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Pour une vraie politique de l’eau

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      Pour une vraie politique de l’eau

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      Sécheresses systématiques, niveaux des nappes phréatiques dramatiquement bas dès cet hiver, présence de chlorothalonil R471811 dans une majorité des eaux consommées, apparition de conflits autour des méga bassines… la question de l’eau et les problématiques qui y sont liées sont omniprésentes. La raréfaction de l’eau visible dès aujourd’hui nous donne un aperçu concret et immédiat des conséquences du dérèglement climatique. Face à cela, il est urgent de mettre en place d’une politique ambitieuse autour de l’eau pour prévenir les difficultés et les conflits liés à sa raréfaction.

      Le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau (ci-après « plan eau »), présenté par le gouvernement ces dernières semaines, témoigne de la conscientisation de cette urgence. Si certaines des 53 mesures vont dans le bon sens – l’avènement du principe de sobriété appliqué à l’eau, les prémices d’une tarification sociale ou encore la mise à jour de la gouvernance locale de l’eau et le soutien à la rénovation des réseaux d’eau –, ces mesures isolées et de moyen terme ne constituent pas une politique globale de l’eau permettant de répondre durablement à l’enjeu de sa sauvegarde. Une véritable politique de l’eau agit sur les raisons de sa raréfaction, comprend et sauvegarde son cycle naturel, propose des mesures tant sur la qualité que sur la quantité d’eau disponible et intègre les ressorts sociaux liés à sa consommation.

      SORTIR DU PRODUCTIVISME AGRICOLE

      Alors qu’avec la sécheresse estivale de 2022, les productions agricoles n’ayant pu être irriguées ont vu leurs rendements baisser de 10 à 40 %, notre agriculture subit déjà les conséquences de l’absence d’eau. Questionner notre modèle agricole, consommateur de plus de 60 % de l’eau disponible, est essentiel et structurant. Ce modèle productiviste tourné vers les exportations et responsable d’une très forte consommation d’eau n’est plus soutenable. Nous devons aujourd’hui faire évoluer nos régimes alimentaires vers plus de productions non carnées, elles-mêmes très dépendantes de cultures fortement consommatrices d’eau, comme le maïs. S’orienter vers des variétés et des espèces cultivées moins consommatrices en eau et favoriser les pratiques agricoles permettant d’infiltrer les eaux pluviales et de limiter l’évaporation sur les parcelles agricoles (plantation de haies, développement de l’agroforesterie, etc.) est une des clefs du respect du cycle naturel de l’eau.

      PRÉSERVER LA QUALITÉ DE L’EAU

      La persistance d’un modèle basé sur l’utilisation généralisée de produits phytosanitaires condamne également la qualité des eaux à très long terme. Le 6 avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), annonçait la présence d’une vaste pollution des eaux potables consommées en France. En cause : la présence du chlorothalonil R471811, un fongicide pourtant interdit en France depuis plusieurs années. À cet égard, l’annonce récente par le ministre de l’Agriculture, le lendemain de la présentation du plan eau, de sa volonté de ne plus suivre les avis de l’Anses et de réautoriser le S-métolachlore – classé cancérogène suspecté et responsable de graves pollutions des nappes phréatiques –, est particulièrement malvenue.

      REPENSER NOS TERRITOIRES

      Protéger l’eau, c’est aussi respecter son cycle. Considérer l’eau seulement comme un enjeu stratégique pour le pays, c’est la considérer uniquement comme une ressource à exploiter. L’eau est une partie prenante d’un écosystème à protéger. On estime à plus de deux tiers les zones humides ayant disparu en métropole depuis le début du siècle. Leur rôle pour le stockage de l’eau et la vie aquatique est pourtant fondamental. Dans les campagnes, restaurons aujourd’hui les cours d’eau, sanctuarisons les zones humides naturelles, favorisons le maintien et le replantage de haies et nous favoriserons ainsi un travail naturel de l’eau dans les sols et les nappes. En ville aussi, arrêtons l’étalement urbain et l’artificialisation galopante qui l’accompagne pour laisser l’eau jouer son rôle naturel.

      FAVORISER UNE VÉRITABLE SOBRIÉTÉ

      L’application du principe de sobriété à l’eau, comme il l’a été à l’énergie cet hiver, est une bonne chose. Mais là encore, il faut traiter le problème à la racine. La production d’un jean consomme près de 10 000 litres d’eau. Or, le maintien d’un système économique basé sur des indicateurs valorisant uniquement la hausse de la production ou la croissance de la consommation met évidemment en péril ces objectifs de sobriété. Assumer une logique de baisse de production de biens matériels non essentiels et enclencher une véritable politique d’économie circulaire : là sont les gisements d’économies d’eau conséquents et de long terme. Les appels à la sobriété risquent de rester lettre morte s’ils ne sont pas assortis d’obligations de résultat pour les industries fortement consommatrices d’eau et si une acculturation forte au principe de sobriété n’est pas favorisée.

      UN ENJEU DÉMOCRATIQUE ET DE JUSTICE SOCIALE

      Les conflits autour de l’eau apparaissent déjà, comme on l’a vu à Sainte-Soline. Face aux inquiétudes croissantes et ces oppositions qui ont vocation à se multiplier au fur et à mesure que l’eau se raréfie, l’État doit favoriser les conditions d’un débat démocratique ouvert et d’ampleur autour des usages de l’eau. Apporter une réponse uniquement répressive ou refuser d’interroger les raisons de ces conflits ne fera qu’affermir la contestation. Lors de la sécheresse de l’été 2022, plus de 90% des départements étaient en restriction d’eau. Les conflits sur les usages de l’eau sont partout. L’enjeu est aujourd’hui de statuer collectivement sur les usages prioritaires de l’eau : est-il acceptable d’arroser un golf en plein été ou de remplir une piscine privée si cela met en danger l’alimentation en eau courante de plusieurs foyers ?

      Dès aujourd’hui et face à l’ensemble de ces enjeux, ouvrons un grand débat national sur l’eau, son importance et ses usages. Ce débat d’ampleur, dont les conclusions doivent être totalement ouvertes, serait une première étape essentielle en vue de l’adoption d’une grande loi programmatique de gestion de l’eau, pour sanctuariser son rôle et mettre en place la nécessaire transition écologique vers un système respectueux de la nature.

      Publié le 11 mai 2023

      Pour une vraie politique de l’eau

      Auteurs

      Gaël Jeanson
      Conseiller environnement et affaires économiques du Groupe Écologiste au Sénat.

      Sécheresses systématiques, niveaux des nappes phréatiques dramatiquement bas dès cet hiver, présence de chlorothalonil R471811 dans une majorité des eaux consommées, apparition de conflits autour des méga bassines… la question de l’eau et les problématiques qui y sont liées sont omniprésentes. La raréfaction de l’eau visible dès aujourd’hui nous donne un aperçu concret et immédiat des conséquences du dérèglement climatique. Face à cela, il est urgent de mettre en place d’une politique ambitieuse autour de l’eau pour prévenir les difficultés et les conflits liés à sa raréfaction.

      Le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau (ci-après « plan eau »), présenté par le gouvernement ces dernières semaines, témoigne de la conscientisation de cette urgence. Si certaines des 53 mesures vont dans le bon sens – l’avènement du principe de sobriété appliqué à l’eau, les prémices d’une tarification sociale ou encore la mise à jour de la gouvernance locale de l’eau et le soutien à la rénovation des réseaux d’eau –, ces mesures isolées et de moyen terme ne constituent pas une politique globale de l’eau permettant de répondre durablement à l’enjeu de sa sauvegarde. Une véritable politique de l’eau agit sur les raisons de sa raréfaction, comprend et sauvegarde son cycle naturel, propose des mesures tant sur la qualité que sur la quantité d’eau disponible et intègre les ressorts sociaux liés à sa consommation.

      SORTIR DU PRODUCTIVISME AGRICOLE

      Alors qu’avec la sécheresse estivale de 2022, les productions agricoles n’ayant pu être irriguées ont vu leurs rendements baisser de 10 à 40 %, notre agriculture subit déjà les conséquences de l’absence d’eau. Questionner notre modèle agricole, consommateur de plus de 60 % de l’eau disponible, est essentiel et structurant. Ce modèle productiviste tourné vers les exportations et responsable d’une très forte consommation d’eau n’est plus soutenable. Nous devons aujourd’hui faire évoluer nos régimes alimentaires vers plus de productions non carnées, elles-mêmes très dépendantes de cultures fortement consommatrices d’eau, comme le maïs. S’orienter vers des variétés et des espèces cultivées moins consommatrices en eau et favoriser les pratiques agricoles permettant d’infiltrer les eaux pluviales et de limiter l’évaporation sur les parcelles agricoles (plantation de haies, développement de l’agroforesterie, etc.) est une des clefs du respect du cycle naturel de l’eau.

      PRÉSERVER LA QUALITÉ DE L’EAU

      La persistance d’un modèle basé sur l’utilisation généralisée de produits phytosanitaires condamne également la qualité des eaux à très long terme. Le 6 avril 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), annonçait la présence d’une vaste pollution des eaux potables consommées en France. En cause : la présence du chlorothalonil R471811, un fongicide pourtant interdit en France depuis plusieurs années. À cet égard, l’annonce récente par le ministre de l’Agriculture, le lendemain de la présentation du plan eau, de sa volonté de ne plus suivre les avis de l’Anses et de réautoriser le S-métolachlore – classé cancérogène suspecté et responsable de graves pollutions des nappes phréatiques –, est particulièrement malvenue.

      REPENSER NOS TERRITOIRES

      Protéger l’eau, c’est aussi respecter son cycle. Considérer l’eau seulement comme un enjeu stratégique pour le pays, c’est la considérer uniquement comme une ressource à exploiter. L’eau est une partie prenante d’un écosystème à protéger. On estime à plus de deux tiers les zones humides ayant disparu en métropole depuis le début du siècle. Leur rôle pour le stockage de l’eau et la vie aquatique est pourtant fondamental. Dans les campagnes, restaurons aujourd’hui les cours d’eau, sanctuarisons les zones humides naturelles, favorisons le maintien et le replantage de haies et nous favoriserons ainsi un travail naturel de l’eau dans les sols et les nappes. En ville aussi, arrêtons l’étalement urbain et l’artificialisation galopante qui l’accompagne pour laisser l’eau jouer son rôle naturel.

      FAVORISER UNE VÉRITABLE SOBRIÉTÉ

      L’application du principe de sobriété à l’eau, comme il l’a été à l’énergie cet hiver, est une bonne chose. Mais là encore, il faut traiter le problème à la racine. La production d’un jean consomme près de 10 000 litres d’eau. Or, le maintien d’un système économique basé sur des indicateurs valorisant uniquement la hausse de la production ou la croissance de la consommation met évidemment en péril ces objectifs de sobriété. Assumer une logique de baisse de production de biens matériels non essentiels et enclencher une véritable politique d’économie circulaire : là sont les gisements d’économies d’eau conséquents et de long terme. Les appels à la sobriété risquent de rester lettre morte s’ils ne sont pas assortis d’obligations de résultat pour les industries fortement consommatrices d’eau et si une acculturation forte au principe de sobriété n’est pas favorisée.

      UN ENJEU DÉMOCRATIQUE ET DE JUSTICE SOCIALE

      Les conflits autour de l’eau apparaissent déjà, comme on l’a vu à Sainte-Soline. Face aux inquiétudes croissantes et ces oppositions qui ont vocation à se multiplier au fur et à mesure que l’eau se raréfie, l’État doit favoriser les conditions d’un débat démocratique ouvert et d’ampleur autour des usages de l’eau. Apporter une réponse uniquement répressive ou refuser d’interroger les raisons de ces conflits ne fera qu’affermir la contestation. Lors de la sécheresse de l’été 2022, plus de 90% des départements étaient en restriction d’eau. Les conflits sur les usages de l’eau sont partout. L’enjeu est aujourd’hui de statuer collectivement sur les usages prioritaires de l’eau : est-il acceptable d’arroser un golf en plein été ou de remplir une piscine privée si cela met en danger l’alimentation en eau courante de plusieurs foyers ?

      Dès aujourd’hui et face à l’ensemble de ces enjeux, ouvrons un grand débat national sur l’eau, son importance et ses usages. Ce débat d’ampleur, dont les conclusions doivent être totalement ouvertes, serait une première étape essentielle en vue de l’adoption d’une grande loi programmatique de gestion de l’eau, pour sanctuariser son rôle et mettre en place la nécessaire transition écologique vers un système respectueux de la nature.

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