du plan de relance, seuls 6,6 milliards viendront alimenter des dépenses favorables à l’écologie. Le premier constat est donc le suivant : plan de relance inclus, ce budget n’atteint toujours pas l’ordre de grandeur souhaitable des investissements écologiques nécessaires pour engager une véritable politique de reconstruction écologique.

    II. Des dépenses ciblées en faveur de la transition qui pêchent par manque d’ambition

    Si l’on rentre plus avant dans le détail de l’évolution des dépenses et des effectifs, on est tout d’abord frappés d’une constance malheureuse concernant les moyens du ministère de la Transition écologique. Certes, grâce au plan de relance, l’enveloppe globale de dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » progresse sensiblement de plus de 7 milliards d’euros, passant de 13,2 milliards d’euros en 2020 à 21 milliards d’euros en PLF 2021. Les dépenses pour l’hydrogène et pour l’énergie l’expliquent en grande partie. Mais, dans le même temps, les effectifs du ministère de la Transition écologique continuent de décroître et passent de 37 355 postes à 36 241 postes, soit une nouvelle suppression de 1 114 postes. Or, les politiques environnementales ont besoin de moyens humains pour se déployer.

    Industrie et entreprises

    Ensuite, une série de dépenses manquent sérieusement d’ambitions. Seulement 1,2 milliard d’euros sont prévus pour la décarbonation de l’industrie alors même que le secteur industriel représente 20 % des émissions. Comparé aux besoins d’investissements écologiques colossaux de notre industrie, cela semble dérisoire, a fortiori quand l’industrie table sur une baisse d’investissement de 7 % minimum pour 2020. Mais, au-delà de la question du montant, se pose la question de l’efficacité.

    Pour l’Institut Rousseau, l’approche par l’équipement doit s’accompagner d’une réforme des barrières douanières tarifaires et non tarifaires. En effet, de tels investissements, même subventionnés, ne doivent pas fragiliser nos entreprises vis-à-vis du dumping environnemental d’autres pays. Il faut par ailleurs conduire une politique globale d’accompagnement dans la restructuration complète des filières en vue de la neutralité carbone. À ce titre, il est frappant de constater que les baisses des impôts de production, « levier » majeur du budget car représentant un coût de 20 milliards d’euros, ne soient justement pas conditionnées à des investissements sur la décarbonation des chaînes de production ou sur le maintien de l’emploi. En l’état, ces baisses d’impôts vont profiter indifféremment aux activités polluantes et non polluantes.

    Cette réduction d’impôts devrait a minima comporter trois critères :

    • Exclure les grandes entreprises qui, sans conditionnalité de l’aide peuvent se financer plus facilement. Une telle exclusion diminuerait le coût de la mesure de 25 %, les crédits pouvant être redéployés ailleurs ;
    • Mettre en place une socio-conditionnalité avec l’encadrement des dividendes : toute entreprise qui bénéficie d’aides publiques, y compris le chômage partiel, doit être contrainte de ne pas verser de dividendes en 2021. Il s’agit simplement d’une transposition de la position de la Commission européenne en date du 8 mai 2020 portant sur l’encadrement temporaire des mesures d’aide d’État ;
    • Mettre en place des éco-conditionnalités climat : il est nécessaire que toute aide à une grande entreprise soumise au reporting extra-financier puisse être assortie de véritables éco-conditionnalités. Les entreprises aidées doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en fonction de l’objectif 1,5° En pratique, chaque entreprise pourrait présenter un plan de neutralité carbone de son activité, validé par un accord majoritaire avec les organisations syndicales, en contrepartie des aides perçues.

    Rénovation thermique et logement

    En matière de rénovation thermique des logements, plusieurs « avancées » du plan de relance se révèlent être en demi-teinte. Le Gouvernement prévoit ainsi un plan de soutien de 2 milliards d’euros pour les logements privés (via le dispositif Maprimerenov) et de 4 milliards d’euros pour les bâtiments publics, dont la moitié seulement sera débloquée en 2021. L’effort d’investissement dans la rénovation des bâtiments publics est positif, et peut enclencher une dynamique réelle s’il est renouvelé au même niveau pendant au moins quatre ans. En revanche, l’effort pour les logements privés est très nettement insuffisant puisqu’on passe finalement de 1,3 milliard d’euros de dépenses en 2020 à 2,1 milliards d’euros de dépenses en 2020 (seuls 900 millions d’euros seront débloqués en PLF 2021 sur le dispositif Maprimerenov), soit à peine le niveau d’aide qui existait en 2018, avant la suppression du crédit d’impôt sur la transition écologique. Rappelons qu’en termes d’ordre de grandeur, il faudrait, pour isoler 700 000 logements chaque année, environ 20 milliards d’euros par an[2]. Et une constance dans l’engagement financier pour parvenir à créer une véritable filière, dans ce domaine comme dans d’autres.

    En outre, parallèlement à cet engagement supplémentaire, le PLF prévoit de ponctionner 1,3 milliard d’euros sur le budget d’Action logement en 2021, après avoir déjà pris 1 milliard d’euros en 2020. Pour rappel, Action Logement est une institution gérée par les partenaires sociaux qui gère la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), aussi appelée « 1% logement » bien qu’elle ne représente désormais que 0,45 % de la masse salariale des entreprises assujetties, afin de financer l’accession à la propriété des ménages modestes, mais aussi de les aider à rénover leurs logements et de financer des dispositifs publics tels l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) ou le FNAP (Fonds National des Aides à la Pierre). Comme souvent, on déshabille Pierre pour habiller Paul.

    Le PLF et le plan de relance souffrent également d’une autre erreur conceptuelle plus profonde. Selon Olivier Dussopt, ministre délégué au Budget, le plan de relance doit ainsi passer par « des mesures ponctuelles, ciblées et non pérennes pour ne pas alourdir la dépense publique pour les années à venir »[3]. C’est tout l’inverse qu’il faudrait faire : la transition bas carbone est une affaire de constance et de signaux clairs sur la durée. Il faut donc pouvoir assumer du déficit autant que le nécessiteront les investissements massifs des dix prochaines années. C’est notamment le cas pour la rénovation énergétique des bâtiments évoquée plus haut. Ce qui nous ramène à la gestion de la dette publique sur la durée, sur laquelle l’Institut s’est prononcé à plusieurs reprises[4].

    Des efforts minimes en faveur de l’agriculture

    De la même manière, la transition agroécologique bénéficiera de seulement 400 millions d’euros pour le développement de circuits courts et la promotion des systèmes de production à moindre impact environnemental, dont à peine 150 millions d’euros seront effectivement décaissés en 2021. Ce montant très insuffisant impose un premier constat : celui de compléter le panel d’outils avec une réforme ambitieuse de la politique agricole commune (PAC). En outre, il y a un risque à subventionner des pratiques comme l’agriculture de précision qui a toujours recours aux intrants chimiques.

    Pour l’Institut Rousseau, les exigences du label agriculture biologique (AB) devraient conditionner les subventions. Il faudrait par ailleurs créer une redevance progressive sur les ventes d’engrais azotés de synthèse à hauteur de 50 % des externalités négatives comptabilisées, soit 0,27 centime par kilo d’azote. La recette annuelle moyenne ainsi perçue serait d’environ 618 millions d’euros. Cette proposition, dont la logique est celle de faire payer les externalités négatives, est d’ailleurs celle de la Convention citoyenne pour le climat.

    Enfin, alors que 250 millions d’euros sont prévus notamment pour la modernisation des abattoirs et l’amélioration des conditions d’élevage, ces sommes resteront insuffisantes sans un changement structurel de sortie de l’élevage industriel vers un élevage extensif, qui suppose une réforme complète du système de subventions versées par la PAC et un accompagnement par la puissance publique pour les éleveurs en transition.

    La mise en place d’une prime à l’investissement pour la transformation de la restauration collective est une bonne chose, mais elle ne vise que les cantines scolaires des écoles maternelles et primaires des petites communes. Le montant dédié, de 50 millions d’euros, est insuffisant alors que, selon le Réseau Action Climat, 330 millions d’euros par an pendant trois ans sont nécessaires pour élargir la mesure aux hôpitaux, maisons de retraite, universités, lycées et collèges[5]. Le montant pour soutenir la structuration des filières locales au travers de projets alimentaires territoriaux (PAT), de 80 millions d’euros, est lui aussi largement insuffisant pour impulser un mouvement dans l’ensemble des territoires.

    Un effort pour les transports

    Dans le domaine des transports terrestres, la prime à la conversion bénéficie de moyens exceptionnels dans le cadre du plan de relance (1,9 milliard d’euros sur 2020-2022) mais cette enveloppe bénéficie également aux voitures thermiques. Pour rappel, les émissions des voitures neuves ne diminuent pas suffisamment vite, leur poids grandit et les ménages les plus précaires n’ont pas les moyens de se payer un véhicule réellement moins polluant malgré les aides actuelles. Seul un tiers des voitures neuves sont soumises à un malus, et seuls 5 % ont un montant de malus supérieur à 1 000 €[6].

    Pour l’Institut Rousseau, un bonus pour l’électrique ne suffit pas : il faut favoriser l’essor de la voiture électrique légère, donc discriminer les bonus aussi en fonction du poids, et de l’empreinte carbone globale du véhicule. C’est d’ailleurs ce que proposait la Convention Citoyenne pour le Climat. Il faudrait également garantir un prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un véhicule propre, sur la totalité du prix du véhicule. Il faudrait enfin mettre en cohérence avec la réglementation européenne seuil d’émission de CO2 entraînant un malus, soit 95gCO2/km. Plus encore, nous proposons de durcir fortement la grille du malus CO2 et d’aller bien au-delà du plafond de pénalités aujourd’hui fixé à 20 000 euros, afin de détourner les acheteurs de véhicules neufs des véhicules les plus polluants via un signal-prix plus dissuasif.

    En termes de fiscalité sur les carburants, nous proposons de supprimer progressivement le taux réduit en faveur du gazole routier qui représente un manque à gagner d’un milliard d’euros par an (50 % en 2021 et 100 % en 2022). Le non-alignement des fiscalités diesel et essence représente une dépense fiscale de 3,5 milliards d’euros par an. Pour opérer ce rattrapage fiscal, il faut mettre en place un système de compensation pour les ménages précaires captifs, par exemple via un chèque mobilité. En outre, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de supprimer progressivement le tarif réduit de l’E10 (qui contient jusqu’à 10 % d’éthanol), en alignant sur deux ans les niveaux de taxe (TICPE) imposés au SP95-E10, au SP95 et au SP98. Or, en renchérissant le prix du litre de SP95E10, on abaisse son attractivité par rapport au gazole. C’est tout le contraire qu’il faudrait faire.

    Enfin, le plan de relance communique sur une somme de 4,7 milliards d’euros pour le rail, mais cette somme apparaît en réalité comme un trompe-l’œil puisque cela correspond à peine aux pertes subies par la SNCF durant la période de confinement. Ainsi, sur les 4,7 milliards d’euros, 4,1 milliard sont consacrés à recapitaliser la SNCF et seulement 650 millions d’euros sont prévus pour développer les infrastructures (dont à peine 173 millions seront débloqués en 2021 selon le PLF). Or, c’est là que le Gouvernement pêche fortement par manque d’ambition. Nous avons en effet perdu la moitié de nos lignes depuis 1950 et le fret ferroviaire ne représente plus que 9 % du transport de marchandises contre 89 % pour la route ! Sur cette question des mobilités, l’Institut Rousseau a d’ailleurs avancé plusieurs propositions concrètes[7]. Il faudrait donc un effort d’investissement bien plus massif pour moderniser le réseau et rétablir des lignes. L’Alliance 4F (Fret ferroviaire français du futur) propose ainsi un investissement minimum de 16 milliards d’euros sur dix ans. Il faudrait notamment créer au moins 15 nouvelles plateformes de ferroutage pour 450 millions d’euros (il n’en existe que 35 à l’heure actuelle). En outre, ces investissements, en permettant de doubler la part du fret dans le transport, devraient permettre de réaliser 25 milliards d’euros d’économies en externalités (émissions polluantes et sonores, coût des accidents routiers, dégradation des infrastructures, etc.) au bénéfice de la société sur la période 2020-2040.

    Des montants pour la biodiversité très insuffisants

    Au niveau de la protection de la biodiversité, le plan de relance ouvre théoriquement 300 millions d’euros pour le financement d’opérations d’adaptation, de restauration écologique sur les territoires et de renforcement de la résilience. Cependant, avec une capacité de paiement de seulement 70 millions d’euros en 2021, nous sommes loin des efforts financiers nécessaires. À titre d’exemple, une enveloppe de 8 millions sera dédiée aux aires marines protégées tandis que 1 million d’euros seront consacrés à la lutte contre l’érosion du littoral. Il est difficile de comprendre en quoi 1 million d’euros peuvent avoir un impact quelconque sur la protection de nos 19 193 km de côtes. En outre, l’Office français de la biodiversité perd à nouveau 20 postes et voit son budget stagner, tandis que les parcs nationaux ne gagnent aucun emploi supplémentaire. Cela paraît insensé au regard des immenses plans d’adaptation du territoire aux effets du changement climatique qu’il faudrait produire, comme le reboisement des bassins versants, la multiplication de haies champêtres, ou la remise en eau des zones humides. Par ailleurs, au-delà des effets d’annonce sur la chasse ou la détention d’animaux marins dans les parcs aquatiques – importantes au demeurant – le ministère de la Transition annonce un plan de suppression de postes de 1100 agents, au détriment de la régulation environnementale, a fortiori dans les territoires.

    On note également que l’article 43 du PLF prévoit que les opérations de renaturation, c’est-à-dire de transformation en espaces naturels de terrains abandonnés ou laissés en friche pourront bénéficier du produit de la taxe d’aménagement. Ce même article prévoit des incitations à construire en hauteur plutôt que d’artificialiser des sols. Ce sont des avancées positives. On regrette cependant que le gouvernement fasse voter dans le même temps une disposition qui permet au Préfet de se passer de l’enquête publique d’impact environnemental pour tout nouveau projet, une régression grave en matière de régulation, qui ouvre la porte à des abus.

    Le plan de relance prévoit enfin 200 millions d’euros pour la modernisation du réseau d’eau potable et la mise aux normes des stations d’épuration en métropole, ainsi que 50 millions d’euros pour la mise en œuvre du plan eau en outre-mer. Cela apparaît très insuffisant car il convient de rappeler que près de 20 % de l’eau potable est perdue sur le territoire national pendant l’adduction. Dans un contexte climatique où économiser la ressource est une priorité nationale, c’est un véritable plan de réhabilitation des réseaux d’eau qu’il faut conduire. C’est l’un des grands projets de reconstruction écologique pourvoyeur d’emplois, au même titre que l’isolation des bâtiment ou la végétalisation des villes. C’est pourquoi nous devons amorcer d’urgence une réflexion globale sur une nouvelle politique de gestion de l’eau, nécessitant des moyens certainement plus importants.

    Économie circulaire et industrie

    Sur l’économie circulaire, seuls 500 millions d’euros sont prévus dans le plan de relance à l’échelle du territoire pour le recyclage des déchets notamment, et seulement 84 millions d’euros seront débloqués en 2021, soit le coût de deux ou trois centres de tri d’une capacité d’environ 20 000 tonnes. L’Institut Rousseau considère qu’il s’agit d’une somme tout à fait insuffisante, notamment si l’on part du principe que la circularisation de l’économie ne se limite pas à la question des déchets mais doit aussi s’accompagner d’une aide financière aux réparateurs, aux ressourceries et aux associations qui œuvrent pour le réemploi. Cela présuppose une infrastructure (un maillage de centres de tri spécialisés) et des emplois qu’il faudrait subventionner fortement, le temps que le recyclage dégage structurellement des marges.

    Énergies

    Les énergies renouvelables (EnR) apparaissent comme les principales gagnantes de ce budget 2021 avec une hausse de 1,3 milliard d’euros (+25%) des moyens dédiés. Elles vont bénéficier de près de 6,9 milliards en 2021 (contre 5,4 milliards d’euros en 2020), dont 5,7 milliards d’euros pour les EnR électriques et 544 millions d’euros pour le biométhane. C’est une avancée à saluer, à cela près que sans un investissement conséquent dans le réseau en parallèle (réseaux intelligents pour adapter la consommation à la production EnR, site de stockage électrique ou power-to-gaz), il ne sera pas possible d’exploiter pleinement le potentiel des puissances EnR supplémentaires.

    Prenant le contre-coup de ces positions budgétaires nationales en matière d’énergie, Bruno Le Maire a annoncé le 12 octobre 2020 une série de mesures pour “verdir” les aides à l’exportation françaises. Comme le déplore Les Amis de la Terre dans ce billet[8], derrière cet artifice de communication, ces mesures laissent la porte ouverte au soutien à des mégaprojets d’exploitation de gaz jusqu’en 2035, à l’image du projet de Total en Arctique que le Gouvernement s’apprête à subventionner[9]. De son côté, la Grande-Bretagne se dit prête à annoncer une politique bien plus ambitieuse, stoppant les financements export pour tous les projets d’exploitation de pétrole et gaz dès l’année prochaine[10]. La France doit suivre cet exemple.

     

    III. Une fiscalité environnementale qui demeure faible

    Le manque d’ambition dans les dépenses publiques se traduit aussi dans la fiscalité. Il existe bien quelques mesures comme le maintien d’un crédit d’impôt en faveur de l’acquisition et de la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique, la refonte des taxes sur les véhicules à moteur, le renforcement des incitations à l’utilisation d’énergies renouvelables ou l’adaptation de la taxe d’aménagement en vue de lutter contre l’artificialisation des sols.

    Cependant, ces mesures demeurent assez insignifiantes par rapport à l’abandon de la hausse de la fiscalité carbone.Pour rappel, la Commission Quinet et une majorité d’économistes sont en faveur d’une augmentation régulière du prix de la tonne de CO2 pour atteindre les 250 € en 2030 (contre une cinquantaine aujourd’hui). En France, la taxe carbone greffée à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devait augmenter fortement pour rapporter environ 9 milliards au budget de l’État en 2018, et son montant devait doubler d’ici à 2022 pour atteindre plus de 80 euros la tonne de CO2 équivalent carbone (tCO2eq), selon la loi de finances 2018. Il faut maintenir cette trajectoire en compensant, pour les ménages, via une diminution ciblée de la TVA sur les billets de train comme l’a proposé la Convention Citoyenne pour le Climat, une hausse du SMIC et une revalorisation du point d’indice dans la fonction publique. L’Institut Rousseau propose d’ailleurs une suppression pure et simple ou l’application du taux super-réduit de 2,1 % sur les billets de train, sur les produits bio et sur les biocarburants ou les véhicules électriques. Sans ce mouvement coordonné, il est difficilement envisageable de combiner justice sociale et efficacité climatique.

    Par ailleurs, sous prétexte d’éliminer des taxes à faible rendement, le texte abroge aussi une taxe environnementale pourtant utile qui concerne les gaz fluorés ou HFC, ces gaz réfrigérants dont l’effet de serre peut être jusqu’à 10.000 fois plus puissant que le CO2, et pour lesquels des alternatives existent. C’est risquer que son usage s’intensifie, dans un contexte où le secteur du bâtiment a de plus en plus recours aux gaz réfrigérants. On note également la persistance de plusieurs dépenses fiscales très défavorables au climat comme le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés par les exploitants agricoles (1,4 milliard d’euros en PLF 2021), inscrit sur la mission budgétaire Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR). Idem sur la mission Écologie qui comprend des dépenses en faveur du transport routier de marchandises (1,3 milliard d’euros), incompatible avec le nécessaire développement du fret, et des dispositifs en faveur des installations intensives en énergie (0,7 milliard d’euros). Ces dépenses fiscales doivent être supprimées le plus rapidement possible tout en accompagnant les agriculteurs et les transporteurs vers l’utilisation de carburants et de véhicules à faibles émissions.

    Enfin, l’Institut Rousseau avait proposé la création d’un impôt sur la fortune (ISF) écologique dans sa note de mars 2020 « Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique »[11]. Cette proposition a affinée par Greenpeace[12] qui démontre, en s’appuyant sur les données de l’INSEE, que les 10 % des ménages les plus riches ont une empreinte carbone de 46 tCO2eq/an, et même de 189 tCO2eq/an pour les 1% les plus riches, contre 2,9 tCO2eq/an pour les 10 % les plus pauvres. Ainsi, le patrimoine financier des 1 % des ménages les plus riches est associé à une empreinte carbone 66 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres. Il serait ainsi souhaitable de mettre en place un ISF climatique pour les ménages au patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros. Au niveau actuel de 44,6 €/tCO2 appliquée à l’empreinte carbone moyenne des placements financiers de ces ménages permettrait ainsi de rapporter environ 4,3 milliards d’euros à l’État.

    [1]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020.09.30_Rapport%20sur%20l%27impact%20environnemental%20du%20budget%20de%20l%27Etat%20-%20Budget%20Vert.pdf

    [2]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/20/ou-trouver-25-milliards-d-euros-pour-renover-700-000-logements-chaque-annee_6043547_3232.html

    [3] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/bruno-le-maire-et-olivier-dussopt-notre-plan-de-relance-produit-deja-ses-effets-1243116

    [4]https://institut-rousseau.fr/comment-financer-une-politique-ambitieuse-de-reconstruction-ecologique/#:~:text=Un%20autre%20puissant%20outil%20de,des%20banques%20publiques%20d’investissement

    [5] https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2020/09/plf_plan_de_relance.pdf

    [6] https://reseauactionclimat.org/bonusmalus-ecologique-le-reseau-action-climat-publie-une-etude-denvergure/

    [7] https://institut-rousseau.fr/faire-atterrir-le-grand-demenagement-du-monde-vers-une-mobilite-post-carbone/

    [8] https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/plan-climat-du-gouvernement-francais-sur-les-financements-export-vers-un-monde-a-5c/

    [9] Le Monde, La France pourrait soutenir un gigantesque projet gazier dans l’Arctique russe, 2019.

    [10] The Guardian, Boris Johnson poised to stop UK funding overseas fossil fuel projects, août 2020.

    [11] https://institut-rousseau.fr/comment-financer-une-politique-ambitieuse-de-reconstruction-ecologique/

    [12] https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2020/10/Largent-sale-du-captiale-pour-instauration-isf-climatique.pdf

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