Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Points de vue

Pour ne pas revivre cet hiver, une seule solution : l’accélération de la rénovation thermique des bâtiments !

Tout au long de l’hiver, la menace de coupures d’électricité est revenue régulièrement et s’est ajoutée à un contexte d’explosion des prix de l’énergie. La vétusté du parc nucléaire et le report des maintenances du fait de la pandémie de COVID-19 ont placé la France dans une situation de tension inédite sur son réseau électrique, compromettant l’accessibilité du grand nombre aux biens de première nécessité que sont le chauffage et l’électricité. Il existe pourtant une solution pour limiter ces pressions croissantes : l’accélération de la rénovation thermique des bâtiments. Le logement un facteur de tension croissante sur le réseau électrique En France, le logement concentre une part importante de l’utilisation d’électricité : 36 % de notre consommation provient du secteur résidentiel et 28 % de cette électricité est utilisée pour le chauffage[1]. Le logement représente ainsi 18 % des émissions de CO2 en 2021[2]. On constate régulièrement, par les appels des professionnels à diminuer la consommation lors des heures de pointe, que la demande du secteur résidentiel joue un rôle décisif dans l’équilibre général du réseau électrique. Face à la peur des coupures électriques, les autorités ont choisi d’axer leur communication sur la responsabilité individuelle à travers un plan de sobriété d’urgence. Reposant sur « les petits gestes d’économie d’énergie » (abaissement du chauffage à 19°C, couper le WIFI la nuit, etc.), ce plan visait à réduire de 10 % les consommations d’électricité et de gaz dans les foyers et dans le secteur industriel[3]. Si ces mesures sont efficaces pour alléger la tension sur le réseau électrique, elles sont parfois mal comprises ou génèrent de la défiance, car elles laissent perdurer une sobriété à deux vitesses (non-obligation d’éteindre les panneaux publicitaires lumineux) et renforcent un sentiment de déclassement. Une précarité énergétique et une dépendance aux fossiles de plus en plus douloureuse La question du logement est placée à la jonction de trois crises: énergétique, sociale et climatique. Les mesures de sobriété individuelle doivent ainsi s’adosser à une réelle planification de la rénovation thermique du parc résidentiel et tertiaire. En plus de renforcer l’acceptabilité sociale des efforts demandés, un grand plan de rénovation thermique à la hauteur des besoins jouerait un rôle décisif pour amortir l’impact de la crise énergétique sur le réseau électrique, pour alléger les factures des ménages les plus précaires et pour amorcer l’adaptation du secteur à la contrainte climatique. Sur ces deux derniers points, le bâti résidentiel joue, en effet, un rôle prépondérant dans le pouvoir d’achat des ménages. Encore dépendant à plus de 50 % des énergies fossiles (gaz et fioul domestique), le chauffage représente une dépense contrainte de plus en plus importante[4]. L’Europe n’étant pas productrice d’hydrocarbures, la dépendance aux fossiles expose les foyers à la volatilité des prix inhérente à leurs importations. Sans réelle possibilité de s’adapter au renchérissement de leur coût, les augmentations brutales du prix mettent en danger les plus précaires. L’inflation des prix de l’énergie se traduit par une restriction subie de consommation, synonyme de précarité énergétique :on estime qu’aujourd’hui en France, cette situation touche 12 millions de personnes[5]. Le logement au cœur de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique Côté climat, la rénovation thermique des bâtiments est une solution synergique à la fois dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre liée au secteur, mais aussi dans l’adaptation de celui-ci aux conséquences du changement climatique. L’été 2022 a montré que l’augmentation en fréquence et en intensité des vagues de chaleur est un grave enjeu de santé publique: l’INSEE estime que 11 000 personnes auraient trouvé la mort du fait de ces épisodes de chaleur intense [6] . Améliorer le confort thermique en été et adapter les bâtiments à des épisodes de chaleurs extrêmes passe donc par une meilleure isolation thermique, mais aussi par la généralisation des installations de refroidissement passif (ventilation naturelle, blanchiment des toitures, végétalisation des façades, dispositifs de protections solaires). Ces dispositifs encore trop peu déployés permettent d’adapter l’habitat au chaud et de limiter le déploiement anarchique de climatisations individuelles, délétère pour le climat et le réseau électrique. En plus de la rénovation thermique, un enjeu décisif de la décarbonation du logement est l’électrification des usages. Comme dans le cas de la mobilité électrique, libérer les ménages français de leur dépendance aux énergies fossiles passera par l’électrification du chauffage via l’utilisation de pompes à chaleur performantes. Cette tendance justifie l’anticipation d’une hausse des besoins en électricité dans le futur et donc la nécessité d’augmenter l’échelle des économies d’énergie facilement accessibles. La rénovation thermique: une opportunité de création massive d’emplois qualifiés et non-délocalisables La rénovation thermique des bâtiments est un impératif pour avoir moins froid en hiver et moins chaud en été, mais elle constitue également un formidable réservoir d’emplois. Il est essentiel de monter, sur la décennie, en rythme et en qualité de rénovation pour aller vers un objectif de 1 million de rénovations globales par an[7]. Cet objectif se traduira par une forte hausse du besoin en emplois dans le secteur. La demande de main-d’œuvre pour la rénovation thermique des logements est estimée à 170 000 personnes supplémentaires pour mettre aux niveaux les logements actuellement à des niveaux de performance énergétique faible ou médiocre[8]. La massification des travaux requiert une montée en compétences, une augmentation de la main-d’œuvre disponible et une revalorisation de la filière. En créant des emplois qualifiés, non délocalisables et répartis sur l’ensemble du territoire, la réorientation de l’industrie du bâtiment vers la rénovation permettra de limiter la baisse attendue d’emplois dans la construction neuve, du fait des évolutions démographiques et de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols. Encore trop complexes et trop légers, les dispositifs de soutien à la rénovation doivent être à la fois simplifiés et plus ambitieux. Dans son rapport « 2 % pour 2 °C » visant à quantifier le coût de la transition bas carbone en France, l’Institut Rousseau estime nécessaire de repenser les dispositifs d’aide aux ménages en ciblant particulièrement leur accès pour les plus modestes (par l’augmentation des plafonds d’aide et la diminution du reste à charge) et en créant

Par Moundib I.

3 février 2023

COP27, “rapport 2 %” et Road to net Zero L'éditorial de décembre 2022

Alors que Météo France vient d’annoncer 2022 comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, alors que la COP27 n’a pas permis d’avancée majeure dans les négociations internationales, et que des militants écologistes non-violents sont qualifiés d’ « éco-terroristes » et condamnés de plus en plus durement dans de nombreux pays… Il est crucial de ne céder ni à une peur paralysante ni à un défaitisme démobilisant. Chaque dixième de degré de réchauffement évité, chaque représentant politique ou citoyen(ne) convaincu(e) par des arguments chiffrés va compter. Mettre du rationnel dans les débats et faire des propositions politiques, c’est ce que nous faisons chaque jour à l’Institut Rousseau. Nous l’avons notamment fait avec le rapport « 2% pour 2 degrés » paru en mars, en chiffrant l’ensemble des investissements publics et privés nécessaires pour atteindre la neutralité en France d’ici 2050. Nous avons complété ce rapport par une note sur les autres transformations de politiques publiques à mener pour atteindre ces objectifs. Travailler à l’échelle française est nécessaire, mais pas suffisant ; nous nous sommes donc lancés un défi d’envergure : étendre ce travail à l’échelle européenne pour alimenter directement le Parlement européen en propositions ! Ce projet ambitieux, « Road to Net Z€ro », vous pouvez tous participer à le faire aboutir. Pour que ce projet voie le jour, nous avons besoin de fonds. C’est pourquoi nous lançons ce mois-ci un grand financement participatif, accessible sous ce lien. Nous comptons sur vous pour nous soutenir, le diffuser un maximum et contribuer à étendre la notoriété de l’Institut Rousseau. Un autre moyen de participer à ce projet ambitieux est de rejoindre l’aventure : nous sommes toujours à la recherche de bénévoles pour intégrer notre équipe. Toute l’équipe se joint à moi pour vous souhaiter de belles fêtes de fin d’année ! L’occasion de se ressourcer avant de reprendre de plus belle les luttes qui nous animent en 2023. « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », disait Albert Einstein. Soyons de ceux qui agissent.

Par Kerlero de Rosbo G.

20 décembre 2022

Réveiller la démocratie, transition écologique et projets européens L'éditorial d'octobre 2022

L’automne revient et avec lui une douce forme de mélancolie. A l’Institut Rousseau, nous faisons également ce rêve un peu saugrenu d’une démocratie renouvelée, apaisée et informée, qui traite les citoyens en adultes et recherchent leur adhésion davantage que leur vote. C’est pourquoi, avec notre partenaire de l’Observatoire de l’éthique publique (OEP), nous avons uni nos forces pour interroger des personnalités connues, ou inconnues, sur leur grande proposition pour réveiller la démocratie et regrouper ces réflexions dans un ouvrage original « Réveiller la démocratie », paru ce mois de septembre aux Editions de l’Atelier. Le Monde en a fait une recension[1] ainsi que Marianne[2]. Ce livre est divers par ses propositions mais il est unique par son exigence de parler concrètement des moyens de réveiller une démocratie qui en a bien besoin. Cela nous semble plus utile que l’instauration de comités fantoches tels que le si-mal nommé Conseil national de la refondation qui emprunte au Conseil national de la résistance son sigle (CNR) sans lui emprunter son audace et son esprit. L’Institut poursuit par ailleurs ses travaux, notamment en faveur de la transition écologique, avec un dossier approfondi sur la question du développement territorial à l’ère du zéro artificialisation nette (ZAN) mais également en se posant la question du renforcement de l’État dans la mise en œuvre des politiques publiques au niveau déconcentré. Enfin, l’Institut Rousseau est heureux de vous informer qu’à la suite du succès de notre étude « 2% pour 2 degrés », nous avons décidé d’étendre cette étude au niveau européen pour que, plus jamais, les grands discours en faveur de la reconstruction écologique ne soient pas suivis des moyens financiers nécessaires à leur réalisation. Avec une telle étude, le double discours devient impossible. C’est notre objectif pour aider à la reconstruction écologique. Tout ce travail, nous le faisons avant tout grâce à votre soutien, à celui de nos adhérents et aux dons de personnes qui croient comme nous à la volonté d’éclairer le débat public de manière argumentée et sérieuse. Plus que jamais nous avons besoin de vous pour continuer à consolider notre action en toute indépendance et nous vous en remercions !         [1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/20/reveiller-la-democratie-pour-affronter-les-crises-ecologiques-et-sociales_6142432_3232.html [2] https://www.marianne.net/politique/ric-local-parlement-de-la-monnaie-un-autre-cnr-est-possible-que-celui-que-veut-macron

Par Dufrêne N., Morel B.

10 octobre 2022

La planification écologique est vouée à l’échec sans remise en question de la décentralisation

Lorsqu’il reprend à son compte lors de son unique meeting d’entre deux tours l’idée de « planification écologique », le président depuis lors réélu sait qu’elle va susciter l’intérêt ; un intérêt composé d’un mélange de défiance et d’espoir chez les électeurs ayant une sensibilité écologique. Défiance tout d’abord parce que la « planification écologique » vient se substituer à une longue série d’oxymores telles que « développement durable », « croissance verte », « transition écologique » qui ont en commun d’avoir véhiculé l’idée que la prise en compte de l’environnement pouvait se faire de façon très progressive et indolore[1]. Malheureusement, la volonté politique réelle qui se cachait derrière ces mots a été cruellement mise à défaut au regard des indicateurs environnementaux qui n’ont cessé de se dégrader au gré des alternances politiques. Ces expressions, et leurs promoteurs, ont de fait, été décrédibilisés et suscitent désormais une forte suspicion. Ce nouveau mantra de « planification écologique » n’a pas de définition précise et unique. On peut toutefois tenter d’en faire la synthèse en indiquant que la planification est la combinaison d’un objectif, d’une trajectoire et d’une maîtrise des moyens pour y répondre. S’il sous-tend lui aussi cette idée de progressivité indolore, s’y insinue toutefois une dimension qui était devenue taboue dans les discours depuis bien longtemps, celle d’un pilotage par l’État. La planification écologique, au surplus, directement rattachée à Matignon, marquerait-elle ainsi le grand retour de l’État visionnaire, stratège et régulateur ? Cet État-là est connu et connoté plutôt positivement dans l’imaginaire collectif des générations qui ont connu les Trente glorieuses dont il a été l’artisan principal. C’est en ce sens que cette idée de planification écologique peut susciter une forme d’espoir. Mais l’État de 2022 n’est plus du tout celui des années 60, ni 80, ni même 2010 (Lois Grenelle). L’État, principal garant de l’unité nationale, de l’équité entre citoyens et de l’intérêt général s’est volontairement et méthodiquement effacé depuis les années 80 pour laisser faire les mains invisibles prétendument providentielles de la libéralisation de l’économie et des politiques publiques au travers des actes successifs de décentralisation[2]. Dans les deux cas, cette libéralisation s’est révélée être un échec cuisant en ce qui concerne les sujets environnementaux : l’économie capitaliste ne cherche qu’à en tirer cyniquement toujours davantage de bénéfices tandis que les politiques publiques environnementales, largement amoindries par leur dissémination « façon puzzle », constituent des cibles de choix attaquées, contournées ou dévoyées face aux lobbys nationaux et pressions plus locales. Dans les deux cas, les intérêts privés et immédiats (sous couvert de chantage à l’emploi ou titre du « développement » territorial) priment sur l’intérêt général et une vision à long terme dont l’État se doit pourtant d’être le premier garant. Le retour d’expérience est également à cette image, très cruel : l’État est depuis plusieurs années incapable de tenir ses objectifs ; notamment dans le domaine de l’environnement où les annonces sont devenues incantatoires. Nonobstant les interrogations fréquentes sur l’adéquation entre les objectifs environnementaux affichés et la volonté politique réelle d’agir en ce sens, l’État n’a parfois même plus la maîtrise des leviers nécessaires à leur atteinte, ni même à leur contrôle. Parmi les exemples les plus marquants et constants d’objectifs non atteints, on peut citer ceux portant sur la réduction de l’artificialisation des sols, la réduction de l’usage des produits phytosanitaires en agriculture ou encore la rénovation énergétique des logements. Plutôt que de chercher à en comprendre les raisons et y remédier, les gouvernements successifs préfèrent se voiler la face et continuer à faire « comme si », en fixant au besoin de nouveaux objectifs plus lointains pour gagner du temps et se redonner de l’air politiquement. Comment expliquer ces échecs récurrents et patents ? Quels sont leurs points communs ? Ce sont tout d’abord des sujets clivants et sensibles pour lesquels l’État n’a pas voulu ou pas pu mettre en adéquation les paroles et les actes. Le renoncement face aux pressions internes et externes sur les sujets environnementaux est presque devenu un postulat pour tous les ministres de l’Environnement successifs dont il est désormais de notoriété publique[3] qu’ils perdent systématiquement leurs arbitrages face aux ministères de l’Agriculture ou à Bercy. « On ne fera pas l’écologie contre l’économie » a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne la semaine de sa nomination[4], « il ne faut pas opposer agriculture et écologie » déclarait Julien Denormandie quelques mois auparavant[5]. Ces expressions du registre du « en même temps » et qui apparaissent n’être que de bon sens sont en réalité des marqueurs pour rappeler la hiérarchie des enjeux et donc des ministères au sein du gouvernement. L’autre facteur explicatif vient de la double décentralisation[6]. Sur de nombreux sujets, l’État veut continuer à croire qu’il décide alors même que les compétences ne lui appartiennent plus car transférées, avec plus ou moins de bonheur, aux collectivités locales : régions, départements (dans une moindre mesure pour les sujets environnementaux), EPCI (intercommunalités) et communes. L’autre forme de décentralisation typiquement française, plus discrète et largement poussée par les cabinets de conseil dont on sait qu’ils ont une influence forte sur la désorganisation de l’État[7] en échange de bons procédés[8], est celle qui vise à confier des compétences à des organismes publics dont il a partiellement ou totalement perdu le contrôle. Par construction, ces opérateurs ou établissements sont dotés d’un conseil d’administration au sein duquel l’État est minoritaire et où les décisions sont à nouveau politisées alors même qu’elles ne devraient relever pour l’essentiel que d’une application directe et opérationnelle de politiques nationales dûment adoptées. À ceci s’ajoute le fait que les ministères confient à ces opérateurs des objectifs trop peu précis et suivis et exercent sur eux une tutelle souvent lâche qui conforte les velléités d’autonomie.[9] Leur multiplication puis l’élargissement continu de leurs missions n’a eu pour effet que de réduire, par effet de vases communicants, les effectifs et crédits des services centraux et déconcentrés des ministères, sortant ainsi de la chaîne de décision (et indirectement de la légitimité démocratique) de plus en plus de compétences pourtant ministérielles. Ne peut-on a minima reconnaître à l’État son pouvoir d’influence, notamment au niveau

Par Delelys A.

30 septembre 2022

Rentrée de classe, superprofits et reconstruction L'éditorial de septembre 2022

L’État, « le plus grand super profiteur » de la crise ? Voilà ce qu’on a pu entendre de Geoffroy Roux de Bézieux, invité au micro de France Inter pour l’ouverture des universités du MEDEF. Quelle provocation. Pendant que les très grandes entreprises se gavent, l’État est plus affaibli que jamais. Nous avons vécu un été d’incendies et de sécheresse. La rentrée met en tension les services publics essentiels et s’annonce rude pour les plus fragiles. Faute de personnel, on ferme des CHU. L’Éducation nationale compte 4000 postes de professeurs vacants, quand il manque autant de chauffeurs de cars. Dans un contexte d’inflation forte, le prix de gros de l’électricité atteint des sommets, dépassant les 1000 € le MWh pour 2023 (12 fois plus qu’en 2022 !). Nous ne manquons pourtant ni de richesses ni de moyens d’action. Au premier semestre 2022, les grands groupes français ont multiplié par trois leurs bénéfices nets. Accumulation absurde des grands possédants dans une mer d’angoisse populaire. Du côté des bancs de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) à l’Assemblée nationale, on pousse l’idée d’une taxe sur les « superprofits » à l’instar de l’Espagne, de l’Italie et du Royaume-Uni. 59 % des Français y sont favorables selon une enquête YouGov. À sa façon, l’Institut Rousseau poursuit son travail pour proposer des politiques publiques à la hauteur des enjeux de notre siècle, en traçant un chemin vers la reconstruction écologique et républicaine. Comme au premier jour, c’est ce projet qui conduit nos propositions pour cet automne. Avec notre première note de rentrée, nous proposons des solutions pour réduire les effets néfastes de l’inflation. C’est aussi le sens de nos travaux à paraître sur la question de la Zéro artificialisation nette, qui remettent à plat nombre de principes du développement territorial. Au nom de l’Institut Rousseau, je vous souhaite une très belle rentrée, placée sous la tutelle conjointe de l’engagement et de la réflexion.

Par Hervier Blondel L.

6 septembre 2022

Majorité relative, cirque médiatique et cryptoactifs L'éditorial de juillet 2022

Le mois de juin 2022 aura été riche d’enseignements sur l’état de la démocratie française. De manière inédite depuis l’inversion du calendrier législatif, le président de la République nouvellement élu ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Avec 53,5 % d’abstention au premier tour des législatives, un record absolu, la politique semble ne plus intéresser les citoyens. Un épuisement démocratique, certainement alimenté par un débat politique fait de postures, d’absence de réflexions de fond, où ceux que l’on entend le plus ne sont le plus souvent pas ceux qui ont le plus à dire. À cause de ce cirque médiatique permanent, l’objet politique n’en finit plus de perdre ses lettres de noblesse. Et pourtant, l’abstention ne peut être une solution car une République sans républicains se dessèche et ouvre la porte au danger – la flamme de l’extrême-droite renaît sur le terreau de la désertion démocratique. Il y a donc urgence à repenser, à « Réveiller la démocratie », pour reprendre le titre d’un livre porté par l’Institut Rousseau et l’Observatoire de l’éthique publique qui paraîtra à la rentrée aux Éditions de l’Atelier, et à porter dans ce cadre des propositions inédites et originales pour revitaliser nos institutions démocratiques. L’occasion également de relire la note de Benjamin Morel qui fait le tour des propositions portées par l’Institut en la matière. Au-delà du champ politique, les évolutions récentes du monde économique et financier prouvent également la justesse des thèses défendues par l’Institut Rousseau. En premier lieu, le krach des cryptoactifs, avec une valorisation passant de plus de 3000 milliards de dollars à moins de 800 millions en à peine six mois, montre toute l’étendue des dangers de ce nouveau far-west financier que nous avions dénoncée à plusieurs reprises, notamment dans une tribune collective parue en février dernier. En particulier, le krach des prétendus « stablecoins » a été analysé dans une note récente de l’Institut. Au-delà des cryptoactifs, la logique prédatrice de la spéculation sur les matières premières, qui alimente l’envolée récente de l’inflation, a également fait l’objet d’une analyse approfondie et de propositions pour en sortir. Enfin, un des combats portés par l’Institut Rousseau depuis sa création, à savoir le verdissement de la politique monétaire, a fait l’objet d’avancées réelles, bien qu’encore trop timides, au cours des derniers mois. Nous faisons le point sur ces avancées dans une note qui nous permet de rappeler comment aller plus loin et plus vite dans ce domaine.

Par Dufrêne N.

19 juillet 2022

Il est grand temps que les régulateurs se penchent sur les entreprises de négoce de matières premières

Trafigura, Vitol, Glencore, Gunvor, Archer Daniels Midland. Ces noms vous sont-ils familiers ? Probablement pas ; pourtant il s’agit de multinationales pesant plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires et qui, si elles venaient à interrompre leurs activités demain, priveraient des millions de personnes de nourriture, d’électricité et d’emploi. Ces entreprises sont des géants du négoce de matières premières, elles sont les premiers maillons de la financiarisation et de la mondialisation des ressources naturelles. Pour faire simple, elles achètent, acheminent, parfois transforment puis revendent des matières premières : du blé, du pétrole, du coton, du cacao, du fer etc… Un certain nombre de ces entreprises a actuellement des difficultés de liquidités, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas les fonds suffisants pour honorer l’ensemble de leurs paiements. Comment est-ce possible alors qu’elles opèrent des matières premières dont les prix se sont envolés ces derniers mois et qu’elles devraient s’en frotter les mains ? Pour le comprendre, il faut regarder en détail comment ces entreprises opèrent véritablement. Risquées à la base Si un industriel japonais souhaite acheter du blé à $10 le boisseau, que des fermiers américains du Midwest en vendent à $9 et qu’une entreprise de négoce de matières première pense pouvoir l’acheminer pour moins de $1 le boisseau, alors elle réalisera la transaction contre un profit. Du moins en théorie, mais la réalité est un peu plus complexe. En effet, l’industriel souhaite acheter aujourd’hui au prix de $10, mais le blé américain mettra des semaines, voire des mois à lui être livré et pendant ce temps le prix du blé peut varier. Et notamment si les cours mondiaux baissent, il peut très bien décider de ne plus vouloir acheter à $10 et de renégocier fortement le prix, ce qui mettrait l’entreprise de négoce dans une situation délicate puisqu’elle aurait déjà acheté à $9 et engagé des frais pour le transport. Alors comment éviter ce risque sur les prix pour le négociant ? C’est simple : en utilisant des instruments financiers et notamment des contrats à terme. Les contrats à terme permettent d’acheter et de vendre à une date future, une quantité de matières premières à un prix convenu à l’avance. La matière première étant due au porteur du contrat à la date d’échéance. Donc dans notre exemple, l’industriel japonais et l’entreprise de négoce de matières premières concluraient un contrat à terme, et seraient ainsi liés par un engagement sur les prix d’achat et de vente et tout finirait bien ? En réalité non, toujours pas. Reprenons le cas où le prix du blé diminue. Afin de forcer à renégocier, l’industriel pourrait, à quelques jours de la livraison, contacter l’entreprise de négoce et lui dire par exemple : « Nous allons certainement céder notre contrat à terme à un acheteur en Suède, il faudra donc livrer à Stockholm… à moins que vous ne soyez d’accord pour revoir le prix de vente un peu à la baisse ? ». Vous comprenez facilement qu’en fonction de l’évolution des cours des matières premières, l’acheteur ou le vendeur pourraient tenter de tordre le bras de la contrepartie et c’est pour cette raison que les contrats à terme sur les matières premières sont des instruments purement financiers traités par des institutions financières. Le négociant en matières premières comme l’industriel peuvent faire appel à un intermédiaire financier pour acheter ou vendre un contrat à terme uniquement dans le but de couvrir le risque sur le prix de la matière première. Dans les faits, les uns comme les autres achètent et vendent la matière première physique plus ou moins au prix de marché du jour. Dans notre exemple, l’entreprise de négoce de matières premières achète aux États-Unis pour $9 le boisseau du blé et le vendra dans, disons un mois au Japon à son client au prix de marché. Pour éviter de porter le risque de fluctuation des cours du blé, elle va contacter une banque et lui vendre un contrat à terme pour une livraison dans un mois. Le prix du contrat à terme dépend lui aussi des conditions de marché. Si les intervenants de marché pensent que le prix du blé va s’apprécier d’ici un mois, le prix à terme pourrait être de $9,50 ; inversement si les anticipations sont à la baisse, le prix à terme pourrait être par exemple de $8,50. Dans le premier cas, en vendant son contrat à terme, l’entreprise de négoce finance complètement son achat de blé aujourd’hui sans sortir un euro de sa poche. Dans le second, elle devra financer $0,50 par boisseau pour finaliser son achat et très souvent, ces $0,50 sont financés à crédit par une banque. Au bout d’un mois, l’entreprise vendra son blé au client japonais et devra également « racheter » son contrat à terme. Ce qui est avantageux et sécurisant pour l’entreprise de négoce est que le prix du contrat à terme et le prix du blé comptant évoluent à peu près de concert (l’écart entre ces deux prix est appelé « base »). Si le prix du blé comptant augmente de 5 %, le blé à terme augmentera peu ou prou de 5 %. Ainsi en transformant un risque de prix (acheter du blé à un prix donné sans garantie sur le prix de revente) en risque de « base », l’entreprise maîtrise davantage le gain comme la perte éventuelle de son opération (l’écart entre l’évolution du prix comptant et du prix à terme étant très souvent faible). La guerre en Ukraine, catalyseur d’une crise de liquidité Il manque un dernier élément pour comprendre le fonctionnement et les besoins de financement des entreprises de négoce de matière première : les contrats à terme entraînent des appels de marge. Tous les jours, entre la vente du contrat à terme et sa date de fin, l’entreprise de négoce doit répondre à de potentiels appels de marge. Si le prix du blé comptant est de $9 et que le prix à terme est de $8, l’appel de marge sera de $1 par boisseau. Comme évoqué plus haut, les deux prix évoluant généralement de concert, les appels de marge ne sont pas de nature à perturber le fonctionnement normal de

Par Patel A., Dufrêne N.

29 juin 2022

Législatives, légitimité et tripolarisation L'éditorial de juin 2022

Le premier tour des législatives représente un coup de semonce démocratique. Abstention faisant, Ensemble a réuni sur son nom 25,75 % des électeurs, soit 11,97 % des inscrits ; à peu près autant que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Quel que soit le vainqueur des élections de dimanche prochain, il gouvernera donc grâce à l’adhésion de 12 % des électeurs. Est-ce légitime ? Le juriste qui écrit ces lignes dira que oui, puisque c’est légal… ainsi évitera-t-on les cris d’orfraie de ceux qui confondent constat du malaise démocratique et appel à l’insurrection. Posons donc la question autrement. Est-ce tenable ? Jamais aucune majorité n’aura gouverné avec le soutien de si peu de Français. Combien de temps avant que la rue et les ronds-points se peuplent alors que les isoloirs se vident ? Notre système politique et notre mode de scrutin ont été pensés et construits sur le fondement d’une bipolarisation de la vie politique. Or cette époque semble, pour l’instant, en tout cas, terminée. Dans un système de tripolarisation de la vie politique, le centre a un avantage structurel. S’il se retrouve face à la droite, il peut compter sur les reports de la gauche ; s’il se retrouve face à la gauche, il peut compter sur les apports de la droite. Ainsi dans un tel système l’alternance est-elle devenue très difficile à envisager ; sauf accident la vie politique est un jeu à trois où le centre l’emporte à la fin. Ce centre doit par ailleurs pour tenir employer deux stratégies. La première est d’entretenir le flou le plus total sur son programme et son identité politique puisqu’il doit un jour parier sur le soutien de l’électorat le plus à droite, et l’autre espérer que l’électorat le plus à gauche le soutienne. Pour rester majoritaire par défaut, il ne doit rien n’être qui ne puisse être inversé le lendemain. La seconde condition est de diaboliser l’adversaire, qui ne peut être républicain, démocrate ou fréquentable. Pour déclencher un effet de vote utile par défaut, il doit sans cesse jouer la raison contre le chaos. Évidemment, l’absence de projet et d’alternance n’emballe pas les électeurs ; que ne trouvent d’exutoire que dans la jacquerie ou la dépolitisation. Le centre n’en a cure, il vit de cela, car son électorat, âgé et aisé, viendra aux urnes, quoi qu’il arrive. Pour sortir de ce piège que nous tendent à la fois l’état de notre vie politique et nos institutions, nous insistons ce mois-ci avec Chloé Ridel sur la nécessité de revoir notre mode de scrutin à travers une tribune parue dans le journal La Croix. Cette crise démocratique est également analysée par Paula Forteza dans sa note Renouvellement de la représentation politique : où sont les candidats citoyens ?. L’Institut Rousseau a lors de cette drôle de guerre que fut la campagne législative tenté d’apporter des éclairages de fond sur des sujets malheureusement peu mis en avant, mais structuraux. C’est notamment le cas de la note de Swan Faïve sur le contrôle fiscal et l’efficacité de la lutte contre la fraude et celle de Dorian Bianco sur la densité en ville par la protection du patrimoine bâti et paysager.

Par Morel B.

17 juin 2022

L’effondrement de Terra : dernière illustration de la fragilité du marché des cryptoactifs

Les dernières semaines ont été fort agitées sur le marché des cryptoactifs. La chute de Terra a fait souffler un vent de panique sur l’ensemble du secteur par crainte d’une possible contagion. Alors que certains parlent de mini-crise de 2008 pour toute cette classe d’actifs, d’autres tempèrent l’évènement[1] pensant qu’il devrait se cantonner à l’écosystème de Terra. Pourtant, ce sont plusieurs stablecoins qui ont vacillé suite à l’effondrement de celui-ci, dont le leader Tether. Le marché des cryptoactifs révèle ainsi toutes ses insuffisances, sur lesquelles l’Institut Rousseau n’a eu de cesse d’alerter au cours des dernières années[2]. Qu’en est-il vraiment des stablecoins ? Quels sont les risques associés à cette nouvelle classe d’actifs et comment protéger celles et ceux qui y placent une partie de leur épargne de nouveaux épisodes de la sorte ? Pour tenter d’apporter des réponses, il faut tout d’abord comprendre de quoi il est question. Les stablecoins sont une classe de cryptoactifs dont l’objectif est de garder une valeur en constante parité avec un actif traditionnel. Cette parité vise habituellement une devise (principalement le dollar américain) mais on trouve aussi d’autres actifs utilisés comme réserves tels que l’or. On distingue principalement deux catégories de stablecoins : les centralisés et les algorithmiques[3]. Stablecoins centralisés Un stablecoin centralisé est contrôlé par un acteur central qui s’engage à disposer d’un fonds de réserves permettant de rembourser l’intégralité des cryptodollars créés contre de vrais dollars. L’exemple le plus connu est Tether avec son USDT, mais il en existe d’autres, notamment Circle qui gagne en popularité depuis quelques mois avec son USC Coin (USDC). Cet engagement n’est cependant pas toujours tenu. Tether a été épinglé par la justice new-yorkaise[4] pour avoir menti sur la nature de ses réserves, entre autres activités illégales, et est désormais interdit d’exercer dans l’État. Le fait que la société n’ait jamais publié d’audit, particulièrement depuis sa mise au ban, n’aide évidemment pas à dissiper les doutes. C’est cette réputation sulfureuse qui a permis à l’USDC de se développer, la société émettrice (Circle) étant établie sur le territoire des États-Unis et donc soumise à la réglementation du secteur financier et au contrôle des autorités locales. Malgré ces évolutions récentes, l’USDT représente toujours environ 70 % des volumes d’échange de cryptoactifs d’après le site CoinMarketCap, bien loin devant Bitcoin. La fraude est donc l’un des principaux risques liés à cette classe d’actifs, mais le succès montant de l’USDC tend à montrer qu’un meilleur contrôle par les autorités légales permet d’améliorer la confiance accordée aux sociétés qui s’y soumettent. L’autre risque reste la faillite de la société. Puisque ce risque ne peut être totalement dissipé, la réglementation doit veiller à ce qu’une telle éventualité ait un impact aussi faible que possible sur les détenteurs de ces stablecoins. Stablecoins algorithmiques Un algorithme est une procédure, un ensemble de règles qui s’appliquent automatiquement. Dans le cas présent, ces règles cherchent à reproduire la valeur d’un actif réel ou d’une monnaie sans pouvoir en détenir, du fait de la nature immatérielle d’un algorithme et dans l’objectif de se passer de tiers de confiance (banque dépositaire de la monnaie de réserve). Les stablecoins décentralisés visent à gérer l’émission de cryptoactifs stables en se passant d’un tiers de confiance. La seule option possible est donc d’utiliser des actifs de même nature, c’est-à-dire numériques et surtout volatiles. Un crypto-dollar peut être « synthétisé » à partir d’un ou plusieurs cryptoactifs. La démarche est analogue à celle d’un prêt sur gage ; pour créer un crypto-dollar, on dépose une quantité d’actifs numériques en gage, scellés dans un smart contract qui « synthétise » un crypto-dollar en échange. Ceci peut fonctionner tant que les actifs en réserve s’apprécient, mais si au contraire ils se déprécient, cela pourrait entraîner des liquidations en cascade, typiques des effets de levier. La liquidation d’un prêt entraînant une pression baissière sur l’actif en gage, cela pourrait mener à une dangereuse dévaluation de la réserve. La seule protection est donc que le ratio de garantie (stablecoin généré / valeur mise en gage) soit assez élevé et que les actifs gagés soient assez liquides pour limiter autant que possible la pression baissière lors de liquidations. Le cryptoactif nommé DAI utilise par exemple cette technique de sur-garantie et il a également été choisi de diversifier les actifs sur lesquels il repose afin de limiter la pression baissière sur chacun d’entre eux. Mais on note aussi un choix assez cocasse qui est d’avoir adossé son stablecoin décentralisé à un autre, centralisé. En effet 45 % des DAI créés sont garantis par de l’USDC. Comme souvent en matière de cryptoactifs, la promesse de décentralisation, ou plutôt l’argument marketing qui repose dessus, paraît quelque peu mise à mal. Terra, une illusion collective Terra entre dans la catégorie de ces stablecoins algorithmiques. Il s’agit du modèle le plus risqué de cette classe d’actifs[5] et les événements de mi-mai 2022 ont démontré sa fragilité. Terra a choisi d’adosser son crypto-dollar sur un unique actif numérique, celui qui sert à sa gouvernance : Luna. Afin de pouvoir créer des TerraUSD, un détenteur de Luna devait « brûler » du Luna, c’est-à-dire le détruire, pour générer des TerraUSD en échange. Tant qu’il y avait de la demande pour créer du TerraUSD, la quantité de Luna diminuait et son prix augmentait. Mais à partir du 7 mai 2022, la tendance s’inverse drastiquement. Une quantité croissante de TerraUSD se retrouve en vente, plus que le marché n’est capable d’absorber et sa valeur commence à baisser. Plutôt que de vendre leurs faux dollars au rabais, les détenteurs passent par le protocole qui les brûle en échange de nouveaux Luna qu’ils espèrent revendre pour récupérer leur mise. Mais le manque de liquidité du Luna entraîne à son tour une baisse de sa valeur. La panique pousse d’autres détenteurs à se séparer de leurs Luna, accélérant la chute de son prix. Le soir du 9 mai, la capitalisation de Luna passe sous celle de TerraUSD. En d’autres termes, la réserve de Luna ne permet plus de rembourser chaque TerraUSD en circulation au prix de 1$. À cet instant précis,

Par Krajewski P.

30 mai 2022

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