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Dénonçons la convention fiscale franco-irlandaise

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      Dénonçons la convention fiscale franco-irlandaise

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      L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 15 juillet 2020 sur les rulings fiscaux irlandais en faveur d’Apple vient démontrer à quel point les outils employés pour combattre la concurrence fiscale entre Etats-membres sont inefficaces : l’absence de dispositifs techniques légaux suffisants et la mauvaise volonté des Etats concernés rendent la tâche ardue.

      Cet arrêt est à appréhender dans le contexte plus large de l’imposition des entreprises transnationales ayant recours à des montages fiscaux entre Etats afin de contourner l’impôt, dont les GAFA sont les plus emblématiques représentants.

      La taxe « GAFA » qui devait permettre de taxer équitablement les géants du numérique avait été provisoirement suspendue en France pour laisser le temps à la négociation internationale d’aboutir, avant que celle-ci ne soit suspendue à son tour le 17 juin 2020 par les Etats-Unis.  Si cette taxation digitale part d’une bonne intention, sa complexité programmée la dessert et l’aspect diplomatique est propre à mettre des secteurs de l’économie nationale en difficulté.

      Sans rentrer dans le détail technique de la taxe GAFA prévue, il semblerait qu’une autre possibilité s’ouvre au législateur, s’il voulait décidément mettre fin à une partie de la sous-taxation de ces entreprises: celle de s’attaquer aux conventions bilatérales tendant à éviter les doubles impositions : en l’occurrence, à la convention fiscale franco-irlandaise.

      Cette convention bilatérale a été dévoyée par la volonté du gouvernement irlandais de transformer son pays en accompagnateur fiscal pour grandes entreprises désireuses de contourner l’impôt. Libre à l’Irlande et à ses dirigeants de construire l’avenir qu’ils choisissent pour leur pays, et la stratégie irlandaise peut se comprendre. Mais rien ne contraint la France, ni les autres nations dans le même cas de figure, à se laisser entraîner par ces décisions.

      La convention bilatérale tendant à éviter les doubles impositions entre la France et l’Irlande est utilisée par de grandes entreprises pour leur permettre d’avoir une activité en France sans y déclarer « d’établissement stable » au sens de la convention bilatérale. Les juristes de Bercy, dans le litige les opposant à Google au sujet de l’imposition de Google France Sarl et de Google Ireland Ltd pour les années fiscales 2005 à 2010, devant le tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel, tentèrent de faire s’imposer une interprétation divergente de cette notion d’établissement stable : cela a échoué. Le parquet national financier a eu recours à un nouveau mécanisme, introduit en 2016, pour solder ses comptes avec ces deux entreprises pour les années fiscales 2011 à 2016 : la convention judiciaire d’intérêt public. Cela a permis à l’Etat de récupérer plus d’un milliard d’euros aux titres des impayés et de l’amende infligée.

      Au lieu d’avoir recours à des mécanismes complexes, comme ceux envisagés pour la taxe GAFA, qui, bien que justifiés, ne contribuent ni à la clarté pour les contribuables ni à l’égalité devant l’impôt, il serait beaucoup plus utile de dénoncer la convention et de contraindre les autorités irlandaises à la renégocier, afin que les utilisateurs légitimes de la convention n’en ressentent pas les contrecoups. L’OCDE a engagé il y a peu dans le cadre de l’IM (Instrument Multilatéral) un mécanisme permettant quelques modifications, mais celui-ci n’était pas contraignant : l’Irlande ayant refusé l’article 12 de l’Instrument Multilatéral en émettant une réserve, la situation est restée inchangée. Il est impératif de redéfinir la notion d’établissement stable dans le texte, ainsi que d’empêcher que des dispositions sur les royalties ne puissent être employées afin que ces grandes entreprises puissent expédier, en dernier ressort, leurs profits dans des zones dont la fiscalité des entreprises oscille entre zéro et zéro (à l’heure actuelle, les îles Bermudes – territoire britannique d’Outre-mer – pour Google, Jersey – dépendance de la Couronne britannique – pour Apple, etc.).

      Une convention fiscale peut être dénoncée très simplement. En juin 2008, le Danemark dénonça la convention fiscale franco-danoise de 1957, afin, entre autres, d’assurer que les anciens résidents danois vivant en France et profitant de leur retraite danoise soient imposés au Danemark.

      Cette décision permettrait d’éviter le face-à-face avec les Etats-Unis, inutilement dommageable pour l’économie française alors qu’une autre solution, beaucoup plus simple, est disponible.

      L’imposition des GAFA tourne souvent au jeu du chat et de la souris où l’administration fiscale, par ce qui semble être force mais n’est que montre de faiblesse, réclame et sanctionne après-coup. La dénonciation de la convention est un préalable idoine à l’imposition de certaines de ces entreprises à la mesure de la richesse qu’elles extraient de l’économie française.

      Publié le 17 juillet 2020

      Dénonçons la convention fiscale franco-irlandaise

      Auteurs

      Jérôme Wyss
      Juriste.

      L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 15 juillet 2020 sur les rulings fiscaux irlandais en faveur d’Apple vient démontrer à quel point les outils employés pour combattre la concurrence fiscale entre Etats-membres sont inefficaces : l’absence de dispositifs techniques légaux suffisants et la mauvaise volonté des Etats concernés rendent la tâche ardue.

      Cet arrêt est à appréhender dans le contexte plus large de l’imposition des entreprises transnationales ayant recours à des montages fiscaux entre Etats afin de contourner l’impôt, dont les GAFA sont les plus emblématiques représentants.

      La taxe « GAFA » qui devait permettre de taxer équitablement les géants du numérique avait été provisoirement suspendue en France pour laisser le temps à la négociation internationale d’aboutir, avant que celle-ci ne soit suspendue à son tour le 17 juin 2020 par les Etats-Unis.  Si cette taxation digitale part d’une bonne intention, sa complexité programmée la dessert et l’aspect diplomatique est propre à mettre des secteurs de l’économie nationale en difficulté.

      Sans rentrer dans le détail technique de la taxe GAFA prévue, il semblerait qu’une autre possibilité s’ouvre au législateur, s’il voulait décidément mettre fin à une partie de la sous-taxation de ces entreprises: celle de s’attaquer aux conventions bilatérales tendant à éviter les doubles impositions : en l’occurrence, à la convention fiscale franco-irlandaise.

      Cette convention bilatérale a été dévoyée par la volonté du gouvernement irlandais de transformer son pays en accompagnateur fiscal pour grandes entreprises désireuses de contourner l’impôt. Libre à l’Irlande et à ses dirigeants de construire l’avenir qu’ils choisissent pour leur pays, et la stratégie irlandaise peut se comprendre. Mais rien ne contraint la France, ni les autres nations dans le même cas de figure, à se laisser entraîner par ces décisions.

      La convention bilatérale tendant à éviter les doubles impositions entre la France et l’Irlande est utilisée par de grandes entreprises pour leur permettre d’avoir une activité en France sans y déclarer « d’établissement stable » au sens de la convention bilatérale. Les juristes de Bercy, dans le litige les opposant à Google au sujet de l’imposition de Google France Sarl et de Google Ireland Ltd pour les années fiscales 2005 à 2010, devant le tribunal administratif puis la Cour administrative d’appel, tentèrent de faire s’imposer une interprétation divergente de cette notion d’établissement stable : cela a échoué. Le parquet national financier a eu recours à un nouveau mécanisme, introduit en 2016, pour solder ses comptes avec ces deux entreprises pour les années fiscales 2011 à 2016 : la convention judiciaire d’intérêt public. Cela a permis à l’Etat de récupérer plus d’un milliard d’euros aux titres des impayés et de l’amende infligée.

      Au lieu d’avoir recours à des mécanismes complexes, comme ceux envisagés pour la taxe GAFA, qui, bien que justifiés, ne contribuent ni à la clarté pour les contribuables ni à l’égalité devant l’impôt, il serait beaucoup plus utile de dénoncer la convention et de contraindre les autorités irlandaises à la renégocier, afin que les utilisateurs légitimes de la convention n’en ressentent pas les contrecoups. L’OCDE a engagé il y a peu dans le cadre de l’IM (Instrument Multilatéral) un mécanisme permettant quelques modifications, mais celui-ci n’était pas contraignant : l’Irlande ayant refusé l’article 12 de l’Instrument Multilatéral en émettant une réserve, la situation est restée inchangée. Il est impératif de redéfinir la notion d’établissement stable dans le texte, ainsi que d’empêcher que des dispositions sur les royalties ne puissent être employées afin que ces grandes entreprises puissent expédier, en dernier ressort, leurs profits dans des zones dont la fiscalité des entreprises oscille entre zéro et zéro (à l’heure actuelle, les îles Bermudes – territoire britannique d’Outre-mer – pour Google, Jersey – dépendance de la Couronne britannique – pour Apple, etc.).

      Une convention fiscale peut être dénoncée très simplement. En juin 2008, le Danemark dénonça la convention fiscale franco-danoise de 1957, afin, entre autres, d’assurer que les anciens résidents danois vivant en France et profitant de leur retraite danoise soient imposés au Danemark.

      Cette décision permettrait d’éviter le face-à-face avec les Etats-Unis, inutilement dommageable pour l’économie française alors qu’une autre solution, beaucoup plus simple, est disponible.

      L’imposition des GAFA tourne souvent au jeu du chat et de la souris où l’administration fiscale, par ce qui semble être force mais n’est que montre de faiblesse, réclame et sanctionne après-coup. La dénonciation de la convention est un préalable idoine à l’imposition de certaines de ces entreprises à la mesure de la richesse qu’elles extraient de l’économie française.

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