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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Renforcer l’accès aux services publics pour la justice sociale et la cohésion

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Renforcer l’accès aux services publics pour la justice sociale et la cohésion

Fiche thématique de résistance et de proposition n°8

I. Un peu de contexte : quel est le problème ?

  • L’enjeu de la justice sociale ne se limite pas à la fiscalité. Les services publics constituent l’autre volet, en nature, de la redistribution de la richesse nationale. En effet, 53% de la réduction des inégalités est portée, en France, par ces transferts en nature, notamment en matière de santé et d’éducation[1]
  • Les services publics sont également un levier historique de la solidarité et de la cohésion sociale et territoriale. Cela se matérialise particulièrement pour les services publics quotidiens et de proximité, dont l’accessibilité à tous est un impératif d’intérêt général (santé, transport, guichets administratifs, justice, etc.). 
  • Alors même que les besoins sociaux ont augmenté (croissance démographique, allongement de l’espérance de vie, transition écologique, etc.), les services publics ont été une des premières cibles des politiques de désengagement de l’Etat depuis les années 1980. L’objectif a été d’en contenir les coûts, générant un décrochage vis-à-vis des attentes de la population. En parallèle, l’espace pour l’offre privé de service s’est accru, rendant ces services plus coûteux et mettant à mal leur accessibilité pour tous les publics[2].
  • Cette « désertification » concerne tout le territoire, selon des modalités différentes : en milieu rural, cela aboutit à un éloignement des lieux de service public (30 % des maternités ont fermé entre 2000 et 2017; le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité a donc été multiplié par quatre[3]/span>) et à la perte d’attractivité de territoires sur lesquels il devient plus compliqué de vivre. En milieu urbain, ce sont des services publics saturés (attente aux bureaux de poste, classes surchargées, etc.). Pour une importante partie de la population, la qualité du service se dégrade. Par exemple, le délai de jugement moyen d’une affaire civile devant le tribunal de grande instance était de 14 mois en 2019 contre 7 mois en 2005[4].
  • Les réponses actuelles sont largement insuffisantes : (i) les efforts menés ont souvent concerné les problématiques les plus visibles politiquement (lutte contre l’immigration illégale et maintien de l’ordre public notamment) ; (ii) des solutions innovantes comme les maisons ou bus “France services” restent trop rares, méconnues et insuffisamment financées et (iii) le basculement vers l’accès numérique exclut la part la plus fragile de la population (en milieu rural par exemple, 30% de la population n’est pas équipée d’un smartphone (CREDOC[5]).

Cette situation a donc plusieurs conséquences néfastes : 

  • Un sentiment d’abandon qui touche à la fois les populations rurales et les populations des quartiers populaires, qui a pu se manifester de manière éruptive lors de la crise des Gilets Jaunes[6]  ;
  • Le ressentiment d’une certaine partie de la population vis-à-vis « d’autres » qui seraient mieux servis qu’eux ou seraient la cause de la saturation des services publics ; 
  • Un échec du service public dans ses missions de base (non recours aux soins, perte d’efficacité de la justice et rupture d’accès aux droits, échec scolaire, isolement des personnes âgées, perte d’attractivité des territoires, etc.) et plus largement dans sa capacité à réduire les inégalités et à produire de la cohésion sociale.
  • Un ressentiment vis-à-vis de l’État, et le sentiment, souvent justifié, de ne pas recevoir la contrepartie des contributions versées, en impôts et cotisations. 

II. Que propose-t-on ?

1. À court terme, il s’agit surtout de cibler les services les plus en crise, notamment l’hôpital et plus largement l’accès aux soins

Recommandation n° 1 : Traiter en priorité la crise du service public de l’hôpital et des soins.

La santé est un besoin fondamental des individus qui conditionne les autres. En ce sens, il apparaît prioritaire. La fiche thématique de l’Institut proposant une “Réforme de notre système de soins” met l’accent sur trois recommandations principales :

  • Remailler sur le territoire l’offre de soins de premier recours selon une architecture tripartite dont le centre de gravité est l’hôpital de proximité ;
  • Organiser un plan de sauvetage pour répondre sans délai à la crise, sans pour autant retarder la nécessaire refondation de l’hôpital public (revalorisation des salaires et révision des modalités de financement des hôpitaux) ;
  • Renforcer l’universalité du système de santé en instaurant une “grande sécurité sociale” (faire disparaître ou réduire la part de l’assurance complémentaire). 

2. À moyen terme, l’accessibilité du service public doit être une priorité et s’accompagner de mesures innovantes et ambitieuses pour certains secteurs 

Recommandation n° 2 : Renforcer la planification et le pilotage de l’accessibilité aux services publics dans tous les territoires 

Pour s’assurer de l’accessibilité aux services publics dans chaque territoire, les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services publics (SDAASP) avaient été créés en 2015 par la loi NOTRe. Ce document de planification élaboré entre le préfet de département et le Conseil départemental a pour objectif d’élaborer un plan d’action sur 6 ans de renforcement de l’offre de services publics et privés dans les territoires les moins dotés. Cet outil pourrait être davantage investi et priorisé dans l’action publique locale. Son intérêt principal est de regrouper et de coordonner au sein d’un comité de pilotage unique les services de l’État, du conseil départemental et des intercommunalités, tous financeurs et gestionnaires de services publics locaux. 

Il est néanmoins important que ce comité de pilotage implique plus largement l’ensemble des acteurs impliqués dans les services publics afin d’avoir la vision la plus transversale possible (secteur associatif, La Poste, les représentants des commerces de proximité, etc.). Son objectif doit également être celui de prioriser et mieux séquencer la revitalisation des services publics sur le territoire dans le but d’assurer les bons équilibres territoriaux (éviter la fermeture simultanée de plusieurs services sur un même territoire et bien répartir les nouvelles ouvertures).

Recommandation n° 3 : Mieux soutenir le déploiement des “Maisons France services” 

Il existe aujourd’hui plus de 2800  “Maisons France services” sur le territoire, instaurées en 2015 sous le nom de “Maisons de services au public”. Elles résultent d’une politique de labellisation de structures partenariales, portées dans plus de 50 % des cas par les collectivités territoriales et permettant aux citoyens d’avoir accès à moins de 30 minutes à un guichet unique de services (impôts, allocations familiales, assurance maladie, retraite, allocation chômage, La Poste, justice, rénovation énergétique, etc.). Néanmoins, leur modèle financier doit être pérennisé (renforcer la contribution de l’État et mieux mobiliser les fonds européens), les métiers d’agents France services davantage valorisés (renforcer leur formation et limiter le recours à des contrats courts et précaires) tout en confortant leur déploiement sur le territoire, la connaissance du réseau par les citoyens et l’élargissement de l’offre de services disponibles (inclure les prestations sociales des départements comme le RSA ou l’ASE).

Recommandation n° 4 : Promouvoir les services publics au service de la planification écologique

La revitalisation des services publics doit s’articuler avec la transition écologique. C’est le cas dans le domaine de la mobilité : le rapprochement physique des services publics doit aller de pair avec une amélioration d’une offre accessible de modes de transports alternatifs à la voiture individuelle (réouverture progressive des petites lignes de train et tarification sociale, renforcement des transports en commun routiers et des domaines cyclables, aide à l’achat de véhicules électriques et banalisation du covoiturage, etc.). La réimplantation de services publics de proximité doit s’accompagner de nouvelles offres permettant de développer les sociabilités sur ces territoires (espaces de coworking, de vie associative, de commerces locaux…). Au-delà des “guichets”, c’est également l’administration publique des ressources (forêts, eau, terres arables, etc.) qui se doit d’intégrer les enjeux écologiques et sociaux, et se construire en bonne intelligence avec les territoires voisins comme avec l’échelon national. Le développement de politiques de sobriété, à commencer par la consommation d’eau[7]en interrogeant certaines pratiques de retenue collinaire (“méga-bassines”) est prioritaire. Plus globalement, si la création du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en 2022 a permis une meilleure coordination des différentes politiques publiques, il s’agit désormais d’assurer une bonne déclinaison de nos objectifs au niveau territorial et d’en assurer l’acceptabilité. L’articulation entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales est cruciale sur ce point[8]

Ce que dit le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) à ce sujet : Le retrait de l’État et les dégâts sont profonds et maintenant anciens. Le Nouveau Front Populaire propose de restaurer, par étapes, un accès pour tous aux services publics :– Dans le domaine de la santé, en régulant l’installation des médecins dans les déserts médicaux et en rétablissant des permanences de soin des soignants libéraux dans les centres de santé, en engageant un plan pluriannuel de recrutement de professionnels du soin ;

– En engageant un plan d’investissement afin que personne n’habite à plus de 30 minutes d’un accueil physique des services publics ;

– En garantissant l’accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance ouvrant 500 000 places en crèches ou autre solution de garde ;

– En organisant des états généraux des quartiers populaires et des états généraux des espaces ruraux pour construire une véritable égalité territoriale, notamment en matière de services publics. 

III. Qu’est-ce que le peuple peut y gagner ?

  • Les services publics sont une aide directe, une redistribution en nature en direction des plus défavorisés, mais aussi du plus grand nombre. Leur maillage sur le territoire a une valeur symbolique pour les citoyens et matérialise l’appartenance à la communauté nationale.
  • Un meilleur accès à des soins de qualité de tous les citoyens, indépendamment de leur statut socio-économique, a un double bénéfice : d’une part, cela contribue à réduire les disparités en matière de santé entre les différentes classes sociales; d’autre part, cela permet une détection précoce des maladies et une meilleure prévention, ce qui améliore la santé globale de la population. 
  • Concernant la proposition du NFP de garantir des modes de garde pour tous, cela renforcerait l’insertion professionnelle, notamment des femmes, dans les milieux ruraux et les quartiers populaires. Pour rappel, plus de 80 % des enfants du tiers le plus aisé des ménages français bénéficient d’une garde formelle. En revanche, seulement 18 % des enfants du tiers des ménages les plus modestes bénéficient d’un mode de garde formel[9].
  • Parallèlement, accentuer les efforts sur les services publics contribuant à la transition écologique peut mener à une amélioration de la qualité de l’air et de l’eau, ce qui diminue les problèmes de santé liés à l’environnement et améliore le cadre de vie des citoyens. Cette transformation économique est également pourvoyeuse de nouveaux emplois d’avenir.

IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ?

Sur le plan des valeurs, le RN veut revenir sur le principe d’égal accès au service public en introduisant une “préférence nationale”. Cela est non seulement anti-républicain et contraire au modèle français universaliste tel qu’il a été conçu, mais c’est de plus inefficace pour la société dans son ensemble. Deux exemples :

  • L’instauration d’une préférence nationale pour l’accès au logement social ne conduira qu’à une hausse du sans-abrisme et de la pauvreté, qui devra être prise en charge par l’État ;
  • Le remplacement de l’Aide médicale d’Etat (AME) par un fonds couvrant uniquement les urgences serait contre-productif puisque cela conduirait à attendre que les pathologies se dégradent pour être prises en charge, ce qui augmenterait finalement le coût des soins. 

Par ailleurs, sans viser l’exhaustivité, les propositions du RN n’amélioreront pas l’accessibilité et la qualité des services publics : 

    • Sur le plan de l’accès aux soins, le RN propose des mesures incitatives qui existent déjà et qui n’ont pas fait leurs preuves : le parti souhaite mettre en place une rémunération spécifique des consultations pour les médecins en zones rurales, ce qui existe déjà et n’a pas permis de renforcer l’implantation de médecins dans les zones sous-denses, en dépit de leur “montant élevé”, comme le relève un rapport récent de la Cour des comptes[10]
    • Sur les transports, le RN ne propose pas de renforcer les transports en commun mais conforte le modèle de la voiture thermique individuelle avec deux mesures (baisse de la TVA sur les carburants et baisse des péages via une nationalisation des autoroutes), ce qui va à l’encontre de la transition écologique et favorise en fait les ménages plus aisés, qui parcourent de plus longues distances en voiture.
  • Sur la justice, le RN propose de recruter des juges sans concours, et donc moins bien formés, mesure qui interroge quant à la qualité de la justice rendue.

[1] INSEE, 2023 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7669723#titre-bloc-3

[2] Collectif Nos Services publics, 2023 : https://nosservicespublics.fr/rapport-etat-services-publics-2023 

[3] DREES, 2021 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/la-part-des-femmes-en-age-de-procreer-residant-plus-de-45-minutes

[4] ibidem.

[5] CREDOC 2022 : https://www.credoc.fr/download/pdf/Sou/Sou2023-4873.pdf 

[6] CAE, 2020 : https://www.cae-eco.fr/Territoires-bien-etre-et-politiques-publiques

[7] Voir : https://institut-rousseau.fr/pour-une-vraie-politique-de-leau/

[8] Voir : https://institut-rousseau.fr/la-planification-ecologique-est-vouee-a-lechec-sans-remise-en-question-de-la-decentralisation/

[9] DREES, 2023 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/la-part-des-enfants-de-moins-de-3-ans-confies

[10] Cour des comptes, 2024 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/organisation-territoriale-des-soins-de-premier-recours

Publié le 2 juillet 2024

Renforcer l’accès aux services publics pour la justice sociale et la cohésion

Auteurs

Gaspard Chameroy
Prospective sur les nouveaux modèles économiques, expert en innovation.

Emilie Fabre
Diplômée de l'université de Paris Sciences et Lettres, de Sciences Po et de l'ENA, Emilie est haute fonctionnaire au ministère de l'économie et des finances.

Gérome DeGoupiers
Sociologue, AMO en politiques publiques.

Fiche thématique de résistance et de proposition n°8

I. Un peu de contexte : quel est le problème ?

  • L’enjeu de la justice sociale ne se limite pas à la fiscalité. Les services publics constituent l’autre volet, en nature, de la redistribution de la richesse nationale. En effet, 53% de la réduction des inégalités est portée, en France, par ces transferts en nature, notamment en matière de santé et d’éducation[1]
  • Les services publics sont également un levier historique de la solidarité et de la cohésion sociale et territoriale. Cela se matérialise particulièrement pour les services publics quotidiens et de proximité, dont l’accessibilité à tous est un impératif d’intérêt général (santé, transport, guichets administratifs, justice, etc.). 
  • Alors même que les besoins sociaux ont augmenté (croissance démographique, allongement de l’espérance de vie, transition écologique, etc.), les services publics ont été une des premières cibles des politiques de désengagement de l’Etat depuis les années 1980. L’objectif a été d’en contenir les coûts, générant un décrochage vis-à-vis des attentes de la population. En parallèle, l’espace pour l’offre privé de service s’est accru, rendant ces services plus coûteux et mettant à mal leur accessibilité pour tous les publics[2].
  • Cette « désertification » concerne tout le territoire, selon des modalités différentes : en milieu rural, cela aboutit à un éloignement des lieux de service public (30 % des maternités ont fermé entre 2000 et 2017; le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité a donc été multiplié par quatre[3]/span>) et à la perte d’attractivité de territoires sur lesquels il devient plus compliqué de vivre. En milieu urbain, ce sont des services publics saturés (attente aux bureaux de poste, classes surchargées, etc.). Pour une importante partie de la population, la qualité du service se dégrade. Par exemple, le délai de jugement moyen d’une affaire civile devant le tribunal de grande instance était de 14 mois en 2019 contre 7 mois en 2005[4].
  • Les réponses actuelles sont largement insuffisantes : (i) les efforts menés ont souvent concerné les problématiques les plus visibles politiquement (lutte contre l’immigration illégale et maintien de l’ordre public notamment) ; (ii) des solutions innovantes comme les maisons ou bus “France services” restent trop rares, méconnues et insuffisamment financées et (iii) le basculement vers l’accès numérique exclut la part la plus fragile de la population (en milieu rural par exemple, 30% de la population n’est pas équipée d’un smartphone (CREDOC[5]).

Cette situation a donc plusieurs conséquences néfastes : 

  • Un sentiment d’abandon qui touche à la fois les populations rurales et les populations des quartiers populaires, qui a pu se manifester de manière éruptive lors de la crise des Gilets Jaunes[6]  ;
  • Le ressentiment d’une certaine partie de la population vis-à-vis « d’autres » qui seraient mieux servis qu’eux ou seraient la cause de la saturation des services publics ; 
  • Un échec du service public dans ses missions de base (non recours aux soins, perte d’efficacité de la justice et rupture d’accès aux droits, échec scolaire, isolement des personnes âgées, perte d’attractivité des territoires, etc.) et plus largement dans sa capacité à réduire les inégalités et à produire de la cohésion sociale.
  • Un ressentiment vis-à-vis de l’État, et le sentiment, souvent justifié, de ne pas recevoir la contrepartie des contributions versées, en impôts et cotisations. 

II. Que propose-t-on ?

1. À court terme, il s’agit surtout de cibler les services les plus en crise, notamment l’hôpital et plus largement l’accès aux soins

Recommandation n° 1 : Traiter en priorité la crise du service public de l’hôpital et des soins.

La santé est un besoin fondamental des individus qui conditionne les autres. En ce sens, il apparaît prioritaire. La fiche thématique de l’Institut proposant une “Réforme de notre système de soins” met l’accent sur trois recommandations principales :

  • Remailler sur le territoire l’offre de soins de premier recours selon une architecture tripartite dont le centre de gravité est l’hôpital de proximité ;
  • Organiser un plan de sauvetage pour répondre sans délai à la crise, sans pour autant retarder la nécessaire refondation de l’hôpital public (revalorisation des salaires et révision des modalités de financement des hôpitaux) ;
  • Renforcer l’universalité du système de santé en instaurant une “grande sécurité sociale” (faire disparaître ou réduire la part de l’assurance complémentaire). 

2. À moyen terme, l’accessibilité du service public doit être une priorité et s’accompagner de mesures innovantes et ambitieuses pour certains secteurs 

Recommandation n° 2 : Renforcer la planification et le pilotage de l’accessibilité aux services publics dans tous les territoires 

Pour s’assurer de l’accessibilité aux services publics dans chaque territoire, les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services publics (SDAASP) avaient été créés en 2015 par la loi NOTRe. Ce document de planification élaboré entre le préfet de département et le Conseil départemental a pour objectif d’élaborer un plan d’action sur 6 ans de renforcement de l’offre de services publics et privés dans les territoires les moins dotés. Cet outil pourrait être davantage investi et priorisé dans l’action publique locale. Son intérêt principal est de regrouper et de coordonner au sein d’un comité de pilotage unique les services de l’État, du conseil départemental et des intercommunalités, tous financeurs et gestionnaires de services publics locaux. 

Il est néanmoins important que ce comité de pilotage implique plus largement l’ensemble des acteurs impliqués dans les services publics afin d’avoir la vision la plus transversale possible (secteur associatif, La Poste, les représentants des commerces de proximité, etc.). Son objectif doit également être celui de prioriser et mieux séquencer la revitalisation des services publics sur le territoire dans le but d’assurer les bons équilibres territoriaux (éviter la fermeture simultanée de plusieurs services sur un même territoire et bien répartir les nouvelles ouvertures).

Recommandation n° 3 : Mieux soutenir le déploiement des “Maisons France services” 

Il existe aujourd’hui plus de 2800  “Maisons France services” sur le territoire, instaurées en 2015 sous le nom de “Maisons de services au public”. Elles résultent d’une politique de labellisation de structures partenariales, portées dans plus de 50 % des cas par les collectivités territoriales et permettant aux citoyens d’avoir accès à moins de 30 minutes à un guichet unique de services (impôts, allocations familiales, assurance maladie, retraite, allocation chômage, La Poste, justice, rénovation énergétique, etc.). Néanmoins, leur modèle financier doit être pérennisé (renforcer la contribution de l’État et mieux mobiliser les fonds européens), les métiers d’agents France services davantage valorisés (renforcer leur formation et limiter le recours à des contrats courts et précaires) tout en confortant leur déploiement sur le territoire, la connaissance du réseau par les citoyens et l’élargissement de l’offre de services disponibles (inclure les prestations sociales des départements comme le RSA ou l’ASE).

Recommandation n° 4 : Promouvoir les services publics au service de la planification écologique

La revitalisation des services publics doit s’articuler avec la transition écologique. C’est le cas dans le domaine de la mobilité : le rapprochement physique des services publics doit aller de pair avec une amélioration d’une offre accessible de modes de transports alternatifs à la voiture individuelle (réouverture progressive des petites lignes de train et tarification sociale, renforcement des transports en commun routiers et des domaines cyclables, aide à l’achat de véhicules électriques et banalisation du covoiturage, etc.). La réimplantation de services publics de proximité doit s’accompagner de nouvelles offres permettant de développer les sociabilités sur ces territoires (espaces de coworking, de vie associative, de commerces locaux…). Au-delà des “guichets”, c’est également l’administration publique des ressources (forêts, eau, terres arables, etc.) qui se doit d’intégrer les enjeux écologiques et sociaux, et se construire en bonne intelligence avec les territoires voisins comme avec l’échelon national. Le développement de politiques de sobriété, à commencer par la consommation d’eau[7]en interrogeant certaines pratiques de retenue collinaire (“méga-bassines”) est prioritaire. Plus globalement, si la création du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en 2022 a permis une meilleure coordination des différentes politiques publiques, il s’agit désormais d’assurer une bonne déclinaison de nos objectifs au niveau territorial et d’en assurer l’acceptabilité. L’articulation entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales est cruciale sur ce point[8]

Ce que dit le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) à ce sujet : Le retrait de l’État et les dégâts sont profonds et maintenant anciens. Le Nouveau Front Populaire propose de restaurer, par étapes, un accès pour tous aux services publics :– Dans le domaine de la santé, en régulant l’installation des médecins dans les déserts médicaux et en rétablissant des permanences de soin des soignants libéraux dans les centres de santé, en engageant un plan pluriannuel de recrutement de professionnels du soin ;

– En engageant un plan d’investissement afin que personne n’habite à plus de 30 minutes d’un accueil physique des services publics ;

– En garantissant l’accès à chaque famille à un mode de garde adapté grâce à un service public de la petite enfance ouvrant 500 000 places en crèches ou autre solution de garde ;

– En organisant des états généraux des quartiers populaires et des états généraux des espaces ruraux pour construire une véritable égalité territoriale, notamment en matière de services publics. 

III. Qu’est-ce que le peuple peut y gagner ?

  • Les services publics sont une aide directe, une redistribution en nature en direction des plus défavorisés, mais aussi du plus grand nombre. Leur maillage sur le territoire a une valeur symbolique pour les citoyens et matérialise l’appartenance à la communauté nationale.
  • Un meilleur accès à des soins de qualité de tous les citoyens, indépendamment de leur statut socio-économique, a un double bénéfice : d’une part, cela contribue à réduire les disparités en matière de santé entre les différentes classes sociales; d’autre part, cela permet une détection précoce des maladies et une meilleure prévention, ce qui améliore la santé globale de la population. 
  • Concernant la proposition du NFP de garantir des modes de garde pour tous, cela renforcerait l’insertion professionnelle, notamment des femmes, dans les milieux ruraux et les quartiers populaires. Pour rappel, plus de 80 % des enfants du tiers le plus aisé des ménages français bénéficient d’une garde formelle. En revanche, seulement 18 % des enfants du tiers des ménages les plus modestes bénéficient d’un mode de garde formel[9].
  • Parallèlement, accentuer les efforts sur les services publics contribuant à la transition écologique peut mener à une amélioration de la qualité de l’air et de l’eau, ce qui diminue les problèmes de santé liés à l’environnement et améliore le cadre de vie des citoyens. Cette transformation économique est également pourvoyeuse de nouveaux emplois d’avenir.

IV. Pourquoi l’extrême-droite n’est pas la solution ?

Sur le plan des valeurs, le RN veut revenir sur le principe d’égal accès au service public en introduisant une “préférence nationale”. Cela est non seulement anti-républicain et contraire au modèle français universaliste tel qu’il a été conçu, mais c’est de plus inefficace pour la société dans son ensemble. Deux exemples :

  • L’instauration d’une préférence nationale pour l’accès au logement social ne conduira qu’à une hausse du sans-abrisme et de la pauvreté, qui devra être prise en charge par l’État ;
  • Le remplacement de l’Aide médicale d’Etat (AME) par un fonds couvrant uniquement les urgences serait contre-productif puisque cela conduirait à attendre que les pathologies se dégradent pour être prises en charge, ce qui augmenterait finalement le coût des soins. 

Par ailleurs, sans viser l’exhaustivité, les propositions du RN n’amélioreront pas l’accessibilité et la qualité des services publics : 

    • Sur le plan de l’accès aux soins, le RN propose des mesures incitatives qui existent déjà et qui n’ont pas fait leurs preuves : le parti souhaite mettre en place une rémunération spécifique des consultations pour les médecins en zones rurales, ce qui existe déjà et n’a pas permis de renforcer l’implantation de médecins dans les zones sous-denses, en dépit de leur “montant élevé”, comme le relève un rapport récent de la Cour des comptes[10]
    • Sur les transports, le RN ne propose pas de renforcer les transports en commun mais conforte le modèle de la voiture thermique individuelle avec deux mesures (baisse de la TVA sur les carburants et baisse des péages via une nationalisation des autoroutes), ce qui va à l’encontre de la transition écologique et favorise en fait les ménages plus aisés, qui parcourent de plus longues distances en voiture.
  • Sur la justice, le RN propose de recruter des juges sans concours, et donc moins bien formés, mesure qui interroge quant à la qualité de la justice rendue.

[1] INSEE, 2023 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7669723#titre-bloc-3

[2] Collectif Nos Services publics, 2023 : https://nosservicespublics.fr/rapport-etat-services-publics-2023 

[3] DREES, 2021 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/la-part-des-femmes-en-age-de-procreer-residant-plus-de-45-minutes

[4] ibidem.

[5] CREDOC 2022 : https://www.credoc.fr/download/pdf/Sou/Sou2023-4873.pdf 

[6] CAE, 2020 : https://www.cae-eco.fr/Territoires-bien-etre-et-politiques-publiques

[7] Voir : https://institut-rousseau.fr/pour-une-vraie-politique-de-leau/

[8] Voir : https://institut-rousseau.fr/la-planification-ecologique-est-vouee-a-lechec-sans-remise-en-question-de-la-decentralisation/

[9] DREES, 2023 : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/la-part-des-enfants-de-moins-de-3-ans-confies

[10] Cour des comptes, 2024 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/organisation-territoriale-des-soins-de-premier-recours

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