Juriste, économiste et Président de LIGERE, laboratoire d’idées de la cohésion sociale, Paul Klotz revient pour Usbek & Rica sur les principaux enseignements de l’étude qu’il consacre pour l’Institut Rousseau à la politique du tout-carcéral français tout en esquissant quelques pistes pour s’en détacher.
Deux raisons nous poussent à nous interroger de toute urgence sur le rôle des prisons en France.
La première est philosophique : pourquoi la privation de liberté constitue-t-elle, dans une République héritière de l’humanisme des Lumières, la sanction pénale la plus évidente ?
Notre esprit universaliste voudrait que le sentiment de faire « communauté » franchisse les enceintes des prisons et fasse à tous les détenus la même promesse émancipatrice : celle de pouvoir se réinsérer après avoir réparé les fautes commises.
Mais les données contredisent cette intuition et, dans les faits, la majorité des Français semble préférer une société de la dégradation à une société de la réparation. Ainsi, tandis qu’en janvier 2000, un sondage IFOP montrait que 72 % des personnes considéraient que la mission de la prison était de « préparer la réinsertion des détenus dans la société », elles ne sont plus que 45 % en 2018.
La seconde raison part d’un constat : la prison constitue un aveu d’échec terrible de la justice pénale française. D’après l’Observatoire International des Prisons, 63 % des personnes condamnées à une peine « ferme » sont réincarcérées dans les cinq ans qui suivent leur libération. Par ailleurs, la France est encore régulièrement condamnée pour conditions de détention inhumaines par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Ces condamnations mettent en lumière le manque cruel de moyens alloués à la politique pénale : la France comptait en 2016 une moyenne de 13 magistrats et 47 personnels judiciaires pour 100 000 habitants, contre une médiane de 31 magistrats et 105 personnels judiciaires dans les pays comparables.