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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

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Sommaire

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    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France ! Quatrième partie

    Ceci est la quatrième et dernière partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’institutionnalisation de la sobriété hydrique en France. Elle porte sur la construction d’institutions du partage de l’eau. I. La sobriété hydrique dans les services publics d’eau potable et d’assainissement 1. Les enjeux d’une utilisation sobre de l’eau domestique Comment assurer l’institutionnalisation de la sobriété hydrique dans les services d’eau et d’assainissement lorsque les fleuves et les nappes s’assèchent et/ou les inondations n’ont plus de saison ? C’est l’ensemble des services publics qui doivent être repensés pour assurer une adaptation qui met la gestion de l’eau au cœur de sa stratégie. Avant même d’imaginer une intervention dans les comportements des usagers, les acteurs publics doivent lever le voile sur les fragilités des réseaux d’eau et d’assainissement, accentuées par le changement climatique. Peut-on légitimement demander aux usagers de réduire leur consommation lorsque les réseaux sont vieillissants avec des taux de fuites parfois supérieurs à 20 % ? L’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), dans l’un de ses articles, interrogeait ce qu’est un « individu sobre au sein d’infrastructures dispendieuses ? »[1]. Il ne s’agit plus d’envisager des solutions pansements pour faire face aux épisodes de sécheresse et aux inondations. Si les politiques publiques de ces dernières années ont mené à un sous-investissement chronique dans les réseaux et donc à ces fuites – que l’État essaie tant bien que mal de reboucher –, d’autres problèmes s’accumulent, et la France prend l’eau. Figure 21 : Consommation domestique moyenne annuelle d’eau potable par habitant et par département [2] Plusieurs échelles de risques sont à identifier afin de pouvoir proposer une stratégie d’adaptation ayant la sobriété en son cœur. Tout d’abord, à l’échelle des réseaux d’eau et d’assainissement, une baisse des quantités d’eau dans ces réseaux augmentera son temps de séjour, et donc dégradera sa qualité en raison de la baisse de dilution des effluents d’assainissement. Le deuxième niveau de risque est celui du foyer. Parmi les 32 milliards de mètres cubes prélevés chaque année, 5,6 milliards sont potabilisés. En 2020, un foyer français (2,2 personnes selon l’INSEE) consommait en moyenne 119 mètres cubes par an. Si cela représente 150 litres par habitant et par jour en 2020, notons que la consommation d’eau est passée, en France, de 106 litres par jour et par habitant en 1975 à 165 litres par jour et par habitant en 2004, pour se stabiliser dans les années 2010 à ce chiffre[3]. Par ailleurs, il faut prendre en compte les disparités sur le territoire : la consommation domestique d’eau moyenne en Provence-Alpes-Côte d’Azur est jusqu’à trois fois plus élevée que la consommation domestique moyenne dans le Nord, notamment en raison de la présence de piscines. En effet, l’eau à notre robinet est une ressource locale : on prélève et on potabilise au plus près possible du robinet. Trois exemples pour illustrer cela. En Île-de-France, on prélève 840 millions de mètres cubes d’eau chaque année dont la moitié provient de la Seine et de la Marne et l’autre moitié est issue des nappes et sources de la région ou des régions voisines. Dans les territoires de montagne, l’eau potable provient en général des lacs, des sources en altitude ou des nappes de fond de vallée. Pour les territoires littoraux, la majorité des prélèvements pour l’eau domestique provient des nappes phréatiques [4]. 2. Pénurie quantitative, pénurie chimique : les services de l’eau à l’épreuve Les coupures d’eau peuvent survenir à la suite d’épisodes de sécheresse prolongés, ou résulter d’une qualité de la ressource dégradée en raison de la pollution [5]. Dans un cas comme dans l’autre, les usages en eau potable étant prioritaires, les collectivités doivent alors acheminer l’eau par camions-citernes ou bouteilles d’eau. Si elles en sont équipées, l’acheminement peut être assuré par interconnexion en achetant de l’eau aux collectivités voisines. Lors de l’été 2022, 343 communes ont eu recours au citernage, 196 autres ont distribué de l’eau en bouteille et 271 ont bénéficié de l’aide des communes voisines via des interconnexions en raison de la sécheresse[6]. Au-delà du risque même de coupure d’eau, les résultats concernant la qualité de l’eau en France sont insatisfaisants d’après le rapport du Sénat publié en décembre dernier. Les micropolluants forment une famille de plus de 11 000 substances que l’on retrouve dans l’environnement en faible concentration. Ce sont les fameux perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des substances qui ont des effets sur le système hormonal des populations et des espèces exposées. Une fois répandus dans les sols, il faut plusieurs décennies pour les éliminer. On retrouve d’ailleurs régulièrement des résidus de substances interdites en France dans les masses d’eau souterraines et de surface. C’est le cas de l’atrazine, un herbicide toujours présent dans les nappes malgré son interdiction en 2002 [7]. Cité précédemment, le dernier bulletin national de synthèse de l’état des lieux des bassins considérait qu’en 2019, seuls 43,1 % des eaux de surface étaient en bon état écologique et 44,7 % en bon état chimique. Les projections indiquent un risque que 67 % des masses d’eau de surface ne soient pas en bon état écologique et presque 10 % en bon état chimique en 2027[8]. Concernant les eaux souterraines, il s’agirait de plus de 14 % de ces eaux qui n’atteindraient pas le bon état écologique et plus de 40 % le bon état chimique. 65 % des 38 000 points de captage pour l’alimentation en eau potable étant des forages en eau souterraine, la protection de la ressource et de son environnement naturel est primordiale pour maintenir un coût de potabilisation acceptable sur le petit cycle de l’eau. 3. Rénover l’amont du petit cycle de l’eau : un enjeu de sobriété et un enjeu sanitaire En France, un litre sur cinq est perdu lors de son transport du fait de fuite dans les canalisations. Le réseau d’adduction et de transport de l’eau en France recouvre des distances impressionnantes. Il en existe plusieurs, avec deux prédominants : tout d’abord, le réseau d’eau potable

    Par Moundib I.

    12 mars 2024

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France ! Troisième partie

    Ceci est la troisième partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’institutionnalisation de la sobriété hydrique en France. I. Encastrer la production industrielle dans la contrainte hydrique : réinventer le principe du pollueur-payeur 1. L’industrie en première ligne de la contrainte hydrique Chimie, agroalimentaire, production de papier, l’industrie représente près de 10 % des prélèvements dans les milieux naturels. La ressource en eau est au cœur de nombreux processus industriels, que ce soit pour le lavage, l’évacuation des déchets, le refroidissement des usines ou pour le fonctionnement des chaudières. À titre d’exemple, il faut près de 500 litres d’eau pour produire 1 kilogramme de papier[1]. Cependant, à l’instar de la production d’énergie, l’industrie rejette presque l’intégralité de l’eau qu’elle prélève, si bien qu’elle ne représente que 5 % de l’eau consommée en France. Depuis les années 1990, les prélèvements d’eau pour l’industrie ont baissé de près de 25 % en raison, d’abord, de la désindustrialisation, puis de nouveaux procédés plus économes et du recours à des systèmes de circuits fermés dans lesquels la même eau peut être utilisée à plusieurs reprises. Le secteur de l’industrie présente des différences régionales assez marquées. Les prélèvements y sont plus importants dans les régions de l’Est, du Nord, du Sud-Ouest et de la vallée du Rhône[2]. Figure 19 : Prélèvements en eau douce du secteur de l’industrie [3] 2. L’industrie de l’eau en bouteille en temps de pénurie Certaines activités industrielles génèrent une utilisation excessive, non durable et inéquitable de la ressource. C’est notamment le cas des multinationales de l’eau en bouteille qui, parfois, surexploitent les nappes phréatiques. En France, bien que les communes de Volvic et de Vittel soient touchées par des périodes de sécheresse chaque année, Danone et Nestlé continuent d’être autorisés à puiser davantage d’eau, principalement pour l’exportation de bouteilles d’eau à l’étranger. À titre d’exemple, Nestlé surexploite les nappes phréatiques de Vittel, prélevant annuellement 2,5 millions de mètres cubes d’eau, au détriment des résidents et des écosystèmes [4]. Proposition 12 : Restreindre les prélèvements d’eau en vue de la commercialisation de l’eau en bouteille Imposer des restrictions significatives et interdire, lors de périodes de sécheresse, les prélèvements d’eau en vue de la commercialisation de l’eau en bouteille. L’envoi de bouteilles d’eau pour les situations d’urgence ne serait pas affecté par cette mesure. Plus généralement, l’industrie est fortement dépendante de la disponibilité en eau. Souvent critique en période d’étiage, la sécheresse hydrologique rend difficile l’accès à des sources d’eau fiables et en quantité suffisante, mettant ainsi en péril leur productivité et leur compétitivité. De plus, certaines industries dépendent largement de la production électrique, notamment pour alimenter leurs installations et leurs procédés. Les contraintes hydriques peuvent affecter le niveau des cours d’eau, réduisant ainsi la production d’électricité nucléaire ou hydraulique. Par ailleurs, la sécheresse peut endommager les infrastructures de transport, comme les voies navigables ou les canaux, entraînant des perturbations logistiques. Les approvisionnements en matières premières notamment métalliques peuvent être affectés. Tout cela peut entraîner des augmentations de prix ou des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, affectant ainsi les entreprises dépendantes de ces intrants. La relocalisation et la réindustrialisation française doivent être également interrogées au prisme de la demande supplémentaire en eau qu’elle va générer. Il est donc vital d’aborder la question de la réindustrialisation par la double question des besoins (que souhaitons-nous produire ?) et de la vulnérabilité (les besoins industriels sont-ils compatibles avec la ressource disponible localement ?). 3. Industrie et PFAS : les révélateurs de notre cécité sur les émissions de polluants Le 23 février 2023, le journal Le Monde et le Forever Pollution Project publiaient une grande enquête sur la contamination des eaux et des sols européens aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), des polluants jusqu’ici assez peu étudiés et quasi indestructibles. Ces produits chimiques sont utilisés pour fabriquer les traitements anti adhésifs, antitaches et imperméabilisants de nos ustensiles, nos textiles et semi-conducteurs du quotidien. Extrêmement persistants, voire indestructibles dans la nature, ces polluants éternels se dénombreraient en milliers voire millions de variétés différentes, sur lesquels les institutions publiques et les chercheurs avaient peu prêté attention jusque-là. D’après les estimations de l’étude, l’Europe compterait plus de 17 000 sites contaminés à des niveaux qui requièrent l’attention des pouvoirs publics et 2 100 points chauds où la concentration serait particulièrement dangereuse pour la santé. La connaissance de ces PFAS est encore très limitée, il est par exemple encore impossible d’estimer le nombre d’usines chimiques qui en produisent en Europe ou aux États-Unis [5]. Mais l’étude est parvenue à définir trois typologies d’activités « présumées contaminantes » avec les sites de stockage et de rejet de mousses anti-incendie, les sites de traitement des déchets et de traitement des eaux usées, et les activités industrielles diverses de production et de traitement de papier et de métaux. Proposition 13 : Mettre en place un plan national de lutte contre les PFAS prolongeant les initiatives européennes sur le sujet Renforcer la réglementation sur les PFAS au niveau européen (règlement REACH), en soutenant la proposition de restriction déposée par cinq pays auprès de l’Echa [6]. Cette proposition vise à interdire la fabrication et l’utilisation de plus de 2000 PFAS, sauf pour des usages essentiels et contrôlés. Financer massivement la recherche sur les sources des PFAS. Mettre en place un plan national de surveillance et de réduction des émissions de PFAS dans l’environnement, en s’appuyant sur le plan d’action ministériel sur les PFAS 2023-2027 [7]. Ce plan prévoit notamment de disposer de normes sur les rejets et les milieux, de porter une interdiction large au niveau européen, de renforcer le contrôle des sites industriels et des stations d’épuration, de développer des solutions de traitement des eaux et des sols contaminés, et d’informer le public sur les risques liés aux PFAS. Renforcer la protection des populations exposées aux PFAS, en établissant des seuils sanitaires pour les différents PFAS dans l’eau potable, les aliments et le sang. Il s’agit également de mettre en place un suivi médical des personnes exposées et des mesures d’indemnisation

    Par Moundib I.

    7 mars 2024

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France ! Seconde partie

    Cette note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France sera publiée en quatre parties. Partie 2 : Réhydrater les sols, régénérer le cycle de l’eau Ceci est la deuxième partie de la note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France. I. Sécheresse anthropique et santé des sols, une menace grave pour l’agriculture française 1. Irrigation et utilisation de l’eau en agriculture L’organisation des sociétés actuelles s’appuie sur le triptyque eau, énergie et agriculture. En France, cette dernière est le premier poste de consommation d’eau douce avec 58 % du total : elle est destinée aux deux tiers à l’irrigation des cultures. L’irrigation est au centre des usages agricoles de l’eau : en 2020, 6,8 % des surfaces agricoles ont été irriguées, soit plus de 1,8 million d’hectares [1]. L’irrigation des grandes cultures céréalières concentre la moitié des volumes prélevés et parmi elles le maïs est la culture qui occupe, à la fois, le plus de surfaces irriguées, mais aussi celle qui consomme le plus d’eau par hectare avec un besoin centré sur la période estivale [2]. Ainsi, la culture du maïs grain représente 8,5 % des surfaces agricoles, mais occupe entre le tiers des surfaces irriguées, avec un besoin centré sur la saison où se concentrent les épisodes de sécheresse. Trois régions concentrent 70 % de la surface irriguée. En Nouvelle-Aquitaine, dans le Centre-Val de Loire et en Occitanie, les prélèvements majoritairement issus des nappes servent à l’irrigation des cultures de maïs grain et de semences. La Provence-Alpes-Côte d’Azur concentre le reste des besoins pour l’irrigation de céréales, de fruits, de légumes et parfois de vigne. La région tire profit de l’irrigation gravitaire des eaux du Canal de Provence rendue possible par la topographie et surtout les différents aménagements du Rhône. Figure 12 : [Gauche] Prélèvements d’eau douce pour l’agriculture par sous-bassin hydrographique, en 2019 [3] [Droite] Répartition des surfaces irriguées par types de cultures en 2016. Les maïs grain, semence et fourrage concentrent la moitié des surfaces irriguées. La catégorie « Autres » recouvre en particulier l’arboriculture. [4] 2. La France, une grande puissance céréalière La France produit via des modes de culture très gourmands en eau environ 70 millions de tonnes de céréales chaque année. Sur ce total, seulement 5 millions sont destinés à l’alimentation humaine. Cette production céréalière est dirigée pour moitié vers les cheptels français et pour moitié vers l’exportation. En 2022, la France a exporté pour 10 milliards d’euros de céréales, deuxième poste de recette dans la balance commerciale après les vins et spiritueux [5]. À la faveur de prix plus élevés et d’exportations de céréales plus importantes, celle-ci a permis une amélioration nette de la balance commerciale agricole. De fait, malgré un cheptel stable sur son sol, la France participe largement à l’augmentation de la consommation de viande partout dans le monde. Figure 13 : Production de céréales en France [6] En effet, cette prépondérance de la production de céréales dans l’agriculture française suit une tendance mondiale profondément liée à l’augmentation de la demande en céréales : d’après la FAO, en 60 ans, les productions mondiales de maïs et de blé ont été multipliées respectivement par 5,6 et 3,4 [7]. Figure 14 : Production mondiale de céréales totales [8] Sur cette même période, les cheptels bovins, ovins, porcins et caprins ont presque doublé et le nombre de volailles a été multiplié par huit ! La croissance démographique seule n’est pas en mesure d’expliquer cette hausse spectaculaire, la hausse de la consommation de viande par habitant est bien visible en comparant ces deux tendances. Celle-ci a doublé entre 1960 et 2020 passant de 20 kg par personne et par an à 40 kg par personne et par an. Figure 15 : Quantité de viande totale produite au niveau mondiale[9] En France, les chiffres sont un peu différents, la production de viandes représentait 4 millions de tonnes en 1960 pour atteindre un maximum autour de 7 millions de tonnes dans les années 2000 avant de décroître lentement à 6 millions de tonnes aujourd’hui. De fait, en 1960, un Français mangeait en moyenne 50 kg de viandes par an, en 2000 ce chiffre plafonnait à plus de 90 kg et on l’évalue classiquement aujourd’hui autour de 80 kg par personne et par an. Figure 16 : Cheptel France et quantité de viande totale produite [10] 3. Une exposition climatique croissante et des pratiques agricoles sources de vulnérabilité Comme évoqué plus haut, la sécheresse des sols s’accentue significativement et vient remettre en cause la pérennité du paradigme actuel. Le consortium World-Weather-Attribution estime que la sécheresse agricole de 2022 a été rendue cinq à six fois plus probable avec le changement climatique, et la sécheresse hydrologique trois à quatre fois plus probable [11] . Par conséquent, la conjugaison d’une hausse des besoins pour l’irrigation et de l’assèchement des sols provoqués par l’évapotranspiration et la pression croissante sur les masses d’eau va irrémédiablement entraîner la généralisation des conflits d’usages impliquant le monde agricole. Le stress hydrique augmente dans les grandes régions productrices de céréales. Celles-ci observent déjà une diminution des ressources en eau souterraine disponibles aussi bien en été qu’en hiver. De même, le débit des fleuves diminue progressivement mettant en danger les modes d’irrigation qui en dépendent. Les effets déjà constatés sont renforcés par les modes de culture agro-industriels. La biodiversité souterraine est au cœur de la fertilité des sols. Elle y assure des fonctions primordiales comme la décomposition de matière organique et donc la libération de nutriments, ou encore l’infiltration et la rétention de l’eau captée dans les racines des végétaux. On estime par exemple que 1 % de matière organique en plus par hectare, c’est 250 m3 d’eau en plus absorbés par les sols [12] . Cette biodiversité des sols comme celle des champs est en recul du fait du fort recours aux pesticides, au tassement du sol initié par la mécanisation, la perturbation du cycle des nutriments et par l’utilisation excessive

    Par Moundib I.

    27 février 2024

    Institutionnalisons la sobriété hydrique en France ! Première partie

    Cette note proposée par l’Institut Rousseau et le collectif Pour un Réveil Écologique sur l’Institutionnalisation de la sobriété hydrique en France sera publiée en quatre parties. Voici la première. Résumé de la note En France, le dérèglement du cycle de l’eau va tout changer. Comme pour les collectivités d’Outre-mer qui connaissent déjà une sidérante crise de l’eau, l’approvisionnement en eau potable ne sera peut-être plus garanti non plus à moyen terme en métropole. À cet égard, l’été 2022 nous a déjà fait changer d’époque : 43 % des cours d’eau à sec, des déficits de précipitation entre 10 et 50 % sur l’intégralité du territoire, des nappes à leurs plus bas historiques et des glaciers qui perdent leur eau douce au rythme des anticipations les plus pessimistes. Bien qu’il accélère le cycle de l’eau, le changement climatique n’est pas l’unique cause des graves conséquences pour lesquelles nous constatons une impréparation. Les phénomènes de sécheresse et d’inondation ne sont en réalité que les deux faces d’une même pièce : ils sont les conséquences d’une dégradation de la santé de nos sols. Imperméabilisés, tassés, stérilisés, ils perdent peu à peu leur capacité d’infiltration et de retenue de l’eau précipitée ou ruisselée. Le changement climatique, en augmentant la fréquence et l’intensité des sécheresses météorologiques et des précipitations extrêmes, révèle, en réalité, la mort lente des écosystèmes régulateurs du cycle de l’eau. Pour l’agriculture, les modes de cultures trop intensifs en eau comme ceux du maïs, largement destinés à l’export et à l’alimentation animale, vont être rendus non viables et même confiscatoires vis-à-vis des autres usagers, la faute à des recharges d’eau souterraine de plus en plus contrainte. Les conséquences sanitaires des rejets de polluants agricoles comme industriels vont largement s’aggraver du fait d’une quantité d’eau plus faible pour les diluer. La diminution des débits et le réchauffement des eaux vont affecter les productions électriques et industrielles. Dans ce contexte, il revient au législateur d’arbitrer des conflits d’usage qui pourraient régulièrement dégénérer en guerre de l’eau. Qui doit avoir un accès prioritaire à la ressource et pour quels usages ? Aujourd’hui, la faiblesse des réglementations permet l’accaparement par les plus gros acteurs agricoles ou industriels. Dans le pire des cas, la puissance publique encourage même cette confiscation : c’est l’exemple des fameuses mégabassines subventionnées à plus de 70 % par l’argent public. L’arsenal législatif reste également trop faible ou mal appliqué pour faire durablement respecter les exigences de qualité. En 2021, environ 12 millions de Français ont été concernés par des dépassements des seuils autorisés de pesticide dans l’eau potable tandis que la pollution au nitrate s’est étendue sur 37 % des masses d’eau souterraine entre 1996 et 2018[1]. Pour institutionnaliser la sobriété hydrique en France, trois piliers sont à construire. Le premier est d’inscrire dans la Constitution à la fois un droit universel d’accès à l’eau issue d’un traitement de qualité et permettant de garantir à chacun des conditions d’hygiène compatible avec une vie digne, mais aussi de reconnaitre le caractère de bien commun du cycle de l’eau qu’il convient alors de gérer de manière coopérative. Pour pouvoir être exercés pleinement, ces deux principes doivent se décliner en un large éventail de politiques publiques, allant de la mise en application du principe du pollueur-payeur à l’instauration d’une tarification progressive, en passant par la rénovation des canalisations. Face à une ressource qui se raréfie, la puissance publique doit organiser le partage en faisant prévaloir le droit à l’eau sur tout autre usage excessif et de fait confiscatoire de la ressource. Le deuxième axe consiste à régénérer le grand cycle en transformant profondément les modalités d’aménagement du territoire. Il faut mettre en application le paradigme de l’hydrologie régénérative : « ralentir, répartir et infiltrer »[2] à l’agriculture comme au tissu urbain. Dans le premier cas, l’idée est d’aménager la parcelle agricole de sorte que l’eau s’y écoule lentement, se répartisse le plus largement possible sur les sols pour s’y infiltrer et recharger durablement les nappes. La parcelle agricole est transformée en « un paysage aquatique ». Ensuite les solutions d’agroécologie (rotation de culture, polyculture élevage, etc.) comme d’agroforesterie (plantation d’arbres et de haies, etc.) permettent d’enrichir le sol en matière organique et de le recouvrir d’un large couvert végétal. Ces aménagements réduisent le ruissellement, infiltrent plus efficacement les eaux de pluie, filtrent mieux les polluants et apportent une fraîcheur décisive pour résister aux vagues de chaleur. Plus généralement, placer le système de production alimentaire sur la voie d’un développement résilient suppose de repenser la finalité du modèle agricole. La contrainte hydrique rend la décroissance de l’assolement de maïs et de la production de viande inévitable ; planifions-la plutôt que de la subir. Le concept d’hydrologie régénérative s’applique également parfaitement aux villes. Pour affronter des précipitations extrêmes plus intenses et les inondations afférentes, il faut débétonner, végétaliser et renaturer l’hydrologie des cours d’eau pour former des villes éponges capables d’absorber les excès d’eau. Enfin, il faut rénover les institutions de l’eau pour expérimenter une gestion de la ressource comme un bien commun. La première étape est alors de reconnaître juridiquement, à la fois le cycle de l’eau et les droits des écosystèmes aquatiques. Pour initier leur préservation, nous proposons d’utiliser la connaissance scientifique pour forger des objectifs spécifiques à chacun des six bassins hydrographiques français de réduction des prélèvements, des consommations, de rejet de polluants et préservation des écosystèmes. Ces derniers seront votés par les Comités de bassin, aussi appelés Parlements de l’eau et mis en application par les six Agences de l’eau en charge des bassins. Nous proposons aussi d’expérimenter une gestion locale de la ressource sur le modèle du bien commun au sens de la prix Nobel d’économie Elinor Ostrom par la création d’Associations d’usagers de l’eau à l’échelle des bassins de vie. Ces collectifs auront pour mandat de gérer collectivement la ressource du territoire en définissant des règles locales garantissant un usage compatible avec les objectifs définis par les Agences de l’eau. Aussi, il faut inciter et accompagner la gestion en régie publique pour les collectivités qui le souhaitent, notamment en renforçant leurs

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    19 février 2024

    Comment s’adapter à la crise climatique ? Placer la France sur la voie d’un développement résilient

    En dépit des alertes incessantes formulées année après année, les émissions mondiales de gaz à effet de serre poursuivent leur irrésistible croissance, dégradant chaque jour un peu plus le climat et les écosystèmes qui ont permis le développement des activités humaines. Dans le même temps, les conséquences se manifestent de plus en plus brutalement dans le monde et en particulier en France qui a connu son deuxième été le plus chaud jamais enregistré en 2022. Pics de température dépassant régulièrement les 40°C, niveau de sécheresse jamais enregistré, pluies diluviennes responsables d’inondations… l’année 2022 a, une nouvelle fois, fait ressentir les prémices d’un avenir climatique chaotique. Le changement climatique se trouve, à présent, dans sa phase irréversible ce qui signifie qu’un arrêt des émissions stopperait effectivement la dérive sans permettre le retour au climat passé. Autrement dit, il n’est pas exagéré de dire que, même dans les scénarios les plus optimistes, l’été 2022 va constituer la nouvelle norme. La France va, de fait, connaître sur l’intégralité de son territoire une augmentation généralisée des risques climatiques mettant en danger les populations qui y sont exposées et venant disloquer les réseaux et les infrastructures des territoires concernés. L’augmentation de la fréquence d’apparition, de la longueur et de l’intensité des vagues de chaleur va placer en état de stress thermique prononcé les espaces urbains, engendrant ainsi inconfort, mise en danger des plus fragiles et surconsommation énergétique. Le changement climatique aura pour effet d’exacerber les deux extrêmes du cycle hydrologique. D’un côté, la sécheresse généralisée menace de reconfigurer brutalement le système agricole, de conduire à des conflits d’usage et des rationnements de plus en plus réguliers de l’eau. De l’autre, les précipitations extrêmes notamment sur le sud et l’est du pays, ruisselant sur un tissu urbain fortement artificialisé vont désormais forcer un déploiement fréquent des forces d’intervention (pompiers, militaires) pour porter assistance aux populations touchées et remettre en état les réseaux primordiaux (eau, électricité). L’élévation du niveau des mers, les feux de forêt ainsi que le phénomène de retrait / gonflement des sols argileux vont, eux aussi, avoir une incidence majeure sur l’organisation des activités du pays, forçant le déplacement de certaines activités ou la reconstruction d’infrastructures détruites et donc les migrations temporaires ou définitives associées. Ce constat, particulièrement inquiétant, ne doit pas pour autant paralyser, mais au contraire servir de socle de refondation à l’action climatique. Le traitement de la cause, c’est-à-dire, la réduction des émissions de gaz à effet de serre reste bien entendu fondamentale pour éviter les conséquences les plus dramatiques du réchauffement. Cependant, il apparaît essentiel d’y adjoindre le traitement des conséquences, c’est-à-dire l’adaptation au changement climatique comme une brique d’égale d’importance de la transformation que nous devons opérer. Ainsi, en parallèle d’une politique de réduction drastique des émissions, la France doit se doter d’une réelle stratégie de résilience afin de limiter l’impact du bouleversement climatique qui s’amorce. Cette stratégie devra s’articuler autour de trois piliers. D’abord, l’anticipation des risques par la modélisation climatique des différents futurs possibles et par la compréhension fine des vulnérabilités aux aléas attendus. Ensuite, la prévention des risques par des investissements massifs pour limiter la vulnérabilité des populations, des infrastructures et des écosystèmes aux nouvelles normes climatiques. Finalement, la gestion de crise qui se donne pour objectif de structurer les modes d’interventions et dispositifs de secours lors de catastrophes qui s’avéreront plus fréquentes et plus violentes. Ainsi, comme le réclame le GIEC, « une planification et l’investissement intégrés et inclusifs dans la prise de décision quotidienne »[1] peuvent permettre de limiter les effets attendus du changement climatique pour le pays et ancrer sa trajectoire au sein d’un développement sobre et résilient compatible avec les limites planétaires. Cette note propose donc un panorama des risques climatiques en France hexagonale pour ensuite décrire les enjeux de l’adaptation et formuler 22 propositions concrètes esquissant les contours d’une planification résiliente au service de l’intérêt général. I. De l’urgence de l’adaptation en France : anticiper et planifier 1) Anticiper le risque climatique : un impératif Le changement climatique : « un voyage sans retour » La réduction des émissions de gaz à effet de serre mondiale sera-t-elle suffisante pour prémunir la France des effets du changement climatique ? La question du devenir du climat une fois la neutralité carbone[2] atteinte, a fait l’objet de recherches récentes et un consensus scientifique a mis du temps à émerger[3]. Le dernier rapport du GIEC affirme dans son résumé aux décideurs qu’un arrêt des émissions entraînerait une stabilisation des niveaux de température actuels. Ainsi, cela signifierait bien un arrêt du réchauffement au niveau verrouillé par nos émissions passées. En revanche, cet arrêt ne signifie en aucun cas un retour en arrière : le climat passé est, donc, perdu à jamais et plus l’ordre économique actuel poussera à la combustion des énergies fossiles restantes plus elle éloignera le climat futur de celui qui a permis l’implantation des activités et réseaux collectifs qui sous-tendent nos conditions d’existence matérielle. L’explication tient dans la nature chimique de la molécule de CO2 principal gaz à effet de serre (environ 70% du forçage radiatif anthropique[4]) et des mécanismes d’accumulation dans l’atmosphère. Produite par la combustion d’énergie fossile, celle-ci ne peut être éliminée de l’atmosphère que par deux phénomènes : la photosynthèse via un contact de surface avec un végétal en respiration ou l’absorption par l’océan via un phénomène de vase communicant appelé pompe physique océanique. Or, ces deux dynamiques d’élimination se déroulent sur des périodes particulièrement longues, de l’ordre du siècle, voire du millénaire[5]. De fait, une molécule de CO2 émise aujourd’hui aurait une durée de vie de l’ordre du millier d’années au contraire d’autres gaz à effet de serre comme le méthane détruit beaucoup plus rapidement via d’autres processus physico-chimiques (12 ans). Ainsi, même si l’on n’émettait plus une seule molécule de CO2 demain, il faudrait un siècle pour éliminer 50 % du stock précédemment accumulé, un millénaire pour en voir disparaître 75 % et 10 000 ans pour qu’il en reste encore 10 % (Figure 1). En utilisant la richesse des solutions fondées sur

    Par Moundib I.

    8 novembre 2022

    Face au poids croissant du numérique : l’impératif de sobriété

    À la croisée du débat entre technophiles et technophobes, le numérique apparaît, pour les premiers, comme un moyen d’achever le rêve transhumaniste d’arrachement à l'altérité et, pour les autres, comme l’un des symboles d’un consumérisme obscène sur le point d’épuiser les ressources (limitées) de la planète.

    Par Moundib I., Jahier A., Bouilloud R.

    20 mai 2021

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