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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Marc Marienval

Biographie

Haut fonctionnaire.

Notes publiées

La réforme des retraites, du clash au crash démocratique : le rendez-vous manqué du Conseil constitutionnel

Crise démocratique, n’ayons pas peur des mots ! En sus d’une crise sociale et écologique, pourrait bien résulter une crise de régime politique. Ancrée depuis plusieurs décennies, la crise de la représentation fut portée sur le devant de la scène publique par le mouvement des gilets jaune. À l’ère du netizen – citoyen hyperconnecté – la légitimité démocratique se voudrait davantage procédurale : « la décision légitime […] résulte de la délibération de tous »[1]. Face à ces revendications, le chef de l’État n’a eu de cesse de rappeler sa prétendue détermination à relégitimer démocratiquement le processus de décision via de nouvelles méthodes délibératives englobantes : Grand débat, conventions, CNR… En vain. Pour preuve, dans ce contexte de crise de la « généralisation de la volonté »[2], le pouvoir exécutif a choisi de porter une réforme des retraites clivante dont la principale mesure, le report de l’âge légal de départ à 64 ans, est contestée par l’ensemble des syndicats et très massivement rejetée par les Français. Pour mener à bien sa réforme, le Gouvernement a utilisé l’arsenal du parlementarisme hyper-rationalisé que fournit la Constitution de la Vème République heurtant, davantage encore, le peu de confiance de ses « gouvernés » envers leurs institutions. Prenons les choses à rebours. À l’Assemblée, l’examen du texte s’est achevé par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Incapable de dégager une majorité solide pour adopter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a utilisé – et ce, pour la onzième fois depuis le début de la législature – cette arme atomique prévue par la Constitution permettant de faire adopter un texte sans vote, en mettant en jeu la responsabilité du gouvernement. Faute d’atteinte du nombre de votes requis en faveur de la motion de censure transpartisane LIOT présentée, la réforme des retraites se trouve entérinée mais il s’en est fallu de peu : 9 voix ont manqué pour renverser le gouvernement Borne ! L’Assemblée nationale ne se sera donc en réalité jamais prononcée directement sur ce texte fondamental, les travaux ayant été interrompus sans passage au vote en première lecture… Si le Gouvernement fait valoir qu’un vote a bien eu lieu au Sénat[3] – ce qui ne compense pas d’ailleurs l’absence de vote au sein de la chambre légitimement élue sur un sujet d’une telle importance – il faut dire que celui-ci fut obtenu au prix du recours à l’utilisation du fameux « vote bloqué » de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution. Concrètement, ce mécanisme permet au Gouvernement de demander un vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui. La violence du processus[4] est telle que le gouvernement a utilisé cette procédure sur l’ensemble du texte : les parlementaires peuvent débattre et s’exprimer, sans qu’il leur soit toutefois permis de passer au vote, article par article, selon leurs amendements. En somme, le dictat du tout ou rien, le choix binaire du à prendre ou laisser. Alors que l’essence de la discussion parlementaire requiert que chaque amendement, chaque article soit examiné puis voté, le 44-3 empêche cette fécondité délibérative pour obliger à un vote unique, pour ou contre, l’ensemble du texte. Foncièrement, le choix du véhicule législatif utilisé pourrait bien vicier l’ensemble du processus législatif. En choisissant d’insérer cette réforme des retraites dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) régi par l’article 47-1 plutôt que dans un projet de loi ordinaire, le Gouvernement a certainement joué avec le texte constitutionnel, obligeant le Parlement à se prononcer sur ce texte capital sous 50 jours. L’on notera, tout d’abord, qu’aucune des grandes réformes des retraites de ces 20 dernières années ne fut soumise à la procédure de l’art 47-1, même si le Sénat tentait déjà d’incorporer des amendements relatifs à cet objet dans les PLFSS précédents. Le problème se pose avec une acuité grandissante s’agissant d’un PLFRSS, consistant, en principe, à rectifier, les budgets adoptés en cours d’exercice. En l’espèce, les dispositions litigieuses du PLFRSS relèvent, par opposition au domaine exclusif, du domaine partagé des lois de financement : le premier regroupe les dispositions pour lesquelles les LFSS disposent d’un monopole (par exemple l’affectation totale ou partielle d’une recette exclusive du champ « LFSS » à une autre personne morale), le second les dispositions qui peuvent indifféremment figurer en loi ordinaire ou en LFSS[5]. Or, on constate depuis de nombreuses années, une extension problématique de ce domaine partagé, en PLF et en PLFSS, permettant au Gouvernement de faire ainsi bénéficier à des mesures plutôt clivantes (on pense au gel des minimas sociaux en 2017) une telle procédure de contournement. En effet, les procédures d’examen des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale fixées aux articles 47 et 47-1 et par extension rectificatifs comme en l’espèce, se caractérisent par leur caractère dérogatoire quant à la procédure parlementaire suivie (texte du Gouvernement examiné en séance, une seule lecture, délais stricts d’examen…), se justifiant par l’urgence. Cette méthode du recours à un PLF ou PLFSS et surtout à un PLFR ou à un PLFRSS pour faire passer des mesures sociales si capitales ne doit pas être ignoré. Le danger est grand de créer un précédent dans lequel les futurs gouvernements pourront s’engouffrer : toute réforme ayant un impact social réel, sous couvert d’impact budgétaire – et rares sont celles qui n’en ont pas – pourrait à terme être portée par un PLF ou un PLFSS et par extension un PLFR ou un PLFRSS et bénéficier d’une procédure parlementaire dérogatoire. Il faut également rappeler que l’article 49-3, restreint dans son utilisation à celui d’un par session, n’est pas comptabilisé quand il en est fait usage sur des PLF ou PLFSS et par extension rectificatifs. Que reste-t-il dès lors pour empêcher l’entrée en vigueur de la réforme des retraites ? Qu’il s’agisse d’acter l’illégalité de la réforme ou de permettre l’organisation d’un référendum d’initiative partagée tendant à interdire la fixation de l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans,

Par Toudic B., Marienval M.

14 avril 2023

Un Parlement confiné ?

La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui soulève rétrospectivement trois niveaux de questions, à court, moyen et long terme. Sur le long terme, la question est d’ordre civilisationnel. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » écrivait Paul Valéry. À l’heure de l’anthropocène, notre modèle de développement économique est-il viable ? Sur le moyen terme, le problème est celui de la préparation de notre société et de l’État devant cette pandémie et, plus globalement, la capacité de l’État moderne à protéger ses citoyens. Sur le court terme, enfin, la question est celle de la gestion de la crise par le Gouvernement et son efficacité. Évidemment, toutes ces questions sont éminemment politiques et devraient être discutées dans le lieu d’expression par excellence du débat démocratique, à savoir le Parlement. La démocratie peut en effet s’accommoder de régimes d’exception. Ceux-ci sont même nécessaires, lorsque la bonne marche des institutions n’est plus possible aux vues de l’état du pays. Ce fut le cas en l’espèce. On peut, certes, contester l’opportunité et le contenu de la loi relative à l’état d’urgence sanitaire, pas la nécessité de déroger à certaines dispositions du droit commun pour tenter de répondre efficacement à la crise. Toutefois, pour être légitime, tout régime d’exception doit comporter des garde-fous. Les écarts constatés doivent être strictement proportionnés. Mais qui apprécie cette nécessité et cette proportionnalité ? En démocratie, ce travail de contrôle ne peut être que celui du juge et surtout, du Parlement. Or, ce dernier a été en partie absent des événements lorsque ceux-ci se sont accélérés. Aujourd’hui, son fonctionnement est ralenti et entravé. En effet, l’Assemblée nationale a assez rapidement été identifiée comme un foyer de contamination, de nombreux députés, collaborateurs et fonctionnaires étant atteints par la maladie. Cela a conduit à prendre des mesures de précaution qui ont, par un heureux hasard, coïncidé avec la suspension des travaux parlementaires prévue de longue date en raison de la campagne des municipales. Mais cette suspension a aussi eu pour conséquence de rendre invisible le Parlement au moment où des décisions fondamentales ont été prises : maintien du 1er tour des municipales, fermeture des bars et restaurants, mise en place du confinement… Aucune de ces décisions n’a donné lieu à une quelconque discussion avec les élus de la Nation. Organiser des débats parlementaires aurait pourtant été tout à fait possible puisque, lorsque des dispositions législatives sont apparues nécessaires, le Parlement s’est réuni pour examiner le premier projet de loi de finances rectificative et le projet de loi d’urgence sanitaire. À l’échange et à la délibération collective, il a manifestement été préféré la décision individuelle du président/monarque tout puissant : en témoignent le nombre de « je » prononcés par ce dernier lors de sa première allocution… Mais l’on constate que cet exercice solitaire du pouvoir n’a pu perdurer face aux demandes de transparence et d’association du Parlement : pour le plan de déconfinement, il a ainsi été prévu de recourir à un débat suivi d’un vote en application de l’article 50-1 de la Constitution. Il s’agit là d’une amélioration que l’on peut saluer, même si le calendrier et les conditions du vote peuvent être critiqués. On notera que l’article 50-1, issu de la révision de 2008 et alors fort critiqué par les thuriféraires de la Vème République, est particulièrement adapté à ces situations où le Gouvernement souhaite recueillir la position du Parlement sans avoir de projet de loi précis à présenter et sans, surtout, avoir à engager sa responsabilité. Depuis 2015, il semble que les états d’exception soient devenus, si ce n’est la règle, au moins une habitude. Nos sociétés plus complexes et plus fragiles doivent faire face à ces menaces plus diffuses qu’hier. Pourtant, le dernier baromètre de la confiance politique réalisé pour le CEVIPOF montre que cette crise n’a pas ébranlé la foi de l’opinion en la démocratie[1]. Comment maintenir le contrôle parlementaire en temps de crise, même quand les chambres peinent à se réunir ? Comment rendre celui-ci effectif malgré le fait majoritaire ? De la réponse que nous donnerons à ces questions dépend en grande partie la résilience de nos démocraties devant les crises.   I. Maintenir la fonction législative   Après une première phase d’éclipse, le Parlement a repris son activité, mais de manière extrêmement contrainte et limitée : les travaux législatifs sont réduits (l’examen de nombreux textes est ainsi reporté) et la quasi-totalité des activités de contrôle est suspendue. La mise entre parenthèses de l’activité législative du Parlement pose par ailleurs un problème au regard de l’article 48 de la Constitution relatif à l’ordre du jour. Si la non-utilisation du temps de séance dévolu au Gouvernement ou à la majorité parlementaire ne soulève pas de problème de principe, la question du non-respect des séances d’initiative parlementaire des groupes minoritaires et d’opposition ne peut être évacuée d’un revers de la main. En mars, avril et mai, ce sont ainsi les « niches » des groupes La France insoumise, GDR et Les Républicains qui auront été un temps supprimées : le dernier calendrier de la session parlementaire les a reportées au mois de juin qui comprend désormais quatre (!) journées d’initiative parlementaire… La mise en place d’un débat de qualité implique à la fois la présence des parlementaires, et que le temps qui leur est accordé pour travailler les textes soit suffisant. Dans ce contexte, deux écueils sont à éviter : une procédure parlementaire expéditive et un recours excessif aux ordonnances.   1. Les conditions de la procédure parlementaire   Le premier problème est celui de la participation des élus aux débats. Comme le rappelle très justement Elina Lemaire[2], le Parlement est avant tout un pouvoir délibérant : l’élaboration de la loi passe par une confrontation des points de vue et des positions. Selon Jean-Jacques Rousseau, « pour qu’une volonté soit générale, il n’est pas toujours nécessaire qu’elles soient toutes unanimes, mais il est nécessaire que toutes les voix soient comptées ; toute exclusion rompt la généralité. »[3]. Ce qui vaut pour la volonté directement exprimée par le Peuple vaut également dans le cadre d’un régime représentatif selon Hans Kelsen[4]. Le Peuple demeure représenté

Par Morel B., Marienval M.

14 mai 2020

La réforme des retraites, du clash au crash démocratique : le rendez-vous manqué du Conseil constitutionnel

Crise démocratique, n’ayons pas peur des mots ! En sus d’une crise sociale et écologique, pourrait bien résulter une crise de régime politique. Ancrée depuis plusieurs décennies, la crise de la représentation fut portée sur le devant de la scène publique par le mouvement des gilets jaune. À l’ère du netizen – citoyen hyperconnecté – la légitimité démocratique se voudrait davantage procédurale : « la décision légitime […] résulte de la délibération de tous »[1]. Face à ces revendications, le chef de l’État n’a eu de cesse de rappeler sa prétendue détermination à relégitimer démocratiquement le processus de décision via de nouvelles méthodes délibératives englobantes : Grand débat, conventions, CNR… En vain. Pour preuve, dans ce contexte de crise de la « généralisation de la volonté »[2], le pouvoir exécutif a choisi de porter une réforme des retraites clivante dont la principale mesure, le report de l’âge légal de départ à 64 ans, est contestée par l’ensemble des syndicats et très massivement rejetée par les Français. Pour mener à bien sa réforme, le Gouvernement a utilisé l’arsenal du parlementarisme hyper-rationalisé que fournit la Constitution de la Vème République heurtant, davantage encore, le peu de confiance de ses « gouvernés » envers leurs institutions. Prenons les choses à rebours. À l’Assemblée, l’examen du texte s’est achevé par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Incapable de dégager une majorité solide pour adopter le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a utilisé – et ce, pour la onzième fois depuis le début de la législature – cette arme atomique prévue par la Constitution permettant de faire adopter un texte sans vote, en mettant en jeu la responsabilité du gouvernement. Faute d’atteinte du nombre de votes requis en faveur de la motion de censure transpartisane LIOT présentée, la réforme des retraites se trouve entérinée mais il s’en est fallu de peu : 9 voix ont manqué pour renverser le gouvernement Borne ! L’Assemblée nationale ne se sera donc en réalité jamais prononcée directement sur ce texte fondamental, les travaux ayant été interrompus sans passage au vote en première lecture… Si le Gouvernement fait valoir qu’un vote a bien eu lieu au Sénat[3] – ce qui ne compense pas d’ailleurs l’absence de vote au sein de la chambre légitimement élue sur un sujet d’une telle importance – il faut dire que celui-ci fut obtenu au prix du recours à l’utilisation du fameux « vote bloqué » de l’article 44 alinéa 3 de la Constitution. Concrètement, ce mécanisme permet au Gouvernement de demander un vote sur tout ou partie d’un texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui. La violence du processus[4] est telle que le gouvernement a utilisé cette procédure sur l’ensemble du texte : les parlementaires peuvent débattre et s’exprimer, sans qu’il leur soit toutefois permis de passer au vote, article par article, selon leurs amendements. En somme, le dictat du tout ou rien, le choix binaire du à prendre ou laisser. Alors que l’essence de la discussion parlementaire requiert que chaque amendement, chaque article soit examiné puis voté, le 44-3 empêche cette fécondité délibérative pour obliger à un vote unique, pour ou contre, l’ensemble du texte. Foncièrement, le choix du véhicule législatif utilisé pourrait bien vicier l’ensemble du processus législatif. En choisissant d’insérer cette réforme des retraites dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) régi par l’article 47-1 plutôt que dans un projet de loi ordinaire, le Gouvernement a certainement joué avec le texte constitutionnel, obligeant le Parlement à se prononcer sur ce texte capital sous 50 jours. L’on notera, tout d’abord, qu’aucune des grandes réformes des retraites de ces 20 dernières années ne fut soumise à la procédure de l’art 47-1, même si le Sénat tentait déjà d’incorporer des amendements relatifs à cet objet dans les PLFSS précédents. Le problème se pose avec une acuité grandissante s’agissant d’un PLFRSS, consistant, en principe, à rectifier, les budgets adoptés en cours d’exercice. En l’espèce, les dispositions litigieuses du PLFRSS relèvent, par opposition au domaine exclusif, du domaine partagé des lois de financement : le premier regroupe les dispositions pour lesquelles les LFSS disposent d’un monopole (par exemple l’affectation totale ou partielle d’une recette exclusive du champ « LFSS » à une autre personne morale), le second les dispositions qui peuvent indifféremment figurer en loi ordinaire ou en LFSS[5]. Or, on constate depuis de nombreuses années, une extension problématique de ce domaine partagé, en PLF et en PLFSS, permettant au Gouvernement de faire ainsi bénéficier à des mesures plutôt clivantes (on pense au gel des minimas sociaux en 2017) une telle procédure de contournement. En effet, les procédures d’examen des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale fixées aux articles 47 et 47-1 et par extension rectificatifs comme en l’espèce, se caractérisent par leur caractère dérogatoire quant à la procédure parlementaire suivie (texte du Gouvernement examiné en séance, une seule lecture, délais stricts d’examen…), se justifiant par l’urgence. Cette méthode du recours à un PLF ou PLFSS et surtout à un PLFR ou à un PLFRSS pour faire passer des mesures sociales si capitales ne doit pas être ignoré. Le danger est grand de créer un précédent dans lequel les futurs gouvernements pourront s’engouffrer : toute réforme ayant un impact social réel, sous couvert d’impact budgétaire – et rares sont celles qui n’en ont pas – pourrait à terme être portée par un PLF ou un PLFSS et par extension un PLFR ou un PLFRSS et bénéficier d’une procédure parlementaire dérogatoire. Il faut également rappeler que l’article 49-3, restreint dans son utilisation à celui d’un par session, n’est pas comptabilisé quand il en est fait usage sur des PLF ou PLFSS et par extension rectificatifs. Que reste-t-il dès lors pour empêcher l’entrée en vigueur de la réforme des retraites ? Qu’il s’agisse d’acter l’illégalité de la réforme ou de permettre l’organisation d’un référendum d’initiative partagée tendant à interdire la fixation de l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans,

Par Toudic B., Marienval M.

22 juin 2021

Un Parlement confiné ?

La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui soulève rétrospectivement trois niveaux de questions, à court, moyen et long terme. Sur le long terme, la question est d’ordre civilisationnel. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » écrivait Paul Valéry. À l’heure de l’anthropocène, notre modèle de développement économique est-il viable ? Sur le moyen terme, le problème est celui de la préparation de notre société et de l’État devant cette pandémie et, plus globalement, la capacité de l’État moderne à protéger ses citoyens. Sur le court terme, enfin, la question est celle de la gestion de la crise par le Gouvernement et son efficacité. Évidemment, toutes ces questions sont éminemment politiques et devraient être discutées dans le lieu d’expression par excellence du débat démocratique, à savoir le Parlement. La démocratie peut en effet s’accommoder de régimes d’exception. Ceux-ci sont même nécessaires, lorsque la bonne marche des institutions n’est plus possible aux vues de l’état du pays. Ce fut le cas en l’espèce. On peut, certes, contester l’opportunité et le contenu de la loi relative à l’état d’urgence sanitaire, pas la nécessité de déroger à certaines dispositions du droit commun pour tenter de répondre efficacement à la crise. Toutefois, pour être légitime, tout régime d’exception doit comporter des garde-fous. Les écarts constatés doivent être strictement proportionnés. Mais qui apprécie cette nécessité et cette proportionnalité ? En démocratie, ce travail de contrôle ne peut être que celui du juge et surtout, du Parlement. Or, ce dernier a été en partie absent des événements lorsque ceux-ci se sont accélérés. Aujourd’hui, son fonctionnement est ralenti et entravé. En effet, l’Assemblée nationale a assez rapidement été identifiée comme un foyer de contamination, de nombreux députés, collaborateurs et fonctionnaires étant atteints par la maladie. Cela a conduit à prendre des mesures de précaution qui ont, par un heureux hasard, coïncidé avec la suspension des travaux parlementaires prévue de longue date en raison de la campagne des municipales. Mais cette suspension a aussi eu pour conséquence de rendre invisible le Parlement au moment où des décisions fondamentales ont été prises : maintien du 1er tour des municipales, fermeture des bars et restaurants, mise en place du confinement… Aucune de ces décisions n’a donné lieu à une quelconque discussion avec les élus de la Nation. Organiser des débats parlementaires aurait pourtant été tout à fait possible puisque, lorsque des dispositions législatives sont apparues nécessaires, le Parlement s’est réuni pour examiner le premier projet de loi de finances rectificative et le projet de loi d’urgence sanitaire. À l’échange et à la délibération collective, il a manifestement été préféré la décision individuelle du président/monarque tout puissant : en témoignent le nombre de « je » prononcés par ce dernier lors de sa première allocution… Mais l’on constate que cet exercice solitaire du pouvoir n’a pu perdurer face aux demandes de transparence et d’association du Parlement : pour le plan de déconfinement, il a ainsi été prévu de recourir à un débat suivi d’un vote en application de l’article 50-1 de la Constitution. Il s’agit là d’une amélioration que l’on peut saluer, même si le calendrier et les conditions du vote peuvent être critiqués. On notera que l’article 50-1, issu de la révision de 2008 et alors fort critiqué par les thuriféraires de la Vème République, est particulièrement adapté à ces situations où le Gouvernement souhaite recueillir la position du Parlement sans avoir de projet de loi précis à présenter et sans, surtout, avoir à engager sa responsabilité. Depuis 2015, il semble que les états d’exception soient devenus, si ce n’est la règle, au moins une habitude. Nos sociétés plus complexes et plus fragiles doivent faire face à ces menaces plus diffuses qu’hier. Pourtant, le dernier baromètre de la confiance politique réalisé pour le CEVIPOF montre que cette crise n’a pas ébranlé la foi de l’opinion en la démocratie[1]. Comment maintenir le contrôle parlementaire en temps de crise, même quand les chambres peinent à se réunir ? Comment rendre celui-ci effectif malgré le fait majoritaire ? De la réponse que nous donnerons à ces questions dépend en grande partie la résilience de nos démocraties devant les crises.   I. Maintenir la fonction législative   Après une première phase d’éclipse, le Parlement a repris son activité, mais de manière extrêmement contrainte et limitée : les travaux législatifs sont réduits (l’examen de nombreux textes est ainsi reporté) et la quasi-totalité des activités de contrôle est suspendue. La mise entre parenthèses de l’activité législative du Parlement pose par ailleurs un problème au regard de l’article 48 de la Constitution relatif à l’ordre du jour. Si la non-utilisation du temps de séance dévolu au Gouvernement ou à la majorité parlementaire ne soulève pas de problème de principe, la question du non-respect des séances d’initiative parlementaire des groupes minoritaires et d’opposition ne peut être évacuée d’un revers de la main. En mars, avril et mai, ce sont ainsi les « niches » des groupes La France insoumise, GDR et Les Républicains qui auront été un temps supprimées : le dernier calendrier de la session parlementaire les a reportées au mois de juin qui comprend désormais quatre (!) journées d’initiative parlementaire… La mise en place d’un débat de qualité implique à la fois la présence des parlementaires, et que le temps qui leur est accordé pour travailler les textes soit suffisant. Dans ce contexte, deux écueils sont à éviter : une procédure parlementaire expéditive et un recours excessif aux ordonnances.   1. Les conditions de la procédure parlementaire   Le premier problème est celui de la participation des élus aux débats. Comme le rappelle très justement Elina Lemaire[2], le Parlement est avant tout un pouvoir délibérant : l’élaboration de la loi passe par une confrontation des points de vue et des positions. Selon Jean-Jacques Rousseau, « pour qu’une volonté soit générale, il n’est pas toujours nécessaire qu’elles soient toutes unanimes, mais il est nécessaire que toutes les voix soient comptées ; toute exclusion rompt la généralité. »[3]. Ce qui vaut pour la volonté directement exprimée par le Peuple vaut également dans le cadre d’un régime représentatif selon Hans Kelsen[4]. Le Peuple demeure représenté

Par Morel B., Marienval M.

22 juin 2021

Travaux externes

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