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Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine

Pendant la crise, la guerre sociale continue

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      Pendant la crise, la guerre sociale continue

      Au-delà des tâtonnements et des erreurs inévitables face à une crise hors-norme, la totalité des spécialistes s’accorde sur le fait que la pénurie de matériels de protection (masques et gels hydroalcooliques au premier chef), est une de nos principales difficultés dans la lutte contre le COVID-19. Les protections manquent pour les soignants, en première ligne contre la maladie. Elles manquent a fortiori pour les autres travailleurs exposés, pour une raison ou pour une autre.

      Gouverner, c’est, paraît-il, choisir. Face à cette pénurie, le gouvernement devait trancher : donner la priorité au maintien de l’activité économique globale, au risque d’exposer les salariés au virus, ou faire le choix de ne restreindre l’activité qu’aux seules entreprises strictement nécessaires. Cette seconde option, le confinement « à la chinoise » pour lequel plaidait nombre de médecins, n’a pas été retenue. Au contraire, toute la communication gouvernementale semble rapidement déserter les questions de santé pour se recentrer sur la nécessaire reprise de l’activité, jusqu’au point où l’on a pu voir la ministre du travail menacer d’exclure un secteur – le BTP –  du chômage partiel s’il ne renvoyait pas les ouvriers sur les chantiers. Plus généralement, toutes les entreprises sont sommées de continuer à fonctionner le plus normalement possible, mais sans avoir les moyens de protéger leurs salariés. Les métiers ouvriers, employés et de l’encadrement intermédiaires sont particulièrement exposés, car beaucoup moins éligibles au télétravail.

      Le soutien massif qui entoure le corps médical ne doit pas conduire à s’illusionner. La crise n’a nullement effacé les antagonismes sociaux de notre pays. À rebours de toute réelle solidarité nationale, le Coronavirus se révèle en effet un formidable accélérateur de la sécession des classes supérieures. Les cadres et professions supérieures se sont repliés en masse chez eux pour télétravailler. Dans nombre d’entreprises, notamment industrielles, il ne reste depuis quelques jours que les ouvriers et les agents de maîtrise, qui reçoivent des consignes des cadres en télétravail, parfois à des centaines de kilomètres. Beaucoup ont en effet pu gagner leur résidence secondaire pour vivre leur confinement de manière plus confortable, même s’il existait un risque qu’ils propagent la maladie dans des régions peu touchées. Sociologiquement, il est frappant que ceux qui, au pouvoir ou dans les entreprises, décident de maintenir une activité en dépit de l’absence de matériels de protection ne seront pas ceux qui risquent d’en payer le prix par leur santé. La crise du COVID-19, loin de rassembler notre nation autour d’un objectif commun, expose d’abord au grand jour nos fractures sociales : ces sont les agriculteurs, les ouvriers des usines agro-alimentaires, les travailleurs de la logistique, les caissières de supermarché, livreurs, éboueurs, et aides à domicile à qui on demande d’aller quotidiennement travailler sans gants, masques, gels ou savons.

      Une autre politique était pourtant possible. Celle qui aurait, d’abord, consisté à admettre la défaillance de préparation et le danger réel encouru par les salariés privés de matériels de protection. Non pour les renvoyer tous chez eux, car leur activité est malheureusement essentielle à notre survie collective. Mais pour reconnaître ce danger, et offrir un nouveau pacte. Une reconnaissance sociale et matérielle de l’essentialité de ces métiers. Tenir, en somme la promesse présidentielle selon laquelle « nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies ». Le gouvernement a semblé s’engager un temps dans cette voie. Suspension de la réforme de l’assurance-chômage, interdiction provisoire des licenciements, garantie du maintien à 100% de la rémunération pour les travailleurs en chômage partiel. Mais il a rapidement fait marche arrière, sauf sur le premier point. Même la prime promise se révèle un simple recyclage de ce qui avait été concédé aux Gilets Jaunes. Pire encore, avec la loi d’urgence sanitaire, le pouvoir prépare pour les employeurs la possibilité de priver leurs salariés d’un certain nombre de droits sociaux fondamentaux (majoration des heures supplémentaires, repos hebdomadaire et dominical, réduction des congés payés). Dans le même temps, il a multiplié les garanties en direction des entreprises (fonds de soutien, allégements des prélèvements sociaux, prise en charge totale de l’indemnisation de l’activité partielle…). De cette situation, on peut sans doute déjà retenir deux enseignements : le premier est que la force de l’événement, même quand il s’agit d’une pandémie, ne suffit pas à balayer les idéologies. Celle qui prévaut dans les cercles du pouvoir guide toujours son action, à peine ébranlée par la catastrophe que nous vivons. Le deuxième, plus sombre encore, est que la solidarité nationale n’est pas un réflexe naturel en temps de crise. Sans projet politique et civique pour l’animer, sans institutions pour l’adosser, elle peut être vite balayée par les égoïsmes sociaux.

       

       

      Publié le 20 mars 2020

      Pendant la crise, la guerre sociale continue

      Auteurs

      Institut Rousseau
      Le laboratoire d’idées de la reconstruction écologique et républicaine.

      Au-delà des tâtonnements et des erreurs inévitables face à une crise hors-norme, la totalité des spécialistes s’accorde sur le fait que la pénurie de matériels de protection (masques et gels hydroalcooliques au premier chef), est une de nos principales difficultés dans la lutte contre le COVID-19. Les protections manquent pour les soignants, en première ligne contre la maladie. Elles manquent a fortiori pour les autres travailleurs exposés, pour une raison ou pour une autre.

      Gouverner, c’est, paraît-il, choisir. Face à cette pénurie, le gouvernement devait trancher : donner la priorité au maintien de l’activité économique globale, au risque d’exposer les salariés au virus, ou faire le choix de ne restreindre l’activité qu’aux seules entreprises strictement nécessaires. Cette seconde option, le confinement « à la chinoise » pour lequel plaidait nombre de médecins, n’a pas été retenue. Au contraire, toute la communication gouvernementale semble rapidement déserter les questions de santé pour se recentrer sur la nécessaire reprise de l’activité, jusqu’au point où l’on a pu voir la ministre du travail menacer d’exclure un secteur – le BTP –  du chômage partiel s’il ne renvoyait pas les ouvriers sur les chantiers. Plus généralement, toutes les entreprises sont sommées de continuer à fonctionner le plus normalement possible, mais sans avoir les moyens de protéger leurs salariés. Les métiers ouvriers, employés et de l’encadrement intermédiaires sont particulièrement exposés, car beaucoup moins éligibles au télétravail.

      Le soutien massif qui entoure le corps médical ne doit pas conduire à s’illusionner. La crise n’a nullement effacé les antagonismes sociaux de notre pays. À rebours de toute réelle solidarité nationale, le Coronavirus se révèle en effet un formidable accélérateur de la sécession des classes supérieures. Les cadres et professions supérieures se sont repliés en masse chez eux pour télétravailler. Dans nombre d’entreprises, notamment industrielles, il ne reste depuis quelques jours que les ouvriers et les agents de maîtrise, qui reçoivent des consignes des cadres en télétravail, parfois à des centaines de kilomètres. Beaucoup ont en effet pu gagner leur résidence secondaire pour vivre leur confinement de manière plus confortable, même s’il existait un risque qu’ils propagent la maladie dans des régions peu touchées. Sociologiquement, il est frappant que ceux qui, au pouvoir ou dans les entreprises, décident de maintenir une activité en dépit de l’absence de matériels de protection ne seront pas ceux qui risquent d’en payer le prix par leur santé. La crise du COVID-19, loin de rassembler notre nation autour d’un objectif commun, expose d’abord au grand jour nos fractures sociales : ces sont les agriculteurs, les ouvriers des usines agro-alimentaires, les travailleurs de la logistique, les caissières de supermarché, livreurs, éboueurs, et aides à domicile à qui on demande d’aller quotidiennement travailler sans gants, masques, gels ou savons.

      Une autre politique était pourtant possible. Celle qui aurait, d’abord, consisté à admettre la défaillance de préparation et le danger réel encouru par les salariés privés de matériels de protection. Non pour les renvoyer tous chez eux, car leur activité est malheureusement essentielle à notre survie collective. Mais pour reconnaître ce danger, et offrir un nouveau pacte. Une reconnaissance sociale et matérielle de l’essentialité de ces métiers. Tenir, en somme la promesse présidentielle selon laquelle « nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies ». Le gouvernement a semblé s’engager un temps dans cette voie. Suspension de la réforme de l’assurance-chômage, interdiction provisoire des licenciements, garantie du maintien à 100% de la rémunération pour les travailleurs en chômage partiel. Mais il a rapidement fait marche arrière, sauf sur le premier point. Même la prime promise se révèle un simple recyclage de ce qui avait été concédé aux Gilets Jaunes. Pire encore, avec la loi d’urgence sanitaire, le pouvoir prépare pour les employeurs la possibilité de priver leurs salariés d’un certain nombre de droits sociaux fondamentaux (majoration des heures supplémentaires, repos hebdomadaire et dominical, réduction des congés payés). Dans le même temps, il a multiplié les garanties en direction des entreprises (fonds de soutien, allégements des prélèvements sociaux, prise en charge totale de l’indemnisation de l’activité partielle…). De cette situation, on peut sans doute déjà retenir deux enseignements : le premier est que la force de l’événement, même quand il s’agit d’une pandémie, ne suffit pas à balayer les idéologies. Celle qui prévaut dans les cercles du pouvoir guide toujours son action, à peine ébranlée par la catastrophe que nous vivons. Le deuxième, plus sombre encore, est que la solidarité nationale n’est pas un réflexe naturel en temps de crise. Sans projet politique et civique pour l’animer, sans institutions pour l’adosser, elle peut être vite balayée par les égoïsmes sociaux.

       

       

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