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La séquence des élections législatives de 2024 : une démocratie de crise en crise

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      La séquence des élections législatives de 2024 : une démocratie de crise en crise

      La décision précipitée du Président Macron de recourir à des élections législatives – expresses ! – en réponse au désaveu de sa majorité à l’issue des élections européennes a plongé le pays dans une situation inédite. Pour la première fois sous la Ve République, et ce malgré le type de scrutin majoritaire pensé pour enrayer toute instabilité, le paysage politique à l’Assemblée nationale conduit à ce qu’aucun bloc politique (NFP, Ensemble, RN) ne puisse gouverner sans risquer la censure des deux autres. Le président de la République qui se présentait autrefois sous l’étiquette d’« En marche » pourrait bien avoir placé le pouvoir législatif à l’arrêt. Après des années passées sous l’ère Macron, à la conception verticale du pouvoir, le peuple français aspire à davantage de justice sociale, de pouvoir d’achat mais surtout une volonté de changement drastique dans la méthode de gouverner, voire un rejet du système. L’attitude du Président Macron ne fait qu’attiser ce qui a conduit à cette configuration politique : le manque de confiance des citoyens envers des représentants perçus comme impuissants et sourds à leurs revendications. Les Français ne parviennent plus à s’identifier à leurs institutions et la séquence post-législative a démultiplié cette méfiance en défiance.

      S’il est une majorité dont il faut faire état à l’issue des législatives, celle d’une volonté de rupture dans la façon de gouverner s’impose, dérivant d’un manque de légitimité ressenti par les citoyens. Pourtant, le Premier ministre Michel Barnier est issu des rangs du parti ayant recueilli à peine plus de 5% des suffrages et constitue l’archétype de l’ancien monde politique. Comment expliquer aux Français que le parti le moins fort à l’Assemblée se retrouve au cœur du pouvoir, avec le Premier ministre le plus âgé de toute l’histoire de la Ve République ?
      S’il est une majorité dont il faut faire état, c’est bien la rupture avec la politique jupitérienne conduite tant sur le fond que sur la forme, depuis 2017. Si le peuple a voté pour son effacement, le président de la République a opéré une résistance par sa lecture extensive de son rôle d’arbitre à travers la combinaison des articles de la Constitution pour s’arroger un rôle de sélectionneur voire de capitaine de la politique gouvernementale. Pourtant, le régime de la Ve République a ceci de particulier. Fondamentalement, la France demeure un régime parlementaire. La tendance semi-présidentielle ne vaut, en pratique, qu’en dehors des périodes de cohabitation. Dans cette dernière configuration, le Président n’est alors plus le chef de la majorité mais bien le chef de l’État. Le Président en période de concordance des majorités, décide de tout, mais n’est responsable politiquement de rien, d’autant plus lors d’un second mandat, celui-ci n’étant pas renouvelable. Pourtant désavoué par son absence de majorité, le Président Macron a souhaité peser de tout son poids dans le choix du Premier ministre, anticipant lui-même le jeu des coalitions, sans même laisser une chance à celle arrivée en tête, le NFP, de constituer un gouvernement.
      S’il est une majorité dont il faut faire état, indéniablement, celle du Front Républicain se place largement en tête. Et pourtant, c’est le RN, arrivé en troisième position qui dispose d’une place de choix. Et pour cause : le gouvernement choisi opère un virage à droite toutes, aux valeurs de repli, à la merci d’un RN sur lequel repose toute la stabilité gouvernementale. La nomination de Bruno Retailleau, incarnation du symbole de la droite dure au ministère de l’Intérieur en constitue une illustration, tout comme l’appel du Premier ministre à Marine Le Pen après la déclaration du ministre de l’Économie affichant son caractère Le-Peno incompatible. Au-delà l’ensemble du gouvernement reflète des choix audacieux et très conservateurs : Laurent Saint Martin, macroniste de la première heure, pourtant battu lors des élections législatives de 2022, se voit nommé au poste de ministre des Comptes publics ; Annie Genevard soutenant l’élevage intensif et les méthodes de chasse « dures » au ministère de l’Agriculture ; Olga Givernet, adepte du nucléaire en tant que ministre déléguée chargée de l’Énergie ; sans compter les nombreuses reconductions du gouvernement démissionnaire. Certains de ses membres ont voté contre la loi pour le mariage pour tous, contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, ou encore contre l’ouverture de la PMA.

      Aujourd’hui, ni le président de la République, ni le gouvernement ne paraissent assez solides pour susciter la confiance des Français. Le Premier ministre de ce gouvernement minoritaire, s’il est tenu de prononcer un discours de politique générale, n’est pas assujetti à une obligation s’agissant du vote de confiance. En outre, aucune dissolution ne pourra être prononcée avant un an après cet épisode électoral. Reste donc l’incertitude du jeu de la motion de censure, brouillé par un RN devant qui le nouveau gouvernement courbe l’échine, faisant obstruction au Front républicain. Or, la Ve République se fonde sur le peuple, conçu comme étant la source du pouvoir. Et n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, l’État de droit est sacré en tant que véritable corollaire de la sécurité juridique des citoyens, détenteurs de droits politiques actifs mais également de droits et libertés qui leur sont garanties, non soumis à l’effervescence de l’immédiateté, notamment aux fluctuations de majorités faibles et éphémères.

      Les crises conjoncturelles puisent leur source de crises plus profondes : elles ne sont que la version émergée de l’iceberg. La crise politique que nous traversons à l’issue des élections législatives de 2024 dérive d’une crise institutionnelle plus profondément ancrée. Le manque de confiance des citoyens envers leurs institutions ne relève plus de l’exception : il en est devenu le principe. Cette double méfiance à la fois des citoyens envers leurs représentants mais également des représentants envers le peuple souverain est devenu structurelle sous la Ve République. Alors que faire pour parvenir à ressusciter le sentiment d’adhésion et d’appartenance des français au contrat social ? L’un des chantiers consiste à moderniser les institutions et remettre le citoyen au cœur du pouvoir. L’Institut Rousseau a déjà œuvré en ce sens ! De façon synthétique, la fiche thématique sur « Intégrer le peuple dans les institutions et la vie politique »[1] dresse les grandes lignes des modalités d’association du citoyen au processus législatif. Plus substantiellement, la note de Benjamin Morel en faveur d’ « Une nouvelle République des citoyens »[2] fait état de 50 propositions pour renouveler la démocratie. Surtout, cette séquence est l’occasion de remettre au cœur du débat l’ouvrage publié par l’Institut Rousseau avec l’Observatoire de l’éthique publique : 70 propositions transversales pour « Réveiller la démocratie »[3] et insuffler de nouveaux paradigmes démocratiques dans tous les champs, qu’ils soient institutionnels, économiques, écologiques et sociaux. L’Institut Rousseau compte bien continuer d’être force de proposition et appelle de ses voeux le gouvernement à s’en emparer !

      [1] https://institut-rousseau.fr/integrer-le-peuple-dans-les-institutions-et-la-vie-politique/

      [2] https://institut-rousseau.fr/une-nouvelle-republique-des-citoyens/

      [3] https://institut-rousseau.fr/reveiller-la-democratie/

      Publié le 1 octobre 2024

      La séquence des élections législatives de 2024 : une démocratie de crise en crise

      Auteurs

      Beverley Toudic
      Doctorante en droit public à l’Université de Lille, Beverley Toudic est également vice-présidente de la Commission de la jeune recherche en droit constitutionnel. Ses thématiques de recherche s’attachent à l’étude des droits constitutionnel, électoral et parlementaire dans une perspective comparée à travers la dynamique de la chaîne de légitimation. Responsable des ressources humaines et des adhérents au sein de l’institut, elle est également en charge des études du pôle institutions.

      La décision précipitée du Président Macron de recourir à des élections législatives – expresses ! – en réponse au désaveu de sa majorité à l’issue des élections européennes a plongé le pays dans une situation inédite. Pour la première fois sous la Ve République, et ce malgré le type de scrutin majoritaire pensé pour enrayer toute instabilité, le paysage politique à l’Assemblée nationale conduit à ce qu’aucun bloc politique (NFP, Ensemble, RN) ne puisse gouverner sans risquer la censure des deux autres. Le président de la République qui se présentait autrefois sous l’étiquette d’« En marche » pourrait bien avoir placé le pouvoir législatif à l’arrêt. Après des années passées sous l’ère Macron, à la conception verticale du pouvoir, le peuple français aspire à davantage de justice sociale, de pouvoir d’achat mais surtout une volonté de changement drastique dans la méthode de gouverner, voire un rejet du système. L’attitude du Président Macron ne fait qu’attiser ce qui a conduit à cette configuration politique : le manque de confiance des citoyens envers des représentants perçus comme impuissants et sourds à leurs revendications. Les Français ne parviennent plus à s’identifier à leurs institutions et la séquence post-législative a démultiplié cette méfiance en défiance.

      S’il est une majorité dont il faut faire état à l’issue des législatives, celle d’une volonté de rupture dans la façon de gouverner s’impose, dérivant d’un manque de légitimité ressenti par les citoyens. Pourtant, le Premier ministre Michel Barnier est issu des rangs du parti ayant recueilli à peine plus de 5% des suffrages et constitue l’archétype de l’ancien monde politique. Comment expliquer aux Français que le parti le moins fort à l’Assemblée se retrouve au cœur du pouvoir, avec le Premier ministre le plus âgé de toute l’histoire de la Ve République ?
      S’il est une majorité dont il faut faire état, c’est bien la rupture avec la politique jupitérienne conduite tant sur le fond que sur la forme, depuis 2017. Si le peuple a voté pour son effacement, le président de la République a opéré une résistance par sa lecture extensive de son rôle d’arbitre à travers la combinaison des articles de la Constitution pour s’arroger un rôle de sélectionneur voire de capitaine de la politique gouvernementale. Pourtant, le régime de la Ve République a ceci de particulier. Fondamentalement, la France demeure un régime parlementaire. La tendance semi-présidentielle ne vaut, en pratique, qu’en dehors des périodes de cohabitation. Dans cette dernière configuration, le Président n’est alors plus le chef de la majorité mais bien le chef de l’État. Le Président en période de concordance des majorités, décide de tout, mais n’est responsable politiquement de rien, d’autant plus lors d’un second mandat, celui-ci n’étant pas renouvelable. Pourtant désavoué par son absence de majorité, le Président Macron a souhaité peser de tout son poids dans le choix du Premier ministre, anticipant lui-même le jeu des coalitions, sans même laisser une chance à celle arrivée en tête, le NFP, de constituer un gouvernement.
      S’il est une majorité dont il faut faire état, indéniablement, celle du Front Républicain se place largement en tête. Et pourtant, c’est le RN, arrivé en troisième position qui dispose d’une place de choix. Et pour cause : le gouvernement choisi opère un virage à droite toutes, aux valeurs de repli, à la merci d’un RN sur lequel repose toute la stabilité gouvernementale. La nomination de Bruno Retailleau, incarnation du symbole de la droite dure au ministère de l’Intérieur en constitue une illustration, tout comme l’appel du Premier ministre à Marine Le Pen après la déclaration du ministre de l’Économie affichant son caractère Le-Peno incompatible. Au-delà l’ensemble du gouvernement reflète des choix audacieux et très conservateurs : Laurent Saint Martin, macroniste de la première heure, pourtant battu lors des élections législatives de 2022, se voit nommé au poste de ministre des Comptes publics ; Annie Genevard soutenant l’élevage intensif et les méthodes de chasse « dures » au ministère de l’Agriculture ; Olga Givernet, adepte du nucléaire en tant que ministre déléguée chargée de l’Énergie ; sans compter les nombreuses reconductions du gouvernement démissionnaire. Certains de ses membres ont voté contre la loi pour le mariage pour tous, contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, ou encore contre l’ouverture de la PMA.

      Aujourd’hui, ni le président de la République, ni le gouvernement ne paraissent assez solides pour susciter la confiance des Français. Le Premier ministre de ce gouvernement minoritaire, s’il est tenu de prononcer un discours de politique générale, n’est pas assujetti à une obligation s’agissant du vote de confiance. En outre, aucune dissolution ne pourra être prononcée avant un an après cet épisode électoral. Reste donc l’incertitude du jeu de la motion de censure, brouillé par un RN devant qui le nouveau gouvernement courbe l’échine, faisant obstruction au Front républicain. Or, la Ve République se fonde sur le peuple, conçu comme étant la source du pouvoir. Et n’en déplaise au ministre de l’Intérieur, l’État de droit est sacré en tant que véritable corollaire de la sécurité juridique des citoyens, détenteurs de droits politiques actifs mais également de droits et libertés qui leur sont garanties, non soumis à l’effervescence de l’immédiateté, notamment aux fluctuations de majorités faibles et éphémères.

      Les crises conjoncturelles puisent leur source de crises plus profondes : elles ne sont que la version émergée de l’iceberg. La crise politique que nous traversons à l’issue des élections législatives de 2024 dérive d’une crise institutionnelle plus profondément ancrée. Le manque de confiance des citoyens envers leurs institutions ne relève plus de l’exception : il en est devenu le principe. Cette double méfiance à la fois des citoyens envers leurs représentants mais également des représentants envers le peuple souverain est devenu structurelle sous la Ve République. Alors que faire pour parvenir à ressusciter le sentiment d’adhésion et d’appartenance des français au contrat social ? L’un des chantiers consiste à moderniser les institutions et remettre le citoyen au cœur du pouvoir. L’Institut Rousseau a déjà œuvré en ce sens ! De façon synthétique, la fiche thématique sur « Intégrer le peuple dans les institutions et la vie politique »[1] dresse les grandes lignes des modalités d’association du citoyen au processus législatif. Plus substantiellement, la note de Benjamin Morel en faveur d’ « Une nouvelle République des citoyens »[2] fait état de 50 propositions pour renouveler la démocratie. Surtout, cette séquence est l’occasion de remettre au cœur du débat l’ouvrage publié par l’Institut Rousseau avec l’Observatoire de l’éthique publique : 70 propositions transversales pour « Réveiller la démocratie »[3] et insuffler de nouveaux paradigmes démocratiques dans tous les champs, qu’ils soient institutionnels, économiques, écologiques et sociaux. L’Institut Rousseau compte bien continuer d’être force de proposition et appelle de ses voeux le gouvernement à s’en emparer !

      [1] https://institut-rousseau.fr/integrer-le-peuple-dans-les-institutions-et-la-vie-politique/

      [2] https://institut-rousseau.fr/une-nouvelle-republique-des-citoyens/

      [3] https://institut-rousseau.fr/reveiller-la-democratie/

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