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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Pierre Krajewski

Biographie

Notes publiées

Vive la décentralisation… mais pas pour nous ! Le mythe de la décentralisation dans l’écosystème des cryptoactifs

La situation dans le monde des cryptoactifs est aujourd’hui paradoxale et malsaine autour de la question de la décentralisation. L’attrait du grand public pour la décentralisation des réseaux de cryptoactifs contraste fortement avec la centralisation des principaux acteurs de cet écosystème, qui mobilisent les ressources et la parole. En effet, il y a, d’une part, de vrais systèmes décentralisés fonctionnant grâce à des « chaînes de pages » (« blockchain ») gérées par des réseaux de validateurs indépendants. C’est la surveillance croisée que chaque validateur exerce sur les autres qui assure une sécurité incontestable du registre des comptes du réseau, empêchant toute création frauduleuse de jetons et toute manipulation sur les comptes (réseaux Bitcoin, Ethereum, Solana, etc). Il y a, d’autre part, un ensemble d’acteurs centralisés (plateformes d’échange, émetteurs de stablecoins, de NFT, entreprises de minages, etc.) qui sont des « tiers de confiance ». Ils sont mal contrôlés ou pas du tout, et donc davantage susceptibles de défaillir que les banques, bourses et autres acteurs classiques du monde de la finance auxquels on doit assimiler ces acteurs centralisés de l’écosystème des cryptoactifs. Le client intéressé par la spéculation sur les cryptoactifs croit souvent à tort qu’en s’adressant à ces acteurs centralisés ils bénéficient des mêmes avantages que ceux que donnent les réseaux décentralisés. Or, c’est faux puisque ces acteurs ne sont pas surveillés par un ensemble de validateurs indépendants et obligés de se coordonner comme c’est le cas avec les blockchains. Il en résulte des accidents nombreux mais inévitables dont la chute de FTX à l’automne 2022 n’est qu’un exemple parmi des dizaines[1]. Les victimes sont ceux qui croyaient bénéficier de la sécurité d’un réseau décentralisé et qui se trouvent spoliés par un tiers de confiance… qui ne la méritait pas. Il serait important que le public comprenne bien la différence entre centralisé — un seul acteur peut décider de tout —  et décentralisé — une multitude d’acteurs se coordonnent et se surveillent pour gérer sans faille des jetons sur lesquels on parie, ce qui rend possible de leur attribuer un cours. Les blockchains ont créé la possibilité d’actifs numériques décentralisés très bien sécurisés — c’est formidable ! — mais tout ce qui tourne autour n’est pas, comme par miracle, sécurisé, et si certains essaient de le faire croire, ils doivent être remis à leur place. Le plus malsain de cette situation est que la parole sur cet écosystème composé de deux types totalement différents d’acteurs n’est tenue pratiquement que par ceux qui sont du côté centralisé. Cela est dû en partie à ce que les réseaux de validateurs des dispositifs décentralisés n’ont pas pour fonction ni forcément les moyens de parler. Il est difficile pour eux d’exprimer d’une seule voix leurs analyses et de formuler les réserves qui s’imposent face aux acteurs centralisés. Cela est dû aussi à ce que ceux-ci ont tout intérêt à ce que cette situation perdure car elle leur permet de défendre leurs entreprises, petites et parfois énormes, en brouillant les pistes. L’ADAN (Association pour le développement des Actifs Numériques) par exemple est constituée de membres qui sont tous des entreprises centralisées : Coinhouse, Ledger, Consensys, iExce, Blockchain Partner, etc. L’ADAN parle au nom de l’écosystème des cryptoactifs, prétend travailler à promouvoir son développement, agit auprès du monde politique, mène un travail pédagogique pour « faciliter la compréhension des opportunités liées aux actifs numériques »[2], etc. mais en réalité défend la partie faible de l’écosystème. Cette défense est souvent agressive et certains membres du conseil d’administration de l’ADAN, dont Alexandre Stachtchenko, se sont fait la spécialité de promouvoir dans les médias toutes les thèses de l’ADAN qui vont bien sûr dans le sens des intérêts de ses membres… centralisés. Sans surprise, l’ADAN n’évoque jamais ce que le fait qu’elle ne représente que la moitié fragile et risquée de ce qui s’est construit autour de l’idée de décentralisation par les blockchains. En clair, ce qu’on entend le plus souvent, est une information biaisée. Elle oublie de dire l’essentiel et de plus, prétendant que c’est nécessaire, demande le moins de réglementation possible et freine toutes celles qui pourraient se mettre en place pour traiter les acteurs centralisés comme ils doivent l’être, en s’inspirant des règlements du monde bancaire et financier. Qui peut parler de cet écosystème sans y être trop directement impliqué au titre d’acteur centralisé ? Les journalistes quand ils comprennent bien de quoi il s’agit, les chercheurs non-spéculateurs qui étudient les protocoles de fonctionnement des blockchains et savent bien comment fonctionnent les différents systèmes, les politiques s’ils résistent au langage intéressé tenu par les défenseurs de la composante centralisée de l’écosystème (l’actualité récente nous démontre que ce n’est souvent pas le cas). Malheureusement ces acteurs susceptibles de dire la vérité de la situation ne font pas toujours le poids face aux milliards de dollars dont les entreprises centralisées de l’écosystème disposent. La façon dont FTX a distribué des sommes considérables à de très nombreux élus américains est symptomatique du côté malsain du monde des cryptoactifs[3]. En France on a vu des personnalités politiques, dont le Pierre Person (député de La République en Marche de 2017 à 2022, qui se présente lui-même comme détenteur de cryptoactifs) se faire les défenseurs acharnés d’une régulation la plus faible possible en expliquant que toute réglementation mettrait la France en retard par rapport au reste du monde[4]. N’est-il pas étonnant encore d’apprendre que Stéphanie Cabossiorias autrefois Directrice Adjointe des affaires juridiques de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et magistrat à la Cour des comptes, est devenue Directrice juridique de Binance France, quand on sait que Binance est le plus gros acteur centralisé du monde des cryptoactifs, par ailleurs sous le coup de nombreuses sanctions ou enquêtes dans divers pays, et… accueillie en France[5]. Il est temps maintenant que le monde politique, les observateurs divers et les journalistes prennent du recul et cessent de se faire balader par ce qui n’est qu’une forme de tromperie. Celle de prétendre défendre les systèmes décentralisés quand on n’en est pas un, pour promouvoir son petit ou gros commerce et tirer le maximum de profits

Par Delahaye J., Dufrêne N., Krajewski P., Servet J.

1 mars 2023

L’effondrement de Terra : dernière illustration de la fragilité du marché des cryptoactifs

Les dernières semaines ont été fort agitées sur le marché des cryptoactifs. La chute de Terra a fait souffler un vent de panique sur l’ensemble du secteur par crainte d’une possible contagion. Alors que certains parlent de mini-crise de 2008 pour toute cette classe d’actifs, d’autres tempèrent l’évènement[1] pensant qu’il devrait se cantonner à l’écosystème de Terra. Pourtant, ce sont plusieurs stablecoins qui ont vacillé suite à l’effondrement de celui-ci, dont le leader Tether. Le marché des cryptoactifs révèle ainsi toutes ses insuffisances, sur lesquelles l’Institut Rousseau n’a eu de cesse d’alerter au cours des dernières années[2]. Qu’en est-il vraiment des stablecoins ? Quels sont les risques associés à cette nouvelle classe d’actifs et comment protéger celles et ceux qui y placent une partie de leur épargne de nouveaux épisodes de la sorte ? Pour tenter d’apporter des réponses, il faut tout d’abord comprendre de quoi il est question. Les stablecoins sont une classe de cryptoactifs dont l’objectif est de garder une valeur en constante parité avec un actif traditionnel. Cette parité vise habituellement une devise (principalement le dollar américain) mais on trouve aussi d’autres actifs utilisés comme réserves tels que l’or. On distingue principalement deux catégories de stablecoins : les centralisés et les algorithmiques[3]. Stablecoins centralisés Un stablecoin centralisé est contrôlé par un acteur central qui s’engage à disposer d’un fonds de réserves permettant de rembourser l’intégralité des cryptodollars créés contre de vrais dollars. L’exemple le plus connu est Tether avec son USDT, mais il en existe d’autres, notamment Circle qui gagne en popularité depuis quelques mois avec son USC Coin (USDC). Cet engagement n’est cependant pas toujours tenu. Tether a été épinglé par la justice new-yorkaise[4] pour avoir menti sur la nature de ses réserves, entre autres activités illégales, et est désormais interdit d’exercer dans l’État. Le fait que la société n’ait jamais publié d’audit, particulièrement depuis sa mise au ban, n’aide évidemment pas à dissiper les doutes. C’est cette réputation sulfureuse qui a permis à l’USDC de se développer, la société émettrice (Circle) étant établie sur le territoire des États-Unis et donc soumise à la réglementation du secteur financier et au contrôle des autorités locales. Malgré ces évolutions récentes, l’USDT représente toujours environ 70 % des volumes d’échange de cryptoactifs d’après le site CoinMarketCap, bien loin devant Bitcoin. La fraude est donc l’un des principaux risques liés à cette classe d’actifs, mais le succès montant de l’USDC tend à montrer qu’un meilleur contrôle par les autorités légales permet d’améliorer la confiance accordée aux sociétés qui s’y soumettent. L’autre risque reste la faillite de la société. Puisque ce risque ne peut être totalement dissipé, la réglementation doit veiller à ce qu’une telle éventualité ait un impact aussi faible que possible sur les détenteurs de ces stablecoins. Stablecoins algorithmiques Un algorithme est une procédure, un ensemble de règles qui s’appliquent automatiquement. Dans le cas présent, ces règles cherchent à reproduire la valeur d’un actif réel ou d’une monnaie sans pouvoir en détenir, du fait de  la nature immatérielle d’un algorithme et dans  l’objectif de se passer de tiers de confiance (banque dépositaire de la monnaie de réserve). Les stablecoins décentralisés visent à gérer l’émission de cryptoactifs stables en se passant d’un tiers de confiance. La seule option possible est donc d’utiliser des actifs de même nature, c’est-à-dire numériques et surtout volatiles. Un crypto-dollar peut être « synthétisé » à partir d’un ou plusieurs cryptoactifs. La démarche est analogue à celle d’un prêt sur gage ; pour créer un crypto-dollar, on dépose une quantité d’actifs numériques en gage, scellés dans un smart contract qui « synthétise » un crypto-dollar en échange. Ceci peut fonctionner tant que les actifs en réserve s’apprécient, mais si au contraire ils se déprécient, cela pourrait entraîner des liquidations en cascade, typiques des effets de levier. La liquidation d’un prêt entraînant une pression baissière sur l’actif en gage, cela pourrait mener à une dangereuse dévaluation de la réserve. La seule protection est donc que le ratio de garantie (stablecoin généré / valeur mise en gage) soit assez élevé et que les actifs gagés soient assez liquides pour limiter autant que possible la pression baissière lors de liquidations. Le cryptoactif nommé DAI utilise par exemple cette technique de sur-garantie et il a également été choisi de diversifier les actifs sur lesquels il repose afin de limiter la pression baissière sur chacun d’entre eux. Mais on note aussi un choix assez cocasse qui est d’avoir adossé son stablecoin décentralisé à un autre, centralisé. En effet 45 % des DAI créés sont garantis par de l’USDC. Comme souvent en matière de cryptoactifs, la promesse de décentralisation, ou plutôt l’argument marketing qui repose dessus, paraît quelque peu mise à mal. Terra, une illusion collective Terra entre dans la catégorie de ces stablecoins algorithmiques. Il s’agit du modèle le plus risqué de cette classe d’actifs[5] et les événements de mi-mai 2022 ont démontré sa fragilité. Terra a choisi d’adosser son crypto-dollar sur un unique actif numérique, celui qui sert  à sa gouvernance : Luna. Afin de pouvoir créer des TerraUSD, un détenteur de Luna devait « brûler » du Luna, c’est-à-dire le détruire, pour générer des TerraUSD en échange. Tant qu’il y avait de la demande pour créer du TerraUSD, la quantité de Luna diminuait et son prix augmentait. Mais à partir du 7 mai 2022, la tendance s’inverse drastiquement. Une quantité croissante de TerraUSD se retrouve en vente, plus que le marché n’est capable d’absorber et sa valeur commence à baisser. Plutôt que de vendre leurs faux dollars au rabais, les détenteurs passent par le protocole qui les brûle en échange de nouveaux Luna qu’ils espèrent revendre pour récupérer leur mise. Mais le manque de liquidité du Luna entraîne à son tour une baisse de sa valeur. La panique pousse d’autres détenteurs à se séparer de leurs Luna, accélérant la chute de son prix. Le soir du 9 mai, la capitalisation de Luna passe sous celle de TerraUSD. En d’autres termes, la réserve de Luna ne permet plus de rembourser chaque TerraUSD en circulation au prix de 1$. À cet instant précis,

Par Krajewski P.

30 mai 2022

Vive la décentralisation… mais pas pour nous ! Le mythe de la décentralisation dans l’écosystème des cryptoactifs

La situation dans le monde des cryptoactifs est aujourd’hui paradoxale et malsaine autour de la question de la décentralisation. L’attrait du grand public pour la décentralisation des réseaux de cryptoactifs contraste fortement avec la centralisation des principaux acteurs de cet écosystème, qui mobilisent les ressources et la parole. En effet, il y a, d’une part, de vrais systèmes décentralisés fonctionnant grâce à des « chaînes de pages » (« blockchain ») gérées par des réseaux de validateurs indépendants. C’est la surveillance croisée que chaque validateur exerce sur les autres qui assure une sécurité incontestable du registre des comptes du réseau, empêchant toute création frauduleuse de jetons et toute manipulation sur les comptes (réseaux Bitcoin, Ethereum, Solana, etc). Il y a, d’autre part, un ensemble d’acteurs centralisés (plateformes d’échange, émetteurs de stablecoins, de NFT, entreprises de minages, etc.) qui sont des « tiers de confiance ». Ils sont mal contrôlés ou pas du tout, et donc davantage susceptibles de défaillir que les banques, bourses et autres acteurs classiques du monde de la finance auxquels on doit assimiler ces acteurs centralisés de l’écosystème des cryptoactifs. Le client intéressé par la spéculation sur les cryptoactifs croit souvent à tort qu’en s’adressant à ces acteurs centralisés ils bénéficient des mêmes avantages que ceux que donnent les réseaux décentralisés. Or, c’est faux puisque ces acteurs ne sont pas surveillés par un ensemble de validateurs indépendants et obligés de se coordonner comme c’est le cas avec les blockchains. Il en résulte des accidents nombreux mais inévitables dont la chute de FTX à l’automne 2022 n’est qu’un exemple parmi des dizaines[1]. Les victimes sont ceux qui croyaient bénéficier de la sécurité d’un réseau décentralisé et qui se trouvent spoliés par un tiers de confiance… qui ne la méritait pas. Il serait important que le public comprenne bien la différence entre centralisé — un seul acteur peut décider de tout —  et décentralisé — une multitude d’acteurs se coordonnent et se surveillent pour gérer sans faille des jetons sur lesquels on parie, ce qui rend possible de leur attribuer un cours. Les blockchains ont créé la possibilité d’actifs numériques décentralisés très bien sécurisés — c’est formidable ! — mais tout ce qui tourne autour n’est pas, comme par miracle, sécurisé, et si certains essaient de le faire croire, ils doivent être remis à leur place. Le plus malsain de cette situation est que la parole sur cet écosystème composé de deux types totalement différents d’acteurs n’est tenue pratiquement que par ceux qui sont du côté centralisé. Cela est dû en partie à ce que les réseaux de validateurs des dispositifs décentralisés n’ont pas pour fonction ni forcément les moyens de parler. Il est difficile pour eux d’exprimer d’une seule voix leurs analyses et de formuler les réserves qui s’imposent face aux acteurs centralisés. Cela est dû aussi à ce que ceux-ci ont tout intérêt à ce que cette situation perdure car elle leur permet de défendre leurs entreprises, petites et parfois énormes, en brouillant les pistes. L’ADAN (Association pour le développement des Actifs Numériques) par exemple est constituée de membres qui sont tous des entreprises centralisées : Coinhouse, Ledger, Consensys, iExce, Blockchain Partner, etc. L’ADAN parle au nom de l’écosystème des cryptoactifs, prétend travailler à promouvoir son développement, agit auprès du monde politique, mène un travail pédagogique pour « faciliter la compréhension des opportunités liées aux actifs numériques »[2], etc. mais en réalité défend la partie faible de l’écosystème. Cette défense est souvent agressive et certains membres du conseil d’administration de l’ADAN, dont Alexandre Stachtchenko, se sont fait la spécialité de promouvoir dans les médias toutes les thèses de l’ADAN qui vont bien sûr dans le sens des intérêts de ses membres… centralisés. Sans surprise, l’ADAN n’évoque jamais ce que le fait qu’elle ne représente que la moitié fragile et risquée de ce qui s’est construit autour de l’idée de décentralisation par les blockchains. En clair, ce qu’on entend le plus souvent, est une information biaisée. Elle oublie de dire l’essentiel et de plus, prétendant que c’est nécessaire, demande le moins de réglementation possible et freine toutes celles qui pourraient se mettre en place pour traiter les acteurs centralisés comme ils doivent l’être, en s’inspirant des règlements du monde bancaire et financier. Qui peut parler de cet écosystème sans y être trop directement impliqué au titre d’acteur centralisé ? Les journalistes quand ils comprennent bien de quoi il s’agit, les chercheurs non-spéculateurs qui étudient les protocoles de fonctionnement des blockchains et savent bien comment fonctionnent les différents systèmes, les politiques s’ils résistent au langage intéressé tenu par les défenseurs de la composante centralisée de l’écosystème (l’actualité récente nous démontre que ce n’est souvent pas le cas). Malheureusement ces acteurs susceptibles de dire la vérité de la situation ne font pas toujours le poids face aux milliards de dollars dont les entreprises centralisées de l’écosystème disposent. La façon dont FTX a distribué des sommes considérables à de très nombreux élus américains est symptomatique du côté malsain du monde des cryptoactifs[3]. En France on a vu des personnalités politiques, dont le Pierre Person (député de La République en Marche de 2017 à 2022, qui se présente lui-même comme détenteur de cryptoactifs) se faire les défenseurs acharnés d’une régulation la plus faible possible en expliquant que toute réglementation mettrait la France en retard par rapport au reste du monde[4]. N’est-il pas étonnant encore d’apprendre que Stéphanie Cabossiorias autrefois Directrice Adjointe des affaires juridiques de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et magistrat à la Cour des comptes, est devenue Directrice juridique de Binance France, quand on sait que Binance est le plus gros acteur centralisé du monde des cryptoactifs, par ailleurs sous le coup de nombreuses sanctions ou enquêtes dans divers pays, et… accueillie en France[5]. Il est temps maintenant que le monde politique, les observateurs divers et les journalistes prennent du recul et cessent de se faire balader par ce qui n’est qu’une forme de tromperie. Celle de prétendre défendre les systèmes décentralisés quand on n’en est pas un, pour promouvoir son petit ou gros commerce et tirer le maximum de profits

Par Delahaye J., Dufrêne N., Krajewski P., Servet J.

30 mai 2022

L’effondrement de Terra : dernière illustration de la fragilité du marché des cryptoactifs

Les dernières semaines ont été fort agitées sur le marché des cryptoactifs. La chute de Terra a fait souffler un vent de panique sur l’ensemble du secteur par crainte d’une possible contagion. Alors que certains parlent de mini-crise de 2008 pour toute cette classe d’actifs, d’autres tempèrent l’évènement[1] pensant qu’il devrait se cantonner à l’écosystème de Terra. Pourtant, ce sont plusieurs stablecoins qui ont vacillé suite à l’effondrement de celui-ci, dont le leader Tether. Le marché des cryptoactifs révèle ainsi toutes ses insuffisances, sur lesquelles l’Institut Rousseau n’a eu de cesse d’alerter au cours des dernières années[2]. Qu’en est-il vraiment des stablecoins ? Quels sont les risques associés à cette nouvelle classe d’actifs et comment protéger celles et ceux qui y placent une partie de leur épargne de nouveaux épisodes de la sorte ? Pour tenter d’apporter des réponses, il faut tout d’abord comprendre de quoi il est question. Les stablecoins sont une classe de cryptoactifs dont l’objectif est de garder une valeur en constante parité avec un actif traditionnel. Cette parité vise habituellement une devise (principalement le dollar américain) mais on trouve aussi d’autres actifs utilisés comme réserves tels que l’or. On distingue principalement deux catégories de stablecoins : les centralisés et les algorithmiques[3]. Stablecoins centralisés Un stablecoin centralisé est contrôlé par un acteur central qui s’engage à disposer d’un fonds de réserves permettant de rembourser l’intégralité des cryptodollars créés contre de vrais dollars. L’exemple le plus connu est Tether avec son USDT, mais il en existe d’autres, notamment Circle qui gagne en popularité depuis quelques mois avec son USC Coin (USDC). Cet engagement n’est cependant pas toujours tenu. Tether a été épinglé par la justice new-yorkaise[4] pour avoir menti sur la nature de ses réserves, entre autres activités illégales, et est désormais interdit d’exercer dans l’État. Le fait que la société n’ait jamais publié d’audit, particulièrement depuis sa mise au ban, n’aide évidemment pas à dissiper les doutes. C’est cette réputation sulfureuse qui a permis à l’USDC de se développer, la société émettrice (Circle) étant établie sur le territoire des États-Unis et donc soumise à la réglementation du secteur financier et au contrôle des autorités locales. Malgré ces évolutions récentes, l’USDT représente toujours environ 70 % des volumes d’échange de cryptoactifs d’après le site CoinMarketCap, bien loin devant Bitcoin. La fraude est donc l’un des principaux risques liés à cette classe d’actifs, mais le succès montant de l’USDC tend à montrer qu’un meilleur contrôle par les autorités légales permet d’améliorer la confiance accordée aux sociétés qui s’y soumettent. L’autre risque reste la faillite de la société. Puisque ce risque ne peut être totalement dissipé, la réglementation doit veiller à ce qu’une telle éventualité ait un impact aussi faible que possible sur les détenteurs de ces stablecoins. Stablecoins algorithmiques Un algorithme est une procédure, un ensemble de règles qui s’appliquent automatiquement. Dans le cas présent, ces règles cherchent à reproduire la valeur d’un actif réel ou d’une monnaie sans pouvoir en détenir, du fait de  la nature immatérielle d’un algorithme et dans  l’objectif de se passer de tiers de confiance (banque dépositaire de la monnaie de réserve). Les stablecoins décentralisés visent à gérer l’émission de cryptoactifs stables en se passant d’un tiers de confiance. La seule option possible est donc d’utiliser des actifs de même nature, c’est-à-dire numériques et surtout volatiles. Un crypto-dollar peut être « synthétisé » à partir d’un ou plusieurs cryptoactifs. La démarche est analogue à celle d’un prêt sur gage ; pour créer un crypto-dollar, on dépose une quantité d’actifs numériques en gage, scellés dans un smart contract qui « synthétise » un crypto-dollar en échange. Ceci peut fonctionner tant que les actifs en réserve s’apprécient, mais si au contraire ils se déprécient, cela pourrait entraîner des liquidations en cascade, typiques des effets de levier. La liquidation d’un prêt entraînant une pression baissière sur l’actif en gage, cela pourrait mener à une dangereuse dévaluation de la réserve. La seule protection est donc que le ratio de garantie (stablecoin généré / valeur mise en gage) soit assez élevé et que les actifs gagés soient assez liquides pour limiter autant que possible la pression baissière lors de liquidations. Le cryptoactif nommé DAI utilise par exemple cette technique de sur-garantie et il a également été choisi de diversifier les actifs sur lesquels il repose afin de limiter la pression baissière sur chacun d’entre eux. Mais on note aussi un choix assez cocasse qui est d’avoir adossé son stablecoin décentralisé à un autre, centralisé. En effet 45 % des DAI créés sont garantis par de l’USDC. Comme souvent en matière de cryptoactifs, la promesse de décentralisation, ou plutôt l’argument marketing qui repose dessus, paraît quelque peu mise à mal. Terra, une illusion collective Terra entre dans la catégorie de ces stablecoins algorithmiques. Il s’agit du modèle le plus risqué de cette classe d’actifs[5] et les événements de mi-mai 2022 ont démontré sa fragilité. Terra a choisi d’adosser son crypto-dollar sur un unique actif numérique, celui qui sert  à sa gouvernance : Luna. Afin de pouvoir créer des TerraUSD, un détenteur de Luna devait « brûler » du Luna, c’est-à-dire le détruire, pour générer des TerraUSD en échange. Tant qu’il y avait de la demande pour créer du TerraUSD, la quantité de Luna diminuait et son prix augmentait. Mais à partir du 7 mai 2022, la tendance s’inverse drastiquement. Une quantité croissante de TerraUSD se retrouve en vente, plus que le marché n’est capable d’absorber et sa valeur commence à baisser. Plutôt que de vendre leurs faux dollars au rabais, les détenteurs passent par le protocole qui les brûle en échange de nouveaux Luna qu’ils espèrent revendre pour récupérer leur mise. Mais le manque de liquidité du Luna entraîne à son tour une baisse de sa valeur. La panique pousse d’autres détenteurs à se séparer de leurs Luna, accélérant la chute de son prix. Le soir du 9 mai, la capitalisation de Luna passe sous celle de TerraUSD. En d’autres termes, la réserve de Luna ne permet plus de rembourser chaque TerraUSD en circulation au prix de 1$. À cet instant précis,

Par Krajewski P.

30 mai 2022

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