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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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judith kleman

Judith Kleman

Biographie

diplômée de l’Université Paris Dauphine, Judith Kleman est doctorante en macroéconomie et économie du travail.

Notes publiées

Les Golden shares comme outils de planification écologique en alternative aux participations de l’État

Judith Kleman et Camille Souffron Pour l’Institut Rousseau Octobre 2024 Introduction                                                                                          2 Actions spécifiques : outils de contrôle et de gouvernance partagée 4 Actions spécifiques : qu’est-ce ? 4 Actions spécifiques et loi PACTE : une extension toujours limitée par les traités européens 6 Une alternative à l’entrée de l’État au capital et à la nationalisation pour la planification écologique 8 Court contre long terme : contrer la primauté de la valeur actionnariale et orienter les choix stratégiques 8 Quelles solutions face à la difficile prise en compte des enjeux environnementaux dans l’entreprise ? 9 Faire des participations de l’État plus qu’un outil passif de recettes : la nécessité de la mise en place d’un réel État-stratège pour mener la transition écologique 10 III. Quels secteurs concernés et quelles évolutions du droit nécessaires ?                                                                                        12 Aujourd’hui, un ensemble de secteurs stratégiques délimité 12 (Re)définir les secteurs stratégiques et les élargir aux enjeux environnementaux 13 Propositions                                                                                        14 Résumé général : Nous proposons la réappropriation de l’outil de l’action spécifique (golden share) par l’État, action qui lui donne des prérogatives et droits spécifiques largement supérieurs à ceux des actionnaires ordinaires, sans qu’il soit pour autant actionnaire majoritaire. Nous proposons également le développement de nouveaux mécanismes juridiques et administratifs pour renforcer la souveraineté nationale, développer de réelles stratégies économiques, piloter la nécessaire transition écologique et affronter les crises actuelles. Proposition n°1 : ●      Réappropriation par l’État de l’action spécifique dans des entreprises stratégiques (Total, Veolia). ●      Élargissement du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE) et des secteurs sensibles du Code monétaire. ●      Utilisation de l’action spécifique pour relancer des activités productives innovantes (i.e. mines de lithium, IA). Proposition n°2 : ●      Couplage avec une planification économique et écologique ambitieuse. ●      Mobilisation de différents services et organismes d’État pour sortir de la gestion passive des participations. Encouragement de la transformation des entreprises vers des missions sociales (affectio societatis). Proposition n°3 : ●      Développement de nouveaux droits dans l’action spécifique (inspirés de l’Allemagne et des Pays-Bas) : droit de véto de l’État sur des votes stratégiques, interdiction de développer des activités nuisibles, obligation de réinvestir une partie des profits, plafond des droits de vote pour les gros actionnaires. ●      Sélection de droits conférés selon les enjeux de chaque entreprise pour éviter l’opposition de la CJUE. Proposition n°4 : ●      Conditionnement des financements et commandes publics à des critères environnementaux, sociaux, et économiques. Proposition n°5 : ●      Création d’une autorité de contrôle du devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale, sociale, et des droits humains. Inclusion des entreprises étrangères opérant en France dans ce contrôle. Proposition n°6 : ●      Adaptation du cadre européen (TFUE) pour développer le périmètre et les droits des actions spécifiques des États membres, bien que la révision des traités soit difficile. ●      Utilisation de précédents juridiques pour justifier la réappropriation d’entreprises stratégiques face aux crises écologiques. Sélection précise des droits pour éviter un blocage européen. Introduction Le 19 juin dernier était publié le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe Total Energies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, avec une liste de recommandations. Parmi ces dernières, un outil juridique d’une grande influence et peu discuté dans le débat public a été remis au goût du jour : l’action spécifique. Le rapport appelle en effet l’État à en acquérir une dans l’énergéticien à la fois pour organiser sa transition écologique et le protéger de l’américanisation massive de son actionnariat. L’action spécifique pourrait être un puissant outil de planification écologique, en plus de la défense des intérêts stratégiques de la France. D’autant que le concept de planification écologique s’est récemment développé dans le débat public et là où on ne l’attendait pas à une échelle remarquable, que ce soit chez des économistes comme Jean Pisani-Ferry évoquant le retour d’une « économie de pénurie »[1], ou bien directement au sein du gouvernement qui en revendique le terme[2].   La planification écologique, déjà évoquée dès 1972 par le président de la Commission européenne Sicco Mansholt dans sa fameuse lettre[3], peut s’avérer prometteuse voire nécessaire[4] dans une conjoncture économique instable et face aux conséquences de l’effondrement écologique, au vu des besoins en termes d’investissement[5] et de coordination des secteurs public et privé. Mais encore faut-il que cette planification soit réalisée par un État-stratège avec une vision cohérente, au-delà des purs effets d’annonce et aspects marketing. Or, dans le rapport d’information sénatorial de 2021 sur les participations annuelles de l’État[6], la sénatrice LR Martine Berthet notait qu’il était de plus en plus difficile de deviner une stratégie de long terme de la part de l’État français, et cela particulièrement au sujet de la dimension actionnariale de l’État. Selon ce rapport, le compte d’affectation spéciale « participations financières de l’État », regroupant recettes et cessions des dites participations, ne serait devenu depuis 2017 qu’un « outil comptable de la politique d’investissement de l’État » plutôt « qu’un levier d’action de l’État stratège ». La Cour des comptes va jusqu’à parler de « perte de substance »[7].   Autrement dit, plutôt que d’investir et de soutenir des secteurs stratégiques pour l’intérêt national, de sauvegarder la souveraineté économique du pays face à des gestionnaires court-termistes et des investisseurs étrangers, la gestion des actions de l’État suivrait désormais une simple logique d’optimisation du budget à court terme. L’État lui-même ferait parfois pression sur les actionnaires privés et les conseils d’administration pour verser et augmenter les dividendes ou bien réaliser des choix stratégiques dans le seul but de maximiser le taux de marge d’EBIT[8], par exemple chez Thalès[9], alors que l’on aurait à l’inverse pu penser que l’État était un garde-fou face aux pressions de la valorisation actionnariale.   Pourtant, l’État se retrouve rattrapé par l’urgence environnementale, dépassant le seul impératif climatique[10]. Une telle transformation impose de préparer les structures économiques et de coordonner un ensemble d’investissements publics (cf. le rapport 2 % de 2°C de l’Institut Rousseau) mais aussi privés. Nombre

Par Kleman J., Souffron C.

4 octobre 2024

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

27 juin 2024

L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

22 juin 2024

Les Golden shares comme outils de planification écologique en alternative aux participations de l’État

Judith Kleman et Camille Souffron Pour l’Institut Rousseau Octobre 2024 Introduction                                                                                          2 Actions spécifiques : outils de contrôle et de gouvernance partagée 4 Actions spécifiques : qu’est-ce ? 4 Actions spécifiques et loi PACTE : une extension toujours limitée par les traités européens 6 Une alternative à l’entrée de l’État au capital et à la nationalisation pour la planification écologique 8 Court contre long terme : contrer la primauté de la valeur actionnariale et orienter les choix stratégiques 8 Quelles solutions face à la difficile prise en compte des enjeux environnementaux dans l’entreprise ? 9 Faire des participations de l’État plus qu’un outil passif de recettes : la nécessité de la mise en place d’un réel État-stratège pour mener la transition écologique 10 III. Quels secteurs concernés et quelles évolutions du droit nécessaires ?                                                                                        12 Aujourd’hui, un ensemble de secteurs stratégiques délimité 12 (Re)définir les secteurs stratégiques et les élargir aux enjeux environnementaux 13 Propositions                                                                                        14 Résumé général : Nous proposons la réappropriation de l’outil de l’action spécifique (golden share) par l’État, action qui lui donne des prérogatives et droits spécifiques largement supérieurs à ceux des actionnaires ordinaires, sans qu’il soit pour autant actionnaire majoritaire. Nous proposons également le développement de nouveaux mécanismes juridiques et administratifs pour renforcer la souveraineté nationale, développer de réelles stratégies économiques, piloter la nécessaire transition écologique et affronter les crises actuelles. Proposition n°1 : ●      Réappropriation par l’État de l’action spécifique dans des entreprises stratégiques (Total, Veolia). ●      Élargissement du périmètre de l’Agence des participations de l’État (APE) et des secteurs sensibles du Code monétaire. ●      Utilisation de l’action spécifique pour relancer des activités productives innovantes (i.e. mines de lithium, IA). Proposition n°2 : ●      Couplage avec une planification économique et écologique ambitieuse. ●      Mobilisation de différents services et organismes d’État pour sortir de la gestion passive des participations. Encouragement de la transformation des entreprises vers des missions sociales (affectio societatis). Proposition n°3 : ●      Développement de nouveaux droits dans l’action spécifique (inspirés de l’Allemagne et des Pays-Bas) : droit de véto de l’État sur des votes stratégiques, interdiction de développer des activités nuisibles, obligation de réinvestir une partie des profits, plafond des droits de vote pour les gros actionnaires. ●      Sélection de droits conférés selon les enjeux de chaque entreprise pour éviter l’opposition de la CJUE. Proposition n°4 : ●      Conditionnement des financements et commandes publics à des critères environnementaux, sociaux, et économiques. Proposition n°5 : ●      Création d’une autorité de contrôle du devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale, sociale, et des droits humains. Inclusion des entreprises étrangères opérant en France dans ce contrôle. Proposition n°6 : ●      Adaptation du cadre européen (TFUE) pour développer le périmètre et les droits des actions spécifiques des États membres, bien que la révision des traités soit difficile. ●      Utilisation de précédents juridiques pour justifier la réappropriation d’entreprises stratégiques face aux crises écologiques. Sélection précise des droits pour éviter un blocage européen. Introduction Le 19 juin dernier était publié le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe Total Energies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, avec une liste de recommandations. Parmi ces dernières, un outil juridique d’une grande influence et peu discuté dans le débat public a été remis au goût du jour : l’action spécifique. Le rapport appelle en effet l’État à en acquérir une dans l’énergéticien à la fois pour organiser sa transition écologique et le protéger de l’américanisation massive de son actionnariat. L’action spécifique pourrait être un puissant outil de planification écologique, en plus de la défense des intérêts stratégiques de la France. D’autant que le concept de planification écologique s’est récemment développé dans le débat public et là où on ne l’attendait pas à une échelle remarquable, que ce soit chez des économistes comme Jean Pisani-Ferry évoquant le retour d’une « économie de pénurie »[1], ou bien directement au sein du gouvernement qui en revendique le terme[2].   La planification écologique, déjà évoquée dès 1972 par le président de la Commission européenne Sicco Mansholt dans sa fameuse lettre[3], peut s’avérer prometteuse voire nécessaire[4] dans une conjoncture économique instable et face aux conséquences de l’effondrement écologique, au vu des besoins en termes d’investissement[5] et de coordination des secteurs public et privé. Mais encore faut-il que cette planification soit réalisée par un État-stratège avec une vision cohérente, au-delà des purs effets d’annonce et aspects marketing. Or, dans le rapport d’information sénatorial de 2021 sur les participations annuelles de l’État[6], la sénatrice LR Martine Berthet notait qu’il était de plus en plus difficile de deviner une stratégie de long terme de la part de l’État français, et cela particulièrement au sujet de la dimension actionnariale de l’État. Selon ce rapport, le compte d’affectation spéciale « participations financières de l’État », regroupant recettes et cessions des dites participations, ne serait devenu depuis 2017 qu’un « outil comptable de la politique d’investissement de l’État » plutôt « qu’un levier d’action de l’État stratège ». La Cour des comptes va jusqu’à parler de « perte de substance »[7].   Autrement dit, plutôt que d’investir et de soutenir des secteurs stratégiques pour l’intérêt national, de sauvegarder la souveraineté économique du pays face à des gestionnaires court-termistes et des investisseurs étrangers, la gestion des actions de l’État suivrait désormais une simple logique d’optimisation du budget à court terme. L’État lui-même ferait parfois pression sur les actionnaires privés et les conseils d’administration pour verser et augmenter les dividendes ou bien réaliser des choix stratégiques dans le seul but de maximiser le taux de marge d’EBIT[8], par exemple chez Thalès[9], alors que l’on aurait à l’inverse pu penser que l’État était un garde-fou face aux pressions de la valorisation actionnariale.   Pourtant, l’État se retrouve rattrapé par l’urgence environnementale, dépassant le seul impératif climatique[10]. Une telle transformation impose de préparer les structures économiques et de coordonner un ensemble d’investissements publics (cf. le rapport 2 % de 2°C de l’Institut Rousseau) mais aussi privés. Nombre

Par Kleman J., Souffron C.

22 juin 2024

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Par Giraud G., Souffron C., Bordenave M., Kerlero de Rosbo G., Desquinabo N., Dufrêne N., Driouich R., Ramos P., Dicale L., Kleman J.

22 juin 2024

Travaux externes

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