Illusions et impasses du budget 2021 et du plan de relance sur la question écologique : nos pistes pour faire autrement
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, comprenant le plan de relance, a été présenté le 28 septembre dernier. Malgré de grands effets d’annonce, dont les fameux 32 milliards supplémentaires « pour l’écologie », une analyse plus détaillée révèle que le compte n’y est pas et que ce budget est largement insuffisant pour amorcer une restructuration en profondeur de notre économie à la hauteur de nos engagements climatiques (seuls 6,6 milliards d’euros de crédits en faveur de l’écologie seront réellement décaissés en 2021). Si des progrès sont à souligner, tels que, entre autres, le plan hydrogène ou le renforcement du plan vélo, des incohérences subsistent puisque les activités polluantes demeurent largement subventionnées en parallèle des dépenses supplémentaires, quoique très insuffisantes, pour le verdissement de l’appareil de production et la maîtrise de nos dépenses d’énergie. En outre, sur le plan de la fiscalité et de la transposition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), on constate peu d’avancées et quelques reculs. Il faut, toutefois, saluer le fait qu’il s’agit du premier budget qui procède à une classification systématique des dépenses de l’État en fonction de leur impact sur l’environnement comme cela était prévu par l’article 179 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020[1]. Le résultat laisse cependant songeur : sur un volume de dépenses totales des ministères représentant près de 378 milliards d’euros, seuls 53 milliards d’euros de dépenses sont identifiés comme ayant un impact sur l’environnement, dont 42,8 milliards d’euros ont été évalués comme favorables à l’environnement contre 10 milliards d’euros jugés défavorables. On découvre avec étonnement que toutes les aides au secteur numérique, y compris le soutien à la 5G, ou encore la baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production n’ont aucun effet environnemental, mais que les 118 millions d’euros d’aides à la presse sont en revanche considérés comme défavorables à l’environnement. Bercy reconnaît également que les dépenses immobilières ou de fonctionnement (notamment les carburants) ne sont pour l’instant pas intégrées à l’exercice d’évaluation, ce qui devrait être corrigé par la suite. Le premier constat est donc celui-ci : si le travail d’évaluation du budget vert est éminemment louable, celui-ci demeure largement perfectible. Néanmoins, les critiques principales que l’on peut adresser à ce budget « vert » portent sur le volume et sur le contenu des dépenses. I. Un volume de dépenses en trompe-l’œil et loin des enjeux Concernant le plan de relance, il convient ainsi de signaler que les 100 milliards d’euros annoncés (sur deux ans) se sont transformés in fine en 22 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2021, dont seulement 6,6 milliards pour la transition écologique, auquel il convient d’ajouter 10 milliards d’euros en dépenses fiscales pour la baisse des impôts de production. Pour atteindre les 100 milliards sur deux ans, le plan de relance inclut en réalité des dépenses déjà votées en lois de finances rectificatives pour 2020 (par exemple la dotation de soutien à l’investissement local de 5 milliards d’euros) et renvoie le reste à 2022 ou au-delà. Cela a une conséquence directe : le soutien public à l’économie va nettement se restreindre en 2021 par rapport à 2020, alors même que la crise est loin d’être terminée. Avec un volume total de dépenses prévues de 378,7 milliards d’euros pour 2021, le budget se situera nettement en dessous des 394,7 milliards d’euros de dépenses prévues par la troisième loi de finances rectificatives pour 2020 votée en juillet 2020. Cela signifie que l’extinction progressive des mesures instaurées en 2020 en faveur du soutien d’ensemble à l’économie (et notamment l’activité partielle, le fonds de solidarité pour les TPE ou les avances remboursables pour PME et ETI), ne sera qu’à moitié compensée, en 2021, par des dépenses supplémentaires issues du plan de relance. Quand on prévoit une récession pour 2020 d’environ 10 % du PIB, soit plus de 250 milliards d’euros de pertes de revenus, on peut s’interroger sur ce recul global des dépenses publiques, qui est certainement précipité et motivé par l’objectif de revenir rapidement sous la barre des 3 % de déficit. On peut aussi se demander pourquoi le Gouvernement tient tant à faire reculer le déficit public de 10 à 6 % du PIB entre 2020 et 2021 alors que l’État emprunte à – 0,2 % sur 10 ans et à seulement 0,4 % sur 30 ans ? Nous commençons en effet à peine à apercevoir les dégâts souterrains sur l’économie qui seront provoqués par la montée du chômage et la multiplication des défaillances d’entreprises. Tout se passe donc comme si le Gouvernement prévoyait une reprise en V (avec un chiffre exagérément optimiste de 8 % de croissance en 2021 qui a été épinglé par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget) alors que la reprise sera certainement en K avec un plongeon initial de l’ensemble de l’économie, puis une reprise rapide de certaines branches d’activités (numérique, énergie, luxe) quand la descente aux enfers va se poursuivre pour d’autres secteurs. Il est ainsi à craindre que le retrait trop rapide des mesures de soutien à l’économie, et l’absence de mesures de soutien à la consommation (pas de baisse de la TVA, pas de hausse du SMIC, pas de dégel du point d’indice de la fonction publique) n’handicapent sérieusement la reprise. En outre, même en ce qui concerne les mesures structurelles, il faut rappeler que, avant même la crise du Covid-19, France Stratégie, I4CE, l’Agence de la transition écologique (ex-ADEME) ou encore la Cour des comptes européenne avançaient un besoin de financements supplémentaires pour la transition d’un ordre de grandeur compris entre 15 et 40 milliards d’euros par an, par rapport à ce qui est investi actuellement (environ 40 milliards). Transition agroécologique et plan de circularisation de l’économie compris, c’est sans doute quelques 75 à 100 milliards d’euros supplémentaires que la puissance publique devrait investir chaque année. Or, comme souligné, sur les 22 milliards de crédits de paiement du plan de relance, seuls 6,6 milliards viendront alimenter des dépenses favorables à l’écologie. Le premier
Par Dufrêne N., Gilbert P.
18 octobre 2020