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Le rapport Draghi : un plan d’action ambigu

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Le rapport Draghi : un plan d’action ambigu

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Sommaire

    Le rapport Draghi : un plan d’action ambigu

    Camille Souffron – Institut Rousseau & ENS Ulm

    12 septembre 2024

    Un « défi existentiel »pour l’Union européenne (UE), tels sont les termes donnés par l’ex-président de la banque centrale européenne (BCE) et ex-président du Conseil italien Mario Draghi lors de la remise de son rapport à la Commission européenne le lundi 9 septembre au sujet du décrochage économique européen devant les États-Unis et la Chine, en termes de productivité comme de compétitivité européenne. Intitulé « Le futur de la compétitivité européenne : une stratégie de compétitivité pour l’Europe », ce document de 170 propositions appelle à un électrochoc, en posant comme objectif le retour à la croissance et à la compétitivité européenne en misant notamment sur l’innovation, et aborde pour cela des enjeux comme le droit de la concurrence, la décarbonation, l’autonomie énergétique et en matériaux stratégiques du continent, ou bien encore le financement public et privé de ces projets.

    À première vue, on ne peut que saluer, dans un tel climat politique où le spectre pénitentiel de l’austérité budgétaire réapparaît, un rapport qui appelle à des investissements supplémentaires annuels de 750 à 800 milliards d’euros. De même, un discours public sur la nécessité d’une autonomie énergétique européenne avec une énergie décarbonée à bas coût, et sur la dépendance d’approvisionnement en matières premières et minerais stratégiques dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu, ne peut être que bienvenu.

    Néanmoins, sa lecture révèle l’essoufflement d’un paradigme et plusieurs contradictions : la volonté de concilier décarbonation et croissance économique avec comme objectif la compétitivité au détriment des autres limites planétaires ; l’écart entre les investissements vus comme nécessaires et les mécanismes de financement proposés en passant à côté des mécanismes de financement budgétaires mais aussi monétaires possibles et en proposant une financiarisation accrue de l’économie, une retraite par capitalisation et des mesures qui laisseraient penser que la crise financière de 2008 n’a pas existé ; et la remise en cause des réglementations et démarches déjà entreprises aux niveaux européens comme le Green Deal. En deux mots : telles sont les contradictions lorsque l’on veut s’extraire de politiques libérales sans modifier la structure macroéconomique. Voici nos trois points d’analyse de ce rapport.

    1. La nécessité d’une Union européenne stratège, sans opposer le retour de vraies politiques industrielles et une transition écologique complète

    Ce rapport cherche le retour de la productivité et de la compétitivité, pour un objectif de croissance économique. L’élément le plus intéressant est sans doute son plaidoyer pour le retour d’une vraie politique industrielle et technologique, dénonçant « l’absence d’une stratégie industrielle équivalente à celle des autres grandes puissances », et ciblant dix secteurs, à savoir l’énergie, les matériaux critiques, le numérique et les nouvelles technologies, les industries intensives en énergie, les technologies « vertes », l’automobile, la défense, le spatial, l’industrie pharmaceutique et les transports, en proposant des politiques transversales (innovation, concurrence et compétitivité, compétences, décarbonation, financement, gouvernance). Or, l’Union européenne comme la France se distinguent par l’absence de doctrine sur les secteurs stratégiques, et de définition claire de ceux-ci (voir la note Institut Rousseau de Nathan Sperber « Ce qui doit échapper à la logique de la mondialisation. Quelle méthode pour identifier les secteurs stratégiques de l’économie ? »). Cette absence de vision dans le cas de la France a mené à la cession d’Alstom Energie à General Electric en 2014, à la cession de la branche ferroviaire rentable de Thalès forcé par l’État qui y possède une action spécifique, à une gestion dénoncée par le Sénat des participations de l’État comme pure source de dividende[1], à la création d’un « Haut-Commissariat au plan » sans administration propre, et aujourd’hui à la décoordination et à l’opacité du plan France 2030, finançant avant tout des start-up et « licornes » sans conditionnalité ni contrôle des entrées étrangères au capital une fois des brevets développés. Cette absence à l’échelle européenne s’est faite ressentir lors du COVID 19 avec l’effondrement des chaînes d’approvisionnement et l’échec de l’essai clinique Discovery, et présentement avec la dépendance énergétique, ou encore l’inexistence d’infrastructure numérique continentale.

    Ainsi le rapport appelle par exemple à « élaborer un plan d’action industriel pour le secteur automobile, afin d’éviter la délocalisation radicale de la production en dehors de l’Union ou le rachat rapide d’usines et d’entreprises européennes par des producteurs étrangers bénéficiant de subventions publiques », idem sur le numérique. Il aborde également la question de la propriété intellectuelle et de la nécessité d’une stratégie de protection des brevets européens. Il défend de plus le développement, au-delà du marché commun, d’une stratégie économique extérieure pour permettre l’autonomie et le contrôle des chaînes d’approvisionnement, par exemple pour les supraconducteurs, cela afin d’assurer la sécurité du continent en termes de ressources critiques. Il recommande l’expansion de l’initiative Global Gateway, lancée fin 2021 par la Commission comme contre-projet face aux nouvelles routes de la soie chinoises, sur les questions numériques, énergétiques, sanitaires, et propose la création d’un commissaire européen à l’industrie de la défense, doté d’une autorité européenne. Enfin, il appelle au développement d’institutions universitaires européennes de pointe et à la mutualisation de la R&D publique.

    Reste la question de l’échelle. Le rapport propose la création d’un « cadre de coordination de la compétitivité » dont les priorités seraient formulées et adoptées par le Conseil européen. Se pose la question de la souveraineté nationale dans sa capacité à choisir ses priorités stratégiques et ses politiques de compétitivité. Le document propose notamment de généraliser le vote par majorité qualifiée en remplacement de l’unanimité pour les décisions du Conseil, supprimant de fait le droit de véto des États membres mais pouvant permettre de débloquer des projets comme la Taxe sur les transactions financières (TTF). Par ailleurs, relevons la proposition de renforcer la coopération entre États sur des projets spécifiques pour contourner les situations de blocage où un vote requiert l’unanimité ou la majorité qualifiée des États membres. Le document appelle ainsi à “explorer toutes les possibilités permises par les traités” européens, et notamment d’user des articles 20 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et 329 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui permettent la coopération renforcée entre au minimum neuf États membres si les objectifs recherchés « ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble » (art. 20-2 TUE). Cela peut être une opportunité pour la France et l’Europe « du Sud » de contourner le blocage des « faucons » austéritaires lors de grands projets.

    Cependant, les problèmes autour du paradigme du rapport apparaissent particulièrement sur la question écologique. Le seul enjeu environnemental soulevé est celui de la décarbonation, justifié par l’impératif de compétitivité et de croissance (réduction du prix de l’énergie pour les entreprises, etc.), même si une hausse de la productivité peut également permettre une réduction de la consommation de ressources – sous couvert d’absence d’effet rebond. Tout en appelant à des investissements massifs pour le problème climatique et en faisant des propositions pertinentes comme l’intégration transfrontalière des transports ou le découplage du prix du gaz naturel de celui des énergies vertes, le rapport passe néanmoins à côté des autres limites planétaires – usage des sols, eau douce, biodiversité, pollution… – alors que désormais six sur neuf sont dépassées et qu’elles nécessitent une approche intégrée pour éviter que les actions de préservation du climat et de transition énergétique ne nuisent aux autres limites (Richardson et al., 2023)[2]. Le risque ici étant, pour concilier neutralité carbone et objectif de croissance économique comme telos, de négliger les autres limites planétaires et défis écologiques. Au-delà des enjeux de croissance, la transgression desdites limites aura (et a déjà) des répercussions très importantes sur l’Europe, que ce soit en termes de sécurité alimentaire avec une dépendance accrue à l’égard des importations de denrées[3], de sécurité énergétique, sanitaire et hydrique, et même de stabilité socio-économique[4], [5]. Le risque est donc une régression par rapport à l’ambitieux Green Deal européen voté par le Parlement européen en janvier 2020 et qui au-delà de la neutralité carbone, vise « une croissance économique découplée de l’utilisation des ressources » et une transition qui « n’abandonne aucune personne ni aucun lieu ». Les propositions de suppression de réglementations environnementales européennes (voir Partie 3 infra) ne peuvent que confirmer cette crainte.

    2. Drainage de l’épargne, financiarisation et risques systémiques, ou bien création monétaire ciblée ?

    Concernant les investissements nécessaires pour de telles transformations économiques et énergétiques, le rapport est clair sur les montants mais ambigu quant aux stratégies de financement, se reposant grandement sur les marchés financiers. En effet, 750 à 800 milliards d’euros d’investissements supplémentaires annuels sont réclamés, soit 4,4 % à 4,7 % du PIB de l’UE, avec en conséquence prédite des gains de productivité de 6 % sur 15 ans – quand l’Institut Rousseau, dans son rapport « Road to Net Zero » (2024), avait calculé, pour la pure décarbonation en se fixant pour objectif de ne pas dépasser 2°C de réchauffement, le besoin d’investissements supplémentaires de 2,3 % du PIB de l’UE par an, et d’une hausse des dépenses publiques de 250 à 510 milliards d’euros par an afin de catalyser l’investissement privé. Le rapport Draghi cherche à répondre au faible taux d’investissement en Europe, et au décrochage face aux États-Unis depuis la crise de 2008, aussi bien en termes d’investissements privés que publics, avant tout par le développement de la finance privée i.e. de l’union des marchés de capitaux (UMC), dans la continuité du marché commun des biens et services, sujet cher à Mario Draghi qui avait déjà avancé que « le principal moyen de rassembler les fonds nécessaires passera par l’approfondissement de nos marchés de capital-risque, d’actions et d’obligations » car considérant que le coût du capital est trop élevé en Europe et les marchés financiers pas assez intégrés. Le constat d’une très importante épargne européenne sous-utilisée pour financer de grands projets – à l’inverse de l’époque du Circuit du Trésor de Bloch-Lainé et de la « répression financière » consistant à forcer les banques à prêter à l’État l’épargne dormante pour financer de grands projets – est tout à fait valide, mais les propositions sont ambivalentes car risquent de renforcer la financiarisation de l’économie européenne (par ailleurs une des sources du sous-investissement), et font l’impasse sur d’autres modes de financement. De même, le rapport présente la retraite par capitalisation avec exonération d’impôt comme meilleur système de drainage de l’épargne, en prenant pour exemple les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. Au-delà des distorsions possibles liées à l’exemption d’impôt pour les plus favorisés, une part de retraite complémentaire par capitalisation orientée vers des projets productifs peut être explorée, avec toutes les garanties nécessaires de sélection de projet pour ne pas menacer le capital des épargnants, mais ne doit devenir un argument ou prétexte pour supprimer l’assurance-sociale fondée sur la solidarité nationale, ce qui peut devenir l’objectif ou a minima nous placer sur une pente glissante. De même, le devoir fiduciaire pose déjà des problèmes aux fonds de pension pour investir dans l’innovation technologique et la transition écologique, par exemple avec la loi ERISA (Employee Retirement Income Security Act) aux États-Unis.

    Le rapport est de plus ambigu car si certaines propositions permettraient, en plus de développer l’UMC, de renforcer la stabilité des marchés financiers européens, d’autres auront l’effet inverse. Celles pouvant renforcer la stabilité financière sont la création dans une logique d’harmonisation d’un régulateur européen unique et d’un règlement unique des marchés financiers qui manquent aujourd’hui à l’UE en réformant l’ESMA (l’autorité européenne des marchés financiers), à l’image de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine créée en 1934 suite au krach de 1929. Encore à l’image des États-Unis, la création et centralisation d’un seul dépositaire central (Central Securities Depository, CSD) et d’une seule chambre de compensation avec contrepartie centrale (CCCC). Les CSD accueillent les titres et valeurs mobilières lors d’une transaction sur un marché, et les chambres de compensation garantissent le livrement des titres et le paiement de la transaction entre les deux agents de ladite transaction. Ces dernières sont vitales car elles évitent les défaillances en chaîne en cas de défaillance d’une des parties, et donc les effets domino. Elles financent leur montant « airbag » par de légers prélèvements sur chaque transaction, les fameux « appels de marge » (margin calls). Or, juste après la crise de 2008, la directive européenne EMIR a provoqué leur privatisation, ce qui les a poussés à, pour attirer les clients, réduire leurs appels de marge du fait de la concurrence… Jusqu’à ne plus vraiment pouvoir financer cet « airbag » qui est pourtant leur raison d’être – l’on notera la pertinence temporelle de cette mesure juste après 2008. Aujourd’hui, il y a plus de 20 CSD et chambres de compensation rien que pour le marché action en Europe. La fusion de ces chambres en une unique et surtout publique (son statut reste flou dans le rapport Draghi) permettrait un contrôle et une vraie garantie des transactions, remplissant les objectifs prudentiels d’origine.

    À l’inverse, d’autres mesures laisseraient presque penser que Mario Draghi considère la crise de 2008 comme n’ayant pas existé : en effet, ces mesures risquent clairement d’augmenter l’instabilité financière et le risque de crise, ce qui dans un tel climat est particulièrement discutable, d’autant plus de la part d’un ancien banquier central ayant eu parmi ses missions les objectifs prudentiels. Ainsi, pour renforcer les capacités de financement des banques européennes et les rendre « compétitives », le rapport remet en cause la pertinence des accords de Bâle III, mis en place à la suite de la crise de 2008, allant des ratios de liquidité et d’effets de levier aux mécanismes contracycliques et à la redéfinition des fonds propres réglementaires. Il remet également en cause la directive Solvabilité II, qui concerne les fonds propres et ratios de solvabilité des assureurs et réassureurs, et qui pourrait menacer le capital des épargnants dans la partie retraite complémentaire par capitalisation. Au-delà de la conjoncture financière fragile actuelle, les risques financiers sont et seront amplifiés par la crise écologique et également par la transition. Le rapport « Actifs fossiles, les nouveaux subprimes ? » co-porté par l’Institut Rousseau (2021) a ainsi montré que les 11 principales banques de la Zone euro cumulent un stock de plus de 530 milliards d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles, soit 95 % du total de leurs fonds propres[6], ce qui freine la transition écologique car ce faisant ces actifs deviendraient échoués (ou stranded), donc à valeur nulle, mais qui fait courir le risque de crise systémique en cas de transition également. Et cela n’est que la face émergée de l’iceberg de tous les secteurs qui nécessiteront une transition (automobile, pétrochimie, aéronautique, etc.), avec le risque d’effet « boule de neige ». Quant à l’aspect assurantiel, Munich Re et Swiss Re, les deux principaux réassureurs mondiaux, se sont désengagés des risques climatiques liés aux événements extrêmes, considérant qu’ils ne sont plus réassurables. De telles propositions sont donc fort étonnantes.

    Enfin, le rapport déplore un budget de l’UE beaucoup trop faible – 1% du PIB de l’UE -, « bureaucrate » dans son allocation, et trop fragmenté en 50 programmes. Il recommande une priorisation des secteurs stratégiques, une simplification du processus, le développement et la généralisation de la garantie européenne notamment pour les prêts, le financement mixte coordonné public-privé et l’intervention active de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour les projets de long terme ne pouvant reposer uniquement sur les marchés financiers, la mise à l’échelle d’entreprises, et le financement de projets risqués avec un capital-risque élevé. De même, pour faciliter le financement et les investissements publics, il recommande l’usage de l’emprunt commun aux États membres pour des projets collectifs et ciblés (e.g. infrastructures, spatial, recherche etc.), permettant de réduire le taux sur leur dette publique à l’image du programme Next Generation EU (NGEU), l’emprunt commun en réponse au COVID 19.

    Ces recommandations sont pertinentes, mais elles laissent un angle mort absolument central : l’enjeu des politiques monétaires, et plus spécifiquement de la création monétaire ciblée par la BCE. En effet, le recours massif à la finance privée garde ses limites : instabilité financière, devoir fiduciaire, problème du capital-risque pour les projets incertains ou à économies d’échelle et coûts fixes importants, absence de green premium pour les projets verts souvent peu rentables et risqués, risque de financiarisation accrue de l’économie menant à des choix stratégiques de court terme maximisant les dividendes et la valorisation actionnariales au détriment de l’activité productive et de l’investissement[7], notamment en R&D[8], etc. De même, l’endettement public devient de plus en plus contraint, que ce soit par le cadre européen même avec le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ou bien les attaques de spread des marchés financiers sur la dette publique, touchant désormais même les pays du Nord et les gouvernements conservateurs comme le Royaume-Uni de Liz Truss et les rendant tributaires du bon vouloir des marchés.

    Or, une autre solution est possible, et Mario Draghi, en tant qu’ancien président de la BCE, la connait : la création monétaire. Preuve en est, sa conférence de presse BCE du 9 janvier 2014 durant laquelle un journaliste lui pose la question suivante : « la BCE peut-elle un jour être à court de monnaie ? ». La réponse, captée en vidéo, est éloquente : long silence, rires gênés, et phrase laconique « Techniquement, non. Nous ne pouvons pas manquer de monnaie. Nous disposons de ressources suffisantes pour faire face à toutes les situations d’urgence ». Ce qui a été confirmé par sa successeur Christine Lagarde le 19 décembre 2020 lors du Dialogue monétaire : « l’Eurosystème sera toujours en mesure de générer des liquidités supplémentaires en cas de besoin. Par définition, la BCE ne fera donc jamais faillite et ne manquera jamais d’argent ». Et cela avait déjà été affirmé par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), « banque centrale des banques centrales » à Bâle (garantissant les réserves de change), indiquant qu’une banque centrale peut avoir des fonds propres négatifs à l’infini car ne pouvant pas faire faillite dans sa propre monnaie[9]. Il est tout à fait possible d’envisager un mécanisme de création monétaire ciblée pour des projets spécifiques (infrastructures, transition écologique, R&D et recherche fondamentale…), probablement non-inflationnistes d’un point de vue structurel (et à l’inverse inflationnistes si aucune transformation n’est menée comme la transition énergétique), sous la forme d’une monnaie libre de dette défendue par l’Institut Rousseau (voir la note de comptabilité sur ce sujet). Si l’article 123 du TFUE proscrit tout financement monétaire direct des États par la BCE, son alinéa 2 dispose que le financement des banques publiques est possible, et l’Institut Rousseau présente les arguments juridiques en ce sens dans cette note. L’on pourrait donc passer par la Banque européenne d’investissement, puis en France par Bpifrance. Autrement, un Green quantitative easing est également envisageable. Enfin, l’Institut Rousseau et Gaël Giraud, avec près de 150 économistes, ont proposé l’annulation de la part de la dette publique détenue au bilan de la BCE (un quart) suite aux opérations de quantitative easing pour redonner un espace fiscal aux États membres, la BCE encore une fois pouvant avoir des fonds propres négatifs – ou a minima, conditionner cette annulation à des investissements « verts » et productifs du même montant, sur le modèle du debt swap for nature bien connu des institutions internationales de développement. Les arguments juridiques pour ce faire ont été développés par l’Institut Rousseau. Cette opération semble plus que nécessaire pour les objectifs du rapport Draghi et du Green Deal européen vu les montants et le remboursement de l’emprunt commun NGEU qui commence dès 2028 avec 30 milliards d’euros par an. Quant au contre-argument de l’hypothétique « neutralité de marché » de la politique monétaire, l’on soulèvera juste qu’en réalité elle favorise jusqu’ici explicitement les projets fossiles, par exemple suite à 2008 avec les taux directeurs faibles voire nuls qui ont rendu de nouveaux rentables les projets d’exploitation du gaz de schiste au Kansas et au Texas[10], ou la part importantes d’actifs à forte intensité carbone détenus par les banques centrales suite aux programmes d’achats[11]. Face à de tels montants et de tels enjeux, l’inventivité financière et la mobilisation d’outils existants ou ayant déjà existés ne peuvent être éludées[12].

    3. Un risque de dumping réglementaire et de blocage de la transition écologique ?

    La Commission européenne se dotera-t-elle d’un « Vice-président à la simplification », comme le propose Mario Draghi ? En effet, une proposition discrète du rapport est à surveiller, dans le sixième et dernier groupe de propositions, « Renforcer la gouvernance » : celle de réduire ce que les auteurs considèrent comme un excès de réglementation européenne, dont sur la RSE, l’argument étant de s’adapter à la concurrence internationale, mais ce qui mènerait à un revirement massif quant à l’action écologique européenne. À ce sujet, Business Europe, fédération européenne des organisations patronales a salué cet appel à « la réduction des contraintes réglementaires pesant sur les entreprises »[13]. Cette proposition va dans le sens de la récente « Déclaration d’Anvers » de l’industrie européenne, qui en février dernier a appelé à un « nouvel esprit législatif », en particulier avec le souhait que le Green Deal voté par le Parlement européen ne soit pas décliné en un ensemble de réglementations contraignantes et prescriptives pour les entreprises. Or, l’un des quelques avantages du cadre européen est justement l’avance et la solidité de la réglementation de l’activité économique, pour la protection des consommateurs comme de l’environnement, comme l’a illustré la lutte de la Commissaire européenne à la concurrence Margareth Vestager contre les abus de position dominante des GAFAM. À l’inverse, les effets de rente massive des GAFAM et de la Silicon Valley, les enjeux éthiques et scandales des dernières années (e.g. Cambridge Analytica – Facebook), le rapport de prédation envers les données et informations personnelles, et la collusion par exemple entre des leaders de ces secteurs comme Elon Musk ou Peter Thiel et les mouvances réactionnaires illustrent le risque de techno-féodalisme[14] qu’encourent les États-Unis et bientôt tout l’Occident sans régulation publique adaptée.

    Si certaines régulations peuvent être analysées comme excessives et inadaptées, par exemple l’AI Act européen sur l’intelligence artificielle (qui protège tout de même des mécanismes type crédit social chinois ou de discrimination automatique des CV), et pouvant donc brider l’innovation, le rapport Draghi attaque pourtant un ensemble beaucoup plus vaste de réglementations, que ce soit le devoir de vigilance des entreprises[15], la récente taxonomie verte, le reporting extra-financier sur la durabilité environnementale des entreprises[16] et les obligations de transparence dans la finance dite « durable »[17], et même la législation européenne sur la gestion des déchets et le règlement sur les produits chimiques (REACH). Alors que la compétitivité ne peut passer par le dumping réglementaires (autrement, un même argumentaire justifierait dumping environnemental, social, fiscal…), le risque de blocage pur et simple de la transition écologique européenne est bien là. Notons qu’Ursula von der Leyen a suivi les recommandations du rapport Draghi en nommant ce mardi 17 septembre un commissaire européen qui, en plus d’avoir comme portefeuille l’économie et la productivité, a aussi l’implémentation et surtout la simplification.

    Conclusion

    L’appel du rapport Draghi à des politiques économiques, industrielles et de décarbonation actives, à une hausse de la productivité et avec les investissements nécessaires, ne peut être que bienvenu, et la nécessité d’une vraie stratégie industrielle et technologique n’est plus à démontrer, que ce soit à l’échelle nationale ou communautaire, pour garantir leur souveraineté et sécurité. Néanmoins, cela ne peut se faire au détriment d’autres défis environnementaux, ni par un dumping réglementaire, social, fiscal, écologique, qui mènerait à une course vers le bas entre puissances économiques, ni au détriment de la stabilité financière ou du système d’assurance sociale. De même, de tels défis requièrent une inventivité et un volontarisme fiscal, financier et monétaire à la hauteur, qui n’est aujourd’hui pas envisagé par les institutions européennes et qui rend les agents publics comme privés tributaires du bon vouloir des marchés financiers. Nous ne pouvons qu’espérer la redécouverte d’un concept pourtant historiquement ancré dans l’histoire de la Commission européenne, celui de la planification écologique[18], déjà évoquée de manière avant-gardiste dès 1972 par le (futur) président de la Commission européenne Sicco Mansholt dans sa fameuse lettre[19] éponyme, nous avertissant de la venue d’une économie de pénurie…

    [1] Rapport d’information sénatorial n° 208 (2021-2022) sur les Participations financières de l’État https://www.senat.fr/rap/r21-208/r21-208.html

    [2] Richardson, K., Steffen, W., Lucht, W., Bendtsen, J., Cornell, S.E., Donges, J.F., Drüke, M., Fetzer, I., Bala, G., von Bloh, W., Feulner, G., Fiedler, S., Gerten, D., Gleeson, T., Hofmann, M., Huiskamp, W., Kummu, M., Mohan, C., Nogués-Bravo, D., Petri, S., Porkka, M., Rahmstorf, S., Schaphoff, S., Thonicke, K., Tobian, A., Virkki, V., Weber, L. & Rockström, J. 2023. Earth beyond six of nine planetary boundaries. Science Advances 9, 37.

    [3] FAO (2021). The State of the World’s Land and Water Resources for Food and Agriculture.

    [4] Rüttinger, L. et al., (2015). A New Climate for Peace: Taking Action on Climate and Fragility Risks. Report of Climate Diplomacy for the G7.

    [5] Van Ginkel, K., Botzen, W., Haasnoot, M., Bachner, G., Steininger, K. W., Hinkel, J., Watkiss, P., Boere, E., Jeuken, A., De Murieta, E. S., & Bosello, F. (2020). “Climate Change Induced Socio-economic Tipping Points : Review and stakeholder consultation for policy relevant research.” Environmental Research Letters, 15(2), 023001.

    [6] Par rapport aux Common Equity Tiers 1 (CET 1) : les fonds propres sécurisés des banques.

    [7] van Treeck T. (2009), « The political economy debate on ‘financialization’ – a macroeconomic perspective », Review of International Political Economy.

    Lazonick W., (2014), « Profits without prosperity, Stock buybacks manipulate the market and leave most americans worse off », Harvard Business review.

    [8] Seo HJ, Kim HS, Kim YC. (2012), Financialization and the Slowdown in Korean Firms’ R&D Investment. Asian Econ Pap. 11(3):35–49.

    Lazonick W, Teece DJ. (2012) ; Management Innovation: Essays in the Spirit of Alfred Chandler D. Jr: Oxford University Press.

    Tori D, Onaran Ö. (2018), The effects of financialization on investment: evidence from firm-level data for the UK. Cambr J Econ. 42(5):1393–416.

    [9] BRI (2013). BIS Papers N° 71 : Central bank finances. Bank of International Settlements, April 2013, Basel.

    [10] Auzanneau (2021). Pétrole. Le déclin est proche. Editions du Seuil, Paris.

    [11] Why ClientEarth is suing the central bank of Belgium for climate failings, Communication of ClientEarth, 13 avril 2021. https://www.clientearth.org/latest/latest-updates/news/why-clientearth-is-suing-the-central-bank-of-belgium-for-climate-failings/

    [12] Notons de surcroît qu’il n’est pas fait référence à la fiscalité comme source de financement et mécanismes d’incitation et de redistribution des coûts et bénéfices, alors que des outils comme la taxe sur les transactions financières permettrait de lever des dizaines de milliards d’euros sans effet distorsif. Voir à ce sujet : Capelle-Blancard, G. (2023). « La taxation des transactions financières : une estimation des recettes fiscales mondiales. » Document de travail du Centre d’Economie de la Sorbonne n°2023.09R.

    [13]https://www.businesseurope.eu/publications/businesseurope-welcomes-draghi-report-and-calls-urgent-action-restore-eus-competitive

    [14] Voir Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique, Cédric Durand, Zones, Paris, 2020, et Technofeudalism: What Killed Capitalism, Yannis Varoufakis, 2023.

    [15] Le devoir de vigilance consiste en l’obligation pour l’entreprise de prendre en compte les risques induits par son activité et celle de ses filiales et sous-traitants dans les domaines sociaux, environnementaux et des droits humains. Cf. directive européenne 2024/1760 du 13 juin 2024, Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD).

    [16] Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, 2022/2464 CSRD.

    [17] Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR).

    [18] Durand, C., Hofferberth, E., and Schmelzer, M. (2023) Planning Beyond Growth the Case for Economic Democracy within Ecological Limits. https://ssrn.com/abstract=4457481

    [19] La Lettre Mansholt. 1972. Institut Veblen (2023).

    Publié le 23 septembre 2024

    Le rapport Draghi : un plan d’action ambigu

    Auteurs

    Camille Souffron
    Normalien en scolarité et travaille sur la modélisation macroéconomique, en particulier de la transition écologique. Il est enseignant d’économie à l’ESSEC et à Sorbonne Université, et est également étudiant en droit et théologie.

    Camille Souffron – Institut Rousseau & ENS Ulm

    12 septembre 2024

    Un « défi existentiel »pour l’Union européenne (UE), tels sont les termes donnés par l’ex-président de la banque centrale européenne (BCE) et ex-président du Conseil italien Mario Draghi lors de la remise de son rapport à la Commission européenne le lundi 9 septembre au sujet du décrochage économique européen devant les États-Unis et la Chine, en termes de productivité comme de compétitivité européenne. Intitulé « Le futur de la compétitivité européenne : une stratégie de compétitivité pour l’Europe », ce document de 170 propositions appelle à un électrochoc, en posant comme objectif le retour à la croissance et à la compétitivité européenne en misant notamment sur l’innovation, et aborde pour cela des enjeux comme le droit de la concurrence, la décarbonation, l’autonomie énergétique et en matériaux stratégiques du continent, ou bien encore le financement public et privé de ces projets.

    À première vue, on ne peut que saluer, dans un tel climat politique où le spectre pénitentiel de l’austérité budgétaire réapparaît, un rapport qui appelle à des investissements supplémentaires annuels de 750 à 800 milliards d’euros. De même, un discours public sur la nécessité d’une autonomie énergétique européenne avec une énergie décarbonée à bas coût, et sur la dépendance d’approvisionnement en matières premières et minerais stratégiques dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu, ne peut être que bienvenu.

    Néanmoins, sa lecture révèle l’essoufflement d’un paradigme et plusieurs contradictions : la volonté de concilier décarbonation et croissance économique avec comme objectif la compétitivité au détriment des autres limites planétaires ; l’écart entre les investissements vus comme nécessaires et les mécanismes de financement proposés en passant à côté des mécanismes de financement budgétaires mais aussi monétaires possibles et en proposant une financiarisation accrue de l’économie, une retraite par capitalisation et des mesures qui laisseraient penser que la crise financière de 2008 n’a pas existé ; et la remise en cause des réglementations et démarches déjà entreprises aux niveaux européens comme le Green Deal. En deux mots : telles sont les contradictions lorsque l’on veut s’extraire de politiques libérales sans modifier la structure macroéconomique. Voici nos trois points d’analyse de ce rapport.

    1. La nécessité d’une Union européenne stratège, sans opposer le retour de vraies politiques industrielles et une transition écologique complète

    Ce rapport cherche le retour de la productivité et de la compétitivité, pour un objectif de croissance économique. L’élément le plus intéressant est sans doute son plaidoyer pour le retour d’une vraie politique industrielle et technologique, dénonçant « l’absence d’une stratégie industrielle équivalente à celle des autres grandes puissances », et ciblant dix secteurs, à savoir l’énergie, les matériaux critiques, le numérique et les nouvelles technologies, les industries intensives en énergie, les technologies « vertes », l’automobile, la défense, le spatial, l’industrie pharmaceutique et les transports, en proposant des politiques transversales (innovation, concurrence et compétitivité, compétences, décarbonation, financement, gouvernance). Or, l’Union européenne comme la France se distinguent par l’absence de doctrine sur les secteurs stratégiques, et de définition claire de ceux-ci (voir la note Institut Rousseau de Nathan Sperber « Ce qui doit échapper à la logique de la mondialisation. Quelle méthode pour identifier les secteurs stratégiques de l’économie ? »). Cette absence de vision dans le cas de la France a mené à la cession d’Alstom Energie à General Electric en 2014, à la cession de la branche ferroviaire rentable de Thalès forcé par l’État qui y possède une action spécifique, à une gestion dénoncée par le Sénat des participations de l’État comme pure source de dividende[1], à la création d’un « Haut-Commissariat au plan » sans administration propre, et aujourd’hui à la décoordination et à l’opacité du plan France 2030, finançant avant tout des start-up et « licornes » sans conditionnalité ni contrôle des entrées étrangères au capital une fois des brevets développés. Cette absence à l’échelle européenne s’est faite ressentir lors du COVID 19 avec l’effondrement des chaînes d’approvisionnement et l’échec de l’essai clinique Discovery, et présentement avec la dépendance énergétique, ou encore l’inexistence d’infrastructure numérique continentale.

    Ainsi le rapport appelle par exemple à « élaborer un plan d’action industriel pour le secteur automobile, afin d’éviter la délocalisation radicale de la production en dehors de l’Union ou le rachat rapide d’usines et d’entreprises européennes par des producteurs étrangers bénéficiant de subventions publiques », idem sur le numérique. Il aborde également la question de la propriété intellectuelle et de la nécessité d’une stratégie de protection des brevets européens. Il défend de plus le développement, au-delà du marché commun, d’une stratégie économique extérieure pour permettre l’autonomie et le contrôle des chaînes d’approvisionnement, par exemple pour les supraconducteurs, cela afin d’assurer la sécurité du continent en termes de ressources critiques. Il recommande l’expansion de l’initiative Global Gateway, lancée fin 2021 par la Commission comme contre-projet face aux nouvelles routes de la soie chinoises, sur les questions numériques, énergétiques, sanitaires, et propose la création d’un commissaire européen à l’industrie de la défense, doté d’une autorité européenne. Enfin, il appelle au développement d’institutions universitaires européennes de pointe et à la mutualisation de la R&D publique.

    Reste la question de l’échelle. Le rapport propose la création d’un « cadre de coordination de la compétitivité » dont les priorités seraient formulées et adoptées par le Conseil européen. Se pose la question de la souveraineté nationale dans sa capacité à choisir ses priorités stratégiques et ses politiques de compétitivité. Le document propose notamment de généraliser le vote par majorité qualifiée en remplacement de l’unanimité pour les décisions du Conseil, supprimant de fait le droit de véto des États membres mais pouvant permettre de débloquer des projets comme la Taxe sur les transactions financières (TTF). Par ailleurs, relevons la proposition de renforcer la coopération entre États sur des projets spécifiques pour contourner les situations de blocage où un vote requiert l’unanimité ou la majorité qualifiée des États membres. Le document appelle ainsi à “explorer toutes les possibilités permises par les traités” européens, et notamment d’user des articles 20 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et 329 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui permettent la coopération renforcée entre au minimum neuf États membres si les objectifs recherchés « ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble » (art. 20-2 TUE). Cela peut être une opportunité pour la France et l’Europe « du Sud » de contourner le blocage des « faucons » austéritaires lors de grands projets.

    Cependant, les problèmes autour du paradigme du rapport apparaissent particulièrement sur la question écologique. Le seul enjeu environnemental soulevé est celui de la décarbonation, justifié par l’impératif de compétitivité et de croissance (réduction du prix de l’énergie pour les entreprises, etc.), même si une hausse de la productivité peut également permettre une réduction de la consommation de ressources – sous couvert d’absence d’effet rebond. Tout en appelant à des investissements massifs pour le problème climatique et en faisant des propositions pertinentes comme l’intégration transfrontalière des transports ou le découplage du prix du gaz naturel de celui des énergies vertes, le rapport passe néanmoins à côté des autres limites planétaires – usage des sols, eau douce, biodiversité, pollution… – alors que désormais six sur neuf sont dépassées et qu’elles nécessitent une approche intégrée pour éviter que les actions de préservation du climat et de transition énergétique ne nuisent aux autres limites (Richardson et al., 2023)[2]. Le risque ici étant, pour concilier neutralité carbone et objectif de croissance économique comme telos, de négliger les autres limites planétaires et défis écologiques. Au-delà des enjeux de croissance, la transgression desdites limites aura (et a déjà) des répercussions très importantes sur l’Europe, que ce soit en termes de sécurité alimentaire avec une dépendance accrue à l’égard des importations de denrées[3], de sécurité énergétique, sanitaire et hydrique, et même de stabilité socio-économique[4], [5]. Le risque est donc une régression par rapport à l’ambitieux Green Deal européen voté par le Parlement européen en janvier 2020 et qui au-delà de la neutralité carbone, vise « une croissance économique découplée de l’utilisation des ressources » et une transition qui « n’abandonne aucune personne ni aucun lieu ». Les propositions de suppression de réglementations environnementales européennes (voir Partie 3 infra) ne peuvent que confirmer cette crainte.

    2. Drainage de l’épargne, financiarisation et risques systémiques, ou bien création monétaire ciblée ?

    Concernant les investissements nécessaires pour de telles transformations économiques et énergétiques, le rapport est clair sur les montants mais ambigu quant aux stratégies de financement, se reposant grandement sur les marchés financiers. En effet, 750 à 800 milliards d’euros d’investissements supplémentaires annuels sont réclamés, soit 4,4 % à 4,7 % du PIB de l’UE, avec en conséquence prédite des gains de productivité de 6 % sur 15 ans – quand l’Institut Rousseau, dans son rapport « Road to Net Zero » (2024), avait calculé, pour la pure décarbonation en se fixant pour objectif de ne pas dépasser 2°C de réchauffement, le besoin d’investissements supplémentaires de 2,3 % du PIB de l’UE par an, et d’une hausse des dépenses publiques de 250 à 510 milliards d’euros par an afin de catalyser l’investissement privé. Le rapport Draghi cherche à répondre au faible taux d’investissement en Europe, et au décrochage face aux États-Unis depuis la crise de 2008, aussi bien en termes d’investissements privés que publics, avant tout par le développement de la finance privée i.e. de l’union des marchés de capitaux (UMC), dans la continuité du marché commun des biens et services, sujet cher à Mario Draghi qui avait déjà avancé que « le principal moyen de rassembler les fonds nécessaires passera par l’approfondissement de nos marchés de capital-risque, d’actions et d’obligations » car considérant que le coût du capital est trop élevé en Europe et les marchés financiers pas assez intégrés. Le constat d’une très importante épargne européenne sous-utilisée pour financer de grands projets – à l’inverse de l’époque du Circuit du Trésor de Bloch-Lainé et de la « répression financière » consistant à forcer les banques à prêter à l’État l’épargne dormante pour financer de grands projets – est tout à fait valide, mais les propositions sont ambivalentes car risquent de renforcer la financiarisation de l’économie européenne (par ailleurs une des sources du sous-investissement), et font l’impasse sur d’autres modes de financement. De même, le rapport présente la retraite par capitalisation avec exonération d’impôt comme meilleur système de drainage de l’épargne, en prenant pour exemple les Pays-Bas, le Danemark et la Suède. Au-delà des distorsions possibles liées à l’exemption d’impôt pour les plus favorisés, une part de retraite complémentaire par capitalisation orientée vers des projets productifs peut être explorée, avec toutes les garanties nécessaires de sélection de projet pour ne pas menacer le capital des épargnants, mais ne doit devenir un argument ou prétexte pour supprimer l’assurance-sociale fondée sur la solidarité nationale, ce qui peut devenir l’objectif ou a minima nous placer sur une pente glissante. De même, le devoir fiduciaire pose déjà des problèmes aux fonds de pension pour investir dans l’innovation technologique et la transition écologique, par exemple avec la loi ERISA (Employee Retirement Income Security Act) aux États-Unis.

    Le rapport est de plus ambigu car si certaines propositions permettraient, en plus de développer l’UMC, de renforcer la stabilité des marchés financiers européens, d’autres auront l’effet inverse. Celles pouvant renforcer la stabilité financière sont la création dans une logique d’harmonisation d’un régulateur européen unique et d’un règlement unique des marchés financiers qui manquent aujourd’hui à l’UE en réformant l’ESMA (l’autorité européenne des marchés financiers), à l’image de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine créée en 1934 suite au krach de 1929. Encore à l’image des États-Unis, la création et centralisation d’un seul dépositaire central (Central Securities Depository, CSD) et d’une seule chambre de compensation avec contrepartie centrale (CCCC). Les CSD accueillent les titres et valeurs mobilières lors d’une transaction sur un marché, et les chambres de compensation garantissent le livrement des titres et le paiement de la transaction entre les deux agents de ladite transaction. Ces dernières sont vitales car elles évitent les défaillances en chaîne en cas de défaillance d’une des parties, et donc les effets domino. Elles financent leur montant « airbag » par de légers prélèvements sur chaque transaction, les fameux « appels de marge » (margin calls). Or, juste après la crise de 2008, la directive européenne EMIR a provoqué leur privatisation, ce qui les a poussés à, pour attirer les clients, réduire leurs appels de marge du fait de la concurrence… Jusqu’à ne plus vraiment pouvoir financer cet « airbag » qui est pourtant leur raison d’être – l’on notera la pertinence temporelle de cette mesure juste après 2008. Aujourd’hui, il y a plus de 20 CSD et chambres de compensation rien que pour le marché action en Europe. La fusion de ces chambres en une unique et surtout publique (son statut reste flou dans le rapport Draghi) permettrait un contrôle et une vraie garantie des transactions, remplissant les objectifs prudentiels d’origine.

    À l’inverse, d’autres mesures laisseraient presque penser que Mario Draghi considère la crise de 2008 comme n’ayant pas existé : en effet, ces mesures risquent clairement d’augmenter l’instabilité financière et le risque de crise, ce qui dans un tel climat est particulièrement discutable, d’autant plus de la part d’un ancien banquier central ayant eu parmi ses missions les objectifs prudentiels. Ainsi, pour renforcer les capacités de financement des banques européennes et les rendre « compétitives », le rapport remet en cause la pertinence des accords de Bâle III, mis en place à la suite de la crise de 2008, allant des ratios de liquidité et d’effets de levier aux mécanismes contracycliques et à la redéfinition des fonds propres réglementaires. Il remet également en cause la directive Solvabilité II, qui concerne les fonds propres et ratios de solvabilité des assureurs et réassureurs, et qui pourrait menacer le capital des épargnants dans la partie retraite complémentaire par capitalisation. Au-delà de la conjoncture financière fragile actuelle, les risques financiers sont et seront amplifiés par la crise écologique et également par la transition. Le rapport « Actifs fossiles, les nouveaux subprimes ? » co-porté par l’Institut Rousseau (2021) a ainsi montré que les 11 principales banques de la Zone euro cumulent un stock de plus de 530 milliards d’euros d’actifs liés aux énergies fossiles, soit 95 % du total de leurs fonds propres[6], ce qui freine la transition écologique car ce faisant ces actifs deviendraient échoués (ou stranded), donc à valeur nulle, mais qui fait courir le risque de crise systémique en cas de transition également. Et cela n’est que la face émergée de l’iceberg de tous les secteurs qui nécessiteront une transition (automobile, pétrochimie, aéronautique, etc.), avec le risque d’effet « boule de neige ». Quant à l’aspect assurantiel, Munich Re et Swiss Re, les deux principaux réassureurs mondiaux, se sont désengagés des risques climatiques liés aux événements extrêmes, considérant qu’ils ne sont plus réassurables. De telles propositions sont donc fort étonnantes.

    Enfin, le rapport déplore un budget de l’UE beaucoup trop faible – 1% du PIB de l’UE -, « bureaucrate » dans son allocation, et trop fragmenté en 50 programmes. Il recommande une priorisation des secteurs stratégiques, une simplification du processus, le développement et la généralisation de la garantie européenne notamment pour les prêts, le financement mixte coordonné public-privé et l’intervention active de la Banque européenne d’investissement (BEI) pour les projets de long terme ne pouvant reposer uniquement sur les marchés financiers, la mise à l’échelle d’entreprises, et le financement de projets risqués avec un capital-risque élevé. De même, pour faciliter le financement et les investissements publics, il recommande l’usage de l’emprunt commun aux États membres pour des projets collectifs et ciblés (e.g. infrastructures, spatial, recherche etc.), permettant de réduire le taux sur leur dette publique à l’image du programme Next Generation EU (NGEU), l’emprunt commun en réponse au COVID 19.

    Ces recommandations sont pertinentes, mais elles laissent un angle mort absolument central : l’enjeu des politiques monétaires, et plus spécifiquement de la création monétaire ciblée par la BCE. En effet, le recours massif à la finance privée garde ses limites : instabilité financière, devoir fiduciaire, problème du capital-risque pour les projets incertains ou à économies d’échelle et coûts fixes importants, absence de green premium pour les projets verts souvent peu rentables et risqués, risque de financiarisation accrue de l’économie menant à des choix stratégiques de court terme maximisant les dividendes et la valorisation actionnariales au détriment de l’activité productive et de l’investissement[7], notamment en R&D[8], etc. De même, l’endettement public devient de plus en plus contraint, que ce soit par le cadre européen même avec le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) ou bien les attaques de spread des marchés financiers sur la dette publique, touchant désormais même les pays du Nord et les gouvernements conservateurs comme le Royaume-Uni de Liz Truss et les rendant tributaires du bon vouloir des marchés.

    Or, une autre solution est possible, et Mario Draghi, en tant qu’ancien président de la BCE, la connait : la création monétaire. Preuve en est, sa conférence de presse BCE du 9 janvier 2014 durant laquelle un journaliste lui pose la question suivante : « la BCE peut-elle un jour être à court de monnaie ? ». La réponse, captée en vidéo, est éloquente : long silence, rires gênés, et phrase laconique « Techniquement, non. Nous ne pouvons pas manquer de monnaie. Nous disposons de ressources suffisantes pour faire face à toutes les situations d’urgence ». Ce qui a été confirmé par sa successeur Christine Lagarde le 19 décembre 2020 lors du Dialogue monétaire : « l’Eurosystème sera toujours en mesure de générer des liquidités supplémentaires en cas de besoin. Par définition, la BCE ne fera donc jamais faillite et ne manquera jamais d’argent ». Et cela avait déjà été affirmé par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), « banque centrale des banques centrales » à Bâle (garantissant les réserves de change), indiquant qu’une banque centrale peut avoir des fonds propres négatifs à l’infini car ne pouvant pas faire faillite dans sa propre monnaie[9]. Il est tout à fait possible d’envisager un mécanisme de création monétaire ciblée pour des projets spécifiques (infrastructures, transition écologique, R&D et recherche fondamentale…), probablement non-inflationnistes d’un point de vue structurel (et à l’inverse inflationnistes si aucune transformation n’est menée comme la transition énergétique), sous la forme d’une monnaie libre de dette défendue par l’Institut Rousseau (voir la note de comptabilité sur ce sujet). Si l’article 123 du TFUE proscrit tout financement monétaire direct des États par la BCE, son alinéa 2 dispose que le financement des banques publiques est possible, et l’Institut Rousseau présente les arguments juridiques en ce sens dans cette note. L’on pourrait donc passer par la Banque européenne d’investissement, puis en France par Bpifrance. Autrement, un Green quantitative easing est également envisageable. Enfin, l’Institut Rousseau et Gaël Giraud, avec près de 150 économistes, ont proposé l’annulation de la part de la dette publique détenue au bilan de la BCE (un quart) suite aux opérations de quantitative easing pour redonner un espace fiscal aux États membres, la BCE encore une fois pouvant avoir des fonds propres négatifs – ou a minima, conditionner cette annulation à des investissements « verts » et productifs du même montant, sur le modèle du debt swap for nature bien connu des institutions internationales de développement. Les arguments juridiques pour ce faire ont été développés par l’Institut Rousseau. Cette opération semble plus que nécessaire pour les objectifs du rapport Draghi et du Green Deal européen vu les montants et le remboursement de l’emprunt commun NGEU qui commence dès 2028 avec 30 milliards d’euros par an. Quant au contre-argument de l’hypothétique « neutralité de marché » de la politique monétaire, l’on soulèvera juste qu’en réalité elle favorise jusqu’ici explicitement les projets fossiles, par exemple suite à 2008 avec les taux directeurs faibles voire nuls qui ont rendu de nouveaux rentables les projets d’exploitation du gaz de schiste au Kansas et au Texas[10], ou la part importantes d’actifs à forte intensité carbone détenus par les banques centrales suite aux programmes d’achats[11]. Face à de tels montants et de tels enjeux, l’inventivité financière et la mobilisation d’outils existants ou ayant déjà existés ne peuvent être éludées[12].

    3. Un risque de dumping réglementaire et de blocage de la transition écologique ?

    La Commission européenne se dotera-t-elle d’un « Vice-président à la simplification », comme le propose Mario Draghi ? En effet, une proposition discrète du rapport est à surveiller, dans le sixième et dernier groupe de propositions, « Renforcer la gouvernance » : celle de réduire ce que les auteurs considèrent comme un excès de réglementation européenne, dont sur la RSE, l’argument étant de s’adapter à la concurrence internationale, mais ce qui mènerait à un revirement massif quant à l’action écologique européenne. À ce sujet, Business Europe, fédération européenne des organisations patronales a salué cet appel à « la réduction des contraintes réglementaires pesant sur les entreprises »[13]. Cette proposition va dans le sens de la récente « Déclaration d’Anvers » de l’industrie européenne, qui en février dernier a appelé à un « nouvel esprit législatif », en particulier avec le souhait que le Green Deal voté par le Parlement européen ne soit pas décliné en un ensemble de réglementations contraignantes et prescriptives pour les entreprises. Or, l’un des quelques avantages du cadre européen est justement l’avance et la solidité de la réglementation de l’activité économique, pour la protection des consommateurs comme de l’environnement, comme l’a illustré la lutte de la Commissaire européenne à la concurrence Margareth Vestager contre les abus de position dominante des GAFAM. À l’inverse, les effets de rente massive des GAFAM et de la Silicon Valley, les enjeux éthiques et scandales des dernières années (e.g. Cambridge Analytica – Facebook), le rapport de prédation envers les données et informations personnelles, et la collusion par exemple entre des leaders de ces secteurs comme Elon Musk ou Peter Thiel et les mouvances réactionnaires illustrent le risque de techno-féodalisme[14] qu’encourent les États-Unis et bientôt tout l’Occident sans régulation publique adaptée.

    Si certaines régulations peuvent être analysées comme excessives et inadaptées, par exemple l’AI Act européen sur l’intelligence artificielle (qui protège tout de même des mécanismes type crédit social chinois ou de discrimination automatique des CV), et pouvant donc brider l’innovation, le rapport Draghi attaque pourtant un ensemble beaucoup plus vaste de réglementations, que ce soit le devoir de vigilance des entreprises[15], la récente taxonomie verte, le reporting extra-financier sur la durabilité environnementale des entreprises[16] et les obligations de transparence dans la finance dite « durable »[17], et même la législation européenne sur la gestion des déchets et le règlement sur les produits chimiques (REACH). Alors que la compétitivité ne peut passer par le dumping réglementaires (autrement, un même argumentaire justifierait dumping environnemental, social, fiscal…), le risque de blocage pur et simple de la transition écologique européenne est bien là. Notons qu’Ursula von der Leyen a suivi les recommandations du rapport Draghi en nommant ce mardi 17 septembre un commissaire européen qui, en plus d’avoir comme portefeuille l’économie et la productivité, a aussi l’implémentation et surtout la simplification.

    Conclusion

    L’appel du rapport Draghi à des politiques économiques, industrielles et de décarbonation actives, à une hausse de la productivité et avec les investissements nécessaires, ne peut être que bienvenu, et la nécessité d’une vraie stratégie industrielle et technologique n’est plus à démontrer, que ce soit à l’échelle nationale ou communautaire, pour garantir leur souveraineté et sécurité. Néanmoins, cela ne peut se faire au détriment d’autres défis environnementaux, ni par un dumping réglementaire, social, fiscal, écologique, qui mènerait à une course vers le bas entre puissances économiques, ni au détriment de la stabilité financière ou du système d’assurance sociale. De même, de tels défis requièrent une inventivité et un volontarisme fiscal, financier et monétaire à la hauteur, qui n’est aujourd’hui pas envisagé par les institutions européennes et qui rend les agents publics comme privés tributaires du bon vouloir des marchés financiers. Nous ne pouvons qu’espérer la redécouverte d’un concept pourtant historiquement ancré dans l’histoire de la Commission européenne, celui de la planification écologique[18], déjà évoquée de manière avant-gardiste dès 1972 par le (futur) président de la Commission européenne Sicco Mansholt dans sa fameuse lettre[19] éponyme, nous avertissant de la venue d’une économie de pénurie…

    [1] Rapport d’information sénatorial n° 208 (2021-2022) sur les Participations financières de l’État https://www.senat.fr/rap/r21-208/r21-208.html

    [2] Richardson, K., Steffen, W., Lucht, W., Bendtsen, J., Cornell, S.E., Donges, J.F., Drüke, M., Fetzer, I., Bala, G., von Bloh, W., Feulner, G., Fiedler, S., Gerten, D., Gleeson, T., Hofmann, M., Huiskamp, W., Kummu, M., Mohan, C., Nogués-Bravo, D., Petri, S., Porkka, M., Rahmstorf, S., Schaphoff, S., Thonicke, K., Tobian, A., Virkki, V., Weber, L. & Rockström, J. 2023. Earth beyond six of nine planetary boundaries. Science Advances 9, 37.

    [3] FAO (2021). The State of the World’s Land and Water Resources for Food and Agriculture.

    [4] Rüttinger, L. et al., (2015). A New Climate for Peace: Taking Action on Climate and Fragility Risks. Report of Climate Diplomacy for the G7.

    [5] Van Ginkel, K., Botzen, W., Haasnoot, M., Bachner, G., Steininger, K. W., Hinkel, J., Watkiss, P., Boere, E., Jeuken, A., De Murieta, E. S., & Bosello, F. (2020). “Climate Change Induced Socio-economic Tipping Points : Review and stakeholder consultation for policy relevant research.” Environmental Research Letters, 15(2), 023001.

    [6] Par rapport aux Common Equity Tiers 1 (CET 1) : les fonds propres sécurisés des banques.

    [7] van Treeck T. (2009), « The political economy debate on ‘financialization’ – a macroeconomic perspective », Review of International Political Economy.

    Lazonick W., (2014), « Profits without prosperity, Stock buybacks manipulate the market and leave most americans worse off », Harvard Business review.

    [8] Seo HJ, Kim HS, Kim YC. (2012), Financialization and the Slowdown in Korean Firms’ R&D Investment. Asian Econ Pap. 11(3):35–49.

    Lazonick W, Teece DJ. (2012) ; Management Innovation: Essays in the Spirit of Alfred Chandler D. Jr: Oxford University Press.

    Tori D, Onaran Ö. (2018), The effects of financialization on investment: evidence from firm-level data for the UK. Cambr J Econ. 42(5):1393–416.

    [9] BRI (2013). BIS Papers N° 71 : Central bank finances. Bank of International Settlements, April 2013, Basel.

    [10] Auzanneau (2021). Pétrole. Le déclin est proche. Editions du Seuil, Paris.

    [11] Why ClientEarth is suing the central bank of Belgium for climate failings, Communication of ClientEarth, 13 avril 2021. https://www.clientearth.org/latest/latest-updates/news/why-clientearth-is-suing-the-central-bank-of-belgium-for-climate-failings/

    [12] Notons de surcroît qu’il n’est pas fait référence à la fiscalité comme source de financement et mécanismes d’incitation et de redistribution des coûts et bénéfices, alors que des outils comme la taxe sur les transactions financières permettrait de lever des dizaines de milliards d’euros sans effet distorsif. Voir à ce sujet : Capelle-Blancard, G. (2023). « La taxation des transactions financières : une estimation des recettes fiscales mondiales. » Document de travail du Centre d’Economie de la Sorbonne n°2023.09R.

    [13]https://www.businesseurope.eu/publications/businesseurope-welcomes-draghi-report-and-calls-urgent-action-restore-eus-competitive

    [14] Voir Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique, Cédric Durand, Zones, Paris, 2020, et Technofeudalism: What Killed Capitalism, Yannis Varoufakis, 2023.

    [15] Le devoir de vigilance consiste en l’obligation pour l’entreprise de prendre en compte les risques induits par son activité et celle de ses filiales et sous-traitants dans les domaines sociaux, environnementaux et des droits humains. Cf. directive européenne 2024/1760 du 13 juin 2024, Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD).

    [16] Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, 2022/2464 CSRD.

    [17] Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR).

    [18] Durand, C., Hofferberth, E., and Schmelzer, M. (2023) Planning Beyond Growth the Case for Economic Democracy within Ecological Limits. https://ssrn.com/abstract=4457481

    [19] La Lettre Mansholt. 1972. Institut Veblen (2023).

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