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Le coronavirus se diffuse sur fond de destruction des écosystèmes

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Le coronavirus se diffuse sur fond de destruction des écosystèmes

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    Le coronavirus se diffuse sur fond de destruction des écosystèmes

    Auteurs

    La destruction des écosystèmes favorise la diffusion de virus jusqu’alors inconnus et augmente donc notre vulnérabilité face aux catastrophes sanitaires. La pandémie de Covid-19 doit nous faire comprendre que la lutte pour la préservation de l’environnement est aussi une lutte contre de futures pandémies.

    Le coronavirus rencontre probablement son patient zéro par l’entremise d’une espèce de chauve-souris, consommée près d’un marché aux animaux de Wuhan, en Chine continentale. D’autres chercheurs évoquent la piste du pangolin, petit mammifère cuirassé menacé de disparition, car chassé et revendu à prix d’or pour sa peau et sa viande. Quoi qu’il en soit, pour le Coronavirus comme pour Ebola il y a quelques années, le pathogène nous provient directement de la faune sauvage.

    Depuis 1945, des centaines de bactéries et de virus sont apparus ou réapparus dans des régions où ils n’avaient jamais été observés. SRAS, grippe aviaire, Ebola, Zika, VIH, coronavirus, etc., 60 % de ces pathogènes sont d’origine animale, et deux tiers de ces derniers proviennent d’animaux sauvages. Si les interactions entre les hommes et les microbes issus du milieu sauvage ont toujours existé, comment expliquer cette augmentation récente de la fréquence d’apparition des épidémies ?

    Comme l’explique Sonia Shah (Le Monde diplomatique, Contre les pandémies, l’écologie, mars 2020), la destruction méthodique de l’environnement par l’extractivisme forcené a provoqué un phénomène d’atomisation, d’archipélisation du monde sauvage. Les animaux n’ont d’autre choix que de déborder sur les milieux humains, car les humains s’installent partout. Conséquence logique : les chances pour qu’un virus, inoffensif pour son animal porteur, entre en contact avec un organisme humain augmentent.

    Une étude sur Ebola menée en 2017 a montré que les apparitions du virus, porté initialement par des chauves-souris, sont plus fréquentes dans les zones d’Afrique équatoriale ayant subi des déforestations récentes. En rasant leurs forêts, les chauves-souris sont poussées à aller se percher sur les arbres des jardins. Il suffit qu’un humain croque dans un fruit déjà mordu par une chauve-souris, et donc couvert de salive, ou se fasse mordre en tentant de la chasser, pour que le virus pénètre son organisme.

    Globalement, la destruction des habitats, qui représente la première cause de la sixième extinction de masse, dérégule la biodiversité. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sur les 82 954 espèces étudiées aujourd’hui, 23 928 sont menacées. Parmi elles, on compte : 13 % des oiseaux, 26 % des mammifères et 42 % des amphibiens. La disparition de la biomasse d’insectes est encore plus phénoménale puisqu’elle est 8 fois plus rapide que celle des autres espèces animales. En Europe occidentale, nous en aurions perdu 75 % en 30 ans. Or cette biodiversité de proies et de prédateurs empêche les porteurs de virus comme les moustiques ou les tiques de se multiplier. Selon une étude conduite dans 12 pays, les moustiques sont ainsi deux fois moins nombreux dans les zones boisées intactes que dans les zones déboisées (The Scientist, Deforestation tied to changes in disease dynamics, 29 janvier 2019).

    En somme, si l’on veut limiter le risque de propagation des pathogènes, il faut permettre à la nature de continuer à ériger des barrières biologiques. En termes de politiques publiques, cela passe avant tout par une transition agroécologique d’ampleur, faisant la part belle aux arbres, aux haies et à la guerre aux pesticides, principale cause de la disparition du vivant. Une note récente de l’Institut Rousseau explique d’ailleurs comment diminuer radicalement l’usage des pesticides en moins de 10 ans. De la même manière, la lutte contre la déforestation, nationale ou importée, doit être vigoureuse. Plus de 80 % de la déforestation sert aujourd’hui à étendre les exportations agricoles, notamment de viande. La puissance publique doit donc s’atteler, pour limiter le risque de pandémie, à combattre l’élevage industriel au profit d’un élevage local, intégré dans les cycles agroécologiques.

    Le changement climatique augmente également les risques sanitaires. En premier lieu, avec l’augmentation de la température, le cycle de l’eau est bouleversé : avec + 1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle, l’évaporation de l’eau est 7 % plus élevée que la normale. Il en résulte à la fois davantage de sécheresses et de pluies diluviennes. La combinaison des deux phénomènes entraîne un durcissement des sols et une stagnation plus longue des eaux, qui n’arrivent plus à pénétrer la terre. Des conditions idéales pour le développement du choléra par exemple, dont les bactéries remontent les cours d’eau depuis la mer. La prolifération des moustiques, qui se reproduisent dans l’eau stagnante, s’en trouve également renforcée. À titre d’exemple, les anophèles, une espèce de moustique originaire d’Égypte et principaux porteurs du paludisme, sont en pleine expansion vers nos latitudes, à cause du réchauffement climatique. Par conséquent, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le changement climatique entraînera 60 000 décès supplémentaires liés au paludisme chaque année entre 2030 et 2050, soit une augmentation de près de 15 % par rapport à aujourd’hui. Le moustique tigre, vecteur de plus de 20 virus dangereux, dont le Zika, le chikungunya, la dengue et fièvre jaune, n’est pas en reste. En 2050, 2,4 milliards d’individus seront à sa portée, dans son aire de répartition.

    La fonte du permafrost, dans le cercle arctique, pourrait également libérer des glaces de dangereux pathogènes oubliés, comme l’anthrax ou la grippe espagnole – qui avaient fait davantage de morts que la Première Guerre mondiale en 1918-1920, avec plus de 50 millions de victimes. La multiplication des événements extrêmes, comme les ouragans ou les inondations, affaiblit également les communautés humaines en détruisant les infrastructures et en désorganisant les chaînes d’approvisionnement. Les migrations climatiques, si elles sont aussi massives qu’annoncées par l’ONU – entre 250 millions et 1 milliard de réfugiés climatiques en 2050 – peuvent enfin faciliter la propagation de pathogènes.

    Pour toutes ces raisons, la lutte contre le changement climatique et la prévention des risques sanitaires vont de pair : la guerre contre le coronavirus ne doit pas faire oublier la guerre contre le changement climatique.

     

    Publié le 20 mars 2020

    Le coronavirus se diffuse sur fond de destruction des écosystèmes

    Auteurs

    Pierre Gilbert
    Diplômé de Sciences Po Grenoble, Pierre Gilbert est consultant en prospective climatique. Il est l'auteur de Géomimétisme, réguler le changement climatique grâce à la nature (2020, Les Petits Matins). Il est le co-fondateur de Sator, une plateforme francophone de cours en ligne dédiés à l’éveil citoyen sous tous ses aspects.

    La destruction des écosystèmes favorise la diffusion de virus jusqu’alors inconnus et augmente donc notre vulnérabilité face aux catastrophes sanitaires. La pandémie de Covid-19 doit nous faire comprendre que la lutte pour la préservation de l’environnement est aussi une lutte contre de futures pandémies.

    Le coronavirus rencontre probablement son patient zéro par l’entremise d’une espèce de chauve-souris, consommée près d’un marché aux animaux de Wuhan, en Chine continentale. D’autres chercheurs évoquent la piste du pangolin, petit mammifère cuirassé menacé de disparition, car chassé et revendu à prix d’or pour sa peau et sa viande. Quoi qu’il en soit, pour le Coronavirus comme pour Ebola il y a quelques années, le pathogène nous provient directement de la faune sauvage.

    Depuis 1945, des centaines de bactéries et de virus sont apparus ou réapparus dans des régions où ils n’avaient jamais été observés. SRAS, grippe aviaire, Ebola, Zika, VIH, coronavirus, etc., 60 % de ces pathogènes sont d’origine animale, et deux tiers de ces derniers proviennent d’animaux sauvages. Si les interactions entre les hommes et les microbes issus du milieu sauvage ont toujours existé, comment expliquer cette augmentation récente de la fréquence d’apparition des épidémies ?

    Comme l’explique Sonia Shah (Le Monde diplomatique, Contre les pandémies, l’écologie, mars 2020), la destruction méthodique de l’environnement par l’extractivisme forcené a provoqué un phénomène d’atomisation, d’archipélisation du monde sauvage. Les animaux n’ont d’autre choix que de déborder sur les milieux humains, car les humains s’installent partout. Conséquence logique : les chances pour qu’un virus, inoffensif pour son animal porteur, entre en contact avec un organisme humain augmentent.

    Une étude sur Ebola menée en 2017 a montré que les apparitions du virus, porté initialement par des chauves-souris, sont plus fréquentes dans les zones d’Afrique équatoriale ayant subi des déforestations récentes. En rasant leurs forêts, les chauves-souris sont poussées à aller se percher sur les arbres des jardins. Il suffit qu’un humain croque dans un fruit déjà mordu par une chauve-souris, et donc couvert de salive, ou se fasse mordre en tentant de la chasser, pour que le virus pénètre son organisme.

    Globalement, la destruction des habitats, qui représente la première cause de la sixième extinction de masse, dérégule la biodiversité. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), sur les 82 954 espèces étudiées aujourd’hui, 23 928 sont menacées. Parmi elles, on compte : 13 % des oiseaux, 26 % des mammifères et 42 % des amphibiens. La disparition de la biomasse d’insectes est encore plus phénoménale puisqu’elle est 8 fois plus rapide que celle des autres espèces animales. En Europe occidentale, nous en aurions perdu 75 % en 30 ans. Or cette biodiversité de proies et de prédateurs empêche les porteurs de virus comme les moustiques ou les tiques de se multiplier. Selon une étude conduite dans 12 pays, les moustiques sont ainsi deux fois moins nombreux dans les zones boisées intactes que dans les zones déboisées (The Scientist, Deforestation tied to changes in disease dynamics, 29 janvier 2019).

    En somme, si l’on veut limiter le risque de propagation des pathogènes, il faut permettre à la nature de continuer à ériger des barrières biologiques. En termes de politiques publiques, cela passe avant tout par une transition agroécologique d’ampleur, faisant la part belle aux arbres, aux haies et à la guerre aux pesticides, principale cause de la disparition du vivant. Une note récente de l’Institut Rousseau explique d’ailleurs comment diminuer radicalement l’usage des pesticides en moins de 10 ans. De la même manière, la lutte contre la déforestation, nationale ou importée, doit être vigoureuse. Plus de 80 % de la déforestation sert aujourd’hui à étendre les exportations agricoles, notamment de viande. La puissance publique doit donc s’atteler, pour limiter le risque de pandémie, à combattre l’élevage industriel au profit d’un élevage local, intégré dans les cycles agroécologiques.

    Le changement climatique augmente également les risques sanitaires. En premier lieu, avec l’augmentation de la température, le cycle de l’eau est bouleversé : avec + 1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle, l’évaporation de l’eau est 7 % plus élevée que la normale. Il en résulte à la fois davantage de sécheresses et de pluies diluviennes. La combinaison des deux phénomènes entraîne un durcissement des sols et une stagnation plus longue des eaux, qui n’arrivent plus à pénétrer la terre. Des conditions idéales pour le développement du choléra par exemple, dont les bactéries remontent les cours d’eau depuis la mer. La prolifération des moustiques, qui se reproduisent dans l’eau stagnante, s’en trouve également renforcée. À titre d’exemple, les anophèles, une espèce de moustique originaire d’Égypte et principaux porteurs du paludisme, sont en pleine expansion vers nos latitudes, à cause du réchauffement climatique. Par conséquent, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le changement climatique entraînera 60 000 décès supplémentaires liés au paludisme chaque année entre 2030 et 2050, soit une augmentation de près de 15 % par rapport à aujourd’hui. Le moustique tigre, vecteur de plus de 20 virus dangereux, dont le Zika, le chikungunya, la dengue et fièvre jaune, n’est pas en reste. En 2050, 2,4 milliards d’individus seront à sa portée, dans son aire de répartition.

    La fonte du permafrost, dans le cercle arctique, pourrait également libérer des glaces de dangereux pathogènes oubliés, comme l’anthrax ou la grippe espagnole – qui avaient fait davantage de morts que la Première Guerre mondiale en 1918-1920, avec plus de 50 millions de victimes. La multiplication des événements extrêmes, comme les ouragans ou les inondations, affaiblit également les communautés humaines en détruisant les infrastructures et en désorganisant les chaînes d’approvisionnement. Les migrations climatiques, si elles sont aussi massives qu’annoncées par l’ONU – entre 250 millions et 1 milliard de réfugiés climatiques en 2050 – peuvent enfin faciliter la propagation de pathogènes.

    Pour toutes ces raisons, la lutte contre le changement climatique et la prévention des risques sanitaires vont de pair : la guerre contre le coronavirus ne doit pas faire oublier la guerre contre le changement climatique.

     

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