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Sommaire

    relocalisation

    Démondialisation, relocalisation et régulation publique : pourquoi et comment

    La mondialisation néolibérale est un phénomène qui ne connaît aucun précédent historique. Elle ne se caractérise pas simplement par l’importance du volume des échanges internationaux de marchandises et de capitaux, un indicateur trop limité qui permet à certains analystes d’opérer des rapprochements avec « d’autres mondialisations » qui ont eu lieu à d’autres périodes de l’histoire. Ce qui la caractérise avant tout, c’est une division internationale du travail et une dérégulation publique sans précédent. En d’autres termes, c’est un ordre commercial libre-échangiste qui sert les intérêts d’entreprises multinationales cherchant à bénéficier d’un maximum de libertés d’installation et de circulation. Son caractère inédit réside dans cette capacité des grandes entreprises privées, dans la plupart des secteurs d’activité, à penser leur stratégie et leur organisation à l’échelle de la planète en s’affranchissant de plus en plus ouvertement des régulations nationales. Dans le discours commun (et jusque dans la presse économique), on entend souvent dire que « la France achète à la Chine » ou que « l’Espagne achète à l’Allemagne », donnant ainsi le sentiment que les transactions s’opèrent entre pays.Ces formules entretiennent des illusions. En fait, commande publique mise à part, ce sont des entreprises françaises (ou implantées en France) qui achètent des produits à des entreprises chinoises (ou implantées en Chine) et les distribuent sur le territoire national (ou les transforment pour les réexporter). La dérégulation vise justement à ce que ces transactions s’opèrent avec le moins d’interventions publiques possibles : suppression des « obstacles » tarifaires et non-tarifaires, réduction drastique des contrôles des flux de marchandises et de capitaux… Dans le premier port français, celui du Havre, le nombre de conteneurs ouverts est d’à peine plus d’un pour mille. En 2000, 500 douaniers y travaillaient pour surveiller 1 million de conteneurs par an. En 2019, les effectifs sont tombés à 350 pour 2,9 millions de conteneurs[1]. Il n’entre pas ici dans notre propos de nous attarder sur les conséquences visibles de cet ordre commercial libre-échangiste : délocalisations vers les pays à bas coût de main d’œuvre, désindustrialisation ailleurs, hyperspécialisation qui engendre une concentration dangereuse de productions clés dans un petit nombre de pays, évasion des profits des multinationales vers des paradis fiscaux… Ces questions apparaissent régulièrement dans l’actualité. Il est en revanche plus important d’insister sur l’impuissance auto-organisée des États qui, pour la plupart, ont renoncé aux principauxmoyens dont ils disposaient pour contrôler ou orienter la production, pour prélever et redistribuer les richesses, pour mener des stratégies d’investissements publics. Si quelques gouvernements parmi les plus puissants (Chine, États-Unis, Japon) continuent à protéger leur marché intérieur de façon plus ou moins déguisée, c’est avant tout pour favoriser leurs grandes entreprises nationales dans la concurrence internationale et non pour développer leurs services publics ou contraindre le secteur privé à mieux traiter les salariés. Un bon exemple d’impuissance des pouvoirs publics nous est donné par la politique européenne de lutte contre le changement climatique. Au milieu des années 2000, l’Union a mis en place un marché du carbone, peu contraignant pour les grandes entreprises, mais qui a tout de même suscité des résistances de certaines d’entre elles. Arcelor Mittal, notamment, a exercé un chantage à l’emploi auprès des gouvernements français et belge : soit la nouvelle contrainte de quotas carbone qui devait s’imposer à elle était assouplie, soit la firme allait délocaliser hors de l’Union européenne. Les gouvernements et l’Union finirent par céder et l’absence de « contrainte carbone » fut très officiellement étendue à tous les secteurs exposés à des risques de délocalisation. Or, c’est bien parce que les grandes entreprises peuvent délocaliser (ou choisir librement leurs sous-traitants dans les pays à bas coût de main d’œuvre) qu’aucune politique publique n’est suffisamment efficace pour résoudre la crise environnementale. C’est bien parce que les capitaux circulent librement que les États ne peuvent plus compter que sur leur « attractivité » pour les attirer et disposer d’un minimum de recettes et de ressources budgétaires. Face à ce constat, certains en appellent à une régulation mondiale. Mais compte tenu des rapports de force, impossible d’y compter à court ou moyen terme. Si l’on veut exercer un contrôle démocratique sur la production, il faut donc sortir de cet ordre commercial libre-échangiste, c’est-à-dire relocaliser des activités qui ont quitté le territoire et empêcher que d’autres continuent à partir. Cette relocalisation doit être multisectorielle : il n’est pas question de relocaliser l’alimentation, par exemple, tout en laissant la France continuer à se désindustrialiser. C’est une approche globale de la relocalisation qu’il convient de développer.   I. Relocaliser pour être en mesure de contrôler la production et d’agir sur la distribution des richesses   Il faut lever tout malentendu sur les raisons qui nous amènent à prôner la relocalisation. À quoi cela servirait-il de « produire français » à mode de production constant et dans un ordre économique international globalement inchangé ? Éventuellement à réduire le chômage, ce qui n’est pas rien. Peut-être à réduire des émissions de gaz à effet de serre liées au transport international, à supposer que ce « produire français » concerne un nombre suffisant de secteurs d’activité et serve à alimenter le marché intérieur plutôt qu’à réexporter. Mais ce type de relocalisation resterait dépendant d’une logique mercantiliste et laisserait les choix et modes de production entièrement aux mains des grandes entreprises privées. Elle n’apporterait aucune garantie d’une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail. Elle poursuivrait l’exploitation des pays du Sud pour l’approvisionnement en matières premières, étant entendu que jamais l’industrie extractive ne sera largement relocalisée et qu’il sera difficile de couvrir les campagnes françaises de champs de coton, par exemple, pour produire du textile. Elle laisserait enfin en place l’économie productiviste qui nous mène tout droit vers la catastrophe environnementale. L’enjeu est donc bien de relocaliser pour changer les choix et modes de production, la distribution des richesses et les relations internationales. Il s’agit de remettre du politique (des objectifs sociaux, environnementaux, de coopération internationale…) dans l’économie nationale et dans les échanges commerciaux là où, précisément, le capitalisme a réussi à l’évacuer grâce à la mondialisation néolibérale. Cette clarification est nécessaire car deux visions de la relocalisation et du

    Par Bernier A.

    17 juin 2020

    À la reconquête d’une souveraineté alimentaire paysanne et démocratique

    La crise sanitaire due au Covid-19 a mis en lumière l’importance de l’autonomie, sacrifiée sur l’autel du marché. Nos dirigeants ont appris à leurs (et à nos) dépens qu’il ne suffisait pas de passer commande pour obtenir le produit désiré et qu’être en mesure de produire soi-même peut faire la différence entre subir une crise et la surmonter. À cette règle, l’agriculture ne fait pas exception. En perturbant les rouages de l’économie agricole mondialisée dont nous dépendons pour notre alimentation, la pandémie que nous traversons semble avoir engendré une prise de conscience quant à l’importance de retrouver notre souveraineté alimentaire[1].   Introduction Depuis le mois de mars, de nombreux pays ont ralenti leurs exportations en raison d’une diminution de la production, de difficultés dans la logistique de transport et de vente ou encore d’une volonté de sécuriser les approvisionnements nationaux. C’est notamment le cas de l’Italie et de l’Espagne, principaux producteurs de fruits et légumes européens, qui ont tous deux été durement touchés par le Covid-19. Les effets de la crise sanitaire (confinement, difficultés logistiques pour la récolte et l’acheminement) ont entraîné des baisses de récolte en Italie. En Espagne, où ils ont fait suite à un hiver trop doux et à des tempêtes de grêle printanières, on estime que la production fruitière a chuté d’environ 35 % à 40 %. Or, la France dépend largement de ces deux pays pour son approvisionnement en fruits et légumes. D’ores et déjà, les prix des fruits et légumes ont augmenté de 10 % en moyenne depuis le début du confinement et, au vu des productions en baisse chez nous comme chez nos voisins, il paraît inévitable qu’il y ait dans les prochaines semaines et les prochains mois des tensions dans l’approvisionnement. Les prix devraient continuer d’augmenter, compliquant l’accès à ces aliments, pourtant essentiels à la santé, pour une partie de la population dont la situation économique s’aggrave. Alors que des voix s’élèvent pour s’émouvoir de cette perte de souveraineté alimentaire, y compris parmi ceux qui en portent directement la responsabilité (politiques libéraux et fleurons de la grande distribution en tête), il paraît important de rappeler les choix politiques qui ont eu raison de cette souveraineté dans les dernières décennies. Car si la relocalisation des productions abandonnées par la politique agricole française est évidemment la voie d’avenir, elle ne pourra avoir lieu sans remettre en question la logique de compétition internationale, de libre-échange et de marché unique.   I. Relocaliser pour reprendre le contrôle de nos modes de production Au cours des dernières décennies, plusieurs productions pourtant indispensables à notre alimentation ou à celle de nos animaux d’élevage ont été délaissées. C’est en particulier le cas des fruits, des légumes et des protéagineux[2] pour la culture desquels les producteurs français sont jugés non-compétitifs sur le marché international, face notamment aux fruits et légumes d’Europe du Sud et au soja sud- et nord-américain. Ces produits doivent donc aujourd’hui être massivement importés pour répondre à nos besoins. Or la délocalisation de ces productions n’est pas seulement un fardeau pour notre bilan écologique : au transport polluant nécessaire à l’acheminement de ces produits (souvent du Sud de l’Europe pour les fruits et légumes, ducontinent américain pour les protéagineux) s’ajoute le fait que nous n’en maîtrisons ni les conditions sociales ni les conditions environnementales de production. Pourtant, parce que nous, consommateurs français, en sommes les destinataires finaux, leur impact social et environnemental est le nôtre : notre déforestation pour la culture du soja en Amazonie, nos cultures de soja OGM en Amérique du Nord, nos travailleurs étrangers sans-papiers exploités pour les cultures intensives de légumes. C’est là le grand paradoxe de notre économie mondialisée : nous décidons plus ou moins démocratiquement des règles de fonctionnement de notre société et fermons les yeux lorsque ces règles sont bafouées pour remplir nos assiettes. Le cas des plantes génétiquement modifiées est sur ce point emblématique : alors que leur culture est aujourd’hui interdite sur le territoire français et que les citoyens y sont massivement opposés, la France en importe 3,5 millions de tonnes par an afin d’approvisionner les élevages de volailles, porcs, bovins et poissons[3]. C’est notamment pour répondre à ce paradoxe que de nombreuses organisations de paysans, de citoyens et de consommateurs appellent aujourd’hui à reconquérir notre souveraineté – et pas simplement notre autosuffisance – alimentaire[4]. En effet, contrairement à la notion d’autosuffisance qui n’implique qu’un objectif quantitatif de production, celle de souveraineté sous-entend un processus démocratique quant aux modes de production, de transformation et de consommation. Mais pour que le souhait de souveraineté, qui implique de relocaliser ces productions sur notre territoire, ne soit pas qu’un vœu pieux, il est impératif de rappeler les causes de cette perte de souveraineté. Et d’agir dessus.   II. Aux racines de notre perte de souveraineté alimentaire   Nous importons aujourd’hui plus de 50 % des fruits et 35 % des légumes que nous consommons. Nous sommes passés d’une situation d’autosuffisance à une situation de dépendance en à peine 30 ans. On estime avoir perdu la moitié de nos exploitations fruitières ou légumières depuis 30 ans[5]. Si pour le maraîchage, le déclin s’est ralenti ces dernières années (grâce ou à cause de la mécanisation qui a permis de réduire les coûts de main d’œuvre), il s’est au contraire accru pour l’arboriculture : 30 % des exploitations fruitières qui existaient en 2010 avaient disparu six ans plus tard. Cela correspond à une disparition de 3 000 hectares de vergers par an en moyenne. Or d’après les calculs de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), l’abandon de deux hectares fait disparaître un emploi équivalent temps-plein (ETP) dans les vergers, ce qui entraîne la suppression d’un autre ETP dans la filière. Ce sont donc autour de 30 000 ETP qui auraient été supprimés en production fruitière dans les seules 10 dernières années. Partout en France, des coopératives et des ateliers de transformation ont fermé leurs portes. Ces centaines de milliers d’arbres arrachés, ces dizaines de milliers de salariés licenciés, ces milliers de fermes détruites et d’outils de production abandonnés sont le résultat d’une politique agricole

    Par Lugassy L.

    12 juin 2020

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