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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Notes

Un Parlement confiné ?

La crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui soulève rétrospectivement trois niveaux de questions, à court, moyen et long terme. Sur le long terme, la question est d’ordre civilisationnel. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » écrivait Paul Valéry. À l’heure de l’anthropocène, notre modèle de développement économique est-il viable ? Sur le moyen terme, le problème est celui de la préparation de notre société et de l’État devant cette pandémie et, plus globalement, la capacité de l’État moderne à protéger ses citoyens. Sur le court terme, enfin, la question est celle de la gestion de la crise par le Gouvernement et son efficacité. Évidemment, toutes ces questions sont éminemment politiques et devraient être discutées dans le lieu d’expression par excellence du débat démocratique, à savoir le Parlement. La démocratie peut en effet s’accommoder de régimes d’exception. Ceux-ci sont même nécessaires, lorsque la bonne marche des institutions n’est plus possible aux vues de l’état du pays. Ce fut le cas en l’espèce. On peut, certes, contester l’opportunité et le contenu de la loi relative à l’état d’urgence sanitaire, pas la nécessité de déroger à certaines dispositions du droit commun pour tenter de répondre efficacement à la crise. Toutefois, pour être légitime, tout régime d’exception doit comporter des garde-fous. Les écarts constatés doivent être strictement proportionnés. Mais qui apprécie cette nécessité et cette proportionnalité ? En démocratie, ce travail de contrôle ne peut être que celui du juge et surtout, du Parlement. Or, ce dernier a été en partie absent des événements lorsque ceux-ci se sont accélérés. Aujourd’hui, son fonctionnement est ralenti et entravé. En effet, l’Assemblée nationale a assez rapidement été identifiée comme un foyer de contamination, de nombreux députés, collaborateurs et fonctionnaires étant atteints par la maladie. Cela a conduit à prendre des mesures de précaution qui ont, par un heureux hasard, coïncidé avec la suspension des travaux parlementaires prévue de longue date en raison de la campagne des municipales. Mais cette suspension a aussi eu pour conséquence de rendre invisible le Parlement au moment où des décisions fondamentales ont été prises : maintien du 1er tour des municipales, fermeture des bars et restaurants, mise en place du confinement… Aucune de ces décisions n’a donné lieu à une quelconque discussion avec les élus de la Nation. Organiser des débats parlementaires aurait pourtant été tout à fait possible puisque, lorsque des dispositions législatives sont apparues nécessaires, le Parlement s’est réuni pour examiner le premier projet de loi de finances rectificative et le projet de loi d’urgence sanitaire. À l’échange et à la délibération collective, il a manifestement été préféré la décision individuelle du président/monarque tout puissant : en témoignent le nombre de « je » prononcés par ce dernier lors de sa première allocution… Mais l’on constate que cet exercice solitaire du pouvoir n’a pu perdurer face aux demandes de transparence et d’association du Parlement : pour le plan de déconfinement, il a ainsi été prévu de recourir à un débat suivi d’un vote en application de l’article 50-1 de la Constitution. Il s’agit là d’une amélioration que l’on peut saluer, même si le calendrier et les conditions du vote peuvent être critiqués. On notera que l’article 50-1, issu de la révision de 2008 et alors fort critiqué par les thuriféraires de la Vème République, est particulièrement adapté à ces situations où le Gouvernement souhaite recueillir la position du Parlement sans avoir de projet de loi précis à présenter et sans, surtout, avoir à engager sa responsabilité. Depuis 2015, il semble que les états d’exception soient devenus, si ce n’est la règle, au moins une habitude. Nos sociétés plus complexes et plus fragiles doivent faire face à ces menaces plus diffuses qu’hier. Pourtant, le dernier baromètre de la confiance politique réalisé pour le CEVIPOF montre que cette crise n’a pas ébranlé la foi de l’opinion en la démocratie[1]. Comment maintenir le contrôle parlementaire en temps de crise, même quand les chambres peinent à se réunir ? Comment rendre celui-ci effectif malgré le fait majoritaire ? De la réponse que nous donnerons à ces questions dépend en grande partie la résilience de nos démocraties devant les crises.   I. Maintenir la fonction législative   Après une première phase d’éclipse, le Parlement a repris son activité, mais de manière extrêmement contrainte et limitée : les travaux législatifs sont réduits (l’examen de nombreux textes est ainsi reporté) et la quasi-totalité des activités de contrôle est suspendue. La mise entre parenthèses de l’activité législative du Parlement pose par ailleurs un problème au regard de l’article 48 de la Constitution relatif à l’ordre du jour. Si la non-utilisation du temps de séance dévolu au Gouvernement ou à la majorité parlementaire ne soulève pas de problème de principe, la question du non-respect des séances d’initiative parlementaire des groupes minoritaires et d’opposition ne peut être évacuée d’un revers de la main. En mars, avril et mai, ce sont ainsi les « niches » des groupes La France insoumise, GDR et Les Républicains qui auront été un temps supprimées : le dernier calendrier de la session parlementaire les a reportées au mois de juin qui comprend désormais quatre (!) journées d’initiative parlementaire… La mise en place d’un débat de qualité implique à la fois la présence des parlementaires, et que le temps qui leur est accordé pour travailler les textes soit suffisant. Dans ce contexte, deux écueils sont à éviter : une procédure parlementaire expéditive et un recours excessif aux ordonnances.   1. Les conditions de la procédure parlementaire   Le premier problème est celui de la participation des élus aux débats. Comme le rappelle très justement Elina Lemaire[2], le Parlement est avant tout un pouvoir délibérant : l’élaboration de la loi passe par une confrontation des points de vue et des positions. Selon Jean-Jacques Rousseau, « pour qu’une volonté soit générale, il n’est pas toujours nécessaire qu’elles soient toutes unanimes, mais il est nécessaire que toutes les voix soient comptées ; toute exclusion rompt la généralité. »[3]. Ce qui vaut pour la volonté directement exprimée par le Peuple vaut également dans le cadre d’un régime représentatif selon Hans Kelsen[4]. Le Peuple demeure représenté

Par Morel B., Marienval M.

14 mai 2020

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