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Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutive aux vagues de décentralisation

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      Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutive aux vagues de décentralisation

      Ce projet de note s’inscrit dans la continuité et en complément de celle publiée le 26 mars 2020 par l’Institut Rousseau et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État ». Elle a pour objectif d’en poursuivre l’analyse sur les conséquences de la répartition actuelle des compétences au niveau local et de proposer, en réponse, des propositions quant à l’organisation territoriale de l’État et la répartition des compétences au niveau infra-régional. Le prisme principal de cette analyse est celui de l’aménagement du territoire et des politiques environnementales, qui sont parmi celles où la décentralisation a été la plus poussée, emportant avec elle des effets pervers aux conséquences désormais difficilement soutenables.

      Introduction

      Les politiques liées à l’aménagement du territoire (autrefois appelées planificatrices, terme désormais connoté comme trop dirigiste et ingérant), et plus largement liées à l’environnement font partie de celles qui ont été les premières et les plus décentralisées, de façon continue depuis bientôt 40 ans. Cette décentralisation dont il sera mis en évidence qu’elle s’est faite de façon incrémentielle, ni évaluée ni structurée a conduit à une situation actuelle d’une complexité difficilement descriptible et dont tous les acteurs, bien que pour des motifs différents, s’accordent à dire qu’elle n’est ni soutenable ni durable. Dans ce paysage devenu illisible et dans lequel l’intérêt général s’évalue généralement sous le seul prisme économique, l’État local relictuel est devenu le plus souvent spectateur de la mise en œuvre insatisfaisante des politiques pourtant décidées par le gouvernement et votées par le Parlement. Il tente ainsi maladroitement de continuer à exister en troquant sa casquette régalienne pour un rôle d’accompagnement coupable ou d’influenceur sur le déclin.

      Comme cela sera démontré et illustré plus loin à partir d’exemples, cet état de fait permet d’expliquer en grande partie l’échec des politiques nationales environnementales, politiques dont les objectifs sont, en toute conscience, fixés sans espoir de les atteindre car sans maîtrise des leviers d’actions par l’État ni contrôle de leur mise en œuvre effective par ceux qui en ont les compétences. C’est ainsi que nous constatons sur de nombreux domaines environnementaux des résultats médiocres, très éloignés des objectifs nationaux et encore davantage de ce que la situation exige. On peut citer de façon non exhaustive la réduction des pollutions des eaux, la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction des déchets, la restauration écologique, la limitation des émissions de particules fines…objectifs dont certains valent à la France d’être rappelée à l’ordre ou en procédure contentieuse de l’UE [1][2].

      Intégrant par postulat les propositions de la publication du 26 mars 2020 par l’IR et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État », cet article vient les étayer et les compléter par d’autres propositions portant plus particulièrement sur la définition des politiques publiques liées à l’environnement et à l’aménagement du territoire, à la répartition de leurs compétences et à la réorganisation de l’État local. Il mettra en évidence que l’organisation actuelle ne peut garantir la mise en œuvre effective des mesures permettant d’atteindre les objectifs (dont certains sont déjà fixés et annoncés) concourant à la nécessaire « transition écologique » de la France. Plusieurs propositions y sont faites pour pallier ce problème en s’appuyant sur une révision de la décentralisation mais aussi une réforme à la fois pratique et de l’organisation de l’État local qui doit retrouver pleinement sa présence, sa légitimité et son utilité aux yeux d’élus locaux aux attentes différentes, partagés entre sentiment d’abandon et critique d’une verticalité trop marquée.

      I – De la décentralisation à la différenciation : la libéralisation des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire 

       

      1. Les étapes du démantèlement et de la libéralisation des politiques publiques environnementales

       

      1. 1982, l’acte 1 : une opportunité à coût politique faible au sortir des Trente Glorieuses

       

      La fin des Trente Glorieuses ne permettent plus à l’État de continuer son rôle de planificateur/constructeur

      Au sortir d’une guerre qui a ravagé le pays, mais qui l’a aussi soudé et obligé à revoir en profondeur ses institutions, sa structure sociale et ses interactions avec le reste le monde, la France se reconstruit et se modernise rapidement et dans un élan qui ne sera brisé que par les chocs pétroliers des années 1970. Les Trente Glorieuses sont l’apogée de l’État moderne planificateur et bâtisseur, l’époque des grandes avancées technologiques et des choix déterminants en particulier dans les domaines agricole, de l’énergie, des transports, de l’habitat… redéfinissant complètement l’aménagement du territoire. Ces choix se nourrissent alors d’une croissance économique continue et surtout d’énergies carbonées accessibles et facilement disponibles. Cette dépendance rend le pays très vulnérable aux chocs pétroliers (et gaziers) successifs qui ne font qu’initier le déclin d’un modèle qui, avec un recul critique maintenant évident mais difficilement audible dans le contexte de l’époque, ne pouvait perdurer. L’État commence alors à douter et à s’interroger sur ses propres missions face à ses premières difficultés financières depuis des décennies, à une concurrence internationale croissante, à une perte d’autonomie liée à l’intégration croissante des politiques au niveau européen et à une société de plus en plus accusatrice de ce qu’elle juge être des manquements de sa part.

      Les lois Deferre actent des principes généraux qui seront lourds de conséquence

      C’est dans ce contexte, qui en est en grande partie la cause, qu’intervient la première alternance de la Vème République avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le constat d’un État qui a été probablement trop dirigiste et sûr de lui, en qui la confiance est écornée et qui ne peut plus s’affranchir du cadre européen et international ouvre la voie au début de la décentralisation dès l’entame de mandat en 1982 au travers des lois Deferre ; cette politique est soutenue idéologiquement par le nouvel exécutif.

      De ces premières d’une longue série de lois de décentralisation, on retient d’abord la création d’un nouvel échelon administratif territorial, les régions, avec les conséquences déjà développées dans une précédente note de l’Institut[3] sur lesquelles nous reviendrons. En corollaire est instauré le transfert de « blocs » de compétences (qui sont en réalité rarement des blocs, mais des portions) aux désormais trois échelons de collectivités territoriales que sont la commune, le département et la région. Ce sont néanmoins deux autres principes à la fois plus généraux et plus subtils qui seront, in fine les plus lourds de conséquence : la fin de la tutelle de l’État et l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre. Le premier fait basculer le contrôle de l’État non plus a priori mais a posteriori via « le contrôle de légalité ». Concrètement, cela signifie que dès lors, l’État n’a plus la possibilité de juger de l’opportunité d’un programme ou d’un projet dont il n’est pas à l’origine, mais uniquement de sa légalité. Les collectivités sont souveraines sur les champs de compétences qui leur sont désormais dévolus, l’État ne définit plus les choix, il se contente de contrôler et le cas échéant de valider le choix des autres. Complété du principe de non tutelle d’une collectivité sur une autre (et donc d’un échelon territorial sur un autre), ces lois entérinent pour toujours la perte par l’État de l’essentiel de ses pouvoirs d’orientation (hormis l’initiative législative) de planification, d’arbitrage et de contrôle de cohérence au niveau territorial. C’est la fin de l’État planificateur et, annoncée, de l’État stratège. Les lois Deferre constituent le socle de la complexification croissante, de l’instabilité et de l’incohérence de nombres de décisions dans le temps et entre niveaux territoriaux et exposent les politiques publiques concernées aux multiples dérives clientélistes.

      L’environnement et l’aménagement du territoire sont des candidats idéaux pour initier la « libéralisation publique » des politiques environnementales

      Parmi les premiers blocs de compétence décentralisés qui vont donc permettre d’expérimenter cette nouvelle organisation, on trouve ceux relatifs à l’environnement et à l’aménagement du territoire. Pourquoi ? Plusieurs raisons : l’État planificateur et visionnaire a vécu, l’État n’a plus les moyens de se lancer dans de nouveaux grands projets. Il n’en a peut-être plus besoin non plus, les principales infrastructures de transport, énergétiques et grands ensembles immobiliers sont désormais achevés ou en passe de l’être et l’agriculture termine sa seconde révolution. Le grand « dessein » étant désormais tracé, l’État considère qu’il doit davantage se détacher de ce qui se passe à des échelles plus locales. L’environnement est quant à lui encore un sujet de préoccupation mineur, sans réel enjeu politique à l’époque. Enfin, il convient d’afficher clairement la nécessité de laisser libre cours à la nouvelle démocratie locale sur son terrain de jeu, a priori sans grands enjeux ni danger politique. C’est donc un transfert de compétence à peu de frais de ce point de vue qui constitue en réalité le début de la « libéralisation » des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire.

       

      1. 2008, les lois Grenelle : l’ambition de redonner une cohérence et une vision globales

       

      30 ans plus tard, la prégnance de ces sujets fait prendre conscience des conséquences négatives de leur décentralisation

      Presque trente ans plus tard, on ne peut que constater les effets négatifs collatéraux des choix d’aménagement des Trente Glorieuses (émissions de GES, précarité énergétique, artificialisation des sols, pollution des sols des eaux et de l’air…) largement amplifiés par l’entrée pleine et entière de la France dans la mondialisation décidée au début des années 1990. Une alerte avait pourtant été lancée dès la fin des années 1980 avec les rapports Meadows[4] et Bruntland[5], mais sans volonté d’y remédier. Cette absence de réaction peut s’expliquer par une sous-estimation politique de l’importance et de l’ampleur de ces problématiques, mais aussi par l’incapacité collective à y faire face. Le champ des compétences décentralisées n’ayant cessé de croître, mais sans vision ni grande cohérence[6], les acteurs publics ne peuvent que constater qu’ils sont individuellement assez impuissants et collectivement incapables de se coordonner pour faire face à un problème global qui touche à tant de secteurs et à toutes les échelles territoriales. Chacun s’observe et reporte la responsabilité sur l’autre ou tente d’agir de façon isolée et parfois contradictoire avec le territoire voisin ou avec l’échelle géographique inférieure ou supérieure.

      Les lois Grenelle sont une tentative unique, audacieuse et ambitieuse

      En ce sens, il faut attendre 2008 et les lois Grenelle (qui ne sont pas des lois de décentralisation mais en quelque sorte des lois de clarification) qui ont constitué et constituent encore à ce jour la seule tentative audacieuse, ambitieuse et réussie à l’initiative de l’État de coordonner l’ensemble des acteurs vers des objectifs environnementaux communs. En réalité, plusieurs facteurs justifient cet éloge du Grenelle dont les principes mériteraient d’être retenus et appliqués à toutes les politiques publiques. Avant tout la méthode : prendre le temps, avec les différentes parties prenantes (la désormais célèbre gouvernance à cinq : État/collectivités/partenaires sociaux/organisations syndicales/associations) de partager les constats, de recenser les outils, de se fixer des objectifs chiffrés, mesurables, datés et une trajectoire pour les atteindre. Ce « moment » unique a par ailleurs entraîné une évolution considérable des prises de conscience sur l’ampleur des enjeux environnementaux (tous) et sur l’urgence à agir à tous les niveaux et par tous les leviers. Les moyens ensuite : aussi évident que cela puisse paraître, très rares sont les objectifs politiques pour lesquels les décideurs se donnent les moyens et les outils pour agir. Le Grenelle en fait partie. Pour atteindre des objectifs très ambitieux et à des échéances qui l’étaient tout autant (la plupart à une échéance inférieure à dix ans), le Grenelle s’est doté d’outils législatifs, réglementaires et de connaissance (études, méthodes) très complets. Il a aussi déployé des moyens humains et financiers inédits et cohérents avec ces objectifs et leur calendrier. Il a enfin veillé à préciser systématiquement et méthodiquement le rôle que chacun des acteurs institutionnels devait jouer et à les responsabiliser en conséquence. Là où les compétences étaient décentralisées, il a instauré un contrôle de l’État pour veiller à l’effectivité des engagements et la cohérence territoriale des ambitions et moyens.

      1. 2014/2015, les lois MAPTAM[7] et NOTRe[8] : l’aveu d’échec et la recentralisation dans les régions

       

      L’esprit et l’essor du Grenelle ont fait long feu, la crise économique a relégué ces sujets au second plan

      Dès 2012, la crise économique dont la France ne sort pas relègue les sujets environnementaux au second plan. L’esprit et l’essor du Grenelle ont fait long feu, et la priorité redevient le développement économique « source d’emplois ». Les enjeux environnementaux et économiques sont conciliables d’après le concept du développement durable et ses trois piliers : l’environnemental, le social et l’économique. Les faits ont démontré rapidement et de façon constante que cette idée était galvaudée, l’économique l’emportant toujours sur les deux autres enjeux qui font même souvent figures d’entraves au premier. Dans ce contexte, l’État ne veut plus ajouter de « contraintes environnementales » et les tentatives timides de Conférences Environnementales devant prendre la suite du Grenelle sont des échecs et rapidement abandonnées car menées sans ambition ni moyens[9]. C’est que le niveau local et les acteurs économiques poussent fort pour avoir les mains libres afin, là encore, de se développer selon une logique qui rappelle celle des Trente Glorieuses : développer les infrastructures de communication, étendre les villes, faire de la logistique et du commerce, relancer la consommation et donc l’emploi selon un raccourci là encore rarement remis en question.

      Les lois MAPTAM et NOTRe consacrent un nouveau binôme tout puissant, EPCI et Régions, et tentent vainement de rationaliser l’organisation des collectivités territoriales pendant que l’État poursuit son retrait

      Les pouvoirs locaux s’étant largement renforcés au gré des vagues de décentralisation, les figures et instances politiques locales sont elles aussi plus influentes et écoutées, et donc difficiles à ignorer. En premier lieu figurent les Conseils Régionaux, les Régions étant devenues collectivités territoriales de plein droit depuis seulement 2004 mais qui ont acquis progressivement, et par la volonté de l’État soulignons-le encore, une telle visibilité et influence qu’elle deviennent incontournables et se trouvent désormais en position de force comparativement aux autres échelons territoriaux historiquement structurants : des départements relégués au second plan faute de compétences lisibles et porteuses, et des communes qui se sont quasiment dissoutes dans l’échelon intercommunal.

      Ce nouveau binôme Région/EPCI n’allait pas manquer ce troisième round de décentralisation en se voyant cette fois consacré au travers des lois MAPTAM et NOTRe qui l’entérinent officiellement comme interlocuteur local de référence en lieu et place des départements et communes, ces derniers devant s’effacer après des décennies de règne partagé. Régions et EPCI voient ainsi leurs compétences et rôles de coordination renforcés. Toutefois, le sacro-saint principe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ne permet pas d’aller au bout de la logique souhaitée par le Parlement. Ainsi les Régions se voient attribuer la responsabilité de l’élaboration d’un grand schéma ensemblier multi-thématique, le Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), pour la première fois partiellement prescriptif. Piloté par la Région, il sera pourtant approuvé in fine par le Préfet qui en endossera donc par défaut la responsabilité juridique. Pour contourner le principe de non tutelle, la loi introduit une nouvelle notion, celle de « chef de file ». Cette notion sans définition officielle vise à donner un rôle de « chef d’orchestre » à un échelon territorial qui peut donc tenter d’orienter et coordonner, à défaut pouvoir piloter. Pour faciliter le dialogue entre détenteurs de portions de compétences que l’on ne veut ni hiérarchiser, ni priver de leurs prérogatives, on crée une nouvelle instance qui se veut le parlement régional des collectivités (!) : la Conférence territoriale de l’action publique. Les errements des parcours parlementaires, très instructifs sur l’équilibre des pouvoirs en France, de ces deux lois complémentaires reflètent bien les solutions qui en sont sorties et qui, sous prétexte de clarification, constituent en réalité une complexification difficilement descriptible en forme de constat d’échec. Elles procèdent également à une recentralisation à peine voilée au sein de Régions devenues plus imposantes géographiquement via la loi menée aux forceps de janvier 205 par l’État là encore, reproduisant ainsi à leur échelle ce que chacun dénonçait s’agissant de l’État. Par idéologie et sans critique, l’échafaudage instable de la décentralisation continue à monter…

      Au-delà des seules compétences, les pouvoirs des Régions se sont également considérablement développés via un autre renoncement là encore très discret et continu de l’État, qui se trouve lui aussi dans le cheval de Troie de la loi MAPTAM: le fait de les nommer « autorités de gestion » des crédits européens. Ce processus très technocratique consiste à transférer aux Régions la gestion des principaux fonds européens notamment le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds européen agricole pour le développement rural » (FEADER). Ces enveloppes représentent des milliards d’euros que l’UE reverse aux États membres. La France a décidé que ces reversements se feraient via une gestion régionale sur la base de documents cadres qui fixent les règles d’éligibilité et de priorité de financement. Ces documents majeurs font l’objet d’une large consultation mais sont in fine entre les mains des Régions qui peuvent donc y inscrire leurs priorités en bonne place. Cet argent n’est pas magique rappelons-le, il est issu du budget général de l’UE dont la France est un contributeur net. En confiant aux Régions cette gestion, l’État lui octroie indirectement le contrôle de crédits gigantesques qu’elle peut aisément orienter et, à bon compte (ceux du contribuable en l’occurrence), valoriser politiquement.

      1. 2021, la loi 3D+S : la différenciation ou l’institutionnalisation de l’inéquité

       

      Le dogme n’est toujours pas remis en cause, traiter le mal par le mal 

      La constance dans l’affaiblissement et l’accusation (les deux étant liés dans un cercle vicieux) de l’État dans l’échec des politiques publiques environnementales permet de poursuivre en toute logique la voie tracée depuis les années 1980. Elle trouve une forme d’aboutissement dans le projet de loi 3D+S qui est en discussion au Parlement[10] et portée à bouts de bras par la ministre Gouraud en girondine assumée. Il est intéressant de noter en quoi les termes de son acronyme sont précieusement choisis et ouvertement connotés. « Déconcentration », « Décentralisation », « Différenciation » auxquels a été rajouté tardivement « Simplification »[11] afin de rendre le message plus explicite. La juxtaposition des termes officialise, s’il en était besoin, le raccourci selon lequel la complexité (et donc le manque d’efficience) de l’administration française tient à une insuffisance de décentralisation là où la priorité devrait être de démêler l’enchevêtrement du rôle des collectivités et de leurs compétences. Comme développé plus loin, il est toujours aisé de cibler l’État et ses services, que personne ne viendra défendre, pour mieux le démanteler. Notons que la déconcentration est cette fois mentionnée également comme objectif. Elle permet en effet de répondre à la critique de distance physique et presque psychologique trop importante entre le lieu de décision et le lieu de son application. Il ne s’agit toutefois pas dans le projet de loi de donner davantage de pouvoirs de décision aux services déconcentrés des ministères, mais aux préfets ; ce qui n’est pas la même chose comme développé plus loin dans cet article.

      Il est intéressant d’observer dans ce projet de loi, dont les vicissitudes rappellent celles des loi MAPTAM et NOTRe et démontrent à la fois la sensibilité et les tiraillements entre intérêts divergents, que certaines propositions kafkaïennes qui ressortent des débats apparaissent en opposition totale avec les objectifs affichés dans son nom. À titre d’exemple, il est question de reconcéder une partie du réseau routier actuellement géré par l’État (routes nationales), aux Régions et à la carte. Il est vrai que la répartition actuelle de la gestion du réseau routier à cinq niveaux (communes, métropoles, départements, État et société privées) apparaissait probablement trop limpide et efficace pour se priver d’ajouter un acteur, jusqu’alors complètement absent de ces problématiques et sans compétences ni expérience sur le sujet.

      Autre exemple, il y est proposé de confier, toujours à leur bon vouloir (donc selon la sensibilité politique de la Région…) la gestion d’une partie de sites « Natura 2000 », politique européenne de protection et gestion d’espaces naturels d’intérêt majeur. Une partie seulement, et à la carte selon les régions. Ceci revient donc, par clientélisme, à confier à une collectivité un morceau d’une mission qui jusqu’alors ne posait pas de difficultés et était jugée satisfaisante. Une dernière illustration de de cette folle propension à vendre (offrir en l’occurrence puisque tout transfert et compensé financièrement) à la découpe des compétences fondamentales de l’État sans raison ni même volonté locale porte sur le cas de l’ADEME dont il est question de déléguer ou « co-gérer » une grande partie des crédits avec les Régions, là encore. La loi 3D+S porte en elle l’ensemble des maux de la décentralisation telle qu’elle continue à être appliquée : partir d’a prioris et de demandes partisanes plutôt que de faits établis pour complexifier à l’envi un système qui fonctionne ; le tout au nom d’une idéologie selon laquelle l’État fait moins bien que les collectivités.

      L’introduction de la différenciation revient à institutionnaliser l’inéquité de traitement et ouvre la voie à un pouvoir normatif des collectivités territoriales

      Parmi les termes choisis comme étendard de ce projet de loi, le plus lourd de sens est pourtant là encore celui qui paraît le plus anodin : la différenciation. Il s’agit ici de réaliser le souhait exprimé de plus en plus ouvertement par les élus locaux, en particulier régionaux, à savoir adapter différemment les lois selon les territoires. Cette idée s’appuie toujours sur l’antienne selon lequel l’État aveugle applique la loi sans distinction et nuance là où les problématiques et contextes sont différents. Difficile en première approche de s’opposer à cette différenciation en apparence logique et pragmatique. Dans un monde idéal, en effet, mais la réalité est celle où l’influence de certains élus locaux, de certains intérêts particuliers ou de certains lobbys priment régulièrement sur l’application de la réglementation et l’intérêt général. Institutionnaliser une différenciation reviendrait donc dans ce cadre à reconnaître que la loi s’applique différemment en fonction des territoires; c’est faire de la norme un instrument de concurrence entre les collectivités ; c’est inscrire l’inéquité de traitement dans la loi et légitimer les volontés locales qui ne souhaiteraient pas s’inscrire dans les objectifs nationaux. Avec la notion de différenciation, le gouvernement ouvre consciemment et dangereusement la voie à une ultime étape qui mettrait fin de facto à la République unitaire qui fonde la France pour la transformer en un État fédéral, celle de donner un pouvoir législatif aux collectivités pour qu’elles puissent adopter leurs propres lois locales.

       

      * * *

       

      Avec le recul, et malgré les changements de gouvernement, on voit ici très clairement qu’une trajectoire est suivie depuis presque 40 ans, de façon méthodique et rigoureuse visant d’une part à affaiblir l’État central et local, et d’autre part à renforcer le pouvoir des collectivités essentiellement aux échelons régionaux et intercommunaux. Il est à déplorer que ces choix fondamentaux pour l’organisation de la République se sont faits et continuent à se faire par considérations politiques plutôt que pragmatiques, à défaut d’évaluations objectives, factuelles et globales. Le constat des dysfonctionnements de la décentralisation, notamment en matière de politiques publiques environnementales, apparaît pourtant évident depuis le début des années 2000. L’option retenue n’a jamais été de réinterroger ses fondements, hormis pendant l’éclaircie furtive du Grenelle, mais de soigner le mal par le mal en poursuivant le processus tout en le complexifiant. Est-ce le sens de l’histoire ? Il suffit malheureusement d’en regarder les conséquences pour se convaincre du contraire et réaliser que ce choix n’est désormais ni justifiable, ni tenable, non sans faire en parallèle une critique d’un État à la fois coupable et victime de cette situation.

      1. Les conséquences : une nouvelle version de la tragédie des communs

       

      1. Des résultats bien éloignés des objectifs : deux exemples

       

      Une réduction impossible du fléau de l’artificialisation par la juxtaposition des intérêts particuliers

      L’artificialisation des sols est l’une des causes principales d’atteinte à l’environnement[12]. Elle détruit et fractionne la biodiversité, stérilise les sols, réduit l’infiltration des eaux de pluie, accentue la pollution de l’air, affecte les paysages… Ce sujet est bien connu et de nombreuses lois ont tenté d’y remédier depuis la loi Solidarité Renouvellement Urbain (SRU) de 2000 qui a édicté les principes selon lesquels la planification devait lutter contre l’étalement urbain et assurer une gestion économe des espaces naturels, agricoles et forestiers ; jusqu’à la loi « Biodiversité » adoptée en 2016 et qui fixe un objectif de « zéro artificialisation nette » (se gardant toutefois d’en préciser la définition et surtout d’en fixer l’échéance…). Toutes font le même constat : le rythme d’artificialisation n’est ni justifié au regard de la démographie, des besoins économiques et des possibilités de densification, ni soutenable environnementalement. L’image forte qui revient régulièrement est celle de la disparition d’un département français sous le béton (ou bitume) tous les dix ans. Pas suffisamment frappante toutefois puisque cette affirmation énoncée dès 2000 est toujours valable en 2021 ! Si le constat fait consensus, et que les pouvoirs publics ont décidé de s’y attaquer sans relâche depuis 20 ans, pourquoi si peu de résultats ? Tout simplement parce que les objectifs nationaux de réduction ne sont qu’incantatoires. La preuve : la loi de modernisation agricole de 2010 fixait un objectif de réduction de 50 % d’ici 2020. Le rythme n’a pas baissé, et le projet de loi Climat et Résilience de 2021 affiche le même objectif reporté cette fois à 2030…

      Le gouvernement n’a en réalité plus en main les leviers pour agir : ni sur les documents de planification qui définissent les zones urbanisables ni sur les autorisations de construire. Ces leviers sont, depuis 2000, sous la seule responsabilité élus locaux communaux ou communautaires. Si tout le monde s’entend sur le besoin de sobriété, dans les faits il leur est bien difficile de ne pas répondre favorablement aux demandes de logements des enfants du pays voire d’une population nouvelle que l’on cherche à attirer ou des retombées économiques et créations d’emplois que font miroiter une desserte routière améliorée ou d’une nouvelle zone d’activités. Ainsi, les taux d’artificialisation restent très élevés et diffèrent fortement selon les territoires, reflétant davantage une course au développement qu’un réel besoin[13]. Ainsi, la somme des volontés locales d’expansion ni concertées, ni planifiée, ni régulées conduit à une consommation foncière cumulée largement injustifiée comme une énième application de la « tragédie des communs ».

      La compétence GEMAPI ou le rejet d’une responsabilité pourtant réclamée.

      La GEMAPI ou Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des inondations est un acronyme qui regroupe deux compétences que la loi MAPTAM de 2014 a transférées aux collectivités avec délai. Force est de constater que ces compétences ont été réclamées de façon très claire et argumentée par les élus locaux en particulier via leur représentation à la chambre haute[14]. Dans l’idée, ceci est cohérent et vertueux : regrouper au sein d’un même échelon, en l’occurrence l’EPCI, des compétences très interdépendantes que sont la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations en s’appuyant sur le levier de la planification qu’elles ont déjà en main. Il s’agit aussi de confier à ces mêmes EPCI, la responsabilité de la qualité des cours d’eau puis plus globalement de celle de la ressource en eau qu’ils distribueront à leurs usagers. Prendre une compétence, c’est aussi en supporter le coût (après compensation financière de la part de l’État selon l’un des principes fondateurs de la décentralisation) et les responsabilités.

      Dans un monde où la population va croissante, où les espaces non artificialisés sont réduits et où les aléas climatiques sont croissants, la GEMAPI est une compétence dont le coût va croître, sur lesquels les responsabilités en termes de prévention des risques vont peser. Elles obligent à des choix difficiles, financiers (une taxe a été créée pour l’occasion, instaurable au choix de l’EPCI) mais également relatifs à des contraintes sur l’occupation du sol ou les pratiques des acteurs économiques (agriculteurs et industries notamment) et des particuliers. Ces compétences, en ce qu’elles touchent à l’intérêt général et imposent donc à ce titre des contraintes pour une frange de la société au bénéfice de la majorité, sont complexes et peu populaires. Il s’agit aussi de façon plus triviale de rationaliser fortement le nombre de structures (syndicats mixtes notamment, leur création étant devenue un sport national) et donc certaines prérogatives et casquettes localement appréciées. Face à ces perspectives peu enthousiasmantes et aux « retours terrain » négatifs, ces mêmes sénateurs se sont empressés dès 2015 [15] puis à nouveau en 2018[16] de détricoter et dénaturer cette loi en autorisant tout une série de reports et dérogations ajoutant à la confusion générale et lui ôtant une grande partie de son intérêt en termes de rationalisation et d’impact environnemental.

       

      1. Une vision cohérente et globale devenue impossible

       

      Le principe de non tutelle comme obstacle à l’intégration des politiques de planification

      L’État ne souhaite plus, ou ne peut plus dans une grande partie des cas, imposer une déclinaison de ses objectifs au niveau local. Chaque échelon territorial est donc plus ou moins libre de se fixer ses objectifs personnels, selon un calendrier qui lui est propre. Ce constat lucide a mené aux lois MAPTAM et NOTRe qui ont tenté de redonner un sens et une cohérence entre les politiques des différents échelons territoriaux via des schémas régionaux intégrateurs et l’introduction des notions de chef de file s’appuyant sur les CTAP (cf supra). Les schémas intégrateurs sont en principe un moyen de partager une vision et des objectifs à long terme en s’appuyant sur la « hiérarchie des normes », démarche administrative qui permet à un programme de fixer un cadre strict au sein duquel doivent se faire les déclinaisons plus locales et opérationnelles. L’État n’étant plus stratège, il décide de confier ces missions aux Régions, en particulier au travers du grand schéma intégrateur qu’est le SRADDET et qui devrait prendre le relai. Mais encore une fois, la cible est manquée tant sur le fond que sur la méthode. Les Régions se retrouvent à leur tour face au même problème que l’État, à leur échelle: comment élaborer un schéma prescriptif sur des objectifs dont on n’a pas la maîtrise ? Comment imposer un cadre alors que la hiérarchie retenue entre les programmes ou décisions des différents échelons territoriaux (SCOT, PLUi, autorisations d’urbanisme) se cantonne essentiellement à une dérisoire « prise en compte » (= ne pas ignorer) et au mieux une timide « compatibilité » (= ne pas aller à l’encontre) aux marges d’appréciation et aux délais permettant en général d’y déroger ? Les calendriers d’élaboration et de révision de ces documents ne sont pas non plus synchronisés ; ce qui réduit davantage leur corrélation. À ces difficultés s’ajoutent l’absence de légitimité des Régions (un « chef de file » sans compétences propres ne peut en principe rien imposer) et la proximité des élus régionaux avec leurs homologues locaux et autres représentants divers qui les rend plus sensibles aux desiderata particuliers aboutissant à des schémas peu précis, peu ambitieux et sans rupture.[17]

      L’environnement pâtit de cette déstructuration organisée avec le « développement » comme seule boussole

      Les objectifs globaux pourraient être tenus malgré cela si tous les niveaux avaient la même vision, ce qui n’est évidemment pas le cas. Le niveau infra-national, on l’a vu, est largement guidé par l’objectif de « développement ». Cet objectif découle directement d’un dogme très profondément ancré selon lequel la croissance est nécessaire partout et tout le temps, notamment pour créer de l’emploi. Et la croissance, dans un pays libéral, c’est la consommation de biens et services et donc l’exploitation et la dégradation de l’environnement qui est donc la première victime de cette déstructuration organisée des politiques publiques.

      Les conséquences sont que les objectifs, les programmes, les documents de planification ne sont plus intégrés ni intégrables car pilotés par des gouvernances et dans des calendriers différents particulièrement sensibles aux changements politiques. Là où la théorie prévoit une sorte de ruissellement ordonné des orientations des documents cadres nationaux puis régionaux vers le niveau local, on assiste au mieux à une juxtaposition de documents qui ne se parlent pas et, au pire, à des programmations contradictoires entre elles et dans des calendriers différents. Les collectivités territoriales, aussi vertueuses qu’elles puissent être, voient ainsi leurs efforts sapés par les conséquences de décisions prise à des niveaux qu’elles ne maîtrisent pas reproduisant à leur échelle les mêmes erreurs qu’à l’échelle nationale.

       

      1. La dilution du pouvoir décisionnel au détriment de l’intérêt général

       

      Multiplication des acteurs de légitimité inégale

      La fragmentation des compétences entre l’État et les différents échelons territoriaux fait que sur la plupart des décisions, de multiples acteurs disposent chacun d’un moyen de pression important. Ces moyens sont toutefois moins liés à leurs compétences propres ou à leur représentativité qu’à leur influence politique, leur participation financière ou plus généralement leur capacité de blocage. Chaque acteur peut in fine s’accaparer une partie de la paternité ou le droit de vie ou de mort sur une décision par son influence, et même s’il a un rôle réglementaire ou financier très secondaire.

      Ceci, une partie des élus locaux l’ont bien compris et peuvent profiter de la faiblesse du système et de l’État pour pousser leurs avantages ou bloquer des décisions qui les gênent. Une autre frange d’élus moins initiés, probablement la majorité, tente difficilement de suivre et est perdue dans ce magma institutionnel et politique où celui qui a raison est souvent le dernier qui a parlé. Eux ne connaissent pas suffisamment le système pour en profiter et ne sont pas assez influents ou tout simplement revendicatifs ce qui les rend inaudibles et renforce leur isolement. Ainsi s’ajoute à la nouvelle « hiérarchie » des collectivités évoquée au I.A.3, à une sorte de partition également au sein d’une même niveau de collectivités entre les élus influents et les autres là où l’État et ses décisions ne devraient faire aucune distinction.

      L’intérêt général est souvent le grand oublié de ces systèmes de décision. L’État, qui se doit d’en être le principal garant, tend à se rallier à une lecture essentiellement économique exhortée par les pressions politiques locales.

      La recherche du consensus plutôt que de la bonne décision

      Au final, le processus de décision s’oriente assez naturellement vers le plus petit dénominateur commun quelle que soit l’échelle de négociation (nationale, locale). Sur les sujets environnementaux, ce consensus mou, adopté par défaut, se fait au détriment de l’intérêt général dans un calendrier incompatible avec la nécessité de ruptures fortes et rapides imposées par les bouleversements environnementaux en cours.

      Au-delà de la fragmentation, on assiste ainsi davantage à un phénomène de dilution des compétences et responsabilités entraînant celle du pouvoir décisionnel, selon une clé de répartition différente car favorisant les minorités expressives aux dépens des majorités silencieuses. Dans ce processus opaque et biaisé, le citoyen a bien du mal à participer et peser sur les décisions et identifier les responsabilités a posteriori, désignant généralement l’État comme coupable par défaut.

       

      1. L’image déplorable mais justifiée du « mille-feuille » qui éloigne le citoyen des décisions, augmente la défiance et radicalise les positions

       

      De la difficulté pour le citoyen d’identifier les interlocuteurs, décideurs et responsables

      La suite de décentralisation mal conçues ni expliquées car non justifiées rend le paysage institutionnel absolument illisible pour le citoyen comme l’ont mis en évidence les synthèses du Grand Débat National de 2019[18]. Cette critique du mille-feuille et de l’opacité du système est totalement justifiée ; il n’y a qu’à voir le nombre d’interlocuteurs lors d’une réunion de présentation des projets ou d’élus lors d’une inauguration de chantier pour le constater. Il devient de plus en plus difficile d’identifier les bons interlocuteurs, même entre institutions, avec toujours la crainte de l’impair ou de la réunion inutile faute d’avoir convié un participant clé.

      Pour le citoyen, cette situation, qui n’a fait qu’empirer au fil des réformes, conduit à la fois à une perte de confiance et un désintérêt voire une forme de fatalité sur le fait que les décisions se prennent ailleurs, sans lui et sans forcément savoir par qui – ce qui est le cas. C’est aussi ce phénomène qui explique que se sont constituées et largement renforcées et radicalisées depuis quelques années, les oppositions citoyennes structurées et associations de défense du consommateur, de l’environnement ou de riverains pour tenter de peser collectivement en utilisant les mêmes leviers que les élus.

      Des processus formalisés de concertation très opaques

      Les modalités de consultation, concertation ou enquêtes du public et des « parties prenantes » se sont pourtant vues très largement renforcées ces dernières années dans le domaine environnemental. Leurs modalités interrogent toutefois sur leurs objectifs réels :

      – difficulté d’avoir l’information sur les procédures en cours, souvent discrètement affichées en mairie (qui va faire l’effort d’y aller ?) ou perdus dans l’arborescence touffue de sites institutionnels ; le tout dans un pas de temps réduit;

      – des dossiers réglementaires et techniques complexes et très volumineux largement incompréhensibles pour la majorité des citoyens.

      Et pour les initiés et persévérants qui seraient allés au bout de la démarche, on peut déplorer in fine le traitement qui est fait de leur contribution et qui a deux issues prédominantes :

      – une non prise en compte car la décision est déjà prise en amont. Dans ce cas, les avis ne servent que d’alibis ou de moyen d’adapter à la marge

      – un test pour mesurer le niveau d’opposition à la décision projetée et avoir une idée du risque de réactions politiques et de potentiels recours contentieux.

      L’absence de méthodologie unifiée au niveau national et selon les procédures concernant le traitement et les suites à donner à ces consultations pourtant lourdes et fastidieuses pour certaines, expose le résultat à toute interprétation subjective et généralement politique plutôt que démocratique.

       

      * * *

      La décentralisation menée en France depuis 40 ans voue à l’échec les politiques publiques nationales nécessitant des orientations fortes et partagées, au premier rang desquelles celles qui sont liées à l’environnement. Les pertes en lignes sont trop importantes à chaque niveau décisionnel. L’état des lieux des institutions met en évidence une dilution des compétences et des responsabilités qui rend les processus décisionnels très longs et peu démocratiques. Les multiples intérêts personnels (principalement économiques) et pressions politiques qui en découlent conduisent à des concertations de précaution et de façade, et des positions de consensus mou dont l’intérêt général, et donc l’environnement, sortent grands perdants. L’image renvoyée au citoyen est largement dégradée et participe à la décrédibilisation de la politique et à l’inefficacité des politiques de préservation de l’environnement. L’État, largement dépossédé de ses moyens d’action, y joue les équilibristes dans un rôle ambigu.

      PROPOSITIONS

       

      • Considérer les enjeux environnementaux comme prioritaires et revoir l’élaboration et l’évaluation des politiques nationales en conséquence

       

      • Conformément aux principes affirmés dans la Constitution, la loi et en accord avec les divers engagement internationaux et traités et règlements européens, la préservation et l’amélioration de l’environnement guident l’ensemble des politiques et décisions de l’État en particulier dans son appréciation de l’intérêt général.

       

      • Par défaut, l’État est le seul à pouvoir fixer des normes et accorder des autorisations administratives relatives à l’environnement ou à l’aménagement du territoire sauf si un document de planification a été approuvé par l’État et prévoit explicitement que les décisions afférentes y sont conformes. Par extension, ces prérogatives s’appliquent aux processus d’adaptation au changement climatique: gestion de crise, risques naturels…

       

      • Pour chacune de ces politiques publiques, un schéma clair de répartition des compétences (notamment entre l’État et les collectivités territoriales), pouvoirs de décision, procédures, interlocuteurs et moyens dévolus est établi en concertation et rendu public. Toutes les collectivités territoriales concernées (ou leur groupement) doivent s’engager et être solidaires réglementairement de l’atteinte des objectifs et échéances une fois ceux-ci adoptés au niveau national via des déclinaisons régionales et départementales rapides, pilotées par l’État, et obligatoirement additionnelles[19]. Tous les documents de planification et programmes liés à l’environnement sont donc parfaitement cohérents, synchronisés et complémentaires via un rapport de conformité stricte.

       

      • Le niveau central de l’État ne peut plus approuver de plans, stratégies, feuilles de route ou objectifs nationaux sans qu’y soient associés et validés (sur consultation notamment des services déconcentrés) une identification précise des moyens alloués, des échéances, indicateurs de suivi et d’effectivité des mesures.

       

      • Les moyens (humains et financiers) de l’État consacrés à une politique sont identifiés précisément jusqu’au niveau départemental et réévaluées annuellement. La somme des moyens consacrés aux différentes politiques ne peut être supérieure aux moyens globaux disponibles dans un service donné selon le principe de l’adéquation entre missions et moyens dévolus.

       

      • Revoir la définition, les moyens et la répartition des compétences relatives à l’environnement et à l’aménagement du territoire

       

      • Au-delà de la réattribution des missions des Régions proposée dans l’article du 26 mars, certains blocs de compétences d’intérêt général majeur dévolues aux Départements et EPCI sont réattribuées ou plus fortement régulées et contrôlées (environnement, planification, gestion des risques naturels…). La déconcentration est privilégiée mais corrélée à une évolution de l’organisation et des prérogatives de l’État La différenciation est interdite entre mêmes niveaux de collectivités territoriales.

       

      • L’élaboration du SRADDET et des autres schémas d’orientation régionaux est pilotée par le Préfet de Région aux Politiques Publiques (cf infra) en concertation avec les collectivités territoriales. Ces schémas révisés tous les 5 ans sont prescriptifs et font l’objet d’une déclinaison départementale concomitante. Ces schémas s’imposent aux décisions et documents de planification infra-régionaux par un rapport de conformité. Les calendriers d’élaboration de ces schémas et de leurs déclinaisons sont recalés sur une temporalité commune qui doit être réglementairement respectée.

       

      Les Préfets aux Politiques Publiques (cf infra) et leurs délégataires ont un pouvoir d’appréciation de l’opportunité des éventuels projets qui n’y figureraient pas, en amont des procédures. Ils peuvent demander des études d’impact préalables et, le cas échéant, dénoncer l’opportunité d’un projet au titre de l’intérêt général et en déclarer la demande irrecevable en particulier pour cause d’impacts environnementaux non justifiables.

       

      • L’État redevient autorité de gestion pour l’ensemble des fonds européens, via un programme largement concerté dont l’élaboration et l’adoption sont confiés au Préfet aux Politiques Publiques.

       

      • Favoriser et simplifier l’information et le pouvoir décisionnel des citoyens

       

      • Les procédures de consultation du public amont et aval sont unifiées, clarifiées et simplifiées (notamment par l’introduction de questions fermées ou à choix multiples) et largement expliquées de façon à être exploitables et exploitées. Une partie des questions portent sur l’intérêt du projet ou programme au regard de l’intérêt général.

       

      • Un système d’évaluation quantitatif est mis en place pour permettre la révision ou l’abrogation de certaines dispositions des textes/projets soumis. Des règles de représentativité sont fixées en amont des consultations en fonction de problématiques abordées et de l’intérêt à agir.

      II – De l’« État providence » à l’« État complexé »

       

      1. Un État complexé qui n’ose plus dire non

       

      « Never explain, never complain »

      Un des enseignements largement constaté mais jamais retenu de la décentralisation est qu’elle ne fait que complexifier les politiques, processus et démarches qui ont justifié sa mise en œuvre. De fait, la population ne la comprend pas et, ne percevant pas d’amélioration dans les services rendus, est donc très sensible aux arguments de campagne qui mettent ces déceptions sur le dos de l’État et en concluent par un raccourci facile que le problème vient du fait que cette décentralisation n’est pas assez poussée… CQFD.

      Et les détracteurs ont la tâche tellement facilitée par l’État qu’ils auraient tort de ne pas s’engouffrer dans cette brèche. Attaquer l’État pour un élu local est devenu presque un réflexe tant la cible est désormais facile et docile. L’État déteste dire non, l’État ne riposte jamais, L’État est inaudible, l’État endosse bien volontiers la responsabilité de dysfonctionnements et décisions pour lesquelles il n’a plus la main. Pourquoi ? Car pour le citoyen, l’électeur, l’opinion publique, confortés par la majeure partie des médias, la France c’est toujours l’État providence. Ils ne savent pas ou ne comprennent pas que l’État ne puisse plus agir sur une grande partie de leurs préoccupations quotidiennes (notamment toutes celles liées à l’environnement : énergie, transports, qualité de l’air, de l’eau, paysages, transports, urbanisme…) faute de leviers et suite à son démantèlement organisé, continu mais non assumé depuis presque 40 ans. Et l’État ne veut ni admettre ni afficher cette situation.

      La jurisprudence de « L’État ne peut pas tout »

      Lionel Jospin en 1999 avait osé affirmer, déjà, une évidence face au désarroi des salariés de Michelin dont l’usine devait fermer. « L’État ne peut pas tout » avait-il justement mais imprudemment avancé[20]. Dans notre nation de paradoxe où l’on dénonce l’incurie de l’État et où l’on prône sans cesse les vertus supposées de la décentralisation, où la liberté d’entreprendre est une valeur cardinale et où l’économie de marché est la boussole des gouvernements successifs, le citoyen ne comprenait ni n’acceptait pourtant que l’État avoue son impuissance à empêcher des licenciements décidés par une entreprise privée. Malgré une tentative de rétropédalage, l’affirmation a laissé des traces et l’incident a fait jurisprudence : l’État ne peut pas laisser un sujet orphelin au niveau national mais aussi local, quand bien même il n’a pas les moyens d’agir sur la problématique.

      La nouvelle posture paradoxale d’accompagnement bienveillant

      L’État se doit donc d’être présent partout. De moins en moins régulateur, contrôleur ou même stratège ; il se concentre surtout, selon la novlangue administrative en vigueur, sur de nouvelles fonctions : facilitateur, médiateur ensemblier, bienveillant, accompagnateur, bénévolant… des décisions prises par d’autres que lui ou pour lesquelles il garde un pouvoir de décision sans réelle liberté d’arbitrage. En toute logique, et compte tenu notamment des moyens dont il dispose désormais, il ne devrait se concentrer que sur ses missions relictuelles, en grande partie régaliennes (ce qui, vous l’aurez compris, n’est pas la position des auteurs de cet article). Or il met beaucoup d’énergie à ne pas empêcher les autres d’agir à leur guise, à ne pas passer pour celui qui aura dit non, celui qu’on accusera si facilement et qui ne prendra pas la peine de se défendre de ces accusations, car il devrait dévoiler in fine son impuissance… alimentant le feu des critiques sur son ingérence. Ainsi, il n’est pas une semaine sans que les quotidiens régionaux remplissent leurs colonnes des récriminations d’élus locaux dirigées vers l’État perçu clairement comme un « empêcheur de tourner en rond » en particulier à cause de motifs environnementaux qui sont facilement caricaturables qu’il s’agisse de grenouilles qui retardent la construction d’une rocade ou du zèle de services de l’État dont les exigences pour vérifier les impacts environnementaux de projets sont supposément source de pertes d’emplois et/ou des subventions.

      L’État a pourtant encore une légitimité à faire entendre sa voix et le cas échéant à dire non, à « bloquer » des projets ou programmes qui vont à l’encontre de l’intérêt général dont il se doit d’être l’appréciateur le plus légitime et le premier défenseur. Il exécute, rappelons, la politique du gouvernement et donc l’expression de la démocratie, il est le premier garant de l’application équitable de la loi qui a été discutée et votée par ses représentants nationaux légitimés par le suffrage universel et sur la base d’un programme connu et diffusé dans le cadre de la pr sidentielle.

      Le constat d’un transfert progressif du pouvoir exécutif vers le pouvoir judiciaire

       

      * * *

      La déclinaison locale des politiques publiques se résume dorénavant pour l’essentiel à une recherche de consensus et un maintien de la paix sociale plus qu’une négociation pour défendre l’intérêt général. L’époque où l’État imposait son point de vue et ses décisions est largement révolue, ce qui peut sembler vertueux dans une démocratie. Mais nous en sommes arrivés à l’excès inverse où l’État complexé par sa perte de légitimité et d’expertise se réfugie dans un rôle de conseil, car il peine à émettre une opinion s’il sait qu’elle ne sera pas appréciée, en l’occurrence souvent le point de vue réglementaire et/ou l’intérêt général. Il se fait ainsi « rattraper » régulièrement, parfois sciemment, par les instances judiciaires administratives vers lesquelles le pouvoir exécutif se déporte lentement. Ce changement de posture s’est accompagné d’un changement d’organisation territoriale, devenue inadaptée et aux multiples effets contre productifs.

       

      1. En réaction à la décentralisation, la mal-adaptation itérative de l’État local

       

      1. Une adaptation de l’organisation de l’État local mal calibrée et asymétrique

       

      Une révision de l’organisation de l’État asymétrique à celle du rapport de force avec les collectivités territoriales

      Les vagues progressives de décentralisation, en particulier celles intervenues depuis 2000 en renforçant le rôle des EPCI et des Régions, ont entraîné un basculement progressif du rapport de force vis-à-vis de l’État dont on peut désormais considérer qu’il s’est inversé au moins dans le domaine de l’environnement et de l’aménagement du territoire. On l’a vu, l’État n’est plus maître de ces politiques et de leur mise en œuvre (ce qui pose des questions d’efficience voire de légitimité démocratique) et ne peut plus, dans beaucoup de domaines, qu’user de son pouvoir d’influence, halo de plus en plus blafard de ses pouvoirs passés.

      En renforçant en particulier le rôle de Régions, c’est en parallèle un affaiblissement de l’État local qui est essentiellement organisé au niveau départemental. Les préfets décisionnaires sont les préfets de départements, et non les préfets de région pour la plupart des sujets. Ces derniers, qui ont toujours une double casquette régionale et départementale, sont réticents à appliquer leur autorité sur les préfets de département, pourtant clairement légitime depuis 2010[21] et appliquent leur pouvoir « d’évocation » de façon très exceptionnelle. Par usage voire coutume, un préfet est « maître » chez lui, c’est-à-dire dans son département.

      L’adaptation et la réorganisation de l’État en réponse aux choix de décentralisation s’est faite et continue à se faire de façon doublement asymétrique par rapport à la modification du rapport de force avec les collectivités territoriales. On l’a vu, les dernières lois de décentralisation n’ont fait que renforcer les échelons régionaux et intercommunaux aux dépens des niveaux départementaux et communaux. En face, l’État a choisi une organisation qui renforce le pouvoir des préfets de département, celui des préfets de Régions restant relativement limité. C’est une faiblesse voire une faille dans l’application de ces politiques publiques quand il s’agit de s’assurer d’une cohérence entre départements ou de postures fortes et partagées quand les décisions stratégiques et politiques se prennent désormais au niveau régional, et face à des interlocuteurs régionaux structurés et bien puissants politiquement. Au surplus, les décisions plus opérationnelles liées à des projets d’aménagement et donc directement impactantes pour l’environnement, décidées par les EPCI et nécessitant un suivi technique et administratif important et des contrôles effectifs se négocient avec les préfets de département dont les services départementaux en charge de ces sujets ont été volontairement et très largement purgés de leurs moyens humains, financiers et compétences techniques pour, in fine, faire de moins en moins obstacle aux projets locaux.

      Des transferts de compétence aux « coûts de transaction » très pénalisants

      Au fil de ces réformes, mais aussi par transfert de certaines missions à des opérateurs privés (ex : autoroutes, contrôle de qualité pour l’eau ou les normes énergétiques…) ou publics (cf infra), les services régionaux et départementaux qui sont en charge du déploiement et de l’application concrète de ces politiques ont vu leurs effectifs se réduire drastiquement tandis ceux des collectivités territoriales s’envolaient. Le solde de ces décentralisations est pourtant loin d’être nul comme il le devrait selo [22]. Aucune décentralisation ne l’a d’ailleurs jamais été, ce qui s’explique par plusieurs raisons cumulatives. La première du côté des collectivités territoriales: acquérir de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-faire, de nouvelles fonctions pour les agents ne se fait pas simplement. Il faut identifier puis former des agents, voire en recruter de nouveaux et inscrire ces changements dans des organisations existantes. Ces transferts de compétences et ces compensations ne se font que dans de très rares cas par transfert réel d’agents en place. Dans la grande majorité, ces compensations se font en « équivalents temps pleins » (ETP) c’est-à-dire en postes transférés, sans les agents. Il s’agit donc pour la collectivité bénéficiaire de droits à recruter (avec les crédits qui vont avec) et pour le service de l’État débiteur, de postes à supprimer. L’administration française fait que l’on ne peut pas licencier ni muter de fonctionnaires (quelle que soit la fonction publique concernée) si simplement, il faut dans ce cas attendre que l’agent en place change de structure. Le service qui voit ses missions et moyens partir doit trouver des postes à supprimer rapidement là où il le peut, c’est-à-dire en général là où les postes sont vacants et pas forcément là où les missions sont celles dont l’activité le justifie. Ce type de changements imposés est finalement très fréquent à l’échelle territoriale et pénalise fortement l’organisation interne et la consolidation des compétences donc la qualité et la continuité des services rendus par les services débiteurs et créditeurs.

      La REATE ou la rupture du lien entre les ministères et leurs services territoriaux

      La réforme la plus importante de l’organisation de l’État au niveau local entre en vigueur en 2010, c’est la REATE (Réforme de l’Administration Territoriale de l’État) décidée par le gouvernement Fillon[23]. C’est une révolution à la fois dans sa pratique et dans son esprit. Dans les faits, la conséquence la plus visible et concrète est le regroupement de plusieurs « services déconcentrés » tant au niveau départemental que régional. D’anciennes directions départementales qui étaient encore structurées de façon thématique constituant une représentation locale de leur ministère de tutelle (directions de l’agriculture, de l’équipement, de la jeunesse et des sports, des fraudes, des affaires sociales…) en tant que « services déconcentrés » sont regroupées en directions départementales interministérielles sous l’autorité directe et exclusive préfet de département.

      Dans l’esprit, c’est une révolution. C’est l’organisation historique et caractéristique de l’État français qui est révisée : il n’y a plus de représentation ministérielle au niveau départemental (et quasiment plus au niveau régional) mais des services opérationnels interministériels sous l’autorité du préfet. Le lien entre les ministères et leurs anciens services locaux sont rompus. Le préfet de département (et dans une moindre mesure de région) devient l’interface unique et incontournable des ministères avec leurs anciens services. Les administrations centrales, qui fixent les orientations nationales décidées par le gouvernement et, par extension, le Parlement, ne s’adressent plus directement à leurs services, leurs agents mais aux préfets de département qui s’appuieront sur leurs directions interdépartementales dont l’autonomie est largement amputée et évoluent en services exécutifs préfectoraux. Des échanges opérationnels existent toujours évidemment entre agents des DDI (directions départementales interministérielles) et administrations centrales, mais ils se sont distendus et n’ont plus de caractère hiérarchique. Au-delà du rapport hiérarchique désormais clairement établi, une évolution réglementaire récente vient de parachever cette philosophie avec le transfert de leur gestion administrative (effectifs et budgets) au ministère de l’Intérieur [24], conférant ainsi aux préfets une plus grande latitude pour répartir ces moyens entre les thématiques qu’ils jugent prioritaires.

      La situation régionale est à ce jour moins impactées mais s’en rapproche très progressivement avec des directions régionales de plus en plus interministérielles, sous l’autorité hiérarchique directe des préfets de région. Officiellement, ces services régionaux sont encore des services déconcentrés (ce que ne sont plus les services départementaux) c’est-à-dire des représentations régionales de leurs ministères respectifs; mais dans les faits, le schéma est quasiment le même qu’au niveau départemental, avec là aussi une autonomie très réduite de ces directions.

      Cette évolution peut sembler rationnelle dans un contexte de réduction d’effectifs (mutualisation) voire vertueuse pour une meilleure transversalité entre thématiques de plus en plus imbriquées et permettant une vision large et ensemblière. C’est en partie vrai, mais les effets négatifs, plus subtils ne sont pas moins présents. Si les préfets sont les représentants de l’État dans sa globalité sur un territoire donné (département ou région) et donc de l’ensemble des politiques gouvernementales, ils n’en sont pas moins sous tutelle du ministère de l’Intérieur qui leur donne, pour premières directives, le maintien de la sécurité et de l’ordre public. Cette grande latitude sur la répartition des effectifs et budgets au sein de leur périmètre, autrefois cadrée et reliée directement à des politiques ministérielles, peut être perçue comme une remise en cause du caractère interministériel des services concernés. Elle fait poindre la critique faite précédemment sur la différenciation et interroge sur l’application des politiques publiques de façon homogène et équitable (sans pour autant être aveugle et unique) au regard de leur dépendance très forte aux choix préfectoraux, eux-mêmes influencés par la personnalité, le parcours, les affinités… des préfets eux-mêmes.

      Cette réforme s’accompagne sans surprise de la fin du « super ministère » transversal et ensemblier créé suite au Grenelle et englobant les transports, l’énergie, l’écologie, l’aménagement du territoire, le logement et la mer à l’occasion du départ fin 2010 de Jean-Louis Borloo. Il commence à se fissurer en laissant repartir au gré des remaniements, tantôt la politique de la ville, tantôt l’aménagement du territoire, tantôt l’énergie, tantôt la mer, tantôt la responsabilité des négociations sur le climat… Bien qu’il n’ait cessé de varier selon un mouvement de contraction et de dilatation, il n’a jamais retrouvé son périmètre et son aura de 2008 ; la valse des ministres depuis cette date (13 en 13 ans !) est aussi un symbole de la difficulté de la fonction et du peu de poids que ceux-ci ont eu et ont encore.

      • L’hypocrisie du niveau national

       

      Le gouvernement et les ministères continuent à fixer des objectifs dont ils savent qu’ils sont intenables

      Même si l’État local n’est pas exempt de critiques, force est de constater que ces services évoluent dans un contexte très peu favorable qui est en grande partie une conséquence de l’abandon voire de la défiance de leur propre employeur : leurs ministères (d’origine).

      La responsabilité du niveau national, du gouvernement et des législateurs dans l’inefficience des politiques publiques environnementales est grande car c’est à ce niveau que se décident les orientations et objectifs. Là où le Grenelle avait adopté un ensemble cohérent de mesures (objectifs, documents stratégiques opposables, paquet réglementaire adapté, calendrier, méthodologies) et moyens (formation, postes, budget), l’ensemble des programmes nationaux environnementaux ou d’aménagement du territoire adoptés depuis lors se sont fait essentiellement par la fixation d’objectifs cumulatifs et découplés des moyens humains à y consacrer qui ont poursuivi leur baisse drastique.

      Les ministres en charge des politiques environnementales et d’aménagement du territoire, en grande partie déconnectés de ce que furent leurs troupes locales, continuent à faire « comme si », à prétendre garder la main grâce au pouvoir normatif et d’orientation pour fixer des objectifs dont ils n’ont plus la maîtrise ni en externe ni en interne, à jouer les stratèges d’une armée en grande partie fantôme. Ces objectifs dépendent en effet largement de compétences disséminées et décentralisées entre échelons territoriaux donc entre les mains des élus locaux. Pour continuer à faire illusion, l’État décide depuis plusieurs années de passer par des « contrats » ou des « pactes » territoriaux avec quelques crédits à la clé censés en garantir le respect. Ces documents, généralement accompagnés d’un cérémonial conséquent, constituent en réalité un terrible aveu de faiblesse pour un État obligé de s’en remettre à des engagements de principe pour escompter faire appliquer ses politiques publiques sur une partie de son territoire.

      Enfin, les consignes et instructions qui incombent en permanence aux préfets et services territoriaux ne sont absolument jamais accompagnés, en termes de moyens humains à y dédier, qui ne sont même pas quantifiés. Les injonctions, parfois contradictoires, se succèdent et se superposent en laissant in fine aux préfets la responsabilité d’arbitrer entre les priorités.

      La multiplication des opérateurs

      Pour tenter de contourner cette impuissance, les ministères (et notamment celui de l’écologie) ont développé une autre voie : celle de la multiplication des « opérateurs ». Les opérateurs sont des établissements publics sous tutelle de l’État central avec généralement une représentation locale mais qui échappe à l’autorité préfectorale. Initialement créés uniquement pour des missions de financement, d’expertise technique ou de contrôle (d’où la justification d’indépendance vis-à-vis des préfets), leurs missions se sont vues progressivement élargies à l’appui aux politiques publiques dans bien des domaines. On peut citer l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), les Agence de l’Eau, l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine)ou plus récemment l’OFB (Office français de la biodiversité). Cet élargissement des compétences s’accompagne de très grandes capacités financières outrepassant largement celles disponibles par les propres services territoriaux des ministères concernés. Une partie de la baisse d’effectifs et de moyens financiers des services territoriaux s’explique par un transfert de missions vers ces opérateurs. S’ajoutent donc à un paysage institutionnel local foisonnant, des opérateurs à qui l’on confie un rôle croissant dans l’orientation locale des politiques publiques, associé à des capacités d’intervention financière conséquentes. Ce choix pose des questions de légitimité puisque ces opérateurs bénéficient en parallèle d’une grande autonomie vis-à-vis de leur ministère de tutelle voire une complète indépendance par rapport aux services territoriaux et aux préfets. Il ajoute également de la complexité dans la gouvernance et les processus de décision et réduit la lisibilité et la cohérence de l’action de l’État au niveau local[25].

       

      • Le préfet ou l’impossible synthèse

      Durant l’été 2021, de façon aussi soudaine qu’arbitraire, le gouvernement a annoncé la suppression du corps des préfets. Si ce n’est pas la fonction en tant que telle qui disparaît, tout observateur aura compris qu’au travers de ce choix et de la façon dont il a été présenté, c’est la fonction et ses représentants qu’on accuse à nouveau[26]. La philosophie de la réforme vise à une ouverture plus large de la fonction à des représentants de la société civile ayant a priori une meilleure expérience de terrain. Simpliste, cette vision complaisante avec une idée erronée que se fait l’opinion publique oublie en effet que le parcours des préfets les oblige déjà à avoir plusieurs expériences locales, ne serait-ce qu’en tant que sous-préfets ; fonction qui le place tout autant à « portée de baffes » que celle d’élu local. Il est intéressant que noter que si l’Élysée (dont vient la directive) ne s’attendait forcément pas à une manifestation de préfets ou de la population suite à ces annonces, la contestation la plus visible est venue de là où on ne l’attendait pas : de l’association des maires de France. L’AMF[27], pourtant peu avare quand il s’agit de critiquer l’État et ses services, craint que ces préfets « nouvelle génération » manquent de l’expérience, de la lucidité, du recul et de la neutralité que permet le cursus honorum en vigueur qui, certes très codifié et opaque, revêt un niveau d’exigence qui a fait ses preuves depuis plus de 200 ans sans qu’il ait été souvent été mis en défaut.

      Les préfets et sous-préfets demeurent une institution et un pilier de la République. Dans un mouvement de balancier assez paradoxal encore une fois, plus la décentralisation s’accélère et plus les préfets concentrent de pouvoirs. En effet, les étapes de décentralisation se sont accompagnées à la fois d’une plus grande déconcentration[28] des décisions au niveau national en leur faveur, et d’une plus grande concentration des décisions locales en particulier suite à la REATE, là où ils étaient auparavant pris par des services déconcentrés plus autonomes. Les préfets gardent donc, in fine, de larges pouvoirs de décision dans des champs de compétence qui se sont largement diversifiés et sont devenus pour certains très complexes et techniques. Le tandem « maire-préfet », largement valorisé suite à la crise des gilets jaunes puis à la crise sanitaire[29] semble plus que jamais à préserver, mais comment le faire si l’un des tenants de binôme n’a plus les moyens de répondre aux attentes de l’autre ? La déception voire la défiance s’installent.

      Le préfet doit en effet réaliser à son niveau, soutenu par des services territoriaux largement diminués, l’impossible synthèse de l’ensemble des politiques thématiques ministérielles tout en étant le garant, et c’est sa fonction première, de la sécurité et de l’ordre public. Dès lors, toutes les centaines d’injonctions annuelles qui leur arrivent de tous les ministères sont traitées sous ce prisme qui les incite à la retenue et à la recherche de consensus pour maintenir une forme de « paix sociale locale ».

      Ces préfets ne se sentent pas non plus tous comptables de la même façon des injonctions de ministères qui ne sont pas leur tutelle (laquelle est le ministère de l’Intérieur) et qui ne leur donnent pas les moyens d’agir, ni réglementairement, ni par le maintien de services territoriaux suffisamment armés. Dans cette logique ont été introduits en pleine pandémie (décret du 08 avril 2020) de nouveaux pouvoirs de dérogation des préfets qui leur permettent dans certains cas, de déroger à la réglementation nationale pour des considérations locales, notamment sur les sujets environnementaux. Cette décision constitue une dérive en ce qu’elle remet finalement en cause la séparation des pouvoirs et subjectivise les décisions. Là encore, l’environnement sert d’expérimentation.

      Ces préfets ont un quotidien difficilement concevable pour le citoyen. Même s’ils n’ont pas les moyens d’agir à leur niveau ils se doivent de répondre sans faillir aux sollicitations permanentes d’élus et représentants divers ayant à se plaindre de l’État ou sollicitant une attention bienveillante.

      Multipliant les casquettes, ils doivent ainsi jongler d’un sujet à l’autre, d’une décision à l’autre, d’une crise à l’autre avec en permanence la menace de la mauvaise décision qui entraînerait la responsabilité de l’État ou simplement une attention médiatique indésirable parfois suffisant pour entraîner leur éviction. Il y a en effet assez peu d’état d’âmes dans la gestion de ces hommes et femmes entièrement dévoués à l’État à qui on demande l’impossible sans qu’ils aient le droit de se plaindre.

       

      * * *

       

      Au final, l’organisation actuelle de l’État local ne fait que cumuler les inconvénients. Les représentants de l’État, en premier lieu les préfets, n’ont plus la légitimité et les moyens suffisants face à leurs interlocuteurs dont l’influence les dépasse désormais nettement. Ils sont ainsi tentés (et incités à) de rechercher des positions d’équilibre généralement préjudiciables à l’environnement. Les fonctionnaires départementaux et régionaux travaillant sur ces thématiques où les convictions et le sens du service public sont très marqués, subissent les décentralisations et leurs conséquences sur leur organisation comme une suite ininterrompue d’arbitrages défavorables. Eux dont les effectifs ont été réduits de moitié depuis 2009[30] voient leurs budgets rognés, leurs marges de manœuvre réduites, leur expertise remise en cause et assistent impuissants à la perte de sens de leur action s’effaçant derrière des considérations politiques locales supplantant régulièrement l’intérêt général et le respect de la loi.

      Les enseignements de la crise des gilets jaunes ont été compris au travers du prisme habituel selon lequel l’État n’est pas le mieux à même de porter les politiques publiques au niveau local. En témoignent les orientations données par le Premier ministre de renforcer la présence des services publics au plus près du terrain (préservation de la capacité à agir du niveau départemental) mais sans remettre en cause les baisses d’effectifs. On l’a rappelé, dans l’esprit des Français, le service public reste l’État donc quand ils s’expriment massivement, et leurs maires avec eux, pendant le Grand Débat pour plus de services publics locaux et d’appui, c’est donc bien de plus d’État qu’ils appellent de leurs vœux…

      PROPOSITIONS

       

      Refonder l’organisation de l’État local et lui redonner les moyens d’agir librement

       

      • Dans chaque département, nommer un préfet de Police et préfet départemental aux politiques publiques (PDPP) sans lien hiérarchique entre eux.

       

      • Le premier, sous tutelle du ministère de l’Intérieur, est uniquement en charge des questions de sécurité, du maintien de l’ordre public ;

       

      • Le second, sous tutelle du Secrétariat général du gouvernement (SGG), est en charge de l’application de la réglementation, de la mise en œuvre des diverses politiques publiques ministérielles et des polices sectorielles.

       

      • Dans chaque région, nommer un préfet régional aux politiques publiques (PRPP), qui ne peut pas être à la fois préfet régional et départemental. Il est sous tutelle du SGG du gouvernement. Il a autorité directe sur les PDPP. Sa feuille de route annuelle est définie précisément et priorisée. Il n’a pas de rôle de police.

       

      Les pouvoirs de dérogation des préfets introduits récemment ne sont accordés qu’aux Préfets aux politiques publiques et ne peuvent concourir qu’à un objectif de renforcement de la préservation de l’environnement.

       

      • Les Directions Régionales réaffirment leur rôle de services déconcentrés, c’est-à-dire de représentation régionale de leur(s) ministère(s) de tutelle qui est leur autorité hiérarchique. Sous l’autorité fonctionnelle du PRDD, leurs pouvoirs et autonomie de décisions sont renforcés (par déconcentration et délégations non révocables de signature). Elles ont notamment pouvoir pour avaliser certaines décisions départementales et ont également une visibilité et une capacité d’orientation sur les actions des Établissements publics de la région. Les effectifs et moyens financiers de leurs services sont du ressort du directeur, et affectés par les ministères de tutelle.

       

      • Les missions et moyens des Établissements Publics sont maintenus mais recentrés sur leur cœur de métier (financement selon orientations nationales et priorisations fixées par les directions régionales du ministère, missions de police et expertise technique), en appui et conformément aux orientations fixées par les services déconcentrés départementaux et régionaux.

       

      • Les directions départementales restent interministérielles et sous l’autorité directe du PDPP. Elles bénéficient elles aussi d’une plus grande autonomie de décision (par déconcentration et délégations non révocables de signature). Leur ancrage territorial est affirmé et renforcé.

             

      • Ces services départementaux et régionaux sont dotés de moyens accrus issus du redéploiement notamment de certaines missions confiées à des collectivités territoriales (Régions, Départements, EPCI) ou d’Établissements publics; l’objectif doit être a minima de retrouver les effectifs post Grenelle, soit entre +30 et +50 % par rapport à la situation actuelle hors transferts d’effectifs liés aux compétences réattribuées. Le volume en est déterminé après un chantier national analytique d’allocation objectifs/moyens.

       

      Les organisations et moyens sont stabilisés pour a minima 5 ans. Une évaluation standardisée basée sur les résultats effectifs est effectuée à cette échéance.

      Retrouver une relation de confiance avec le niveau local via un service restauré, fiable et équitable

       

      • Dans le domaine de l’environnement, les élus locaux ont compétence pour toute décision administrative dont le document de planification/programmation local (à l’échelle intercommunale) aura été préalablement validé par l’État et conforme aux documents d’échelle supérieure.

       

      • Après consultation dans chaque département, les missions d’ingénierie publique et moyens associés sont réintroduits pour permettre un appui aux communautés de communes ou communes hors agglomérations qui le sollicitent.

       

      • Chaque élu local se voit attribuer un référent pour l’ensemble des politiques publiques environnementale, rattaché aux DDI, et capable de lui expliciter et l’assister sur les démarches et procédures et de faire le lien avec les services instructeurs, financeurs ou d’ingénierie compétents. Compte tenu des moyens rénovés de l’État et de la révision des procédures de consultation (cf infra), les délais d’instructions sont raccourcis et les avis sont tacitement favorables en cas de dépassement de ces délais.

       

      [1] https://www.actu-environnement.com/ae/news/nitrates-eau-potable-mise-en-demeure-commission-europeenne-36408.php4

      [2] https://www.actu-environnement.com/ae/news/qualite-air-cjue-france-poursuites-36626.php4

      [3] « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État » – 26/03/2020

      [4] Meadows (Dennis) et al. Halte à la croissance ?, Paris, le Club français du livre, 1972.

      [5] Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, (Rapport Brundtland) Québec, Éditions du Fleuve, 1987.

      [6] Comme le souligne ironiquement l’une de seule analyse réalisée à savoir le rapport de la Cour des comptes de 2009 (https://www.ccomptes.fr/fr/documents/852 ) qui déplore que « L’évaluation de l’impact de la première décentralisation est ainsi restée parcellaire, limitée à certains secteurs comme les équipements scolaires du secondaire. Une appréciation globale n’a pas été réalisée, faute de consensus politique sur la méthode. ».

      [7] Modernisation de l’Action Publique Territoriale et Affirmation des Métropoles https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028526298/

      [8] Nouvelle Organisation Territoire de la République https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030985460/

      [9] https://www.actu-environnement.com/ae/news/conference-environnementale-acteurs-gouvernement-colere-attente-26659.php4

      [10] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/DLR5L15N42412

      [11] Ce terme a remplacé celui de « décomplexification » qui était jugé, à juste titre, assez péjoratif.

      [12] Le rapport entre l’étalement urbain et la destruction des habitats, des populations végétales et animales a encore été souligné récemment par l’IPBES https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-F

      [13] https://www.cerema.fr/fr/actualites/artificialisation-sols-quelle-dynamique

      [14] http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130916/devdur.html#toc2

      [15] https://www.actu-environnement.com/ae/news/prevention-inondations-competence-gempai-repoussee-2018-23732.php4

      [16] https://www.actu-environnement.com/ae/news/competence-eau-assainissement-transfert-senat-31067.php4

      [17]         https://www.actu-environnement.com/ae/news/transition-ecologique-regions-sraddet-bilan-avis-autorite-environnementale-33960.php4

      [18] https://www.banquedesterritoires.fr/grand-debat-les-attentes-et-propositions-des-francais

      [19] La somme des contributions des différents échelons de collectivités doit être supérieure ou égal à l’objectif fixé au niveau national. La somme des limites des différents échelons de collectivités doit être inférieure ou égale au plafond fixé au niveau national

      [20] https://www.liberation.fr/france/1999/09/14/jospin-aux-francais-mobilisez-vous-a-propos-de-michelin-il-affirme-que-l-État-ne-peut-pas-tout_283464/

      [21] Article 2 du décret https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000021838449

      [22] L’article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 prévoit en effet que « tout transfert entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

      [23] En réalité pilotée, et c’est une singularité, depuis le Secrétariat Général de l’Élysée

      [24] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000042238068/

      [25]      Notons que la loi 3D+S prévoit une nouvelle mesure corrective (et non structurelle) en instaurant plusieurs garde-fous préfectoraux sur ces opérateurs, moyen également pour le MI de rappeler au MTE les limites de son pré-carré qu’est le niveau local.

      [26] Entre l’été 2020 et le début de l’année 2021, plus de la moitié des préfets ont été remplacés.

      [27] https://www.mairesdefrance.com/maire-prefet-le-lien-indefectible-de-la-republique-article-907-0

      [28] La déconcentration consiste à déplacer du niveau central (ministériel) vers la base (services territoriaux de l’État) le contrôle et la mise en œuvre de l’action des pouvoirs publics. Tandis que la décentralisation vise à accroître la capacité de décisions des collectivités territoriales.

      [29] Voir note 22.

      [30] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b1990-a16_rapport-fond.pdf

      Publié le 27 janvier 2022

      Refonder l’organisation de l’État local et mettre fin à la libéralisation des politiques publiques environnementales consécutive aux vagues de décentralisation

      Auteurs

      Alexandre Delelys
      Cadre dans la fonction publique d'État, spécialiste des sujets de gouvernance et environnementaux.

      Ce projet de note s’inscrit dans la continuité et en complément de celle publiée le 26 mars 2020 par l’Institut Rousseau et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État ». Elle a pour objectif d’en poursuivre l’analyse sur les conséquences de la répartition actuelle des compétences au niveau local et de proposer, en réponse, des propositions quant à l’organisation territoriale de l’État et la répartition des compétences au niveau infra-régional. Le prisme principal de cette analyse est celui de l’aménagement du territoire et des politiques environnementales, qui sont parmi celles où la décentralisation a été la plus poussée, emportant avec elle des effets pervers aux conséquences désormais difficilement soutenables.

      Introduction

      Les politiques liées à l’aménagement du territoire (autrefois appelées planificatrices, terme désormais connoté comme trop dirigiste et ingérant), et plus largement liées à l’environnement font partie de celles qui ont été les premières et les plus décentralisées, de façon continue depuis bientôt 40 ans. Cette décentralisation dont il sera mis en évidence qu’elle s’est faite de façon incrémentielle, ni évaluée ni structurée a conduit à une situation actuelle d’une complexité difficilement descriptible et dont tous les acteurs, bien que pour des motifs différents, s’accordent à dire qu’elle n’est ni soutenable ni durable. Dans ce paysage devenu illisible et dans lequel l’intérêt général s’évalue généralement sous le seul prisme économique, l’État local relictuel est devenu le plus souvent spectateur de la mise en œuvre insatisfaisante des politiques pourtant décidées par le gouvernement et votées par le Parlement. Il tente ainsi maladroitement de continuer à exister en troquant sa casquette régalienne pour un rôle d’accompagnement coupable ou d’influenceur sur le déclin.

      Comme cela sera démontré et illustré plus loin à partir d’exemples, cet état de fait permet d’expliquer en grande partie l’échec des politiques nationales environnementales, politiques dont les objectifs sont, en toute conscience, fixés sans espoir de les atteindre car sans maîtrise des leviers d’actions par l’État ni contrôle de leur mise en œuvre effective par ceux qui en ont les compétences. C’est ainsi que nous constatons sur de nombreux domaines environnementaux des résultats médiocres, très éloignés des objectifs nationaux et encore davantage de ce que la situation exige. On peut citer de façon non exhaustive la réduction des pollutions des eaux, la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction des déchets, la restauration écologique, la limitation des émissions de particules fines…objectifs dont certains valent à la France d’être rappelée à l’ordre ou en procédure contentieuse de l’UE [1][2].

      Intégrant par postulat les propositions de la publication du 26 mars 2020 par l’IR et intitulée « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État », cet article vient les étayer et les compléter par d’autres propositions portant plus particulièrement sur la définition des politiques publiques liées à l’environnement et à l’aménagement du territoire, à la répartition de leurs compétences et à la réorganisation de l’État local. Il mettra en évidence que l’organisation actuelle ne peut garantir la mise en œuvre effective des mesures permettant d’atteindre les objectifs (dont certains sont déjà fixés et annoncés) concourant à la nécessaire « transition écologique » de la France. Plusieurs propositions y sont faites pour pallier ce problème en s’appuyant sur une révision de la décentralisation mais aussi une réforme à la fois pratique et de l’organisation de l’État local qui doit retrouver pleinement sa présence, sa légitimité et son utilité aux yeux d’élus locaux aux attentes différentes, partagés entre sentiment d’abandon et critique d’une verticalité trop marquée.

      I – De la décentralisation à la différenciation : la libéralisation des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire 

       

      1. Les étapes du démantèlement et de la libéralisation des politiques publiques environnementales

       

      1. 1982, l’acte 1 : une opportunité à coût politique faible au sortir des Trente Glorieuses

       

      La fin des Trente Glorieuses ne permettent plus à l’État de continuer son rôle de planificateur/constructeur

      Au sortir d’une guerre qui a ravagé le pays, mais qui l’a aussi soudé et obligé à revoir en profondeur ses institutions, sa structure sociale et ses interactions avec le reste le monde, la France se reconstruit et se modernise rapidement et dans un élan qui ne sera brisé que par les chocs pétroliers des années 1970. Les Trente Glorieuses sont l’apogée de l’État moderne planificateur et bâtisseur, l’époque des grandes avancées technologiques et des choix déterminants en particulier dans les domaines agricole, de l’énergie, des transports, de l’habitat… redéfinissant complètement l’aménagement du territoire. Ces choix se nourrissent alors d’une croissance économique continue et surtout d’énergies carbonées accessibles et facilement disponibles. Cette dépendance rend le pays très vulnérable aux chocs pétroliers (et gaziers) successifs qui ne font qu’initier le déclin d’un modèle qui, avec un recul critique maintenant évident mais difficilement audible dans le contexte de l’époque, ne pouvait perdurer. L’État commence alors à douter et à s’interroger sur ses propres missions face à ses premières difficultés financières depuis des décennies, à une concurrence internationale croissante, à une perte d’autonomie liée à l’intégration croissante des politiques au niveau européen et à une société de plus en plus accusatrice de ce qu’elle juge être des manquements de sa part.

      Les lois Deferre actent des principes généraux qui seront lourds de conséquence

      C’est dans ce contexte, qui en est en grande partie la cause, qu’intervient la première alternance de la Vème République avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Le constat d’un État qui a été probablement trop dirigiste et sûr de lui, en qui la confiance est écornée et qui ne peut plus s’affranchir du cadre européen et international ouvre la voie au début de la décentralisation dès l’entame de mandat en 1982 au travers des lois Deferre ; cette politique est soutenue idéologiquement par le nouvel exécutif.

      De ces premières d’une longue série de lois de décentralisation, on retient d’abord la création d’un nouvel échelon administratif territorial, les régions, avec les conséquences déjà développées dans une précédente note de l’Institut[3] sur lesquelles nous reviendrons. En corollaire est instauré le transfert de « blocs » de compétences (qui sont en réalité rarement des blocs, mais des portions) aux désormais trois échelons de collectivités territoriales que sont la commune, le département et la région. Ce sont néanmoins deux autres principes à la fois plus généraux et plus subtils qui seront, in fine les plus lourds de conséquence : la fin de la tutelle de l’État et l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre. Le premier fait basculer le contrôle de l’État non plus a priori mais a posteriori via « le contrôle de légalité ». Concrètement, cela signifie que dès lors, l’État n’a plus la possibilité de juger de l’opportunité d’un programme ou d’un projet dont il n’est pas à l’origine, mais uniquement de sa légalité. Les collectivités sont souveraines sur les champs de compétences qui leur sont désormais dévolus, l’État ne définit plus les choix, il se contente de contrôler et le cas échéant de valider le choix des autres. Complété du principe de non tutelle d’une collectivité sur une autre (et donc d’un échelon territorial sur un autre), ces lois entérinent pour toujours la perte par l’État de l’essentiel de ses pouvoirs d’orientation (hormis l’initiative législative) de planification, d’arbitrage et de contrôle de cohérence au niveau territorial. C’est la fin de l’État planificateur et, annoncée, de l’État stratège. Les lois Deferre constituent le socle de la complexification croissante, de l’instabilité et de l’incohérence de nombres de décisions dans le temps et entre niveaux territoriaux et exposent les politiques publiques concernées aux multiples dérives clientélistes.

      L’environnement et l’aménagement du territoire sont des candidats idéaux pour initier la « libéralisation publique » des politiques environnementales

      Parmi les premiers blocs de compétence décentralisés qui vont donc permettre d’expérimenter cette nouvelle organisation, on trouve ceux relatifs à l’environnement et à l’aménagement du territoire. Pourquoi ? Plusieurs raisons : l’État planificateur et visionnaire a vécu, l’État n’a plus les moyens de se lancer dans de nouveaux grands projets. Il n’en a peut-être plus besoin non plus, les principales infrastructures de transport, énergétiques et grands ensembles immobiliers sont désormais achevés ou en passe de l’être et l’agriculture termine sa seconde révolution. Le grand « dessein » étant désormais tracé, l’État considère qu’il doit davantage se détacher de ce qui se passe à des échelles plus locales. L’environnement est quant à lui encore un sujet de préoccupation mineur, sans réel enjeu politique à l’époque. Enfin, il convient d’afficher clairement la nécessité de laisser libre cours à la nouvelle démocratie locale sur son terrain de jeu, a priori sans grands enjeux ni danger politique. C’est donc un transfert de compétence à peu de frais de ce point de vue qui constitue en réalité le début de la « libéralisation » des politiques publiques environnementales et d’aménagement du territoire.

       

      1. 2008, les lois Grenelle : l’ambition de redonner une cohérence et une vision globales

       

      30 ans plus tard, la prégnance de ces sujets fait prendre conscience des conséquences négatives de leur décentralisation

      Presque trente ans plus tard, on ne peut que constater les effets négatifs collatéraux des choix d’aménagement des Trente Glorieuses (émissions de GES, précarité énergétique, artificialisation des sols, pollution des sols des eaux et de l’air…) largement amplifiés par l’entrée pleine et entière de la France dans la mondialisation décidée au début des années 1990. Une alerte avait pourtant été lancée dès la fin des années 1980 avec les rapports Meadows[4] et Bruntland[5], mais sans volonté d’y remédier. Cette absence de réaction peut s’expliquer par une sous-estimation politique de l’importance et de l’ampleur de ces problématiques, mais aussi par l’incapacité collective à y faire face. Le champ des compétences décentralisées n’ayant cessé de croître, mais sans vision ni grande cohérence[6], les acteurs publics ne peuvent que constater qu’ils sont individuellement assez impuissants et collectivement incapables de se coordonner pour faire face à un problème global qui touche à tant de secteurs et à toutes les échelles territoriales. Chacun s’observe et reporte la responsabilité sur l’autre ou tente d’agir de façon isolée et parfois contradictoire avec le territoire voisin ou avec l’échelle géographique inférieure ou supérieure.

      Les lois Grenelle sont une tentative unique, audacieuse et ambitieuse

      En ce sens, il faut attendre 2008 et les lois Grenelle (qui ne sont pas des lois de décentralisation mais en quelque sorte des lois de clarification) qui ont constitué et constituent encore à ce jour la seule tentative audacieuse, ambitieuse et réussie à l’initiative de l’État de coordonner l’ensemble des acteurs vers des objectifs environnementaux communs. En réalité, plusieurs facteurs justifient cet éloge du Grenelle dont les principes mériteraient d’être retenus et appliqués à toutes les politiques publiques. Avant tout la méthode : prendre le temps, avec les différentes parties prenantes (la désormais célèbre gouvernance à cinq : État/collectivités/partenaires sociaux/organisations syndicales/associations) de partager les constats, de recenser les outils, de se fixer des objectifs chiffrés, mesurables, datés et une trajectoire pour les atteindre. Ce « moment » unique a par ailleurs entraîné une évolution considérable des prises de conscience sur l’ampleur des enjeux environnementaux (tous) et sur l’urgence à agir à tous les niveaux et par tous les leviers. Les moyens ensuite : aussi évident que cela puisse paraître, très rares sont les objectifs politiques pour lesquels les décideurs se donnent les moyens et les outils pour agir. Le Grenelle en fait partie. Pour atteindre des objectifs très ambitieux et à des échéances qui l’étaient tout autant (la plupart à une échéance inférieure à dix ans), le Grenelle s’est doté d’outils législatifs, réglementaires et de connaissance (études, méthodes) très complets. Il a aussi déployé des moyens humains et financiers inédits et cohérents avec ces objectifs et leur calendrier. Il a enfin veillé à préciser systématiquement et méthodiquement le rôle que chacun des acteurs institutionnels devait jouer et à les responsabiliser en conséquence. Là où les compétences étaient décentralisées, il a instauré un contrôle de l’État pour veiller à l’effectivité des engagements et la cohérence territoriale des ambitions et moyens.

      1. 2014/2015, les lois MAPTAM[7] et NOTRe[8] : l’aveu d’échec et la recentralisation dans les régions

       

      L’esprit et l’essor du Grenelle ont fait long feu, la crise économique a relégué ces sujets au second plan

      Dès 2012, la crise économique dont la France ne sort pas relègue les sujets environnementaux au second plan. L’esprit et l’essor du Grenelle ont fait long feu, et la priorité redevient le développement économique « source d’emplois ». Les enjeux environnementaux et économiques sont conciliables d’après le concept du développement durable et ses trois piliers : l’environnemental, le social et l’économique. Les faits ont démontré rapidement et de façon constante que cette idée était galvaudée, l’économique l’emportant toujours sur les deux autres enjeux qui font même souvent figures d’entraves au premier. Dans ce contexte, l’État ne veut plus ajouter de « contraintes environnementales » et les tentatives timides de Conférences Environnementales devant prendre la suite du Grenelle sont des échecs et rapidement abandonnées car menées sans ambition ni moyens[9]. C’est que le niveau local et les acteurs économiques poussent fort pour avoir les mains libres afin, là encore, de se développer selon une logique qui rappelle celle des Trente Glorieuses : développer les infrastructures de communication, étendre les villes, faire de la logistique et du commerce, relancer la consommation et donc l’emploi selon un raccourci là encore rarement remis en question.

      Les lois MAPTAM et NOTRe consacrent un nouveau binôme tout puissant, EPCI et Régions, et tentent vainement de rationaliser l’organisation des collectivités territoriales pendant que l’État poursuit son retrait

      Les pouvoirs locaux s’étant largement renforcés au gré des vagues de décentralisation, les figures et instances politiques locales sont elles aussi plus influentes et écoutées, et donc difficiles à ignorer. En premier lieu figurent les Conseils Régionaux, les Régions étant devenues collectivités territoriales de plein droit depuis seulement 2004 mais qui ont acquis progressivement, et par la volonté de l’État soulignons-le encore, une telle visibilité et influence qu’elle deviennent incontournables et se trouvent désormais en position de force comparativement aux autres échelons territoriaux historiquement structurants : des départements relégués au second plan faute de compétences lisibles et porteuses, et des communes qui se sont quasiment dissoutes dans l’échelon intercommunal.

      Ce nouveau binôme Région/EPCI n’allait pas manquer ce troisième round de décentralisation en se voyant cette fois consacré au travers des lois MAPTAM et NOTRe qui l’entérinent officiellement comme interlocuteur local de référence en lieu et place des départements et communes, ces derniers devant s’effacer après des décennies de règne partagé. Régions et EPCI voient ainsi leurs compétences et rôles de coordination renforcés. Toutefois, le sacro-saint principe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ne permet pas d’aller au bout de la logique souhaitée par le Parlement. Ainsi les Régions se voient attribuer la responsabilité de l’élaboration d’un grand schéma ensemblier multi-thématique, le Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), pour la première fois partiellement prescriptif. Piloté par la Région, il sera pourtant approuvé in fine par le Préfet qui en endossera donc par défaut la responsabilité juridique. Pour contourner le principe de non tutelle, la loi introduit une nouvelle notion, celle de « chef de file ». Cette notion sans définition officielle vise à donner un rôle de « chef d’orchestre » à un échelon territorial qui peut donc tenter d’orienter et coordonner, à défaut pouvoir piloter. Pour faciliter le dialogue entre détenteurs de portions de compétences que l’on ne veut ni hiérarchiser, ni priver de leurs prérogatives, on crée une nouvelle instance qui se veut le parlement régional des collectivités (!) : la Conférence territoriale de l’action publique. Les errements des parcours parlementaires, très instructifs sur l’équilibre des pouvoirs en France, de ces deux lois complémentaires reflètent bien les solutions qui en sont sorties et qui, sous prétexte de clarification, constituent en réalité une complexification difficilement descriptible en forme de constat d’échec. Elles procèdent également à une recentralisation à peine voilée au sein de Régions devenues plus imposantes géographiquement via la loi menée aux forceps de janvier 205 par l’État là encore, reproduisant ainsi à leur échelle ce que chacun dénonçait s’agissant de l’État. Par idéologie et sans critique, l’échafaudage instable de la décentralisation continue à monter…

      Au-delà des seules compétences, les pouvoirs des Régions se sont également considérablement développés via un autre renoncement là encore très discret et continu de l’État, qui se trouve lui aussi dans le cheval de Troie de la loi MAPTAM: le fait de les nommer « autorités de gestion » des crédits européens. Ce processus très technocratique consiste à transférer aux Régions la gestion des principaux fonds européens notamment le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds européen agricole pour le développement rural » (FEADER). Ces enveloppes représentent des milliards d’euros que l’UE reverse aux États membres. La France a décidé que ces reversements se feraient via une gestion régionale sur la base de documents cadres qui fixent les règles d’éligibilité et de priorité de financement. Ces documents majeurs font l’objet d’une large consultation mais sont in fine entre les mains des Régions qui peuvent donc y inscrire leurs priorités en bonne place. Cet argent n’est pas magique rappelons-le, il est issu du budget général de l’UE dont la France est un contributeur net. En confiant aux Régions cette gestion, l’État lui octroie indirectement le contrôle de crédits gigantesques qu’elle peut aisément orienter et, à bon compte (ceux du contribuable en l’occurrence), valoriser politiquement.

      1. 2021, la loi 3D+S : la différenciation ou l’institutionnalisation de l’inéquité

       

      Le dogme n’est toujours pas remis en cause, traiter le mal par le mal 

      La constance dans l’affaiblissement et l’accusation (les deux étant liés dans un cercle vicieux) de l’État dans l’échec des politiques publiques environnementales permet de poursuivre en toute logique la voie tracée depuis les années 1980. Elle trouve une forme d’aboutissement dans le projet de loi 3D+S qui est en discussion au Parlement[10] et portée à bouts de bras par la ministre Gouraud en girondine assumée. Il est intéressant de noter en quoi les termes de son acronyme sont précieusement choisis et ouvertement connotés. « Déconcentration », « Décentralisation », « Différenciation » auxquels a été rajouté tardivement « Simplification »[11] afin de rendre le message plus explicite. La juxtaposition des termes officialise, s’il en était besoin, le raccourci selon lequel la complexité (et donc le manque d’efficience) de l’administration française tient à une insuffisance de décentralisation là où la priorité devrait être de démêler l’enchevêtrement du rôle des collectivités et de leurs compétences. Comme développé plus loin, il est toujours aisé de cibler l’État et ses services, que personne ne viendra défendre, pour mieux le démanteler. Notons que la déconcentration est cette fois mentionnée également comme objectif. Elle permet en effet de répondre à la critique de distance physique et presque psychologique trop importante entre le lieu de décision et le lieu de son application. Il ne s’agit toutefois pas dans le projet de loi de donner davantage de pouvoirs de décision aux services déconcentrés des ministères, mais aux préfets ; ce qui n’est pas la même chose comme développé plus loin dans cet article.

      Il est intéressant d’observer dans ce projet de loi, dont les vicissitudes rappellent celles des loi MAPTAM et NOTRe et démontrent à la fois la sensibilité et les tiraillements entre intérêts divergents, que certaines propositions kafkaïennes qui ressortent des débats apparaissent en opposition totale avec les objectifs affichés dans son nom. À titre d’exemple, il est question de reconcéder une partie du réseau routier actuellement géré par l’État (routes nationales), aux Régions et à la carte. Il est vrai que la répartition actuelle de la gestion du réseau routier à cinq niveaux (communes, métropoles, départements, État et société privées) apparaissait probablement trop limpide et efficace pour se priver d’ajouter un acteur, jusqu’alors complètement absent de ces problématiques et sans compétences ni expérience sur le sujet.

      Autre exemple, il y est proposé de confier, toujours à leur bon vouloir (donc selon la sensibilité politique de la Région…) la gestion d’une partie de sites « Natura 2000 », politique européenne de protection et gestion d’espaces naturels d’intérêt majeur. Une partie seulement, et à la carte selon les régions. Ceci revient donc, par clientélisme, à confier à une collectivité un morceau d’une mission qui jusqu’alors ne posait pas de difficultés et était jugée satisfaisante. Une dernière illustration de de cette folle propension à vendre (offrir en l’occurrence puisque tout transfert et compensé financièrement) à la découpe des compétences fondamentales de l’État sans raison ni même volonté locale porte sur le cas de l’ADEME dont il est question de déléguer ou « co-gérer » une grande partie des crédits avec les Régions, là encore. La loi 3D+S porte en elle l’ensemble des maux de la décentralisation telle qu’elle continue à être appliquée : partir d’a prioris et de demandes partisanes plutôt que de faits établis pour complexifier à l’envi un système qui fonctionne ; le tout au nom d’une idéologie selon laquelle l’État fait moins bien que les collectivités.

      L’introduction de la différenciation revient à institutionnaliser l’inéquité de traitement et ouvre la voie à un pouvoir normatif des collectivités territoriales

      Parmi les termes choisis comme étendard de ce projet de loi, le plus lourd de sens est pourtant là encore celui qui paraît le plus anodin : la différenciation. Il s’agit ici de réaliser le souhait exprimé de plus en plus ouvertement par les élus locaux, en particulier régionaux, à savoir adapter différemment les lois selon les territoires. Cette idée s’appuie toujours sur l’antienne selon lequel l’État aveugle applique la loi sans distinction et nuance là où les problématiques et contextes sont différents. Difficile en première approche de s’opposer à cette différenciation en apparence logique et pragmatique. Dans un monde idéal, en effet, mais la réalité est celle où l’influence de certains élus locaux, de certains intérêts particuliers ou de certains lobbys priment régulièrement sur l’application de la réglementation et l’intérêt général. Institutionnaliser une différenciation reviendrait donc dans ce cadre à reconnaître que la loi s’applique différemment en fonction des territoires; c’est faire de la norme un instrument de concurrence entre les collectivités ; c’est inscrire l’inéquité de traitement dans la loi et légitimer les volontés locales qui ne souhaiteraient pas s’inscrire dans les objectifs nationaux. Avec la notion de différenciation, le gouvernement ouvre consciemment et dangereusement la voie à une ultime étape qui mettrait fin de facto à la République unitaire qui fonde la France pour la transformer en un État fédéral, celle de donner un pouvoir législatif aux collectivités pour qu’elles puissent adopter leurs propres lois locales.

       

      * * *

       

      Avec le recul, et malgré les changements de gouvernement, on voit ici très clairement qu’une trajectoire est suivie depuis presque 40 ans, de façon méthodique et rigoureuse visant d’une part à affaiblir l’État central et local, et d’autre part à renforcer le pouvoir des collectivités essentiellement aux échelons régionaux et intercommunaux. Il est à déplorer que ces choix fondamentaux pour l’organisation de la République se sont faits et continuent à se faire par considérations politiques plutôt que pragmatiques, à défaut d’évaluations objectives, factuelles et globales. Le constat des dysfonctionnements de la décentralisation, notamment en matière de politiques publiques environnementales, apparaît pourtant évident depuis le début des années 2000. L’option retenue n’a jamais été de réinterroger ses fondements, hormis pendant l’éclaircie furtive du Grenelle, mais de soigner le mal par le mal en poursuivant le processus tout en le complexifiant. Est-ce le sens de l’histoire ? Il suffit malheureusement d’en regarder les conséquences pour se convaincre du contraire et réaliser que ce choix n’est désormais ni justifiable, ni tenable, non sans faire en parallèle une critique d’un État à la fois coupable et victime de cette situation.

      1. Les conséquences : une nouvelle version de la tragédie des communs

       

      1. Des résultats bien éloignés des objectifs : deux exemples

       

      Une réduction impossible du fléau de l’artificialisation par la juxtaposition des intérêts particuliers

      L’artificialisation des sols est l’une des causes principales d’atteinte à l’environnement[12]. Elle détruit et fractionne la biodiversité, stérilise les sols, réduit l’infiltration des eaux de pluie, accentue la pollution de l’air, affecte les paysages… Ce sujet est bien connu et de nombreuses lois ont tenté d’y remédier depuis la loi Solidarité Renouvellement Urbain (SRU) de 2000 qui a édicté les principes selon lesquels la planification devait lutter contre l’étalement urbain et assurer une gestion économe des espaces naturels, agricoles et forestiers ; jusqu’à la loi « Biodiversité » adoptée en 2016 et qui fixe un objectif de « zéro artificialisation nette » (se gardant toutefois d’en préciser la définition et surtout d’en fixer l’échéance…). Toutes font le même constat : le rythme d’artificialisation n’est ni justifié au regard de la démographie, des besoins économiques et des possibilités de densification, ni soutenable environnementalement. L’image forte qui revient régulièrement est celle de la disparition d’un département français sous le béton (ou bitume) tous les dix ans. Pas suffisamment frappante toutefois puisque cette affirmation énoncée dès 2000 est toujours valable en 2021 ! Si le constat fait consensus, et que les pouvoirs publics ont décidé de s’y attaquer sans relâche depuis 20 ans, pourquoi si peu de résultats ? Tout simplement parce que les objectifs nationaux de réduction ne sont qu’incantatoires. La preuve : la loi de modernisation agricole de 2010 fixait un objectif de réduction de 50 % d’ici 2020. Le rythme n’a pas baissé, et le projet de loi Climat et Résilience de 2021 affiche le même objectif reporté cette fois à 2030…

      Le gouvernement n’a en réalité plus en main les leviers pour agir : ni sur les documents de planification qui définissent les zones urbanisables ni sur les autorisations de construire. Ces leviers sont, depuis 2000, sous la seule responsabilité élus locaux communaux ou communautaires. Si tout le monde s’entend sur le besoin de sobriété, dans les faits il leur est bien difficile de ne pas répondre favorablement aux demandes de logements des enfants du pays voire d’une population nouvelle que l’on cherche à attirer ou des retombées économiques et créations d’emplois que font miroiter une desserte routière améliorée ou d’une nouvelle zone d’activités. Ainsi, les taux d’artificialisation restent très élevés et diffèrent fortement selon les territoires, reflétant davantage une course au développement qu’un réel besoin[13]. Ainsi, la somme des volontés locales d’expansion ni concertées, ni planifiée, ni régulées conduit à une consommation foncière cumulée largement injustifiée comme une énième application de la « tragédie des communs ».

      La compétence GEMAPI ou le rejet d’une responsabilité pourtant réclamée.

      La GEMAPI ou Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des inondations est un acronyme qui regroupe deux compétences que la loi MAPTAM de 2014 a transférées aux collectivités avec délai. Force est de constater que ces compétences ont été réclamées de façon très claire et argumentée par les élus locaux en particulier via leur représentation à la chambre haute[14]. Dans l’idée, ceci est cohérent et vertueux : regrouper au sein d’un même échelon, en l’occurrence l’EPCI, des compétences très interdépendantes que sont la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations en s’appuyant sur le levier de la planification qu’elles ont déjà en main. Il s’agit aussi de confier à ces mêmes EPCI, la responsabilité de la qualité des cours d’eau puis plus globalement de celle de la ressource en eau qu’ils distribueront à leurs usagers. Prendre une compétence, c’est aussi en supporter le coût (après compensation financière de la part de l’État selon l’un des principes fondateurs de la décentralisation) et les responsabilités.

      Dans un monde où la population va croissante, où les espaces non artificialisés sont réduits et où les aléas climatiques sont croissants, la GEMAPI est une compétence dont le coût va croître, sur lesquels les responsabilités en termes de prévention des risques vont peser. Elles obligent à des choix difficiles, financiers (une taxe a été créée pour l’occasion, instaurable au choix de l’EPCI) mais également relatifs à des contraintes sur l’occupation du sol ou les pratiques des acteurs économiques (agriculteurs et industries notamment) et des particuliers. Ces compétences, en ce qu’elles touchent à l’intérêt général et imposent donc à ce titre des contraintes pour une frange de la société au bénéfice de la majorité, sont complexes et peu populaires. Il s’agit aussi de façon plus triviale de rationaliser fortement le nombre de structures (syndicats mixtes notamment, leur création étant devenue un sport national) et donc certaines prérogatives et casquettes localement appréciées. Face à ces perspectives peu enthousiasmantes et aux « retours terrain » négatifs, ces mêmes sénateurs se sont empressés dès 2015 [15] puis à nouveau en 2018[16] de détricoter et dénaturer cette loi en autorisant tout une série de reports et dérogations ajoutant à la confusion générale et lui ôtant une grande partie de son intérêt en termes de rationalisation et d’impact environnemental.

       

      1. Une vision cohérente et globale devenue impossible

       

      Le principe de non tutelle comme obstacle à l’intégration des politiques de planification

      L’État ne souhaite plus, ou ne peut plus dans une grande partie des cas, imposer une déclinaison de ses objectifs au niveau local. Chaque échelon territorial est donc plus ou moins libre de se fixer ses objectifs personnels, selon un calendrier qui lui est propre. Ce constat lucide a mené aux lois MAPTAM et NOTRe qui ont tenté de redonner un sens et une cohérence entre les politiques des différents échelons territoriaux via des schémas régionaux intégrateurs et l’introduction des notions de chef de file s’appuyant sur les CTAP (cf supra). Les schémas intégrateurs sont en principe un moyen de partager une vision et des objectifs à long terme en s’appuyant sur la « hiérarchie des normes », démarche administrative qui permet à un programme de fixer un cadre strict au sein duquel doivent se faire les déclinaisons plus locales et opérationnelles. L’État n’étant plus stratège, il décide de confier ces missions aux Régions, en particulier au travers du grand schéma intégrateur qu’est le SRADDET et qui devrait prendre le relai. Mais encore une fois, la cible est manquée tant sur le fond que sur la méthode. Les Régions se retrouvent à leur tour face au même problème que l’État, à leur échelle: comment élaborer un schéma prescriptif sur des objectifs dont on n’a pas la maîtrise ? Comment imposer un cadre alors que la hiérarchie retenue entre les programmes ou décisions des différents échelons territoriaux (SCOT, PLUi, autorisations d’urbanisme) se cantonne essentiellement à une dérisoire « prise en compte » (= ne pas ignorer) et au mieux une timide « compatibilité » (= ne pas aller à l’encontre) aux marges d’appréciation et aux délais permettant en général d’y déroger ? Les calendriers d’élaboration et de révision de ces documents ne sont pas non plus synchronisés ; ce qui réduit davantage leur corrélation. À ces difficultés s’ajoutent l’absence de légitimité des Régions (un « chef de file » sans compétences propres ne peut en principe rien imposer) et la proximité des élus régionaux avec leurs homologues locaux et autres représentants divers qui les rend plus sensibles aux desiderata particuliers aboutissant à des schémas peu précis, peu ambitieux et sans rupture.[17]

      L’environnement pâtit de cette déstructuration organisée avec le « développement » comme seule boussole

      Les objectifs globaux pourraient être tenus malgré cela si tous les niveaux avaient la même vision, ce qui n’est évidemment pas le cas. Le niveau infra-national, on l’a vu, est largement guidé par l’objectif de « développement ». Cet objectif découle directement d’un dogme très profondément ancré selon lequel la croissance est nécessaire partout et tout le temps, notamment pour créer de l’emploi. Et la croissance, dans un pays libéral, c’est la consommation de biens et services et donc l’exploitation et la dégradation de l’environnement qui est donc la première victime de cette déstructuration organisée des politiques publiques.

      Les conséquences sont que les objectifs, les programmes, les documents de planification ne sont plus intégrés ni intégrables car pilotés par des gouvernances et dans des calendriers différents particulièrement sensibles aux changements politiques. Là où la théorie prévoit une sorte de ruissellement ordonné des orientations des documents cadres nationaux puis régionaux vers le niveau local, on assiste au mieux à une juxtaposition de documents qui ne se parlent pas et, au pire, à des programmations contradictoires entre elles et dans des calendriers différents. Les collectivités territoriales, aussi vertueuses qu’elles puissent être, voient ainsi leurs efforts sapés par les conséquences de décisions prise à des niveaux qu’elles ne maîtrisent pas reproduisant à leur échelle les mêmes erreurs qu’à l’échelle nationale.

       

      1. La dilution du pouvoir décisionnel au détriment de l’intérêt général

       

      Multiplication des acteurs de légitimité inégale

      La fragmentation des compétences entre l’État et les différents échelons territoriaux fait que sur la plupart des décisions, de multiples acteurs disposent chacun d’un moyen de pression important. Ces moyens sont toutefois moins liés à leurs compétences propres ou à leur représentativité qu’à leur influence politique, leur participation financière ou plus généralement leur capacité de blocage. Chaque acteur peut in fine s’accaparer une partie de la paternité ou le droit de vie ou de mort sur une décision par son influence, et même s’il a un rôle réglementaire ou financier très secondaire.

      Ceci, une partie des élus locaux l’ont bien compris et peuvent profiter de la faiblesse du système et de l’État pour pousser leurs avantages ou bloquer des décisions qui les gênent. Une autre frange d’élus moins initiés, probablement la majorité, tente difficilement de suivre et est perdue dans ce magma institutionnel et politique où celui qui a raison est souvent le dernier qui a parlé. Eux ne connaissent pas suffisamment le système pour en profiter et ne sont pas assez influents ou tout simplement revendicatifs ce qui les rend inaudibles et renforce leur isolement. Ainsi s’ajoute à la nouvelle « hiérarchie » des collectivités évoquée au I.A.3, à une sorte de partition également au sein d’une même niveau de collectivités entre les élus influents et les autres là où l’État et ses décisions ne devraient faire aucune distinction.

      L’intérêt général est souvent le grand oublié de ces systèmes de décision. L’État, qui se doit d’en être le principal garant, tend à se rallier à une lecture essentiellement économique exhortée par les pressions politiques locales.

      La recherche du consensus plutôt que de la bonne décision

      Au final, le processus de décision s’oriente assez naturellement vers le plus petit dénominateur commun quelle que soit l’échelle de négociation (nationale, locale). Sur les sujets environnementaux, ce consensus mou, adopté par défaut, se fait au détriment de l’intérêt général dans un calendrier incompatible avec la nécessité de ruptures fortes et rapides imposées par les bouleversements environnementaux en cours.

      Au-delà de la fragmentation, on assiste ainsi davantage à un phénomène de dilution des compétences et responsabilités entraînant celle du pouvoir décisionnel, selon une clé de répartition différente car favorisant les minorités expressives aux dépens des majorités silencieuses. Dans ce processus opaque et biaisé, le citoyen a bien du mal à participer et peser sur les décisions et identifier les responsabilités a posteriori, désignant généralement l’État comme coupable par défaut.

       

      1. L’image déplorable mais justifiée du « mille-feuille » qui éloigne le citoyen des décisions, augmente la défiance et radicalise les positions

       

      De la difficulté pour le citoyen d’identifier les interlocuteurs, décideurs et responsables

      La suite de décentralisation mal conçues ni expliquées car non justifiées rend le paysage institutionnel absolument illisible pour le citoyen comme l’ont mis en évidence les synthèses du Grand Débat National de 2019[18]. Cette critique du mille-feuille et de l’opacité du système est totalement justifiée ; il n’y a qu’à voir le nombre d’interlocuteurs lors d’une réunion de présentation des projets ou d’élus lors d’une inauguration de chantier pour le constater. Il devient de plus en plus difficile d’identifier les bons interlocuteurs, même entre institutions, avec toujours la crainte de l’impair ou de la réunion inutile faute d’avoir convié un participant clé.

      Pour le citoyen, cette situation, qui n’a fait qu’empirer au fil des réformes, conduit à la fois à une perte de confiance et un désintérêt voire une forme de fatalité sur le fait que les décisions se prennent ailleurs, sans lui et sans forcément savoir par qui – ce qui est le cas. C’est aussi ce phénomène qui explique que se sont constituées et largement renforcées et radicalisées depuis quelques années, les oppositions citoyennes structurées et associations de défense du consommateur, de l’environnement ou de riverains pour tenter de peser collectivement en utilisant les mêmes leviers que les élus.

      Des processus formalisés de concertation très opaques

      Les modalités de consultation, concertation ou enquêtes du public et des « parties prenantes » se sont pourtant vues très largement renforcées ces dernières années dans le domaine environnemental. Leurs modalités interrogent toutefois sur leurs objectifs réels :

      – difficulté d’avoir l’information sur les procédures en cours, souvent discrètement affichées en mairie (qui va faire l’effort d’y aller ?) ou perdus dans l’arborescence touffue de sites institutionnels ; le tout dans un pas de temps réduit;

      – des dossiers réglementaires et techniques complexes et très volumineux largement incompréhensibles pour la majorité des citoyens.

      Et pour les initiés et persévérants qui seraient allés au bout de la démarche, on peut déplorer in fine le traitement qui est fait de leur contribution et qui a deux issues prédominantes :

      – une non prise en compte car la décision est déjà prise en amont. Dans ce cas, les avis ne servent que d’alibis ou de moyen d’adapter à la marge

      – un test pour mesurer le niveau d’opposition à la décision projetée et avoir une idée du risque de réactions politiques et de potentiels recours contentieux.

      L’absence de méthodologie unifiée au niveau national et selon les procédures concernant le traitement et les suites à donner à ces consultations pourtant lourdes et fastidieuses pour certaines, expose le résultat à toute interprétation subjective et généralement politique plutôt que démocratique.

       

      * * *

      La décentralisation menée en France depuis 40 ans voue à l’échec les politiques publiques nationales nécessitant des orientations fortes et partagées, au premier rang desquelles celles qui sont liées à l’environnement. Les pertes en lignes sont trop importantes à chaque niveau décisionnel. L’état des lieux des institutions met en évidence une dilution des compétences et des responsabilités qui rend les processus décisionnels très longs et peu démocratiques. Les multiples intérêts personnels (principalement économiques) et pressions politiques qui en découlent conduisent à des concertations de précaution et de façade, et des positions de consensus mou dont l’intérêt général, et donc l’environnement, sortent grands perdants. L’image renvoyée au citoyen est largement dégradée et participe à la décrédibilisation de la politique et à l’inefficacité des politiques de préservation de l’environnement. L’État, largement dépossédé de ses moyens d’action, y joue les équilibristes dans un rôle ambigu.

      PROPOSITIONS

       

      • Considérer les enjeux environnementaux comme prioritaires et revoir l’élaboration et l’évaluation des politiques nationales en conséquence

       

      • Conformément aux principes affirmés dans la Constitution, la loi et en accord avec les divers engagement internationaux et traités et règlements européens, la préservation et l’amélioration de l’environnement guident l’ensemble des politiques et décisions de l’État en particulier dans son appréciation de l’intérêt général.

       

      • Par défaut, l’État est le seul à pouvoir fixer des normes et accorder des autorisations administratives relatives à l’environnement ou à l’aménagement du territoire sauf si un document de planification a été approuvé par l’État et prévoit explicitement que les décisions afférentes y sont conformes. Par extension, ces prérogatives s’appliquent aux processus d’adaptation au changement climatique: gestion de crise, risques naturels…

       

      • Pour chacune de ces politiques publiques, un schéma clair de répartition des compétences (notamment entre l’État et les collectivités territoriales), pouvoirs de décision, procédures, interlocuteurs et moyens dévolus est établi en concertation et rendu public. Toutes les collectivités territoriales concernées (ou leur groupement) doivent s’engager et être solidaires réglementairement de l’atteinte des objectifs et échéances une fois ceux-ci adoptés au niveau national via des déclinaisons régionales et départementales rapides, pilotées par l’État, et obligatoirement additionnelles[19]. Tous les documents de planification et programmes liés à l’environnement sont donc parfaitement cohérents, synchronisés et complémentaires via un rapport de conformité stricte.

       

      • Le niveau central de l’État ne peut plus approuver de plans, stratégies, feuilles de route ou objectifs nationaux sans qu’y soient associés et validés (sur consultation notamment des services déconcentrés) une identification précise des moyens alloués, des échéances, indicateurs de suivi et d’effectivité des mesures.

       

      • Les moyens (humains et financiers) de l’État consacrés à une politique sont identifiés précisément jusqu’au niveau départemental et réévaluées annuellement. La somme des moyens consacrés aux différentes politiques ne peut être supérieure aux moyens globaux disponibles dans un service donné selon le principe de l’adéquation entre missions et moyens dévolus.

       

      • Revoir la définition, les moyens et la répartition des compétences relatives à l’environnement et à l’aménagement du territoire

       

      • Au-delà de la réattribution des missions des Régions proposée dans l’article du 26 mars, certains blocs de compétences d’intérêt général majeur dévolues aux Départements et EPCI sont réattribuées ou plus fortement régulées et contrôlées (environnement, planification, gestion des risques naturels…). La déconcentration est privilégiée mais corrélée à une évolution de l’organisation et des prérogatives de l’État La différenciation est interdite entre mêmes niveaux de collectivités territoriales.

       

      • L’élaboration du SRADDET et des autres schémas d’orientation régionaux est pilotée par le Préfet de Région aux Politiques Publiques (cf infra) en concertation avec les collectivités territoriales. Ces schémas révisés tous les 5 ans sont prescriptifs et font l’objet d’une déclinaison départementale concomitante. Ces schémas s’imposent aux décisions et documents de planification infra-régionaux par un rapport de conformité. Les calendriers d’élaboration de ces schémas et de leurs déclinaisons sont recalés sur une temporalité commune qui doit être réglementairement respectée.

       

      Les Préfets aux Politiques Publiques (cf infra) et leurs délégataires ont un pouvoir d’appréciation de l’opportunité des éventuels projets qui n’y figureraient pas, en amont des procédures. Ils peuvent demander des études d’impact préalables et, le cas échéant, dénoncer l’opportunité d’un projet au titre de l’intérêt général et en déclarer la demande irrecevable en particulier pour cause d’impacts environnementaux non justifiables.

       

      • L’État redevient autorité de gestion pour l’ensemble des fonds européens, via un programme largement concerté dont l’élaboration et l’adoption sont confiés au Préfet aux Politiques Publiques.

       

      • Favoriser et simplifier l’information et le pouvoir décisionnel des citoyens

       

      • Les procédures de consultation du public amont et aval sont unifiées, clarifiées et simplifiées (notamment par l’introduction de questions fermées ou à choix multiples) et largement expliquées de façon à être exploitables et exploitées. Une partie des questions portent sur l’intérêt du projet ou programme au regard de l’intérêt général.

       

      • Un système d’évaluation quantitatif est mis en place pour permettre la révision ou l’abrogation de certaines dispositions des textes/projets soumis. Des règles de représentativité sont fixées en amont des consultations en fonction de problématiques abordées et de l’intérêt à agir.

      II – De l’« État providence » à l’« État complexé »

       

      1. Un État complexé qui n’ose plus dire non

       

      « Never explain, never complain »

      Un des enseignements largement constaté mais jamais retenu de la décentralisation est qu’elle ne fait que complexifier les politiques, processus et démarches qui ont justifié sa mise en œuvre. De fait, la population ne la comprend pas et, ne percevant pas d’amélioration dans les services rendus, est donc très sensible aux arguments de campagne qui mettent ces déceptions sur le dos de l’État et en concluent par un raccourci facile que le problème vient du fait que cette décentralisation n’est pas assez poussée… CQFD.

      Et les détracteurs ont la tâche tellement facilitée par l’État qu’ils auraient tort de ne pas s’engouffrer dans cette brèche. Attaquer l’État pour un élu local est devenu presque un réflexe tant la cible est désormais facile et docile. L’État déteste dire non, l’État ne riposte jamais, L’État est inaudible, l’État endosse bien volontiers la responsabilité de dysfonctionnements et décisions pour lesquelles il n’a plus la main. Pourquoi ? Car pour le citoyen, l’électeur, l’opinion publique, confortés par la majeure partie des médias, la France c’est toujours l’État providence. Ils ne savent pas ou ne comprennent pas que l’État ne puisse plus agir sur une grande partie de leurs préoccupations quotidiennes (notamment toutes celles liées à l’environnement : énergie, transports, qualité de l’air, de l’eau, paysages, transports, urbanisme…) faute de leviers et suite à son démantèlement organisé, continu mais non assumé depuis presque 40 ans. Et l’État ne veut ni admettre ni afficher cette situation.

      La jurisprudence de « L’État ne peut pas tout »

      Lionel Jospin en 1999 avait osé affirmer, déjà, une évidence face au désarroi des salariés de Michelin dont l’usine devait fermer. « L’État ne peut pas tout » avait-il justement mais imprudemment avancé[20]. Dans notre nation de paradoxe où l’on dénonce l’incurie de l’État et où l’on prône sans cesse les vertus supposées de la décentralisation, où la liberté d’entreprendre est une valeur cardinale et où l’économie de marché est la boussole des gouvernements successifs, le citoyen ne comprenait ni n’acceptait pourtant que l’État avoue son impuissance à empêcher des licenciements décidés par une entreprise privée. Malgré une tentative de rétropédalage, l’affirmation a laissé des traces et l’incident a fait jurisprudence : l’État ne peut pas laisser un sujet orphelin au niveau national mais aussi local, quand bien même il n’a pas les moyens d’agir sur la problématique.

      La nouvelle posture paradoxale d’accompagnement bienveillant

      L’État se doit donc d’être présent partout. De moins en moins régulateur, contrôleur ou même stratège ; il se concentre surtout, selon la novlangue administrative en vigueur, sur de nouvelles fonctions : facilitateur, médiateur ensemblier, bienveillant, accompagnateur, bénévolant… des décisions prises par d’autres que lui ou pour lesquelles il garde un pouvoir de décision sans réelle liberté d’arbitrage. En toute logique, et compte tenu notamment des moyens dont il dispose désormais, il ne devrait se concentrer que sur ses missions relictuelles, en grande partie régaliennes (ce qui, vous l’aurez compris, n’est pas la position des auteurs de cet article). Or il met beaucoup d’énergie à ne pas empêcher les autres d’agir à leur guise, à ne pas passer pour celui qui aura dit non, celui qu’on accusera si facilement et qui ne prendra pas la peine de se défendre de ces accusations, car il devrait dévoiler in fine son impuissance… alimentant le feu des critiques sur son ingérence. Ainsi, il n’est pas une semaine sans que les quotidiens régionaux remplissent leurs colonnes des récriminations d’élus locaux dirigées vers l’État perçu clairement comme un « empêcheur de tourner en rond » en particulier à cause de motifs environnementaux qui sont facilement caricaturables qu’il s’agisse de grenouilles qui retardent la construction d’une rocade ou du zèle de services de l’État dont les exigences pour vérifier les impacts environnementaux de projets sont supposément source de pertes d’emplois et/ou des subventions.

      L’État a pourtant encore une légitimité à faire entendre sa voix et le cas échéant à dire non, à « bloquer » des projets ou programmes qui vont à l’encontre de l’intérêt général dont il se doit d’être l’appréciateur le plus légitime et le premier défenseur. Il exécute, rappelons, la politique du gouvernement et donc l’expression de la démocratie, il est le premier garant de l’application équitable de la loi qui a été discutée et votée par ses représentants nationaux légitimés par le suffrage universel et sur la base d’un programme connu et diffusé dans le cadre de la pr sidentielle.

      Le constat d’un transfert progressif du pouvoir exécutif vers le pouvoir judiciaire

       

      * * *

      La déclinaison locale des politiques publiques se résume dorénavant pour l’essentiel à une recherche de consensus et un maintien de la paix sociale plus qu’une négociation pour défendre l’intérêt général. L’époque où l’État imposait son point de vue et ses décisions est largement révolue, ce qui peut sembler vertueux dans une démocratie. Mais nous en sommes arrivés à l’excès inverse où l’État complexé par sa perte de légitimité et d’expertise se réfugie dans un rôle de conseil, car il peine à émettre une opinion s’il sait qu’elle ne sera pas appréciée, en l’occurrence souvent le point de vue réglementaire et/ou l’intérêt général. Il se fait ainsi « rattraper » régulièrement, parfois sciemment, par les instances judiciaires administratives vers lesquelles le pouvoir exécutif se déporte lentement. Ce changement de posture s’est accompagné d’un changement d’organisation territoriale, devenue inadaptée et aux multiples effets contre productifs.

       

      1. En réaction à la décentralisation, la mal-adaptation itérative de l’État local

       

      1. Une adaptation de l’organisation de l’État local mal calibrée et asymétrique

       

      Une révision de l’organisation de l’État asymétrique à celle du rapport de force avec les collectivités territoriales

      Les vagues progressives de décentralisation, en particulier celles intervenues depuis 2000 en renforçant le rôle des EPCI et des Régions, ont entraîné un basculement progressif du rapport de force vis-à-vis de l’État dont on peut désormais considérer qu’il s’est inversé au moins dans le domaine de l’environnement et de l’aménagement du territoire. On l’a vu, l’État n’est plus maître de ces politiques et de leur mise en œuvre (ce qui pose des questions d’efficience voire de légitimité démocratique) et ne peut plus, dans beaucoup de domaines, qu’user de son pouvoir d’influence, halo de plus en plus blafard de ses pouvoirs passés.

      En renforçant en particulier le rôle de Régions, c’est en parallèle un affaiblissement de l’État local qui est essentiellement organisé au niveau départemental. Les préfets décisionnaires sont les préfets de départements, et non les préfets de région pour la plupart des sujets. Ces derniers, qui ont toujours une double casquette régionale et départementale, sont réticents à appliquer leur autorité sur les préfets de département, pourtant clairement légitime depuis 2010[21] et appliquent leur pouvoir « d’évocation » de façon très exceptionnelle. Par usage voire coutume, un préfet est « maître » chez lui, c’est-à-dire dans son département.

      L’adaptation et la réorganisation de l’État en réponse aux choix de décentralisation s’est faite et continue à se faire de façon doublement asymétrique par rapport à la modification du rapport de force avec les collectivités territoriales. On l’a vu, les dernières lois de décentralisation n’ont fait que renforcer les échelons régionaux et intercommunaux aux dépens des niveaux départementaux et communaux. En face, l’État a choisi une organisation qui renforce le pouvoir des préfets de département, celui des préfets de Régions restant relativement limité. C’est une faiblesse voire une faille dans l’application de ces politiques publiques quand il s’agit de s’assurer d’une cohérence entre départements ou de postures fortes et partagées quand les décisions stratégiques et politiques se prennent désormais au niveau régional, et face à des interlocuteurs régionaux structurés et bien puissants politiquement. Au surplus, les décisions plus opérationnelles liées à des projets d’aménagement et donc directement impactantes pour l’environnement, décidées par les EPCI et nécessitant un suivi technique et administratif important et des contrôles effectifs se négocient avec les préfets de département dont les services départementaux en charge de ces sujets ont été volontairement et très largement purgés de leurs moyens humains, financiers et compétences techniques pour, in fine, faire de moins en moins obstacle aux projets locaux.

      Des transferts de compétence aux « coûts de transaction » très pénalisants

      Au fil de ces réformes, mais aussi par transfert de certaines missions à des opérateurs privés (ex : autoroutes, contrôle de qualité pour l’eau ou les normes énergétiques…) ou publics (cf infra), les services régionaux et départementaux qui sont en charge du déploiement et de l’application concrète de ces politiques ont vu leurs effectifs se réduire drastiquement tandis ceux des collectivités territoriales s’envolaient. Le solde de ces décentralisations est pourtant loin d’être nul comme il le devrait selo [22]. Aucune décentralisation ne l’a d’ailleurs jamais été, ce qui s’explique par plusieurs raisons cumulatives. La première du côté des collectivités territoriales: acquérir de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-faire, de nouvelles fonctions pour les agents ne se fait pas simplement. Il faut identifier puis former des agents, voire en recruter de nouveaux et inscrire ces changements dans des organisations existantes. Ces transferts de compétences et ces compensations ne se font que dans de très rares cas par transfert réel d’agents en place. Dans la grande majorité, ces compensations se font en « équivalents temps pleins » (ETP) c’est-à-dire en postes transférés, sans les agents. Il s’agit donc pour la collectivité bénéficiaire de droits à recruter (avec les crédits qui vont avec) et pour le service de l’État débiteur, de postes à supprimer. L’administration française fait que l’on ne peut pas licencier ni muter de fonctionnaires (quelle que soit la fonction publique concernée) si simplement, il faut dans ce cas attendre que l’agent en place change de structure. Le service qui voit ses missions et moyens partir doit trouver des postes à supprimer rapidement là où il le peut, c’est-à-dire en général là où les postes sont vacants et pas forcément là où les missions sont celles dont l’activité le justifie. Ce type de changements imposés est finalement très fréquent à l’échelle territoriale et pénalise fortement l’organisation interne et la consolidation des compétences donc la qualité et la continuité des services rendus par les services débiteurs et créditeurs.

      La REATE ou la rupture du lien entre les ministères et leurs services territoriaux

      La réforme la plus importante de l’organisation de l’État au niveau local entre en vigueur en 2010, c’est la REATE (Réforme de l’Administration Territoriale de l’État) décidée par le gouvernement Fillon[23]. C’est une révolution à la fois dans sa pratique et dans son esprit. Dans les faits, la conséquence la plus visible et concrète est le regroupement de plusieurs « services déconcentrés » tant au niveau départemental que régional. D’anciennes directions départementales qui étaient encore structurées de façon thématique constituant une représentation locale de leur ministère de tutelle (directions de l’agriculture, de l’équipement, de la jeunesse et des sports, des fraudes, des affaires sociales…) en tant que « services déconcentrés » sont regroupées en directions départementales interministérielles sous l’autorité directe et exclusive préfet de département.

      Dans l’esprit, c’est une révolution. C’est l’organisation historique et caractéristique de l’État français qui est révisée : il n’y a plus de représentation ministérielle au niveau départemental (et quasiment plus au niveau régional) mais des services opérationnels interministériels sous l’autorité du préfet. Le lien entre les ministères et leurs anciens services locaux sont rompus. Le préfet de département (et dans une moindre mesure de région) devient l’interface unique et incontournable des ministères avec leurs anciens services. Les administrations centrales, qui fixent les orientations nationales décidées par le gouvernement et, par extension, le Parlement, ne s’adressent plus directement à leurs services, leurs agents mais aux préfets de département qui s’appuieront sur leurs directions interdépartementales dont l’autonomie est largement amputée et évoluent en services exécutifs préfectoraux. Des échanges opérationnels existent toujours évidemment entre agents des DDI (directions départementales interministérielles) et administrations centrales, mais ils se sont distendus et n’ont plus de caractère hiérarchique. Au-delà du rapport hiérarchique désormais clairement établi, une évolution réglementaire récente vient de parachever cette philosophie avec le transfert de leur gestion administrative (effectifs et budgets) au ministère de l’Intérieur [24], conférant ainsi aux préfets une plus grande latitude pour répartir ces moyens entre les thématiques qu’ils jugent prioritaires.

      La situation régionale est à ce jour moins impactées mais s’en rapproche très progressivement avec des directions régionales de plus en plus interministérielles, sous l’autorité hiérarchique directe des préfets de région. Officiellement, ces services régionaux sont encore des services déconcentrés (ce que ne sont plus les services départementaux) c’est-à-dire des représentations régionales de leurs ministères respectifs; mais dans les faits, le schéma est quasiment le même qu’au niveau départemental, avec là aussi une autonomie très réduite de ces directions.

      Cette évolution peut sembler rationnelle dans un contexte de réduction d’effectifs (mutualisation) voire vertueuse pour une meilleure transversalité entre thématiques de plus en plus imbriquées et permettant une vision large et ensemblière. C’est en partie vrai, mais les effets négatifs, plus subtils ne sont pas moins présents. Si les préfets sont les représentants de l’État dans sa globalité sur un territoire donné (département ou région) et donc de l’ensemble des politiques gouvernementales, ils n’en sont pas moins sous tutelle du ministère de l’Intérieur qui leur donne, pour premières directives, le maintien de la sécurité et de l’ordre public. Cette grande latitude sur la répartition des effectifs et budgets au sein de leur périmètre, autrefois cadrée et reliée directement à des politiques ministérielles, peut être perçue comme une remise en cause du caractère interministériel des services concernés. Elle fait poindre la critique faite précédemment sur la différenciation et interroge sur l’application des politiques publiques de façon homogène et équitable (sans pour autant être aveugle et unique) au regard de leur dépendance très forte aux choix préfectoraux, eux-mêmes influencés par la personnalité, le parcours, les affinités… des préfets eux-mêmes.

      Cette réforme s’accompagne sans surprise de la fin du « super ministère » transversal et ensemblier créé suite au Grenelle et englobant les transports, l’énergie, l’écologie, l’aménagement du territoire, le logement et la mer à l’occasion du départ fin 2010 de Jean-Louis Borloo. Il commence à se fissurer en laissant repartir au gré des remaniements, tantôt la politique de la ville, tantôt l’aménagement du territoire, tantôt l’énergie, tantôt la mer, tantôt la responsabilité des négociations sur le climat… Bien qu’il n’ait cessé de varier selon un mouvement de contraction et de dilatation, il n’a jamais retrouvé son périmètre et son aura de 2008 ; la valse des ministres depuis cette date (13 en 13 ans !) est aussi un symbole de la difficulté de la fonction et du peu de poids que ceux-ci ont eu et ont encore.

      • L’hypocrisie du niveau national

       

      Le gouvernement et les ministères continuent à fixer des objectifs dont ils savent qu’ils sont intenables

      Même si l’État local n’est pas exempt de critiques, force est de constater que ces services évoluent dans un contexte très peu favorable qui est en grande partie une conséquence de l’abandon voire de la défiance de leur propre employeur : leurs ministères (d’origine).

      La responsabilité du niveau national, du gouvernement et des législateurs dans l’inefficience des politiques publiques environnementales est grande car c’est à ce niveau que se décident les orientations et objectifs. Là où le Grenelle avait adopté un ensemble cohérent de mesures (objectifs, documents stratégiques opposables, paquet réglementaire adapté, calendrier, méthodologies) et moyens (formation, postes, budget), l’ensemble des programmes nationaux environnementaux ou d’aménagement du territoire adoptés depuis lors se sont fait essentiellement par la fixation d’objectifs cumulatifs et découplés des moyens humains à y consacrer qui ont poursuivi leur baisse drastique.

      Les ministres en charge des politiques environnementales et d’aménagement du territoire, en grande partie déconnectés de ce que furent leurs troupes locales, continuent à faire « comme si », à prétendre garder la main grâce au pouvoir normatif et d’orientation pour fixer des objectifs dont ils n’ont plus la maîtrise ni en externe ni en interne, à jouer les stratèges d’une armée en grande partie fantôme. Ces objectifs dépendent en effet largement de compétences disséminées et décentralisées entre échelons territoriaux donc entre les mains des élus locaux. Pour continuer à faire illusion, l’État décide depuis plusieurs années de passer par des « contrats » ou des « pactes » territoriaux avec quelques crédits à la clé censés en garantir le respect. Ces documents, généralement accompagnés d’un cérémonial conséquent, constituent en réalité un terrible aveu de faiblesse pour un État obligé de s’en remettre à des engagements de principe pour escompter faire appliquer ses politiques publiques sur une partie de son territoire.

      Enfin, les consignes et instructions qui incombent en permanence aux préfets et services territoriaux ne sont absolument jamais accompagnés, en termes de moyens humains à y dédier, qui ne sont même pas quantifiés. Les injonctions, parfois contradictoires, se succèdent et se superposent en laissant in fine aux préfets la responsabilité d’arbitrer entre les priorités.

      La multiplication des opérateurs

      Pour tenter de contourner cette impuissance, les ministères (et notamment celui de l’écologie) ont développé une autre voie : celle de la multiplication des « opérateurs ». Les opérateurs sont des établissements publics sous tutelle de l’État central avec généralement une représentation locale mais qui échappe à l’autorité préfectorale. Initialement créés uniquement pour des missions de financement, d’expertise technique ou de contrôle (d’où la justification d’indépendance vis-à-vis des préfets), leurs missions se sont vues progressivement élargies à l’appui aux politiques publiques dans bien des domaines. On peut citer l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), les Agence de l’Eau, l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine)ou plus récemment l’OFB (Office français de la biodiversité). Cet élargissement des compétences s’accompagne de très grandes capacités financières outrepassant largement celles disponibles par les propres services territoriaux des ministères concernés. Une partie de la baisse d’effectifs et de moyens financiers des services territoriaux s’explique par un transfert de missions vers ces opérateurs. S’ajoutent donc à un paysage institutionnel local foisonnant, des opérateurs à qui l’on confie un rôle croissant dans l’orientation locale des politiques publiques, associé à des capacités d’intervention financière conséquentes. Ce choix pose des questions de légitimité puisque ces opérateurs bénéficient en parallèle d’une grande autonomie vis-à-vis de leur ministère de tutelle voire une complète indépendance par rapport aux services territoriaux et aux préfets. Il ajoute également de la complexité dans la gouvernance et les processus de décision et réduit la lisibilité et la cohérence de l’action de l’État au niveau local[25].

       

      • Le préfet ou l’impossible synthèse

      Durant l’été 2021, de façon aussi soudaine qu’arbitraire, le gouvernement a annoncé la suppression du corps des préfets. Si ce n’est pas la fonction en tant que telle qui disparaît, tout observateur aura compris qu’au travers de ce choix et de la façon dont il a été présenté, c’est la fonction et ses représentants qu’on accuse à nouveau[26]. La philosophie de la réforme vise à une ouverture plus large de la fonction à des représentants de la société civile ayant a priori une meilleure expérience de terrain. Simpliste, cette vision complaisante avec une idée erronée que se fait l’opinion publique oublie en effet que le parcours des préfets les oblige déjà à avoir plusieurs expériences locales, ne serait-ce qu’en tant que sous-préfets ; fonction qui le place tout autant à « portée de baffes » que celle d’élu local. Il est intéressant que noter que si l’Élysée (dont vient la directive) ne s’attendait forcément pas à une manifestation de préfets ou de la population suite à ces annonces, la contestation la plus visible est venue de là où on ne l’attendait pas : de l’association des maires de France. L’AMF[27], pourtant peu avare quand il s’agit de critiquer l’État et ses services, craint que ces préfets « nouvelle génération » manquent de l’expérience, de la lucidité, du recul et de la neutralité que permet le cursus honorum en vigueur qui, certes très codifié et opaque, revêt un niveau d’exigence qui a fait ses preuves depuis plus de 200 ans sans qu’il ait été souvent été mis en défaut.

      Les préfets et sous-préfets demeurent une institution et un pilier de la République. Dans un mouvement de balancier assez paradoxal encore une fois, plus la décentralisation s’accélère et plus les préfets concentrent de pouvoirs. En effet, les étapes de décentralisation se sont accompagnées à la fois d’une plus grande déconcentration[28] des décisions au niveau national en leur faveur, et d’une plus grande concentration des décisions locales en particulier suite à la REATE, là où ils étaient auparavant pris par des services déconcentrés plus autonomes. Les préfets gardent donc, in fine, de larges pouvoirs de décision dans des champs de compétence qui se sont largement diversifiés et sont devenus pour certains très complexes et techniques. Le tandem « maire-préfet », largement valorisé suite à la crise des gilets jaunes puis à la crise sanitaire[29] semble plus que jamais à préserver, mais comment le faire si l’un des tenants de binôme n’a plus les moyens de répondre aux attentes de l’autre ? La déception voire la défiance s’installent.

      Le préfet doit en effet réaliser à son niveau, soutenu par des services territoriaux largement diminués, l’impossible synthèse de l’ensemble des politiques thématiques ministérielles tout en étant le garant, et c’est sa fonction première, de la sécurité et de l’ordre public. Dès lors, toutes les centaines d’injonctions annuelles qui leur arrivent de tous les ministères sont traitées sous ce prisme qui les incite à la retenue et à la recherche de consensus pour maintenir une forme de « paix sociale locale ».

      Ces préfets ne se sentent pas non plus tous comptables de la même façon des injonctions de ministères qui ne sont pas leur tutelle (laquelle est le ministère de l’Intérieur) et qui ne leur donnent pas les moyens d’agir, ni réglementairement, ni par le maintien de services territoriaux suffisamment armés. Dans cette logique ont été introduits en pleine pandémie (décret du 08 avril 2020) de nouveaux pouvoirs de dérogation des préfets qui leur permettent dans certains cas, de déroger à la réglementation nationale pour des considérations locales, notamment sur les sujets environnementaux. Cette décision constitue une dérive en ce qu’elle remet finalement en cause la séparation des pouvoirs et subjectivise les décisions. Là encore, l’environnement sert d’expérimentation.

      Ces préfets ont un quotidien difficilement concevable pour le citoyen. Même s’ils n’ont pas les moyens d’agir à leur niveau ils se doivent de répondre sans faillir aux sollicitations permanentes d’élus et représentants divers ayant à se plaindre de l’État ou sollicitant une attention bienveillante.

      Multipliant les casquettes, ils doivent ainsi jongler d’un sujet à l’autre, d’une décision à l’autre, d’une crise à l’autre avec en permanence la menace de la mauvaise décision qui entraînerait la responsabilité de l’État ou simplement une attention médiatique indésirable parfois suffisant pour entraîner leur éviction. Il y a en effet assez peu d’état d’âmes dans la gestion de ces hommes et femmes entièrement dévoués à l’État à qui on demande l’impossible sans qu’ils aient le droit de se plaindre.

       

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      Au final, l’organisation actuelle de l’État local ne fait que cumuler les inconvénients. Les représentants de l’État, en premier lieu les préfets, n’ont plus la légitimité et les moyens suffisants face à leurs interlocuteurs dont l’influence les dépasse désormais nettement. Ils sont ainsi tentés (et incités à) de rechercher des positions d’équilibre généralement préjudiciables à l’environnement. Les fonctionnaires départementaux et régionaux travaillant sur ces thématiques où les convictions et le sens du service public sont très marqués, subissent les décentralisations et leurs conséquences sur leur organisation comme une suite ininterrompue d’arbitrages défavorables. Eux dont les effectifs ont été réduits de moitié depuis 2009[30] voient leurs budgets rognés, leurs marges de manœuvre réduites, leur expertise remise en cause et assistent impuissants à la perte de sens de leur action s’effaçant derrière des considérations politiques locales supplantant régulièrement l’intérêt général et le respect de la loi.

      Les enseignements de la crise des gilets jaunes ont été compris au travers du prisme habituel selon lequel l’État n’est pas le mieux à même de porter les politiques publiques au niveau local. En témoignent les orientations données par le Premier ministre de renforcer la présence des services publics au plus près du terrain (préservation de la capacité à agir du niveau départemental) mais sans remettre en cause les baisses d’effectifs. On l’a rappelé, dans l’esprit des Français, le service public reste l’État donc quand ils s’expriment massivement, et leurs maires avec eux, pendant le Grand Débat pour plus de services publics locaux et d’appui, c’est donc bien de plus d’État qu’ils appellent de leurs vœux…

      PROPOSITIONS

       

      Refonder l’organisation de l’État local et lui redonner les moyens d’agir librement

       

      • Dans chaque département, nommer un préfet de Police et préfet départemental aux politiques publiques (PDPP) sans lien hiérarchique entre eux.

       

      • Le premier, sous tutelle du ministère de l’Intérieur, est uniquement en charge des questions de sécurité, du maintien de l’ordre public ;

       

      • Le second, sous tutelle du Secrétariat général du gouvernement (SGG), est en charge de l’application de la réglementation, de la mise en œuvre des diverses politiques publiques ministérielles et des polices sectorielles.

       

      • Dans chaque région, nommer un préfet régional aux politiques publiques (PRPP), qui ne peut pas être à la fois préfet régional et départemental. Il est sous tutelle du SGG du gouvernement. Il a autorité directe sur les PDPP. Sa feuille de route annuelle est définie précisément et priorisée. Il n’a pas de rôle de police.

       

      Les pouvoirs de dérogation des préfets introduits récemment ne sont accordés qu’aux Préfets aux politiques publiques et ne peuvent concourir qu’à un objectif de renforcement de la préservation de l’environnement.

       

      • Les Directions Régionales réaffirment leur rôle de services déconcentrés, c’est-à-dire de représentation régionale de leur(s) ministère(s) de tutelle qui est leur autorité hiérarchique. Sous l’autorité fonctionnelle du PRDD, leurs pouvoirs et autonomie de décisions sont renforcés (par déconcentration et délégations non révocables de signature). Elles ont notamment pouvoir pour avaliser certaines décisions départementales et ont également une visibilité et une capacité d’orientation sur les actions des Établissements publics de la région. Les effectifs et moyens financiers de leurs services sont du ressort du directeur, et affectés par les ministères de tutelle.

       

      • Les missions et moyens des Établissements Publics sont maintenus mais recentrés sur leur cœur de métier (financement selon orientations nationales et priorisations fixées par les directions régionales du ministère, missions de police et expertise technique), en appui et conformément aux orientations fixées par les services déconcentrés départementaux et régionaux.

       

      • Les directions départementales restent interministérielles et sous l’autorité directe du PDPP. Elles bénéficient elles aussi d’une plus grande autonomie de décision (par déconcentration et délégations non révocables de signature). Leur ancrage territorial est affirmé et renforcé.

             

      • Ces services départementaux et régionaux sont dotés de moyens accrus issus du redéploiement notamment de certaines missions confiées à des collectivités territoriales (Régions, Départements, EPCI) ou d’Établissements publics; l’objectif doit être a minima de retrouver les effectifs post Grenelle, soit entre +30 et +50 % par rapport à la situation actuelle hors transferts d’effectifs liés aux compétences réattribuées. Le volume en est déterminé après un chantier national analytique d’allocation objectifs/moyens.

       

      Les organisations et moyens sont stabilisés pour a minima 5 ans. Une évaluation standardisée basée sur les résultats effectifs est effectuée à cette échéance.

      Retrouver une relation de confiance avec le niveau local via un service restauré, fiable et équitable

       

      • Dans le domaine de l’environnement, les élus locaux ont compétence pour toute décision administrative dont le document de planification/programmation local (à l’échelle intercommunale) aura été préalablement validé par l’État et conforme aux documents d’échelle supérieure.

       

      • Après consultation dans chaque département, les missions d’ingénierie publique et moyens associés sont réintroduits pour permettre un appui aux communautés de communes ou communes hors agglomérations qui le sollicitent.

       

      • Chaque élu local se voit attribuer un référent pour l’ensemble des politiques publiques environnementale, rattaché aux DDI, et capable de lui expliciter et l’assister sur les démarches et procédures et de faire le lien avec les services instructeurs, financeurs ou d’ingénierie compétents. Compte tenu des moyens rénovés de l’État et de la révision des procédures de consultation (cf infra), les délais d’instructions sont raccourcis et les avis sont tacitement favorables en cas de dépassement de ces délais.

       

      [1] https://www.actu-environnement.com/ae/news/nitrates-eau-potable-mise-en-demeure-commission-europeenne-36408.php4

      [2] https://www.actu-environnement.com/ae/news/qualite-air-cjue-france-poursuites-36626.php4

      [3] « Décentralisation et organisation territoriale : vers un retour de l’État » – 26/03/2020

      [4] Meadows (Dennis) et al. Halte à la croissance ?, Paris, le Club français du livre, 1972.

      [5] Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, (Rapport Brundtland) Québec, Éditions du Fleuve, 1987.

      [6] Comme le souligne ironiquement l’une de seule analyse réalisée à savoir le rapport de la Cour des comptes de 2009 (https://www.ccomptes.fr/fr/documents/852 ) qui déplore que « L’évaluation de l’impact de la première décentralisation est ainsi restée parcellaire, limitée à certains secteurs comme les équipements scolaires du secondaire. Une appréciation globale n’a pas été réalisée, faute de consensus politique sur la méthode. ».

      [7] Modernisation de l’Action Publique Territoriale et Affirmation des Métropoles https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028526298/

      [8] Nouvelle Organisation Territoire de la République https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030985460/

      [9] https://www.actu-environnement.com/ae/news/conference-environnementale-acteurs-gouvernement-colere-attente-26659.php4

      [10] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/DLR5L15N42412

      [11] Ce terme a remplacé celui de « décomplexification » qui était jugé, à juste titre, assez péjoratif.

      [12] Le rapport entre l’étalement urbain et la destruction des habitats, des populations végétales et animales a encore été souligné récemment par l’IPBES https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-F

      [13] https://www.cerema.fr/fr/actualites/artificialisation-sols-quelle-dynamique

      [14] http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130916/devdur.html#toc2

      [15] https://www.actu-environnement.com/ae/news/prevention-inondations-competence-gempai-repoussee-2018-23732.php4

      [16] https://www.actu-environnement.com/ae/news/competence-eau-assainissement-transfert-senat-31067.php4

      [17]         https://www.actu-environnement.com/ae/news/transition-ecologique-regions-sraddet-bilan-avis-autorite-environnementale-33960.php4

      [18] https://www.banquedesterritoires.fr/grand-debat-les-attentes-et-propositions-des-francais

      [19] La somme des contributions des différents échelons de collectivités doit être supérieure ou égal à l’objectif fixé au niveau national. La somme des limites des différents échelons de collectivités doit être inférieure ou égale au plafond fixé au niveau national

      [20] https://www.liberation.fr/france/1999/09/14/jospin-aux-francais-mobilisez-vous-a-propos-de-michelin-il-affirme-que-l-État-ne-peut-pas-tout_283464/

      [21] Article 2 du décret https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000021838449

      [22] L’article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 prévoit en effet que « tout transfert entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

      [23] En réalité pilotée, et c’est une singularité, depuis le Secrétariat Général de l’Élysée

      [24] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000042238068/

      [25]      Notons que la loi 3D+S prévoit une nouvelle mesure corrective (et non structurelle) en instaurant plusieurs garde-fous préfectoraux sur ces opérateurs, moyen également pour le MI de rappeler au MTE les limites de son pré-carré qu’est le niveau local.

      [26] Entre l’été 2020 et le début de l’année 2021, plus de la moitié des préfets ont été remplacés.

      [27] https://www.mairesdefrance.com/maire-prefet-le-lien-indefectible-de-la-republique-article-907-0

      [28] La déconcentration consiste à déplacer du niveau central (ministériel) vers la base (services territoriaux de l’État) le contrôle et la mise en œuvre de l’action des pouvoirs publics. Tandis que la décentralisation vise à accroître la capacité de décisions des collectivités territoriales.

      [29] Voir note 22.

      [30] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b1990-a16_rapport-fond.pdf

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