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L’économie circulaire, un élément d’une politique de reconstruction écologique Le point de vue des conditions de travail et des risques professionnels

À la lecture de l’article Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique publié par Gaël Giraud, Nicolas Dufrêne et Pierre Gilbert sur le site de l’Institut Rousseau[1], ce ne sont pas tant ses aspects économiques que nous avons retenus (ils ne sont pas dans notre domaine de compétences) que l’utilisation du terme reconstruction. Il y a là en effet un écho aux réflexions que nous avait inspirées la réalisation récente d’un exercice de prospective consacré à l’économie circulaire (EC). Cette EC qui à coup sûr serait un des éléments importants dans la reconstruction écologique appelée de leurs vœux par les auteurs de l’Institut Rousseau. Nous nous proposons dans cet article, après un bref aperçu de ce que cette notion d’EC recouvre, de décrire les principaux bouleversements qui résulteraient de ce changement dans les modes et méthodes de production. La prévention des risques professionnels étant notre métier, nous insisterons également sur les évolutions des conditions de travail et leurs conséquences en termes d’accidents et de maladies professionnelles. Nous n’aborderons pas ici des considérations économiques comme le coût de la transition : à notre connaissance, les données sont très lacunaires (les auteurs de l’Institut Rousseau estiment entre 70 et 100 milliards d’euros par an les besoins annuels d’investissement supplémentaires pour mener une politique ambitieuse de reconstruction écologique en France). En revanche, il existe quelques chiffres sur les questions d’emploi. Une étude[2] estime à 600 000 le nombre d’emplois déjà liés à cette forme d’économie. Avec un potentiel supplémentaire de 200 000 à 400 000 grâce à des mesures relativement simples visant à diminuer la consommation de matières premières et d’énergie. Au Royaume-Uni, d’autres études aboutissent à 500 000. On voit donc que les conséquences humaines sont loin d’être négligeables.   Economie linéaire vs économie circulaire Les sociétés vivent principalement selon un schéma économique linéaire résumé ainsi par Rémy Le Moigne[3] : « Notre économie est ainsi basée sur le modèle linéaire qui se résume à « extraire ̶̶̶ fabriquer ̶̶̶ consommer ̶̶̶ jeter », qui consomme des ressources naturelles et de l’énergie pour fabriquer des produits qui deviendront, en fin de compte, des déchets ». En raison de ses conséquences écologiques (en particulier climatiques et environnementales) et de sa forte consommation de ressources naturelles et d’énergie, ce modèle apparaît comme peu soutenable sur le long, voire sur le moyen terme. Certains, dans une logique de protection de l’environnement, proposent de lui substituer progressivement un modèle dit d’économie circulaire, schématisé sur la Figure 1 : Figure 1 – Economie circulaire selon le schéma proposé par l’Ademe[4] Ce schéma montre clairement que la démarche va bien au-delà du simple recyclage de matière, mais concerne aussi l’organisation du tissu industriel, la conception des biens, les modes de consommation, etc.   Une reconstruction de la production Dans une logique d’économie circulaire, il devient nécessaire de concevoir autrement pour de multiples raisons : pour réduire autant que faire se peut l’utilisation de matières premières non renouvelables, pour que les biens soient plus durables et puissent être réparés au cours de leur cycle de vie (rupture en particulier avec le concept d’obsolescence programmée), pour que leur fabrication et leur utilisation nécessitent le moins d’énergie possible, pour qu’ils se prêtent à d’autres types de consommation, tels que l’économie de la fonctionnalité qui passe de la fourniture d’un bien à celui d’un service (incitant ainsi le producteur à concevoir des biens plus durables), ou la consommation collaborative (qui voit plusieurs utilisateurs se partager l’utilisation d’un même bien), pour permettre l’utilisation de matières secondaires (issues du recyclage, donc souvent d’un degré de pureté inférieur aux matières premières) ou la réutilisation d’éléments après déconstruction de biens en fin de vie, en contrepartie, les biens doivent être conçus pour que des éléments ou des parties puissent être déconstruits facilement et que si cela n’est pas possible, leurs matières soient facilement recyclables.   Une part de l’appareil de production pourra certainement être adaptée à cette nouvelle donne, mais la relocalisation de certaines productions (afin de diminuer l’empreinte carbone due aux transports) nécessitera la création de nouvelles installations. Ces installations devront intégrer dès la conception des mesures de prévention, en particulier pour toutes les opérations de maintenance, de remplacement d’éléments prévus par l’allongement de la durée de vie des outils et la recyclabilité des composants du process. Le développement de l’écologie industrielle et territoriale se donnant pour objectif la gestion en commun des flux (les déchets d’une entreprise deviennent la matière première d’une ou plusieurs autres, de préférence à proximité immédiate afin de limiter la dépense énergétique liée aux transports) pourrait aussi remodeler de façon significative le tissu industriel.   La recréation et la relocalisation de nouvelles activités Une durée de vie accrue des biens de consommation implique le développement d’activités de maintenance pour leur entretien ou leur réparation. Il faut donc que la conception ait intégré ce nouveau paramètre, mais aussi qu’une réflexion ait été menée sur la formation et les conditions de travail des travailleurs impliqués, donc sur la conception des installations dans lesquelles s’effectueront leurs interventions. Afin de diminuer la consommation énergétique, des productions devront être relocalisées : il ne sera plus possible d’expédier à l’étranger des déchets pour leur recyclage. Actuellement, la délocalisation de la fabrication de principes actifs pharmaceutiques ou celle du recyclage de métaux ferreux et non ferreux n’est pas seulement due à des questions de coût, mais aussi à des considérations de préservation de l’environnement des pays développés et de la santé et sécurité au travail de leurs travailleurs. Il est plus économique non seulement de faire travailler dans un pays sous-traitant, mais aussi d’exporter la pollution vers le territoire de ce pays sous-traitant et d’ignorer les conditions de travail des employés. Dans une logique d’économie circulaire, les nouvelles installations devront être rentables économiquement, mais également performantes pour l’environnement au sens large.   Des besoins accrus en technologies Les dernières décennies ont été marquées par une automatisation croissante des activités industrielles, mais aussi des services (à l’exception des services à la personne qui ont assez largement compensé la destruction des emplois industriels dans les pays développés). Aucun indice ne conduit

Par Héry M., Malenfer M.

29 mai 2020

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