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Sommaire

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    Le recours à l’Intelligence artificielle pour lutter contre la fraude fiscale

    En France, les chiffres relatifs à la fraude fiscale ont de quoi impressionner. Après avoir estimé en janvier 2013, l’évitement illégal de l’impôt entre 60 et 80 milliards d’euros par an, le syndicat national Solidaires finances publiques a estimé en 2017[1], qu’il se situait dans la fourchette haute et qu’il était possible qu’il atteigne jusqu’à 100 milliards d’euros. Cette estimation du premier syndicat représentatif des agents du ministère chargé des impôts joue un grand rôle, car elle est très souvent reprise dans le débat politique et médiatique. Celle-ci, pour la Cour des comptes, se situerait aux alentours de 20 milliards d’euros par an (elle est probablement sous-estimée). En cumulant sur 10 années et prenant la fourchette basse de la Cour des Comptes, le coût de la fraude fiscale serait de 400 milliards d’euros (avec l’hypothèse haute du syndicat Solidaires finances publiques, deux fois plus). Combattre l’évitement illégal de l’impôt nécessite une stratégie globale. Cela passe en premier lieu par la législation fiscale et pénale. Le grand nombre de dispositifs dérogatoires par exemple nourrit le risque de fraude puisque les multiples conditions qui les assortissent ne sont pas toujours respectées. De ce point de vue, une revue de ces dispositifs ayant pour objectif d’en réduire le nombre et le coût s’impose. Cela passe également par la mobilisation de moyens humains (les personnels des services spécialisés en la matière), juridiques (les procédures de contrôle proprement dites par exemple) et techniques. C’est sur ce dernier point que nous revenons ici, tant il est vrai qu’ils ont constitué la priorité des pouvoirs publics, qui ont, hélas, surtout vu dans l’intelligence artificielle le moyen de poursuivre les suppressions d’emplois au sein de l’administration fiscale (voir sur ce sujet notamment la note de l’Institut Rousseau d’avril 2022[2]). I) Big Data et IA à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) Plusieurs initiatives ont déjà été mises en place dans les pays européens : lutte contre l’escroquerie à la TVA en Belgique via la modélisation automatique des réseaux, dispositif Connect en Angleterre pour détecter les incohérences dans les déclarations fiscales, système nommé Redditometro en Italie pour comparer montants d’imposition et trains de vie constatés. La France s’inscrit dans ce sillage, et les premières applications de l’IA dans l’administration de la fraude fiscale apparaissent sporadiquement. L’une des difficultés au déploiement de l’IA est liée à la complexité des missions de ces administrations, étant précisé par ailleurs que l’administration fiscale, déjà très « numérisée » , utilise de longue date des applications prévoyant des possibilités de requêtage très utilisées par les personnels dans le cadre de leurs missions. Depuis 2014, Bercy dispose d’une cellule de data mining spécialisée, qui utilise un outil dédié au ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFVR). Par l’analyse des comportements frauduleux constatés et la modélisation de ces derniers le but est d’identifier des critères caractérisant une personne ayant des comportements à risque de fraude. Le CFVR exploite les informations de 11 bases de données[3]. Précisons-le, initialement, ce traitement automatisé de données a porté sur la détection de la fraude en matière de TVA. En 2017, l’outil a été étendu aux personnes physiques, de façon expérimentale, par voie d’arrêté. Selon un rapport du Sénat déposé en 2020 par les sénateurs Thierry Carcenac et Claude Nougein[4], les techniques d’analyse de données utilisées « sont sans cesse étendues. En plus du data mining et du recours à l’IA, se développe le textmining, soit le traitement de données non structurées [textes ou images]. En parallèle, une expérimentation est menée dans plusieurs départements afin de croiser les déclarations des contribuables, les vues aériennes et les plans cadastraux pour traquer les erreurs, intentionnelles ou non, de déclaration des contribuables. Pour ce faire, la DGFiP s’appuie sur un logiciel développé par la société Accenture. » Les algorithmes permettent de faire du data mining, de l’exploration des données grâce à l’IA. Les algorithmes sont capables de détecter des incohérences dans les fichiers entre revenus, opérations financières ou trains de vie par rapport aux déclarations fiscales des ménages. Le décret publié le 13 février 2020 au Journal officiel, précisant les modalités de l’article 154 de la loi de finance 2020, a donné le coup d’envoi d’une expérimentation sur trois ans ne couvrant que trois types de fraudes : le trafic de marchandises prohibées, l’activité professionnelle non déclarée et la domiciliation fiscale frauduleuse. Le champ des données prospectées par cette IA dans le cyberespace est particulièrement étendu puisqu’il concerne les réseaux sociaux comme Facebook, les messageries comme Instagram ou encore les sites de commerce en ligne tels que LeBonCoin ou eBay. Ce programme doit permettre aux data scientists d’affiner leur méthode de profilage pour les personnes physiques. Il s’agit de renforcer les outils de détection des fraudes fiscales ou douanières particulièrement graves, pour lesquels les moyens d’investigation traditionnels des administrations sont insuffisants : fausse domiciliation fiscale à l’étranger, activité commerciale occulte, activités illicites telles que la contrebande de tabac ou le commerce de stupéfiants. L’affaire de la domiciliation fiscale de Johnny Hallyday illustre la démarche d’exploitation des réseaux sociaux à des fins de lutte contre la fraude pour déterminer la résidence fiscale effective (France ou États-Unis) au regard de la fiscalité applicable à la succession. L’analyse des contenus publiés par le défunt et sa famille (géolocalisation des photos) avait vocation à retracer ses déplacements et quantifier le nombre de jours passés dans chacun des pays, afin d’évaluer si les critères de résidence fiscale étaient démontrés ou non. Consultée en amont sur le projet de loi, compte tenu de l’impact du dispositif sur la vie privée et ses possibles effets sur la liberté d’expression en ligne, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mentionné expressément des réserves afin de préserver un équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et de la liberté des personnes[5] et a indiqué qu’un pareil test « doit s’accompagner de garanties fortes afin de préserver les droits et libertés des personnes concernées ». Une grande prudence dans l’utilisation des données personnelles est exigée aux administrations publiques. Seules

    Par Briot-Hadar J., Drezet V.

    11 octobre 2024

    De la Bulle Internet (1999-2000) à la bulle Internaute (2020-2021) ? Une ouverture vers une autre économie

    En janvier dernier, l’Institut Rousseau s’associait au réseau SDSN (Sustainable Development Solutions Network) et à l’Alliance PocFin (Post-Crisis Finance Research Network) pour lancer un appel à contributions, sous forme de « policy briefs », intitulé « Quelles réformes économiques et financières pour l’Agenda 2030 ? » Trois mois plus tard, nous avons reçu de nombreuses contributions très intéressantes incluant des propositions de réformes comptables, budgétaires, financières, monétaires ou relatives à la gouvernance des entreprises qui permettraient d’atteindre nos objectifs environnementaux et sociaux. Nous entreprenons désormais la publication de ces contributions, chaque lundi, en attendant l’organisation d’un grand événement, en juin 2021, qui permettra de mettre en valeur ces travaux et de donner la parole à leurs auteurs. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Pour cette note, nous remercions Thomas Lagoarde-Segot et Roland Pérez pour leur relecture et commentaires. La série de Policy Briefs Agenda 2030 mobilise économistes et praticiens pour identifier un agenda de réformes économiques et financières permettant d’atteindre l’Agenda 2030, aux échelons territoriaux, nationaux et supranationaux. Contacts : thomas.lagoardesegot@kedgebs.com, david.bourghelle@iae.univ-lille1.fr et jacques.ninet@laposte.net Télécharger le policy brief en pdf Download the policy brief as a pdf Introduction Ce policy brief examine la dynamique des marchés boursiers depuis l’apparition de la pandémie Covid-19 et son possible rôle dans l’émergence d’un « après » radicalement renouvelé. Dans la première partie, rédigée mi-février, nous évaluons la probabilité que des bulles sectorielles se soient formées, principalement mais pas uniquement sur les marchés américains. Dans la seconde nous envisageons les conséquences que pourrait avoir une crise financière majeure sur la remise en cause du modèle de croissance carbonée et fortement inégalitaire qui régit le monde occidental. 1. Bulle or not bulle ? Depuis leur chute impressionnante de février-mars 2020, provoquée par l’irruption de la pandémie, tous les marchés boursiers ont réagi de manière positive mais avec des dynamiques de rebond diverses. Si les places européennes ont tout juste regagné le terrain perdu, certaines bourses asiatiques (Japon, Taiwan, Inde) et les marchés américains sont entrées dans une phase que l’on peut qualifier d’euphorique ou exubérante au point que la question de la formation de bulles peut légitimement se poser. D’autant plus légitimement que le NYSE et le Nasdaq qui viennent de terminer en fanfare leur douzième année de hausse depuis le trou consécutif à la crise des subprimes et qui ne semblent pas vouloir en rester là, sont les marchés directeurs de la planète. Source : https://www.reuters.com/markets/us Bien qu’il n’existe aucune définition d’une bulle financière –et que la théorie financière moderne et ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine Greenspan se refusent à en dresser le constat avant son éclatement- on peut se risquer à en dessiner quelques aspects caractéristiques. Une bulle d’actif apparaît le plus souvent comme la phase terminale d’une longue séquence haussière, phase pendant laquelle les cours de bourse s’affranchissent nettement de leurs relations habituelles avec les données économiques, micro et macro, selon une métrique bien connue (ratios de capitalisation boursière sur profits, chiffre d’affaires ou actif net, d’une part et capitalisation boursière/PIB d’autre part). C’est aussi une période pendant laquelle les rendements attendus des actifs sont de plus en plus déterminés par la plus-value escomptée à la revente et de moins en moins par les revenus courants, loyers, dividendes et coupons, dont le taux de rendement diminue à mesure que les prix s’élèvent. 1.1 Une Survalorisation des cours boursiers aux plans micro et macro-économique ? Le tableau ci-dessous dresse le constat peu discutable de forte valorisation des cours boursiers actuels. Les achats à crédits restent en ligne avec la progression des cours, loin de leur record de 2008. Ils n’en n’ont pas moins explosé en 2020 (+42% soit 235 Md USD). Source : calcul des auteurs Ainsi, par exemple, peut-on observer l’accroissement significatif, et sans commune mesure avec les épisodes de 2000/2001 et 2007/2008, de la capitalisation boursière de l’indice Wilshire 5 000[1] rapportée au PIB US (+ de 3 écart-types au-dessus de sa moyenne de long terme). https://www.longtermtrends.net/market-cap-to-gdp-the-buffett-indicator/ Enfin, les traditionnels indicateurs de valorisation à base de Price Earning Ratio (P.E.R) , de rendement ou de dividendes indiquent également des niveaux de valorisation se rapprochant dangereusement des niveaux atteints à la veille de l’éclatement de la bulle internet. Ainsi, le Shiller P/E Ratio (ou CAPE pour cyclically adjusted price to earnings), calculé sur la base de la moyenne mobile sur dix ans des bénéfices nets par action (BPA) ajustés de l’inflation se situe à environ 35, bien au-delà de sa moyenne historique de 16,7 fois et de son niveau de 32,6 observé en septembre1929. Dans ces conditions, les rendements en bénéfices et en dividendes atteignent des niveaux très proches de leurs niveaux bas historiques. https://www.multpl.com/ 1.2 Les éléments récurrents présidant à la formation des bulles Il est généralement objecté à cette analyse que les conditions monétaires qui prévalent (taux zéro ; quantitative easing) rendent les comparaisons avec les moyennes /médianes historiques non significatives. Et, surtout, que les montants gigantesques apportées par la puissance publique à l’ensemble des Agents non-financiers à travers les plans de relance successifs expliquent à la fois la résilience surprenante de l’économie américaine (par effet retour de la richesse créée par la hausse du prix des actifs) et l’engouement des (nouveaux) épargnants pour les placements à risque dans une optique de recovery générale. Face à ces arguments avancés à chaque fois que l’on prétend que ‘‘this time is different’’ une brève revue des conditions de notre époque s’impose pour vérifier leur adéquation aux six caractéristiques communes à tous les cycles bull/krach de l’histoire, tels qu’identifiés par Minsky et décrits par Kindelberger (1978)[2]. -le changement d’état : l’achèvement de la globalisation et de la numérisation de l’économie ; le monopole des GAFAM -le progrès technique à portée universelle : l’IA, les biotechnologies, la voiture propre -la complaisance générale : elle aurait été plutôt remplacée par une dichotomie entre exubérance financière et scepticisme généralisé (le niveau de la volatilité implicite des options restant plus élevé

    Par Ninet J., Bourghelle D.

    10 mai 2021

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