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Pablo Sylvain Rotelli

Sylvain Pablo Rotelli

Biographie

Enseignant en économie à l’université Montpellier 3.

Notes publiées

Réduire la vulnérabilité de notre économie aux aléas des marchés financiers

Bien que la crise du Coronavirus ne soit pas une crise d’origine financière, elle a révélé des fragilités profondes des marchés financiers et une interdépendance en grande partie non-désirable avec l’économie réelle. Celles-ci trouvent leur source dans la combinaison entre l’exposition élevée des agents financiers, l’interconnexion des marchés globaux, une sous-évaluation du risque, une politique monétaire qui alimente les bulles ou encore l’aléa moral des banques et des entreprises too big to fail. En 2007, les acteurs financiers avaient soudainement réévalué les risques inconsidérés qui avaient été pris sur le marché immobilier américain. Cette fois, le choc de la pandémie de COVID-19 est complètement exogène mais la réaction initiale des marchés a été brutale face à la réalisation que les économies allaient tourner au ralenti pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois et que nombre d’entreprises étaient dans une situation fragile. La chute concomitante des cours du pétrole à la suite des différends entre Russes et Saoudiens n’aide en rien. Fin mars 2020, l’indice Dow Jones avait effacé l’ensemble de ses gains depuis l’élection de Donald Trump. Les faillites d’entreprises se sont multipliées dès le début du mois de mars. La liquidité s’est tarie sur les marchés et pour les entreprises avec des trésoreries fragiles qui allaient restées longtemps fermées, la situation devenait inquiétante. Dans cette crise que nous traversons, la première réaction de la BCE et des États a été de soutenir l’économie et le système financier. Les intentions étaient louables : garantir le fonctionnement du système financier, soutenir les entreprises et les citoyens qui se retrouvaient sans activité ou en activité partielle. Toutefois on peut s’interroger sur la mise en œuvre et les modalités de ces soutiens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les marchés financiers n’ont pas retrouvé leurs niveaux de début d’année, mais ils ont fortement rebondi. Les plans de soutien des États européens et des États-Unis ainsi que l’action des banques centrales, qui se sont remises à acheter massivement des titres et à offrir de la liquidité sans limite sont les principales raisons de ce rebond. Alors que cette crise est loin d’être terminée, ce n’est pourtant pas l’éventuelle perspective d’une forte reprise économique qui a propulsé les marchés puisque les faillites ne font que débuter et que le chômage continue d’augmenter. L’impact pour les marchés est positif mais on peut s’interroger sur les résultats macroéconomiques des actions entreprises. Cette note se propose donc d’analyser les outils de gestion de crise et les mesures macroprudentielles que nous pouvons mettre en place en plus de celles qui existent déjà, puis de proposer des mesures microprudentielles, notamment sur la composition des bilans bancaires.   I. Permettre à la politique monétaire d’agir directement sur l’économie et prévenir les bulles   Il convient de permettre à la politique monétaire d’agir directement sur l’économie réelle. En effet, aujourd’hui la banque centrale compte sur les banques commerciales et les marchés financiers pour « relayer » ses décisions et in fine impacter l’économie réelle. Or depuis quelques années et l’apparition des technologies de registres distribués (distributed ledger) qui sous-tendent notamment les cryptomonnaies comme le Bitcoin, les banques centrales pourraient émettre directement des monnaies digitales, ce qui leur rendrait le contrôle non seulement sur la création monétaire mais aussi sur le système de paiement, aujourd’hui contrôlé par les banques commerciales. Un certain nombre d’études et de travaux plaident pour ces fameuses central bank digital currency (CBDC)[1]. Dans cette hypothèse, la banque centrale assurerait les fonctions d’une banque commerciale traditionnelle et devrait agir dans un environnement où elle serait en concurrence avec celles-ci (il va sans dire qu’une position de monopole n’est pas souhaitable). La banque centrale pourrait directement financer l’économie réelle et orienter le crédit, par exemple en faveur des enjeux climatiques. C’est pourquoi, une telle banque centrale devrait aussi faire l’objet d’un contrôle démocratique renforcé et d’une transparence exemplaire. Proposition n°1 : Permettre à la BCE d’émettre sa propre monnaie digitale pour agir directement sur l’économie et renforcer son contrôle démocratique. La prévention des bulles doit également être un objectif poursuivi par la banque centrale. Depuis une dizaine d’années, les liquidités injectées par les banques centrales dans le système financier mondial n’ont pas permis une reprise aussi forte qu’escomptée, et ce particulièrement en zone euro. Inonder les marchés de cash et offrir des prêts « gratuits » aux banques a certes évité une forte récession et eu, dans une certaine mesure, des effets bénéfiques sur l’investissement et l’emploi, mais elle a surtout contribué à la formation de bulles. La banque centrale américaine, la Fed et la Banque Centrale Européenne (BCE) sont souvent pointées du doigt ces dernières années comme étant à l’origine d’une bulle sur l’ensemble des marchés, financier comme non-financiers. Prenons l’exemple du marché immobilier. Selon un rapport du Secours Catholique, publié en 2018 en partenariat avec l’Institut Veblen et Finance Watch[2], plus de la moitié des crédits bancaires à destination des particuliers et des entreprises sont dirigés vers le secteur immobilier dans les dix-sept économies les plus avancées. De plus, une part conséquente de ces crédits ne commandent pas la construction de bâtiments neufs, ce qui correspondrait à une stimulation de la production, mais sont destinés à l’achat de logements déjà construits. Selon le même rapport, « lorsque la croissance du volume du crédit immobilier est plus importante que la construction de nouveaux logements, elle fait monter les prix de l’ancien et entraîne la formation de bulles ». Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, « la stabilité financière nécessite la mise en œuvre de politiques […] macroprudentielles (surveillance du crédit, des prix d’actifs sur les marchés boursiers, immobiliers…) qui impliquent les autorités de surveillance et les banques centrales et les obligent à coordonner leurs efforts […] La seule véritable parade contre le risque systémique résiderait dans une politique macroprudentielle qui surveillerait de près le cycle du crédit et celui des prix d’actifs »[3]. Très concrètement, la banque centrale, dont la fonction inclut également la mise en œuvre de politiques prudentielles, a à sa disposition un instrument de politique monétaire tout désigné : l’encadrement du crédit. Elle peut décider de limiter les

Par Rotelli S., Kuhanathan A.

12 mai 2020

Réduire la vulnérabilité de notre économie aux aléas des marchés financiers

Bien que la crise du Coronavirus ne soit pas une crise d’origine financière, elle a révélé des fragilités profondes des marchés financiers et une interdépendance en grande partie non-désirable avec l’économie réelle. Celles-ci trouvent leur source dans la combinaison entre l’exposition élevée des agents financiers, l’interconnexion des marchés globaux, une sous-évaluation du risque, une politique monétaire qui alimente les bulles ou encore l’aléa moral des banques et des entreprises too big to fail. En 2007, les acteurs financiers avaient soudainement réévalué les risques inconsidérés qui avaient été pris sur le marché immobilier américain. Cette fois, le choc de la pandémie de COVID-19 est complètement exogène mais la réaction initiale des marchés a été brutale face à la réalisation que les économies allaient tourner au ralenti pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois et que nombre d’entreprises étaient dans une situation fragile. La chute concomitante des cours du pétrole à la suite des différends entre Russes et Saoudiens n’aide en rien. Fin mars 2020, l’indice Dow Jones avait effacé l’ensemble de ses gains depuis l’élection de Donald Trump. Les faillites d’entreprises se sont multipliées dès le début du mois de mars. La liquidité s’est tarie sur les marchés et pour les entreprises avec des trésoreries fragiles qui allaient restées longtemps fermées, la situation devenait inquiétante. Dans cette crise que nous traversons, la première réaction de la BCE et des États a été de soutenir l’économie et le système financier. Les intentions étaient louables : garantir le fonctionnement du système financier, soutenir les entreprises et les citoyens qui se retrouvaient sans activité ou en activité partielle. Toutefois on peut s’interroger sur la mise en œuvre et les modalités de ces soutiens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les marchés financiers n’ont pas retrouvé leurs niveaux de début d’année, mais ils ont fortement rebondi. Les plans de soutien des États européens et des États-Unis ainsi que l’action des banques centrales, qui se sont remises à acheter massivement des titres et à offrir de la liquidité sans limite sont les principales raisons de ce rebond. Alors que cette crise est loin d’être terminée, ce n’est pourtant pas l’éventuelle perspective d’une forte reprise économique qui a propulsé les marchés puisque les faillites ne font que débuter et que le chômage continue d’augmenter. L’impact pour les marchés est positif mais on peut s’interroger sur les résultats macroéconomiques des actions entreprises. Cette note se propose donc d’analyser les outils de gestion de crise et les mesures macroprudentielles que nous pouvons mettre en place en plus de celles qui existent déjà, puis de proposer des mesures microprudentielles, notamment sur la composition des bilans bancaires.   I. Permettre à la politique monétaire d’agir directement sur l’économie et prévenir les bulles   Il convient de permettre à la politique monétaire d’agir directement sur l’économie réelle. En effet, aujourd’hui la banque centrale compte sur les banques commerciales et les marchés financiers pour « relayer » ses décisions et in fine impacter l’économie réelle. Or depuis quelques années et l’apparition des technologies de registres distribués (distributed ledger) qui sous-tendent notamment les cryptomonnaies comme le Bitcoin, les banques centrales pourraient émettre directement des monnaies digitales, ce qui leur rendrait le contrôle non seulement sur la création monétaire mais aussi sur le système de paiement, aujourd’hui contrôlé par les banques commerciales. Un certain nombre d’études et de travaux plaident pour ces fameuses central bank digital currency (CBDC)[1]. Dans cette hypothèse, la banque centrale assurerait les fonctions d’une banque commerciale traditionnelle et devrait agir dans un environnement où elle serait en concurrence avec celles-ci (il va sans dire qu’une position de monopole n’est pas souhaitable). La banque centrale pourrait directement financer l’économie réelle et orienter le crédit, par exemple en faveur des enjeux climatiques. C’est pourquoi, une telle banque centrale devrait aussi faire l’objet d’un contrôle démocratique renforcé et d’une transparence exemplaire. Proposition n°1 : Permettre à la BCE d’émettre sa propre monnaie digitale pour agir directement sur l’économie et renforcer son contrôle démocratique. La prévention des bulles doit également être un objectif poursuivi par la banque centrale. Depuis une dizaine d’années, les liquidités injectées par les banques centrales dans le système financier mondial n’ont pas permis une reprise aussi forte qu’escomptée, et ce particulièrement en zone euro. Inonder les marchés de cash et offrir des prêts « gratuits » aux banques a certes évité une forte récession et eu, dans une certaine mesure, des effets bénéfiques sur l’investissement et l’emploi, mais elle a surtout contribué à la formation de bulles. La banque centrale américaine, la Fed et la Banque Centrale Européenne (BCE) sont souvent pointées du doigt ces dernières années comme étant à l’origine d’une bulle sur l’ensemble des marchés, financier comme non-financiers. Prenons l’exemple du marché immobilier. Selon un rapport du Secours Catholique, publié en 2018 en partenariat avec l’Institut Veblen et Finance Watch[2], plus de la moitié des crédits bancaires à destination des particuliers et des entreprises sont dirigés vers le secteur immobilier dans les dix-sept économies les plus avancées. De plus, une part conséquente de ces crédits ne commandent pas la construction de bâtiments neufs, ce qui correspondrait à une stimulation de la production, mais sont destinés à l’achat de logements déjà construits. Selon le même rapport, « lorsque la croissance du volume du crédit immobilier est plus importante que la construction de nouveaux logements, elle fait monter les prix de l’ancien et entraîne la formation de bulles ». Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, « la stabilité financière nécessite la mise en œuvre de politiques […] macroprudentielles (surveillance du crédit, des prix d’actifs sur les marchés boursiers, immobiliers…) qui impliquent les autorités de surveillance et les banques centrales et les obligent à coordonner leurs efforts […] La seule véritable parade contre le risque systémique résiderait dans une politique macroprudentielle qui surveillerait de près le cycle du crédit et celui des prix d’actifs »[3]. Très concrètement, la banque centrale, dont la fonction inclut également la mise en œuvre de politiques prudentielles, a à sa disposition un instrument de politique monétaire tout désigné : l’encadrement du crédit. Elle peut décider de limiter les

Par Rotelli S., Kuhanathan A.

22 juin 2021

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