En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? »
Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux.
Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand évènement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs.
La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux.
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INTRODUCTION
L’appel de nombreux économistes, responsables et citoyens, à annuler tout ou partie des dettes publiques détenues par la banque centrale européenne[2] (voir https://annulation-dette-publique-bce.com/) a engendré de nombreuses objections politiques, idéologiques, juridiques et comptables. Le but de la présente note est d’aborder le traitement comptable d’une telle annulation de dettes.
1. Cadre comptable des banques centrales
Le cadre de référence en matière de comptabilité des banques centrales au sein du SEBC est formé par les documents suivants :
- « Les finances des banques centrales», qui a été publié par la Banque des règlements internationaux[3],
- « Le protocole N°4 sur les statuts du système européen de banques centrales et de la banque centrale européenne »
- « L’orientation[4] de la Banque centrale européenne concernant le cadre juridique des procédures comptables et d’information financière dans le Système européen de banques centrales (BCE/2016/34) (2016/2249/UE) ».
« Les finances des banques centrales » fournit un cadre conceptuel qui vise à harmoniser les principes et les pratiques des banques centrales à travers le monde. Sans valeur contraignante, il est le résultat des travaux d’un groupe de travail international de banquiers centraux.
Dans ses conclusions, ce document souligne les éléments suivants :
Le bilan d’une banque centrale ne peut pas être assimilé à celui d’une quelconque banque commerciale. « Les banques centrales ne sont pas des banques commerciales. Elles ne recherchent pas le profit et ne sont pas soumises aux mêmes contraintes financières que les établissements privés»[5]. « Les gains et les pertes de la banque centrale appartiennent à la société dans son ensemble »[6]
Une banque centrale peut très bien fonctionner avec des fonds propres négatifs. « Il est loin d’être clair pour tout le monde que les fonds propres comptables d’une banque centrale peuvent être négatifs sans qu’il y ait lieu de s’alarmer »[7].
Les marchés financiers, les responsables politiques et le grand public peuvent avoir des perceptions erronées du bilan d’une banque centrale, c’est pourquoi, malgré le fait qu’elle peut fonctionner avec des fonds propres négatifs, « Il importe que la banque centrale reste financièrement indépendante »[8] C’est pourquoi « Les rétentions et les distributions d’excédents doivent être étroitement liées à un objectif de ressources financières qui soit lui-même réglé en fonction du besoin potentiel de ressources en temps de crise et les gains de réévaluation latents et les revenus tirés d’actifs particulièrement risqués ne doivent pas faire l’objet de distributions car ils ne constituent pas des bénéfices définitifs. »[9]
L’objectif d’une banque centrale est de long terme, il est normal que la comptabilité déroge de manière sélective et transparente aux normes d’information financière à court terme parce que « Les banques centrales détiennent de nombreux actifs et passifs dont les variations de valeur ne sont pas pertinentes, même selon les normes internationales d’information financière (IFRS). »[10] « En matière de conventions comptables, il peut être nécessaire de s’écarter de manière sélective mais transparente des normes internationales d’information financière (IFRS). »[11].
En dernière analyse, la solidité, la solvabilité et donc la confiance dans la banque centrale et sa monnaie s’apprécient essentiellement par des éléments extérieurs tels que la confiance dans les institutions, la stabilité politique, la qualité du personnel politique, la politique économique et fiscale, la structure et la taille de l’économie, l’état des finances publiques ou … la puissance militaire. Ce sont des attributs extérieurs à la banque centrale et à la monnaie qui en fondent la confiance. « La solidité financière d’une banque centrale, en tant qu’entité autonome, peut donc renforcer sa crédibilité, particulièrement si elle se trouve affaiblie par son histoire, des dispositions institutionnelles ou le climat politique. À l’inverse, si sa crédibilité n’est pas remise en question, la solidité financière n’améliorera pas sa capacité à mener sa stratégie à bien. Il est donc extrêmement difficile de déterminer le niveau de soutien financier dont une banque centrale a besoin. »[12].
Le protocole n°4, article 26, mais surtout l’orientation de la BCE fournissent les principes et le cadre opérationnel de la comptabilité du SEBC. L’article 3, en particulier, définit les caractéristiques qualitatives de la comptabilité. Nous retiendrons ici les éléments suivants :
« 1) réalité économique et transparence : les méthodes comptables et l’information financière reflètent la réalité économique, sont transparentes et sont définies dans le respect de l’intelligibilité, la pertinence, la fiabilité et la comparabilité. Les opérations sont enregistrées et présentées conformément à leur nature et à leur réalité économique, et non pas simplement à leur forme juridique » ;
« 2) prudence : la valorisation des actifs et des passifs ainsi que la constatation des résultats sont effectuées avec prudence. Dans le contexte de la présente orientation, cela signifie que les plus-values latentes ne sont pas comptabilisées comme des produits dans le compte de résultat, mais enregistrées directement dans un compte de réévaluation, et que les moins-values latentes sont portées au compte de résultat en fin d’année si elles excèdent les plus-values latentes antérieures comptabilisées dans le compte de réévaluation correspondant »[13];
L’article 4 définit les principes comptables dont on retiendra particulièrement l’élément suivant :
« 1) principe de continuité de l’exploitation : les comptes sont élaborés conformément au principe de continuité de l’exploitation » ;
L’article 9 définit les règles de valorisation du bilan, il mentionne que :
« 1. Les taux et les prix actuels du marché sont utilisés pour la valorisation du bilan, sauf dans les cas relevant des règles particulières spécifiées à l’annexe IV ».
« 4. Les comptabilisations de réévaluation sont contre-passées à la fin du trimestre suivant, à l’exception des moins-values latentes qui sont portées au compte de résultat en fin d’année ; au cours du trimestre, toute transaction est déclarée aux prix et taux de transaction ».
L’article 15 règle la constatation des résultats, il stipule que :
« 1. La constatation des résultats est effectuée selon les règles suivantes :
a) les plus-values et moins-values réalisées sont portées au compte de résultat ;
b) les plus-values latentes ne sont pas considérées comme des produits, mais enregistrées directement dans un compte de réévaluation ;
c) en fin d’année, les moins-values latentes sont portées au compte de résultat si elles excèdent les plus-values latentes antérieures comptabilisées dans le compte de réévaluation correspondant ;
d) les moins-values latentes portées au compte de résultat ne sont pas contre-passées au cours des années suivantes en contrepartie de nouvelles plus-values latentes ; »
2. Traitement comptable d’une perpétualisation et d’une annulation de la dette publique détenue par une banque centrale
L’appel du 5 février proposait deux mesures conditionnelles[14] alternatives :
– L’annulation pure et simple de la dette publique détenue par le SEBC ;
– La perpétualisation de cette dette à un taux d’intérêt de 0 %, c’est-à-dire la transformation du stock de titres de dette publique dont les durées et les taux d’intérêt sont variables en un seul stock de dette publique de durée illimitée portant un taux d’intérêt de 0 %.
Dans l’esprit des proposants, ces deux mesures sont identiques, elles visent à rendre inexigible la dette publique détenue par le SEBC. De leur point de vue, ce sont des éventuelles contraintes juridico-administratives qui doivent présider au choix de l’une ou l’autre solution.
2.1.Approche comptable simple
Le montant de la dette publique à annuler est enregistré à l’actif du bilan sous le poste 7.1. « Titres détenus à des fins de politique monétaire » (voir annexe – Bilan simplifié et compte de résultats d’une banque centrale membre du SEBC).
Si l’on suit une approche simple conforme aux règles de l’orientation de la BCE, l’annulation[15] de la dette consisterait alors à enregistrer sa disparition du poste de l’actif en l’enregistrant comme moins-value réalisée au passif dans le compte de résultat en application de l’article 15.a). On aurait alors l’écriture :
Débit | Crédit | |
2.1. Plus / moins-values réalisées sur opérations financières | ||
à 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire |
Les titres disparaîtraient immédiatement de l’actif et leur disparition serait alors simplement actée dans le compte de résultat qui, par report du résultat final viendrait en déduction du passif du bilan de la banque centrale. En fonction du montant de l’annulation, de la hauteur du capital et des réserves constituées antérieurement, il se pourrait que les fonds propres de la banque deviennent négatifs. Autrement dit que le capital libéré et les réserves constituées ne suffisent pas à absorber cette perte.
Sur le plan théorique, cela ne pose pas de problème puisque, comme on l’a vu plus haut, une banque centrale peut très bien fonctionner avec des fonds propres négatifs. Toutefois, les marchés financiers, les responsables politiques et le grand public peuvent avoir des perceptions erronées du bilan d’une banque centrale c’est pourquoi, malgré le fait qu’elle peut fonctionner avec des fonds propres négatifs, il importe que la banque centrale reste financièrement indépendante. Par conséquent, cette approche comptable simple ne semble pas souhaitable.
2.2. Création de monnaie permanente libre d’endettement
Cette approche simple est d’autant moins souhaitable qu’elle masque le phénomène de création de monnaie permanente libre de tout endettement sous forme de réserves détenues par les banques commerciales. En effet, la dette publique détenue par la banque centrale a été acquise moyennant création de monnaie centrale transférée aux vendeurs des titres de dette via le secteur bancaire.
La banque centrale annulant ces titres, elle n’a plus la possibilité de les revendre ultérieurement sur le marché et ne peut donc plus récupérer la monnaie en circulation. La loi du reflux ne s’applique plus, la monnaie centrale mise en circulation lors de l’achat initial circule alors de manière permanente et n’a plus sa contrepartie dans la comptabilité de la banque centrale. C’est pourquoi, on assiste à la création d’un stock de monnaie permanente libre d’endettement. « Permanente », parce qu’elle n’obéit plus à la loi du reflux, elle est condamnée à rester en circulation « ad vitam aeternam » et « libre », parce qu’elle ne correspond plus à une créance de la banque centrale.
Avec cette première approche comptable, ce stock de monnaie libre permanente ne peut pas être identifié de manière explicite au sein du bilan de la banque centrale, il ne peut l’être qu’implicitement via l’analyse des résultats antérieurs. Compte-tenu de l’objectif public de la banque centrale, dans le cas d’une annulation de dette, il faut proposer une méthode comptable alternative qui s’écarte de manière « sélective » et « transparente » des normes habituelles et développer une méthode qui permet d’identifier explicitement le stock de monnaie permanente libre d’endettement, une méthode qui, de plus, éviterait de passer par le compte de résultat pour éviter des « perceptions erronées du bilan d’une banque centrale » et qui, par conséquent, répondrait au « principe de continuité de l’exploitation ».
2.3. Approche comptable améliorée
Repartons de la situation décrite sous l’approche simple, nous devons annuler des titres et les transférer au sein du bilan afin qu’il nous donne l’expression exacte du montant de monnaie permanente libre d’endettement. Il nous faut, pour cela, créer un nouveau poste comptable[16] au sein de l’actif que l’on pourrait appeler « 10. Contribution définitive aux objectifs de la nation »[17] que l’on pourrait placer en face des postes du passif comme le capital et les fonds de réserve afin de souligner le caractère d’immobilisation de cette contribution.
L’écriture comptable deviendrait alors,
Débit | Crédit | |
10. Contribution définitive aux objectifs de la nation | ||
à 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire |
Cette écriture permet de transférer la créance sur le secteur public détenue à des fins de politique monétaire vers une rubrique où elle n’est plus considérée comme une créance mais comme une immobilisation comptable[18].
Toutefois, il convient de valoriser correctement le montant à transférer entre les rubriques comptables. Faut-il enregistrer :
- La valeur nominale de la dette publique annulée ?
- La valeur de marché de la dette annulée telle qu’elle est enregistrée avant son annulation dans le compte 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire ?
De toute évidence, il faut enregistrer la valeur nominale de la dette publique annulée. Cet enregistrement présente l’avantage d’être totalement concordant avec le montant de dette qui sera annulé dans la comptabilité publique. La valeur nominale n’est d’ailleurs pas censée être modifiée dans le futur en fonction des valeurs de marché. Cela pose toutefois un petit problème comptable puisque ces titres de dettes sont enregistrés au bilan sous la rubrique 7.1. à leur valeur de marché. Il y a alors une discordance entre la valeur nominale à enregistrer sous « 10. Contribution définitive aux objectifs de la nation » et la valeur de marché enregistrée sous « 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire ». L’éventuelle moins-value latente doit être actée définitivement alors que l’éventuelle plus-value latente ne sera jamais réalisée.
Par conséquent, il faut considérer :
– Que la moins-value latente enregistrée préalablement sur les titres en cours d’annulation est maintenant réalisée. En conséquence, en application de l’article 15.a, elle est portée au compte de résultat au titre de moins-values et
– Que la plus-value latente, préalablement enregistrée au compte de réévaluation, en application de l’article 15.b), ne sera jamais réalisée et que, par conséquent, elle doit être portées au compte de résultat en application de l’article 15.a)
On a alors les écritures comptables suivantes :
– En présence d’une moins-value latente
Débit | Crédit | |
10. Contribution définitive aux objectifs de la nation | ||
à 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire
2.1. Moins-values réalisées sur opérations financières |
– En présence d’une plus-value non réalisable :
Débit | Crédit | |
10. Contribution définitive aux objectifs de la nation
2.2. Moins-values latentes sur actifs financiers |
||
à 7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire |
CONCLUSIONS
On constate que l’approche comptable améliorée répond à toutes les contraintes de la comptabilité de banque centrale :
– Le nouveau compte « Contribution définitive aux objectifs de la nation » reprend exactement le montant initialement créé pour souscrire la dette publique actuellement annulée. Il y a identité parfaite entre le mouvement comptable de la banque centrale et le mouvement enregistré en comptabilité publique.
– Le principe de « réalité économique » est totalement respecté puisque le montant de monnaie permanente enregistré au bilan est correct et représentatif de la réalité économique.
– Le principe de « transparence » est parfaitement respecté pour l’ensemble des lecteurs du bilan de la banque centrale qui peuvent aisément et correctement évaluer le montant repris sous le poste « 10. Contribution définitive aux objectifs de la nation ».
– Ce bilan paraîtra, à d’aucuns, comme une transgression de la « réalité financière» puisque, de fait, le montant repris sous « 10. Contribution définitive aux objectifs de la nation » n’est plus réellement un actif réalisable de la banque centrale. Rappelons, encore une fois, que le bilan de la banque centrale est d’intérêt général et qu’il doit contenir toute l’information financière permettant de se faire une idée correcte de la circulation monétaire et de ses conditions de circulation et que cette dernière réalité est certainement plus importante que la « réalité financière ».
– L’avantage de l’approche comptable améliorée est qu’elle n’utilise les comptes de résultats que de manière accessoire pour acter des moins-values comptables, somme toute, accessoires. Par conséquent, elle ne peut avoir l’effet dévastateur tant redouté qui serait dû aux perceptions erronées que peuvent avoir les marchés financiers, les responsables politiques et le grand public. Le bilan reste totalement équilibré.
Dans la même logique, on mentionnera que la conversion de la dette publique en une dette perpétuelle à taux zéro se traduit, mutatis mutandis, par les mêmes opérations. Le cas échéant des sous-comptes séparés de « 10. Contribution définitive aux objectifs de la nation » pourraient distinguer les montants des dettes annulées des montants de dettes perpétualisées. On aurait alors la structure suivante :
Débit | Crédit | |
10. Contribution définitive aux objectifs de la nation
10.1. Contribution définitive aux objectifs de la nation par annulation de dettes publiques |
||
10.2. Contribution définitive aux objectifs de la nation par perpétualisation de dettes publiques |
De même, on notera que toute émission monétaire sous forme de don monétaire, que ce soit un don monétaire direct aux autorités publiques ou un don monétaire octroyé aux particuliers, communément appelé « hélicoptère monétaire » passerait également par ce compte d’émission de monnaie permanente.
Annexe 1 : Autres solutions
Techniquement, d’autres solutions sont également envisageables :
a) La consolidation du bilan de la banque centrale nationale dans le compte des administrations publiques au sein du SEC2010
La méthodologie SEC2010 est basée sur une découpe en secteurs institutionnels. La banque centrale est classée au sein du secteur S12 – Sociétés financières, et plus particulièrement au sein du sous-secteur S121 – Banque centrale, sous-secteur dans lequel est la seule unité institutionnelle. Les administrations publiques sont, elles, regroupées au sein du secteur S13 – Administrations publiques. Si l’on décidait de classer la banque centrale au sein du secteur des administrations publiques – ce qui semblerait logique à l’immense majorité de la population – par exemple dans un sous-secteur particulier des administrations publiques, la question de la dette publique détenue par la banque centrale se poserait avec moins d’acuité.
Lors de la consolidation des bilans des entreprises appartenant à un même groupe, la dette détenue sur sa maison mère par une filiale disparaît comptablement – pas juridiquement – au moment de la confection du bilan consolidé du groupe. Ce même principe de consolidation existe pour les comptes publics. Ainsi, la dette d’une administration publique détenue par une autre administration publique disparaît comptablement – pas juridiquement – par le phénomène de consolidation comptable. La dette continue à exister mais n’est pas exprimée en dehors du périmètre de consolidation. Elle devient une affaire interne au secteur public, elle est soustraite à la logique de marché. Cette consolidation comptable – pas juridique – du bilan de la banque centrale dans le secteur public peut être vue comme une forme d’intégration minimale alors que d’autres théories, comme la théorie moderne de la monnaie[19], promeuvent une intégration totale.
b. Le rachat des titres de dettes publiques nationales détenues par les BCN par la BCE
Les mécanismes présentés jusqu’ici se cantonnent à des solutions nationales sous coordination européenne. Concrètement, jusqu’ici, on n’a envisagé que le cas d’annulation de la dette publique d’un pays détenue par la BCN de ce même pays. Pour des raisons évidentes d’équité entre Etats membres de la zone euro et de stabilité monétaire, les montants de dette à annuler par pays devront être décidés au sein de la BCE par le Conseil des Gouverneurs. Aussi, n’est-il pas dénué d’intérêt de penser à un mécanisme de rachat de titres dettes publiques nationales détenues par les BCN par la BCE. Ce serait alors la BCE qui détiendrait le montant total de la dette publique à annuler pour l’ensemble des pays membres de la zone euro. Cette détention commune de dettes publiques pourrait être vue comme l’expression de la solidarité européenne et de la volonté d’avancer dans l’intégration européenne. Techniquement et comptablement, l’opération ne présente aucune difficulté. Il en est probablement autrement sur le plan politique.
Annexe 2: Bilan et compte de résultat d’une banque centrale membre du SEBC
– En caractères gras, les postes comptables cités dans la note
– En italique, le nouveau poste comptable à créer à la suite de la proposition d’annulation de la dette publique détenue par le système européen de banques centrales (SEBC)
Bilan :
ACTIF | PASSIF | ||
1. | Avoirs et créances en or | 1. | Billets en circulation |
2. | Créances en devises sur des non-résidents de la zone euro | 2. | Engagements en euros envers des établissements de crédit
de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire |
3. | Créances en devises sur des résidents de la zone euro | 3. | Autres engagements en euros envers des établissements de crédit de la zone euro |
4. | Créances en euros sur des non-résidents de la zone euro | 4. | Engagements en euros envers d’autres résidents de la zone euro |
5. | Concours en euros à des établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire | 5. | Engagements en euros envers des non‑résidents de la zone euro |
6. | Autres créances en euros sur des établissements de crédit
de la zone euro |
6. | Engagements en devises envers des résidents de la zone euro |
7. | Titres en euros émis par des résidents de la zone euro | 7. | Engagements en devises envers des non‑résidents de la zone euro |
7.1. Titres détenus à des fins de politique monétaire | 8. | Contrepartie des droits de tirage spéciaux alloués par le FMI | |
8. | Créances intra-Eurosystème
|
9. | Engagements envers l’Eurosystème |
9. | Autres actifs |
10. |
Autres engagements |
11. | Provisions | ||
12. | Comptes de réévaluation | ||
10. | Contribution définitive aux objectifs de la nation | 13. | Capital, fonds de réserve et réserve disponible |
14. | Bénéfice de l’exercice | ||
Total | Total |
Compte de résultats :
1. | Produit net d’intérêt |
2. | Résultat net des opérations financières, moins-values latentes et provisions |
2.1. Plus / moins-values réalisées sur opérations financières | |
2.2. Moins-values latentes sur actifs financiers et positions de change | |
3. | Produits / charges nets de commission |
4. | Produits des actions et titres de participation |
5. | Solde de la répartition du revenu monétaire |
6. | Autres produits |
7. | Frais de personnel |
8. | Autres charges d’exploitation |
9. | Amortissements des immobilisations corporelles et incorporelles |
10. | Service de production des billets |
11. | Autres charges |
12. | Impôt des sociétés |
Bénéfice de l’exercice |
Annexe 3 : Bilan consolidé du SEBC après annulation de 100% de la dette publique détenue par les BCN
Cette annexe présente le bilan consolidé du SEBC en l’état du 31 décembre 2020 dans l’hypothèse où 3.704 milliards d’euros, soit 100% de la dette publique détenue par les banques centrales nationales (BCN) aurait été annulée à cette date.
Rubrique | 2020-12
|
||
(en millions d’euros) | AVANT | APRES | |
A | Actif | 7 014 661 | 7 014 661 |
A1 | Avoirs et créances en or | 559 281 | 559 281 |
A2 | Créances en devises sur des non-résidents de la zone euro | 356 743 | 356 743 |
A21 | Créances sur le FMI | 87 079 | 87 079 |
A22 | Comptes auprès de banques, titres, prêts et autres actifs en devises | 269 664 | 269 664 |
A3 | Créances en devises sur des résidents de la zone euro | 24 535 | 24 535 |
A4 | Créances en euro sur des non-résidents de la zone euro | 12 966 | 12 966 |
A41 | Comptes auprès de banques, titres et prêts | 12 966 | 12 966 |
A5 | Concours en euros à des établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire | 1 792 839 | 1 792 839 |
A51 | Opérations principales de refinancement | 262 | 262 |
A52 | Opérations de refinancement à plus long terme | 1 792 574 | 1 792 574 |
A52 | Cessions temporaires de réglage fin | 0 | 0 |
A54 | Cessions temporaires à des fins structurelles | 0 | 0 |
A55 | Facilité de prêt marginal | 3 | 3 |
A56 | Appels de marge versés | 0 | 0 |
A6 | Autres créances en euros sur des établissements de crédit de la zone euro | 31 920 | 31 920 |
A7 | Titres en euro émis par des résidents de la zone euro | 3 900 861 | 3 900 861 |
A71 | Titres détenus à des fins de politique monétaire | 3 704 857 | 0 |
A72 | Autres titres | 196 004 | 196 004 |
A8 | Créances en euro sur des administrations publiques | 22 773 | 22 773 |
A9 | Autres actifs | 312 783 | 312 783 |
A10 | Contribution définitive aux objectifs des nations | – | 3 704 857 |
Rubrique | 2020-12 | ||
(en millions d’euros) | AVANT | APRES | |
L | Passif | 7 014 661 | 7 014 661 |
L1 | Billets en circulation | 1 433 564 | 1 433 564 |
L2 | Engagements en euro envers des établissements de crédit de la zone euro liés aux opérations de politique monétaire | 3 570 863 | 3 570 863 |
L21 | Comptes courants | 2 979 440 | 2 979 440 |
L22 | Facilité de dépôt | 591 423 | 591 423 |
L23 | Reprises de liquidités en blanc | 0 | 0 |
L24 | Cessions temporaires de réglage fin | 0 | 0 |
L25 | Appels de marge reçus | 0 | 0 |
L3 | Autres engagements en euros envers des établissements de crédit de la zone euro | 17 801 | 17 801 |
L4 | Certificats de dette émis | 0 | 0 |
L5 | Engagements en euro envers d’autres résidents de la zone euro | 621 330 | 621 330 |
L51 | Engagements envers des administrations publiques | 540 119 | 540 119 |
L52 | Autres engagements | 81 211 | 81 211 |
L6 | Engagements en euro envers des non-résidents de la zone euro | 349 241 | 349 241 |
L7 | Engagements en devises envers des résidents de la zone euro | 7 966 | 7 966 |
L8 | Engagements en devises envers des non-résidents de la zone euro | 4 055 | 4 055 |
L81 | Dépôts, comptes et autres engagements | 4 055 | 4 055 |
L82 | Facilité de crédit contractée dans le cadre du MCE II | 0 | 0 |
L9 | Contrepartie des droits de tirage spéciaux alloués par le FMI | 55 888 | 55 888 |
L10 | Autres passifs | 301 658 | 301 658 |
L11 | Comptes de réévaluation | 543 498 | 543 498 |
L12 | Capital et réserves | 108 797 | 108 797 |
Références :
[1] Sociologue de la monnaie, certifié en finances publiques, cadre dans le secteur financier, Auteur, Chercheur associé à Etopia, membre des Econologistes. Email: peters.a.g.g@gmail.com
[2] En réalité, ces dettes sont détenues par les banques centrales nationales (BCN) et sont comptablement consolidées au sein du bilan du système européen des banques centrales (SEBC)
[3] « Les finances des banques centrales », BIS Papers n°71, Banque des règlements internationaux, Département monétaire et économique, avril 2013, https://www.bis.org/publ/bppdf/bispap71_fr.pdf
[4] Une orientation est un texte légal pris par la BCE qui donne des instructions impératives aux banques centrales nationales. Le concept d’orientation est défini par le protocole N°4 portant sur les statuts du SEBC et de la BCE, en particulier l’article 14.3 qui précise que « Les banques centrales nationales font partie intégrante du SEBC et agissent conformément aux orientations et aux instructions de la BCE. Le conseil des gouverneurs prend les mesures nécessaires pour assurer le respect des orientations et des instructions de la BCE, et exige que toutes les informations nécessaires lui soient fournies ».
[5] Les finances des banques centrales, p.1.
[6] Les finances des banques centrales, p.3.
[7] Les finances des banques centrales, p.1.
[8] Les finances des banques centrales, p.1.
[9] Les finances des banques centrales, p.1.
[10] Les finances des banques centrales, p.2.
[11] Les finances des banques centrales, p.3.
[12] Les finances des banques centrales, p.3.
[13] Le principe de prudence vise, en bon père de famille, à donner l’image la plus conservatrice possible du bilan. Ainsi, en application de ce principe, on n’enregistre les produits que lors de leur réalisation définitive, pas avant, alors que d’éventuelles pertes à venir sont directement enregistrées au compte de résultat.
[14] L’examen de l’aspect conditionnel de la proposition sort du cadre de la présente note. Rappelons toutefois qu’il s’agissait d’annuler ou de « perpétualiser » la dette au fur et à mesure de la réalisation d’investissements de reconstruction écologique pour un montant identique au montant de dette annulé/perpétualisé
[15] Pour rappel, la présente note ne se prononce pas sur le caractère juridique ou politique de la cette question.
[16] Ce qui nécessite une modification de l’orientation fixant les procédures comptables au sein du SEBC.
[17] « Contribution définitive aux objectifs de la nation » reprenant le montant monétaire mis définitivement en circulation sans contrepartie.
[18] Parallèlement, en application de la philosophie de traitement définie par le système européen des comptes nationaux (SEC2010), qui ne prévoit pas cette situation d’annulation de dette par la banque centrale, la comptabilité nationale enregistrera dans les comptes des administrations publiques un « transfert en capital en nature » visant à annuler le montant de la dette publique. Elle appliquera, mutatis mutandis, les règles définies au chapitre 20 du SEC2010 portant sur les comptes des administrations publiques, en particulier aux paragraphes 20.221 et suivants portant sur les opérations relatives à la dette.
[19] Voir à ce propos Stéphanie Kelton, « Le mythe du déficit. La théorie moderne de la monnaie et la naissance de l’économie du peuple », Editions Les liens qui libèrent, 2021.