fbpx

Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Judith Kleman

Sommaire

    Accueil>Auteur>Judith Kleman
    judith kleman

    Judith Kleman

    Biographie

    diplômée de l’Université Paris Dauphine, Judith Kleman est doctorante en macroéconomie et économie du travail.

    Notes publiées

    L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

    I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

    Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

    22 juin 2024

    L’entreprise de demain, un bien commun au service de l’intérêt général

    I. Le contexte La démocratie s’est arrêtée aux portes de l’entreprise. Le capital est prédominant dans la prise de décision, les droits politiques au sein de l’entreprise étant dépendants de l’apport en capital financier. Or, les actionnaires et leurs représentants au sein du conseil d’administration ne défendent que leurs propres intérêts : celui de la maximisation de la valeur actionnariale et des versements de dividendes. Au cours des quarante dernières années, cette tendance s’est exacerbée avec la financiarisation croissante de l’économie ; le partage de la valeur ajoutée (VA) se fait de plus en plus en faveur des actionnaires. Ainsi, l’augmentation des revenus du travail n’est plus indexée sur celle de la productivité. De leur côté, la rémunération des actionnaires atteint des niveaux indécents (les sociétés du CAC 40 ont versé 67 milliards d’euros de dividendes purs en 2023. Les rachats d’actions par les entreprises, ayant souvent pour objectif d’augmenter leur valeur grâce à une diminution de leur nombre, ont représenté 30 milliards d’euros). Les actionnaires stables ont laissé la place à des fonds de capitalisation vautours : les actionnaires sont très souvent aujourd’hui extérieurs à l’entreprise. Ces fonds sont intéressés au seul rendement court-terme, au détriment de la vision stratégique de l’entreprise : la part des investissements dans la valeur ajoutée a ainsi nettement baissé (Durand, Gueuder, 2018). Cela conduit à une double impasse, ce mode de gouvernance d’entreprise étant devenu absolument incompatible avec les enjeux auxquels nous faisons face et avec les tendances de fond imprégnant le monde du travail. D’abord avec l’impossibilité de mettre en place les investissements nécessaires à la transition écologique et climatique, pourtant indispensable. Ensuite, du fait de la crise de légitimité de l’entreprise capitaliste :  d’abord parce que le rapport au travail a profondément changé (évolution portée en particulier par les jeunes générations qui expriment des attentes nouvelles sur le sens du travail, leur place et leur rôle dans l’entreprise). Ensuite parce qu’un mouvement de fond attribue à l’entreprise une responsabilité sociale et environnementale, voire un rôle citoyen. Enfin, parce que la concentration du pouvoir aux mains des actionnaires est devenue un anti-modèle, il semble donc nécessaire d’aller plus loin que la présence de contre-pouvoirs représentant les salariés face à la direction. Il est donc temps de reconnaître la qualité des salariés « investisseurs en travail » à l’égal de celles des actionnaires, « investisseurs en capital ». Nous proposons de refonder la gouvernance d’entreprise en ne visant pas qu’un partage plus équitable des profits générés mais bien celui du pouvoir. Mettre en œuvre ces propositions nous semble absolument nécessaire, car l’entreprise actionnariale actuelle ne changera jamais d’elle-même. II. Permettre le partage du pouvoir Créer un nouveau statut d’entreprise, l’entreprise à responsabilité sociale partagée, visant à devenir un modèle alternatif crédible à l’entreprise actionnariale, afin de répartir égalitairement le pouvoir entre actionnaires et salariés (considérés comme parties constituantes de l’entreprise). Le programme du NFP propose qu’un tiers des sièges reviennent aux salariés : cette proposition amorce une trajectoire positive que nous souhaitons plus ambitieuse pour aboutir à un véritable changement du cadre de référence de l’entreprise actionnariale. Nous proposons donc que le pouvoir soit réparti égalitairement (50/50). Inclure dans le statut de l’entreprise que son objectif premier est de privilégier une mission spécifique et non la maximisation du profit.  Fonder la rémunération des dirigeants aussi sur la performance sociale et environnementale et la réalisation d’objectifs définis en rapport avec la « mission » de l’entreprise, et non plus seulement sur la performance économique de l’entreprise. La création d’un comité des sages avec un rôle de surveillance. Il sera composé des autres parties prenantes de l’entreprise : les collectivités territoriales, les ONG concernées. Ce comité des sages sera doté d’un large pouvoir d’investigation et disposera de la possibilité de déclencher l’équivalent d’une procédure d’alerte en cas de dérives importantes par rapport à la mission. Son rapport annuel ferait partie des états financiers, objet de la certification des comptes, à côté du reporting ESG relatif aux domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance. Réconcilier les investisseurs avec la logique de long terme : Conditionner la rémunération des actionnaires à leur implication dans l’entreprise en favorisant les actionnaires durables : l’idée est d’attribuer des droits de vote et des dividendes variables en fonction de la durée de détention des actions, le droit de vote serait assujetti à une durée de détention minimale. Créer un livret d’épargne « entreprise responsable » présentant les mêmes avantages fiscaux pour les épargnants que le livret A. L’épargne collectée viendrait alimenter un fonds « entreprise responsable », dont la gestion serait co-assurée par la Caisse des Dépôts et un comité des représentants des épargnants désignés par les titulaires. Nécessité de mettre en place un organisme de contrôle, évitant que ces financements ne se dirigent vers des entreprises ne remplissant pas les critères présentés. Orienter la commande et les aides publiques vers les entreprises à responsabilité sociale partagée : nous proposons de réserver ainsi 20 % de la commande publique (son montant est estimé à 110 milliards en 2019), et autour de 25 % des aides publiques (le montant de ces aides est compris entre 165 milliards et 200 milliards). III. Que peuvent y gagner les citoyens ? Un réel partage du pouvoir au sein de l’entreprise permettrait aux salariés d’avoir un impact sur leurs conditions de travail, leur rémunération et le sens de leur activité. (On peut également relever une souffrance au travail liée à la réalisation de tâches vides de sens et à une impossibilité pour les employés de réaliser correctement leur travail). Cela  permettrait également des trajectoires professionnelles durables, de bénéficier de formations qualifiantes pour les jeunes, une politique d’emploi des seniors, etc. Il s’agirait également de permettre une remise en cause des normes managériales qui aujourd’hui sont à l’origine d’une intensification du travail.  Faire de l’entreprise un lieu d’exercice de la démocratie. Parce que le partage du pouvoir serait de 50/50. Et parce que ce partage égalitaire du pouvoir permettrait de faire émerger un processus de discussions entre

    Par Kleman J., Prosperi J., Bonnevay R., Moutenet P.

    22 juin 2024

    Travaux externes

      Partager

      EmailFacebookTwitterLinkedInTelegram