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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

économie

Sortir vite et durablement de la crise économique en utilisant la création monétaire et l’annulation de dettes

Lorsqu’il s’agit de la réponse monétaire et budgétaire à la crise du Coronavirus, on a le choix dans la démesure des chiffres, mais gare aux mirages qui sont nombreux. Aligner des zéros peut s’avérer aussi trompeur que de les perdre. Offrir une garantie sur des prêts bancaires n’est pas la même chose, loin s’en faut, que de subventionner une entreprise ou un ménage directement. Baisser les taux d’intérêts au plus bas n’exonère pas de rembourser le capital emprunté, que ce soit pour un État, un ménage ou une entreprise. Or, la majeure partie de la réponse à la crise, que ce soit au niveau des États ou au niveau de l’Union européenne, a consisté à faciliter encore et toujours plus l’endettement des agents privés et des États. Comme en 2008, on vise à favoriser, à simplifier, à développer le recours à l’endettement. D’abord en donnant des liquidités aux banques pour garantir la continuité de l’offre de crédits, maintenant pour accorder des garanties à ces mêmes prêts bancaires. Mais est-il raisonnable de pousser tous les agents économiques à s’endetter non pour investir mais pour subventionner des pertes ? Il y a un moment où les acteurs économiques, comme les États, ne pourront plus “manger du crédit”, même à taux zéro et même si la BCE leur assure un débouché en les rachetant. Alors que tout est fait pour que les banques n’encourent aucun risque et pour favoriser l’endettement à taux faibles, rien n’est fait pour aider les États à ne pas voir leurs dettes publiques exploser ou pour injecter de l’argent sans dette dans l’économie afin de rétablir la solvabilité des agents économiques, notamment dans un sens favorable à la transition écologique. C’est pour cela qu’il faudrait de la création monétaire ciblée ou une annulation des dettes détenues par la banque centrale (ce qui ne lèserait personne). Une sortie durable de la crise, en particulier celle qui passerait par une reconstruction écologique, ne pourra pas se faire sans réinventer en profondeur notre modèle monétaire et sans briser certains tabous qui l’entourent.   Tables des matières I. Nous nous engageons dans la guerre contre le Covid-19 avec les armes de la précédente crise II. Nous sauver maintenant et dans le futur III. Mettre la création monétaire libre et ciblée et l’annulation de dettes au cœur de l’agenda   I. Nous nous engageons dans la guerre contre le Covid-19 avec les armes de la précédente crise   Les chiffres peuvent vite impressionner, mais ils sont souvent des faux-semblants. Comme l’avait écrit joliment Camille Riquier : « affranchie de toute matière finie, la monnaie révèle la puissance infinie du quantitatif pur » [1]. Quand on évoque par exemple les plus de 30 000 milliards d’euros de baisse du cours des actions en l’espace de deux mois (février et mars), on croit par exemple que tout cet argent est « parti en fumée ». C’est faux : beaucoup d’acteurs ont simplement empoché leurs gains accumulés les dernières années et d’autres valeurs se sont effondrées alors qu’elles ne reposaient sur rien de réel (les fameuses valeurs notionnelles des produits dérivés). Quand le cours en bourse d’une entreprise dévisse, cela la rend vulnérable à une prise de contrôle mais cela ne change rien à sa capacité immédiate de se financer, même si cela peut à terme augmenter le coût du risque car les nouveaux investissements seront perçus comme moins rentables en raison de règles financières et comptables tout à fait contestables. De la même manière, quand la BCE met en place des programmes de rachats d’actifs de près de 1 100 milliards d’euros sur 2020, cela ne veut pas dire que cet argent va financer l’économie réelle. Au contraire, il est versé aux banques, seuls acteurs disposant d’un compte auprès de la banque centrale avec le Trésor (mais on interdit l’accès de ce dernier aux financements de la banque centrale) et donc seuls acteurs habilités à recevoir l’argent de la BCE. Même constat quand la BCE offre 3000 milliards d’euros de liquidités aux banques, prétenduement pour permettre aux entreprises et PME de se refinancer, via le TLTRO (targetted long-term refinancing operations), ou quand la réserve fédérale (FED) met à disposition de ces mêmes banques près de 1 500 milliards de dollars de liquidités supplémentaires (en trois jours seulement), au milieu du mois de mars, pour calmer la crise de liquidités. Tout ceci relève du trompe-l’œil, d’un artifice de façade, car rien ne permet d’affirmer que cet argent sera bien utilisé, ni même qu’il atteindra tout simplement l’économie réelle. Une seule certitude : les dettes publiques vont augmenter très massivement et les politiques monétaires « non-conventionnelles », qui sont déjà devenues conventionnelles depuis 10 ans, vont être maintenues pour les décennies à venir. Le non-conventionnel devient l’ordinaire et nous n’en sortirons pas car nous assistons à l’émergence d’un nouveau paradigme monétaire, dans lequel la monétisation permanente des actifs devient la seule soupape de sécurité du système financier. En effet, avec des dettes publiques à 120 ou 130 % par rapport au PIB (en France, et bien davantage en Italie, en Espagne ou en Grèce), le seul moyen d’assurer des taux faibles et des débouchés à ces dettes publiques sera une prolongation du programme de rachats d’actifs publics et même des actifs privés. La BCE agira ainsi car elle n’aura pas le choix, sauf à provoquer un désastre économique et l’arrêt de mort immédiat de la zone euro. La BCE achetait déjà pour 20 milliards d’euros de titres financiers par mois, auxquels elle a ajouté 120 milliards en plus d’ici la fin de l’année le 12 mars, puis 750 milliards le 18 mars, soit environ 1 100 milliards sur l’année. Ce sera davantage à l’avenir. Mais cela ne suffira malheureusement pas car des questions d’un autre genre vont émerger. L’ampleur de cette réponse ne doit en effet pas nous donner de fausses illusions : nous engageons la guerre contre le COVID 19 et ses conséquences économiques avec les armes de la précédente crise. On ne peut que penser à cette phrase de Paul Valéry dans ses Regards sur le monde actuel : « Ils étaient nourris du passé :

Par Dufrêne N.

3 mai 2020

Comment financer une politique ambitieuse de reconstruction écologique ?

Si l’importance cruciale de la reconstruction écologique de nos sociétés n’est plus à démontrer et fait l’objet d’un large consensus, son ampleur, son financement et les modalités de sa mise en œuvre demeurent très largement discutés, ce qui en fait un objet politique de toute première importance. Une véritable reconstruction écologique suppose en effet des moyens financiers importants, difficiles à mobiliser sans une action déterminée de l’État, des banques centrales et des institutions financières publiques afin de compenser ce que le marché seul ne pourra pas réaliser. Une telle action ne peut que reposer sur une vision différente de la politique monétaire et budgétaire sur les plans théorique et pratique. Cette note propose des solutions concrètes pour parvenir à un financement adéquat de la reconstruction écologique, en distinguant ce qui peut être effectué dans le cadre juridique et financier européen actuel et ce qui pourrait être obtenu en allant au-delà de ce cadre. Elle insiste également sur la différence d’ambition entre le Green deal présenté aujourd’hui au niveau européen et le Green New Deal tel qu’il est souhaité par de nombreux acteurs.   Introduction   La reconstruction écologique de nos sociétés est un impératif pour notre survie et une chance à saisir dans l’histoire du progrès humain. Nous le savons : la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère est aujourd’hui d’environ 415 parties par million (ppm), soit un niveau inédit dans toute l’histoire de l’humanité. La dernière fois qu’un niveau similaire avait été atteint, c’était il y a trois millions d’années, alors que les températures étaient 3 à 4°C plus élevées. Le niveau des océans était alors de 15 mètres plus élevé qu’aujourd’hui, une réalité que nous pourrions de nouveau connaître au XXIIe siècle à trajectoire constante. Cette atteinte à la planète se double d’une atteinte à la vie : la sixième extinction de masse devient une réalité puisque nous avons perdu 60% des effectifs d’animaux sauvages de la planète en moins d’un demi-siècle, soit un rythme cent à mille fois supérieur au taux naturel de disparition des espèces. Éclairés par ce que la science du climat nous permet de comprendre de notre avenir et des conséquences de notre action, nous voici également placés devant l’opportunité de repenser en profondeur notre manière d’habiter la Terre, en décarbonant notre production d’énergie, nos modes de transports et d’habitation, en protégeant la biodiversité et en nous donnant les moyens de bâtir une économie circulaire digne de ce nom. En effet, les périodes de crise, comme les périodes de guerre ou de reconstruction, ont cet avantage qu’elles peuvent nous permettre de dépasser les frilosités idéologiques et l’inertie de l’habitude pour mettre en place de nouveaux modèles de société et retrouver ainsi la voie démocratique du progrès social, qui, sans ce changement de cap, est rendu impossible par la dégradation du milieu duquel nous dépendons pour toute notre économie. Toutefois, la multiplication des discours écologistes contraste de plus en plus avec la faiblesse des propositions, des mesures avancées et des résultats obtenus. En effet, financer un « Green New Deal », c’est-à-dire un vaste programme de reconstruction écologique qui inclut une dimension sociale et permette un véritable découplage entre l’amélioration de la qualité de vie de toutes et de tous et l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables, suppose de mobiliser des moyens humains et financiers significatifs. Or, malgré quelques mécanismes d’incitation plus ou moins efficaces, la sphère financière et le secteur privé s’avèrent très largement incapables de financer et d’organiser seuls l’effort de reconstruction écologique et de s’imposer les cadres réglementaires nécessaires. L’objet de cette note est donc d’abord de rappeler le contenu et les enjeux financiers d’un véritable programme de reconstruction écologique, ainsi que les obstacles institutionnels et politiques qui s’opposent à leur réalisation et les limites de ce que peut réaliser le « marché », livré à lui-même, dont on attend tout aujourd’hui. Elle propose ensuite des solutions financières concrètes pour dépasser ces contraintes afin de créer les conditions de mise en œuvre d’un réel programme de reconstruction écologique en France et en Europe.     Table des matières I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants. A. Un plan de reconstruction écologique suppose d’investir des sommes significatives qui constituent une opportunité de renouer avec le progrès. B. Le secteur privé ne pourra pas répondre seul au défi de la reconstruction écologique. C. « Green Deal » vs « Green New Deal » : distinguer deux niveaux d’ambition. II. Passer la première et financer une véritable reconstruction écologique A. Il existe des marges de manœuvre importantes qui ne sont pas exploitées dans le cadre juridique actuel 1) Identifier ce qui est bon pour la reconstruction écologique pour guider les investissements. 2) Utiliser le levier fiscal et celui de la commande publique dans un souci d’efficacité et de justice 3) Utiliser les Banques publiques d’investissement pour investir rapidement. 4) Mobiliser l’épargne des Français. B. Des actions non conventionnelles peuvent être défendues à la frontière de ce qu’autorisent les Traités 1) Remettre en cause la « neutralité » de la politique monétaire pour agir en faveur du climat et de la biodiversité. 2) L’annulation des dettes publiques détenues par la banque centrale en échange d’investissements verts C. Penser hors du cadre et mettre en œuvre une réforme ciblée des traités en matière budgétaire et monétaire au profit de la transition écologique. 1) Réformer la politique budgétaire et les aides d’État pour augmenter la capacité d’investissement dans la reconstruction écologique. 2) Réviser les règles en matière d’aides d’État 3) Utiliser l’arme de la monnaie libre comme pilier de la reconstruction écologique. 4) Une telle politique est-elle soutenable ?. 5) Des externalités économiques positives, facteur de dynamisme et d’innovation. D. Redynamiser l’économie dans son ensemble, résorber le chômage Conclusion.   I. Il n’y aura pas de reconstruction écologique sans investissement massif et sans rupture avec les dogmes existants La présente note fait le choix d’utiliser le terme de « reconstruction écologique » plutôt que de « transition écologique » pour insister sur le caractère matériel généralisé

Par Giraud G., Dufrêne N., Gilbert P.

25 février 2020

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