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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Points de vue

La planification écologique est vouée à l’échec sans remise en question de la décentralisation

Lorsqu’il reprend à son compte lors de son unique meeting d’entre deux tours l’idée de « planification écologique », le président depuis lors réélu sait qu’elle va susciter l’intérêt ; un intérêt composé d’un mélange de défiance et d’espoir chez les électeurs ayant une sensibilité écologique. Défiance tout d’abord parce que la « planification écologique » vient se substituer à une longue série d’oxymores telles que « développement durable », « croissance verte », « transition écologique » qui ont en commun d’avoir véhiculé l’idée que la prise en compte de l’environnement pouvait se faire de façon très progressive et indolore[1]. Malheureusement, la volonté politique réelle qui se cachait derrière ces mots a été cruellement mise à défaut au regard des indicateurs environnementaux qui n’ont cessé de se dégrader au gré des alternances politiques. Ces expressions, et leurs promoteurs, ont de fait, été décrédibilisés et suscitent désormais une forte suspicion. Ce nouveau mantra de « planification écologique » n’a pas de définition précise et unique. On peut toutefois tenter d’en faire la synthèse en indiquant que la planification est la combinaison d’un objectif, d’une trajectoire et d’une maîtrise des moyens pour y répondre. S’il sous-tend lui aussi cette idée de progressivité indolore, s’y insinue toutefois une dimension qui était devenue taboue dans les discours depuis bien longtemps, celle d’un pilotage par l’État. La planification écologique, au surplus, directement rattachée à Matignon, marquerait-elle ainsi le grand retour de l’État visionnaire, stratège et régulateur ? Cet État-là est connu et connoté plutôt positivement dans l’imaginaire collectif des générations qui ont connu les Trente glorieuses dont il a été l’artisan principal. C’est en ce sens que cette idée de planification écologique peut susciter une forme d’espoir. Mais l’État de 2022 n’est plus du tout celui des années 60, ni 80, ni même 2010 (Lois Grenelle). L’État, principal garant de l’unité nationale, de l’équité entre citoyens et de l’intérêt général s’est volontairement et méthodiquement effacé depuis les années 80 pour laisser faire les mains invisibles prétendument providentielles de la libéralisation de l’économie et des politiques publiques au travers des actes successifs de décentralisation[2]. Dans les deux cas, cette libéralisation s’est révélée être un échec cuisant en ce qui concerne les sujets environnementaux : l’économie capitaliste ne cherche qu’à en tirer cyniquement toujours davantage de bénéfices tandis que les politiques publiques environnementales, largement amoindries par leur dissémination « façon puzzle », constituent des cibles de choix attaquées, contournées ou dévoyées face aux lobbys nationaux et pressions plus locales. Dans les deux cas, les intérêts privés et immédiats (sous couvert de chantage à l’emploi ou titre du « développement » territorial) priment sur l’intérêt général et une vision à long terme dont l’État se doit pourtant d’être le premier garant. Le retour d’expérience est également à cette image, très cruel : l’État est depuis plusieurs années incapable de tenir ses objectifs ; notamment dans le domaine de l’environnement où les annonces sont devenues incantatoires. Nonobstant les interrogations fréquentes sur l’adéquation entre les objectifs environnementaux affichés et la volonté politique réelle d’agir en ce sens, l’État n’a parfois même plus la maîtrise des leviers nécessaires à leur atteinte, ni même à leur contrôle. Parmi les exemples les plus marquants et constants d’objectifs non atteints, on peut citer ceux portant sur la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction de l’usage des produits phytosanitaires en agriculture ou encore la rénovation énergétique des logements. Plutôt que de chercher à en comprendre les raisons et y remédier, les gouvernements successifs préfèrent se voiler la face et continuer à faire « comme si », en fixant au besoin de nouveaux objectifs plus lointains pour gagner du temps et se redonner de l’air politiquement. Comment expliquer ces échecs récurrents et patents ? Quels sont leurs points communs ? Ce sont tout d’abord des sujets clivants et sensibles pour lesquels l’État n’a pas voulu ou pas pu mettre en adéquation les paroles et les actes. Le renoncement face aux pressions internes et externes sur les sujets environnementaux est presque devenu un postulat pour tous les ministres de l’Environnement successifs dont il est désormais de notoriété publique[3] qu’ils perdent systématiquement leurs arbitrages face aux ministères de l’Agriculture ou à Bercy. « On ne fera pas l’écologie contre l’économie » a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne la semaine de sa nomination[4], « il ne faut pas opposer agriculture et écologie » déclarait Julien Denormandie quelques mois auparavant[5]. Ces expressions du registre du « en même temps » et qui apparaissent n’être que de bon sens sont en réalité des marqueurs pour rappeler la hiérarchie des enjeux et donc des ministères au sein du gouvernement. L’autre facteur explicatif vient de la double décentralisation[6]. Sur de nombreux sujets, l’État veut continuer à croire qu’il décide alors même que les compétences ne lui appartiennent plus car transférées, avec plus ou moins de bonheur, aux collectivités locales : régions, départements (dans une moindre mesure pour les sujets environnementaux), EPCI (intercommunalités) et communes. L’autre forme de décentralisation typiquement française, plus discrète et largement poussée par les cabinets de conseil dont on sait qu’ils ont une influence forte sur la désorganisation de l’État[7] en échange de bons procédés[8], est celle qui vise à confier des compétences à des organismes publics dont il a partiellement ou totalement perdu le contrôle. Par construction, ces opérateurs ou établissements sont dotés d’un conseil d’administration au sein duquel l’État est minoritaire et où les décisions sont à nouveau politisées alors même qu’elles ne devraient relever pour l’essentiel que d’une application directe et opérationnelle de politiques nationales dûment adoptées. À ceci s’ajoute le fait que les ministères confient à ces opérateurs des objectifs trop peu précis et suivis et exercent sur eux une tutelle souvent lâche qui conforte les velléités d’autonomie.[9] Leur multiplication puis l’élargissement continu de leurs missions n’a eu pour effet que de réduire, par effet de vases communicants, les effectifs et crédits des services centraux et déconcentrés des ministères, sortant ainsi de la chaîne de décision (et indirectement de la légitimité démocratique) de plus en plus de compétences pourtant ministérielles. Ne peut-on a minima reconnaître à l’État son pouvoir d’influence, notamment au niveau

Par Delelys A.

30 septembre 2022

Rentrée de classe, superprofits et reconstruction L'éditorial de septembre 2022

L’État, « le plus grand super profiteur » de la crise ? Voilà ce qu’on a pu entendre de Geoffroy Roux de Bézieux, invité au micro de France Inter pour l’ouverture des universités du MEDEF. Quelle provocation. Pendant que les très grandes entreprises se gavent, l’État est plus affaibli que jamais. Nous avons vécu un été d’incendies et de sécheresse. La rentrée met en tension les services publics essentiels et s’annonce rude pour les plus fragiles. Faute de personnel, on ferme des CHU. L’Éducation nationale compte 4000 postes de professeurs vacants, quand il manque autant de chauffeurs de cars. Dans un contexte d’inflation forte, le prix de gros de l’électricité atteint des sommets, dépassant les 1000 € le MWh pour 2023 (12 fois plus qu’en 2022 !). Nous ne manquons pourtant ni de richesses ni de moyens d’action. Au premier semestre 2022, les grands groupes français ont multiplié par trois leurs bénéfices nets. Accumulation absurde des grands possédants dans une mer d’angoisse populaire. Du côté des bancs de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) à l’Assemblée nationale, on pousse l’idée d’une taxe sur les « superprofits » à l’instar de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume-Uni. 59 % des Français y sont favorables selon une enquête YouGov. À sa façon, l’Institut Rousseau poursuit son travail pour proposer des politiques publiques à la hauteur des enjeux de notre siècle, en traçant un chemin vers la reconstruction écologique et républicaine. Comme au premier jour, c’est ce projet qui conduit nos propositions pour cet automne. Avec notre première note de rentrée, nous proposons des solutions pour réduire les effets néfastes de l’inflation. C’est aussi le sens de nos travaux à paraître sur la question de la Zéro artificialisation nette, qui remettent à plat nombre de principes du développement territorial. Au nom de l’Institut Rousseau, je vous souhaite une très belle rentrée, placée sous la tutelle conjointe de l’engagement et de la réflexion.

Par Hervier Blondel L.

6 septembre 2022

Majorité relative, cirque médiatique et cryptoactifs L'éditorial de juillet 2022

Le mois de juin 2022 aura été riche d’enseignements sur l’état de la démocratie française. De manière inédite depuis l’inversion du calendrier législatif, le président de la République nouvellement élu ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Avec 53,5 % d’abstention au premier tour des législatives, un record absolu, la politique semble ne plus intéresser les citoyens. Un épuisement démocratique, certainement alimenté par un débat politique fait de postures, d’absence de réflexions de fond, où ceux que l’on entend le plus ne sont le plus souvent pas ceux qui ont le plus à dire. À cause de ce cirque médiatique permanent, l’objet politique n’en finit plus de perdre ses lettres de noblesse. Et pourtant, l’abstention ne peut être une solution car une République sans républicains se dessèche et ouvre la porte au danger – la flamme de l’extrême-droite renaît sur le terreau de la désertion démocratique. Il y a donc urgence à repenser, à « Réveiller la démocratie », pour reprendre le titre d’un livre porté par l’Institut Rousseau et l’Observatoire de l’éthique publique qui paraîtra à la rentrée aux Éditions de l’Atelier, et à porter dans ce cadre des propositions inédites et originales pour revitaliser nos institutions démocratiques. L’occasion également de relire la note de Benjamin Morel qui fait le tour des propositions portées par l’Institut en la matière. Au-delà du champ politique, les évolutions récentes du monde économique et financier prouvent également la justesse des thèses défendues par l’Institut Rousseau. En premier lieu, le krach des cryptoactifs, avec une valorisation passant de plus de 3000 milliards de dollars à moins de 800 millions en à peine six mois, montre toute l’étendue des dangers de ce nouveau far-west financier que nous avions dénoncée à plusieurs reprises, notamment dans une tribune collective parue en février dernier. En particulier, le krach des prétendus « stablecoins » a été analysé dans une note récente de l’Institut. Au-delà des cryptoactifs, la logique prédatrice de la spéculation sur les matières premières, qui alimente l’envolée récente de l’inflation, a également fait l’objet d’une analyse approfondie et de propositions pour en sortir. Enfin, un des combats portés par l’Institut Rousseau depuis sa création, à savoir le verdissement de la politique monétaire, a fait l’objet d’avancées réelles, bien qu’encore trop timides, au cours des derniers mois. Nous faisons le point sur ces avancées dans une note qui nous permet de rappeler comment aller plus loin et plus vite dans ce domaine.

Par Dufrêne N.

19 juillet 2022

Il est grand temps que les régulateurs se penchent sur les entreprises de négoce de matières premières

Trafigura, Vitol, Glencore, Gunvor, Archer Daniels Midland. Ces noms vous sont-ils familiers ? Probablement pas ; pourtant il s’agit de multinationales pesant plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires et qui, si elles venaient à interrompre leurs activités demain, priveraient des millions de personnes de nourriture, d’électricité et d’emploi. Ces entreprises sont des géants du négoce de matières premières, elles sont les premiers maillons de la financiarisation et de la mondialisation des ressources naturelles. Pour faire simple, elles achètent, acheminent, parfois transforment puis revendent des matières premières : du blé, du pétrole, du coton, du cacao, du fer etc… Un certain nombre de ces entreprises a actuellement des difficultés de liquidités, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas les fonds suffisants pour honorer l’ensemble de leurs paiements. Comment est-ce possible alors qu’elles opèrent des matières premières dont les prix se sont envolés ces derniers mois et qu’elles devraient s’en frotter les mains ? Pour le comprendre, il faut regarder en détail comment ces entreprises opèrent véritablement. Risquées à la base Si un industriel japonais souhaite acheter du blé à $10 le boisseau, que des fermiers américains du Midwest en vendent à $9 et qu’une entreprise de négoce de matières première pense pouvoir l’acheminer pour moins de $1 le boisseau, alors elle réalisera la transaction contre un profit. Du moins en théorie, mais la réalité est un peu plus complexe. En effet, l’industriel souhaite acheter aujourd’hui au prix de $10, mais le blé américain mettra des semaines, voire des mois à lui être livré et pendant ce temps le prix du blé peut varier. Et notamment si les cours mondiaux baissent, il peut très bien décider de ne plus vouloir acheter à $10 et de renégocier fortement le prix, ce qui mettrait l’entreprise de négoce dans une situation délicate puisqu’elle aurait déjà acheté à $9 et engagé des frais pour le transport. Alors comment éviter ce risque sur les prix pour le négociant ? C’est simple : en utilisant des instruments financiers et notamment des contrats à terme. Les contrats à terme permettent d’acheter et de vendre à une date future, une quantité de matières premières à un prix convenu à l’avance. La matière première étant due au porteur du contrat à la date d’échéance. Donc dans notre exemple, l’industriel japonais et l’entreprise de négoce de matières premières concluraient un contrat à terme, et seraient ainsi liés par un engagement sur les prix d’achat et de vente et tout finirait bien ? En réalité non, toujours pas. Reprenons le cas où le prix du blé diminue. Afin de forcer à renégocier, l’industriel pourrait, à quelques jours de la livraison, contacter l’entreprise de négoce et lui dire par exemple : « Nous allons certainement céder notre contrat à terme à un acheteur en Suède, il faudra donc livrer à Stockholm… à moins que vous ne soyez d’accord pour revoir le prix de vente un peu à la baisse ? ». Vous comprenez facilement qu’en fonction de l’évolution des cours des matières premières, l’acheteur ou le vendeur pourraient tenter de tordre le bras de la contrepartie et c’est pour cette raison que les contrats à terme sur les matières premières sont des instruments purement financiers traités par des institutions financières. Le négociant en matières premières comme l’industriel peuvent faire appel à un intermédiaire financier pour acheter ou vendre un contrat à terme uniquement dans le but de couvrir le risque sur le prix de la matière première. Dans les faits, les uns comme les autres achètent et vendent la matière première physique plus ou moins au prix de marché du jour. Dans notre exemple, l’entreprise de négoce de matières premières achète aux États-Unis pour $9 le boisseau du blé et le vendra dans, disons un mois au Japon à son client au prix de marché. Pour éviter de porter le risque de fluctuation des cours du blé, elle va contacter une banque et lui vendre un contrat à terme pour une livraison dans un mois. Le prix du contrat à terme dépend lui aussi des conditions de marché. Si les intervenants de marché pensent que le prix du blé va s’apprécier d’ici un mois, le prix à terme pourrait être de $9,50 ; inversement si les anticipations sont à la baisse, le prix à terme pourrait être par exemple de $8,50. Dans le premier cas, en vendant son contrat à terme, l’entreprise de négoce finance complètement son achat de blé aujourd’hui sans sortir un euro de sa poche. Dans le second, elle devra financer $0,50 par boisseau pour finaliser son achat et très souvent, ces $0,50 sont financés à crédit par une banque. Au bout d’un mois, l’entreprise vendra son blé au client japonais et devra également « racheter » son contrat à terme. Ce qui est avantageux et sécurisant pour l’entreprise de négoce est que le prix du contrat à terme et le prix du blé comptant évoluent à peu près de concert (l’écart entre ces deux prix est appelé « base »). Si le prix du blé comptant augmente de 5 %, le blé à terme augmentera peu ou prou de 5 %. Ainsi en transformant un risque de prix (acheter du blé à un prix donné sans garantie sur le prix de revente) en risque de « base », l’entreprise maîtrise davantage le gain comme la perte éventuelle de son opération (l’écart entre l’évolution du prix comptant et du prix à terme étant très souvent faible). La guerre en Ukraine, catalyseur d’une crise de liquidité Il manque un dernier élément pour comprendre le fonctionnement et les besoins de financement des entreprises de négoce de matière première : les contrats à terme entraînent des appels de marge. Tous les jours, entre la vente du contrat à terme et sa date de fin, l’entreprise de négoce doit répondre à de potentiels appels de marge. Si le prix du blé comptant est de $9 et que le prix à terme est de $8, l’appel de marge sera de $1 par boisseau. Comme évoqué plus haut, les deux prix évoluant généralement de concert, les appels de marge ne sont pas de nature à perturber le fonctionnement normal de

Par Patel A., Dufrêne N.

29 juin 2022

Législatives, légitimité et tripolarisation L'éditorial de juin 2022

Le premier tour des législatives représente un coup de semonce démocratique. Abstention faisant, Ensemble a réuni sur son nom 25,75 % des électeurs, soit 11,97 % des inscrits ; à peu près autant que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Quel que soit le vainqueur des élections de dimanche prochain, il gouvernera donc grâce à l’adhésion de 12 % des électeurs. Est-ce légitime ? Le juriste qui écrit ces lignes dira que oui, puisque c’est légal… ainsi évitera-t-on les cris d’orfraie de ceux qui confondent constat du malaise démocratique et appel à l’insurrection. Posons donc la question autrement. Est-ce tenable ? Jamais aucune majorité n’aura gouverné avec le soutien de si peu de Français. Combien de temps avant que la rue et les ronds-points se peuplent alors que les isoloirs se vident ? Notre système politique et notre mode de scrutin ont été pensés et construits sur le fondement d’une bipolarisation de la vie politique. Or cette époque semble, pour l’instant, en tout cas, terminée. Dans un système de tripolarisation de la vie politique, le centre a un avantage structurel. S’il se retrouve face à la droite, il peut compter sur les reports de la gauche ; s’il se retrouve face à la gauche, il peut compter sur les apports de la droite. Ainsi dans un tel système l’alternance est-elle devenue très difficile à envisager ; sauf accident la vie politique est un jeu à trois où le centre l’emporte à la fin. Ce centre doit par ailleurs pour tenir employer deux stratégies. La première est d’entretenir le flou le plus total sur son programme et son identité politique puisqu’il doit un jour parier sur le soutien de l’électorat le plus à droite, et l’autre espérer que l’électorat le plus à gauche le soutienne. Pour rester majoritaire par défaut, il ne doit rien n’être qui ne puisse être inversé le lendemain. La seconde condition est de diaboliser l’adversaire, qui ne peut être républicain, démocrate ou fréquentable. Pour déclencher un effet de vote utile par défaut, il doit sans cesse jouer la raison contre le chaos. Évidemment, l’absence de projet et d’alternance n’emballe pas les électeurs ; que ne trouvent d’exutoire que dans la jacquerie ou la dépolitisation. Le centre n’en a cure, il vit de cela, car son électorat, âgé et aisé, viendra aux urnes, quoi qu’il arrive. Pour sortir de ce piège que nous tendent à la fois l’état de notre vie politique et nos institutions, nous insistons ce mois-ci avec Chloé Ridel sur la nécessité de revoir notre mode de scrutin à travers une tribune parue dans le journal La Croix. Cette crise démocratique est également analysée par Paula Forteza dans sa note Renouvellement de la représentation politique : où sont les candidats citoyens ?. L’Institut Rousseau a lors de cette drôle de guerre que fut la campagne législative tenté d’apporter des éclairages de fond sur des sujets malheureusement peu mis en avant, mais structuraux. C’est notamment le cas de la note de Swan Faïve sur le contrôle fiscal et l’efficacité de la lutte contre la fraude et celle de Dorian Bianco sur la densité en ville par la protection du patrimoine bâti et paysager.

Par Morel B.

17 juin 2022

L’effondrement de Terra : dernière illustration de la fragilité du marché des cryptoactifs

Les dernières semaines ont été fort agitées sur le marché des cryptoactifs. La chute de Terra a fait souffler un vent de panique sur l’ensemble du secteur par crainte d’une possible contagion. Alors que certains parlent de mini-crise de 2008 pour toute cette classe d’actifs, d’autres tempèrent l’évènement[1] pensant qu’il devrait se cantonner à l’écosystème de Terra. Pourtant, ce sont plusieurs stablecoins qui ont vacillé suite à l’effondrement de celui-ci, dont le leader Tether. Le marché des cryptoactifs révèle ainsi toutes ses insuffisances, sur lesquelles l’Institut Rousseau n’a eu de cesse d’alerter au cours des dernières années[2]. Qu’en est-il vraiment des stablecoins ? Quels sont les risques associés à cette nouvelle classe d’actifs et comment protéger celles et ceux qui y placent une partie de leur épargne de nouveaux épisodes de la sorte ? Pour tenter d’apporter des réponses, il faut tout d’abord comprendre de quoi il est question. Les stablecoins sont une classe de cryptoactifs dont l’objectif est de garder une valeur en constante parité avec un actif traditionnel. Cette parité vise habituellement une devise (principalement le dollar américain) mais on trouve aussi d’autres actifs utilisés comme réserves tels que l’or. On distingue principalement deux catégories de stablecoins : les centralisés et les algorithmiques[3]. Stablecoins centralisés Un stablecoin centralisé est contrôlé par un acteur central qui s’engage à disposer d’un fonds de réserves permettant de rembourser l’intégralité des cryptodollars créés contre de vrais dollars. L’exemple le plus connu est Tether avec son USDT, mais il en existe d’autres, notamment Circle qui gagne en popularité depuis quelques mois avec son USC Coin (USDC). Cet engagement n’est cependant pas toujours tenu. Tether a été épinglé par la justice new-yorkaise[4] pour avoir menti sur la nature de ses réserves, entre autres activités illégales, et est désormais interdit d’exercer dans l’État. Le fait que la société n’ait jamais publié d’audit, particulièrement depuis sa mise au ban, n’aide évidemment pas à dissiper les doutes. C’est cette réputation sulfureuse qui a permis à l’USDC de se développer, la société émettrice (Circle) étant établie sur le territoire des États-Unis et donc soumise à la réglementation du secteur financier et au contrôle des autorités locales. Malgré ces évolutions récentes, l’USDT représente toujours environ 70 % des volumes d’échange de cryptoactifs d’après le site CoinMarketCap, bien loin devant Bitcoin. La fraude est donc l’un des principaux risques liés à cette classe d’actifs, mais le succès montant de l’USDC tend à montrer qu’un meilleur contrôle par les autorités légales permet d’améliorer la confiance accordée aux sociétés qui s’y soumettent. L’autre risque reste la faillite de la société. Puisque ce risque ne peut être totalement dissipé, la réglementation doit veiller à ce qu’une telle éventualité ait un impact aussi faible que possible sur les détenteurs de ces stablecoins. Stablecoins algorithmiques Un algorithme est une procédure, un ensemble de règles qui s’appliquent automatiquement. Dans le cas présent, ces règles cherchent à reproduire la valeur d’un actif réel ou d’une monnaie sans pouvoir en détenir, du fait de la nature immatérielle d’un algorithme et dans l’objectif de se passer de tiers de confiance (banque dépositaire de la monnaie de réserve). Les stablecoins décentralisés visent à gérer l’émission de cryptoactifs stables en se passant d’un tiers de confiance. La seule option possible est donc d’utiliser des actifs de même nature, c’est-à-dire numériques et surtout volatiles. Un crypto-dollar peut être « synthétisé » à partir d’un ou plusieurs cryptoactifs. La démarche est analogue à celle d’un prêt sur gage ; pour créer un crypto-dollar, on dépose une quantité d’actifs numériques en gage, scellés dans un smart contract qui « synthétise » un crypto-dollar en échange. Ceci peut fonctionner tant que les actifs en réserve s’apprécient, mais si au contraire ils se déprécient, cela pourrait entraîner des liquidations en cascade, typiques des effets de levier. La liquidation d’un prêt entraînant une pression baissière sur l’actif en gage, cela pourrait mener à une dangereuse dévaluation de la réserve. La seule protection est donc que le ratio de garantie (stablecoin généré / valeur mise en gage) soit assez élevé et que les actifs gagés soient assez liquides pour limiter autant que possible la pression baissière lors de liquidations. Le cryptoactif nommé DAI utilise par exemple cette technique de sur-garantie et il a également été choisi de diversifier les actifs sur lesquels il repose afin de limiter la pression baissière sur chacun d’entre eux. Mais on note aussi un choix assez cocasse qui est d’avoir adossé son stablecoin décentralisé à un autre, centralisé. En effet 45 % des DAI créés sont garantis par de l’USDC. Comme souvent en matière de cryptoactifs, la promesse de décentralisation, ou plutôt l’argument marketing qui repose dessus, paraît quelque peu mise à mal. Terra, une illusion collective Terra entre dans la catégorie de ces stablecoins algorithmiques. Il s’agit du modèle le plus risqué de cette classe d’actifs[5] et les événements de mi-mai 2022 ont démontré sa fragilité. Terra a choisi d’adosser son crypto-dollar sur un unique actif numérique, celui qui sert à sa gouvernance : Luna. Afin de pouvoir créer des TerraUSD, un détenteur de Luna devait « brûler » du Luna, c’est-à-dire le détruire, pour générer des TerraUSD en échange. Tant qu’il y avait de la demande pour créer du TerraUSD, la quantité de Luna diminuait et son prix augmentait. Mais à partir du 7 mai 2022, la tendance s’inverse drastiquement. Une quantité croissante de TerraUSD se retrouve en vente, plus que le marché n’est capable d’absorber et sa valeur commence à baisser. Plutôt que de vendre leurs faux dollars au rabais, les détenteurs passent par le protocole qui les brûle en échange de nouveaux Luna qu’ils espèrent revendre pour récupérer leur mise. Mais le manque de liquidité du Luna entraîne à son tour une baisse de sa valeur. La panique pousse d’autres détenteurs à se séparer de leurs Luna, accélérant la chute de son prix. Le soir du 9 mai, la capitalisation de Luna passe sous celle de TerraUSD. En d’autres termes, la réserve de Luna ne permet plus de rembourser chaque TerraUSD en circulation au prix de 1$. À cet instant précis,

Par Krajewski P.

30 mai 2022

Faut-il « lâcher » la dette ?

Le débat sur la dette, trop largement escamoté pendant la campagne présidentielle, va puissamment ressortir au cours des prochaines années. Pressée de toutes parts, devant faire face à une inflation dont la cause n’est pourtant pas directement monétaire, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, vient d’annoncer la fin des achats d’actifs dès le mois de juillet (ce fameux argent magique dont on nous dit qu’il n’existe pas) et une probable remontée des taux à partir de septembre. Des recettes vouées à l’échec, qui ne résoudront pas le problème puisqu’elles ne s’attaquent pas à ses causes, à savoir l’absence grossière de ciblage de la politique monétaire. Tout ceci peut en revanche créer des problèmes pour la dette publique. Dans ce contexte, le petit livre, court et efficace, d’Éric Coquerel intitulé « Lâchez-nous la dette » (67 pages, éditions de l’Atelier) est salutaire. Très pédagogique, il met en avant les lignes de fracture, parvient à les vulgariser et à les traduire en images parlantes pour le grand public, ce qui n’est pas toujours évident sur un sujet tel que la dette et la politique monétaire. Car les économistes orthodoxes protègent les questions monétaires comme le dragon Fafnir protégeait le trésor des Nibelungen : interdit de toucher, et même de comprendre. Le drame étant que ce tabou a réussi à se répandre dans la société, laissant penser aux uns et aux autres que, définitivement, il n’y avait rien à voir du côté de la grande institution qui siège à Francfort. Éric Coquerel nous rappelle avec humour que même François Lenglet, apôtre télévisuel bien connu de l’économie mainstream, considère pourtant lui aussi la BCE comme « une sorte de monastère, coupé du monde et dévoué au culte de la stabilité financière ». Inclinons-nous donc, même si nous sommes persuadés qu’elle ne fait pas le quart du dixième de ce qu’elle pourrait faire au service de l’intérêt général. Éric Coquerel met ensuite en avant, sans ambages, les solutions qu’il estime les plus à même de répondre à cette problématique de la dette. Parmi celles-ci figure notamment une proposition que nous avons portée avec l’Institut Rousseau qui est l’annulation des dettes publiques détenues par la BCE en contrepartie d’investissements écologiques et sociaux. Rappelons que la BCE détient désormais plus de 30 % de la dette publique européenne, dont elle attend passivement le remboursement et la destruction, qui ne servent à rien puisqu’une banque centrale n’a aucun besoin d’être remboursée. L’un des points forts du livre est que les questions techniques sont articulées à un récit politique de la période récente. Ce récit politique que l’auteur met en scène, fort de son expérience des débats budgétaires à la commission des finances de l’Assemblée nationale dans laquelle il siège, montre les contradictions, les faux-semblants et les postures qui ont émaillé la si mal nommée période du « quoiqu’il en coûte ». En effet, et « quoiqu’ils en disent », la dépense publique a toujours été calibrée au minimum pour amortir les pertes, mais jamais pour engager le pays sur un nouveau chemin de développement. La parenthèse enchantée de la dépense publique s’est refermée aussitôt qu’il apparaissait à peu près décent de la suspendre. Pas une minute de plus, au cas où l’on s’y habituerait. Dans ce combat entre deux visions du monde, Éric Coquerel a parfaitement compris que les questions monétaires, comme les questions liées au travail, sont loin de se résumer à des dispositions techniques et qu’elles déterminent, et sont déterminées, par une configuration sociale, politique et institutionnelle générale. Dit autrement, l’institution sociale qu’est la monnaie n’a pas la même forme selon le régime économique ou politique qui régit l’ordre social. C’est pourquoi faire preuve de volontarisme en matière monétaire, comme on peut le faire en annulant la dette publique détenue par la BCE, c’est aussi récupérer une part essentielle de pouvoir démocratique sur des institutions aujourd’hui intouchables et nous donner les moyens à l’avenir de modifier leur forme en profondeur. C’est ce que l’auteur exprime : « Annuler la dette Covid serait un élément premier de cette réorganisation de l’économie. Elle permettrait déjà de rompre avec un chantage purement idéologique qui n’a aucune justification économique. Elle installerait un débat sur l’utilité et la nécessité de la politique monétaire comme instrument de pilotage de l’économie, et sur l’importance de son contrôle par les États. En démontrant qu’on peut continuer à monétiser et annuler la dette Covid, on peut ainsi, par la suite, réaliser des emprunts utiles pour le pays et indolores pour l’économie française ». Cela permet d’ailleurs à Éric Coquerel d’introduire la question du circuit du Trésor dans l’équation future pour résoudre le problème de la dette. Certes, c’est une réflexion intéressante qui a déjà fait l’objet de nombreux travaux et qui permettrait de retirer une partie du besoin de financement de l’État de la main des marchés. Cette solution ne suffira pourtant pas : il ne suffit pas de collecter l’épargne dans les institutions publiques pour financer l’État, il faut aussi se donner les moyens de créer de la monnaie – sans dette associée- c’est-à-dire de la monnaie libre de dettes, sous contrôle démocratique, pour mieux financer l’avenir. Le lecteur me pardonnera cette digression (qui me permet de renvoyer grossièrement à mes propres travaux[1]) mais je crois important de rappeler que la monnaie libre sera en définitive l’arme ultime permettant de briser le cercle vicieux de la monnaie et de la dette, et non le circuit du Trésor (les deux n’étant cependant pas incompatibles). En effet, le circuit du Trésor répondait principalement au besoin de l’État de trouver des financements qui lui manquaient au moment de la reconstruction du pays après 1945. Il a donc été un bon outil pour identifier et contrôler ses financements. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir comment trouver des financements, mais de savoir comment on gère l’immense dette qui naît avec cette capacité de financement presque illimitée. Sans compter que si nous devions remplacer par de l’épargne ce qui est aujourd’hui collecté au moyen des marchés, nous risquerions d’assécher d’autres financements nécessaires (comme celui pour

Par Dufrêne N.

26 mai 2022

Jean-Michel Blanquer achève son ministère par un naufrage

Jean-Michel Blanquer, lit-on régulièrement dans les médias, est le ministre de l’Éducation nationale resté le plus longtemps en poste sous la Ve République. Remplacé par Pap Ndiaye à la tête de son ministère, il avait pourtant exprimé son envie d’être prolongé dans celui-ci. Alors que la plupart des ministres du gouvernement Castex se sont, dans les dernières semaines de celui-ci, montrés discrets dans les média, on a vu, le 11 mai dernier, intervenir sur RTL[1] le ministre de l’Éducation nationale, tandis que son DGESCO (Directeur général de l’enseignement scolaire, c’est-à-dire numéro deux du ministère) Edouard Geffray et son DGRH (Directeur général des ressources humaines) Vincent Soetemont, donnaient une conférence de presse[2]. Qu’est-ce qui a pu pousser le ministère à sortir de sa torpeur médiatique ? Un incendie à éteindre, un de plus tant les cinq dernières années ont été une succession sans fin de crises qui ont peu à peu écorné l’image d’un ministre qui bénéficiait pourtant à son arrivée d’une réputation de bon connaisseur des dossiers de l’éducation en France. En cause, la question récurrente du niveau des élèves en mathématiques couplée à la publication des résultats d’admissibilité des concours externes de l’enseignement, CRPE (concours de recrutement de professeurs des écoles) et CAPES (certificat d’aptitude au professorat dans l’enseignement de second degré). Pour rappel, il existe quatre concours d’enseignement en France : le CRPE qui recrute les professeurs des écoles, le CAPES dont les lauréats enseignent en collège et lycée avec le grade de certifiés, le CAPLP qui est son équivalent pour les professeurs des lycées professionnels et l’agrégation, plus difficile et prestigieuse, qui permet d’enseigner dans le secondaire ainsi que dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Un candidat admissible à ces concours n’est pas encore lauréat, il est, après des épreuves écrites, admis à passer les épreuves orales qui serviront de sélection finale. Traditionnellement, environ la moitié des admissibles obtiennent le concours. Or, les chiffres d’admissibilité de cette année sont particulièrement alarmants. En mathématiques, 816 candidats ont été déclarés admissibles… pour 1035 postes. En allemand, le ratio est encore pire puisqu’on a 83 admissibles pour 215 postes ! Les concours de lettres modernes et classiques (qui permettent de recruter les professeurs de français et de latin-grec) ont respectivement sélectionné 720 et 60 admissibles pour 750 et 134 postes. Si toutes les matières ne sont pas également touchées (l’histoire-géographie affiche par exemple le taux habituel de 2 admissibles pour 1 poste) le constat est inquiétant et beaucoup d’autres disciplines ont un nombre d’admissibles à peine supérieur aux postes proposés (904 admissibles en anglais pour 781 postes par exemple) ce qui suppose une moindre sélection si l’on veut fournir tous les postes. Pour le CRPE, les académies franciliennes sont sinistrées : 521 admissibles pour 1079 postes à Créteil, 180 pour 219 à Paris, 484 pour 1430 à Versailles ! Les départements d’Outre-Mer ne sont pas en reste avec 40 admissibles pour 160 postes à Mayotte par exemple. En réalité, sur 31 académies, seules 7 atteignent ou dépassent le taux de 2 admissibles pour 1 poste au CRPE[3]. À ce constat le ministère n’oppose qu’une réponse : tout va bien, madame la marquise ! Certes, concèdent Edouard Geffray et Vincent Soetemont, certaines matières connaissent des difficultés de recrutement depuis longtemps (notamment les mathématiques) de même que les académies franciliennes pour le CRPE, mais la situation actuelle est « ponctuelle et particulière », fruit d’une réforme de la formation des professeurs qui a décalé le concours de l’année de master 1 à celle de master 2. Beaucoup d’étudiants de master 2 auraient en réalité déjà eu le concours l’an dernier et c’est ce vivier qui manquerait cette année. Quant à Jean-Michel Blanquer, il a offert sur RTL, le 11 mai, un chef d’œuvre de méthode Coué. Alors même que les chiffres catastrophiques du CAPES de mathématiques étaient connus depuis la veille, il a annoncé l’ajout probable d’1h30 d’enseignement scientifique au tronc commun (c’est-à-dire les matières communes à tous les élèves, hors spécialités) de 1ère générale l’an prochain. Cela signifie à terme, si ces heures supplémentaires étaient perpétuées en terminale, 3h de plus par semaine et par élève pour lesquelles il faudrait évidemment trouver des professeurs. En réalité, cette ultime pantalonnade est profondément révélatrice de ce qu’Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont fait subir à l’Éducation nationale depuis cinq ans. C’est ainsi que Jean-Michel Blanquer annonce dans les médias, sans aucune information préalable aux premiers concernés, c’est-à-dire les enseignants, l’ajout d’horaires dont on se demande bien comment ils tiendront dans les emplois du temps des élèves. Une rentrée des classes, dans les établissements, se prépare dès le mois de janvier. À l’heure actuelle, les proviseurs ont déjà concocté la répartition des moyens horaires (souvent en forte baisse) qui leur ont été alloués par les rectorats entre les matières enseignées en collège et en lycée. Cette annonce signifie qu’ils vont devoir recommencer… Encore faut-il attendre la rédaction de la circulaire, qui annoncera officiellement le changement, à une date hypothétique vu le calendrier électoral et l’immanquable période d’adaptation que va provoquer le changement de titulaire du ministère. Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ont bâti une partie de leur réputation sur le présupposé de leur compétence et de leur excellence intellectuelle. On devait donc forcément voir, sous leur direction, un progrès dans tous les domaines de la société française. La baisse du niveau des élèves français en mathématiques était un sérieux coup de canif à cette belle image. Il fallait donc riposter immédiatement. Que ces annonces interviennent au pire moment pour les personnels et n’aient qu’un rapport lointain avec la réalité ? Qu’importe, tant qu’elles permettent de sauvegarder le vivier électoral ! Edouard Geffray et Vincent Soetemont, lors de leur conférence de presse, accomplissent l’exploit de reconnaître que certaines disciplines du secondaire connaissent depuis des années des difficultés de recrutement et d’affirmer en même temps que le problème n’est que ponctuel. Certes, reconnaissons-le, la réforme du CAPES, en reculant le concours en M2, a aggravé le problème, mais seulement à la marge, car cela

Par Varenne D.

23 mai 2022

Inflation, pouvoir d’achat et crise sociale L'éditorial de mai 2022

Alors que l’inflation est autour de 5 % en France, qu’elle pourrait encore accélérer durant les mois à venir et que la question du pouvoir d’achat, pourtant au cœur des préoccupations des Français, a été en grande partie négligée lors de la campagne présidentielle, le prochain gouvernement ne pourra faire l’impasse sur cette thématique. L’épisode inflationniste que nous vivons actuellement est particulier pour de nombreuses raisons sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, mais notons surtout qu’il frappe davantage les Français modestes. A fin avril 2022, les prix des produits alimentaires dans leur ensemble enregistraient une hausse de +3,8 % sur un an, plus particulièrement les produits frais avec +6,6 % et ceux de l’énergie ont quant à eux bondi de 26,6 %. Or les 20 % des ménages les plus modestes consacrent 54 % de leurs dépenses aux transports, à l’alimentation et au logement (loyers, eau, électricité etc.) contre seulement 44 % pour les 20 % des ménages les plus aisés. Conséquence immédiate, les Français ont d’ores et déjà modifié leurs achats : ils consomment moins, ils achètent notamment moins de viande/poisson, de légumes frais, etc. Certains ont même recours au crédit afin de garder pied. Que faire alors ? De nombreuses options sont sur la table pour tenter de préserver le pouvoir d’achats des Français : indexation des salaires, blocage des prix, hausse du SMIC, hausse des impôts sur certaines entreprises ou ménages fortunés afin de financer des subventions (e.g. chèques énergie), baisse de la TVA, etc. Indépendamment de la qualité supposée de chacune de ces options, de leur faisabilité ou de leur compatibilité avec les règles budgétaires, l’Etat doit agir rapidement pour protéger les ménages les plus modestes. Il doit aussi plancher pour mettre en place des politiques économiques et industrielles afin d’éviter de nouvelles crises de ce type à l’avenir. D’autant plus que les risques s’amoncèlent également sur l’activité économique (la croissance économique était de 0 % au premier trimestre). Difficile d’imaginer une société qui accepte sagement une résurgence forte du chômage et perte de pouvoir d’achat. Ne rien faire dans le contexte actuel pourrait augmenter le risque d’instabilité sociale dans le pays et s’avérer être une faute politique.

Par Kuhanathan A.

16 mai 2022

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