Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Thomas Piketty, Gaël Giraud : Le capitalisme est-il réformable ?

Dans le cadre d’un partenariat entre la revue Études et l’Institut Rousseau, les économistes Gaël Giraud et Thomas Piketty se sont rencontrés pour débattre de leurs critiques du capitalisme et mieux discerner leurs points d’accord et de désaccord.

Dans le contexte actuel de menace de désastre écologique et social, le capitalisme est-il réformable ? Quelles sont leurs propositions respectives ?

Deux thèmes principaux ont été abordés : le traitement des inégalités et la critique de la sacralisation de la propriété privée.

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Front populaire

LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE : UNE RUPTURE RÉALISTE

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables. Les principales contributions de cette note sont :  Une simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.  La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés. Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée. Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus .Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.  I-REMETTRE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE SUR UNE TRAJECTOIRE SAINE Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets. Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc. Voici la liste des mesures testées : Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ; Le passage à la semaine de 32 h ; L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ; La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ; Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ; La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ; Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[1] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[2]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage. Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP  Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.  Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[3]. Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990). Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance. Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[4] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[5] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental. Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.  L’effet redistributif du programme du NFP est

Débat des candidats : le fact-checking

Introduction Cet article rend compte des inexactitudes factuelles et déformations prononcées lors du débat électoral européen du 22 mai 2024, organisé par l’Institut Rousseau, en partenariat avec Alternatives économiques, Vert, le média et l’école des Mines de Paris. Ce débat a fait intervenir :  – Jean Marc Germain (PS – Place Publique) – Pascal Canfin (Re) – Marina Mesure (LFI) – Flora Ghebali (Les Écologistes)  La cellule de fact-checking, tant en live qu’à l’issue du débat a été co-animée par l’Institut Rousseau et QuotaClimat. Elle était composée de : – Guillaume Kerlero de Rosbo, directeur Transition écologique de l’Institut Rousseau – Jean Sauvignon, responsable baromètre de l’association QuotaClimat – Titouan Rio, bénévole QuotaClimat – Lucien Mathieu, responsable voitures à Transport & Environnement (sujet Transport) – Nicolas Desquinabo, expert en politiques publiques (sujet Logements) – Hervé Guyomard, directeur de recherche à l’INRAE (sujets Agriculture) – Serge Besanger, enseignant-chercheur à l’ESCE (sujets Commerce International) – William Honvo, professeur d’économie et de finances publiques (sujets Financement) – Nicolas Dufrene, directeur de l’Institut Rousseau (sujet Financement) – Philippe Ramos, chargé de plaidoyer à Positive Money Europe (sujets Financement) Le débat dans son intégralité est à retrouver ici : Europe, climat, économie : le débat des candidats (version avec fact-checking). Des bandeaux annonçant les fact-checking détaillés ci-dessous sont intégrés à la vidéo. Sur le sujet des Transports LFI – Marina Mesure L’UE favorise la route et l’aviation. La privatisation du ferroviaire a engendré une augmentation du prix des billets et une disparition des petites lignes. 15’12’’ – Inexact : privatisation et libéralisation sont deux choses différentes. La mise en concurrence imposée par l’UE n’implique pas forcément une privatisation, qui relève de l’autorité publique nationale. Cette mise en concurrence peut dans certains cas faire monter les prix, mais elle peut également les faire baisser. Au Royaume-Uni, les prix ont très fortement augmenté mais suite à une privatisation totale du ferroviaire sans soutien de l’Etat sur le prix des billets. Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/vrai-ou-fake-l-ouverture-du-rail-a-la-concurrence-fait-elle-baisser-le-prix-des-billets-de-trains_5885759.html&sa=D&source=docs&ust=1716487803230386&usg=AOvVaw35z1qZVXvEO5PmGFG7k3go   Propose un pass interrail européen pour les jeunes 16”12 – À préciser (déjà existant) : le pass interrail européen pour les jeunes existe déjà PS – PP – Jean-Marc Germain La libéralisation du fret a engendré baisse des flux et hausse des prix. 18’38’’ – Incomplet : la libéralisation n’est pas seule en cause dans la baisse des flux et la hausse des prix, le manque d’investissement et les gains en compétitivité du secteur routier sont également responsables. Source : https://www.transportenvironment.org/topics/rail&sa=D&source=docs&ust=1716495334742427&usg=AOvVaw0nlNsDEmrnpj5WgXjdVLIC    Renaissance – Pascal Canfin Il n’y a aucune chance que la fiscalité sur le kérosène se réalise car il y a toujours un pays qui sera contre. L’aviation a donc été intégrée dans le marché du CO2 en se servant de la majorité qualifiée pour éviter le droit de véto, une raison de la fin du régime dérogatoire. 25’42’’ – Vrai, à nuancer : en effet, le droit de véto peut bloquer une fiscalité globale. Plusieurs pays peuvent en revanche se mettre d’accord pour les vols les concernant. De plus, les Etats peuvent fixer une éco-contribution sur les billets au départ de leur territoire, comme c’est le cas en France depuis 2019. Dans ce cas, c’est du ressort de la politique nationale. Sources: https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2022/07/I4CE-Etude-EvalClimat360%25C2%25B0BudgetEtat-1.pdf&sa=D&source=docs&ust=1716486511321690&usg=AOvVaw1InvZzI0Dee3Lg4KBbZSXr https://www.ouest-france.fr/economie/transports/avion/leurope-ne-parvient-pas-a-taxer-le-kerosene-des-avions-la-france-quelle-le-fera-seule-9f51aa9a-3149-11ee-895b-b99bc8a96af7&sa=D&source=docs&ust=1716493721638038&usg=AOvVaw3Y6jZo-pwqEvAgdR8biJJC  Sur le sujet des Logements Renaissance – Pascal Canfin Personne ne dépensera 40 000€ pour développer un patrimoine qui en vaut 100 000€  31’46’’ – Faux : Dans le cas (rare) des petites maisons “passoires” à 100 000 euros, il y a justement une forte rationalité économique à engager une rénovation “profonde” de 40 000 euros car : Selon l’étude des notaires sur la valeur verte, les biens passant d’une étiquette F-G à B bénéficient d’une valorisation de 20 à 36% https://www.notaires.fr/fr/actualites/la-valeur-verte-des-logements-en-2022-et-tendances-2023 Dès le premier hiver, les gains sur les factures énergétiques pourront dépasser 1500 euros/an (ex. I4CE pp.22-23) https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2023/10/La-transition-est-elle-accessible-a-tous-les-menages.pdf Le frein principal à ces travaux est qu’ils concernent principalement des ménages modestes sans épargne ni accès au crédit, d’où les aides et avances “Sérénité / Rénovation d’ampleur” puis “Parcours accompagné” mis en place par…Renaissance en France https://www.economie.gouv.fr/particuliers/maprimerenov-parcours-accompagne-tout-savoir-sur-cette-aide https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35083 Quand Emmanuel Macron est arrivé à l’Élysée, 80% de Ma Prime Rénov profitait aux ménages riches, aujourd’hui c’est 80% pour les ménages précaires, essentiellement grâce aux réformes du gouvernement. 33’09’’ – Faux : en 2023 70% des bénéficiaires de Ma Prime Rénov’ étaient des ménages “modestes”, mais seulement 46% des “très modestes”, correspondant donc aux 80% pour les ménages “précaires” annoncés. Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/20230127_Reporting-MPR-filiere-bilan-2022.pdf https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-01/202401_ChiffresCles2023_WEBA.pdf   Les Écologistes – Flora Ghebali Passer de 0,2% de rénovation annuelle aujourd’hui à 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 et atteindre les objectifs de neutralité carbone. 35’39’’ – Imprécis : le taux de rénovation énergétique annuel au sens large est nettement plus élevé (12,3% des logements), le taux de 0,2% évoqué correspond probablement aux rénovations “profondes”, entraînant plus de 60% de gains énergétiques. Par ailleurs, la cible de 2% pour rénover tous les logements à horizon 2050 est correcte. Sources : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/97d6a4ca-5847-11ea-8b81-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-119528141 On peut créer 110 000 emplois rien qu’avec la rénovation énergétique d’après le Shift Project. 36’ – Vrai : selon le Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) Source : https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-le-logement-individuel-et-collectif/   LFI – Marina Mesure 30% c’est la couverture actuelle proposée à un ménage pour la rénovation de son logement.  38’10’’ – Faux : le taux de 30% est loin d’être la moyenne : en France le taux d’aide pour une rénovation d’ampleur va de 30% à 90%, avec un plafond de 40 000€ à 70 000€ selon cas de figures. Dans les autres pays, les taux d’aide sont très variables, mais le plus souvent supérieurs à 30% pour les rénovations “d’ampleur” des ménages modestes, hormis en Allemagne où les taux d’aides à la rénovation énergétique sont pour la plupart inférieurs à 30%.  Sources : https://www.anah.gouv.fr/sites/default/files/2024-02/202402_Guide_des_aides_WEBA.pdf https://www.energieheld.de/foerderung/institute-anbieter/beg-aenderungen-2024    À Marseille, les charges de certains HLM ont augmenté de 300%. 38’59’’ – Difficile à vérifier : en effet, une affaire médiatisée en 2023 fait mention de 200% d’augmentation pour certains locataires d’un bailleur spécifique à Marseille. Source :

Pour un nouveau mode de création monétaire libre et ciblé sous contrôle démocratique

La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contact : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com et nicolas.dufrene@gmail.com. Télécharger le brief en pdf ____  Introduction Le temps est venu de mettre en œuvre des réformes majeures en matière de politique monétaire. La crise sanitaire a en effet confirmé une tendance de fond qui se dessinait déjà très clairement depuis la crise financière de 2008 et la mise en place par les banques centrales de politiques monétaires non-conventionnelles : le soutien monétaire des économies est indispensable mais il crée également des perturbations sur le marché des actifs et alimente les inégalités. Ces défauts qui accompagnent l’expansion de la base monétaire sont-ils inévitables ? Nous pensons que ce n’est pas le cas mais, pour les éviter, il faut s’autoriser à repenser et à élargir les modes de création monétaire. Cela suppose de mettre en œuvre un nouveau mode de création monétaire, et donc de politique monétaire, qui permette non seulement d’éviter ces effets indésirables mais également d’utiliser davantage la monnaie comme outil au service de l’économie réelle et du bien commun. Permettant de briser partiellement le cercle vicieux entre la monnaie et la dette, ce mode création monétaire aboutirait à une monnaie « libre » (c’est-à-dire de la monnaie libérée de la contrainte du remboursement, et donc de la destruction) et « ciblé », ce qui signifie que l’on doit trouver les moyens démocratiques de décider de l’allocation de cette création monétaire complémentaire, là où la politique monétaire actuel n’a absolument aucune prise sur l’emploi de la masse monétaire qu’elle crée. Ce nouveau mode de création monétaire n’aurait pas pour vocation de se substituer au système traditionnel de création monétaire par les institutions financières et monétaires (IFM), mais de le compléter. En effet, la création monétaire par le crédit, qui est devenu le mode privilégié de création monétaire depuis le XIXe siècle, constitue indéniablement un progrès historique en ce sens qu’il permet de passer d’une masse monétaire fixée de manière exogène par la quantité de métaux précieux à un mode de création monétaire anticipant les besoins des acteurs économiques (monnaie endogène). Il n’est toutefois pas sans défaut, notamment du point de vue de l’augmentation continue de la dette, ce qui laisse des marges d’amélioration conséquentes. C’est dans ce cadre que doit être pensée cette idée de la monnaie libre (ou permanente), qui suppose de « désencastrer » une partie de la monnaie de la dette[1].  Il s’agit de l’une des propositions centrales de l’ouvrage « Une monnaie écologique »[2], dont l’auteur de ces lignes est l’un des coauteurs, paru juste avant la crise sanitaire. Elle a depuis été défendue dans plusieurs publications[3]. Cette note a pour objectif de passer en revue les arguments économiques et monétaires justifiant d’instaurer un tel mode de création monétaire, puis de définir les grandes lignes de sa mise en œuvre. I. Echapper au cercle vicieux de l’endettement associé à la création monétaire. Notre système de création monétaire repose actuellement sur les agents bancaires et, plus précisément, sur les banques commerciales (les IFM) et sur la banque centrale. Ce sont ces institutions qui sont dotées d’un pouvoir de création monétaire. Celui-ci ne peut s’exercer qu’avec une contrepartie qui peut prendre différentes formes (crédit, actif financier ou immobilier, matières premières, etc.). Autrement dit, pour créer de la monnaie, un agent bancaire doit respecter les règles de la comptabilité en partie double : à chaque augmentation de son passif (ce qui correspond à de la création de monnaie ex nihilo) doit correspondre une augmentation de son actif (sous forme de prêts le plus souvent, mais aussi, de plus en plus, sous forme d’acquisitions d’actifs). Cela suppose une relation avec un agent économique qui n’est pas une IFM (car entre les IFM il n’y a pas de création monétaire mais simplement des transferts de liquidité sauf lorsqu’il s’agit de la banque centrale). Autrement dit, il existe aujourd’hui deux sources de création monétaire principales de la part des institutions financières monétaires : la première est l’octroi de crédits, la seconde est l’acquisition de titres. Cela a une conséquence directe : puisque la création monétaire s’opère essentiellement par le biais du crédit et des acquisitions de titres (essentiellement des obligations qui donnent lieu à remboursement ultérieurs, notamment pour les emprunts publics), il n’est pas étonnant que la dette progresse parallèlement à l’activité et à la masse monétaire. La dette progresse d’ailleurs toujours plus rapidement que le produit intérieur brut (PIB) car une partie de la monnaie émise ne se retrouve pas instantanément dans les circuits économiques (épargne) ou fuit à l’étranger (en cas de déficit de la balance des paiements). Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’endettement public et privé mondial a ainsi atteint le montant inédit de 233 000 milliards d’euros et le ratio dette/PIB mondial a progressé à plus de 355 %. Trois années auparavant, l’endettement mondial ne pesait « que » 250 % du PIB mondial. Comme l’écrit joliment Camille Riquier : « affranchie de toute matière finie, la monnaie révèle la puissance infinie du quantitatif pur »[4]. Peut-on continuer ainsi ? Il serait un peu court de dire que la dette, notamment publique, ne représente jamais un problème. Cela en devient un dès lors que les marges de manœuvre réelles ou supposées des acteurs économiques privées ou publiques s’épuisent. Une dette publique très élevée nous rend vulnérables à une remontée des taux d’intérêts et elle sert d’arguments aux États pour ne pas investir, notamment dans la reconstruction écologique de nos sociétés. Plus fondamentalement, une question se pose : existe-t-il une raison indiscutable pour que la monnaie, qui est notre bien commun à tous et dont les formes sont aujourd’hui entièrement dématérialisées, ne puisse être créée qu’en échange d’une contrepartie sous forme d’endettement ? Ne peut-on briser, au moins partiellement, ce lien automatique entre monnaie et dette et libérer en partie la première de la seconde ? C’est à cela que répond le projet de pouvoir créer de la monnaie « libre » (certains disent « permanente »[5]). Ce faisant, l’introduction de monnaie libre dans le circuit économique permettrait

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09 mars 2022

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18h30

2 % POUR 2 C° !

Combien faudrait-il investir pour atteindre la neutralité carbone en France en 2050 ? L’Institut Rousseau fait écho au rapport du GIEC, publié le 28 février, sur les conséquences concrètes du changement climatique en proposant un véritable plan de financement à la hauteur des enjeux climatiques. 23 expertes et experts ont chiffré les investissements publics et privés nécessaires pour financer la reconstruction écologique et atteindre la neutralité carbone. Ils ont élaboré un scénario complet pour 7 secteurs émetteurs primaires de pollution et identifié les leviers de décarbonation pour la transition. Le résultat ? 2% pour 2°C. Nous vous donnons rendez-vous pour une conférence et la présentation de notre rapport par les experts de l’institut le mercredi 9 mars à l’Académie du Climat.Gaël Giraud interviendra pour discuter du rapport. 📆 Mercredi 9 mars 2022 de 18h30 à 20h30📍 Académie du climat – salle des fêtes – 2 place Baudoyer 75004 Paris✅ Inscription obligatoire sur HelloAsso➜ L’événement Facebook Suivez le direct sur notre chaîne YouTube :


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Conférence

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15 janvier 2022

Souveraineté numérique : enjeux géopolitiques

Première table ronde d’une journée de conférence dédiée à la souveraineté numérique, dans le cadre des présidentielles 2022, les intervenants Ophélie Coelho, Tariq Krim, Jean-Paul Smets et Clothilde Bômont abordent ici les enjeux géopolitiques. Voir la conférence Recension par Techologie, à lire en ligne ici : « Pour Ophélie Coelho, chercheuse indépendante spécialiste des enjeux de géopolitique du numérique, aborder le concept de souveraineté numérique nécessite d’abord de prendre en considération les interdépendances entre acteurs techniques et industriels. Celles-ci concernent tout autant la chaîne de fabrication des réseaux physiques, les infrastructures de stockage et la couche logicielle que les terminaux qui rendent possible notre vie numérique. Parfois, les dépendances touchent au territoire : les pays enclavés comme la Suisse ou le Burkina Faso dépendent des pays frontaliers pour leur accès aux câbles sous-marins; les territoires européens riches en eau ou ayant accès à la mer du nord, comme la France ou la Finlande, sont des lieux favorables à l’installation de nouveaux serveurs… Malheureusement, l’écosystème fait face à de très grandes disparités de pouvoirs et de dépendances :  l’essentiel du trafic internet mondial passe par les centres de données loués ou appartenant aux Big techs, qui investissent également dans les infrastructures physiques tels que les câbles sous-marins. En tant que simples clients de plateforme, nous ne parvenons pas à les réguler par le droit, et restons soumis à ces acteurs devenus très puissants, qui peuvent peser sur notre capacité d’autodétermination. Ainsi, plutôt que de rester sur une logique unique de régulation fondamentalement basée sur le principe de confiance, l’enjeu crucial est de mieux gérer nos dépendances en mettant en place une réelle stratégie dédiée à la maîtrise des technologies clefs. Selon Clotilde Bômont, chercheure au centre de recherche et de formation GEODE et doctorante à l’Université Panthéon-Sorbonne, il n’y a pas de définition neutre pour la souveraineté numérique. Cela ne peut être qu’une définition qui s’intéresse à plusieurs facteurs : – stratégique : s’affirmer sur la scène internationale ; – économique : l’Europe n’en profite pas. Les données ne profitent qu’aux géants du web américains. Rien d’anecdotique, l’argent qu’aspire les GAFAM en Europe sans retour fiscal permet aujourd’hui de manière indirecte de financer les retraites américaines. – éthique, civique et moral : influence des Big Tech, les États devenant des “colonies numériques”. Pour Tariq Krim, entrepreneur pionnier du web français et initiateur du mouvement “slow web”, le problème en France dure depuis des décennies et se résume par l’incompétence des dirigeants français, nourris aux benchmarks des cabinets de conseil, sans jamais de réelle stratégie numérique. Pire encore, il y a une attirance exclusive et malsaine pour tout ce qui brille. Et donc tout ce qui vient des États-Unis. Exemple marquant, la réception en 2019 par Macron de Zuckerberg , comme un chef d’Etat pour une réunion… “Tech for good”. Aujourd’hui, quand on parle de souveraineté numérique, on pense plus souvent au cloud qui est d’abord du logiciel et non pas du matériel comme on aurait tort de le penser. Lorsque le logiciel est rôdé, il devient aisé de le vendre et les services qui vont avec. Sorti en mai 2021 et annoncé en grande pompe par le Gouvernement, le “Cloud de confiance”, est un label pour adopter les solutions de cloud américaines avec des gardes-fous minimum : un gestionnaire de compte français (ne riez pas !). Un des projets emblématiques sur ces questions de souveraineté c’est bien sûr le Health Data Hub, la base de données agrégeant des données pseudonymisées de santé des français à des fins de recherche et propulsé par des solutions Microsoft Azure. Contrairement à ce qui “est vendu”, cette dépendance aux GAFAM est non réversible. C’est un acte manqué de financer les acteurs français ou européens. On ne donne ni le temps, ni les moyens aux acteurs européens de mettre en place des solutions souveraines. De plus, les acteurs choisis pour implémenter un Cloud souverain sont à chaque tentative, des grands groupes qui n’y connaissent rien alors que de petits acteurs compétents et même spécialistes du sujet sont snobés. Sans compter que les grands groupes attirent dans leur rang les meilleurs ingénieurs, débauchés aux PME ce qui génère une déstabilisation du marché de l’emploi. Qu’est devenu le “Cloud souverain” d’Orange et SFR subventionné par de l’argent public ? Revendu à Huawei et Red Hat. Pour Jean-Paul Smets, co-fondateur de l’alliance Euclidia, un autre problème est que les grands groupes notamment français ne jurent que par les solutions des GAFAM : elles ne demandent qu’exclusivement du GCP (Google), de l’AWS (Amazon) ou de l’Azure (Microsoft). Le choix des systèmes d’exploitation et logiciels libres parait encore dans ce contexte comme un acte militant. Enfin, un problème majeur de souveraineté numérique est dans la non-maîtrise des technologies. On forme de moins en moins d’ingénieurs et de plus en plus de techniciens de plateforme. En devenant des spécialistes des technologies créées par les GAFAM, les développeurs clouds, mais aussi toute une catégorie de métiers du webmarketing, deviennent à leur tour dépendants de ces entreprises pour leur accès au marché du travail. » -> Lire toute la newsletter Techologie


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15 janvier 2022

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9h30-17h

Souveraineté numérique : quels enjeux pour la présidentielle 2022 ?

Nous vous donnons rendez-vous ce samedi 15 janvier pour une journée de réflexion sur les enjeux politiques de la souveraineté numérique, liés notamment à la menace des géants du numérique mais aussi aux nombreuses difficultés rencontrées pour mener une politique industrielle ambitieuse à l’échelle nationale et européenne. L’événement est co-organisé par Le Vent Se Lève, Le Vent du Changement, l’Institut Rousseau et le Portail de l’Intelligence Économique. Au programme : quatre tables rondes qui balaieront les enjeux géopolitiques, démocratiques, et écologiques que charrient désormais les choix industriels et politiques en matière de numérique. ➜ Table ronde n°1 : Géopolitique du numérique | 9h30-11h Les GAFAM sont-ils autre chose que le versant numérique des enjeux géopolitiques contemporains, ou contribuent-ils à les modifier ? Il est aujourd’hui clair que les GAFAM ne sont aucunement des entités non-étatiques. Dans quelle mesure sont-ils l’instrument de la géopolitique des États, et comment contribuent-ils à influer celle-ci ? Il s’agit dans cette conférence de désenchanter la vision naïve des GAFAM qui prédomine, comme une production technologique immanente issue de la coopération entre États et entreprises : montrer l’ensemble des rapports de force qui sont à l’oeuvre… et l’accroissement de la domination des centres géopolitiques sur les périphéries, que permet la constitution de « centres numériques » par rapport à des « périphéries numériques ». Avec les interventions de : Tariq Krim, Entrepreneur et pionnier du web français. Fondateur de netvibes, jolicloud et polite. Initiateur du mouvement slow web. Ancien vice président du Conseil national du numérique. Ophélie Coelho, Chercheuse indépendante spécialiste des enjeux de la géopolitique du numérique, membre du conseil scientifique de l’Institut Rousseau. Clotilde Bômont, Chercheure au centre de recherche et de formation GEODE et doctorante à l’Université Panthéon-Sorbonne Jean-Paul Smets, PDG de Rapid.Space, co-fondateur de l’alliance Euclidia, fondateur de Nexedi et créateur du logiciel libre “‘ERP5”. ➜ Table ronde n°2 : Démocratie et numérique | 11h30-13h Les nouvelles technologies de l’information et de la communication numérique bouleversent les stratégies et tactiques conventionnelles du marketing et de la mobilisation politique. Qu’on songe à l’influence des réseaux sociaux révélé par l’affaire Cambridge analytica ou aux logiques de désintermédiation apparentes entre leader politique et électeurs à l’image de ce que font Alexandria Ocasio-Cortez, Barack Obama, Emmanuel Macron, Donald Trump et Salvini, notre époque impose de nouvelles grilles d’analyse des relations entre sphère publique et conquête du pouvoir à l’ère numérique. Un des problèmes les plus criants auxquels nous sommes aujourd’hui confronté est la crise que ces technologies provoquent dans le modèle jusqu’alors dominant de conception de la démocratie : la parole journalistique auparavant garante d’une relation transparente et critique avec les différentes formes de pouvoir politique, semble aujourd’hui secondarisé par rapport aux nouvelles formes d’interactions et commentaires massifiés des réseaux sociaux. Avec les interventions de : Diana Filippova, Romancière et essayiste, auteure de Technopouvoir. Dépolitiser pour mieux gouverner, (Les liens qui libèrent, 2019). Fabienne Greffet, Maître de conférence en Sciences Politiques, spécialiste des campagnes électorales en ligne et du militantisme numérique. ➜ Table ronde n°3 : Droit, régulation et extraterritorialité | 14h-15h30 Le modèle américain de projection juridique de sa puissance sur les territoires étrangers semble aujourd’hui dépendre pour l’essentiel de l’hégémonie mondiale des gafam. L’affaire Pierucci, l’affaire Snowden et le récent scandale des écoutes d’informations transitant par les câbles sous-marins scandinaves ou encore le système de paiement électronique SWIFT, dessinent toutes le contour d’une crise du modèle unipolaire post-89. Face au rapport de force entre les blocs numériques russes et chinois, nous assistons impuissants à un alignement passifs des États nations européens sur l’idée éculée d’un nouveau monde libre suivant une vision naïve des rapports de force en jeu, et qui laisse de nombreux citoyens insatisfaits en regard de la violence que l’allié américain impose à la souveraineté industrielle et numérique de ces États. Quelles solutions alternatives ? Avec les interventions de : Frédéric Pierucci, Fondateur du cabinet de consulting Ikarian en compliance et prévention de la corruption, ancien cadre dirigeant d’ALSTOM et auteur du Piège américain (JC Lattès, 2019). Juliette Alibert, Avocate spécialisée dans les Droits de l’Homme, affiliée à la Maison des lanceurs d’alerte et au collectif Interhop. Jean-Baptiste Soufron, Avocat spécialisé dans la défense des droits numériques, ancien secrétaire général du Conseil national du numérique. ➜ Table ronde n°4 : Écologie et numérique | 16h-17h30 La « transition numérique » est-elle réellement compatible avec la transition écologique ? L’impact environnemental du numérique est longtemps demeuré une tâche aveugle de l’écologie politique. Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier que l’industrie du numérique contribue à l’accroissement de C02 dans l’atmosphère – que l’on pense à l’énergie consommée par les serveurs informatiques ou aux conditions polluantes dans lesquelles s’effectue l’extraction de métaux rares. Dans ces conditions, comment penser une réorganisation de l’industrie numérique soumise à une régulation environnementale ? Un tel changement de paradigme est-il concevable dans un monde où les chaînes de valeur sont globalisées et dominé par une technologie numérique américaine ? Avec les interventions de : Gauthier Roussilhe, Chercheur spécialisé dans les enjeux environnementaux de la numérisation. Richard Hanna, Chargé de mission interministérielle numérique écoresponsable à la DINUM. Adrien Jahier, Consultant et auteur d’une note pour l’Institut Rousseau sur la sobriété numérique. Infos pratiques Quand ? Le samedi 15 janvier 2022, toute la journée. Où ? À l’Université Panthéon Assas, 12 Place du Panthéon, 75005, Paris – Amphithéâtre IV. Un passe sanitaire valide vous sera demandé pour accéder au lieu des conférences. Focus sur le numérique


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