Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Nicolas Dufrêne

Nicolas Dufrêne

Conseil d’administrationConseil scientifiqueDirecteur général

Biographie

Nicolas Dufrêne est haut fonctionnaire depuis 2012, économiste et directeur de l’Institut Rousseau depuis mars 2020. Il est co-auteur du livre « Une monnaie écologique » avec Alain Grandjean, paru aux éditions Odile Jacob en 2020 et auteur du livre « La dette au XXIe siècle, comment s’en libérer » (éditions Odile Jacob, 2023). Il est spécialiste des questions institutionnelles, monétaires et des outils de financement public.

nicolas.dufrene@institut-rousseau.fr

Notes publiées

Shein au BHV : symptôme dramatique de la crise de la filière textile

Résumé exécutif : La présence de Shein au BHV symbolise la dérive d’un modèle économique et industriel devenu écologiquement insoutenable. La filière textile, responsable de près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, illustre l’échec d’une économie du jetable qui mine à la fois l’environnement, l’emploi et la souveraineté industrielle. Cette note de l’Institut Rousseau propose des mesures concrètes pour refonder la filière autour de principes de durabilité, de justice sociale et de relocalisation des activités de tri, de réparation et de recyclage. L’Institut Rousseau, par la voix de son directeur Nicolas Dufrêne, a ainsi pu porter sa préoccupation lors des rencontres de la mode responsable (https://rencontresmoderesponsable.fr/), organisées notamment par Victoire Satto, créatrice de The good goods, à Bordeaux le 9 octobre 2025.   Données clés : 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent du textile.  800 000 tonnes de vêtements mis en marché chaque année en France. 1,7 million de tonnes de déchets textiles produits chaque année. Moins de 30 % collectés, 110 000 tonnes recyclées. Objectif : 30 000 emplois créés dans le tri et le recyclage d’ici 2030.   Voir Shein s’installer au BHV n’est pas un simple événement commercial : c’est le symbole d’une tragédie environnementale, sociale et industrielle. Cette tragédie dépasse une marque : elle incarne la faillite d’un modèle économique qui dévore ses propres bases matérielles, épuisant les ressources, les travailleurs et la planète. La filière textile concentre à elle seule près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre — davantage que le transport aérien et maritime réunis. En France, 800 000 tonnes de vêtements sont mises sur le marché chaque année, à des prix en baisse constante : –30 % en vingt ans. Dans le même temps, ces vêtements sont portés deux fois moins longtemps qu’auparavant. Résultat : 1,7 million de tonnes de déchets textiles générés chaque année, dont à peine 30 % sont collectés et 110 000 tonnes réellement recyclées. Ces chiffres racontent une crise systémique : explosion des volumes, saturation des débouchés, complexité des matières et effondrement du réemploi. Derrière Shein, Temu, ou même certaines enseignes françaises, se joue une course à la production infinie — 7 200 nouveaux modèles par jour pour Shein — qui transforme les vêtements en produits jetables et la mode en industrie extractive. Depuis 2020, la France a pourtant ouvert la voie avec la loi AGEC (Anti-gaspillage et économie circulaire) puis la loi Climat et Résilience en 2021. Ces textes ont introduit des avancées notables : l’interdiction de destruction des invendus, la modulation des éco-contributions selon les performances environnementales, la création d’un fonds réparation, l’affichage environnemental des produits. L’idée était simple : intégrer dans le prix des biens une partie, qui aurait dû être croissante, de leur coût écologique réel, et accompagner les dispositifs de réemploi. Mais l’application demeure partielle. La transparence reste lacunaire, les contrôles rares, les contournements nombreux. Aucune évaluation claire n’a encore mesuré la destruction réellement évitée depuis 2022. Les freins sont multiples : Techniques, avec des filières de tri trop peu soutenues donc pas assez efficaces et des textiles souvent irréparables car composés de mélanges complexes ; Économiques, car les coûts de collecte (près de 300 €/tonne) dépassent largement les financements actuels (192 €/tonne en 2025, 228 € prévus en 2026) ; Institutionnels, car la puissance publique se montre trop frileuse à imposer des objectifs plus contraignants aux éco-organismes. Dans ce contexte, le constat est clair : le signal-prix écologique reste trop faible. On ne corrige pas un modèle industriel qui génère 800 000 tonnes de déchets annuels avec un malus plafonné à 20 % sur des t-shirts vendus 4 €. La crise de la mode n’est pas isolée. Elle reflète un effet d’entraînement économique délétère : dans un contexte d’austérité, la qualité et la durabilité régressent. Moins de bio dans les assiettes, plus de voitures d’occasion polluantes, plus de vêtements jetables — et moins de moyens pour les acteurs du réemploi, de la réparation et de l’économie sociale et solidaire. Pourtant, alors qu’en 2024, le Fonds économie circulaire géré par l’ADEME représentait 300 millions d’euros, son budget a été réduit à 170 millions d’euros en 2025. En 2026, il sera à moins de 100 millions d’euros selon le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. Les politiques d’austérité détruisent ainsi les instruments mêmes qui permettraient de réduire notre empreinte écologique. Il faut le dire sans détour : l’austérité est l’ennemie du durable. Elle favorise les acteurs les plus agressifs sur les prix, ceux qui importent massivement à bas coût, et elle prive les structures vertueuses des leviers nécessaires à leur transformation. À ces difficultés viennent s’ajouter les difficultés juridiques, notamment au niveau européen. Début octobre 2025, la Commission européenne a rendu un avis circonstancié qui portait plusieurs critiques sur la proposition de loi “anti-fast fashion”, portée par Anne-Cécile Violland. L’ambition de cette loi est pourtant des plus louables : taxer les produits les moins durables, encadrer la publicité pour les marques ultra-polluantes, moduler les contributions selon le volume de production. Bruxelles a cependant émis des réserves sur plusieurs articles, invoquant la liberté du commerce et la directive sur le commerce électronique. Pourtant, ces arguments ne doivent pas être un prétexte à l’inaction. Les motifs d’intérêt général — santé, environnement, cohésion sociale — peuvent justifier des restrictions à la publicité ou à la mise sur le marché de produits non durables. En 2016, la France avait ainsi pris les devants en interdisant l’importation en France de cerises traités avec du diméthoate, poussant l’ensemble de l’UE à le faire en 2019. Il faut donc parfois savoir forcer des portes. Pour une refondation écologique de la filière textile L’Institut Rousseau plaide ainsi pour une transformation systémique de la filière textile autour de cinq axes concrets : Créer un véritable signal-prix écologique → En modulant beaucoup plus fortement les pénalités environnementales en fonction de la durabilité des produits, et en envisageant une pénalité-plancher pour les articles les moins

Par Dufrêne N.

19 novembre 2025

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

27 juin 2024

Débat des candidats : le fact-checking Le fact-checking détaillé du débat que nous avons organisé avec les candidats aux européennes

Introduction Cet article rend compte des inexactitudes factuelles et déformations prononcées lors du débat électoral européen du 22 mai 2024, organisé par l’Institut Rousseau, en partenariat avec Alternatives économiques, Vert, le média et l’école des Mines de Paris. Ce débat a fait intervenir :  – Jean Marc Germain (PS – Place Publique) – Pascal Canfin (Re) – Marina Mesure (LFI) – Flora Ghebali (Les Écologistes)  La cellule de fact-checking, tant en live qu’à l’issue du débat a été co-animée par l’Institut Rousseau et QuotaClimat. Elle était composée de : – Guillaume Kerlero de Rosbo, directeur Transition écologique de l’Institut Rousseau – Jean Sauvignon, responsable baromètre de l’association QuotaClimat – Titouan Rio, bénévole QuotaClimat – Lucien Mathieu, responsable voitures à Transport & Environnement (sujet Transport) – Nicolas Desquinabo, expert en politiques publiques (sujet Logements) – Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’INRAE (sujets Agriculture) – Serge Besanger, enseignant-chercheur à l’ESCE (sujets Commerce International) – William Honvo, professeur d’économie et de finances publiques (sujets Financement) – Nicolas Dufrene, directeur de l’Institut Rousseau (sujet Financement) – Philippe Ramos, chargé de plaidoyer à Positive Money Europe (sujets Financement) Le débat dans son intégralité est à retrouver ici : Europe, climat, économie : le débat des candidats (version avec fact-checking). Des bandeaux annonçant les fact-checking détaillés ci-dessous sont intégrés à la vidéo. Sur le sujet des Transports LFI – Marina Mesure L’UE favorise la route et l’aviation. La privatisation du ferroviaire a engendré une augmentation du prix des billets et une disparition des petites lignes. 15’12’’ – Inexact : privatisation et libéralisation sont deux choses différentes. La mise en concurrence imposée par l’UE n’implique pas forcément une privatisation, qui relève de l’autorité publique nationale. Cette mise en concurrence peut dans certains cas faire monter les prix, mais elle peut également les faire baisser. Au Royaume-Uni, les prix ont très fortement augmenté mais suite à une privatisation totale du ferroviaire sans soutien de l’Etat sur le prix des billets. Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/vrai-ou-fake-l-ouverture-du-rail-a-la-concurrence-fait-elle-baisser-le-prix-des-billets-de-trains_5885759.html&sa=D&source=docs&ust=1716487803230386&usg=AOvVaw35z1qZVXvEO5PmGFG7k3go   Propose un pass interrail européen pour les jeunes 16”12 – À préciser (déjà existant) : le pass interrail européen pour les jeunes existe déjà PS – PP – Jean-Marc Germain La libéralisation du fret a engendré baisse des flux et hausse des prix. 18’38’’ – Incomplet : la libéralisation n’est pas seule en cause dans la baisse des flux et la hausse des prix, le manque d’investissement et les gains en compétitivité du secteur routier sont également responsables. Source : https://www.transportenvironment.org/topics/rail&sa=D&source=docs&ust=1716495334742427&usg=AOvVaw0nlNsDEmrnpj5WgXjdVLIC    Renaissance – Pascal Canfin Il n’y a aucune chance que la fiscalité sur le kérosène se réalise car il y a toujours un pays qui sera contre. L’aviation a donc été intégrée dans le marché du CO2 en se servant de la majorité qualifiée pour éviter le droit de véto, une raison de la fin du régime dérogatoire. 25’42’’ – Vrai, à nuancer : en effet, le droit de véto peut bloquer une fiscalité globale. Plusieurs pays peuvent en revanche se mettre d’accord pour les vols les concernant. De plus, les Etats peuvent fixer une éco-contribution sur les billets au départ de leur territoire, comme c’est le cas en France depuis 2019. Dans ce cas, c’est du ressort de la politique nationale. Sources: https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2022/07/I4CE-Etude-EvalClimat360%25C2%25B0BudgetEtat-1.pdf&sa=D&source=docs&ust=1716486511321690&usg=AOvVaw1InvZzI0Dee3Lg4KBbZSXr https://www.ouest-france.fr/economie/transports/avion/leurope-ne-parvient-pas-a-taxer-le-kerosene-des-avions-la-france-quelle-le-fera-seule-9f51aa9a-3149-11ee-895b-b99bc8a96af7&sa=D&source=docs&ust=1716493721638038&usg=AOvVaw3Y6jZo-pwqEvAgdR8biJJC  Sur le sujet des Logements Renaissance – Pascal Canfin Personne ne dépensera 40 000€ pour développer un patrimoine qui en vaut 100 000€  31’46’’ – Faux : Dans le cas (rare) des petites maisons « passoires » à 100 000 euros, il y a justement une forte rationalité économique à engager une rénovation « profonde » de 40 000 euros car : Selon l’étude des notaires sur la valeur verte, les biens passant d’une étiquette F-G à B bénéficient d’une valorisation de 20 à 36% https://www.notaires.fr/fr/actualites/la-valeur-verte-des-logements-en-2022-et-tendances-2023 Dès le premier hiver, les gains sur les factures énergétiques pourront dépasser 1500 euros/an (ex. I4CE pp.22-23) https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2023/10/La-transition-est-elle-accessible-a-tous-les-menages.pdf Le frein principal à ces travaux est qu’ils concernent principalement des ménages modestes sans épargne ni accès au crédit, d’où les aides et avances « Sérénité / Rénovation d’ampleur » puis « Parcours accompagné » mis en place par…Renaissance en France https://www.economie.gouv.fr/particuliers/maprimerenov-parcours-accompagne-tout-savoir-sur-cette-aide https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35083 Quand Emmanuel Macron est arrivé à l’Élysée, 80% de Ma Prime Rénov profitait aux ménages riches, aujourd’hui c’est 80% pour les ménages précaires, essentiellement grâce aux réformes du gouvernement. 33’09’’ – Faux : en 2023 70% des bénéficiaires de Ma Prime Rénov’ étaient des ménages “modestes”, mais seulement 46% des “très modestes”, correspondant donc aux 80% pour les ménages “précaires” annoncés. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/20230127_Reporting-MPR-filiere-bilan-2022.pdf https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-01/202401_ChiffresCles2023_WEBA.pdf   Les Écologistes – Flora Ghebali Passer de 0,2% de rénovation annuelle aujourd’hui à 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 et atteindre les objectifs de neutralité carbone. 35’39’’ – Imprécis : le taux de rénovation énergétique annuel au sens large est nettement plus élevé (12,3% des logements), le taux de 0,2% évoqué correspond probablement aux rénovations “profondes”, entraînant plus de 60% de gains énergétiques. Par ailleurs, la cible de 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 est correcte. Sources : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/97d6a4ca-5847-11ea-8b81-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-119528141 On peut créer 110 000 emplois rien qu’avec la rénovation énergétique d’après le Shift Project. 36’ – Vrai : selon le Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) Source : https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-le-logement-individuel-et-collectif/   LFI – Marina Mesure 30% c’est la couverture actuelle proposée à un ménage pour la rénovation de son logement.  38’10’’ – Faux : le taux de 30% est loin d’être la moyenne : en France le taux d’aide pour une rénovation d’ampleur va de 30% à 90%, avec un plafond de 40 000€ à 70 000€ selon cas de figures. Dans les autres pays, les taux d’aide sont très variables, mais le plus souvent supérieurs à 30% pour les rénovations “d’ampleur” des ménages modestes, hormis en Allemagne où les taux d’aides à la rénovation énergétique sont pour la plupart inférieurs à 30%.  Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-02/202402_Guide_des_aides_WEBA.pdf https://www.energieheld.de/foerderung/institute-anbieter/beg-aenderungen-2024    À Marseille, les charges de certains HLM ont augmenté de 300%. 38’59’’ – Difficile à vérifier : en effet, une affaire médiatisée en 2023 fait mention de 200% d’augmentation pour certains locataires d’un bailleur spécifique à Marseille. Source :

Par Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Ramos P.

27 mai 2024

Shein au BHV : symptôme dramatique de la crise de la filière textile

Résumé exécutif : La présence de Shein au BHV symbolise la dérive d’un modèle économique et industriel devenu écologiquement insoutenable. La filière textile, responsable de près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, illustre l’échec d’une économie du jetable qui mine à la fois l’environnement, l’emploi et la souveraineté industrielle. Cette note de l’Institut Rousseau propose des mesures concrètes pour refonder la filière autour de principes de durabilité, de justice sociale et de relocalisation des activités de tri, de réparation et de recyclage. L’Institut Rousseau, par la voix de son directeur Nicolas Dufrêne, a ainsi pu porter sa préoccupation lors des rencontres de la mode responsable (https://rencontresmoderesponsable.fr/), organisées notamment par Victoire Satto, créatrice de The good goods, à Bordeaux le 9 octobre 2025.   Données clés : 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent du textile.  800 000 tonnes de vêtements mis en marché chaque année en France. 1,7 million de tonnes de déchets textiles produits chaque année. Moins de 30 % collectés, 110 000 tonnes recyclées. Objectif : 30 000 emplois créés dans le tri et le recyclage d’ici 2030.   Voir Shein s’installer au BHV n’est pas un simple événement commercial : c’est le symbole d’une tragédie environnementale, sociale et industrielle. Cette tragédie dépasse une marque : elle incarne la faillite d’un modèle économique qui dévore ses propres bases matérielles, épuisant les ressources, les travailleurs et la planète. La filière textile concentre à elle seule près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre — davantage que le transport aérien et maritime réunis. En France, 800 000 tonnes de vêtements sont mises sur le marché chaque année, à des prix en baisse constante : –30 % en vingt ans. Dans le même temps, ces vêtements sont portés deux fois moins longtemps qu’auparavant. Résultat : 1,7 million de tonnes de déchets textiles générés chaque année, dont à peine 30 % sont collectés et 110 000 tonnes réellement recyclées. Ces chiffres racontent une crise systémique : explosion des volumes, saturation des débouchés, complexité des matières et effondrement du réemploi. Derrière Shein, Temu, ou même certaines enseignes françaises, se joue une course à la production infinie — 7 200 nouveaux modèles par jour pour Shein — qui transforme les vêtements en produits jetables et la mode en industrie extractive. Depuis 2020, la France a pourtant ouvert la voie avec la loi AGEC (Anti-gaspillage et économie circulaire) puis la loi Climat et Résilience en 2021. Ces textes ont introduit des avancées notables : l’interdiction de destruction des invendus, la modulation des éco-contributions selon les performances environnementales, la création d’un fonds réparation, l’affichage environnemental des produits. L’idée était simple : intégrer dans le prix des biens une partie, qui aurait dû être croissante, de leur coût écologique réel, et accompagner les dispositifs de réemploi. Mais l’application demeure partielle. La transparence reste lacunaire, les contrôles rares, les contournements nombreux. Aucune évaluation claire n’a encore mesuré la destruction réellement évitée depuis 2022. Les freins sont multiples : Techniques, avec des filières de tri trop peu soutenues donc pas assez efficaces et des textiles souvent irréparables car composés de mélanges complexes ; Économiques, car les coûts de collecte (près de 300 €/tonne) dépassent largement les financements actuels (192 €/tonne en 2025, 228 € prévus en 2026) ; Institutionnels, car la puissance publique se montre trop frileuse à imposer des objectifs plus contraignants aux éco-organismes. Dans ce contexte, le constat est clair : le signal-prix écologique reste trop faible. On ne corrige pas un modèle industriel qui génère 800 000 tonnes de déchets annuels avec un malus plafonné à 20 % sur des t-shirts vendus 4 €. La crise de la mode n’est pas isolée. Elle reflète un effet d’entraînement économique délétère : dans un contexte d’austérité, la qualité et la durabilité régressent. Moins de bio dans les assiettes, plus de voitures d’occasion polluantes, plus de vêtements jetables — et moins de moyens pour les acteurs du réemploi, de la réparation et de l’économie sociale et solidaire. Pourtant, alors qu’en 2024, le Fonds économie circulaire géré par l’ADEME représentait 300 millions d’euros, son budget a été réduit à 170 millions d’euros en 2025. En 2026, il sera à moins de 100 millions d’euros selon le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. Les politiques d’austérité détruisent ainsi les instruments mêmes qui permettraient de réduire notre empreinte écologique. Il faut le dire sans détour : l’austérité est l’ennemie du durable. Elle favorise les acteurs les plus agressifs sur les prix, ceux qui importent massivement à bas coût, et elle prive les structures vertueuses des leviers nécessaires à leur transformation. À ces difficultés viennent s’ajouter les difficultés juridiques, notamment au niveau européen. Début octobre 2025, la Commission européenne a rendu un avis circonstancié qui portait plusieurs critiques sur la proposition de loi “anti-fast fashion”, portée par Anne-Cécile Violland. L’ambition de cette loi est pourtant des plus louables : taxer les produits les moins durables, encadrer la publicité pour les marques ultra-polluantes, moduler les contributions selon le volume de production. Bruxelles a cependant émis des réserves sur plusieurs articles, invoquant la liberté du commerce et la directive sur le commerce électronique. Pourtant, ces arguments ne doivent pas être un prétexte à l’inaction. Les motifs d’intérêt général — santé, environnement, cohésion sociale — peuvent justifier des restrictions à la publicité ou à la mise sur le marché de produits non durables. En 2016, la France avait ainsi pris les devants en interdisant l’importation en France de cerises traités avec du diméthoate, poussant l’ensemble de l’UE à le faire en 2019. Il faut donc parfois savoir forcer des portes. Pour une refondation écologique de la filière textile L’Institut Rousseau plaide ainsi pour une transformation systémique de la filière textile autour de cinq axes concrets : Créer un véritable signal-prix écologique → En modulant beaucoup plus fortement les pénalités environnementales en fonction de la durabilité des produits, et en envisageant une pénalité-plancher pour les articles les moins

Par Dufrêne N.

29 mars 2024

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

29 mars 2024