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Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

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Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

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Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

Depuis la loi du 13 avril 2013, le taux d’artificialisation des sols est compris dans les 10 nouveaux indicateurs de richesse nationaux. Face à l’état de fait — 9 % du sol français est artificialisé et la dynamique d’urbanisation est quatre fois plus rapide que la dynamique démographique[2] — les lois ALUR (2014), ELAN (2018) et SRU (2000) précisaient déjà la volonté de sobriété foncière et de limitation de l’étalement urbain. La réduction de l’artificialisation est nécessaire pour limiter l’érosion de la biodiversité, garantir le stockage du carbone dans les sols ou encore limiter ruissellements et débordements lors d’intempéries. L’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) est inscrit dans le plan Biodiversité de 2018, mais n’avait, jusqu’à l’adoption de la loi dite « Résilience Climat » de juillet 2021, aucune définition légale ni trajectoire de réduction associée, à l’image de ce qui peut exister pour la réduction des émissions de GES. Quelle vitesse de réduction, quel terme pour le ZAN (2030 ? 2050 ?). Cette question est entrée dans l’agenda législatif à la faveur des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).

Les réactions sont animées lorsque l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols à horizon 2050 est abordé avec des élus et des professionnels de l’urbanisme : « Remise en cause de nos modes de faire », « Séisme », « Immense défi », « Révolution », « Ruralicide ». Le constat sur les conséquences de l’artificialisation sont globalement partagées – érosion de la biodiversité, appauvrissement des sols, augmentation du risque d’inondation, menaces sur les terres agricoles – mais tous s’interrogent sur les voies pour y parvenir.

Fixé par la loi du 22 août 2021[3], l’objectif ZAN vise à cesser l’artificialisation des sols à l’horizon 2050, tout en laissant la possibilité de la compenser[4]. Plus qu’un simple rapport comptable, il s’agit de créer de nouvelles méthodes et d’installer de nouveaux réflexes dans la manière de faire la ville et les territoires, en sanctuarisant des espaces naturels et en renaturant des espaces artificialisés[5], tout en garantissant l’accès au logement pour tous et en assurant un développement économique vertueux.

Malgré les éclairages techniques fournis par les deux décrets d’application[6], un flou persiste chez les élus : comment traduire le ZAN dans les politiques publiques ? Comment renforcer l’attractivité de son territoire sans construire sur des terres vierges ? Comment faire pour attirer des jeunes ménages actifs si on ne peut plus leur garantir une maison individuelle avec jardin dans un lotissement ? Comment financer la renaturation d’une friche suite au départ d’un commerce ?

Derrière la figure du « maire bâtisseur » qui, dans sa localité, dispose du foncier et des permis de construire comme ressources pour sa commune, se cache une profonde disparité de moyens en financements, en ressources humaines et en outils, pour mettre en place des politiques publiques efficaces. En effet, si aujourd’hui les prémices du recyclage foncier sont plébiscitées partout, leurs exemples se concentrent seulement dans les grandes villes. Aussi, le ZAN étant posé comme un objectif national, la décentralisation de la sobriété foncière est à engager. Ce dossier se place dans cette perspective : donner aux élus des 35 000 communes françaises des pistes pour que l’objectif national, par ailleurs décliné dans les documents réglementaires de collectivités, puisse trouver une application efficace sur les territoires.

Zéro Artificialisation ?

La définition de l’artificialisation, définie dans la loi Climat et Résilience, explicite une dimension qualitative et le caractère multifonctionnel des sols : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »[7].

Il est important de distinguer l’artificialisation de termes proches : « imperméabilisation » et « urbanisation ». L’imperméabilisation désigne le recouvrement permanent d’un terrain et de son sol par un matériau artificiel imperméable (du bitume par exemple). Or, si tous les sols artificialisés ont été transformés, leur imperméabilisation n’est pas systématique : certains sont « minéralisés », d’autres sont toujours perméables comme les espaces verts le long des routes, par exemple. Un sol peut présenter une belle pelouse, mais être compacté sous une couche de 30 centimètres de sol superficiel. Ainsi, malgré une surface apparemment verte, le sol ne peut pas jouer l’ensemble de ses fonctions écologiques (la compaction empêche l’infiltration des eaux, notamment).

L’urbanisation désigne le processus d’extension des villes et prend autant en compte des espaces urbains denses avec des populations et des activités concentrées que des espaces urbanisés diffus, dans les zones péri-urbaines. L’urbanisation passe par l’artificialisation mais toute artificialisation n’est pas synonyme d’urbanisation.

Derrière les débats de définition se cache un enjeu d’harmonisation de la méthode de calcul de l’artificialisation. Les mesures peuvent venir des données cadastrales, des fichiers fonciers ou de la télédétection. Selon les sources, le volume moyen serait compris entre 16 000 et 61 000 hectares par an[8]. La méthode de calcul est la clé de voûte pour atteindre l’objectif ZAN. Les décrets d’application sont intéressants en ce qu’ils introduisent une nouvelle nomenclature entre les sols considérés comme artificialisés et ceux non-artificialisés[9]. Mais cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi Climat et Résilience[10] : pendant la période de transition, les objectifs porteront sur la réduction de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers. C’est donc le mode de calcul surfacique qui s’appliquera au détriment de la nouvelle définition qualitative de l’artificialisation. Les zones perméables dans les villes (jardins, pelouses, friches) ne seront pas prises en compte dans l’enveloppe des terres urbanisées.

Conséquences de l’artificialisation

En 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur le changement climatique et « les terres ». Les scientifiques affirment que les changements d’usage des sols ont des impacts sur le changement climatique, en particulier au niveau de la capacité de séquestration du carbone dans les sols ainsi que des conséquences sociales, notamment en termes d’accès au foncier. Des conséquences sont également constatées au niveau de la capacité de régulation des événements climatiques. Dans son rapport de 2019[11], la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) classe l’artificialisation des sols comme la première cause de la perte de biodiversité. L’étalement urbain et les constructions diffuses sont responsables de la destruction des habitats naturels, de la rupture des continuités écologiques et de l’appauvrissement des sols.

Certaines formes d’artificialisation des sols, lorsque ce dernier est bitumé notamment, conduisent également à une hausse des températures sur un territoire. Le remplacement d’une surface végétale par des espaces souvent minéraux conduit à une plus grande captation de chaleur. Ces îlots de chaleur générés par l’artificialisation peuvent être particulièrement spectaculaires en zone dense (des études ont montré un écart de plus de 5° l’été entre Paris et Fontainebleau par exemple) mais également dans des territoires fragiles. À titre d’exemple, à Chamonix, la hausse des températures induite par l’artificialisation (+7° mesurés en ville et +5° dans la banlieue résidentielle[12]) risque d’impacter l’ensemble de l’écosystème du fond de vallée.

L’artificialisation des sols présente également un fort enjeu agricole. Les terres dédiées à l’agriculture occupent 40 % du territoire, et l’urbanisation se fait principalement sur ces sols[13]. En effet, les pressions foncières répondent à des logiques de transactions amiables et de profit. Les fonciers disposant de droits à construire sont plus profitables que les fonciers agricoles. Les fonciers agricoles sont quant à eux plus rentables que les fonciers forestiers. Ainsi, et sans protection, la ville met en tension ses franges, qu’elles soient agricoles ou forestières. Et l’agriculture met alors en tension ses franges lorsqu’elles sont forestières.

Nous faisons face à une situation complexe pour le monde agricole. D’un côté, l’ouverture à l’urbanisation de terres est une source de revenus pour les paysans. Les agriculteurs ont souvent intérêt à vendre une partie de leurs terres au moment de leur départ à la retraite du fait, d’une part, de la valeur des terres constructibles et, d’autre part, des difficultés que nombre d’entre eux rencontrent pour transmettre leur exploitation. Par ailleurs, dans le contexte de changement climatique et face au besoin de développer une stratégie de sécurité alimentaire, l’artificialisation des terres agricoles est un problème majeur. Comme le développe Les Greniers d’Abondance, une association experte des enjeux de sécurité alimentaire, dans son dernier rapport, « cela est d’autant plus problématique que la plupart des sols rendus ainsi définitivement inutilisables se trouvent à proximité immédiate des bassins de consommation et comptent parmi les plus fertiles de France »[14].

L’artificialisation galopante

Dans un contexte de croissance démographique, l’espace apparaît comme une ressource limitée. Le développement des surfaces urbanisées est lié au développement des activités humaines, dans un mouvement qui s’est accéléré depuis la première industrialisation. Avec la croissance de la population (+4,2 millions depuis 1999) est venue l’extension des villes, principalement développées sur des surfaces naturelles qui ont été artificialisées. Or, c’est un mécanisme qui ne s’enraye pas. En France, le ministère de la Transition Écologique estime que 20 à 30 000 hectares sont artificialisés chaque année.

L’étalement urbain est le principal responsable de l’artificialisation des sols. Très rurale à la fin du XIXe siècle, la population française s’urbanise au cours du XXe siècle. Les courbes se croisent au début des années 1930. En 1968, 70 % de la population française vit dans des territoires urbains[15]. Mais rapidement, les centres urbains se dé-densifient et les populations se diluent en marge des zones urbaines. En effet, le faible coût du foncier en périphérie des villes, les progrès en matière de transports individuels et l’élévation du niveau de vie conduisent à l’étalement rapide de la France urbaine dans les années 1970. C’est la fameuse « périurbanisation » qui accompagne la globalisation de nouveaux standards économiques et culturels.

Les Français montrent une nette préférence pour l’habitat individuel[16]. L’idéal de la maison avec jardin a été historiquement accompagné par des discours et décisions politiques. Du plan Chalandon dans les années 1970[17] au discours de N. Sarkozy qui mettait en avant « une France de propriétaires »[18], le développement de pavillons en périphérie a été construit comme un idéal sociétal. Cela s’est traduit en droit par la loi dite « d’orientation foncière » du 30 décembre 1967[19] qui donne plus de souplesse aux opérations de lotissements en maisons individuelles et la loi du 3 janvier 1977[20] sur le maintien des aides publiques à l’investissement malgré l’institution de l’aide personnalisée au logement[21]. Selon l’enquête Teruti-Lucas[22], 42 % des surfaces artificialisées et plus de la moitié des surfaces nouvellement artificialisées entre 2006 et 2014 ont eu pour vocation d’accueillir de l’habitat et plus particulièrement de l’habitat individuel, phénomène entraînant également une artificialisation induite : routes, stationnement, réseaux…[23] Cet idéal largement alimenté et diffusé est un des facteurs explicatifs des vives réactions aux propos d’Emmanuelle Wargon, ex-ministre chargée du logement, lorsqu’elle déclare que la maison individuelle est un non-sens écologique[24].

D’autre part, il y a un enjeu d’attractivité du territoire pour les élus locaux. Le pouvoir de délivrer un permis de construire est une des prérogatives principales des maires, qui y sont très attachés. Pour faire vivre son territoire, le rendre dynamique et attirer ménages et entreprises, sources de revenus grâce à la taxe foncière et à la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises, il semble nécessaire de construire. Davantage de taxes, cela signifie davantage de marges de manœuvre budgétaire, ce qui fait particulièrement sens dans un contexte de baisse globale des dotations aux collectivités. Or, il est souvent plus simple et économique de construire sur du terrain nu, du sol naturel, en extension urbaine que dans le tissu urbain constitué. Le foncier est perçu comme une des premières ressources des collectivités.

Ce mode de développement urbain a conduit à deux objets caractéristiques : des pôles urbains denses et leurs couronnes périurbaines détendues et des zones rurales avec un mitage urbain. Les surfaces bâties ne cessent de gagner du terrain, matériellement, en 2019 en France, selon la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’Île-de-France, et 31 000 hectares d’espaces naturels et agricoles ont été perdus au profit de l’urbanisation[25].

Une absence de circularité dans la production de la ville

Il est possible de faire un parallèle entre la production manufacturière et la production urbaine. À la fin du XXe siècle, nous avons commencé à réaliser que le flot continu de biens marchands créés par la société de consommation avait un cycle de vie, qu’ils devenaient des déchets que les décharges ne cachaient plus, et que ce cycle de vie devait redevenir circulaire. En matière de production urbaine, la prise de conscience du cycle de vie du bâti est en train de naître depuis quelques années, mais demeure difficile à porter dans le débat public. Tout ce que nous avons fabriqué de tissu urbain, d’activités et de territoires équipés a un cycle de vie. Celui-ci est parfois plus court que prévu, parfois seulement quelques décennies, et surtout il n’est pas circulaire : la ville ne se régénère pas toute seule. On a donc continué sur le même principe que la décharge pour les biens de consommation : on laisse pourrir progressivement et on va construire ailleurs.

La figure du déchet en urbanisme, c’est la vacance : vacance de logement, vacance de bureau, vacance commerciale, vacance patrimoniale aussi. Ce n’est pas le développement qui demande l’artificialisation (ou seulement partiellement), c’est l’absence de recyclage urbain, de recyclage foncier, qui conduit, lorsque la vacance est durable, à l’apparition de friches. Ces dernières sont la rencontre entre une vacance dépréciant la valeur intrinsèque de l’actif et une obsolescence faisant perdre progressivement la valeur d’usage du bâtiment. Le Fonds Friches, initié par le gouvernement lors du plan de relance en 2021, témoigne du besoin d’une politique publique multisectorielle répondant à la complexité des objets à traiter. Destiné à financer le recyclage de friches et la transformation de surfaces artificialisées, ce dispositif est certes une prise de conscience initiale mais des efforts plus importants doivent être déployés pour lutter contre la vacance.

Vers un changement de paradigme avec le ZAN

L’objectif ZAN a été introduit en France par le plan Biodiversité de 2018 puis a été suivi d’un certain nombre d’initiatives gouvernementales : lancement de l’Observatoire de l’artificialisation, commande de rapports à France Stratégie (Fosse, 2019), lancement d’un groupe de travail interministériel par le Commissariat général au développement durable (CGDD) et mise en œuvre de la démarche « Territoires pilotes de la sobriété foncière » réalisée conjointement par le PUCA (Plan urbanisme construction architecture) et l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires)[26].

Il est le fruit de la Convention Citoyenne pour le Climat qui l’inscrit dans ses grandes propositions, reprises en partie dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Précisons que cette mesure offre un débouché aux réflexions menées par un groupe de travail interministériel accompagné par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et qui a produit un rapport scientifique de référence sur le sujet en 2018[27].

C’est aussi un principe consacré dans les politiques internationales depuis les années 1990. Le Zero Net Land Degradation a été présenté comme un objectif de développement durable lors de la Convention internationale de lutte contre la désertification de 1992. Il est consacré dans les objectifs de développement durable des Nations-Unies en 2015 avec un objectif de land degradation neutrality (objectif 15.3). Dans l’Union européenne, une commission sur la protection des sols a été établie en 2002. Puis, en 2011, lors de l’adoption de la feuille de route de la Commission européenne pour une Europe efficace dans l’utilisation de ressources, l’objectif de « No Net Land take by 2050 » est posé. Plus récemment, la Commission a présenté sa nouvelle stratégie pour les sols qui prévoit l’adoption d’une directive-cadre en 2023 et un objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols à l’horizon 2050.

Le N de ZAN

Contrairement à ce que beaucoup de discours de professionnels et d’élus opposés au ZAN laissent entendre, cette mesure ne signifie pas un arrêt total des constructions et de l’artificialisation. Et ce grâce au « NETTE » qui est le résultat d’un bilan de l’artificialisation et de la désartificialisation. C’est un principe qui repose en partie sur la capacité des acteurs à compenser l’artificialisation qu’ils produisent. Cela fait le lien avec la séquence ERC : Éviter, Réduire ou Compenser, qui est inscrite dans le Code de l’environnement depuis 1976 et qui s’opère à travers les études d’impact : « Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité »[28].

Il est important de souligner que la compensation est une réparation imparfaite, il n’y a pas un principe d’équivalence écologique strict lorsque l’ont détruit des écosystèmes. Par ailleurs, les acteurs de la compensation font remonter de nombreuses difficultés de mise en œuvre et des résultats parfois mitigés. Mais malgré ses défauts, la compensation est porteuse de bénéfices écologiques.

Cela n’exclut pas qu’il semble d’ores et déjà évident que, pour respecter l’objectif ZAN, il soit nécessaire de réduire l’artificialisation brute. En effet, compter uniquement sur la compensation est intenable pour des questions de limitation des ressources (pourra-t-on toujours trouver un terrain et de la terre pour renaturer ?), pour des raisons de modèle économique (intégrer les coûts réels de compensation conduit à remettre en question la pérennité des opérations déjà ultra subventionnées par le public), et du fait de la dissociation temporelle entre le temps de mise en œuvre des mesures et de la reconstitution des milieux vivants (qui pose une question d’équivalence entre un sol vierge et un sol renaturé).

Atteindre le ZAN signifie que tous les projets d’aménagement qui voient le jour en 2050 :

  • N’ont pas pu être évités (donc qu’ils sont pertinents : quel besoin de logements et d’activités économiques ?) et qu’ils ne pouvaient pas être localisés sur des terrains déjà urbanisés (pas de friches ? pas de modèle économique pour réhabiliter des friches ? pas de possibilité de densifier ?) ;
  • Présentent des impacts qui ont été réduits au minimum (impossible de les localiser sur un autre site moins qualitatif écologiquement ; ils sont les plus denses, acceptables et mutualisés possible…) ;
  • Ont été compensés par des actions de renaturation avec un gain écologique (qu’est-ce qu’un gain écologique ? comment porter des mesures par anticipation pour ne pas mettre des années à reconstruire un milieu ? est-ce qu’on parle en termes de surface ? quel portage foncier et modèle économique ? Sur ces questionnements différents dispositifs existent déjà, à relativement petite échelle[29]).

L’objectif ZAN interroge sur la manière la plus souhaitable de faire la ville de demain et de l’acceptabilité de ces modèles de développement. Si le dernier rapport du GIEC préconise de construire des villes plus denses[30], l’ensemble des élus locaux interrogés nous fait part des difficultés à amorcer de nouveaux projets urbains. L’acte de construire est associé à la bétonisation et se heurte à une hostilité grandissante des populations locales. Or il nous semble important de souligner une nouvelle fois que la logique ZAN ne doit pas signifier un arrêt total des constructions.

Par ailleurs, cet objectif n’est pas vécu de la même façon en fonction des typologies de territoire, des dynamiques d’artificialisation et des besoins en développement. S’il s’agit d’un objectif national, son application et la déclinaison des trajectoires doivent demeurer locales et adaptées aux particularités territoriales. Par ailleurs, il y a un enjeu de participation démocratique afin que le ZAN ne soit pas juste une modalité de « gouvernement à distance ».

Les travaux réalisés à ce jour sur le sujet consistent principalement en une critique générale portée à l’échelle nationale. Aussi, dans nos notes, nous nous intéressons aux politiques du logement et de développement économique, qui dictent le quotidien des élus locaux, selon les types de territoire, urbain et rural, tendu ou détendu.

Le travail présent ci-après se décompose en deux notes distinctes.

NOTE 1

Habiter la France de 2050

Introduction

L’habitat est la première cause d’artificialisation des sols en France, à hauteur de 68 % de l’artificialisation totale[31]. Construire des logements implique non seulement l’émergence de bâti, mais également le développement de réseaux en surface et en sous-sol, qui engendrent une artificialisation accrue et multiplient les impacts de l’habitat sur la consommation des sols.

Face à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN), se superpose un enjeu majeur : répondre à la demande de logements de l’ensemble de la population à des prix soutenables. Des dispositifs fiscaux d’incitation à la construction de logements à destination des particuliers et la fixation réglementaire d’objectifs quantitatifs dans le parc privé comme dans le locatif social tentent de répondre à ce besoin de logements, mais semblent entraîner une incompatibilité avec les enjeux du ZAN. Comment concilier ces objectifs a priori contradictoires ?

Une tension accrue des besoins en logement à des prix soutenables qui résulte en une crise de l’offre concentrée dans les zones tendues

Le besoin en logements continue d’augmenter, entre +2,7 et +3,9 millions sur la période 2017-2030, avec une augmentation continue du nombre de ménages dans toutes les régions françaises[32]. Cette tendance s’accompagne d’une hausse des prix, notamment des logements anciens, qui ont progressé de 11 % sur l’ensemble du territoire et de 17,5 % dans les 50 plus grandes villes françaises (61 % à Paris et 36 % dans les 10 plus grandes villes), entre 2007 et 2020. A contrario, dans les zones rurales, la demande en logements a chuté de 10 %[33].

Malgré cette forte demande, l’offre de logements sociaux recule dans les zones tendues, avec 80 000 attributions de moins dans le parc HLM en 2020 et une chute de la construction. En parallèle, on observe une progression du logement intermédiaire, favorisé par les dispositifs fiscaux, sans que cette production compense la baisse de logements sociaux (+ 6200/an entre 2016 et 2020)[34].

À ces besoins liés aux projections démographiques et au desserrement des ménages, s’ajoutent les situations de mal-logement. La fondation Abbé Pierre estime le nombre de personnes mal-logées en France à 4,1 millions, en attente d’un relogement convenable.

Face à ces constats, l’impératif de loger et de mieux loger apparaît toujours aussi prégnant.

La manière d’habiter des Français, une « impasse écologique »[35] ?

Si les besoins en logements se concentrent dans les zones tendues, on remarque que 70 % de l’artificialisation s’observe dans les communes où la tension locative est faible, et 20 % dans des communes dont la population décroît[36]. Cette donnée témoigne des contradictions de notre mode de production de logements. C’est pourquoi nous allons nous pencher en priorité sur la compréhension des leviers dans les territoires de zones détendues.

Habiter dans un logement individuel pavillonnaire reste un désir fort pour les Français : 80 % des répondants de l’enquête « Habiter la France de demain »[37] souhaitent habiter une maison individuelle. Cette tendance sociétale s’accompagne d’une crainte de la population à l’égard de la densité : « Dans certains cas, elles (les tendances) procèdent d’une sorte de malthusiannisme, d’une volonté d’entre-soi, d’une crainte de voir son environnement immédiat se détériorer. Dans d’autres, l’opposition provient de préoccupations environnementales. »[38] L’enjeu est de travailler à des espaces urbains de qualité, avec des aménités rendant acceptables la densité vécue (espaces verts, espaces publics apaisés et favorables aux mobilités douces, ville du quart d’heure…)[39].

On pourrait, à juste titre, se demander quel impact la crise du COVID-19 va avoir sur la manière d’habiter en France. Si la conjoncture a fortement développé l’usage du télétravail dans certaines professions, les acteurs ne s’accordent pas sur un potentiel déplacement des besoins en logement à court terme. La Commission Rebsamen n’anticipe pas de changement à court terme[40] alors que le Conseil supérieur du notariat a récemment publié une note de conjoncture qui contredit cet argument[41].

De plus, la fiscalité de l’urbanisme, telle qu’elle est mise en place actuellement, n’offre pas non plus de leviers efficaces pour répondre à la demande en logements et pour maîtriser l’artificialisation. Sans être suffisamment compensée par l’aide à la relance de la construction durable (ARCD), la réforme de la taxe d’habitation vient en effet diminuer le rendement fiscal marginal de l’accueil de nouveaux logements, en particulier s’agissant du logement social exonéré de taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette réforme incite, de ce fait, les élus à construire des locaux d’activité plutôt que du logement.

Dans ce cadre, un élu local se posera certaines questions : comment offrir un logement à tous mes administrés et respecter le taux de 25 % de logement social, lorsqu’il me coûte davantage qu’il ne me rapporte et que je dois m’appuyer en priorité sur du renouvellement urbain ? Si je construis du logement, comment vais-je financer l’ouverture de nouvelles classes, de nouveaux équipements publics, des réseaux : comment puis-je offrir une offre de service qualitative ?

À la lumière de ce premier diagnostic, on comprend mieux la situation des élus qui sont pris entre des injonctions contradictoires : construire plus, moins cher et intime, mais sans artificialiser ! Dans les zones tendues, le foncier est cher et les possibilités de densification moindres et non souhaitées par la population. Les zones détendues souffrent parfois d’un manque de leviers de négociation face aux promoteurs immobiliers. Pourtant, c’est bien dans ces territoires que certaines solutions sont à trouver pour atteindre les objectifs ambitieux du ZAN.

I ) Dans les zones périurbaines et rurales, la viabilité économique de la maison individuelle en question

On ne cesse de l’entendre et de le lire, les Français rêvent d’une maison individuelle avec jardin[42]. Cependant, la chercheuse Anne Lambert rappelle que ce rêve est alimenté par des incitations financières et fiscales : « La politique de soutien à l’accès à la propriété individuelle passe par des prêts aidés, des dispositifs de défiscalisation, des subventions directes aux particuliers, mais elle est aussi portée par des enjeux d’emploi car le secteur du BTP est un grand pourvoyeur d’emplois non délocalisables »[43]. Les maisons pavillonnaires sont construites à grande échelle avec des matériaux bas de gamme ce qui permet de les vendre à des prix atteignables.

Pourtant, ces pavillons ne sont pas forcément le premier choix de leurs habitants, qui avaient potentiellement, dans un premier temps, fait des demandes d’accès au logement social. Les appartements dans le privé en centre-ville sont souvent plus chers que les maisons individuelles neuves en zone périurbaine. Ce constat interroge : quels seront les logements accessibles aux classes moyennes populaires si ces produits immobiliers disparaissent ?

Pour d’autres personnes, cela relève d’un véritable choix, celui d’avoir une propriété qui ne souffre d’aucune copropriété ni mitoyenneté et qui bénéficie d’un cadre de vie perçu comme privilégié. Le choix de ces personnes se manifeste par un départ de l’ancien vers le neuf. Cela concourt, dans les territoires détendus, à l’augmentation de la vacance résidentielle dans les centres-villes. Comment créer une nouvelle offre résidentielle attractive qui ne conduit pas à un desserrement des villes ?

De plus, le développement de ces quartiers d’habitat pavillonnaire a été possible grâce à un recours massif à la voiture individuelle, elle-même très consommatrice d’espace, puisque ces quartiers sont généralement mal desservis par les transports collectifs. Les ménages sont dépendants de leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail et dans les centres où se situent les services essentiels. La précarité induite et les conséquences sociales et territoriales ont largement étaient mises en lumière lors de la crise des gilets jaunes. La volatilité des prix de l’énergie questionne aussi la soutenabilité de ce modèle et de la viabilité économique des habitats pavillonnaires qui bénéficient souvent d’une surface plus importante pour le même nombre d’habitants et d’une grande déperdition de chaleur car les surfaces donnant sur les façades extérieures sont plus importantes en comparaison avec le logement collectif.

L’AES, association des entreprises suisses d’électricité[44], évalue ainsi les consommations électriques de ces typologies d’habitat : « avec 8950 kilowattheures par an en moyenne, la consommation d’énergie dans une maison individuelle est environ 30 % supérieure à celle estimée dans un immeuble collectif. S’ajoutent à cela les coûts de chauffage qui sont de 100 à 300 % plus élevés dans une maison individuelle ».

Enfin, l’artificialisation des sols entraîne un coût économique qui vient questionner la rentabilité des maisons pavillonnaires. France Stratégie évalue entre 95 et 390 euros le m² à renaturer (portage foncier, dépollution, désimperméabilisation, végétalisation, suivi…). Si l’on respecte l’objectif de diminuer par deux l’artificialisation nette dans les dix prochaines années, cela représente encore 1381,9 km² artificialisés soit des coûts situés entre 154 milliards et 632 milliards d’euros[45] qui viendront peser sur les prix de sortie des programmes immobiliers.

Le coût global pour les ménages d’un logement pavillonnaire éloigné des centres urbains est amené à augmenter. Dans ce contexte, les actions mises en œuvre pour réduire l’artificialisation des sols – rénovation des centres bourgs et densification des quartiers pavillonnaires – répondent également à cette problématique d’augmentation des charges.

Propositions 

  1. Développer la micro-densification des quartiers pavillonnaires
  2. Donner aux maires les moyens de financer de nouveaux équipements

Proposition 1 : Développer la micro-densification des quartiers pavillonnaires

La micro-densification dans des quartiers pavillonnaires, via de la division parcellaire, construction d’annexes ou surélévation, peut contribuer à répondre à plusieurs problématiques.

Tout d’abord, en limitant l’étalement urbain, la micro-densification permet de densifier l’existant tout en répondant aux attentes de logements individuels et d’espaces extérieurs. Deuxièmement, les ménages, en cédant une partie de leur parcelle ou en surélevant leur maison, dégagent des revenus complémentaires qui viennent financer la rénovation énergétique de leur logement. Certains acteurs de la ville défendent la création d’un statut de micro-promoteur[46]. Ce régime simplifié ouvrirait des droits et des devoirs spécifiques pour mieux encadrer juridiquement les opérations et simplifier les procédures.

Néanmoins, la micro-densification questionne le financement des besoins en équipements publics induits par l’arrivée de nouveaux ménages mais également l’harmonisation architecturale et paysagère de certains quartiers.

Proposition 2 : Donner aux maires les moyens de financer de nouveaux équipements

Le rapport Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, dans lequel FCL Gérer la Cité est intervenu pour étudier les impacts sur les collectivités des mesures fiscales existantes, souligne que les dernières réformes de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d’habitation par exemple, ont réduit les moyens financiers laissés aux maires pour faire face à l’arrivée de nouveaux ménages. La commission recommande de réduire le décalage entre l’arrivée des nouveaux habitants et la perception des nouvelles recettes fiscales, en donnant aux communes la possibilité de supprimer l’exonération de la Taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) pour les logements neufs.

II ) La nécessaire revitalisation des centres-bourgs

En 2014, le programme « Centres-Bourgs » du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires), qui s’est fondu dans « Petites Villes de Demain », accompagne via un soutien en ingénierie certaines collectivités dans la revitalisation de leur centre-ville. Ce sont les préludes des politiques de revitalisation des centre-bourgs des petites et moyennes villes, mises en œuvre et accompagnées par l’État.

En décembre 2017, le programme « Action Cœur de Ville »[47] est lancé afin d’accompagner financièrement la revitalisation économique et la rénovation des logements de 234 communes. Un autre programme à destination des villes de moins de 20 000 habitants est développé en octobre 2020 par la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. « Petites villes de demain » bénéficie d’un budget de 3 milliards d’euros pour agir sur les centres de villages ou de bourgs, notamment par la rénovation d’habitats dégradés.

En 2019, la loi ELAN crée les Opérations de revitalisation des territoires (ORT), une forme de contractualisation qui donnent notamment des moyens législatifs dans le cadre des programmes « Action Cœur de Ville » et « Petites Villes de Demain », qui permettent de monter des projets partenariaux sur les centralités au niveau local. Les ORT favorisent notamment la réhabilitation de l’habitat grâce à un partenariat avec l’Anah (Agence nationale de l’habitat) et l’éligibilité au dispositif « Denormandie »[48]. Les ORT offrent un panel d’outils juridiques, financiers et fiscaux pour travailler sur le parc de logements et de commerces des centres-villes[49].

La rénovation et l’investissement en faveur des centres urbains des petites et moyennes villes répondent également à une problématique commune à l’ensemble du territoire, le vieillissement de la population qui conduit à une dépendance forte aux services, qui sont majoritairement situés en centre-ville. La revitalisation des centres-bourgs permet de proposer des habitats adaptés à la dépendance et à proximité des besoins de ces populations. La réalité de la trajectoire démographique des territoires peut être une opportunité dans une perspective ZAN. Les grands logements individuels libérés par les personnes âgées déménageant en centre-ville sont adaptés aux attentes et besoins des jeunes ménages. Il sera alors toutefois nécessaire d’encadrer les prix qui pourraient être amenés à augmenter si les collectivités organisent la raréfaction de l’offre de grands logements en extension.

De plus, en 2021 en France, on recense 3 millions de logements vacants soit 8,3 % du parc[50]. Ce réservoir de logements est notamment alimenté par la construction neuve non associée à la rénovation : mouvements de population avec des départs de l’ancien vers le neuf, logements inadaptés aux nouveaux besoins, etc.

Investir des logements dans les centres-villes peut néanmoins se heurter à des réticences des populations qui recherchent des espaces extérieurs et de l’individualité.

Les dispositifs d’aide à la revitalisation des centres urbains et à la rénovation des logements contribuent à lutter contre l’étalement urbain en proposant un logement adapté à chaque étape de la vie et aux structures des ménages. Les objectifs du Zéro Artificialisation Nette renforcent cette dynamique et appellent à une planification par la puissance publique.

Propositions

 

  1. Poursuivre les dispositifs existants de revitalisation des centres-villes
  2. Généraliser la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues
  3. Œuvrer pour la capitalisation des établissements publics locaux
  4. Attirer les ménages dans les centres-bourgs grâce au triptyque : proximité à la nature, aux services et aux transports en commun
  5. Renforcer l’application du PLU en renversant la charge de la preuve

Proposition 1 : Poursuivre les dispositifs existants de revitalisation des centres-villes

La poursuite des dispositifs existants sur la revitalisation des centres-villes est un levier important pour lutter contre l’artificialisation des sols. Il s’agira néanmoins de croiser ces programmes avec les politiques de sobriété foncière. Par exemple, fin 2020, l’ANCT a lancé la démarche « Territoires pilotes de la sobriété foncière » pour les collectivités bénéficiaires du programme « Action cœur de ville » et signataires d’une opération de revitalisation de territoire. À ce jour, ce programme reste relativement modeste, sept villes ont reçu quelques milliers d’euros pour identifier du foncier et développer des stratégies de sobriété. Néanmoins, le croisement des différents programmes devrait participer à enclencher un retour des ménages vers les centres bourgs.

Proposition 2 : Généraliser la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues

Afin de limiter l’étalement urbain et inciter les propriétaires à rénover et louer leurs biens en centre-ville, une généralisation de la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues serait souhaitable. Aujourd’hui, la taxe sur les logements vacants concerne les logements inoccupés « depuis au moins une année, au 1er janvier de l’année d’imposition » et est limitée aux logements situés dans les zones tendues où il existe un « déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements ».

Proposition 3 : Œuvrer pour la capitalisation des établissements publics locaux

Un moyen d’enclencher un passage à l’échelle des opérations de revitalisation des centres-villes pourrait également être d’œuvrer en faveur de la capitalisation des établissements publics locaux que sont les Sociétés d’économie mixte (SEM) et les Sociétés publiques locales (SPL), en fixant aux territoires qui les gouvernent des objectifs de réhabilitation et d’intensification foncière, avec l’aide d’Établissements publics foncier d’État (EPFE). Pour que cette méthode d’aménagement soit efficace, il s’agira de couvrir l’intégralité du territoire national et de revoir à la hausse les moyens financiers des EPL (Établissements publics locaux).

Proposition 4 : Attirer les ménages dans les centres-bourgs grâce au triptyque : proximité à la nature, aux services et aux transports en commun

Rénover les centres-villes réclame un long travail sur les imaginaires de la maison familiale et de la qualité de vie en général. Pour donner envie aux ménages de venir s’installer dans les centres-bourgs, les politiques d’aménagement et d’urbanisme doivent combiner le triptyque suivant : proximité de la nature et individualisation des logements avec des terrasses et du petit collectif en copropriété, la proximité des services et des commerces ainsi que des espaces publics de qualité, une bonne desserte en transports en commun pour relier les pôles d’emploi. Néanmoins, ces aménités, qui représentent des coûts importants dans les opérations, disparaissent souvent dans le montage des opérations alors qu’elles sont bien présentes dans les réponses des promoteurs et des architectes.

Proposition 5 : Renforcer l’application du PLU en renversant la charge de la preuve

Aujourd’hui, la fiscalité de l’urbanisme est un outil utile pour compléter les moyens de financer la renaturation. Cependant, la fiscalité n’incite pas à la densification et la rénovation des logements. La règle d’urbanisme est également questionnable en pratique puisque la judiciarisation de l’urbanisme, des deux côtés, celui des associations et celui des entreprises privées, ne permet pas de donner crédit à un PLU. Aujourd’hui la réalité urbaine est souvent loin d’un PLU, qui en outre est révisé dès qu’un projet important le nécessite. En revanche, une approche par renversement de la charge de la preuve, dans les zones ayant connu une forte artificialisation, pourrait être proposée : pour avoir l’autorisation de construire en extension urbaine il y aurait obligation de fournir une étude d’impact qui démontre l’impossibilité d’utiliser les fonciers déjà artificialisés, ou la surélévation, ou la densification du bâti peu dense, ou la réhabilitation d’immeubles et îlots vacants.

Conclusion :

Les objectifs du Zéro Artificialisation Nette ne signifient pas qu’il ne sera plus possible de construire. Il existe des réserves considérables de friches, de logements, de commerces et de bureaux vacants. En dernier recours, la compensation est également toujours possible. Néanmoins, le ZAN oblige à penser le développement résidentiel des territoires à une échelle plus large. Les villes moyennes sont des opportunités pour loger les ménages mais cela doit être planifié par la puissance publique via des politiques de mobilité et d’emplois entre les pôles régionaux. Pour respecter les objectifs de réduction de l’artificialisation, la cohérence territoriale au niveau de la région est primordiale. Les élus doivent prendre conscience de l’échelle à laquelle se jouent les dynamiques qu’ils souhaitent infléchir. Planifier un urbanisme multipolaire entre les différentes zones urbaines régionales et organiser la compensation à cette même échelle devraient permettre en partie de limiter l’artificialisation des sols.

[ENCART LANGRES : retrouver la qualité résidentielle dans le bâti patrimonial

Langres est une cité fortifiée qui domine, depuis son plateau où la Seine devient ruisseau, des paysages champêtres, légèrement vallonnés et parsemés de forêts, caractéristiques de la Haute-Marne. Alors que la plupart des villes fortifiées ont dû, par leur croissance et leur développement, déborder de leurs remparts, Langres s’y est maintenu. Cela ne signifie pas que la ville n’a pas été prospère, au contraire. Le circuit des maisons de la Renaissance, autant dire des hôtels particuliers, offre encore aujourd’hui des découvertes à chaque coin de rue : porte en bois débouchant sur un jardin italien, grosse masure abritant des vitraux fins, cocon familial confinant des ornements, etc. Les affres du temps ont aussi participé à ce magnifique trompe-l’œil et le grotesque apparaît parfois, comme une fresque historique parfaite.

Les grands bourgeois ont depuis longtemps quitté la place et les ouvriers en difficulté travaillant dans les usines de la vallée les remplacent. Les habitants sont donc dépassés voire désintéressés tandis que les habitations sont délabrées voire abandonnées : elles n’offrent plus les services qu’ils recherchent. La maison natale de Diderot, implantée au cœur de la ville, au niveau d’une place portant le nom et acueillant la statue de l’encyclopédiste, offre des détails tout aussi étonnants. Sa façade du XIIIe siècle n’arbore, en plus des très belles armoiries familiales, pas moins de quatre couleurs de peinture différentes. L’entreprise de services de nettoyage installée au rez-de-chaussée impose son bleu criard aux gris et verts des étages.

Le touriste découvre et s’étonne. L’habitant profite de la seule rue commerçante. Les rôles s’inversent peut-être parfois. La mairie, dans tout cela, condamne les routes par arrêté de mise en péril.

NOTE 2

Produire, consommer et travailler en France en 2050

Introduction

Le foncier économique (entreprises, zones commerciales, entrepôts) couvre 30 % des surfaces artificialisées et représente ainsi le second facteur de consommation d’espace[51].

Cette donnée quantitative est renforcée en ressenti : les projets à destination d’activités sont souvent constitués de grandes emprises[52] et les zones d’activités ont un impact paysager et urbanistique important sur les territoires, renforcé par le fait qu’elles se situent généralement dans des endroits très passants.

Comprendre les conséquences du ZAN sur le développement économique des territoires nécessite tout d’abord de revenir sur les dynamiques à l’œuvre depuis une cinquantaine d’années.

Une désindustrialisation progressive des territoires depuis 1970 

Dès les années 1950, la planification industrielle était au cœur de la politique d’aménagement du territoire. À partir de la crise de 1970, on assiste à un phénomène de désindustrialisation progressive[53], c’est-à-dire à des départs d’usines qui privilégient une installation à l’étranger. Les conséquences sont directes et bien visibles, autant sur l’organisation de l’espace et le paysage, que sur le tissu économique élargi. La désindustrialisation, ce sont des commerces qui ferment, des prix de l’immobilier qui chutent, des rentrées fiscales en moins pour les collectivités et l’apparition de friches, majoritairement polluées[54].

Progressivement, certaines collectivités ont accompagné ce glissement, d’une économie de production à une économie de services de consommation et de loisirs, en faisant muter une partie du foncier économique. Des écoquartiers, des zones commerciales et des entrepôts logistiques ont remplacé les anciennes usines.

Des zones d’activité commerciales qui se développent en périphérie des villes

Dans les années 1970, les zones commerciales en périphérie des villes se sont développées de façon opportuniste, sans optimisation foncière ni projet de territoire, dans des logiques de réseau et de visibilité. Ces zones sont portées par l’essor de la voiture individuelle et un pouvoir d’achat des ménages en augmentation.

À partir des années 2000, le chiffre d’affaires global du commerce physique n’augmente presque plus. L’année 2008 marque une accélération du phénomène avec un total de 5 millions de m² de surfaces commerciales autorisées. Dans les années qui suivent, les surfaces commerciales auront progressé cinq fois plus vite que la population[55]. Cette suroffre fonctionnelle est accentuée par l’essor du e-commerce.

Ces zones voient le jour grâce à un foncier peu cher et des modèles économiques qui donnent un avantage concurrentiel à l’extension urbaine. Les opérations commerciales sont rapidement rentables et les autorisations commerciales faciles à obtenir. Il faut aller vite pour alimenter le modèle.

Ce développement anarchique a des conséquences urbanistiques majeures. Le paysage des entrées de ville est banalisé. Les flux de circulation mal maîtrisés, avec des ménages qui se déplacent presque uniquement en voiture. Ce phénomène a également participé à dévitaliser les centres-villes en entrant en concurrence avec le petit commerce[56]. Entre 2013 et 2022, la vacance commerciale a été multipliée par deux, et elle concerne maintenant les centres-villes et les périphéries. C’est pourquoi, comme l’explique Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce[57], la polarisation centre-ville / périphérie n’est plus forcément juste : les mobilités se sont accrues et l’on cherche à avoir accès à des commerces sur ses traces de déplacement.

Bien que les acteurs institutionnels et publics s’accordent sur la nécessité d’inverser la tendance, on assiste encore à l’émergence de projets de centres commerciaux, sur des anciens fonciers industriels notamment. La lenteur de réalisation des projets urbains, via notamment le mécanisme des Zones d’Aménagement Concertées (ZAC), conduit à devoir assumer aujourd’hui le coût des projets décidés, il y a 15 ans, sur du foncier libéré par des industriels.

Dans ce contexte, le moratoire sur la construction de grandes surfaces commerciales, introduit par la loi Climat et résilience, est une bonne chose, puisqu’elle pose une interdiction de principe relative à la création de nouvelles surfaces commerciales sur des parcelles vierges[58]. Toutefois, elle comporte plusieurs limites, outre le fait que le moratoire arrive peut-être un peu tard, le marché de l’immobilier commercial étant arrivé à la fin d’un cycle. En effet, s’il permet de mettre un coup d’arrêt aux grands projets de création ou d’extension de centre commerciaux de plus de 10 000 m2 en périphérie des centres-villes, il ouvre des possibilités de dérogation pour les surfaces commerciales de moins de 10 000 m2. Ce moratoire ne concerne, par ailleurs, que les projets soumis à autorisation commerciale au titre du Code du commerce, ce qui exclut les entrepôts logistiques, qui sont pour leur part encadrés par la législation des installations classées protection de l’environnement (ICPE), et dont l’installation est, a contrario, facilitée par les textes adoptés dans le cadre du plan post-Lubrizol.

Notre défi n’est pas uniquement d’arrêter les constructions mais de recycler les 7 millions de mètres carrés commerciaux non utilisés, qui représentent plus du double au sol.

Une baisse de la demande en immobilier d’entreprise qui conduit à de la vacance

La désindustrialisation s’est accompagnée d’une hausse des emplois tertiaires. Cependant, bien que l’immobilier d’entreprise connaisse une hausse constante en France, la vacance des locaux tertiaires augmente[59]. Il y a aujourd’hui 4 millions de m² de bureaux inoccupés en Île-de-France. Cette vacance est liée, en partie, à l’inadéquation entre l’offre et la demande. Les entreprises ont initié des réflexions sur l’optimisation des surfaces avec le développement du télétravail et dans un souci d’économies. La vacance s’explique également de manière structurelle, du fait de la rotation du parc immobilier et de la spéculation appliquée aux bureaux[60].

La diminution du besoin en bureaux questionne les équilibres financiers des projets urbains puisque leur prix de sortie contribue largement à équilibrer le bilan d’opérations publiques et donc à financer en partie les espaces publics, les espaces verts et les équipements collectifs.

Ainsi :

1/ Les friches d’activités sont en constante augmentation car les modèles évoluent vite

La disparition progressive des activités industrielles a créé des friches difficiles à traiter. Ce parc de friches est aujourd’hui abondé d’un nouveau type de produits : les friches commerciales, qui sont liées non pas à une régression de ces activités mais à un épuisement de certaines formats (hypermarchés), qui poussent les acteurs économiques à se renouveler très vite, mais ailleurs et sur d’autres fonciers. Cette dynamique est aujourd’hui peu visible mais plusieurs indicateurs convergent et amènent même à des nouveaux dispositifs[61].

2/ Injonctions contradictoires

Les élus sont confrontés à des demandes a priori contradictoires. D’un côté, des demandes de réserves foncières des industriels qui souhaitent réinvestir les territoires, ainsi que l’impératif de « réindustrialiser notre économie » et de créer des emplois pour des territoires déficitaires, et de l’autre côté, les objectifs environnementaux, le ZAN en tête.

3/ Une fiscalité qui favorise l’artificialisation des sols

Les recettes des collectivités sont en grande partie dépendantes des taxes qui contribuent à l’artificialisation, ce qui renforce les incitations à la délivrance de permis de construire. Avec la suppression de la taxe d’habitation en 2021, la fiscalité de l’activité est devenue plus rémunératrice que celle du logement, ce qui conduit à un phénomène de concurrence territoriale et d’incitation à la construction de zones d’activités par les communes.

Dans ce contexte, le positionnement des élus varie, principalement en fonction des territoires et des activités qui se présentent :

  • En zones tendues : Malgré des prix de sortie élevés, le coût d’acquisition du foncier est souvent trop important pour absorber les coûts de dépollution et de réhabilitation inhérents à ce patrimoine immobilier. Sans modèle économique équilibré, comment finance-t-on la mixité fonctionnelle souhaitée par les élus ?
  • En zones détendues : très forte concurrence entre les territoires qui fait qu’il est difficile d’avoir un droit de regard sur les entreprises qui s’installent (nombre et type d’emplois, flux, type d’activité…) et de pousser les porteurs de projet à la qualité (architecturale et environnementale).

Dès lors, comment le ZAN peut-il représenter une opportunité pour que les collectivités et les opérateurs économiques privés trouvent de nouvelles façons de collaborer dans le sens de l’ambition territoriale ?

I) Volonté de réindustrialiser la France

Comme expliqué en début d’article, la France a connu une désindustrialisation progressive à partir des années 1970. La crise du Covid-19 en 2020 a mis en lumière l’absence de production industrielle dans des secteurs stratégiques sur le territoire national. Les ruptures d’approvisionnement et la tension sur certains matériaux ont souligné la nécessité d’implanter des industries dans les territoires, qui sont également créatrices d’emplois directs et indirects et sources de rentrées fiscales pour les collectivités.

La volonté d’accompagner la réindustrialisation de la France a été consacrée par le Plan France 2030[62] doté de 100 milliards d’euros et issu du Plan de Relance, qui cherche à « recréer des emplois industriels, rattraper notre retard dans certains secteurs historiques, et de donner un temps d’avance à la France en créant de nouvelles filières industrielles et technologiques. »

La réhabilitation des friches existantes est un moyen de réindustrialiser les territoires sans les artificialiser. Cependant, les friches sont historiquement majoritairement au nord et à l’est de la France alors que la demande en foncier a glissé vers l’ouest et le sud du pays, où sont installées les entreprises du secteur aéronautique et spatial. Le besoin en foncier des industriels a changé[63] : ce ne sont plus uniquement les critères géographiques ni le prix du foncier qui sont pris en compte mais également la disponibilité du terrain, la possibilité de commencer la production en 10 ou 15 mois ainsi que la présence d’un écosystème à proximité (bassin d’emploi, lieux de formation, compétences techniques sur la technologie, mobilité verte)[64] . Compte-tenu de tous ces éléments, le marché foncier des friches reste relativement tendu.

La désindustrialisation laisse en héritage un parc de friches considérées comme des « dettes environnementales » avec des coûts de dépollution élevés et des équilibres financiers difficiles à trouver dans les opérations de recyclage foncier. Avec les objectifs du Zéro Artificialisation Nette, ces dernières deviennent des ressources pour les territoires à condition de respecter certaines conditions et évolutions du marché.

Propositions :

  1. Créer un observatoire prospectif pour croiser les bases de données foncières avec la réalité des secteurs économiques
  2. Développer une fiscalité dédiée pour financer le recyclage des friches par les acteurs publics
  3. Gérer le temps de recyclage des friches

De nombreux experts se sont exprimés sur les modalités permettant de réussir la réhabilitation de friches industrielles.

Proposition 1 : Créer un Observatoire Prospectif qui permet de croiser les bases de données foncières avec les besoins et prévisions de croissance des secteurs économiques

La bonne connaissance des potentialités du territoire et des besoins des industriels est un préalable indispensable. Un tel observatoire aura vocation à :

  1. recenser les ressources foncières et immobilières du parc de friches hérité ;
  2. qualifier les friches (niveau de pollution, dureté foncière, coût, caractéristiques pour des activités potentielles) et à réaliser leur « carnet de santé » ;
  3. scénariser des recyclages adaptés au projet de territoire (quelle activité souhaite-t-on accueillir ?) et aux demandes des acteurs économiques (quels porteurs de projet ont manifesté leur intérêt ?) ;
  4. classer les friches selon une échelle de mutabilité qui croise le coût et le bénéfice (écologique, environnemental, économique) pour le territoire et ses acteurs.

Proposition 2 : Développer une fiscalité dédiée pour financer le recyclage des friches par les acteurs publics

Fiscalité sur les nouvelles constructions : Proposition de changer l’assiette de la taxe d’aménagement au regard du nombre de mètres carrés nouvellement artificialisés (et non plus sur la surface de plancher et de sa nature). Les zones d’activités sont constituées d’une importante surface non bâtie mais tout de même artificialisée (stationnement, stockage, quais de livraison, circulation et zone de giration des poids lourds). Par exemple, en Ille-et-Vilaine, 53 % en moyenne de la surface totale du permis d’aménager est occupée par des surfaces imperméabilisées[65]. Nous recommandons alors d’introduire une variabilité de la taxe d’aménagement en fonction d’indices de qualité des sols ou de disponibilité du sol.

Cependant, chaque secteur d’activité répond à des règles génériques de fonctionnement qui imposent une inscription dans la parcelle. Il faut donc cibler des règles particulières en fonction de chaque type d’activité. Une taxe d’aménagement avec cette assiette n’aurait qu’une incidence limitée sur le secteur logistique qui a des surfaces bâties majoritaires.

Le choix d’implantation d’une activité plutôt qu’une autre doit aussi reposer sur le choix des élus qui portent un projet de territoire. Cela peut se matérialiser par un cahier des charges plus exigeant que le seul PLU, d’autant plus essentiel qu’il faut désormais considérer que les entreprises qui s’installent aujourd’hui seront beaucoup moins mobiles que précédemment et que leur implantation et sa qualité doivent être pensées dans la durabilité.

[ENCART : portrait de territoire Troisième Couronne Métropole qui en a assez d’être un territoire servant (spécialisé en logistique)]

Depuis l’installation de l’entrepôt Amazon sur près de 10 hectares, les choses ont changé. Le territoire estime avoir assez donné. C’est vrai qu’il est tenu par un contrat avec l’État, celui de recréer 1 000 emplois à la suite de la fermeture de l’ancienne base aérienne militaire, la n°217. Cela s’ajoute à l’impression d’être un territoire servant de Paris, qui doit irriguer la capitale des flux matériels venus de l’extérieur, à grosse dose de logistique.

Les élus rechignent de plus en plus à autoriser de nouvelles installations logistiques :

  • Trop de flux de poids-lourds, alors que les infrastructures sont déjà surchargées ;
  • Trop peu d’emplois qualifiés, alors que tous les cadres transitent déjà en nombre vers la capitale chaque matin ;
  • Trop peu de valeur ajoutée créée sur le territoire, alors que ces entreprises fonctionnent avec l’extérieur grâce au réseau routier dense. D’un côté, Paris qu’il faut livrer et de l’autre, les régions qui fournissent.

Pour les autres entreprises, des critères émergent, sans pour autant prendre la forme d’un cahier des charges strict : densité d’emplois, avec taux d’emplois qualifiés ; nombre de flux sortants/entrants ; activité productive et de transformation ; certification environnementale etc.

Les candidats sont tout de suite moins nombreux et les élus prennent le risque de voir les entreprises s’installer dans l’agglomération voisine ou plus lointaine. Qu’importe, les terrains disponibles deviennent rares, les courtiers en ont bien conscience, et il n’est jamais trop tôt pour placer l’ambition.

Sur les locaux existants : nous proposons de créer une taxe sur la vacance des locaux d’activité, afin d’inciter les propriétaires à céder leur bien lorsqu’il n’est plus en activité à d’autres opérateurs qui cherchent à se développer. Cette taxe pourrait être pensée sur le même modèle que la taxe sur la vacance résidentielle[66]. Chaque local commercial vacant depuis au moins un an au 1er janvier de l’année d’imposition serait concerné. Néanmoins, cette taxe devrait s’appliquer sur tout le territoire et non uniquement dans les zones tendues.

Proposition 3 : Gérer le temps de recyclage des friches

Une des difficultés majeures dans le recyclage des friches est liée au temps. Le temps de recyclage d’un ancien site industriel se compte en années du fait de la fébrilité des investisseurs et de la complexité opérationnelle et réglementaire. Pourtant, les acteurs économiques ont besoin de s’installer en 10 à 15 mois.

Pour les nouveaux entrants : Les industriels sollicitent les collectivités pour trouver des sites livrés dans les 15 mois suivants.

Afin de répondre à cette demande, la collectivité doit être capable de proposer des projets clé en main et d’assurer le portage, la réhabilitation et la commercialisation du site.

Pour ce faire, les collectivités doivent être accompagnées par une foncière pour pouvoir réaliser les procédures environnementales en amont (formule du tiers demandeur) et délivrer des permis prêts à construire.

Pour les opérateurs présents sur le territoire mais dont l’activité est fragilisée/en déclin/en restructuration :

Les collectivités doivent être en mesure de faire un travail en amont avec les industriels qui vont partir pour anticiper la réindustrialisation du site : dans la majorité des cas, les industriels ne partent pas totalement et cherchent à optimiser leur site. Par exemple, ayant annoncé la fin de la production de voitures neuves en 2025 sur le site de Flins (Yvelines), l’entreprise Renault réorganise son site pour en dédier une partie à des activités d’économie circulaire avec des anciennes voitures.

[ENCART : Portrait de territoire : Vire Normandie]

La commune de Vire Normandie est une commune nouvelle d’environ 16 000 habitants qui est née du regroupement de 8 communes, comme cela est permis depuis la loi de Réforme des Collectivités Territoriales du 16 décembre 2010.

Ce regroupement témoigne d’une véritable volonté de constituer un budget et des compétences plus conséquents afin de mener une stratégie territoriale. Les élus sont inquiets par la ZAN car ils représentent des communes ayant très largement consommé leur surface agricole ces dix dernières années au sein du département, principalement à cause des logements individuels.

Ils sont d’ores et déjà engagés dans une politique de développement urbain qui s’attaque à l’image du bocage avec la maison individuelle … mais les mentalités ne changent pas comme ça et le territoire a un déficit d’habitants par rapport aux emplois.

Le territoire bénéficie d’un tissu économique en bonne santé, avec des entrepreneurs locaux très dynamiques. Alors sur ce sujet aussi, la collectivité, qui cultive son réseau d’acteurs économiques, a des idées pour répondre à la demande des nouvelles entreprises qui veulent s’installer ici, par économie d’agglomération. Elle connaît un certain nombre de locaux vacants, industriels ou commerciaux, que les propriétaires ne veulent pas louer, vendre ou transformer, puisqu’il s’agit d’un investissement amorti pour eux et qui ne leur coûte pas grand-chose. Il faudrait réfléchir à instaurer une taxe sur les locaux vacants, comme il en existe une pour les logements, afin de conduire ces propriétaires à trouver des preneurs.

II ) Une volonté commune d’offrir un nouveau souffle de vie aux centres-villes, en particulier la revitalisation des centres-bourgs

  1. Commerce

Le constat d’une dévitalisation des centres-villes n’est pas nouveau. Néanmoins, la destruction des surfaces commerciales en cœur de ville a connu une dynamique alarmante à partir de 2010. En 2017, 62 % des villes enregistrent un taux de vacance commerciale supérieur à 10 %, contre seulement 10 % en 2001[67]. La dévitalisation commerciale n’est pas tant la cause de la perte du dynamisme des villes que son symptôme[68]. L’émergence et le développement de ce fléau urbain s’explique, en partie, par la propension des politiques publiques locales à intégrer insuffisamment le commerce au cœur de leurs priorités. Bien souvent, les plans d’actions sur la circulation, le stationnement, la piétonisation, ou encore le sentiment de sécurité, sont pensés sans intégrer les contraintes intrinsèques aux commerces qui sont indispensables à leur implantation et leur exploitation. Intégrer une orientation commerce à l’ensemble des politiques publiques urbaines semble être une nécessité pour restaurer l’attractivité des centres-villes. Toutefois, les facteurs associés à la vacance commerciale sont bien plus nombreux que ceux retenus dans le débat public (taux de chômage, revenu médian, taux de vacance des logements, diminution du logement résidentiel, existence d’une offre de soins et d’équipements suffisante…)

Si l’offre commerciale des centres-villes s’étiole, celle des villes se renforce et particulièrement dans les villes de tailles intermédiaires (VTI[69]). Les villes de cette envergure ne perdent pas de surfaces commerciales mais subissent une dynamique de délocalisation et de transfert dans les zones détendues de leur propre aire urbaine[70]. Cette tendance impacte massivement le taux d’artificialisation de ces ensembles de communes. Ainsi, chaque année de 2009 à 2015, leurs centres-villes perdent 600 établissements et 3500 emplois salariés. Sur la même période, ces mêmes agglomérations connaissent une augmentation de 100 établissements et 1600 salariés par an[71].

Toutefois, ce diagnostic n’intègre pas les modifications des modes de vie et consommations amorcées avant 2020 et cristallisées par la crise sanitaire. Face aux difficultés rencontrées par leurs populations urbaines pendant cette période, il est apparu prioritaire de rendre à ces centres-villes des commerces répondant aux besoins essentiels de la population. Cet objectif est massivement repris dans les promesses de campagne des candidats aux municipales de 2020, dans les villes en proie à la vacance commerciale.

Par ailleurs, les grandes surfaces n’attirent plus autant les investisseurs. Les surfaces occupées par des centres commerciaux poursuivent leur déclin depuis 2015, qui s’accélère chaque année[72]. Les acteurs commerciaux dont le modèle repose sur les transferts et les restructurations de sites en série auront de plus en plus de difficultés à assumer la création de nouveaux bâtiments, souvent très proches des anciens, au prétexte d’une meilleure organisation. Avec l’impératif du ZAN, les activités commerciales de périphérie seront moins mobiles et devront se concentrer sur la valorisation de leur site existant. Le changement de modèle commercial en cours, appuyé par les contraintes nouvelles de la Loi Climat et Résilience, est l’opportunité de réaliser cette volonté commune d’offrir un nouveau souffle de vie aux centres-villes.

Les dispositifs visant à revitaliser les centralités urbaines (« Action cœur de ville », « Petites villes de demain ») montrent des résultats plutôt convaincants sur ce mode de faire qui accompagne les collectivités à penser « projet urbain » et proposant un financement multi-partenarial. La lutte contre le transfert des commerces en périphérie et l’artificialisation induite doit s’appuyer sur les politiques publiques territoriales qui émergent dans ces dispositifs et qui gagneraient à être généralisées.

Enfin, l’impact du commerce sur l’artificialisation des sols ne se réduit pas au maintien et à la relocalisation de commerces de proximité. Il doit intégrer l’impact des infrastructures nécessaires à logistique du dernier kilomètre et des nouveaux modes de consommations

  1. L’activité productive

Les projets urbains en milieu dense ont largement intégré la mutation de l’économie (innovation, émergence de start-up, tertiarisation,…) avec des produits immobiliers dédiés. En revanche, l’immobilier dit « productif » est le maillon manquant de la mixité fonctionnelle souhaitée dans les opérations d’aménagement. Plus de 30 hectares de foncier productif disparaissent chaque année en Île-de-France[73] au profit d’autres usages, entraînant un report des activités productives en seconde couronne. La pression sur la production de logements, accentuée par leur manque et les obligations de construction, polarise le secteur sur les opérations de logements dont la rentabilité est supérieure. Ce phénomène se retrouve dans l’ensemble des métropoles françaises et révèle un angle mort des politiques publiques territoriales pour maintenir les activités productives dans le tissu urbain dense et sur des emplois liés. L’impact carbone de ce desserrement des activités économiques souligne l’urgence à agir pour la planification de parcs d’immobilier productif métropolitains et régionaux.

Malgré la mobilisation des acteurs de l’aménagement, les multiples tentatives d’insertion d’activités productives dans les opérations d’aménagement peinent à attirer les petites activités ou à les maintenir durablement dans les locaux réhabilités comme neufs. Les facteurs explicatifs sont les mêmes que ceux qui poussent les entreprises productives à se délocaliser en grande périphérie, à savoir :

  • des prix de sortie qui restent trop importants malgré la volonté de chercher une péréquation entre le logement et l’activité ;
  • une sensibilité accrue des habitants et des élus aux nuisances entraînées par les activités et particulièrement à la circulation des camions en ville ;
  • l’engorgement des réseaux routiers avec les voitures individuelles lié à la croissance urbaine qui pèse fortement sur les activités du bâtiment (second œuvre et rénovation) ;
  • les disponibilités foncières plus importantes en grande périphérie ;
  • l’obsolescence d’une partie du parc immobilier industriel et productif en centre ou en première couronne qui ne répondent plus aux exigences normatives des activités et au règlement d’hygiène et de sécurité permettant une mixité programmatique (activité/logement).

La raréfaction des opportunités foncières, renforcée par l’objectif du ZAN, accentue l’intérêt d’intégrer des activités productives dans les tissus existants. Aussi, en quoi la ZAN représente-t-elle une opportunité pour que les acteurs économiques se saisissent de ces produits ? Comment les inciter ?

Le ZAN offre un puissant levier réglementaire pour concevoir des politiques publiques incitatives pour que les acteurs du commerce et de l’activité économique s’insèrent dans les tissus urbains constitués. Le préalable à ce retour à la ville est la définition et la réalisation des conditions d’accueil nécessaires aux activités économiques pour une ville densifiée, accueillante et dynamique.

Autrement dit, cela pose deux grandes questions :

Comment faire en sorte que la ville soit accueillante pour les activités afin que les investisseurs et entrepreneurs ne les installent pas en périphérie et concourent à l’extension urbaine ?

Comment cesser de spécialiser les territoires en développant une autre politique d’accueil de l’offre économique ?

Propositions

  1. Créer un observatoire prospectif du foncier productif
  2. Renforcer les outils règlementaires et la planification en facteur d’une ville productive
  3. Application du ZAN, un point de bascule pour développer un marché de la réhabilitation de l’immobilier productif.

Proposition 1 : Observatoire prospectif du foncier productif

Cette proposition décline l’observatoire prospectif de la partie A sur l’immobilier productif afin de croiser les bases de données foncières avec la réalité des secteurs économiques. La bonne connaissance des potentialités du territoire et des besoins des industriels est un préalable indispensable pour construire une nouvelle planification de l’activité économique où les objectifs environnementaux et sociaux président.

Proposition 2 : Renforcer les outils réglementaires et la planification en faveur d’une ville productive

La mise en place d’une politique publique pour le soutien aux activités engage les collectivités territoriales à envisager une échelle d’action plus fine de leurs outils de planification.

Les objectifs de la révision de ces documents doit assurer l’évolution et la préservation des bâtiments existants en lien avec une destination productive. En effet, les classifications des PLU et PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) ne prévoient pas de zonage expressément réservé aux activités économiques. De fait, les bâtis les plus modulaires disposant de facilités d’accès pour la livraison et de places de stationnement, seront phagocytés par les implantations et les transferts de commerces de zones commerciales.

Nous proposons d’intégrer la destination « activités » dans les règlements des Plans locaux d’urbanisme avec une arborescence de sous-catégories qui permettront aux collectivités d’encadrer l’occupation des sols en continuité avec une politique pour le maintien et le développement des activités productives en ville.

Cette proposition fait l’objet d’une expérimentation à Vitry-sur-Seine depuis 2019. La collectivité conduit depuis plus de 20 ans un projet urbain engageant une profonde mutation des formes urbaines et des occupations du sol. Pour préserver son identité productive en réponse aux tensions foncières et ses mutations à vocation résidentielle, la ville a fait évoluer son approche de la planification pour pérenniser les capacités d’accueil d’activités économiques, en particulier productives et industrielles. Cette planification s’appuie sur nouvelle classification très prescriptive qui spatialise l’usage à la parcelle avec une palette suffisamment flexible pour assurer la liaison entre les quartiers et éviter de reproduire les écueils d’un urbanisme fonctionnel.

Extrait PLU Vitry-sur-Seine, 2019

Une approche projet est nécessaire pour concrétiser une évolution des outils de planification. Elle se traduit par une association étroite des équipes en charge de la fabrique de la ville (développement économique, du foncier, de l’urbanisme réglementaire et de l’aménagement) sur l’identification des îlots existants qui accueillent de l’activité et des îlots projetés au sein des opérations d’aménagement. Ce fin travail de recensement encadre la préservation et l’évolution des bâtiments existants en lien avec une destination productive précise. L’approche est la même pour ce qui concerne le développement des activités productives par la réalisation de programmes immobiliers neufs en milieu urbain mixte.

Proposition 3 : Application du ZAN, un point de bascule pour développer un marché de la réhabilitation de l’immobilier productif

L’inadéquation de l’offre face à la pression de la demande en immobilier d’activités doit être considérée comme une opportunité de marché où l’application du ZAN serait le point de bascule.

L’intérêt à agir pour les acteurs de l’investissement immobilier est certain. Toutefois, il doit être amplifié par des mesures incitatives et un accompagnement nouveau des collectivités territoriales.

Des gisements fonciers et immobiliers sont déjà disponibles, mais nécessitent parfois simplement d’être restructurés et remis aux normes pour constituer des solutions d’accueil adaptées pour les entreprises dites « productives ». Le parc d’actifs immobilier productif et industriel du XXe est courtisé par les investisseurs et les foncières pour ses qualités intrinsèques. En effet, ces actifs qu’ils considèrent comme alternatifs ou non conventionnels, présentent un intérêt nouveau dans une logique de diversification de l’exposition au risque de leur portefeuille. De plus, la mixité programmatique et la diversité des porteurs de projets (locaux et internationaux) dans ces sites permettent de fabriquer une certaine résilience globale des activités. L’homogénéité des porteurs et des franchisés dans les centres commerciaux traditionnels sont plus exposés aux événements boursiers et internationaux. Des opérations de réhabilitation proposant ce type de programmation se sont largement développées avec les modèles opérationnels public/privé tels que « Imaginer la Métropole du Grand Paris » (IMPG) ou « Réinventer Toulouse / Paris ». Les collectivités doivent désormais être en mesure d’accompagner les investisseurs qui appréhendent la commercialisation de ces locaux non standardisés et la solvabilité de preneurs issus de l’ESS, de l’urbanisme transitoire. Des mesures d’accompagnement sur le financement de la rénovation et de l’amélioration de la performance énergétique des locaux économiques ou de couverture du risque locatif pourraient diminuer la tension entre l’offre et la demande et encourager les acteurs à créer un véritable marché de la réhabilitation des friches d’activités.

Conclusion

La France possède un parc de friches industrielles et de zones d’activités issu majoritairement du début du XXe siècle. Ces dernières décennies, nos territoires ont produit de futures friches commerciales et résidentielles (pavillons, grands ensembles…) que nous devrons traiter à l’horizon 2050. S’assurer de ne pas construire des « ruines à l’envers »[74] est une obligation qui incombe aux collectivités. Nous devons aujourd’hui penser à la mutation de ces friches en devenir et anticiper les modèles économique et opérationnel de reconversion. Un observatoire ne doit pas être un inventaire statique, c’est un outil permettant de détecter les friches en gestation. Cependant, un blocage persiste puisque des modèles économiques plus rentables ont conduit à réhabiliter des friches industrielles pour des usages non industriels, tels que des écoquartiers ou des zones commerciales. En attendant de trouver de nouveaux modèles économiques, réhabiliter des friches industrielles pour accueillir des activités de production est un vrai choix politique qui nécessite de fédérer des acteurs industriels.

Nous alertons également quant à la difficulté de faire muter des friches, qui a pu parfois être minimisée par le lancement en fanfare d’appels à manifestation d’intérêt. Les friches sont une ressource pour certains territoires mais chaque situation est unique et doit être pensée selon le contexte du territoire et le montant d’investissements publics mobilisables.

Nous attirons également l’attention sur les risques d’une réindustrialisation tous azimuts. Pour produire quoi ? Dans quel but ? Avec quelles matières premières et ressources ? Est-ce que le territoire dispose de ces ressources ? La chercheuse Anaïs Voy-Gillis met en garde sur les risques de décalage entre les territoires et les ressources tout en rappelant que la réindustrialisation peut aussi être un moyen de faire monter en gamme certains produits. Par exemple, l’industrie agroalimentaire peut être un moyen de faire monter en gamme les produits bruts agricoles produits aux alentours, créant de la valeur et valorisant la dimension agricole du territoire réindustrialisé.

La logistique échappe aux logiques territoriales et au tissu économique local. Ce sont des acteurs économiques internationaux qui s’implantent selon des axes de circulation majeurs. Comme évoqué dans la proposition sur la fiscalité, le développement d’activités logistiques articule des problématiques alliant commerce, consommation et artificialisation sans création significative d’emplois à l’hectare. Agir sur la logistique nécessite une réglementation propre dans le décret d’application et une réglementation nationale qui peut passer par le commissariat général à la planification. Dans une récente tribune, Pierre Veltz et David Djaïz ne disaient pas autre chose en appelant de leurs vœux à « revenir à une forme de planification stratégique et spatiale ». [75]

En dernier recours, les obligations de compensation dans la séquence ERC (Éviter, réduire, compenser) s’appliqueront aux sites de logistiques qui viendront financer des opérations de renaturation proches.

Conclusion finale du rapport

S’engager dans un développement territorial et urbain soutenable est un objectif qui semble partagé par les acteurs qui font la ville et les territoires, que ce soit les élus ou les acteurs privés.

Bien que les ambitions soient globalement partagées par les acteurs, le chemin pour y parvenir est difficile à tracer puisqu’il nécessite de sortir des cadres de pensée et de faire que nous connaissons. Les décrets sur la nomenclature des sols et sur la déclinaison des objectifs régionaux de réduction de la consommation d’espace étaient très attendus et sont parus au Journal officiel le 30 avril 2022.

Principaux enjeux des décrets

Suite à leur publication, nous avons repris contact avec les différents acteurs interrogés dans le cadre de ce rapport. Les réactions sont de plusieurs ordres.

Tout d’abord, le manque d’écoute et la non-prise en compte des retours suite à la consultation sont soulignés. Par exemple, la liste des critères pour décliner l’objectif régional a été réduite de moitié et ne comprend plus l’effort passé de réduction de la consommation foncière par rapport à la version du décret soumise à la consultation publique. La conduite de ce chantier va nécessiter plus d’écoute, d’accompagnement et de dialogue.

Deuxièmement, les acteurs regrettent une forme de régression sur l’exigence en termes de fonctionnalité des sols, à travers notamment la classification des carrières en espaces non artificialisés. En effet, quel que soit le type d’exploitation, ces activités impliquent généralement un décapage des terres de couverture pour extraire le gisement.

Des sujets juridiques ont également été relevés.

Concernant le décret sur la nomenclature, l’application est immédiate, il concerne donc les documents qui traiteront de la question de l’artificialisation pour la période 2031-2041. Or, les données de l’OCSGE (occupation du sol à grande échelle) ne seront disponibles qu’à partir de 2024 pour toute la France. Tous les documents qui seront approuvés avant n’auront pas le temps de s’approprier techniquement les résultats de l’OCSGE. Les collectivités et les régions devront donc appliquer une nomenclature dont les données sont indisponibles. De plus, il existe des flous techniques, telle que la notion de polygone apparue avec la consultation publique : « l’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme. » L’État a voulu asseoir la nomenclature sur un outil d’observation qui n’est pas encore disponible alors que le calendrier de mise en œuvre de la loi est très court pour les collectivités. L’inexpérience dans l’utilisation de l’outil risque d’être sujet à de nombreux contentieux pour les procédures des 25 000 documents concernés et particulièrement pour les collectivités peu dotées en ingénierie.

Concernant le décret sur les SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), l’inscription de « cible » par SCoT (Schéma de cohérence territorial) peut poser un problème constitutionnel de tutelle d’une collectivité sur une autre, d’autant plus que législativement la gestion économe du foncier et la lutte contre l’artificialisation est une compétence du bloc local dans le cadre de l’élaboration ou la révision de leur SCoT et leur PLU/PLUI.

De notre point de vue, le chemin est d’autant plus difficile à tracer que nous manquons d’un récit politique autour du ZAN, qui viendrait dessiner un horizon souhaitable et désirable. Aujourd’hui, le ZAN ce sont des objectifs quantitatifs, des tableaux de nomenclature des sols, des données et des définitions techniques. Mais quel est le projet de société qui guide ces objectifs sectoriels chiffrés ? Que signifie vivre en France en 2050 ? Où vit-on, où travaille-t-on, comment se déplace-t-on et consommons-nous ?

Réduire l’artificialisation des sols implique un changement de paradigme, c’est-à-dire de faire avec l’existant en partant des dynamiques démographiques et économiques réelles et non fantasmées ainsi que des ressources produites sur le territoire.

Il nous semble que nous sommes collectivement pris dans un imaginaire du territoire attractif, qui attire de jeunes ménages et des entreprises de pointe par la construction de logements et de zones d’activités économiques.

C’est pourquoi ce rapport s’est fixé pour objectif de montrer qu’un développement harmonieux est possible sans artificialisation nette. Nous pouvons répondre aux besoins en logements, attirer des entreprises, réindustrialiser la France, proposer des services aux habitants sans artificialiser plus que ce que nous sommes en mesure de renaturer. Car l’attractivité n’est pas forcément un horizon souhaitable pour tous les territoires. Un autre développement est possible, qui prend en compte l’existant et qui s’appuie sur des dispositifs déjà en place.

De plus, d’autres récits sont en cours de narration et posent des défis aux territoires : la neutralité carbone ou la revitalisation des territoires par exemple. Ces objectifs ont un effet d’entraînement mutuel. Le ZAN est une opportunité pour atteindre la neutralité carbone puisqu’il conduit à densifier et relocaliser les activités humaines autour de pôles régionaux ce qui limite les déplacements et donc la consommation énergétique.

Enfin, pour construire un projet de territoire tourné vers l’intérêt général et qui soit soutenable, la maîtrise du foncier est un prérequis indispensable. Pour organiser un rééquilibrage territorial, nous devons repositionner le foncier au cœur des politiques d’aménagement du territoire, passer du « sol foncier » aux « sols vivants », avec des droits et des devoirs qui consacrent leur statut de bien commun, et non plus réguler le marché a posteriori.

Remerciements

Nous remercions chaleureusement l’ensemble des personnes que nous avons interviewé dans le cadre de cette note, leurs avis et perspectives ont été essentielles pour la constitution de ce dossier.
La plupart d’entre elles et d’entre eux sont issus de collectivités territoriales, à des niveaux politiques ou techniques mais aussi d’agences d’urbanisme, d’entreprises privées ou du monde académique.
Nous remercions également les membres de l’Institut Rousseau ainsi que Charles Claron pour leurs relectures et commentaires.

[1]https://www.leparisien.fr/politique/la-maison-individuelle-non-sens-ecologique-emmanuelle-wargon-revient-sur-ses-propos-polemiques-19-10-2021-ZOWJFQBDQVHFJI5KB5ZJD24TC4.php?ts=1651830825713 (consulté le 03/09/2022)

[2] Enquête Teruti-Lucas, enquête annuelle réalisée par les services statistiques du ministère en charge de l’agriculture ayant pour objectif de suivre l’évolution de l’occupation et de l’usage des sols sur tout le territoire national.

[3] Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924 (consulté le 03/09/2022)

[4] Ici, la compensation désigne le fait de contrebalancer les impacts négatifs d’un projet en renaturant des sols artificialisés dans un autre endroit.

[5] Il convient ici de mentionner que la renaturation, telle quelle, est une inexactitude : on ne restaure pas d’un coup, en un temps court, 100 % des fonctions écosystémiques d’un sol naturel. En réalité, on restaure, progressivement, une partie des services écologiques rendus par un sol vivant, en le désartificialisant et en mettant en œuvre certaines techniques. Mais le sol n’est pas une carte noire qu’on pourrait retourner pour en faire une carte verte en retirant une fine couche de béton.

[6] Voir https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727041 et https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727061 (consultés le 03/09/2022)

[7] Article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme

[8] Voir https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols (consulté le 03/09/2022)

[9] Décret sur la nomenclature des sols : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727061 (consulté le 03/09/2022)

[10] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924 (consulté le 03/09/2022)

[11] Voir : https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr (consulté le 03/09/2022)

[12] Voir : « Montagne et changement climatique : la Nature déboussolée », https://www.atlasmontblanc.org/survoler/ (consulté le 03/09/2022)

[13] L’enquête Teruti-Lucas précise que l’artificialisation s’est fait au ⅔ sur les terres agricoles et à ⅓ sur les espaces boisés et naturels.

[14] Voir: Grenier d’abondance, « Qui veille au grain, du consensus scientifique à l’action publique », https://resiliencealimentaire.org/ (consulté le 03/09/2022)

[15] Voir : https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/index.php/kiosque/2021-2022-rapport-cahier-1-demo-chap-01-03-dune-france-rurale-une-france-urbaine-les (consulté le 03/09/2022)

[16] Stébé, J. (2020). La préférence française pour le pavillon. Constructif, 57, 25-28 https://doi.org/10.3917/const.057.0025 (consulté le 03/09/2022)

[17] M. Alban Chalandon fut ministre de l’Équipement et du Logement et l’auteur en 1971 du Plan Chalandon pour l’accès des plus modestes à la propriété individuelle par la construction de maisons individuelles bon marché.

[18] Defawe, P. (2006). « Nicolas Sarkozy veut faire de la France ‘un pays de propriétaires’ », Le Moniteur. https://www.lemoniteur.fr/article/nicolas-sarkozy-veut-faire-de-la-france-un-pays-de-proprietaires.1267524 (consulté le 03/09/2022)

[19] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000501076 (consulté le 03/09/2022)

[20] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000888376 (consulté le 03/09/2022)

[21] PUMAIN, D. , GUÉROIS, M. , et PAULUS, F., « L’étalement urbain en France », GéoProdig, portail d’information géographique, http://geoprodig.cnrs.fr/items/show/202771 (consulté le 03/09/2022)

[22] L’enquête Teruti-Lucas (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) est une étude mesurant l’artificialisation basée sur des observations de terrain et une extrapolation statistique.

[23] L’enquête Teruti-Lucas sur l’usage des sols artificialisés en France Métropolitaine, reposant sur les données de 2014 aboutit aux résultats suivants : 48 % routes et parkings / 31 % gazons, jardins / 18 % bâtiments / 3 % sols nus.

[24]https://www.leparisien.fr/politique/la-maison-individuelle-non-sens-ecologique-emmanuelle-wargon-revient-sur-ses-propos-polemiques-19-10-2021-ZOWJFQBDQVHFJI5KB5ZJD24TC4.php?ts=1651830825713 (consulté le 03/09/2022)

[25] SAFER – Le prix des terres https://www.safer.fr/app/uploads/2020/05/3-2020-SYNTHESEPDT2019-BD.pdf (consulté le 03/09/2022)

[26] https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-pilotes-de-sobriete-fonciere-guide-de-la-demarche-560 (consulté le 03/09/2022)

[27] https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-rapport-en-francais-1.pdf (consulté le 03/09/2022)

[28] Article L110-1 du code de l’environnement. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038845984/ (consulté le 03/09/2022)

[29] Compensation par l’offre proposée par la CDC Biodiversité ou encore compensation à la demande. https://www.cdc-biodiversite.fr/actualite/cdc-biodiversite-obtient-lagrement-du-1-er-site-naturel-de-compensation-de-france-pour-cossure/ (consulté le 03/09/2022)

[30] PCC, 2022 : Summary for Policymakers. In : Climate Change 2022 : Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. C.10.3. https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf (consulté le 03/09/2022)

[31] CEREMA (2020) L’artificialisation et ses déterminants d’après les Fichiers fonciers, https://datafoncier.cerema.fr/lartificialisation-et-ses-determinants (consulté le 03/09/2022)

[32] Projections démographiques du ministère du Logement

[33] Projections démographiques du ministère du Logement

[34] Fondation Abbé Pierre (2022), 27e rapport sur l’état du mal logement en France, https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/27e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2022, (consulté le 03/09/2022)

[35] « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse », a déclaré Emmanuelle Wargon, le 14 octobre 2021, à la Cité de l’architecture, en clôture de la démarche Habiter la France de demain qu’elle avait initiée en février.

[36] Rapport de la Fabrique écologique : les défis de la lutte contre l’artificialisation des sols, https://www.lafabriqueecologique.fr/les-defis-de-la-lutte-contre-lartificialisation-des-sols/ (consulté le 03/09/2022)

[37] Consultation en ligne de la consultation citoyenne « Habiter la France de demain » organisée par le secrétariat à la transition écologique

[38] Rapport Rebsamen : Commission pour la relance durable de la construction de logements https://www.vie-publique.fr/rapport/281590-relance-de-la-construction-de-logements-rapport-rebsamen (consulté le 03/09/2022)

[39] La ville du quart d’heure, une solution à l’asphyxie des grandes métropoles ? https://usbeketrica.com/fr/article/la-ville-du-quart-d-heure-une-solution-a-l-asphyxie-des-grandes-metropoles (consulté le 03/09/2022)

[40] Rapport Rebsamen : Commission pour la relance durable de la construction de logements, cf note 38

[41] Le logement face à la crise sanitaire : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/note_covid_v2.pdf (consulté le 03/09/2022)

[42] L’enquête « Habiter la France de demain » révèle que 80 % des répondants désirent un logement individuel. https://www.ecologie.gouv.fr/habiter-france-demain (consulté le 03/09/2022)

[43] Cottin-Marx, S. (2015). À propos du livre d’Anne Lambert, « Tous propriétaires ! ». L’envers du décor pavillonnaire, Paris, Seuil, coll. « liber », 2015. Mouvements, 84, 173-177. https://doi.org/10.3917/mouv.084.0173 (consulté le 03/09/2022)

[44] https://www.strom.ch/de/energiewissen/stromverbrauch (consulté le 03/09/2022)

[45] Morgane Gonon, Clément Surun et Harold Levrel, 19/10/2021 : « Limiter l’artificialisation des sols pour éviter une dette écologique se chiffrant en dizaine de milliards d’euros » https://theconversation.com/limiter-lartificialisation-des-sols-pour-eviter-une-dette-ecologique-se-chiffrant-en-dizaines-de-milliards-deuros-166073 (consulté le 03/09/2022)

[46] « Comment le petit propriétaire d’un pavillon de banlieue peut résoudre la crise du logement », Lily Munson, 14/03/2022, Terra Nova https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/comment-le-petit-proprietaire-dun-pavillon-de-banlieue-peut-resoudre-la-crise-du-logement/ (consulté le 03/09/2022)

[47] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/programme-action-coeur-de-ville (consulté le 03/09/2022)

[48] https://www.economie.gouv.fr/particuliers/reduction-impot-denormandie (consulté le 03/09/2022)

[49] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/operation-de-revitalisation-de-territoire-ort (consulté le 03/09/2022)

[50] Voir le Plan national de lutte contre les logements vacants, https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants (consulté le 03/09/2022)

[51] Les infrastructures de transport ne sont pas comptabilisées dans les fichiers fonciers.

[52] Les déterminants de la consommation d’espace, période 2009-2019, CEREMA https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/sites/artificialisation/files/inline-files/rapport_V7_2009-2019.pdf (consulté le 03/09/2022)

[53] En valeur relative, les effectifs dans l’industrie sont ainsi passés de 23,7 % à 12 % de la population active à peine entre 1970 et 2014.

[54] François Bost et Dalila Messaoudi, « La désindustrialisation : quelles réalités dans le cas français ? », Revue Géographique de l’Est [En ligne], vol.57 / 1-2 | 2017, mis en ligne le 15 novembre 2017, consulté le 01 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/rge/6333 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rge.6333 (consulté le 03/09/2022)

[55] Repenser la périphérie commerciale, AAP Ministère de la Cohésion des territoires. https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/repenser-la-peripherie-commerciale (consulté le 03/09/2022)

[56] https://www.lafabriqueecologique.fr/les-defis-de-la-lutte-contre-lartificialisation-des-sols/ (consulté le 03/09/2022)

[57] Observer la vacance et les dynamiques commerciales pour faire face à la crise. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CVT_WEbinaire%2024-06-2020_Les%20essentiels.pdf (consulté le 03/09/2022)

[58] Avis sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets. CE, avis du 4 février 2021, point 60 ;

[59] 6,9 % de vacances en Ile-de-France et 4,5 % à Bordeaux. https://www.batiactu.com/edito/bureaux-vacants-a-location-progression-30-ile-france-61616.php (consulté le 03/09/2022)

[60] ADEME, Sophie Ménard, Théo Mouton, David Magnier (CDC Biodiversité), Thomas Cormier, Jean Benet (L’Institut Paris Région). 2021. État de l’art analytique et contextualisé – Objectif zéro artificialisation nette + (ZAN) et contribution de l’ADEME : état de l’art, ressources et plan d’actions. https://www.teddif.org/sites/teddif/files/inline-files/etat-art-zan-ademe_2021.pdf (consulté le 03/09/2022)

[61] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/CVT_Synthese_Webinaire%2024-06-2020_0.pdf

[62] Rapport France 2030, https://www.economie.gouv.fr/files/files/2021/France-2030.pdf (consulté le 03/09/2022)

[63] Conférence du 16 juillet 2022, https://leonard.vinci.com/compte-rendu-la-reindustrialisation-a-lepreuve-de-lobjectif-zero-artificialisation-nette-zan-16-fevrier-2022-hotel-de-lindustrie/ (consulté le 03/09/2022)

[64] Opinion : « Réindustrialisation et Zéro Artificialisation Nette sont-ils compatibles ? », https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-reindustrialisation-et-zero-artificialisation-nette-sont-elles-compatibles-1385164 (consulté le 03/09/2022)

[65] La gestion économe du foncier dans les parcs d’activité. Guide pratique. Octobre 2013.

[66] La base d’imposition correspond à la valeur locative du logement, le taux appliqué variant en fonction de la durée de vacance du logement (12,5 % la 1e année où le logement est imposable, 25 % à compter de la 2e année).

[67] Procos, Palmarès Procos 2018 des centres-villes commerçants les plus dynamiques, 2e édition, https://www.procos.org/images/procos/presse/2018/procos_-cp_palmares-2018-2.pdf (consulté le 03/09/2022)

[68] CGEDD, Rapport d’information n° 676 (2016-2017) de MM. Rémy POINTEREAU et Martial BOURQUIN, fait au nom de la Délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 20 juillet 2017, https://www.senat.fr/rap/r16-676/r16-676_mono.html (consulté le 03/09/2022)

[69] L’Insee définit les villes de taille intermédiaire (VTI) comme les agglomérations qui offrent plus de 5000 emplois. Les agglomérations de plus de 150 000 habitants en sont toutefois exclues.

[70] Point Marché sur l’activité de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France et à Paris dans le secteur des bureaux « MarkertBeat Place IDF », Cushman et walkfied, 2021 ;

[71] Arthur Cazaubiel (division Commerce – Insee), Gaël Guymarc (PSAR Analyse urbaine – Insee), « La déprise du commerce de proximité dans les centres-villes des villes de taille intermédiaire », https://www.insee.fr/fr/statistiques/4248184 (consulté le 03/09/2022)

[72] Id.

[73] Livre Blanc Immobilier Productif – 2021, Grand-Orly Seine Bièvre, Plaine-Commune, Est Ensemble, Grand Paris Sud Est Avenir, Ville de Paris. https://www.est-ensemble.fr/sites/default/files/livret_blanc_immo_productif.pdf (consulté le 03/09/2022)

[74]  Robert Smithson, Une visite aux monuments de Passaic, New Jersey, Artforum, décembre 1967

[75] « Réinventons l’aménagement du territoire ! », Pierre Veltz et David Djaïz, Les Echos, 16 février 2022 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-reinventons-lamenagement-du-territoire-1387447 (consulté le 03/09/2022)

Publié le 27 septembre 2022

Quel développement territorial à l’ère du Zéro artificialisation nette ?

Auteurs

Carla Pont
Conseillère au cabinet de Christophe Najdovski, Adjoint à la Maire de Paris sur les sujets de végétalisation et nature en Ville. Diplômée de Sciences Po Paris, master politiques publiques urbaines et territoriales et de l’Ecole des Ponts et Chaussées en aménagement et maîtrise d’ouvrage urbaine.

Alexiane Zelinsky
Directrice adjointe de cabinet du Maire de Paris Centre, chargée de l’espace public et des mobilités. Diplômée de Sciences Po Paris et de l’Ecole des Mines-ParisTech en ingénierie et gestion de l’environnement.

Hugo Gérard
Hugo Gérard est responsable des événements organisés par l'institut.

Charlotte Caussin
Chargée d’opérations d’aménagement à la SORGEM, un aménageur essonnien, sur des opérations variées, allant du renouvellement urbain à l’extension de zones d’activités. Diplômée de Sciences Po Lille, master Affaires publiques, et de l’Ecole des Ponts et Chaussées en aménagement et maîtrise d’ouvrage urbaine.

Clément Maldonado
Chef de projets aménagement à Plaine Commune. Diplômé de l’IAE de Nice, master Contrôle-Comptabilité-Audit, de l’Ecole des Ponts et Chaussées en aménagement et maîtrise d’ouvrage urbaine et d’une licence d’architecture et d’urbanisme de l’Ecole d’Architecture de la Ville et des Territoires - Paris Est.

Depuis la loi du 13 avril 2013, le taux d’artificialisation des sols est compris dans les 10 nouveaux indicateurs de richesse nationaux. Face à l’état de fait — 9 % du sol français est artificialisé et la dynamique d’urbanisation est quatre fois plus rapide que la dynamique démographique[2] — les lois ALUR (2014), ELAN (2018) et SRU (2000) précisaient déjà la volonté de sobriété foncière et de limitation de l’étalement urbain. La réduction de l’artificialisation est nécessaire pour limiter l’érosion de la biodiversité, garantir le stockage du carbone dans les sols ou encore limiter ruissellements et débordements lors d’intempéries. L’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) est inscrit dans le plan Biodiversité de 2018, mais n’avait, jusqu’à l’adoption de la loi dite « Résilience Climat » de juillet 2021, aucune définition légale ni trajectoire de réduction associée, à l’image de ce qui peut exister pour la réduction des émissions de GES. Quelle vitesse de réduction, quel terme pour le ZAN (2030 ? 2050 ?). Cette question est entrée dans l’agenda législatif à la faveur des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).

Les réactions sont animées lorsque l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des sols à horizon 2050 est abordé avec des élus et des professionnels de l’urbanisme : « Remise en cause de nos modes de faire », « Séisme », « Immense défi », « Révolution », « Ruralicide ». Le constat sur les conséquences de l’artificialisation sont globalement partagées – érosion de la biodiversité, appauvrissement des sols, augmentation du risque d’inondation, menaces sur les terres agricoles – mais tous s’interrogent sur les voies pour y parvenir.

Fixé par la loi du 22 août 2021[3], l’objectif ZAN vise à cesser l’artificialisation des sols à l’horizon 2050, tout en laissant la possibilité de la compenser[4]. Plus qu’un simple rapport comptable, il s’agit de créer de nouvelles méthodes et d’installer de nouveaux réflexes dans la manière de faire la ville et les territoires, en sanctuarisant des espaces naturels et en renaturant des espaces artificialisés[5], tout en garantissant l’accès au logement pour tous et en assurant un développement économique vertueux.

Malgré les éclairages techniques fournis par les deux décrets d’application[6], un flou persiste chez les élus : comment traduire le ZAN dans les politiques publiques ? Comment renforcer l’attractivité de son territoire sans construire sur des terres vierges ? Comment faire pour attirer des jeunes ménages actifs si on ne peut plus leur garantir une maison individuelle avec jardin dans un lotissement ? Comment financer la renaturation d’une friche suite au départ d’un commerce ?

Derrière la figure du « maire bâtisseur » qui, dans sa localité, dispose du foncier et des permis de construire comme ressources pour sa commune, se cache une profonde disparité de moyens en financements, en ressources humaines et en outils, pour mettre en place des politiques publiques efficaces. En effet, si aujourd’hui les prémices du recyclage foncier sont plébiscitées partout, leurs exemples se concentrent seulement dans les grandes villes. Aussi, le ZAN étant posé comme un objectif national, la décentralisation de la sobriété foncière est à engager. Ce dossier se place dans cette perspective : donner aux élus des 35 000 communes françaises des pistes pour que l’objectif national, par ailleurs décliné dans les documents réglementaires de collectivités, puisse trouver une application efficace sur les territoires.

Zéro Artificialisation ?

La définition de l’artificialisation, définie dans la loi Climat et Résilience, explicite une dimension qualitative et le caractère multifonctionnel des sols : « L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage »[7].

Il est important de distinguer l’artificialisation de termes proches : « imperméabilisation » et « urbanisation ». L’imperméabilisation désigne le recouvrement permanent d’un terrain et de son sol par un matériau artificiel imperméable (du bitume par exemple). Or, si tous les sols artificialisés ont été transformés, leur imperméabilisation n’est pas systématique : certains sont « minéralisés », d’autres sont toujours perméables comme les espaces verts le long des routes, par exemple. Un sol peut présenter une belle pelouse, mais être compacté sous une couche de 30 centimètres de sol superficiel. Ainsi, malgré une surface apparemment verte, le sol ne peut pas jouer l’ensemble de ses fonctions écologiques (la compaction empêche l’infiltration des eaux, notamment).

L’urbanisation désigne le processus d’extension des villes et prend autant en compte des espaces urbains denses avec des populations et des activités concentrées que des espaces urbanisés diffus, dans les zones péri-urbaines. L’urbanisation passe par l’artificialisation mais toute artificialisation n’est pas synonyme d’urbanisation.

Derrière les débats de définition se cache un enjeu d’harmonisation de la méthode de calcul de l’artificialisation. Les mesures peuvent venir des données cadastrales, des fichiers fonciers ou de la télédétection. Selon les sources, le volume moyen serait compris entre 16 000 et 61 000 hectares par an[8]. La méthode de calcul est la clé de voûte pour atteindre l’objectif ZAN. Les décrets d’application sont intéressants en ce qu’ils introduisent une nouvelle nomenclature entre les sols considérés comme artificialisés et ceux non-artificialisés[9]. Mais cette nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la loi Climat et Résilience[10] : pendant la période de transition, les objectifs porteront sur la réduction de la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers. C’est donc le mode de calcul surfacique qui s’appliquera au détriment de la nouvelle définition qualitative de l’artificialisation. Les zones perméables dans les villes (jardins, pelouses, friches) ne seront pas prises en compte dans l’enveloppe des terres urbanisées.

Conséquences de l’artificialisation

En 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur le changement climatique et « les terres ». Les scientifiques affirment que les changements d’usage des sols ont des impacts sur le changement climatique, en particulier au niveau de la capacité de séquestration du carbone dans les sols ainsi que des conséquences sociales, notamment en termes d’accès au foncier. Des conséquences sont également constatées au niveau de la capacité de régulation des événements climatiques. Dans son rapport de 2019[11], la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) classe l’artificialisation des sols comme la première cause de la perte de biodiversité. L’étalement urbain et les constructions diffuses sont responsables de la destruction des habitats naturels, de la rupture des continuités écologiques et de l’appauvrissement des sols.

Certaines formes d’artificialisation des sols, lorsque ce dernier est bitumé notamment, conduisent également à une hausse des températures sur un territoire. Le remplacement d’une surface végétale par des espaces souvent minéraux conduit à une plus grande captation de chaleur. Ces îlots de chaleur générés par l’artificialisation peuvent être particulièrement spectaculaires en zone dense (des études ont montré un écart de plus de 5° l’été entre Paris et Fontainebleau par exemple) mais également dans des territoires fragiles. À titre d’exemple, à Chamonix, la hausse des températures induite par l’artificialisation (+7° mesurés en ville et +5° dans la banlieue résidentielle[12]) risque d’impacter l’ensemble de l’écosystème du fond de vallée.

L’artificialisation des sols présente également un fort enjeu agricole. Les terres dédiées à l’agriculture occupent 40 % du territoire, et l’urbanisation se fait principalement sur ces sols[13]. En effet, les pressions foncières répondent à des logiques de transactions amiables et de profit. Les fonciers disposant de droits à construire sont plus profitables que les fonciers agricoles. Les fonciers agricoles sont quant à eux plus rentables que les fonciers forestiers. Ainsi, et sans protection, la ville met en tension ses franges, qu’elles soient agricoles ou forestières. Et l’agriculture met alors en tension ses franges lorsqu’elles sont forestières.

Nous faisons face à une situation complexe pour le monde agricole. D’un côté, l’ouverture à l’urbanisation de terres est une source de revenus pour les paysans. Les agriculteurs ont souvent intérêt à vendre une partie de leurs terres au moment de leur départ à la retraite du fait, d’une part, de la valeur des terres constructibles et, d’autre part, des difficultés que nombre d’entre eux rencontrent pour transmettre leur exploitation. Par ailleurs, dans le contexte de changement climatique et face au besoin de développer une stratégie de sécurité alimentaire, l’artificialisation des terres agricoles est un problème majeur. Comme le développe Les Greniers d’Abondance, une association experte des enjeux de sécurité alimentaire, dans son dernier rapport, « cela est d’autant plus problématique que la plupart des sols rendus ainsi définitivement inutilisables se trouvent à proximité immédiate des bassins de consommation et comptent parmi les plus fertiles de France »[14].

L’artificialisation galopante

Dans un contexte de croissance démographique, l’espace apparaît comme une ressource limitée. Le développement des surfaces urbanisées est lié au développement des activités humaines, dans un mouvement qui s’est accéléré depuis la première industrialisation. Avec la croissance de la population (+4,2 millions depuis 1999) est venue l’extension des villes, principalement développées sur des surfaces naturelles qui ont été artificialisées. Or, c’est un mécanisme qui ne s’enraye pas. En France, le ministère de la Transition Écologique estime que 20 à 30 000 hectares sont artificialisés chaque année.

L’étalement urbain est le principal responsable de l’artificialisation des sols. Très rurale à la fin du XIXe siècle, la population française s’urbanise au cours du XXe siècle. Les courbes se croisent au début des années 1930. En 1968, 70 % de la population française vit dans des territoires urbains[15]. Mais rapidement, les centres urbains se dé-densifient et les populations se diluent en marge des zones urbaines. En effet, le faible coût du foncier en périphérie des villes, les progrès en matière de transports individuels et l’élévation du niveau de vie conduisent à l’étalement rapide de la France urbaine dans les années 1970. C’est la fameuse « périurbanisation » qui accompagne la globalisation de nouveaux standards économiques et culturels.

Les Français montrent une nette préférence pour l’habitat individuel[16]. L’idéal de la maison avec jardin a été historiquement accompagné par des discours et décisions politiques. Du plan Chalandon dans les années 1970[17] au discours de N. Sarkozy qui mettait en avant « une France de propriétaires »[18], le développement de pavillons en périphérie a été construit comme un idéal sociétal. Cela s’est traduit en droit par la loi dite « d’orientation foncière » du 30 décembre 1967[19] qui donne plus de souplesse aux opérations de lotissements en maisons individuelles et la loi du 3 janvier 1977[20] sur le maintien des aides publiques à l’investissement malgré l’institution de l’aide personnalisée au logement[21]. Selon l’enquête Teruti-Lucas[22], 42 % des surfaces artificialisées et plus de la moitié des surfaces nouvellement artificialisées entre 2006 et 2014 ont eu pour vocation d’accueillir de l’habitat et plus particulièrement de l’habitat individuel, phénomène entraînant également une artificialisation induite : routes, stationnement, réseaux…[23] Cet idéal largement alimenté et diffusé est un des facteurs explicatifs des vives réactions aux propos d’Emmanuelle Wargon, ex-ministre chargée du logement, lorsqu’elle déclare que la maison individuelle est un non-sens écologique[24].

D’autre part, il y a un enjeu d’attractivité du territoire pour les élus locaux. Le pouvoir de délivrer un permis de construire est une des prérogatives principales des maires, qui y sont très attachés. Pour faire vivre son territoire, le rendre dynamique et attirer ménages et entreprises, sources de revenus grâce à la taxe foncière et à la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises, il semble nécessaire de construire. Davantage de taxes, cela signifie davantage de marges de manœuvre budgétaire, ce qui fait particulièrement sens dans un contexte de baisse globale des dotations aux collectivités. Or, il est souvent plus simple et économique de construire sur du terrain nu, du sol naturel, en extension urbaine que dans le tissu urbain constitué. Le foncier est perçu comme une des premières ressources des collectivités.

Ce mode de développement urbain a conduit à deux objets caractéristiques : des pôles urbains denses et leurs couronnes périurbaines détendues et des zones rurales avec un mitage urbain. Les surfaces bâties ne cessent de gagner du terrain, matériellement, en 2019 en France, selon la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’Île-de-France, et 31 000 hectares d’espaces naturels et agricoles ont été perdus au profit de l’urbanisation[25].

Une absence de circularité dans la production de la ville

Il est possible de faire un parallèle entre la production manufacturière et la production urbaine. À la fin du XXe siècle, nous avons commencé à réaliser que le flot continu de biens marchands créés par la société de consommation avait un cycle de vie, qu’ils devenaient des déchets que les décharges ne cachaient plus, et que ce cycle de vie devait redevenir circulaire. En matière de production urbaine, la prise de conscience du cycle de vie du bâti est en train de naître depuis quelques années, mais demeure difficile à porter dans le débat public. Tout ce que nous avons fabriqué de tissu urbain, d’activités et de territoires équipés a un cycle de vie. Celui-ci est parfois plus court que prévu, parfois seulement quelques décennies, et surtout il n’est pas circulaire : la ville ne se régénère pas toute seule. On a donc continué sur le même principe que la décharge pour les biens de consommation : on laisse pourrir progressivement et on va construire ailleurs.

La figure du déchet en urbanisme, c’est la vacance : vacance de logement, vacance de bureau, vacance commerciale, vacance patrimoniale aussi. Ce n’est pas le développement qui demande l’artificialisation (ou seulement partiellement), c’est l’absence de recyclage urbain, de recyclage foncier, qui conduit, lorsque la vacance est durable, à l’apparition de friches. Ces dernières sont la rencontre entre une vacance dépréciant la valeur intrinsèque de l’actif et une obsolescence faisant perdre progressivement la valeur d’usage du bâtiment. Le Fonds Friches, initié par le gouvernement lors du plan de relance en 2021, témoigne du besoin d’une politique publique multisectorielle répondant à la complexité des objets à traiter. Destiné à financer le recyclage de friches et la transformation de surfaces artificialisées, ce dispositif est certes une prise de conscience initiale mais des efforts plus importants doivent être déployés pour lutter contre la vacance.

Vers un changement de paradigme avec le ZAN

L’objectif ZAN a été introduit en France par le plan Biodiversité de 2018 puis a été suivi d’un certain nombre d’initiatives gouvernementales : lancement de l’Observatoire de l’artificialisation, commande de rapports à France Stratégie (Fosse, 2019), lancement d’un groupe de travail interministériel par le Commissariat général au développement durable (CGDD) et mise en œuvre de la démarche « Territoires pilotes de la sobriété foncière » réalisée conjointement par le PUCA (Plan urbanisme construction architecture) et l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires)[26].

Il est le fruit de la Convention Citoyenne pour le Climat qui l’inscrit dans ses grandes propositions, reprises en partie dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Précisons que cette mesure offre un débouché aux réflexions menées par un groupe de travail interministériel accompagné par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et qui a produit un rapport scientifique de référence sur le sujet en 2018[27].

C’est aussi un principe consacré dans les politiques internationales depuis les années 1990. Le Zero Net Land Degradation a été présenté comme un objectif de développement durable lors de la Convention internationale de lutte contre la désertification de 1992. Il est consacré dans les objectifs de développement durable des Nations-Unies en 2015 avec un objectif de land degradation neutrality (objectif 15.3). Dans l’Union européenne, une commission sur la protection des sols a été établie en 2002. Puis, en 2011, lors de l’adoption de la feuille de route de la Commission européenne pour une Europe efficace dans l’utilisation de ressources, l’objectif de « No Net Land take by 2050 » est posé. Plus récemment, la Commission a présenté sa nouvelle stratégie pour les sols qui prévoit l’adoption d’une directive-cadre en 2023 et un objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols à l’horizon 2050.

Le N de ZAN

Contrairement à ce que beaucoup de discours de professionnels et d’élus opposés au ZAN laissent entendre, cette mesure ne signifie pas un arrêt total des constructions et de l’artificialisation. Et ce grâce au « NETTE » qui est le résultat d’un bilan de l’artificialisation et de la désartificialisation. C’est un principe qui repose en partie sur la capacité des acteurs à compenser l’artificialisation qu’ils produisent. Cela fait le lien avec la séquence ERC : Éviter, Réduire ou Compenser, qui est inscrite dans le Code de l’environnement depuis 1976 et qui s’opère à travers les études d’impact : « Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité »[28].

Il est important de souligner que la compensation est une réparation imparfaite, il n’y a pas un principe d’équivalence écologique strict lorsque l’ont détruit des écosystèmes. Par ailleurs, les acteurs de la compensation font remonter de nombreuses difficultés de mise en œuvre et des résultats parfois mitigés. Mais malgré ses défauts, la compensation est porteuse de bénéfices écologiques.

Cela n’exclut pas qu’il semble d’ores et déjà évident que, pour respecter l’objectif ZAN, il soit nécessaire de réduire l’artificialisation brute. En effet, compter uniquement sur la compensation est intenable pour des questions de limitation des ressources (pourra-t-on toujours trouver un terrain et de la terre pour renaturer ?), pour des raisons de modèle économique (intégrer les coûts réels de compensation conduit à remettre en question la pérennité des opérations déjà ultra subventionnées par le public), et du fait de la dissociation temporelle entre le temps de mise en œuvre des mesures et de la reconstitution des milieux vivants (qui pose une question d’équivalence entre un sol vierge et un sol renaturé).

Atteindre le ZAN signifie que tous les projets d’aménagement qui voient le jour en 2050 :

  • N’ont pas pu être évités (donc qu’ils sont pertinents : quel besoin de logements et d’activités économiques ?) et qu’ils ne pouvaient pas être localisés sur des terrains déjà urbanisés (pas de friches ? pas de modèle économique pour réhabiliter des friches ? pas de possibilité de densifier ?) ;
  • Présentent des impacts qui ont été réduits au minimum (impossible de les localiser sur un autre site moins qualitatif écologiquement ; ils sont les plus denses, acceptables et mutualisés possible…) ;
  • Ont été compensés par des actions de renaturation avec un gain écologique (qu’est-ce qu’un gain écologique ? comment porter des mesures par anticipation pour ne pas mettre des années à reconstruire un milieu ? est-ce qu’on parle en termes de surface ? quel portage foncier et modèle économique ? Sur ces questionnements différents dispositifs existent déjà, à relativement petite échelle[29]).

L’objectif ZAN interroge sur la manière la plus souhaitable de faire la ville de demain et de l’acceptabilité de ces modèles de développement. Si le dernier rapport du GIEC préconise de construire des villes plus denses[30], l’ensemble des élus locaux interrogés nous fait part des difficultés à amorcer de nouveaux projets urbains. L’acte de construire est associé à la bétonisation et se heurte à une hostilité grandissante des populations locales. Or il nous semble important de souligner une nouvelle fois que la logique ZAN ne doit pas signifier un arrêt total des constructions.

Par ailleurs, cet objectif n’est pas vécu de la même façon en fonction des typologies de territoire, des dynamiques d’artificialisation et des besoins en développement. S’il s’agit d’un objectif national, son application et la déclinaison des trajectoires doivent demeurer locales et adaptées aux particularités territoriales. Par ailleurs, il y a un enjeu de participation démocratique afin que le ZAN ne soit pas juste une modalité de « gouvernement à distance ».

Les travaux réalisés à ce jour sur le sujet consistent principalement en une critique générale portée à l’échelle nationale. Aussi, dans nos notes, nous nous intéressons aux politiques du logement et de développement économique, qui dictent le quotidien des élus locaux, selon les types de territoire, urbain et rural, tendu ou détendu.

Le travail présent ci-après se décompose en deux notes distinctes.

NOTE 1

Habiter la France de 2050

Introduction

L’habitat est la première cause d’artificialisation des sols en France, à hauteur de 68 % de l’artificialisation totale[31]. Construire des logements implique non seulement l’émergence de bâti, mais également le développement de réseaux en surface et en sous-sol, qui engendrent une artificialisation accrue et multiplient les impacts de l’habitat sur la consommation des sols.

Face à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN), se superpose un enjeu majeur : répondre à la demande de logements de l’ensemble de la population à des prix soutenables. Des dispositifs fiscaux d’incitation à la construction de logements à destination des particuliers et la fixation réglementaire d’objectifs quantitatifs dans le parc privé comme dans le locatif social tentent de répondre à ce besoin de logements, mais semblent entraîner une incompatibilité avec les enjeux du ZAN. Comment concilier ces objectifs a priori contradictoires ?

Une tension accrue des besoins en logement à des prix soutenables qui résulte en une crise de l’offre concentrée dans les zones tendues

Le besoin en logements continue d’augmenter, entre +2,7 et +3,9 millions sur la période 2017-2030, avec une augmentation continue du nombre de ménages dans toutes les régions françaises[32]. Cette tendance s’accompagne d’une hausse des prix, notamment des logements anciens, qui ont progressé de 11 % sur l’ensemble du territoire et de 17,5 % dans les 50 plus grandes villes françaises (61 % à Paris et 36 % dans les 10 plus grandes villes), entre 2007 et 2020. A contrario, dans les zones rurales, la demande en logements a chuté de 10 %[33].

Malgré cette forte demande, l’offre de logements sociaux recule dans les zones tendues, avec 80 000 attributions de moins dans le parc HLM en 2020 et une chute de la construction. En parallèle, on observe une progression du logement intermédiaire, favorisé par les dispositifs fiscaux, sans que cette production compense la baisse de logements sociaux (+ 6200/an entre 2016 et 2020)[34].

À ces besoins liés aux projections démographiques et au desserrement des ménages, s’ajoutent les situations de mal-logement. La fondation Abbé Pierre estime le nombre de personnes mal-logées en France à 4,1 millions, en attente d’un relogement convenable.

Face à ces constats, l’impératif de loger et de mieux loger apparaît toujours aussi prégnant.

La manière d’habiter des Français, une « impasse écologique »[35] ?

Si les besoins en logements se concentrent dans les zones tendues, on remarque que 70 % de l’artificialisation s’observe dans les communes où la tension locative est faible, et 20 % dans des communes dont la population décroît[36]. Cette donnée témoigne des contradictions de notre mode de production de logements. C’est pourquoi nous allons nous pencher en priorité sur la compréhension des leviers dans les territoires de zones détendues.

Habiter dans un logement individuel pavillonnaire reste un désir fort pour les Français : 80 % des répondants de l’enquête « Habiter la France de demain »[37] souhaitent habiter une maison individuelle. Cette tendance sociétale s’accompagne d’une crainte de la population à l’égard de la densité : « Dans certains cas, elles (les tendances) procèdent d’une sorte de malthusiannisme, d’une volonté d’entre-soi, d’une crainte de voir son environnement immédiat se détériorer. Dans d’autres, l’opposition provient de préoccupations environnementales. »[38] L’enjeu est de travailler à des espaces urbains de qualité, avec des aménités rendant acceptables la densité vécue (espaces verts, espaces publics apaisés et favorables aux mobilités douces, ville du quart d’heure…)[39].

On pourrait, à juste titre, se demander quel impact la crise du COVID-19 va avoir sur la manière d’habiter en France. Si la conjoncture a fortement développé l’usage du télétravail dans certaines professions, les acteurs ne s’accordent pas sur un potentiel déplacement des besoins en logement à court terme. La Commission Rebsamen n’anticipe pas de changement à court terme[40] alors que le Conseil supérieur du notariat a récemment publié une note de conjoncture qui contredit cet argument[41].

De plus, la fiscalité de l’urbanisme, telle qu’elle est mise en place actuellement, n’offre pas non plus de leviers efficaces pour répondre à la demande en logements et pour maîtriser l’artificialisation. Sans être suffisamment compensée par l’aide à la relance de la construction durable (ARCD), la réforme de la taxe d’habitation vient en effet diminuer le rendement fiscal marginal de l’accueil de nouveaux logements, en particulier s’agissant du logement social exonéré de taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette réforme incite, de ce fait, les élus à construire des locaux d’activité plutôt que du logement.

Dans ce cadre, un élu local se posera certaines questions : comment offrir un logement à tous mes administrés et respecter le taux de 25 % de logement social, lorsqu’il me coûte davantage qu’il ne me rapporte et que je dois m’appuyer en priorité sur du renouvellement urbain ? Si je construis du logement, comment vais-je financer l’ouverture de nouvelles classes, de nouveaux équipements publics, des réseaux : comment puis-je offrir une offre de service qualitative ?

À la lumière de ce premier diagnostic, on comprend mieux la situation des élus qui sont pris entre des injonctions contradictoires : construire plus, moins cher et intime, mais sans artificialiser ! Dans les zones tendues, le foncier est cher et les possibilités de densification moindres et non souhaitées par la population. Les zones détendues souffrent parfois d’un manque de leviers de négociation face aux promoteurs immobiliers. Pourtant, c’est bien dans ces territoires que certaines solutions sont à trouver pour atteindre les objectifs ambitieux du ZAN.

I ) Dans les zones périurbaines et rurales, la viabilité économique de la maison individuelle en question

On ne cesse de l’entendre et de le lire, les Français rêvent d’une maison individuelle avec jardin[42]. Cependant, la chercheuse Anne Lambert rappelle que ce rêve est alimenté par des incitations financières et fiscales : « La politique de soutien à l’accès à la propriété individuelle passe par des prêts aidés, des dispositifs de défiscalisation, des subventions directes aux particuliers, mais elle est aussi portée par des enjeux d’emploi car le secteur du BTP est un grand pourvoyeur d’emplois non délocalisables »[43]. Les maisons pavillonnaires sont construites à grande échelle avec des matériaux bas de gamme ce qui permet de les vendre à des prix atteignables.

Pourtant, ces pavillons ne sont pas forcément le premier choix de leurs habitants, qui avaient potentiellement, dans un premier temps, fait des demandes d’accès au logement social. Les appartements dans le privé en centre-ville sont souvent plus chers que les maisons individuelles neuves en zone périurbaine. Ce constat interroge : quels seront les logements accessibles aux classes moyennes populaires si ces produits immobiliers disparaissent ?

Pour d’autres personnes, cela relève d’un véritable choix, celui d’avoir une propriété qui ne souffre d’aucune copropriété ni mitoyenneté et qui bénéficie d’un cadre de vie perçu comme privilégié. Le choix de ces personnes se manifeste par un départ de l’ancien vers le neuf. Cela concourt, dans les territoires détendus, à l’augmentation de la vacance résidentielle dans les centres-villes. Comment créer une nouvelle offre résidentielle attractive qui ne conduit pas à un desserrement des villes ?

De plus, le développement de ces quartiers d’habitat pavillonnaire a été possible grâce à un recours massif à la voiture individuelle, elle-même très consommatrice d’espace, puisque ces quartiers sont généralement mal desservis par les transports collectifs. Les ménages sont dépendants de leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail et dans les centres où se situent les services essentiels. La précarité induite et les conséquences sociales et territoriales ont largement étaient mises en lumière lors de la crise des gilets jaunes. La volatilité des prix de l’énergie questionne aussi la soutenabilité de ce modèle et de la viabilité économique des habitats pavillonnaires qui bénéficient souvent d’une surface plus importante pour le même nombre d’habitants et d’une grande déperdition de chaleur car les surfaces donnant sur les façades extérieures sont plus importantes en comparaison avec le logement collectif.

L’AES, association des entreprises suisses d’électricité[44], évalue ainsi les consommations électriques de ces typologies d’habitat : « avec 8950 kilowattheures par an en moyenne, la consommation d’énergie dans une maison individuelle est environ 30 % supérieure à celle estimée dans un immeuble collectif. S’ajoutent à cela les coûts de chauffage qui sont de 100 à 300 % plus élevés dans une maison individuelle ».

Enfin, l’artificialisation des sols entraîne un coût économique qui vient questionner la rentabilité des maisons pavillonnaires. France Stratégie évalue entre 95 et 390 euros le m² à renaturer (portage foncier, dépollution, désimperméabilisation, végétalisation, suivi…). Si l’on respecte l’objectif de diminuer par deux l’artificialisation nette dans les dix prochaines années, cela représente encore 1381,9 km² artificialisés soit des coûts situés entre 154 milliards et 632 milliards d’euros[45] qui viendront peser sur les prix de sortie des programmes immobiliers.

Le coût global pour les ménages d’un logement pavillonnaire éloigné des centres urbains est amené à augmenter. Dans ce contexte, les actions mises en œuvre pour réduire l’artificialisation des sols – rénovation des centres bourgs et densification des quartiers pavillonnaires – répondent également à cette problématique d’augmentation des charges.

Propositions 

  1. Développer la micro-densification des quartiers pavillonnaires
  2. Donner aux maires les moyens de financer de nouveaux équipements

Proposition 1 : Développer la micro-densification des quartiers pavillonnaires

La micro-densification dans des quartiers pavillonnaires, via de la division parcellaire, construction d’annexes ou surélévation, peut contribuer à répondre à plusieurs problématiques.

Tout d’abord, en limitant l’étalement urbain, la micro-densification permet de densifier l’existant tout en répondant aux attentes de logements individuels et d’espaces extérieurs. Deuxièmement, les ménages, en cédant une partie de leur parcelle ou en surélevant leur maison, dégagent des revenus complémentaires qui viennent financer la rénovation énergétique de leur logement. Certains acteurs de la ville défendent la création d’un statut de micro-promoteur[46]. Ce régime simplifié ouvrirait des droits et des devoirs spécifiques pour mieux encadrer juridiquement les opérations et simplifier les procédures.

Néanmoins, la micro-densification questionne le financement des besoins en équipements publics induits par l’arrivée de nouveaux ménages mais également l’harmonisation architecturale et paysagère de certains quartiers.

Proposition 2 : Donner aux maires les moyens de financer de nouveaux équipements

Le rapport Rebsamen pour la relance durable de la construction de logements, dans lequel FCL Gérer la Cité est intervenu pour étudier les impacts sur les collectivités des mesures fiscales existantes, souligne que les dernières réformes de la fiscalité locale, avec la suppression de la taxe d’habitation par exemple, ont réduit les moyens financiers laissés aux maires pour faire face à l’arrivée de nouveaux ménages. La commission recommande de réduire le décalage entre l’arrivée des nouveaux habitants et la perception des nouvelles recettes fiscales, en donnant aux communes la possibilité de supprimer l’exonération de la Taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) pour les logements neufs.

II ) La nécessaire revitalisation des centres-bourgs

En 2014, le programme « Centres-Bourgs » du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires), qui s’est fondu dans « Petites Villes de Demain », accompagne via un soutien en ingénierie certaines collectivités dans la revitalisation de leur centre-ville. Ce sont les préludes des politiques de revitalisation des centre-bourgs des petites et moyennes villes, mises en œuvre et accompagnées par l’État.

En décembre 2017, le programme « Action Cœur de Ville »[47] est lancé afin d’accompagner financièrement la revitalisation économique et la rénovation des logements de 234 communes. Un autre programme à destination des villes de moins de 20 000 habitants est développé en octobre 2020 par la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. « Petites villes de demain » bénéficie d’un budget de 3 milliards d’euros pour agir sur les centres de villages ou de bourgs, notamment par la rénovation d’habitats dégradés.

En 2019, la loi ELAN crée les Opérations de revitalisation des territoires (ORT), une forme de contractualisation qui donnent notamment des moyens législatifs dans le cadre des programmes « Action Cœur de Ville » et « Petites Villes de Demain », qui permettent de monter des projets partenariaux sur les centralités au niveau local. Les ORT favorisent notamment la réhabilitation de l’habitat grâce à un partenariat avec l’Anah (Agence nationale de l’habitat) et l’éligibilité au dispositif « Denormandie »[48]. Les ORT offrent un panel d’outils juridiques, financiers et fiscaux pour travailler sur le parc de logements et de commerces des centres-villes[49].

La rénovation et l’investissement en faveur des centres urbains des petites et moyennes villes répondent également à une problématique commune à l’ensemble du territoire, le vieillissement de la population qui conduit à une dépendance forte aux services, qui sont majoritairement situés en centre-ville. La revitalisation des centres-bourgs permet de proposer des habitats adaptés à la dépendance et à proximité des besoins de ces populations. La réalité de la trajectoire démographique des territoires peut être une opportunité dans une perspective ZAN. Les grands logements individuels libérés par les personnes âgées déménageant en centre-ville sont adaptés aux attentes et besoins des jeunes ménages. Il sera alors toutefois nécessaire d’encadrer les prix qui pourraient être amenés à augmenter si les collectivités organisent la raréfaction de l’offre de grands logements en extension.

De plus, en 2021 en France, on recense 3 millions de logements vacants soit 8,3 % du parc[50]. Ce réservoir de logements est notamment alimenté par la construction neuve non associée à la rénovation : mouvements de population avec des départs de l’ancien vers le neuf, logements inadaptés aux nouveaux besoins, etc.

Investir des logements dans les centres-villes peut néanmoins se heurter à des réticences des populations qui recherchent des espaces extérieurs et de l’individualité.

Les dispositifs d’aide à la revitalisation des centres urbains et à la rénovation des logements contribuent à lutter contre l’étalement urbain en proposant un logement adapté à chaque étape de la vie et aux structures des ménages. Les objectifs du Zéro Artificialisation Nette renforcent cette dynamique et appellent à une planification par la puissance publique.

Propositions

 

  1. Poursuivre les dispositifs existants de revitalisation des centres-villes
  2. Généraliser la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues
  3. Œuvrer pour la capitalisation des établissements publics locaux
  4. Attirer les ménages dans les centres-bourgs grâce au triptyque : proximité à la nature, aux services et aux transports en commun
  5. Renforcer l’application du PLU en renversant la charge de la preuve

Proposition 1 : Poursuivre les dispositifs existants de revitalisation des centres-villes

La poursuite des dispositifs existants sur la revitalisation des centres-villes est un levier important pour lutter contre l’artificialisation des sols. Il s’agira néanmoins de croiser ces programmes avec les politiques de sobriété foncière. Par exemple, fin 2020, l’ANCT a lancé la démarche « Territoires pilotes de la sobriété foncière » pour les collectivités bénéficiaires du programme « Action cœur de ville » et signataires d’une opération de revitalisation de territoire. À ce jour, ce programme reste relativement modeste, sept villes ont reçu quelques milliers d’euros pour identifier du foncier et développer des stratégies de sobriété. Néanmoins, le croisement des différents programmes devrait participer à enclencher un retour des ménages vers les centres bourgs.

Proposition 2 : Généraliser la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues

Afin de limiter l’étalement urbain et inciter les propriétaires à rénover et louer leurs biens en centre-ville, une généralisation de la taxe sur les logements vacants dans les zones détendues serait souhaitable. Aujourd’hui, la taxe sur les logements vacants concerne les logements inoccupés « depuis au moins une année, au 1er janvier de l’année d’imposition » et est limitée aux logements situés dans les zones tendues où il existe un « déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements ».

Proposition 3 : Œuvrer pour la capitalisation des établissements publics locaux

Un moyen d’enclencher un passage à l’échelle des opérations de revitalisation des centres-villes pourrait également être d’œuvrer en faveur de la capitalisation des établissements publics locaux que sont les Sociétés d’économie mixte (SEM) et les Sociétés publiques locales (SPL), en fixant aux territoires qui les gouvernent des objectifs de réhabilitation et d’intensification foncière, avec l’aide d’Établissements publics foncier d’État (EPFE). Pour que cette méthode d’aménagement soit efficace, il s’agira de couvrir l’intégralité du territoire national et de revoir à la hausse les moyens financiers des EPL (Établissements publics locaux).

Proposition 4 : Attirer les ménages dans les centres-bourgs grâce au triptyque : proximité à la nature, aux services et aux transports en commun

Rénover les centres-villes réclame un long travail sur les imaginaires de la maison familiale et de la qualité de vie en général. Pour donner envie aux ménages de venir s’installer dans les centres-bourgs, les politiques d’aménagement et d’urbanisme doivent combiner le triptyque suivant : proximité de la nature et individualisation des logements avec des terrasses et du petit collectif en copropriété, la proximité des services et des commerces ainsi que des espaces publics de qualité, une bonne desserte en transports en commun pour relier les pôles d’emploi. Néanmoins, ces aménités, qui représentent des coûts importants dans les opérations, disparaissent souvent dans le montage des opérations alors qu’elles sont bien présentes dans les réponses des promoteurs et des architectes.

Proposition 5 : Renforcer l’application du PLU en renversant la charge de la preuve

Aujourd’hui, la fiscalité de l’urbanisme est un outil utile pour compléter les moyens de financer la renaturation. Cependant, la fiscalité n’incite pas à la densification et la rénovation des logements. La règle d’urbanisme est également questionnable en pratique puisque la judiciarisation de l’urbanisme, des deux côtés, celui des associations et celui des entreprises privées, ne permet pas de donner crédit à un PLU. Aujourd’hui la réalité urbaine est souvent loin d’un PLU, qui en outre est révisé dès qu’un projet important le nécessite. En revanche, une approche par renversement de la charge de la preuve, dans les zones ayant connu une forte artificialisation, pourrait être proposée : pour avoir l’autorisation de construire en extension urbaine il y aurait obligation de fournir une étude d’impact qui démontre l’impossibilité d’utiliser les fonciers déjà artificialisés, ou la surélévation, ou la densification du bâti peu dense, ou la réhabilitation d’immeubles et îlots vacants.

Conclusion :

Les objectifs du Zéro Artificialisation Nette ne signifient pas qu’il ne sera plus possible de construire. Il existe des réserves considérables de friches, de logements, de commerces et de bureaux vacants. En dernier recours, la compensation est également toujours possible. Néanmoins, le ZAN oblige à penser le développement résidentiel des territoires à une échelle plus large. Les villes moyennes sont des opportunités pour loger les ménages mais cela doit être planifié par la puissance publique via des politiques de mobilité et d’emplois entre les pôles régionaux. Pour respecter les objectifs de réduction de l’artificialisation, la cohérence territoriale au niveau de la région est primordiale. Les élus doivent prendre conscience de l’échelle à laquelle se jouent les dynamiques qu’ils souhaitent infléchir. Planifier un urbanisme multipolaire entre les différentes zones urbaines régionales et organiser la compensation à cette même échelle devraient permettre en partie de limiter l’artificialisation des sols.

[ENCART LANGRES : retrouver la qualité résidentielle dans le bâti patrimonial

Langres est une cité fortifiée qui domine, depuis son plateau où la Seine devient ruisseau, des paysages champêtres, légèrement vallonnés et parsemés de forêts, caractéristiques de la Haute-Marne. Alors que la plupart des villes fortifiées ont dû, par leur croissance et leur développement, déborder de leurs remparts, Langres s’y est maintenu. Cela ne signifie pas que la ville n’a pas été prospère, au contraire. Le circuit des maisons de la Renaissance, autant dire des hôtels particuliers, offre encore aujourd’hui des découvertes à chaque coin de rue : porte en bois débouchant sur un jardin italien, grosse masure abritant des vitraux fins, cocon familial confinant des ornements, etc. Les affres du temps ont aussi participé à ce magnifique trompe-l’œil et le grotesque apparaît parfois, comme une fresque historique parfaite.

Les grands bourgeois ont depuis longtemps quitté la place et les ouvriers en difficulté travaillant dans les usines de la vallée les remplacent. Les habitants sont donc dépassés voire désintéressés tandis que les habitations sont délabrées voire abandonnées : elles n’offrent plus les services qu’ils recherchent. La maison natale de Diderot, implantée au cœur de la ville, au niveau d’une place portant le nom et acueillant la statue de l’encyclopédiste, offre des détails tout aussi étonnants. Sa façade du XIIIe siècle n’arbore, en plus des très belles armoiries familiales, pas moins de quatre couleurs de peinture différentes. L’entreprise de services de nettoyage installée au rez-de-chaussée impose son bleu criard aux gris et verts des étages.

Le touriste découvre et s’étonne. L’habitant profite de la seule rue commerçante. Les rôles s’inversent peut-être parfois. La mairie, dans tout cela, condamne les routes par arrêté de mise en péril.

NOTE 2

Produire, consommer et travailler en France en 2050

Introduction

Le foncier économique (entreprises, zones commerciales, entrepôts) couvre 30 % des surfaces artificialisées et représente ainsi le second facteur de consommation d’espace[51].

Cette donnée quantitative est renforcée en ressenti : les projets à destination d’activités sont souvent constitués de grandes emprises[52] et les zones d’activités ont un impact paysager et urbanistique important sur les territoires, renforcé par le fait qu’elles se situent généralement dans des endroits très passants.

Comprendre les conséquences du ZAN sur le développement économique des territoires nécessite tout d’abord de revenir sur les dynamiques à l’œuvre depuis une cinquantaine d’années.

Une désindustrialisation progressive des territoires depuis 1970 

Dès les années 1950, la planification industrielle était au cœur de la politique d’aménagement du territoire. À partir de la crise de 1970, on assiste à un phénomène de désindustrialisation progressive[53], c’est-à-dire à des départs d’usines qui privilégient une installation à l’étranger. Les conséquences sont directes et bien visibles, autant sur l’organisation de l’espace et le paysage, que sur le tissu économique élargi. La désindustrialisation, ce sont des commerces qui ferment, des prix de l’immobilier qui chutent, des rentrées fiscales en moins pour les collectivités et l’apparition de friches, majoritairement polluées[54].

Progressivement, certaines collectivités ont accompagné ce glissement, d’une économie de production à une économie de services de consommation et de loisirs, en faisant muter une partie du foncier économique. Des écoquartiers, des zones commerciales et des entrepôts logistiques ont remplacé les anciennes usines.

Des zones d’activité commerciales qui se développent en périphérie des villes

Dans les années 1970, les zones commerciales en périphérie des villes se sont développées de façon opportuniste, sans optimisation foncière ni projet de territoire, dans des logiques de réseau et de visibilité. Ces zones sont portées par l’essor de la voiture individuelle et un pouvoir d’achat des ménages en augmentation.

À partir des années 2000, le chiffre d’affaires global du commerce physique n’augmente presque plus. L’année 2008 marque une accélération du phénomène avec un total de 5 millions de m² de surfaces commerciales autorisées. Dans les années qui suivent, les surfaces commerciales auront progressé cinq fois plus vite que la population[55]. Cette suroffre fonctionnelle est accentuée par l’essor du e-commerce.

Ces zones voient le jour grâce à un foncier peu cher et des modèles économiques qui donnent un avantage concurrentiel à l’extension urbaine. Les opérations commerciales sont rapidement rentables et les autorisations commerciales faciles à obtenir. Il faut aller vite pour alimenter le modèle.

Ce développement anarchique a des conséquences urbanistiques majeures. Le paysage des entrées de ville est banalisé. Les flux de circulation mal maîtrisés, avec des ménages qui se déplacent presque uniquement en voiture. Ce phénomène a également participé à dévitaliser les centres-villes en entrant en concurrence avec le petit commerce[56]. Entre 2013 et 2022, la vacance commerciale a été multipliée par deux, et elle concerne maintenant les centres-villes et les périphéries. C’est pourquoi, comme l’explique Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce[57], la polarisation centre-ville / périphérie n’est plus forcément juste : les mobilités se sont accrues et l’on cherche à avoir accès à des commerces sur ses traces de déplacement.

Bien que les acteurs institutionnels et publics s’accordent sur la nécessité d’inverser la tendance, on assiste encore à l’émergence de projets de centres commerciaux, sur des anciens fonciers industriels notamment. La lenteur de réalisation des projets urbains, via notamment le mécanisme des Zones d’Aménagement Concertées (ZAC), conduit à devoir assumer aujourd’hui le coût des projets décidés, il y a 15 ans, sur du foncier libéré par des industriels.

Dans ce contexte, le moratoire sur la construction de grandes surfaces commerciales, introduit par la loi Climat et résilience, est une bonne chose, puisqu’elle pose une interdiction de principe relative à la création de nouvelles surfaces commerciales sur des parcelles vierges[58]. Toutefois, elle comporte plusieurs limites, outre le fait que le moratoire arrive peut-être un peu tard, le marché de l’immobilier commercial étant arrivé à la fin d’un cycle. En effet, s’il permet de mettre un coup d’arrêt aux grands projets de création ou d’extension de centre commerciaux de plus de 10 000 m2 en périphérie des centres-villes, il ouvre des possibilités de dérogation pour les surfaces commerciales de moins de 10 000 m2. Ce moratoire ne concerne, par ailleurs, que les projets soumis à autorisation commerciale au titre du Code du commerce, ce qui exclut les entrepôts logistiques, qui sont pour leur part encadrés par la législation des installations classées protection de l’environnement (ICPE), et dont l’installation est, a contrario, facilitée par les textes adoptés dans le cadre du plan post-Lubrizol.

Notre défi n’est pas uniquement d’arrêter les constructions mais de recycler les 7 millions de mètres carrés commerciaux non utilisés, qui représentent plus du double au sol.

Une baisse de la demande en immobilier d’entreprise qui conduit à de la vacance

La désindustrialisation s’est accompagnée d’une hausse des emplois tertiaires. Cependant, bien que l’immobilier d’entreprise connaisse une hausse constante en France, la vacance des locaux tertiaires augmente[59]. Il y a aujourd’hui 4 millions de m² de bureaux inoccupés en Île-de-France. Cette vacance est liée, en partie, à l’inadéquation entre l’offre et la demande. Les entreprises ont initié des réflexions sur l’optimisation des surfaces avec le développement du télétravail et dans un souci d’économies. La vacance s’explique également de manière structurelle, du fait de la rotation du parc immobilier et de la spéculation appliquée aux bureaux[60].

La diminution du besoin en bureaux questionne les équilibres financiers des projets urbains puisque leur prix de sortie contribue largement à équilibrer le bilan d’opérations publiques et donc à financer en partie les espaces publics, les espaces verts et les équipements collectifs.

Ainsi :

1/ Les friches d’activités sont en constante augmentation car les modèles évoluent vite

La disparition progressive des activités industrielles a créé des friches difficiles à traiter. Ce parc de friches est aujourd’hui abondé d’un nouveau type de produits : les friches commerciales, qui sont liées non pas à une régression de ces activités mais à un épuisement de certaines formats (hypermarchés), qui poussent les acteurs économiques à se renouveler très vite, mais ailleurs et sur d’autres fonciers. Cette dynamique est aujourd’hui peu visible mais plusieurs indicateurs convergent et amènent même à des nouveaux dispositifs[61].

2/ Injonctions contradictoires

Les élus sont confrontés à des demandes a priori contradictoires. D’un côté, des demandes de réserves foncières des industriels qui souhaitent réinvestir les territoires, ainsi que l’impératif de « réindustrialiser notre économie » et de créer des emplois pour des territoires déficitaires, et de l’autre côté, les objectifs environnementaux, le ZAN en tête.

3/ Une fiscalité qui favorise l’artificialisation des sols

Les recettes des collectivités sont en grande partie dépendantes des taxes qui contribuent à l’artificialisation, ce qui renforce les incitations à la délivrance de permis de construire. Avec la suppression de la taxe d’habitation en 2021, la fiscalité de l’activité est devenue plus rémunératrice que celle du logement, ce qui conduit à un phénomène de concurrence territoriale et d’incitation à la construction de zones d’activités par les communes.

Dans ce contexte, le positionnement des élus varie, principalement en fonction des territoires et des activités qui se présentent :

  • En zones tendues : Malgré des prix de sortie élevés, le coût d’acquisition du foncier est souvent trop important pour absorber les coûts de dépollution et de réhabilitation inhérents à ce patrimoine immobilier. Sans modèle économique équilibré, comment finance-t-on la mixité fonctionnelle souhaitée par les élus ?
  • En zones détendues : très forte concurrence entre les territoires qui fait qu’il est difficile d’avoir un droit de regard sur les entreprises qui s’installent (nombre et type d’emplois, flux, type d’activité…) et de pousser les porteurs de projet à la qualité (architecturale et environnementale).

Dès lors, comment le ZAN peut-il représenter une opportunité pour que les collectivités et les opérateurs économiques privés trouvent de nouvelles façons de collaborer dans le sens de l’ambition territoriale ?

I) Volonté de réindustrialiser la France

Comme expliqué en début d’article, la France a connu une désindustrialisation progressive à partir des années 1970. La crise du Covid-19 en 2020 a mis en lumière l’absence de production industrielle dans des secteurs stratégiques sur le territoire national. Les ruptures d’approvisionnement et la tension sur certains matériaux ont souligné la nécessité d’implanter des industries dans les territoires, qui sont également créatrices d’emplois directs et indirects et sources de rentrées fiscales pour les collectivités.

La volonté d’accompagner la réindustrialisation de la France a été consacrée par le Plan France 2030[62] doté de 100 milliards d’euros et issu du Plan de Relance, qui cherche à « recréer des emplois industriels, rattraper notre retard dans certains secteurs historiques, et de donner un temps d’avance à la France en créant de nouvelles filières industrielles et technologiques. »

La réhabilitation des friches existantes est un moyen de réindustrialiser les territoires sans les artificialiser. Cependant, les friches sont historiquement majoritairement au nord et à l’est de la France alors que la demande en foncier a glissé vers l’ouest et le sud du pays, où sont installées les entreprises du secteur aéronautique et spatial. Le besoin en foncier des industriels a changé[63] : ce ne sont plus uniquement les critères géographiques ni le prix du foncier qui sont pris en compte mais également la disponibilité du terrain, la possibilité de commencer la production en 10 ou 15 mois ainsi que la présence d’un écosystème à proximité (bassin d’emploi, lieux de formation, compétences techniques sur la technologie, mobilité verte)[64] . Compte-tenu de tous ces éléments, le marché foncier des friches reste relativement tendu.

La désindustrialisation laisse en héritage un parc de friches considérées comme des « dettes environnementales » avec des coûts de dépollution élevés et des équilibres financiers difficiles à trouver dans les opérations de recyclage foncier. Avec les objectifs du Zéro Artificialisation Nette, ces dernières deviennent des ressources pour les territoires à condition de respecter certaines conditions et évolutions du marché.

Propositions :

  1. Créer un observatoire prospectif pour croiser les bases de données foncières avec la réalité des secteurs économiques
  2. Développer une fiscalité dédiée pour financer le recyclage des friches par les acteurs publics
  3. Gérer le temps de recyclage des friches

De nombreux experts se sont exprimés sur les modalités permettant de réussir la réhabilitation de friches industrielles.

Proposition 1 : Créer un Observatoire Prospectif qui permet de croiser les bases de données foncières avec les besoins et prévisions de croissance des secteurs économiques

La bonne connaissance des potentialités du territoire et des besoins des industriels est un préalable indispensable. Un tel observatoire aura vocation à :

  1. recenser les ressources foncières et immobilières du parc de friches hérité ;
  2. qualifier les friches (niveau de pollution, dureté foncière, coût, caractéristiques pour des activités potentielles) et à réaliser leur « carnet de santé » ;
  3. scénariser des recyclages adaptés au projet de territoire (quelle activité souhaite-t-on accueillir ?) et aux demandes des acteurs économiques (quels porteurs de projet ont manifesté leur intérêt ?) ;
  4. classer les friches selon une échelle de mutabilité qui croise le coût et le bénéfice (écologique, environnemental, économique) pour le territoire et ses acteurs.

Proposition 2 : Développer une fiscalité dédiée pour financer le recyclage des friches par les acteurs publics

Fiscalité sur les nouvelles constructions : Proposition de changer l’assiette de la taxe d’aménagement au regard du nombre de mètres carrés nouvellement artificialisés (et non plus sur la surface de plancher et de sa nature). Les zones d’activités sont constituées d’une importante surface non bâtie mais tout de même artificialisée (stationnement, stockage, quais de livraison, circulation et zone de giration des poids lourds). Par exemple, en Ille-et-Vilaine, 53 % en moyenne de la surface totale du permis d’aménager est occupée par des surfaces imperméabilisées[65]. Nous recommandons alors d’introduire une variabilité de la taxe d’aménagement en fonction d’indices de qualité des sols ou de disponibilité du sol.

Cependant, chaque secteur d’activité répond à des règles génériques de fonctionnement qui imposent une inscription dans la parcelle. Il faut donc cibler des règles particulières en fonction de chaque type d’activité. Une taxe d’aménagement avec cette assiette n’aurait qu’une incidence limitée sur le secteur logistique qui a des surfaces bâties majoritaires.

Le choix d’implantation d’une activité plutôt qu’une autre doit aussi reposer sur le choix des élus qui portent un projet de territoire. Cela peut se matérialiser par un cahier des charges plus exigeant que le seul PLU, d’autant plus essentiel qu’il faut désormais considérer que les entreprises qui s’installent aujourd’hui seront beaucoup moins mobiles que précédemment et que leur implantation et sa qualité doivent être pensées dans la durabilité.

[ENCART : portrait de territoire Troisième Couronne Métropole qui en a assez d’être un territoire servant (spécialisé en logistique)]

Depuis l’installation de l’entrepôt Amazon sur près de 10 hectares, les choses ont changé. Le territoire estime avoir assez donné. C’est vrai qu’il est tenu par un contrat avec l’État, celui de recréer 1 000 emplois à la suite de la fermeture de l’ancienne base aérienne militaire, la n°217. Cela s’ajoute à l’impression d’être un territoire servant de Paris, qui doit irriguer la capitale des flux matériels venus de l’extérieur, à grosse dose de logistique.

Les élus rechignent de plus en plus à autoriser de nouvelles installations logistiques :

  • Trop de flux de poids-lourds, alors que les infrastructures sont déjà surchargées ;
  • Trop peu d’emplois qualifiés, alors que tous les cadres transitent déjà en nombre vers la capitale chaque matin ;
  • Trop peu de valeur ajoutée créée sur le territoire, alors que ces entreprises fonctionnent avec l’extérieur grâce au réseau routier dense. D’un côté, Paris qu’il faut livrer et de l’autre, les régions qui fournissent.

Pour les autres entreprises, des critères émergent, sans pour autant prendre la forme d’un cahier des charges strict : densité d’emplois, avec taux d’emplois qualifiés ; nombre de flux sortants/entrants ; activité productive et de transformation ; certification environnementale etc.

Les candidats sont tout de suite moins nombreux et les élus prennent le risque de voir les entreprises s’installer dans l’agglomération voisine ou plus lointaine. Qu’importe, les terrains disponibles deviennent rares, les courtiers en ont bien conscience, et il n’est jamais trop tôt pour placer l’ambition.

Sur les locaux existants : nous proposons de créer une taxe sur la vacance des locaux d’activité, afin d’inciter les propriétaires à céder leur bien lorsqu’il n’est plus en activité à d’autres opérateurs qui cherchent à se développer. Cette taxe pourrait être pensée sur le même modèle que la taxe sur la vacance résidentielle[66]. Chaque local commercial vacant depuis au moins un an au 1er janvier de l’année d’imposition serait concerné. Néanmoins, cette taxe devrait s’appliquer sur tout le territoire et non uniquement dans les zones tendues.

Proposition 3 : Gérer le temps de recyclage des friches

Une des difficultés majeures dans le recyclage des friches est liée au temps. Le temps de recyclage d’un ancien site industriel se compte en années du fait de la fébrilité des investisseurs et de la complexité opérationnelle et réglementaire. Pourtant, les acteurs économiques ont besoin de s’installer en 10 à 15 mois.

Pour les nouveaux entrants : Les industriels sollicitent les collectivités pour trouver des sites livrés dans les 15 mois suivants.

Afin de répondre à cette demande, la collectivité doit être capable de proposer des projets clé en main et d’assurer le portage, la réhabilitation et la commercialisation du site.

Pour ce faire, les collectivités doivent être accompagnées par une foncière pour pouvoir réaliser les procédures environnementales en amont (formule du tiers demandeur) et délivrer des permis prêts à construire.

Pour les opérateurs présents sur le territoire mais dont l’activité est fragilisée/en déclin/en restructuration :

Les collectivités doivent être en mesure de faire un travail en amont avec les industriels qui vont partir pour anticiper la réindustrialisation du site : dans la majorité des cas, les industriels ne partent pas totalement et cherchent à optimiser leur site. Par exemple, ayant annoncé la fin de la production de voitures neuves en 2025 sur le site de Flins (Yvelines), l’entreprise Renault réorganise son site pour en dédier une partie à des activités d’économie circulaire avec des anciennes voitures.

[ENCART : Portrait de territoire : Vire Normandie]

La commune de Vire Normandie est une commune nouvelle d’environ 16 000 habitants qui est née du regroupement de 8 communes, comme cela est permis depuis la loi de Réforme des Collectivités Territoriales du 16 décembre 2010.

Ce regroupement témoigne d’une véritable volonté de constituer un budget et des compétences plus conséquents afin de mener une stratégie territoriale. Les élus sont inquiets par la ZAN car ils représentent des communes ayant très largement consommé leur surface agricole ces dix dernières années au sein du département, principalement à cause des logements individuels.

Ils sont d’ores et déjà engagés dans une politique de développement urbain qui s’attaque à l’image du bocage avec la maison individuelle … mais les mentalités ne changent pas comme ça et le territoire a un déficit d’habitants par rapport aux emplois.

Le territoire bénéficie d’un tissu économique en bonne santé, avec des entrepreneurs locaux très dynamiques. Alors sur ce sujet aussi, la collectivité, qui cultive son réseau d’acteurs économiques, a des idées pour répondre à la demande des nouvelles entreprises qui veulent s’installer ici, par économie d’agglomération. Elle connaît un certain nombre de locaux vacants, industriels ou commerciaux, que les propriétaires ne veulent pas louer, vendre ou transformer, puisqu’il s’agit d’un investissement amorti pour eux et qui ne leur coûte pas grand-chose. Il faudrait réfléchir à instaurer une taxe sur les locaux vacants, comme il en existe une pour les logements, afin de conduire ces propriétaires à trouver des preneurs.

II ) Une volonté commune d’offrir un nouveau souffle de vie aux centres-villes, en particulier la revitalisation des centres-bourgs

  1. Commerce

Le constat d’une dévitalisation des centres-villes n’est pas nouveau. Néanmoins, la destruction des surfaces commerciales en cœur de ville a connu une dynamique alarmante à partir de 2010. En 2017, 62 % des villes enregistrent un taux de vacance commerciale supérieur à 10 %, contre seulement 10 % en 2001[67]. La dévitalisation commerciale n’est pas tant la cause de la perte du dynamisme des villes que son symptôme[68]. L’émergence et le développement de ce fléau urbain s’explique, en partie, par la propension des politiques publiques locales à intégrer insuffisamment le commerce au cœur de leurs priorités. Bien souvent, les plans d’actions sur la circulation, le stationnement, la piétonisation, ou encore le sentiment de sécurité, sont pensés sans intégrer les contraintes intrinsèques aux commerces qui sont indispensables à leur implantation et leur exploitation. Intégrer une orientation commerce à l’ensemble des politiques publiques urbaines semble être une nécessité pour restaurer l’attractivité des centres-villes. Toutefois, les facteurs associés à la vacance commerciale sont bien plus nombreux que ceux retenus dans le débat public (taux de chômage, revenu médian, taux de vacance des logements, diminution du logement résidentiel, existence d’une offre de soins et d’équipements suffisante…)

Si l’offre commerciale des centres-villes s’étiole, celle des villes se renforce et particulièrement dans les villes de tailles intermédiaires (VTI[69]). Les villes de cette envergure ne perdent pas de surfaces commerciales mais subissent une dynamique de délocalisation et de transfert dans les zones détendues de leur propre aire urbaine[70]. Cette tendance impacte massivement le taux d’artificialisation de ces ensembles de communes. Ainsi, chaque année de 2009 à 2015, leurs centres-villes perdent 600 établissements et 3500 emplois salariés. Sur la même période, ces mêmes agglomérations connaissent une augmentation de 100 établissements et 1600 salariés par an[71].

Toutefois, ce diagnostic n’intègre pas les modifications des modes de vie et consommations amorcées avant 2020 et cristallisées par la crise sanitaire. Face aux difficultés rencontrées par leurs populations urbaines pendant cette période, il est apparu prioritaire de rendre à ces centres-villes des commerces répondant aux besoins essentiels de la population. Cet objectif est massivement repris dans les promesses de campagne des candidats aux municipales de 2020, dans les villes en proie à la vacance commerciale.

Par ailleurs, les grandes surfaces n’attirent plus autant les investisseurs. Les surfaces occupées par des centres commerciaux poursuivent leur déclin depuis 2015, qui s’accélère chaque année[72]. Les acteurs commerciaux dont le modèle repose sur les transferts et les restructurations de sites en série auront de plus en plus de difficultés à assumer la création de nouveaux bâtiments, souvent très proches des anciens, au prétexte d’une meilleure organisation. Avec l’impératif du ZAN, les activités commerciales de périphérie seront moins mobiles et devront se concentrer sur la valorisation de leur site existant. Le changement de modèle commercial en cours, appuyé par les contraintes nouvelles de la Loi Climat et Résilience, est l’opportunité de réaliser cette volonté commune d’offrir un nouveau souffle de vie aux centres-villes.

Les dispositifs visant à revitaliser les centralités urbaines (« Action cœur de ville », « Petites villes de demain ») montrent des résultats plutôt convaincants sur ce mode de faire qui accompagne les collectivités à penser « projet urbain » et proposant un financement multi-partenarial. La lutte contre le transfert des commerces en périphérie et l’artificialisation induite doit s’appuyer sur les politiques publiques territoriales qui émergent dans ces dispositifs et qui gagneraient à être généralisées.

Enfin, l’impact du commerce sur l’artificialisation des sols ne se réduit pas au maintien et à la relocalisation de commerces de proximité. Il doit intégrer l’impact des infrastructures nécessaires à logistique du dernier kilomètre et des nouveaux modes de consommations

  1. L’activité productive

Les projets urbains en milieu dense ont largement intégré la mutation de l’économie (innovation, émergence de start-up, tertiarisation,…) avec des produits immobiliers dédiés. En revanche, l’immobilier dit « productif » est le maillon manquant de la mixité fonctionnelle souhaitée dans les opérations d’aménagement. Plus de 30 hectares de foncier productif disparaissent chaque année en Île-de-France[73] au profit d’autres usages, entraînant un report des activités productives en seconde couronne. La pression sur la production de logements, accentuée par leur manque et les obligations de construction, polarise le secteur sur les opérations de logements dont la rentabilité est supérieure. Ce phénomène se retrouve dans l’ensemble des métropoles françaises et révèle un angle mort des politiques publiques territoriales pour maintenir les activités productives dans le tissu urbain dense et sur des emplois liés. L’impact carbone de ce desserrement des activités économiques souligne l’urgence à agir pour la planification de parcs d’immobilier productif métropolitains et régionaux.

Malgré la mobilisation des acteurs de l’aménagement, les multiples tentatives d’insertion d’activités productives dans les opérations d’aménagement peinent à attirer les petites activités ou à les maintenir durablement dans les locaux réhabilités comme neufs. Les facteurs explicatifs sont les mêmes que ceux qui poussent les entreprises productives à se délocaliser en grande périphérie, à savoir :

  • des prix de sortie qui restent trop importants malgré la volonté de chercher une péréquation entre le logement et l’activité ;
  • une sensibilité accrue des habitants et des élus aux nuisances entraînées par les activités et particulièrement à la circulation des camions en ville ;
  • l’engorgement des réseaux routiers avec les voitures individuelles lié à la croissance urbaine qui pèse fortement sur les activités du bâtiment (second œuvre et rénovation) ;
  • les disponibilités foncières plus importantes en grande périphérie ;
  • l’obsolescence d’une partie du parc immobilier industriel et productif en centre ou en première couronne qui ne répondent plus aux exigences normatives des activités et au règlement d’hygiène et de sécurité permettant une mixité programmatique (activité/logement).

La raréfaction des opportunités foncières, renforcée par l’objectif du ZAN, accentue l’intérêt d’intégrer des activités productives dans les tissus existants. Aussi, en quoi la ZAN représente-t-elle une opportunité pour que les acteurs économiques se saisissent de ces produits ? Comment les inciter ?

Le ZAN offre un puissant levier réglementaire pour concevoir des politiques publiques incitatives pour que les acteurs du commerce et de l’activité économique s’insèrent dans les tissus urbains constitués. Le préalable à ce retour à la ville est la définition et la réalisation des conditions d’accueil nécessaires aux activités économiques pour une ville densifiée, accueillante et dynamique.

Autrement dit, cela pose deux grandes questions :

Comment faire en sorte que la ville soit accueillante pour les activités afin que les investisseurs et entrepreneurs ne les installent pas en périphérie et concourent à l’extension urbaine ?

Comment cesser de spécialiser les territoires en développant une autre politique d’accueil de l’offre économique ?

Propositions

  1. Créer un observatoire prospectif du foncier productif
  2. Renforcer les outils règlementaires et la planification en facteur d’une ville productive
  3. Application du ZAN, un point de bascule pour développer un marché de la réhabilitation de l’immobilier productif.

Proposition 1 : Observatoire prospectif du foncier productif

Cette proposition décline l’observatoire prospectif de la partie A sur l’immobilier productif afin de croiser les bases de données foncières avec la réalité des secteurs économiques. La bonne connaissance des potentialités du territoire et des besoins des industriels est un préalable indispensable pour construire une nouvelle planification de l’activité économique où les objectifs environnementaux et sociaux président.

Proposition 2 : Renforcer les outils réglementaires et la planification en faveur d’une ville productive

La mise en place d’une politique publique pour le soutien aux activités engage les collectivités territoriales à envisager une échelle d’action plus fine de leurs outils de planification.

Les objectifs de la révision de ces documents doit assurer l’évolution et la préservation des bâtiments existants en lien avec une destination productive. En effet, les classifications des PLU et PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) ne prévoient pas de zonage expressément réservé aux activités économiques. De fait, les bâtis les plus modulaires disposant de facilités d’accès pour la livraison et de places de stationnement, seront phagocytés par les implantations et les transferts de commerces de zones commerciales.

Nous proposons d’intégrer la destination « activités » dans les règlements des Plans locaux d’urbanisme avec une arborescence de sous-catégories qui permettront aux collectivités d’encadrer l’occupation des sols en continuité avec une politique pour le maintien et le développement des activités productives en ville.

Cette proposition fait l’objet d’une expérimentation à Vitry-sur-Seine depuis 2019. La collectivité conduit depuis plus de 20 ans un projet urbain engageant une profonde mutation des formes urbaines et des occupations du sol. Pour préserver son identité productive en réponse aux tensions foncières et ses mutations à vocation résidentielle, la ville a fait évoluer son approche de la planification pour pérenniser les capacités d’accueil d’activités économiques, en particulier productives et industrielles. Cette planification s’appuie sur nouvelle classification très prescriptive qui spatialise l’usage à la parcelle avec une palette suffisamment flexible pour assurer la liaison entre les quartiers et éviter de reproduire les écueils d’un urbanisme fonctionnel.

Extrait PLU Vitry-sur-Seine, 2019

Une approche projet est nécessaire pour concrétiser une évolution des outils de planification. Elle se traduit par une association étroite des équipes en charge de la fabrique de la ville (développement économique, du foncier, de l’urbanisme réglementaire et de l’aménagement) sur l’identification des îlots existants qui accueillent de l’activité et des îlots projetés au sein des opérations d’aménagement. Ce fin travail de recensement encadre la préservation et l’évolution des bâtiments existants en lien avec une destination productive précise. L’approche est la même pour ce qui concerne le développement des activités productives par la réalisation de programmes immobiliers neufs en milieu urbain mixte.

Proposition 3 : Application du ZAN, un point de bascule pour développer un marché de la réhabilitation de l’immobilier productif

L’inadéquation de l’offre face à la pression de la demande en immobilier d’activités doit être considérée comme une opportunité de marché où l’application du ZAN serait le point de bascule.

L’intérêt à agir pour les acteurs de l’investissement immobilier est certain. Toutefois, il doit être amplifié par des mesures incitatives et un accompagnement nouveau des collectivités territoriales.

Des gisements fonciers et immobiliers sont déjà disponibles, mais nécessitent parfois simplement d’être restructurés et remis aux normes pour constituer des solutions d’accueil adaptées pour les entreprises dites « productives ». Le parc d’actifs immobilier productif et industriel du XXe est courtisé par les investisseurs et les foncières pour ses qualités intrinsèques. En effet, ces actifs qu’ils considèrent comme alternatifs ou non conventionnels, présentent un intérêt nouveau dans une logique de diversification de l’exposition au risque de leur portefeuille. De plus, la mixité programmatique et la diversité des porteurs de projets (locaux et internationaux) dans ces sites permettent de fabriquer une certaine résilience globale des activités. L’homogénéité des porteurs et des franchisés dans les centres commerciaux traditionnels sont plus exposés aux événements boursiers et internationaux. Des opérations de réhabilitation proposant ce type de programmation se sont largement développées avec les modèles opérationnels public/privé tels que « Imaginer la Métropole du Grand Paris » (IMPG) ou « Réinventer Toulouse / Paris ». Les collectivités doivent désormais être en mesure d’accompagner les investisseurs qui appréhendent la commercialisation de ces locaux non standardisés et la solvabilité de preneurs issus de l’ESS, de l’urbanisme transitoire. Des mesures d’accompagnement sur le financement de la rénovation et de l’amélioration de la performance énergétique des locaux économiques ou de couverture du risque locatif pourraient diminuer la tension entre l’offre et la demande et encourager les acteurs à créer un véritable marché de la réhabilitation des friches d’activités.

Conclusion

La France possède un parc de friches industrielles et de zones d’activités issu majoritairement du début du XXe siècle. Ces dernières décennies, nos territoires ont produit de futures friches commerciales et résidentielles (pavillons, grands ensembles…) que nous devrons traiter à l’horizon 2050. S’assurer de ne pas construire des « ruines à l’envers »[74] est une obligation qui incombe aux collectivités. Nous devons aujourd’hui penser à la mutation de ces friches en devenir et anticiper les modèles économique et opérationnel de reconversion. Un observatoire ne doit pas être un inventaire statique, c’est un outil permettant de détecter les friches en gestation. Cependant, un blocage persiste puisque des modèles économiques plus rentables ont conduit à réhabiliter des friches industrielles pour des usages non industriels, tels que des écoquartiers ou des zones commerciales. En attendant de trouver de nouveaux modèles économiques, réhabiliter des friches industrielles pour accueillir des activités de production est un vrai choix politique qui nécessite de fédérer des acteurs industriels.

Nous alertons également quant à la difficulté de faire muter des friches, qui a pu parfois être minimisée par le lancement en fanfare d’appels à manifestation d’intérêt. Les friches sont une ressource pour certains territoires mais chaque situation est unique et doit être pensée selon le contexte du territoire et le montant d’investissements publics mobilisables.

Nous attirons également l’attention sur les risques d’une réindustrialisation tous azimuts. Pour produire quoi ? Dans quel but ? Avec quelles matières premières et ressources ? Est-ce que le territoire dispose de ces ressources ? La chercheuse Anaïs Voy-Gillis met en garde sur les risques de décalage entre les territoires et les ressources tout en rappelant que la réindustrialisation peut aussi être un moyen de faire monter en gamme certains produits. Par exemple, l’industrie agroalimentaire peut être un moyen de faire monter en gamme les produits bruts agricoles produits aux alentours, créant de la valeur et valorisant la dimension agricole du territoire réindustrialisé.

La logistique échappe aux logiques territoriales et au tissu économique local. Ce sont des acteurs économiques internationaux qui s’implantent selon des axes de circulation majeurs. Comme évoqué dans la proposition sur la fiscalité, le développement d’activités logistiques articule des problématiques alliant commerce, consommation et artificialisation sans création significative d’emplois à l’hectare. Agir sur la logistique nécessite une réglementation propre dans le décret d’application et une réglementation nationale qui peut passer par le commissariat général à la planification. Dans une récente tribune, Pierre Veltz et David Djaïz ne disaient pas autre chose en appelant de leurs vœux à « revenir à une forme de planification stratégique et spatiale ». [75]

En dernier recours, les obligations de compensation dans la séquence ERC (Éviter, réduire, compenser) s’appliqueront aux sites de logistiques qui viendront financer des opérations de renaturation proches.

Conclusion finale du rapport

S’engager dans un développement territorial et urbain soutenable est un objectif qui semble partagé par les acteurs qui font la ville et les territoires, que ce soit les élus ou les acteurs privés.

Bien que les ambitions soient globalement partagées par les acteurs, le chemin pour y parvenir est difficile à tracer puisqu’il nécessite de sortir des cadres de pensée et de faire que nous connaissons. Les décrets sur la nomenclature des sols et sur la déclinaison des objectifs régionaux de réduction de la consommation d’espace étaient très attendus et sont parus au Journal officiel le 30 avril 2022.

Principaux enjeux des décrets

Suite à leur publication, nous avons repris contact avec les différents acteurs interrogés dans le cadre de ce rapport. Les réactions sont de plusieurs ordres.

Tout d’abord, le manque d’écoute et la non-prise en compte des retours suite à la consultation sont soulignés. Par exemple, la liste des critères pour décliner l’objectif régional a été réduite de moitié et ne comprend plus l’effort passé de réduction de la consommation foncière par rapport à la version du décret soumise à la consultation publique. La conduite de ce chantier va nécessiter plus d’écoute, d’accompagnement et de dialogue.

Deuxièmement, les acteurs regrettent une forme de régression sur l’exigence en termes de fonctionnalité des sols, à travers notamment la classification des carrières en espaces non artificialisés. En effet, quel que soit le type d’exploitation, ces activités impliquent généralement un décapage des terres de couverture pour extraire le gisement.

Des sujets juridiques ont également été relevés.

Concernant le décret sur la nomenclature, l’application est immédiate, il concerne donc les documents qui traiteront de la question de l’artificialisation pour la période 2031-2041. Or, les données de l’OCSGE (occupation du sol à grande échelle) ne seront disponibles qu’à partir de 2024 pour toute la France. Tous les documents qui seront approuvés avant n’auront pas le temps de s’approprier techniquement les résultats de l’OCSGE. Les collectivités et les régions devront donc appliquer une nomenclature dont les données sont indisponibles. De plus, il existe des flous techniques, telle que la notion de polygone apparue avec la consultation publique : « l’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme. » L’État a voulu asseoir la nomenclature sur un outil d’observation qui n’est pas encore disponible alors que le calendrier de mise en œuvre de la loi est très court pour les collectivités. L’inexpérience dans l’utilisation de l’outil risque d’être sujet à de nombreux contentieux pour les procédures des 25 000 documents concernés et particulièrement pour les collectivités peu dotées en ingénierie.

Concernant le décret sur les SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), l’inscription de « cible » par SCoT (Schéma de cohérence territorial) peut poser un problème constitutionnel de tutelle d’une collectivité sur une autre, d’autant plus que législativement la gestion économe du foncier et la lutte contre l’artificialisation est une compétence du bloc local dans le cadre de l’élaboration ou la révision de leur SCoT et leur PLU/PLUI.

De notre point de vue, le chemin est d’autant plus difficile à tracer que nous manquons d’un récit politique autour du ZAN, qui viendrait dessiner un horizon souhaitable et désirable. Aujourd’hui, le ZAN ce sont des objectifs quantitatifs, des tableaux de nomenclature des sols, des données et des définitions techniques. Mais quel est le projet de société qui guide ces objectifs sectoriels chiffrés ? Que signifie vivre en France en 2050 ? Où vit-on, où travaille-t-on, comment se déplace-t-on et consommons-nous ?

Réduire l’artificialisation des sols implique un changement de paradigme, c’est-à-dire de faire avec l’existant en partant des dynamiques démographiques et économiques réelles et non fantasmées ainsi que des ressources produites sur le territoire.

Il nous semble que nous sommes collectivement pris dans un imaginaire du territoire attractif, qui attire de jeunes ménages et des entreprises de pointe par la construction de logements et de zones d’activités économiques.

C’est pourquoi ce rapport s’est fixé pour objectif de montrer qu’un développement harmonieux est possible sans artificialisation nette. Nous pouvons répondre aux besoins en logements, attirer des entreprises, réindustrialiser la France, proposer des services aux habitants sans artificialiser plus que ce que nous sommes en mesure de renaturer. Car l’attractivité n’est pas forcément un horizon souhaitable pour tous les territoires. Un autre développement est possible, qui prend en compte l’existant et qui s’appuie sur des dispositifs déjà en place.

De plus, d’autres récits sont en cours de narration et posent des défis aux territoires : la neutralité carbone ou la revitalisation des territoires par exemple. Ces objectifs ont un effet d’entraînement mutuel. Le ZAN est une opportunité pour atteindre la neutralité carbone puisqu’il conduit à densifier et relocaliser les activités humaines autour de pôles régionaux ce qui limite les déplacements et donc la consommation énergétique.

Enfin, pour construire un projet de territoire tourné vers l’intérêt général et qui soit soutenable, la maîtrise du foncier est un prérequis indispensable. Pour organiser un rééquilibrage territorial, nous devons repositionner le foncier au cœur des politiques d’aménagement du territoire, passer du « sol foncier » aux « sols vivants », avec des droits et des devoirs qui consacrent leur statut de bien commun, et non plus réguler le marché a posteriori.

Remerciements

Nous remercions chaleureusement l’ensemble des personnes que nous avons interviewé dans le cadre de cette note, leurs avis et perspectives ont été essentielles pour la constitution de ce dossier.
La plupart d’entre elles et d’entre eux sont issus de collectivités territoriales, à des niveaux politiques ou techniques mais aussi d’agences d’urbanisme, d’entreprises privées ou du monde académique.
Nous remercions également les membres de l’Institut Rousseau ainsi que Charles Claron pour leurs relectures et commentaires.

[1]https://www.leparisien.fr/politique/la-maison-individuelle-non-sens-ecologique-emmanuelle-wargon-revient-sur-ses-propos-polemiques-19-10-2021-ZOWJFQBDQVHFJI5KB5ZJD24TC4.php?ts=1651830825713 (consulté le 03/09/2022)

[2] Enquête Teruti-Lucas, enquête annuelle réalisée par les services statistiques du ministère en charge de l’agriculture ayant pour objectif de suivre l’évolution de l’occupation et de l’usage des sols sur tout le territoire national.

[3] Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924 (consulté le 03/09/2022)

[4] Ici, la compensation désigne le fait de contrebalancer les impacts négatifs d’un projet en renaturant des sols artificialisés dans un autre endroit.

[5] Il convient ici de mentionner que la renaturation, telle quelle, est une inexactitude : on ne restaure pas d’un coup, en un temps court, 100 % des fonctions écosystémiques d’un sol naturel. En réalité, on restaure, progressivement, une partie des services écologiques rendus par un sol vivant, en le désartificialisant et en mettant en œuvre certaines techniques. Mais le sol n’est pas une carte noire qu’on pourrait retourner pour en faire une carte verte en retirant une fine couche de béton.

[6] Voir https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727041 et https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727061 (consultés le 03/09/2022)

[7] Article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme

[8] Voir https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols (consulté le 03/09/2022)

[9] Décret sur la nomenclature des sols : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045727061 (consulté le 03/09/2022)

[10] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924 (consulté le 03/09/2022)

[11] Voir : https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr (consulté le 03/09/2022)

[12] Voir : « Montagne et changement climatique : la Nature déboussolée », https://www.atlasmontblanc.org/survoler/ (consulté le 03/09/2022)

[13] L’enquête Teruti-Lucas précise que l’artificialisation s’est fait au ⅔ sur les terres agricoles et à ⅓ sur les espaces boisés et naturels.

[14] Voir: Grenier d’abondance, « Qui veille au grain, du consensus scientifique à l’action publique », https://resiliencealimentaire.org/ (consulté le 03/09/2022)

[15] Voir : https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/index.php/kiosque/2021-2022-rapport-cahier-1-demo-chap-01-03-dune-france-rurale-une-france-urbaine-les (consulté le 03/09/2022)

[16] Stébé, J. (2020). La préférence française pour le pavillon. Constructif, 57, 25-28 https://doi.org/10.3917/const.057.0025 (consulté le 03/09/2022)

[17] M. Alban Chalandon fut ministre de l’Équipement et du Logement et l’auteur en 1971 du Plan Chalandon pour l’accès des plus modestes à la propriété individuelle par la construction de maisons individuelles bon marché.

[18] Defawe, P. (2006). « Nicolas Sarkozy veut faire de la France ‘un pays de propriétaires’ », Le Moniteur. https://www.lemoniteur.fr/article/nicolas-sarkozy-veut-faire-de-la-france-un-pays-de-proprietaires.1267524 (consulté le 03/09/2022)

[19] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000501076 (consulté le 03/09/2022)

[20] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000888376 (consulté le 03/09/2022)

[21] PUMAIN, D. , GUÉROIS, M. , et PAULUS, F., « L’étalement urbain en France », GéoProdig, portail d’information géographique, http://geoprodig.cnrs.fr/items/show/202771 (consulté le 03/09/2022)

[22] L’enquête Teruti-Lucas (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) est une étude mesurant l’artificialisation basée sur des observations de terrain et une extrapolation statistique.

[23] L’enquête Teruti-Lucas sur l’usage des sols artificialisés en France Métropolitaine, reposant sur les données de 2014 aboutit aux résultats suivants : 48 % routes et parkings / 31 % gazons, jardins / 18 % bâtiments / 3 % sols nus.

[24]https://www.leparisien.fr/politique/la-maison-individuelle-non-sens-ecologique-emmanuelle-wargon-revient-sur-ses-propos-polemiques-19-10-2021-ZOWJFQBDQVHFJI5KB5ZJD24TC4.php?ts=1651830825713 (consulté le 03/09/2022)

[25] SAFER – Le prix des terres https://www.safer.fr/app/uploads/2020/05/3-2020-SYNTHESEPDT2019-BD.pdf (consulté le 03/09/2022)

[26] https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-pilotes-de-sobriete-fonciere-guide-de-la-demarche-560 (consulté le 03/09/2022)

[27] https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/artificialisation-des-sols-rapport-en-francais-1.pdf (consulté le 03/09/2022)

[28] Article L110-1 du code de l’environnement. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038845984/ (consulté le 03/09/2022)

[29] Compensation par l’offre proposée par la CDC Biodiversité ou encore compensation à la demande. https://www.cdc-biodiversite.fr/actualite/cdc-biodiversite-obtient-lagrement-du-1-er-site-naturel-de-compensation-de-france-pour-cossure/ (consulté le 03/09/2022)

[30] PCC, 2022 : Summary for Policymakers. In : Climate Change 2022 : Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. C.10.3. https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf (consulté le 03/09/2022)

[31] CEREMA (2020) L’artificialisation et ses déterminants d’après les Fichiers fonciers, https://datafoncier.cerema.fr/lartificialisation-et-ses-determinants (consulté le 03/09/2022)

[32] Projections démographiques du ministère du Logement

[33] Projections démographiques du ministère du Logement

[34] Fondation Abbé Pierre (2022), 27e rapport sur l’état du mal logement en France, https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/27e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2022, (consulté le 03/09/2022)

[35] « Le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse », a déclaré Emmanuelle Wargon, le 14 octobre 2021, à la Cité de l’architecture, en clôture de la démarche Habiter la France de demain qu’elle avait initiée en février.

[36] Rapport de la Fabrique écologique : les défis de la lutte contre l’artificialisation des sols, https://www.lafabriqueecologique.fr/les-defis-de-la-lutte-contre-lartificialisation-des-sols/ (consulté le 03/09/2022)

[37] Consultation en ligne de la consultation citoyenne « Habiter la France de demain » organisée par le secrétariat à la transition écologique

[38] Rapport Rebsamen : Commission pour la relance durable de la construction de logements https://www.vie-publique.fr/rapport/281590-relance-de-la-construction-de-logements-rapport-rebsamen (consulté le 03/09/2022)

[39] La ville du quart d’heure, une solution à l’asphyxie des grandes métropoles ? https://usbeketrica.com/fr/article/la-ville-du-quart-d-heure-une-solution-a-l-asphyxie-des-grandes-metropoles (consulté le 03/09/2022)

[40] Rapport Rebsamen : Commission pour la relance durable de la construction de logements, cf note 38

[41] Le logement face à la crise sanitaire : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/note_covid_v2.pdf (consulté le 03/09/2022)

[42] L’enquête « Habiter la France de demain » révèle que 80 % des répondants désirent un logement individuel. https://www.ecologie.gouv.fr/habiter-france-demain (consulté le 03/09/2022)

[43] Cottin-Marx, S. (2015). À propos du livre d’Anne Lambert, « Tous propriétaires ! ». L’envers du décor pavillonnaire, Paris, Seuil, coll. « liber », 2015. Mouvements, 84, 173-177. https://doi.org/10.3917/mouv.084.0173 (consulté le 03/09/2022)

[44] https://www.strom.ch/de/energiewissen/stromverbrauch (consulté le 03/09/2022)

[45] Morgane Gonon, Clément Surun et Harold Levrel, 19/10/2021 : « Limiter l’artificialisation des sols pour éviter une dette écologique se chiffrant en dizaine de milliards d’euros » https://theconversation.com/limiter-lartificialisation-des-sols-pour-eviter-une-dette-ecologique-se-chiffrant-en-dizaines-de-milliards-deuros-166073 (consulté le 03/09/2022)

[46] « Comment le petit propriétaire d’un pavillon de banlieue peut résoudre la crise du logement », Lily Munson, 14/03/2022, Terra Nova https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/comment-le-petit-proprietaire-dun-pavillon-de-banlieue-peut-resoudre-la-crise-du-logement/ (consulté le 03/09/2022)

[47] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/programme-action-coeur-de-ville (consulté le 03/09/2022)

[48] https://www.economie.gouv.fr/particuliers/reduction-impot-denormandie (consulté le 03/09/2022)

[49] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/operation-de-revitalisation-de-territoire-ort (consulté le 03/09/2022)

[50] Voir le Plan national de lutte contre les logements vacants, https://www.ecologie.gouv.fr/plan-national-lutte-contre-logements-vacants (consulté le 03/09/2022)

[51] Les infrastructures de transport ne sont pas comptabilisées dans les fichiers fonciers.

[52] Les déterminants de la consommation d’espace, période 2009-2019, CEREMA https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/sites/artificialisation/files/inline-files/rapport_V7_2009-2019.pdf (consulté le 03/09/2022)

[53] En valeur relative, les effectifs dans l’industrie sont ainsi passés de 23,7 % à 12 % de la population active à peine entre 1970 et 2014.

[54] François Bost et Dalila Messaoudi, « La désindustrialisation : quelles réalités dans le cas français ? », Revue Géographique de l’Est [En ligne], vol.57 / 1-2 | 2017, mis en ligne le 15 novembre 2017, consulté le 01 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/rge/6333 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rge.6333 (consulté le 03/09/2022)

[55] Repenser la périphérie commerciale, AAP Ministère de la Cohésion des territoires. https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/repenser-la-peripherie-commerciale (consulté le 03/09/2022)

[56] https://www.lafabriqueecologique.fr/les-defis-de-la-lutte-contre-lartificialisation-des-sols/ (consulté le 03/09/2022)

[57] Observer la vacance et les dynamiques commerciales pour faire face à la crise. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CVT_WEbinaire%2024-06-2020_Les%20essentiels.pdf (consulté le 03/09/2022)

[58] Avis sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets. CE, avis du 4 février 2021, point 60 ;

[59] 6,9 % de vacances en Ile-de-France et 4,5 % à Bordeaux. https://www.batiactu.com/edito/bureaux-vacants-a-location-progression-30-ile-france-61616.php (consulté le 03/09/2022)

[60] ADEME, Sophie Ménard, Théo Mouton, David Magnier (CDC Biodiversité), Thomas Cormier, Jean Benet (L’Institut Paris Région). 2021. État de l’art analytique et contextualisé – Objectif zéro artificialisation nette + (ZAN) et contribution de l’ADEME : état de l’art, ressources et plan d’actions. https://www.teddif.org/sites/teddif/files/inline-files/etat-art-zan-ademe_2021.pdf (consulté le 03/09/2022)

[61] https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/CVT_Synthese_Webinaire%2024-06-2020_0.pdf

[62] Rapport France 2030, https://www.economie.gouv.fr/files/files/2021/France-2030.pdf (consulté le 03/09/2022)

[63] Conférence du 16 juillet 2022, https://leonard.vinci.com/compte-rendu-la-reindustrialisation-a-lepreuve-de-lobjectif-zero-artificialisation-nette-zan-16-fevrier-2022-hotel-de-lindustrie/ (consulté le 03/09/2022)

[64] Opinion : « Réindustrialisation et Zéro Artificialisation Nette sont-ils compatibles ? », https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-reindustrialisation-et-zero-artificialisation-nette-sont-elles-compatibles-1385164 (consulté le 03/09/2022)

[65] La gestion économe du foncier dans les parcs d’activité. Guide pratique. Octobre 2013.

[66] La base d’imposition correspond à la valeur locative du logement, le taux appliqué variant en fonction de la durée de vacance du logement (12,5 % la 1e année où le logement est imposable, 25 % à compter de la 2e année).

[67] Procos, Palmarès Procos 2018 des centres-villes commerçants les plus dynamiques, 2e édition, https://www.procos.org/images/procos/presse/2018/procos_-cp_palmares-2018-2.pdf (consulté le 03/09/2022)

[68] CGEDD, Rapport d’information n° 676 (2016-2017) de MM. Rémy POINTEREAU et Martial BOURQUIN, fait au nom de la Délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 20 juillet 2017, https://www.senat.fr/rap/r16-676/r16-676_mono.html (consulté le 03/09/2022)

[69] L’Insee définit les villes de taille intermédiaire (VTI) comme les agglomérations qui offrent plus de 5000 emplois. Les agglomérations de plus de 150 000 habitants en sont toutefois exclues.

[70] Point Marché sur l’activité de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France et à Paris dans le secteur des bureaux « MarkertBeat Place IDF », Cushman et walkfied, 2021 ;

[71] Arthur Cazaubiel (division Commerce – Insee), Gaël Guymarc (PSAR Analyse urbaine – Insee), « La déprise du commerce de proximité dans les centres-villes des villes de taille intermédiaire », https://www.insee.fr/fr/statistiques/4248184 (consulté le 03/09/2022)

[72] Id.

[73] Livre Blanc Immobilier Productif – 2021, Grand-Orly Seine Bièvre, Plaine-Commune, Est Ensemble, Grand Paris Sud Est Avenir, Ville de Paris. https://www.est-ensemble.fr/sites/default/files/livret_blanc_immo_productif.pdf (consulté le 03/09/2022)

[74]  Robert Smithson, Une visite aux monuments de Passaic, New Jersey, Artforum, décembre 1967

[75] « Réinventons l’aménagement du territoire ! », Pierre Veltz et David Djaïz, Les Echos, 16 février 2022 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-reinventons-lamenagement-du-territoire-1387447 (consulté le 03/09/2022)

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